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38e CAHIER

1915: juin – septembre

Voici dix mois de guerre1) et neuf mois d'occupation. Rien n'avance, la ligne de front est toujours la même depuis le mois d'octobre. Dieu a ses desseins, il châtie l'Europe. Qui pourra retenir son bras? le Cœur de Jésus, la Vierge immaculée, la prière des saints, la conversion des peuples. Prions et faisons pénitence pour gagner le Cœur de Dieu.

Moïse priait Dieu pour son peuple. Dieu lui dit: «Je ferai ce que tu désires, parce que tu as obtenu grâce auprès de moi. J'aurai pitié quand je voudrai et je serai clément quand cela me plaira» (cf. Ex. 33,17-19). Seigneur, ayez pitié de la nation du S.-Cœur, de la nation 2 de Marie Immaculée et de la patrie de Jeanne d'Arc.

Je relis l'Ecclésiaste. C'est le livre du désenchantement de Salomon. Il nous montre la vanité des richesses, des hommes et des plaisirs, et il conclut que le tout de l'homme est de craindre Dieu et d'observer ses commandements.

Ch. 2. Pour acquérir la sagesse, j'ai renoncé à la volupté. J'ai choisi la prudence et la réflexion pour reconnaître ce qui est utile aux enfants des hommes et ce qu'ils doivent faire pendant leur vie pour trouver le véritable bonheur.

Ch. 3-11. Sur l'étude des sciences naturelles: Tout ce que Dieu a fait est bon et l'homme devrait s'élever des créatures au Créateur. Mais Dieu laisse l'homme s'agiter pour comprendre le tout des créatures et il n'y parviendra 3 jamais. Il n'y a rien de mieux pour l'homme que d'user des créatures avec modération et reconnaissance et de faire le bien pendant sa vie.

Ch. 4. Avantages de la vie commune: Il vaut mieux être deux ensem­ble que de vivre seul, car ils tirent avantage de leur société. Si l'un tom­be, l'autre le soutient. Si l'un est attaqué, l'autre le défend. Un triple cordon se rompt difficilement et l'on a peine à vaincre ceux qui sont bien unis (cf. Qoh. 4,9-12).

Ch. 5. Sur les voeux: Si vous avez fait un voeu à Dieu, ne différez point de vous en acquitter, car la promesse infidèle et imprudente lui déplait. Accomplissez tous les voeux que vous avez faits. Il vaut beau­coup mieux ne pas faire de voeux que d'en faire et de ne pas les accomplir. Ne dites 4 pas que vous avez agi sans réflexion. Votre bon ange a été témoin de vos promesses, et Dieu vous punira en rendant stérile votre travail (cf. Qoh. 5,3-5).

Ch. 7. Réflexions philosophiques: Une bonne renommée vaut mieux que des onguents précieux.

Il vaut mieux aller à une maison en deuil qu'à un festin joyeux. Là on est averti de la fin de tous les hommes et l'on pense à ce qu'il fau­dra faire pour se préparer à la mort (cf. Qoh. 7,1-2).

Ch. 9. La mort: L'homme le plus habile ignore quel sera le jour de sa mort: comme les oiseaux sont pris au filet et les poissons à l'hameçon, ainsi les hommes se trouvent surpris par l'adversité ou par la mort, quand elle fond sur eux sans qu'ils s'y attendent (cf. Qoh. 9,12). 5

Ch. 10. Quelques mouches tombant et mourant dans un parfum le gâtent; ainsi quelques imprudences gâtent une vie honorable (cf. Qoh. 10,1).

Le sage a le cœur dans la main droite et le sot le tient dans la main gauche: c'est-à-dire que le sage surveille ses pensées, ses intentions et ses actions (cf. Qoh. 10,2).

Règles de gouvernement: C'est un mal qui semble venir plutôt de l'erreur que de la malice du prince, d'élever des incapables à de hau­tes dignités et de laisser les sages dans les postes inférieurs. C'est ainsi qu'on voit des hommes à l'âme servile aller à cheval comme des prin­ces, et des hommes à l'âme noble et grande délaissés dans des emplois serviles (cf. Qoh. 10,5-7).

Le sage stigmatise ici nos 6 démocraties outrées et précipitées qui ont horreur de toute noblesse et de toute tradition, et qui exaltent les prétentieux incapables, sans éducation et sans moeurs.

Heureuse la nation dont le roi a des pensées nobles et graves avec des habitudes de travail et de tempérance (cf. Qoh. 10,17).

Ne critiquons pas nos princes et nos supérieurs. Les jugements que nous formulons dans l'intimité se répètent et se transportent au loin comme portés sur les ailes des oiseaux (cf. Qoh. 10,20).

Ch. 12. Description saisissante de la vieillesse: «Souvenez-vous de votre Créateur pendant les jours de votre jeunesse, avant que vienne le temps douloureux et triste de la vieillesse. Plus tard le visage s'altère, la vue s'affaiblit, les astres n'ont plus d'éclat; 7 des catarrhes et fluxions qui se succèdent sont comme les nuées qui reviennent après la pluie. Les mains et les bras qui sont comme les gardes de la maison commen­ceront à trembler; les jambes s'affaibliront et chancelleront; les dents seront peu nombreuses et inactives; les yeux s'obscurciront; les lèvres se contracteront; la langue aura peine à parler; les insomnies feront qu'on se lèvera au chant des oiseaux. Les oreilles, filles de l'harmonie, deviendront sourdes. Les jambes affaiblies redouteront les montées. La tête couverte de cheveux blancs ressemblera à l'amandier en fleurs. Les jambes s'enfleront comme le dos des sauterelles. Les désirs de l'in­tempérance, figurés par les câpres acides se dissiperont.

Puis l'homme ira dans la maison 8 de son éternité, un convoi de gens en pleurs portera son corps au tombeau. Souvenez-vous donc de votre Créateur, avant que la chaîne d'argent qui relie vos vertèbres se rompe et que la bandelette d'or du cerveau se contracte; avant que la cruche se brise sur la fontaine et que la roue se rompe sur la citerne (et que les évacuations ne soient plus réglées); avant que la poussière de votre corps rentre dans la terre d'où elle avait été tirée, et que l'es­prit qui anime cette poussière retourne à Dieu qui vous l'avait donné. - Vanité des vanités, et tout est vanité!» (cf. Qoh. 12,1-8).

Comme cette description réaliste est exacte! Elle vaut une médita­tion sur la mort. 9

Je soigne mon jardin. Le jardin du couvent fait partie de la maison du Bon Dieu. Il prépare des fleurs pour la chapelle.

L'hiver même, mon jardin est encore gai, il a un aspect méridional par ses nombreux arbustes à feuillage persistant. Un immense lierre en tapisse tout le fond. Des arbustes verts et panachés garnissent les plates-bandes et remplacent les fleurs que la saison ne produit pas. Il y a là des lauriers verts et lauriers-tin, des aucubas2), des fusains et des troènes verts et panachés, des buis doubles, des sapinettes, des thuyas, un gracieux sapin bleu, des houx verts, panachés et frisés, des pruniers bruns. Des ifs montent la garde dans de grands vases. C'est le jardin d'hiver. 10

C'était encore l'hiver que l'on voyait poindre les roses de Noël, les perce-neige, les primevères. Les roses de Noël abritent leurs blanches fleurs sous la cuirasse d'un solide feuillage.

En mars, voici venir les pensées, les violettes, les myosotis, les per­venches, fleurs sentimentales et symboliques.

Les arbres fruitiers se couvrent de fleurettes et blanchissent comme sous la neige [?]3): pruniers, cerisiers, poiriers, pommiers.

Les thlaspis et les lunaires ou monnaies du Pape colorent les plates­bandes.

Les lilas blancs et roses parfument nos petits bosquets.

Nous sommes riches en iris, il y en a des blancs, des mauves, 11 des panachés, cela me rappelle le Japon.

Le bois-gentil donne ses petites baies roses. Les giroflées parfument les allées.

En mai, voici le triomphe des lilas et des weigelia. Les roses ornent les massifs et tapissent la maison.

Les ancolies, les marguerites sont modestes.

Le désespoir du peintre et la reine des prés rivalisent de délicatesse. Les digitales et les campanules garnissent de larges plates-bandes. Et nos bordures blanches, semblables aux fourrures des dames! Elles ravissent tout le monde. Les oeillets blancs et les saxifrages dites gazons-turcs fleurissent exactement au même temps 12 pour former des bordures parallèles.

Les cytises laissent pendre leurs grappes d'or. Nos pivoines variées surpasseraient les roses si elles étaient parfumées.

Au pied du Sacré-Cœur, des diclytra ou Cœur-de-Marie. La glycine tapisse le pavillon où j'ai passé une année d'exil.

J'ai de belles fougères à l'ombre, quelques narcisses gracieux, de brillants pavots aux fleurs de pourpre.

Les rhododendrons me rappellent l'Orient et les Alpes.

Les oeillets de poète commencent, j'attends encore les lis, les glaïeuls, les phlox, les montbretia, les dahlia, les bégonias, les char­dons bleus, les althaea.

Quelles merveilles le divin artiste a semées sur la terre 13 pour notre agrément et notre repos! Le Cantique de Daniel résume en deux mots ces dons divins: Benedicite universa germinantia in terra Domino! (Dn. 3,76).

N.-S. les faisait admirer à ses apôtres: Voyez les lis (le mot hébreu veut dire les fleurs), ils croissent sous la bénédiction divine et leurs couleurs radieuses surpassent en éclat la pourpre de Salomon! (cf. Luc 12,27).

Encore trois jours de combats acharnés du côté de Chauny et de Noyon. Nous entendons le canon jour et nuit mais il n'y a pas de grands résultats.

Je reçois des nouvelles de Bruxelles. Nos maisons belges sont toujours au calme. Il y a quelques ordinations. Deo gratias! Nous aurons besoin de prêtres pour soutenir les œuvres et les développer. 14

Je lis le volume des abbés Lémann4) sur leur campagne en faveur d'un appel aux juifs pendant le Concile. Cela me reporte à 45 ans en arrière. J'ai été témoin de toute leur pieuse campagne, ils habitaient le Séminaire français et je les voyais fréquemment.

Les conciles précédents se sont occupés des juifs pour mettre les chrétiens en garde contre eux; mais maintenant qu'ils ont la liberté civile, ils seraient un danger social s'ils ne devenaient pas chrétiens.

Leur retour sera l'œuvre du S.-Cœur: Videbunt in quem transfixerunt (Jo. 19,37). Ce Cœur qui a tant aimé les hommes aime toujours les Israélites, à cause de leurs pères.

Travailler à leur retour, n'est-ce pas préparer la fin du monde? 15 Qui sait? La venue du saint prophète Elie qui doit restaurer toutes cho­ses, l'unique bercail annoncé par le Christ donnent à espérer une période de paix. D'ailleurs le dernier jour n'est-il pas désiré et appelé par beaucoup d'âmes? L'amour croissant que le S.-Cœur met dans les âmes fait désirer la venue du Sauveur. Les injustices et les persécutions qui règnent dans la plupart des nations donnent aussi aux chrétiens le dégoût de la terre.

Le Concile sera-t-il repris? C'est probable, mais il s'achèvera dans une courte session, parce que la plupart des questions préparées sont traitées et résolues successivement par les décrets et les encycliques des Papes. 16

Les évêques, divisés sur quelques points, ont été à peu près unani­mes pour cet appel miséricordieux aux restes d'Israël.

Messe au couvent. C'est le jour anniversaire de la grande apparition où N.-S. a demandé à la France de se consacrer au S.-Cœur. Nos gou­vernements ne l'ont pas fait pleinement, quoique l'Assemblée de 1873 ait déclaré d'utilité publique l'église de Montmartre; mais la nation vaut mieux que le gouvernement. Le peuple a fait beaucoup pour le S.-Cœur, et N.-S. s'en souviendra à son heure.

- C'est le 40° anniversaire du voeu de victime de la Chère Mère et de Sr Ignace et le 33° anniversaire de leurs voeux perpétuels. J'étais là à ces grands jours avec les 17 protecteurs de la communauté, Mgr Thibaudier, Mgr Mathieu, le P. Modeste. Quels violents orages ont secoué nos œuvres depuis ce temps-là! Mais la miséricorde du S.­Cœur est infinie, il a conservé ses œuvres et il ne les laissera pas périr.

Le moment présent est cependant bien dur! Nous sommes séparés de toutes nos maisons. La divine Providence me fait faire une longue retraite. J'utilise ma solitude par des lectures édifiantes. Je comprends la remarque de St Ignace dans ses Exercices5): «Plus une âme garde la solitude et se détache de tout le reste, plus elle se met en état de cher­cher et de trouver son Créateur».

On rencontre de sages conseils dans la littérature profane elle-­même. 18 Malherbe6) recommande l'abandon à la Providence:

«De murmurer sans cesse et perdre patience

il est mal à propos;

vouloir ce que Dieu veut

est la seule science qui nous met en repos».

Nous nous agitons trop. Ce n'est pas de gémir et de courir aux nou­velles qui nous sauvera, c'est de prier, de réparer et de nous abandon­ner à la Providence.

- Une fable d'Antoine Arnault7), «Le chêne et les buissons», met bien à la raison les envieux qui remplissent les rangs du socialisme. - Le chê­ne a grandi, il est devenu le roi de la forêt. Les buissons s'en irritent. «L'orgueilleux, disent-ils, il ne se souvient guère

De notre ancienne égalité;

Enflé de sa prospérité,

A-t-il donc oublié que les arbres sont frères?». 19

«Si nous naissons égaux, repart avec bonté

L'arbre de Jupiter, dans la même mesure

Nous ne végétons pas, et ce tort, je vous jure,

Est l'ouvrage de la nature,

Et non pas de ma volonté.

Le chêne, vers les cieux portant un front superbe,

L'arbuste qui se perd sous l'herbe,

Ne font qu'obéir à sa loi.

Vous la voulez changer, ce n'est pas mon affaire:

Je ne dois pas, en bonne foi,

Me rapetisser pour vous plaire.

Mes frères, tâchez donc de grandir comme moi».

Il y aura toujours dans la société une hiérarchie: des chefs élus pour leur mérite ou descendant d'une race d'élite. La justice et la charité chrétienne ont la mission d'atténuer les inconvénients de l'inégalité sociale.

- Une fable de Viennet8), «Le nid d'hirondelles», rappelle le roman de Bourget sur l'Etape: 20

Il ne faut pas vouloir s'élever trop vite.

«Possesseur d'un nid d'hirondelles

Un enfant gâté

Veut leur donner la liberté;

Et les pauvres petits ont à peine des ailes.

«Soyez libres, dit-il, tout l'est dans l'univers».

Et la nichée est dans les airs.

Chaque oisillon, enchanté de lui-même,

Encouragé par un premier essor,

En essaie un second et reprenant encor [?]9),

Fait, hélas! naufrage au troisième.

L'un s'écrase en tombant, un autre meurt de faim;

L'autre est croqué par le chat du voisin:

Tant qu'à la fin, de la couvée

Aucune tête n'est sauvée.

Laissons faire le temps, tout arrive à son point.

L'à-propos est une science

Que les hommes n'entendent point.

On perd son avenir par trop d'impatience.

Sur un pareil sujet je crains de trop parler; 21

Un mot en dira plus que cent mille volumes:

Les oiseaux sont faits pour voler,

mais attendez qu'ils aient des plumes».

- Cet enfant gâté c'est notre parti démocratique qui veut aller plus vite que le bon sens ne l'indique. Il est bon de tendre à donner à tous les citoyens quelque part d'action sociale, mais il faut d'abord faire l'é­ducation de la démocratie. Il faut répandre l'instruction, préparer des élites dans les corporations, admettre ces élites dans les conseils com­munaux et provinciaux; mais c'est une folie de livrer l'Etat et le gou­vernement au suffrage de masses illettrées, inconscientes, incapables de gouverner honnêtement un foyer ou une famille. Le peuple sera la première dupe de la 22 part trop grande qu'on lui aura donnée au gouvernement de l'Etat.

Fête de l'aimable Saint Louis de Gonzague. Notre jardin donne ses premiers lis dans l'avenue qui conduit à la statue de la Vierge imma­culée.

Le P. Loh10) et le Fr. Kónigsmann viennent nous voir de Charleroi. Je reçois des nouvelles de presque toutes nos maisons belges et des mis­sions. Il y a quelques ordinations et quelques vêtures. Ce n'est pas la mort, c'est une vitalité bien entravée.

Le jeune recteur11) de Louvain est très souffrant, j'espère que la Providence me le gardera.

Toutes nos maisons sont intactes: N.-S. n'a-t-il pas promis de proté­ger les maisons où l'image 23 du S.-Cœur serait honorée?

Autre trait de cette protection: un des bons curés de la Somme réfu­giés ici me raconte qu'il a donné des plaques dites Sauvegardes du S.­Cœur à toutes les maisons de sa paroisse avant la guerre. Trois mai­sons ne les ont pas acceptées et elles sont détruites…

Tobie IV 18 - Eccles. 30.18. - Les anciens avaient coutume de mettre du pain et du vin sur la tombe de leurs parents. Les pauvres en profi­taient et ils étaient avertis par là de prier pour les morts.

Les Chinois avaient cette coutume peut-être déformée par le paga­nisme. Les jésuites ont pensé qu'on pouvait la conserver en la redres­sant. Les Dominicains l'ont regardée comme idolâtrique et intoléra­ble. 24 De là cette longue et pénible discussion sur les rites chinois qui paraît avoir beaucoup nui à l'évangélisation de la Chine. Tout le mon­de était sans doute de bonne foi, mais le diable a dû travailler à aigrir la discussion.

Trente-septième anniversaire de mes premiers voeux, avec le voeu de victime que nous faisions alors. St Paul disait à la fin de sa vie: «J'ai achevé ma course, j'ai été fidèle et la récompense m'attend» (cf. 2 Tim. 4,7-8). J'achève ma course, moi aussi, mais combien d'infidélités! Je n'ose pas regarder ce long espace. Je baisse la tête et mes yeux se gonflent. Ayez pitié de moi, Seigneur, selon la multitude de vos miséri­cordes! 25

On m'appelle fondateur de la Congrégation et je ne le suis pas. C'est N.-S. qui est le seul fondateur. Moi, je l'ai bien entravé.

En 1878, N.-S. faisait entendre ceci à une âme qui avait des vues d'o­raison bien admirables: «Oui, je veux des prêtres victimes, dis-le-lui, je ferai tout, il n'a qu'à me laisser faire et à se montrer bien docile à ma voix et à ma grâce». N.-S. a fait son œuvre, qui est encore bien impar­faite. Il l'a faite avec un instrument sans valeur, comme Samson rem­portait des victoires avec une mâchoire d'âne. Ainsi la postérité verra bien que ce n'est pas une œuvre humaine, mais une œuvre toute sur­naturelle.

Miserere mei Deus! 26

Nous relisons au réfectoire les biographies de quelques pieux élèves de St Jean morts dans l'adolescence pendant les belles années du début, de 1878 à 1896. N.-S. a voulu cueillir quelques lis dans son jar­din. C'était vraiment une maison bénie du S.-Cœur.

Cinq biographies ont été écrites12), on aurait pu en faire davantage. Qu'on lise ces notices, on verra que ces enfants et jeunes gens étaient de la race des Louis de Gonzague et des Berchmans.

Eugène Savard, le premier, était aimable et pieux comme un ange. Il souffrit longuement et patiemment comme une petite victime du S.­Cœur.

Céphas Mennechet, de Oestres, gagnait 27 tous les cœurs par sa douceur et sa bonté. La plus exquise pureté rayonnait autour de lui. Narcisse Halluin, de St-Quentin, était le parfait obéissant, l'adoles­cent sage et vertueux, l'observateur héroïque de la règle et du devoir. Emile Black et Eugène Lecomte devinrent lévites. Ils étaient dévorés de zèle pour les âmes, ils avaient pour idéal l'apostolat et les missions, mais Dieu s'est contenté de leurs ardents désirs et il les a pris avec lui comme des fruits mûrs avant le temps.

Eugène Lecomte a fait son service militaire, il y a pratiqué toutes les vertus qu'exige la sainteté chrétienne dans une carrière si difficile. - Que ces pieux enfants veuillent bien prier pour leur ancien supérieur! 28

La grande guerre! C'est ma méditation du jour de St Pierre et St Paul. Nous assistons à une grande guerre pour l'empire mondial. Voilà bientôt un an que cela dure et cela nous paraît long. Mais la guerre de l'église militante est bien plus longue. Voilà mil neuf cents ans qu'elle dure. C'est aussi une guerre pour l'empire universel.

Dans la guerre actuelle, il y a des poussées colossales: l'Allemagne va jusqu'à Paris, la Russie envahit la Galicie… puis il y a la guerre de tranchées, la lutte pas à pas longue et patiente. Il en a été de même pour l'église. Parfois elle gagnait un royaume d'un coup de filet, com­me la France avec Clovis, la Hongrie avec le roi 29 Etienne; mais le plus souvent c'est la conquête lente et persévérante avec des arrêts, des reculs, mais avec un progrès constant.

Il y a une étrange analogie entre la période des catacombes et la guerre des tranchées. La grande Rome fouillée par ces mystérieux sou­terrains pendant trois cents ans a fini par succomber, et le Vatican a succédé au Capitole. Puisse le règne de la justice chrétienne succéder en politique au règne de la force qu'on voudrait nous imposer! 30

La Visitation. 42° anniversaire de l'installation de nos soeurs à St­Quentin. C'était en 1873. J'avais tout arrangé pour leur fondation. J'allai avec l'archiprêtre, M. Gobaille, bénir la modeste maison de la rue St Louis. Je devins le directeur de la maison. Chaque semaine j'y faisais une conférence spirituelle. Un vieux prêtre, M. Cailleret, y disait la Ste messe.

N.-S. a ses desseins. Ces relations providentielles préparaient notre fondation. Le but de l'institut des Soeurs me paraissait tous les jours plus conforme à l'idéal que j'avais moi-même pour ma vocation. La Visitation de 1873 préparait notre fondation de 1877. Ces relations m'édifiaient. 31

Elles devinrent l'occasion de grandes grâces et de grandes épreuves. Je ne comprendrai qu'au ciel les desseins de Dieu et ses miséricordes. Je rends grâce de tout et je m'humilie pour toutes mes fautes, mes erreurs et mes faiblesses.

On me signale un sous-préfet très occupé. Ce monsieur prend ses notes sur l'attitude des maires, des instituteurs, des employés de l'Etat. Il établit ses fiches pour dénoncer après la guerre ceux qui seront allés à l'église prier pour la France. Les gens de cette sorte sont de dignes fils de judas. Qu'ils nous laissent donc jouir un peu de la liberté de conscience que nous laissent les Allemands. Nous la payons assez cher. 32

Ces gens ont une rude dose de stupidité diabolique pour ne pas comprendre que Dieu nous frappe parce que les gouvernants, ont per­sécuté la religion.

Jour brumeux et triste. Pauvre fête nationale! J'aimerais mieux la fête de Jeanne d'Arc.

Depuis quelques années notre député à la revue du 14 juillet tour­nait le dos ostensiblement au drapeau. C'était un antipatriote. Voilà les gens qui nous ont amené la guerre actuelle, en rognant chaque année le budget de la guerre et en montrant aux étrangers une France sans patriotisme. Et notre peuple trompé par le verbiage de ces gens-là votait pour eux! 33 Le patriotisme est une vertu naturelle, un devoir primordial. Ceux qui méprisent la patrie, mépriseront aussi la famille et le Créateur. Et ces gens-là sont élus pour gouverner la France, pour régenter l'instruction publique, pour diriger l'opinion! Athènes et Rome les eussent mis au pilori.

J'ai déjà cité dans l'hiver bien des documents qui nous donnent espérance pour la France, des vues prophétiques de saints personna­ges ou des oblations volontaires d'une vie précieuse pour le rachat de la patrie. Parmi les nombreuses exilées, qui meurent en Belgique, en Hollande, en Italie, en Angleterre, la plupart offrent leur vie pour l'Eglise 34 et pour la France. Dans la vie de Sr Solange, des Clarisses de Mons, je lis: «Elle s'était offerte maintes fois en victime d'amour et d'expiation pour la France».

Et dans la vie de Sr Flora, au même volume, je lis: «Au jour de la profession de Soeur Flora, M. le doyen de Sainte-Elisabeth fit un discours bien délicat pour les Français présents et plein d'à-propos pour la jeune novice. Sr Flora y fait allusion dans ses notes: «La France, m'a-t-il été dit, ne peut périr parce qu'elle est le royaume de Marie. Elle lui a été consacrée dès son baptême à Reims par Clovis et son épouse sainte Clotilde». Chère France, je t'aimerai toujours! Oh! qu'il m'a été doux ce matin 35 de m'entendre dire: «La France est votre mère malgré tout. Sauvez-la comme Jeanne d'Arc par la pureté et l'in­nocence…». Délicieux parallèle entre l'étendard de la vierge lorraine et ma vie de clarisse. Jeanne combattait ayant en mains sa bannière où étaient gravés d'un côté les noms de Jésus-Marie et de l'autre la fleur de lis… et aujourd'hui ma communauté a offert au Seigneur mon cœur vierge comme un lis de pureté et d'innocence…».

N.-S. ne prendra pas aujourd'hui une vierge guerrière pour nous sauver. La guerre d'autrefois exigeait surtout du courage personnel, une femme en pouvait donner l'exemple. La guerre moderne exige un grand déploiement de forces, 36 des masses d'artillerie et l'utilisa­tion savante des reliefs du terrain, choses qui ne conviennent guère à une femme. Mais Dieu nous donne d'autres Jeanne d'Arc, qui sauve­ront la France par la prière et l'immolation.

Je lis encore du Sauvé: Le culte du S.-Cœur.

- Définition parfaite de l'objet de ce culte par Nilles13): - «L'objet de la fête et du culte du Sacré-Cœur ne consiste pas dans le Cœur seul, con­sidéré (…) corporellement et matériellement. Il consiste (…) dans cet admirable et divin ensemble formé: et du Cœur corporel et blessé, - et de l'Ame très sainte qui le fait vivre, - et de la Personne du Verbe divin qui lui est unie hypostatiquement et qui lui donne d'être le Cœur 37 d'un Dieu, - et de l'amour immense dont il est embrasé, - et des vertus dont il est le symbole et le siège, - et des douleurs et des angoisses souf­fertes par le Sacré-Cœur pour l'amour des hommes. C'est cet ensem­ble de choses si sublimes, si admirables, si divines, si aimables, qui sont l'objet vrai, propre et adéquat de la fête et du culte du Cœur de Jésus» [Sauvé, op. cit., p. 6]. C'est donc à cet ensemble adorable que je m'a­dresse dans le culte incessant que je veux rendre au Sacré-Cœur.

L'image du S.-Cœur peut être l'objet d'un culte, mais ce qui est infiniment mieux, c'est le Cœur lui-même, le Cœur vivant, le Verbe réel, dit Hurter14), le mot à jamais vivant et palpitant, qui vient nous dire, avec l'éloquence 38 la plus vraie et la plus populaire, des abîmes de tendresse, de miséricorde, de pitié, de vertus, de souffrances, de joies… tout ce qui dans l'âme de Jésus ou dans sa divinité est l'Amour15) ou relève de l'amour.

Le Cœur symbolisant16), dit encore le P. Nix, le Cœur physique, signe de la charité, est l'objet immédiat de notre culte. - Sous ce signe, l'objet spirituel de notre culte est le Cœur symbolisé, ou la charité de N.-S. L'objet spirituel prochain est sa charité créée; l'objet spirituel éloigné est sa charité incréée.

- Résolution: - Je prends pour moi cette résolution: «Devant cette Majesté suprême, je veux que mon âme soit habituellement, et même souvent d'une manière 39 actuelle, adorante. L'adoration, le prosterne­ment de tout mon être: telle est l'attitude qui me convient même dans les épanchements les plus confiants, les plus tendres… Y a-t-il en moi ce profond respect dans la prière, le service religieux, l'hommage des vertus, que réclame cette vie à deux entre mon âme et la Personne que, sous le titre et le symbole du Sacré-Cœur, ma foi ne doit jamais perdre de vue?».

- L'âme de N.-S. - La masse des hommes n'eût pas facilement contem­plé l'Ame de N.-S. dégagée de tout symbole. Mais la Providence a trouvé le moyen de mettre tout le monde, même les ignorants, même les enfants, en face de cette Ame adorable, de les initier facilement à ce qu'il 40 y a de plus doux, de plus sublime en elle. C'est la dévotion au Cœur de Jésus…

- Les passions. - On peut dire que la passion mène le monde: la rai­son règne et ne gouverne pas. Dans l'âme de N.-S., la raison toute pénétrée de divines clartés gouverne toujours et absolument; mais les passions qui lui sont soumises gardent, sous son empire, une énergie merveilleuse: pour admirer les choses divines; pour aimer, par exem­ple, sa mère, ses amis, tous les hommes; pour désirer le bien, pour s'at­trister du mal, pour flageller les profanateurs du temple, pour pronon­cer de si terribles anathèmes contre les pharisiens; pour déplorer le péché, pour en être triste jusqu'à la mort; pour appeler ardemment le sacrifice 41 de la croix, salut du monde; surtout pour louer et bénir Dieu son Père. - Nous avons besoin d'être aimés d'un amour pas­sionné. Combien de pauvres âmes souffrent de n'être pas aimées ainsi! Elles trouvent qu'il fait bien froid autour d'elles: comme elles se trom­pent! Il y a une âme qui les chérit d'un amour passionné; il y a un cœur qui palpite pour elles d'un amour plus ardent - mais combien pur! - que tous les amours les plus passionnés de la terre…

- La Blessure. - C'est par centaines que l'on pourrait rapporter les passages des Pères, des docteurs, des saints, des Mystiques, qui ont rap­pelé cette Blessure et qui en ont étudié avec admiration, avec amour, le merveilleux symbolisme. La Blessure du Cœur de Jésus après 42 la mort ne fut pas, à parler rigoureusement, une source de mérites ou de satisfactions; toutes les satisfactions et tous les mérites de N.-S. avaient été consommés à son dernier soupir; mais elle est une suprême révéla­tion infiniment touchante qui appelle notre attention sur l'intérieur de N.-S.

- La révélation du S.-Cœur. - On ne peut pas dire qu'une révélation publique nouvelle se soit produite par Marguerite Marie; il n'y a pas eu une révélation publique s'adressant et s'imposant à toute l'Eglise; mais une révélation privée a été l'occasion d'une vue plus vive et plus parfaite d'un grand dogme, d'un jour nouveau jeté sur la vérité la plus sublime et la plus touchante… 43

- Opportunités de cette dévotion. - Deux puissantes hérésies combattent et menacent haineusement l'Eglise, c'est la Franc-maçonnerie et le col­lectivisme.

Les sociétés maçonniques sont fondées sur la haine, elles vivent de la haine et suggèrent la haine contre l'Eglise. Périsse la France, s'il le faut, pourvu que l'Eglise, s'il se pouvait, fût détruite! Tous les intérêts les plus vitaux de la patrie sont subordonnés et sacrifiés à ce but de haine.

Combien il est opportun que, en France et ailleurs, en face de cette société de haine, éclate le symbole de la charité. Entre ces deux éten­dards, celui de la haine et celui de l'amour, peu à peu la conscience populaire fera 44 son choix et il [= elle] se tournera du côté de la cha­rité.

Parallèlement ou unie à ces sociétés de la haine, s'est développée la plus puissante erreur de notre temps: le collectivisme. Par un mons­trueux retour au pur despotisme de l'antiquité et au pire des esclava­ges, sous prétexte qu'ainsi il sera mieux pourvu au bien de tous, on rêve un Etat maître de tout: maître de religion ou plutôt d'irréligion, maître des industries, maître des propriétés, maître d'école, maître de la science, maître de la famille, maître des enfants… Contre cette mons­trueuse erreur, conçoit-on une idée plus efficace que celle de la cha­rité et de la justice rayonnant du Cœur d'un Dieu?… 45

En face de cet idéal odieux d'un Etat anonyme, sans foi, sans ten­dresse et sans pitié, qui prétend se charger des enfants de la France, comme de ses champs ou de ses industries, de toutes les consciences comme de tout enseignement… qu'il faut bénir la Providence de ce que, - au-dessus des convoitises ardentes, des haines mortelles qui divi­sent les classes, - elle fait briller, d'un éclat si suave et si puissant, le Cœur de Jésus, foyer vivant de la bonté et de l'amour comme de la justice, où tous les hommes et toutes les sociétés peuvent se rappro­cher et trouver, avec la lumière, les espérances de la terre et de l'éter­nité, la vraie vie.

- Préludes. - Dans l'Ancien Testament, comme le remarque Thomas­sin17) (1. 1. ch. VI.), Dieu semblait 46 préluder aux manifestations du S.­Cœur. Ses théophanies sont comme des essais d'incarnation. Il emprunte le langage des passions humaines en nous disant sa colère contre le péché, sa pitié, sa jalousie, son amour surtout. Il se laisse entrevoir sous des traits humains dans les figures de l'Ancienne Loi: son Cœur est dans le cœur d'Adam, d'Abel, de Noé, d'Abraham, de Melchisedech, de Joseph, de David, etc.

Au livre de la Sagesse, le Verbe nous parle comme il nous parlerait au tabernacle. Il est l'Image de la bonté infinie, la candeur de la lumiè­re éternelle; il est doux, aimant, bienveillant et bienfaisant; il se plaît à habiter avec nous comme un ami, 47 il veut nous enrichir de ses ver­tus, la sobriété, la prudence, la justice et la force. La vie en sa compa­gnie ne connaît pas l'ennui, mais toujours la vraie joie, elle nous pré­pare à l'immortalité (Chap. VII et VIII).

Au Cantique des cantiques, le Fils de Dieu se révèle à nous comme l'Epoux le plus beau, le plus riche, le plus puissant, le plus tendre, le plus passionné. Si ce livre chante l'union entre Dieu et la nation juive, entre Jésus-Christ et son Eglise, il présageait aussi l'union du Christ et de l'âme dans l'Eucharistie.

Dans ce mystère, objet spécial de la dévotion au S.-Cœur, il est à nous cet Epoux adoré en qui sont concentrés tous les charmes: 48 Totus desiderabilis. Vers nous est tourné tout l'élan de son cœur: ad me conversio ejus. Contemplons sa beauté, sa bonté, sa sainteté, sa puissan­ce, sous tous les symboles, gracieux ou majestueux, évoqués par le Cantique des cantiques. Soyons tout à lui: Je suis à mon bien-aimé, dit l'Epouse du Cantique: je le tiens et je ne le laisserai pas échapper: Ego dilecto meo, tenui eum nec dimittam (cf. Cant. 3,4).

- L'union mystique. - Tandis que l'union acquise est souvent bien intermittente, l'union infuse est un don généreux du S.-Cœur à quel­ques âmes. N.-S. s'unit leur volonté par la quiétude, par l'union mystique, il 49 s'unit non seulement la volonté, mais encore les autres facultés, l'imagination et l'intelligence. Il s'unit toute la vie, tout l'être par le mariage spirituel. La quiétude et l'union ne durent pas longtemps, mais elles peuvent se renouveler souvent; l'union du mariage spirituel est habituelle, permanente. L'âme peut alors vaquer aux choses extérieu­res sans que l'union cesse…

- Miséricorde. - Dieu veut oublier à jamais les milliers de péchés une fois effacés; mais les mérites d'une âme revivent par l'état de grâce, les eût-elle détruits mille fois par le péché. Le père du prodigue pardonna une fois, N.-S. pardonne toujours. Rien ne montre mieux la miséricor­de de son Cœur. 50

Chez les Clarisses de Mons, quand on ouvre le tabernacle, il y a des effluves de parfums variés: odeurs de lis, de rose, de miel… Les Sœurs assurent qu'elles ne mettent rien de cela. «Cela vient de plus haut», dit la Mère abbesse. C'est une manifestation des parfums mystiques de l'Eucharistie. J'ai éprouvé cela ici ces jours-ci pendant quelques jours autour de la fête de Ste Madeleine, pendant l'heure d'adoration: par­fums intenses, bouffées de douces odeurs de lis et de miel. D'autres parfums me rappelaient les bazars d'Orient. Nous n'avions pas de fleurs odorantes à proximité de l'autel. Cela doit venir de plus haut, com­me à Mons. Quelle est 51 l'intention de N.-S.? Il veut sans doute encourager nos adorations, nous indiquer ce qu'elles doivent être et nous déterminer à y attacher une grande importance. Je consigne cela pour que cet enseignement ne soit pas perdu.

[NB: En bas de la page 51, quelque temps après et avec un encre différent, le P. Dehon a ajouté la note suivante. «Je veux cependant exprimer quelque doute; cela venait peut-être de fleurs posées sur les autels latéraux??»].

J'ai relu le livre de la Sagesse, un des plus beaux de la Sainte Ecriture, un des plus touchants et des plus sublimes.

Sous le nom de la Sagesse, l'auteur décrit tantôt le Verbe, Fils de Dieu, tantôt l'Esprit Saint et ses grâces. Au chapitre 7°, c'est bien le Fils de Dieu qui est dépeint comme l'émanation de la vertu de Dieu, l'effusion toute pure de la clarté du Tout-puissant, l'éclat de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l'image de sa bonté. St Paul a vu là 52 les titres du Sauveur (aux Heb. 1, 3).

Au chapitre second, l'impie exalte la force: «Opprimons le juste dans sa faiblesse, n'épargnons ni la veuve ni le vieillard et ses cheveux blancs. Que notre force soit la loi de la justice, car ce qui est faible n'est bon à rien» (cf. Sap. 2,10-11).

Nous avons entendu ces principes de notre temps et nous voyons des nations qui les appliquent…

Le chapitre troisième est très exploité par la liturgie, il décrit si bien le bonheur des justes et la gloire dont il seront comblés: «Leur espé­rance est pleine d'immortalité, ils brilleront comme des étoiles et ils jugeront les nations…». «Les peuples ou les races injustes auront une fin funeste».

Chap. IV. Portrait des jeunes saints 53 que Dieu enlève de la terre pour qu'ils échappent à la corruption.

Chap. V Gloire des justes, trouble des méchants. Vanité des gran­deurs, des richesses et des voluptés de cette vie.

Chap. VI. Magnifique instruction aux rois et aux grands. Qu'ils con­sultent l'Esprit de Dieu et qu'ils pratiquent la justice s'ils veulent être bénis. Leur responsabilité est grande devant Dieu.

Chap. VII. Les hommes sont égaux dans la naissance et dans la mort. C'est la sagesse qui est le plus grand bien pendant la vie.

Le chap. VIII loue les vertus cardinales tout comme Aristote: Celui qui aime la Sagesse fera régner dans sa vie les grandes vertus: la tempé­rance, la prudence, la justice et la force (vers. 7). 54

Chap. VIII, in fine et chap. IX, belle prière de Salomon pour demander la sagesse: «Dès que je sus que je ne pouvais pas acquérir la sagesse si Dieu ne me la donnait, j'adressai de tout mon cœur cette prière à Dieu: Dieu de mes pères, Dieu de miséricorde, qui avez tout créé par votre parole et qui avez formé l'homme dans votre sagesse pour qu'il domine sur toutes les créatures, et pour qu'il gouverne le monde dans l'équité et la justice, donnez-moi cette sagesse qui règne avec vous et ne me rejetez pas du nombre de vos enfants, parce que je suis votre serviteur et le fils de votre servante, un homme faible, fragile et peu capable de bien juger si votre sagesse ne m'assiste pas» (cf. Sap. 8,21-9,5).

Mon Dieu, je vous adresse 55 humblement la même prière.

Chap. X. C'est la canonisation d'Adam. «La sagesse a gardé Adam, le père du genre humain, tant qu'il a été seul; ensuite elle l'a relevé de sa faute et lui a donné la force de gouverner toutes choses» (cf. Sap. 10,1-2).

Chap. XI. - Vers. 18-19. Est-ce la guerre moderne? «Dieu peut châ­tier les hommes en leur envoyant des serpents, des ours et des lions, mais aussi par des bêtes inconnues et pleines de colère qui crachent des vapeurs enflammées, qui lancent des fumées malodorantes et des feux horribles à voir…». Salomon prévoyait-il nos guerres modernes et les nouveaux instruments de la colère divine?

Chap. XII. - Vers. 2.8.18. C'est le chapitre de la miséricorde. - Que votre esprit est bon, Seigneur, et qu'il est doux dans 56 son gouverne­ment. Vous châtiez peu à peu ceux qui s'égarent, vous les avertissez du mal qu'ils font pour qu'ils se corrigent… Comme vous êtes le Maître souverain, vous êtes lent et tranquille dans vos jugements et vous nous gouvernez avec une grande réserve, parce qu'il vous sera toujours libre d'user de votre puissance quand il vous plaira…

Ch. XIII. Origine de l'idolâtrie et description réaliste de la fabrica­tion des idoles.

Ch. XVI. Description de la manne appliquée par l'Eglise à l'Eucharistie: C'est le pain descendu du ciel, qui a toutes les saveurs.

Ch. XVIII. 21. Mission d'Aaron et du prêtre: Un homme irrépré­hensible se hâta d'intercéder pour le peuple. Aaron, Seigneur, vous opposa le 57 bouclier de son ministère saint et sa prière montant vers vous avec l'encens qu'il vous offrait, fit cesser l'épreuve du peuple…

31 juillet. Messe au couvent. Voilà trente-huit ans que j'écrivais là mes Constitutions dans la retraite et la prière. Nous devons beaucoup à St Ignace. Ses fils ont été nos maîtres, nos conseillers et directeurs.

J'écris mes notes quotidiennes, St Ignace l'a fait pendant 30 ans. Il les détruisit en grande partie avant de mourir, parce qu'il y avait consi­gné beaucoup de grâces extraordinaires qui étaient toutes à son hon­neur. Mes notes peuvent avoir quelque utilité pour l'histoire de l'œuvre. J'en ferai à la fin ce que la grâce m'inspirera. 58

Jour de tristesse. On m'appelle à la Commandanture18) pour m'an­noncer la mort du P. Jean Guillaume19). Il avait 29 ans. Il était bien doué, très cultivé, très vertueux. Je comptais beaucoup sur lui. C'est un de ceux qui me comprenaient le mieux et qui auraient pu maintenir l'œuvre dans l'esprit que j'ai voulu lui donner.

Dieu me le prend, fiat! Il va rejoindre le P. André, le P. Barnabé, le P. Alphonse, le P. Modeste et tant d'autres. Avec tant de protecteurs célestes, l'œuvre ne peut pas périr.

Le même jour, le P. Mathias20) est frappé d'un attaque de paralysie. On espère qu'il se remettra. Dieu le veuille! Ce serait trop de pertes à la fois. 59

Je lis aujourd'hui dans Sauvé: «Si les biens de ce monde nous échappent, Jésus veut être d'autant mieux notre trésor. Si les joies légi­times font place à la souffrance, Jésus veut être d'autant plus parfaite­ment notre consolation. Si les amitiés sur lesquelles vous comptez vous abandonnent, et si nécessairement la mort les brise, lui, il demeure l'a­mi qui ne vous abandonne jamais, le Père qui vous reçoit dans ses bras au sortir de cette vie…».

J'en suis là, je perds ceux qui m'étaient le plus attachés et dévoués sur la terre, Jésus me prépare pour m'appeler à lui.

Si ces épreuves sont pour préparer le salut de la France et son retour à sa mission séculaire, Deo gratias! J'offre mes croix pour cela. 60

Le culte du Cœur de Jésus, tome II. Je note quelques lignes choisies dans ce volume pour bien m'en assimiler la doctrine.

La conversion. - Le culte du Cœur de Jésus ne néglige ni n'attenue aucun des motifs de la conversion; mais il les rend plus pressants et plus touchants en nous montrant, sous les attributs et les droits divins, sous les œuvres, les paroles, les invitations et même les menaces divi­nes, l'Amour qui veut gagner notre cœur et désire infiniment d'être aimé, ne serait-ce que de l'amour imparfait qui s'appelle l'attrition sur­naturelle avec le sacrement. - L'amour, encore l'amour, c'est tout ce qu'il demande; pourquoi ne saurions-nous pas désirer uniquement d'aimer Dieu, 61 de l'aimer toujours et toujours davantage?

La réparation. - En réfléchissant aux excès d'amour de Jésus, et à nos excès d'inintelligence et de froideur, ne nous faut-il pas être très hum­bles et réparer nos misérables relations à l'égard de l'Eucharistie? «Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous! ». Pénitence de la conver­sion ou du cœur contrit et humilié; pénitence de l'expiation ou répa­ration, pénitence de la souffrance que l'on accepte ou que l'on s'im­pose: cette grande loi de l'Evangile, loin que le culte du Cœur de Jésus l'atténue ou permette de l'oublier, il la met au premier rang de nos devoirs et nous apprend à l'aimer en nous montrant que c'est devant l'Amour même que nous devons souffrir, 62 prendre avec plus de foi les pénitences que la Providence nous impose par elle-même, par son Eglise, par les personnes et les choses qui nous entourent; et nous imposer nous-mêmes des sacrifices… Il est des âmes qui l'ayant compris sont comme des hosties vivantes, des réparations vivantes, tant la préoccupation de faire amende honorable au Cœur de Jésus et de réparer les blessures de l'amour les a pénétrées à fond!

Notre centre. - Beaucoup d'âmes, même chrétiennes, établissent leur centre de vie dans les choses extérieures: dans les affaires, les intérêts temporels, les études… Et de là, de temps en temps, par la prière du matin et du soir, par l'assistance aux offices, par le souvenir plus au moins fréquent 63 de Jésus présent au tabernacle, elles reviennent au centre de toutes choses.

Il est une autre attitude de la vie, meilleure encore, et c'est celle que nous prêche la dévotion au Cœur de Jésus. Si nous suivons sa direction, nous établirons notre centre, non pas dans le monde exté­rieur, mais dans le monde intime. L'intimité divine, c'est-à-dire l'inti­mité avec N.-S. résidant au tabernacle, l'intimité avec la Très Sainte Trinité, voilà le centre où la dévotion au Cœur de Jésus nous invite à nous établir; et, de ce centre de la vie, nous rayonnons vers les œuvres, vers les travaux, vers tous nos devoirs extérieurs, vers nos délassements; bien souvent par un souvenir rapide nous revenons vers notre centre; et c'est un charme pour notre âme, quand sonne l'heure des exercices 64 de piété, d'y revenir plus à loisir. Que l'autel et le tabernacle, que l'intimité avec l'adorable et infiniment aimable Trinité soit pour nous le foyer, le nid, le port, la citadelle, où nous demeurons habituelle­ment et où nous nous plaisons plus que partout ailleurs, pour aller de là à l'accomplissement de tous nos devoirs…

Le devoir social. - Les responsabilités des autorités sociales sont gra­ves. «Un prince, dit St Augustin21), (et par proportion toute personne ayant autorité) sert Dieu autrement comme homme, autrement com­me roi». Les fautes de l'homme peuvent être graves, elles vont à per­dre une âme. Les fautes de l'homme public peuvent être bien plus gra­ves, elles vont à perdre une multitude d'âmes. 65 Sans doute les chefs d'Etat ou les personnages publics peuvent être condamnés par des cir­constances malheureuses à ne pas aider positivement l'Eglise dans sa mission. Du moins est-ce leur devoir le plus sacré de laisser à cette œuvre, à laquelle tout le reste est subordonné par Dieu, la pleine liberté. - Quand dans une nation comme la nôtre, l'unité des croyances est bri­sée, les pouvoirs publics ne peuvent pas la refaire par la force. Et les sectaires qui persécutent l'Eglise et veulent imposer l'incrédulité, l'athéisme, commettent un crime que dans l'histoire rien ne dépasse. La vérité, sûre d'elle-même, l'Eglise, si elle avait le pouvoir, n'agirait pas ainsi; elle a pour principe de ne pas violenter les consciences pour s'imposer à elles. 66 Mais au moins, dans ces circonstances, les pou­voirs publics doivent-ils assurer la pleine liberté à Jésus-Christ et à son Eglise dont c'est la mission de continuer, en son nom, jusqu'à la fin des siècles, à répandre dans le monde la lumière, la sainteté, la charité, la justice.

Au point de vue du S.-Cœur de Jésus, nos devoirs sociaux doivent être:

1° Une foi profonde en l'amour de Jésus pour les nations, pour la nôtre en particulier. Il est seul capable de sauver les nations comme les âmes. Il nous a donné St Martin, Ste Geneviève, Ste Clotilde, Clovis, Charles Martel, Charlemagne, St Louis, Jeanne d'Arc, Paray, Lourdes, etc…

2° Une grande confiance fondée non pas sur les motifs humains, 67 mais sur l'amour tout-puissant du Cœur de Jésus sur les nations, sur la nôtre en particulier. Prions pour que Jésus convertisse et sauve les nations, surtout la nôtre. Prions-le de nous envoyer des hommes qui exercent une grande influence pour le bien: savants, politiques22), génies, talents chrétiens.

3° Un grand amour qui se témoigne par la reconnaissance et l'ac­tion sociale: action par la parole, par la presse, par les associations et les œuvres… Le Cœur de Jésus veut le salut social comme il veut le salut de chaque âme, mais il demande notre concours.

La Sainte Trinité. - Le Cœur de Jésus est le modèle, le coopérateur, le supplément de nos hommages envers 68 les trois divines personnes. Toute spiritualité doit mettre en relief les droits de Dieu. Les Exercices de St Ignace affirment ces droits de prime abord et en premier plan. L'école dominicaine ne procède pas autrement: en quoi elle s'inspire sans doute de la Somme théologique, où le Docteur angélique étudie d'abord Dieu en lui-même, Dieu Trinité, Dieu premier principe. D'autres écoles vont d'abord à N.-S. pour contempler ensuite la divi­nité à travers le Fils de Dieu fait homme et crucifié: ainsi procèdent l'é­cole franciscaine, l'école oratorienne. Mais la divinité doit toujours avoir la place dominante dans nos pensées. Par la médiation et la rédemption, par sa vie eucharistique, N.-S, veut nous relier avec le ciel, nous rapprocher de l'auguste Trinité, 69 nous aider à remplir nos devoirs envers elle…

Devoirs intimes envers la Ste Trinité. - M. Olier avait fait graver par Mellan une estampe représentant un Agneau immolé: douze rayons s'échappent de cet Agneau et symbolisent nos principaux devoirs envers la divinité:

1° C'est d'abord l'anéantissement, dont N.-S. nous donne l'exemple: Exinanivit semetipsum.

2° La pénitence. Le monde est déchu, le péché l'a souillé. C'est l'objet de la douleur de N.-S.

L'adoration. Le Fils de Dieu continue ce devoir dans l'Eucharistie en adorant son Père en esprit et en vérité.

4° L'amour. L'adoration sans amour serait trop imparfaite. Dieu est Père, il est la charité et le bien suprême. 70

5° La louange. L'âme célèbre les perfections divines ou s'unit en silence aux louanges de Jésus dans l'Eucharistie.

L'action de grâces. Elle jaillit du cœur aimant.

7° La prière. Elle supplie le Bienfaiteur suprême de ne pas se lasser de nos ingratitudes et de répandre quand même ses bienfaits sur nous.

8° Les voeux. Unissons-nous aux voeux du Cœur de Jésus pour son Père: Que votre nom soit sanctifié! Que votre règne arrive!…

9° Le sacrifice. Le Cœur de Jésus a voulu adorer, remercier, réparer et prier par le fait de son grand sacrifice, qui embrasse toute sa vie, qui a son point culminant au Calvaire et qui se continue dans l'Eucharistie. Suis-je assez préoccupé d'y unir ma prière et mes peines? 71

10° L'oblation. C'est le sacrifice sous la forme la plus active, c'est le désir de se donner et sacrifier.

11° L'immolation. C'est la vie broyée comme le froment sous la meu­le. C'est l'acceptation et la joie dans la souffrance.

12° La consommation. C'est l'achèvement du sacrifice pour retrouver une vie meilleure…

13° La communion. C'est la fusion de deux vies, l'union par l'inté­rieur, par les pensées, les dispositions et les actes.

14° Les devoirs inconnus. Dieu est l'Infini. Je ne sais pas ce que je lui dois, je m'unis au Sauveur.

15° Le silence. Recueillemnt profond devant les perfections divines et devant l'inconnu divin… [pour tout ce paragraphe, cf. Sauvé, 181­-190]. 72

La charité pour les pécheurs. - C'est la note dominante de la Bible et surtout de l'Evangile.

Le Cœur de Jésus est tout rempli de cette charité. Rien ne le tou­che comme la misère sous toutes ses formes, et il n'est point de misère comparable à celle du pécheur.

Le péché, c'est la plus affreuse pauvreté, la privation des biens divins… C'est la captivité la plus affreuse, l'asservissement au démon et au vice. C'est le plus triste exil, l'exil du sein de Dieu.

C'est la maladie la plus redoutable, qui peut amener la mort éter­nelle. C'est la lèpre la plus affreuse, qui dévore les vertus et la vie même de l'âme. C'est la folie suprême…

Jésus, si compatissant à toute misère, est plein de pitié pour le pécheur. 73 Il nous le dit dans ses paraboles (l'Enfant prodigue, la Drachme perdue, la Brebis égarée); il montre sa compassion à Madeleine, au bon larron; il prie pour les pécheurs sur la croix… [pour tout ce paragraphe, cf. Sauvé, 217-227].

La vie matérielle. - Elle est faite de richesse et de jouissance pour les uns, de pauvreté et de misère pour les autres, et il en sera toujours ain­si; car jamais on ne supprimera l'inégalité des intelligences, des volontés, des caractères, du courage, des vertus; et de fait les plus adroits et les plus forts domineront, les violents et les injustes rompront l'équilibre, qu'on présente aux foules comme un mirage décevant.

Le Cœur de Jésus irradie l'ordre matériel comme l'ordre intellec­tuel et moral. En bénissant les jouissances et les biens matériels, 74 il nous révèle leur but qui est de nous encourager et de nous aider dans le bien.

En même temps, un jour nouveau parti du Cœur de Jésus éclaire et transfigure la pauvreté, la souffrance et la mort; il résout l'énigme de la douleur et nous apprend à diviniser la souffrance; enfin il provoque la pitié la plus vive et la plus active en faveur des pauvres, des affligés, des captifs, des malades, des mourants, en faveur de toutes les infir­mités et de toutes les misères humaines…

Justice sociale. - Chacun de nous doit travailler au bien public. Dans son traité de la justice, St Thomas23) (2a 2ae q. 57 et suiv.) énumère une foule de devoirs: de la nation aux membres (justice 75 distributive), des membres à la nation (justice légale ou contributive); ces devoirs sont rangés par lui, à un titre moins rigoureux, que bien des devoirs de membres aux membres (justice commutative), sous la justice et non pas seulement sous la charité.

Nous devons nous intéresser au bien social comme le fait évidem­ment le Cœur de Jésus.

«Attendre et implorer des sauveurs extraordinaires, cela peut être bon, mais cela peut aussi faire le compte d'une certaine paresse» (Ollé-Laprune24)).

Dans tous les Etats modernes, il y a une part d'élément démocrati­que qui nous oblige à l'action.

On nous parle beaucoup de solidarité, mais ce devoir restera ineffi­cace, si nous ne considérons pas les exemples 76 et les enseignements du Cœur de Jésus. Son amour immense pour les hommes et pour les sociétés est l'éternel modèle et le foyer hors duquel la solidarité reste­ra inefficace, précaire, variable comme les passions, l'intérêt et le senti­ment qui en sont les inspirateurs et les principes.

Unité et liberté dans l Église. - Nous devons avec le Cœur de Jésus dési­rer extrêmement l'unité, l'union; prier avec l'Église de toute notre âme pour que les hérétiques, les infidèles entrent dans son unité; prier pour que, au sein de l'Église, l'union devienne plus intime, plus fer­me, dans les limites de l'orthodoxie. - Mais en dehors des doctrines définies comme de foi ou comme certaines par l'Église, 77 ou consa­crées par l'enseignement vraiment commun au sein de l'Église, il y a un immense terrain libre où nous devons respecter et comprendre la contradiction, d'abord dans les questions théoriques. Quant aux ques­tions pratiques, puisque St Paul et St Barnabé ne s'entendaient pas, puisqu'il semble que les anges eux-mêmes ne s'entendent pas toujours: témoin l'ange des Perses qui devant Dieu résiste à l'ange des juifs (cf. Dan. 10,13)25), nous devons comprendre, respecter, aimer la liberté des autres. Le but final, c'est l'action catholique et le bien à fai­re; on peut l'obtenir par des moyens différents.

Dans la guerre. - L'influence salutaire de l'Église rayonne partout, et se fait sentir même dans l'ordre temporel, par plus de 78 pitié, plus de bonté, d'honnêteté, par des moeurs plus clémentes et plus humaines même dans la guerre. - Combien nous sommes loin de cela dans la guerre actuelle entreprise sous l'influence de l'esprit luthérien dégénéré, sous l'influence de la philosophie de Nietzsche et du droit de la force!

Voici une année d'occupation qui s'achève. C'était dur. Le senti­ment patriotique était froissé. Les angoisses se succédaient. En ville, tout le monde s'énervait et souffrait. Les circonstances avaient peuplé ma maison: six prêtres, trois étudiants. Nous étions douze à vivre. Les santés souffraient plus encore de l'oppression morale que du pain malsain et des 79 difficultés du ravitaillement. Les ressources s'épui­saient. J'avais fait un emprunt. Je reçus de Sittard un bon appoint au milieu d'août. La Providence est bonne pour ceux qui s'abandonnent à elle. Maintenant, à la grâce de Dieu. Prions et attendons!

On ne saurait dire tout ce qu'il y a dans une pareille année de pei­nes, de privations et de souffrances. Dieu le sait et il en tiendra compte pour le rachat de la nation.

Encore un beau livre dont j'extrais quelques pensées qui expriment bien les dispositions où je veux être.

Je suis si proche du terme de ma vie, je laisse d'autres travaux pour ne 80 plus guère m'occuper que de lectures spirituelles et de prières. L'amitié divine. - St Thomas, après les philosophes anciens, observe que l'amitié tient à des biens ou à des maux dans lesquels on s'est ren­contré: elle se forme entre personnes qui ont passé par les mêmes étu­des, les mêmes épreuves, les mêmes dangers: écoliers, voyageurs, sol­dats… Dans son amour pour nous, le Fils de Dieu a voulu être homme comme nous et avec nous, enfant avec nous, exilé avec nous… Il s'est fait l'associé de nos travaux, de notre pauvreté, de nos labeurs… S'il faut, pour se bien connaître et s'aimer d'une amitié sûre, «avoir mangé ensemble plusieurs boisseaux de sel» (Aristote26)), nous pouvons bien connaître notre ami divin, il a passé trente-trois 81 ans avec nous. Partager les faiblesses de notre humanité, de notre enfance, notre exil, nos travaux, nous parler cœur à cœur ne lui a point suffi. Il a voulu surtout partager nos souffrances, nos humiliations, se faire l'associé de notre agonie, de notre mort, le chef de toutes nos douleurs.

L'Incarnation et la Passion ne sont pas ici-bas le dernier mot des communications de notre ami adoré. Le dernier mot, c'est l'Eu­charistie. C'est la Consécration, qui va multipliant son sacrifice, sa pré­sence sur mille et mille points du monde, pour chacun de nous. Et c'est la Communion, qui donne au sacrifice de la croix et de l'autel, offert pour tous, un caractère individuel, en nous appropriant l'ami divin. Une même table 82 vous rassemble, vous et lui: on dirait qu'à cette table il se nourrit de vous en vous assimilant à lui, tant il vous aime. Mais plutôt il vous nourrit de son corps, de son sang, de son être divin et humain. St Thomas27) relève, dans l'amitié de Dieu avec l'hom­me, surtout la communication qu'il veut nous faire de sa béatitude. «Dieu qui est fidèle, dit St Paul, nous appelle à la société de son Fils» (cf. 1 Cor. 1,9). La vue, la jouissance, la possession bienheureuse de la bonté, de la beauté, de toutes les perfections infinies contemplées face à face, tout ce qui fait le bonheur des personnes divines, le Cœur de Jésus veut me le donner. «Dites-moi, s'écrie Bossuet28), si notre Ami divin n'est pas parfaitement 83 communicatif».

Uni substantiellement. - Le Verbe, par l'Incarnation, communique à son Cœur tous les attributs divins, en même temps que sa personna­lité. Le Cœur de Jésus est, en toute vérité, le cœur de l'Eternel, le cœur du Tout-Puissant et tout Miséricordieux, le cœur du trois fois Saint, le cœur d'un Dieu Créateur et Providence, en même temps que le cœur d'un Dieu Rédempteur. - Puisque Jésus nous offre son cœur, son amitié, combien nous gagnons à ce que son cœur soit le cœur d'un Dieu infiniment bon et puissant! Je vois, à travers son cœur, tous les attributs divins tournés vers moi, prêts à me combler de tous les biens que le plus vrai ami puisse vouloir à son ami. 84

Abîme de toutes les vertus: - Toutes les vertus poursuivent un bien de l'ordre naturel ou surnaturel. La foi aime la vérité divine. L'espérance s'appuie sur la bonté de Dieu pour nous; la justice aime les droits de Dieu, des saints, de la patrie, des parents…; la chasteté aime l'ordre dans les sens et dans les âmes. Mais la charité embrasse le bien suprê­me, elle s'empare de toutes les vertus et les ramène toutes à l'amour de Dieu.

Le Cœur de Jésus est abîme des vertus à l'égard de son Père et des vertus à l'égard des hommes: charité, miséricorde, tendresse pour nous, compassion pour nos misères: «Il m'a aimé et il s'est livré pour moi» (Ga. 2,20). «O miséricorde de Jésus, disait 85 Sainte Gertrude29), jamais tu n'as passé près de celui qui souffrait sans avoir pitié de lui. Tu as toujours subvenu à tout indigent avec une bonté maternelle… oh! ne me chasse pas à cause de mes péchés, indigne que je suis… Ne chasse aucun pécheur. - O tendresse du Cœur de Jésus, effrayée com­me d'un tonnerre par le bruit de mes péchés dans ma conscience, je viens me réfugier sous les ailes de ta compassion… Accueille-moi com­me une mère qui reçoit son enfant qui s'était perdu… O compassion divine, sois émue de ma pauvreté, laisse-toi toucher de ma misère… N'as-tu pas en ton pouvoir des richesses si précieuses et si abondantes que le ciel et la terre ne pourraient les contenir? 86 Ne m'abandonne pas dans mes angoisses; ne détourne pas ta face de mes cris et de mes sanglots…; je sais d'avance que tu me recevras avec bonté; car tu ne méprises jamais ceux qui sont dans la désolation et dans l'épreuve».

Je serais indigne, ô Jésus, de votre cœur, de votre amitié, si je ne m'efforçais pas davantage, tous les jours, d'imiter votre charité, votre pitié, votre miséricorde, votre zèle pour les hommes, surtout pour les pécheurs!

Union à Jésus. - C'est physiquement que nous demeurons, par la grâ­ce, au sein de l'amour incréé de Jésus. Ne sommes-nous pas toujours aussi, par elle, sous l'influence aimante, vivificatrice de sa charité finie?

L'humanité de Jésus peut être 87 loin, mais de loin son rayonne­ment nous atteint, nous enveloppe. Et de ce chef encore, n'est-il pas vrai de dire que nous demeurons dans le Cœur de Jésus, puisque le Cœur de Jésus est, avant tout, le symbole de sa charité finie et de son influence bienfaisante? - Enfin nous pouvons demeurer en N.-S. mora­lement hanter les mystères de sa charité par nos méditations, par notre souvenir habituel, par nos réparations, par nos complaisances, par nos désirs, par nos adorations, nos louanges, nos prières, par la direction de toutes nos actions, de toutes nos joies, de toutes nos souffrances. Mais hélas! qu'il nous arrive souvent de ne donner à Jésus que les miet­tes de notre cœur et de n'être à lui qu'à moitié! 88

Jésus tout aimable. - trouvez-vous toute bonté? en Jésus. Bonté des êtres inférieurs dans son corps, bonté de la sensibilité, bonté de l'intel­ligence, de la volonté; bonté divine des vertus surnaturelles, de la grâ­ce et de la gloire; bonté substantielle de la divinité, toutes ces bontés, qui sont aussi des beautés, rayonnent dans son Cœur.

Le Cœur de Jésus, riche de toutes ces bontés, est souverainement aimable. Tel est le sens de la parole du Père: «Celui-ci est mon Fils Très-aimable (agapêtós30). Les amabilités de Jésus sollicitent l'amour de toutes les âmes. Elles sollicitent le mien. - O Jésus, souverainement aimé du Père et de tout ce qu'il y a eu de meilleur parmi vos 89 créa­tures, soyez enfin souverainement aimé de ma pauvre âme!

Patience et miséricorde divines. - Entre Dieu trois fois saint, infiniment juste, et nous, pauvres et misérables pécheurs, la patience, la miséricor­de, le pardon, sont les conditions les plus nécessaires de notre amitié avec lui: «Patient et de grande miséricorde», ces titres divins reviennent à toutes les pages de la Bible comme un refrain. «Seigneur Dieu, dit Moïse (Exode 34), vous êtes patient et d'une abondante miséricorde; vous faites miséricorde à des milliers de créatures, vous effacez l'ini­quité et les crimes» (cf. Ex. 34,6-7). Cent fois les prophètes et le psalmis­te redisent le même cri. «Je vous connais bien, Seigneur, disait Jonas, vous êtes patient et miséricordieux; je vais annoncer 90 vos châtiments à Ninive et vous lui pardonnerez!» (cf. Jonas 4,2). Pour moi, ma mis­sion au ciel ne pourra être que la glorification de la patience et de la miséricorde divine. Je serai l'éternel miraculé de cette miséricorde.

Cœur obéissant de Jésus. - Cette invocation exprime une des plus importantes leçons et des plus saisissantes opportunités de la dévotion au Sacré-Cœur pour notre temps. Il est évident que l'autorité, clef de voûte de l'ordre social, est, autant que jamais, attaquée, ébranlée. Ce n'est pas seulement à l'endroit de la jouissance et de la cruauté, que le paganisme est en train de revenir, c'est aussi à l'endroit de l'autorité et de l'obéissance: de l'autorité qui tend à se détacher de Dieu et à se fai­re, par là même, 91 despotique, même et surtout peut-être quand elle est collective; de l'obéissance qui tend à devenir extérieure, forcée, toujours plus étrangère à la raison et plus encore à la foi et au cœur. Le cœur devrait se donner au supérieur comme à un père estimé et aimé, chargé par la Providence de pourvoir à nos intérêts temporels ou spirituels.

Même parmi les fidèles, parmi les prêtres et les religieux, nous som­mes menacés d'un fléchissement des principes d'autorité et d'obéis­sance. Il nous importe donc de remonter à la source, au modèle de l'autorité et de l'obéissance, pour y renouveler souvent, à cet égard, nos convictions et notre vie.

Nos consolations viennent des souffrances du Cœur de Jésus. 92 C'est par sa pauvreté qu'il nous a mérité les biens matériels qui nous consolent. C'est par l'obscurité qu'il nous a mérité des succès qui nous encouragent. En souffrant des haines et des persécutions très doulou­reuses, il nous a mérité les sympathies qui viennent nous soutenir, nous aider à nous sanctifier et à faire du bien. Par sa solitude, au désert et sur les montagnes, il nous a mérité des compagnons de route dans la vie, qui partagent notre fardeau et nous le font trouver moins lourd.

Je crois encore, ô Jésus, que par les angoisses de votre Cœur au jar­din des Oliviers, vous nous avez mérité d'être délivrés de l'angoisse éternelle et des angoisses de cette vie.

Par les coups dont vous avez été accablé, vous avez détourné de 93 nous les coups de la justice divine. Par votre mort, par votre sacrifice, vous nous avez délivrés du péché et de la mort éternelle. Merci! Merci!

Amitié réconciliée. - La grâce et la charité, dans l'état présent, sont une amitié réconciliée. Aussi un accroissement d'amour mutuel entre Jésus et nous s'impose. «S'il y a quelque chose parmi les hommes, dit Bossuet31), qui demande une fidélité éternelle, c'est une amitié réconci­liée. Je sais que le nom d'amitié est saint par lui-même, et que ses droits sont inviolables dans tous les sujets où elle se trouve; néanmoins il faut confesser qu'il y a entre les amis réconciliés je ne sais quel enga­gement plus étroit et que 94 l'amitié y reçoit de nouvelles forces» (Sermon sur la pénitence). Du côté de Jésus, cet accroissement d'ami­tié est infaillible, et quoi de plus admirable! «Il n'y a pas de page de l'Evangile où nous ne voyions que Jésus a une certaine tendresse pour les pécheurs réconciliés plus que pour les justes qui persévèrent. Qui ne sait que Madeleine la pénitente a été sa fidèle et sa bien-aimée; que Pierre, après l'avoir renié, est choisi pour confirmer la foi de ses frères; qu'il laisse tout le troupeau dans les bois pour courir après la brebis égarée; et que celui de tous ses enfants qui émeut le plus sensiblement ses entrailles, c'est le dissipateur qui retourne? Afin que nous enten­dions, chrétiens, 95 qu'encore que l'innocence ait ses larmes, il estime plus précieuses celles que les péchés font répandre dans les saints gémissements de la pénitence, et que la justice recouvrée est quelque chose de plus agréable à ses yeux que la justice conservée. Et d'où vient cela? C'est que, s'étant réconcilié avec les pécheurs, il veut soi­gneusement observer les lois de l'amitié réunie».

A ce compte, je puis dire comme bien des âmes: Jésus m'aime puis­qu'il m'a tant pardonné!

Bénédictions temporelles. - Paix dans nos familles, consolation dans nos misères, soulagement dans nos travaux, bénédiction du ciel dans tou­tes nos entreprises, bénédictions abondantes partout où sera exposée l'image du Cœur de Jésus, voilà quelques-uns 96 des biens temporels promis à ceux qui espèrent dans le Sacré-Cœur. Le centuple promis par l'Evangile à ceux qui font des sacrifices, vise surtout les compensa­tions spirituelles, mais on ne peut pas en exclure la promesse d'une sérieuse mesure de biens même temporels. Et dans le Pater nous solli­citons le pain matériel avec le pain spirituel. Par tous ses bienfaits, N.-S. veut gagner notre amitié. Demandons ces faveurs pour nous et pour nos frères.

Je reçois enfin par Charleroi une lettre du P. Falleur. Ce sont encore des deuils. Le Fr. Rattaire32) est mort, dans les combats d'Arras. Il était officier. Il était intelligent, bien doué, franc et bon. C'est une grande perte. Le Fr. Gilbert est mort à Brugelette. 97 Il a beaucoup souffert et il a bien offert ses souffrances au S.-Cœur. Deux jeunes allemands sont morts aussi à la guerre, les Fr. Orth et Prantauer, et l'alsacien Gérard. Cela fait treize décès depuis un an, sans compter ceux que je ne con­nais pas. Fiat!

Notre famille religieuse s'accroissait de cinquante membres par an. Cette année, c'est à peine si elle gardera son nombre, qui est d'envi­ron cinq cents. Ceux qui meurent sont des victimes pour le bien de l'œuvre et le salut de la société.

Le 14 sept., trente-septième anniversaire de la fondation de notre maison du Sacré-Cœur. C'était la fête de la Croix. C'était un présage. Les souffrances 98 y ont abondé. Puissent-elles avoir suffi pour expier nos fautes et pour aider au salut des âmes!

Encore un beau volume que j'ai eu le temps de lire et de méditer. Je fais une année de retraite. - Le culte du Cœur de Marie ne peut man­quer d'aller en s'étendant toujours plus, de concert avec le culte du Cœur de son Fils. Ce culte nous montre la théologie de la Ste-Vierge sous son aspect le plus doux et le plus intime, celui d'un amour mutuel, d'une divine amitié entre Jésus et Marie, entre Marie et nous…

Avec le Cœur de Jésus, le Cœur de Marie était symbolisé par le cen­tre de toutes les attractions et gravitations, qui est comme 99 le trône de Dieu. La Reine du ciel n'est-elle pas assise à la droite du trône royal?

Le 8 décembre 1854. - Avec M. Sauvé, je me rappelle l'enthousiasme des pays catholiques au 8 déc. 1854. Le monde entier illumina ses tem­ples et ses maisons et le ciel dut contempler ce spectacle avec joie. «Ces démonstrations pendant une année entière, dit Mgr Pie33), firent le tour du monde et transformèrent le globe terrestre tout entier en un temple resplendissant de lumières et de fleurs à l'honneur de la Vierge sans tache». C'était l'année de ma 1ère communion. Dans les pays de foi, comme Lyon et l'Italie, ces fêtes du 8 décembre ont leur écho chaque année et les illuminations se renouvellent. 100

Le centre universel. - Le P. Gratry a bien parlé du centre universel de la gravitation, symbole de l'attraction universelle qu'exerce le Cœur de Jésus et de Marie et aussi symbole de l'union des âmes dans l'Eglise.

«Grand Dieu! Vous allez nous resserrer tous vers le cœur des âmes, vers le cœur de l'humanité, ce cœur composé de deux coeurs comme doit l'être le cœur humain: ce cœur qui est l'Homme-Dieu et la Mère de l'Homme-Dieu. Vous voulez nous réunir tous en ce centre autour du Chef visible de votre Eglise».

«Le voici qui se constitue dans le sein de Marie, par le mystère de l'Incarnation, ce Centre universel du monde: c'est le Fils de Dieu fait homme. C'est l'Amour, c'est le Cœur du Verbe incarné et rédempteur. 101 Dans le Fils de Dieu qui prend une vie humaine en Marie, j'adore le centre de toutes les vérités révélées. Le mystère de la Mère de Dieu por­tant son Fils dans son sein ou dans ses bras, est manifestement le noeud des vérités, le centre des questions sur Dieu et l'homme et le rapport de Dieu au monde»34). -J'adore aussi le centre de la vie spiri­tuelle et surnaturelle. C'est en lui que de tous les temps et de tous les mondes, si d'autres terres que la nôtre sont habitables, toutes les âmes puiseront la vie divine: il est la Vie.

Le centre du monde matériel pourrait être un astre immense qui, par l'attraction, associerait un astre moins important à son rôle de cen­tre. Ainsi en est-il du centre du monde surnaturel. 102 Il s'est formé grâce à deux unions: union entre le Verbe et son humanité, union entre le Verbe incarné et sa Mère. Jésus veut faire participer à son rôle de centre sa Mère, sa Coopératrice.

Marie est corédemptrice. - Que cette pensée devrait me toucher: je crois, ô Marie, que tout mal, tout péché dont j'ai été préservé ou guéri, vous en avez imploré et mérité pour moi la délivrance. Je crois que vous avez imploré et mérité pour moi toute grâce, toute joie, tous les biens divins, tous les biens naturels qui m'ont été jusqu'ici ou me seront jamais donnés. Pas une heure de ma vie où je ne puisse vous dire, ô ma Mère: tout bien que Dieu me donne à cette heure vient, sous la 103 source immense des mérites et des prières de Jésus, de votre Cœur, de vos prières et de vos mérites maternels; et j'en espère tous les biens pour toute heure nouvelle. - Votre amour est un trésor inépuisable, universel: vous avez chéri et vous chérissez d'un même amour les membres avec le Chef. Et pour ces membres, parfois si pau­vres, si malades, si endoloris, ou paralysés ou morts, vous avez par votre amour mérité, vous avez imploré la vie, la santé, l'activité divines, la gloire éternelle. O Mère, je vous demande tous ces biens pour eux, pour moi.

Marie, cause instrumentale de la grâce. - Si une âme, par une union inti­me et habituelle à Marie, dans la prière, le travail, les souffrances, se met généreusement 104 sous cette influence transformatrice, elle avancera très rapidement, grâce aux secours plus riches, plus abon­dants qui lui viendront du Cœur maternel. Marie est comme le sacre­ment supérieur de la grâce (P. Hugon). Elle agit par prière, par influence morale, par une autorité comme sans bornes que Jésus lui a donnée. - Dieu seul comme cause suprême produit la grâce; mais l'hu­manité de J.-C. la produit comme cause instrumentale principale; les sacrements la produisent aussi comme causes instrumentales secondai­res: pourquoi Marie n'en serait-elle pas cause instrumentale secondai­re universelle, subordonnée à l'humanité de J.-C. - Les ondes hertzien­nes s'enregistrent à 2.000 km et au-de-là. 105 Si la causalité physique est si étendue dans le monde des corps, quoi d'étonnant si elle l'est plus encore dans le monde spirituel? Pourquoi Marie ne jouirait-elle pas d'une influence physique universelle dérivée de celle de Jésus? N'est-ce pas là une conception qui s'accorde avec l'idée d'union à part entre l'Adam nouveau et l'Eve nouvelle. - Comme le cœur d'Adam et le cœur d'Eve n'avaient fait qu'un seul cœur dans le plaisir et par là nous avaient perdus: ainsi et bien mieux le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie n'ont fait qu'un seul Cœur dans le sacrifice pour nous déli­vrer. Ils ne font qu'un Cœur dans la prière, dans la volonté sans cesse active à nous faire du bien, dans 106 l'amour pour nous chérir avec tendresse, nous secourir avec un dévouement inlassable, nous consoler, nous vivifier, nous béatifier…

Prêtres du S.-Cœur. - Pour nous, comme pour St Jean, le grand moyen de puiser en Jésus et en Marie le zèle, c'est la contemplation. Une âme de feu, Ubertin de Casale35), dans son «Arbre de vie», parle avec des accents que l'on a souvent regardés comme prophétiques, d'une Eglise contemplative, qui se formera à la fin des temps, au sein de la grande Eglise catholique. Les membres, les apôtres de cette Eglise contempla­tive passeront, comme St Jean, sinon par le bain de l'huile bouillante, à tout le moins par celui du Cœur de Jésus 107 bouillant et passionné d'amour pour Dieu et pour nous.

A ce pronostic, le B. Grignion de Montfort36) ajoute que ces apôtres brûlants de zèle seront formés par Marie. Dans sa belle prière si con­nue, le Bienheureux décrit en traits de flamme le zèle de ces apôtres, et en implore l'avènement avec des ardeurs qui vous gagnent le cœur. - S'agit-il là d'un ordre religieux nouveau? Je croirais plutôt qu'il s'agit de la grâce du S.-Cœur, c'est-à-dire de l'esprit d'adoration, d'amour, de réparation et d'immolation qui doit animer plusieurs congréga­tions nouvelles et se répandre aussi parmi les anciens Ordres qui se tourneront vers le S.-Cœur. 108

Comme Marie, en union avec Jésus, le prêtre du S.-Cœur voudra que par la prière, par la souffrance, par le sacrifice de tous ses goûts à ses devoirs apostoliques, sa vie tout entière soit, en union avec la victi­me qu'il immole, une adoration, une louange, une prière, un cri conti­nuel de propitiation. Instruit par la Sainte Vierge, la Reine des dou­leurs, il estimera par-dessus tout la croix. Au lieu de s'étonner de ren­contrer la croix, il dira comme St François de Sales: «Je vois à tout bout de champs des croix de toutes sortes; ma chair en frémit, mais mon cœur les adore». Il fera bon visage à la croix et dira: «Il m'est bon à moi, prêtre, de souffrir: il m'est bon d'être humilié, après mon Maître adoré, 109 et en union avec ma divine Mère! ».

Recueillement. - Parce que nous n'aimons pas assez Dieu, il nous faut faire des efforts pour être recueillis: «Montez donc au temple, ô adora­teur spirituel, nous dit Bossuet; mais écoutez dans quel temple il vous faut monter. Dieu est esprit et n'habite pas dans les temples matériels; Dieu est esprit… et c'est dans les esprits qu'il établit sa demeure. Ainsi rappelez en vous-mêmes toutes vos pensées, et, retiré de vos sens, mon­tez attentif et recueilli en cette haute partie de vous-mêmes où Dieu veut être invoqué et qu'il veut consacrer par sa présence». Ainsi pour nous le recueillement est laborieux. Il deviendra plus facile, à mesure 110 que nous aimerons davantage.

L'union à Jésus. - Il n'est pas d'idée sur laquelle les diverses écoles de spiritualité soient plus d'accord que sur l'excellence de la piété per­sonnelle envers N.-S. - S'unir à Jésus crucifié, n'est-ce pas toute la spiri­tualité de St François d'Assise? Quelle place l'union à Jésus dans ses mystères tient dans les Exercices de St Ignace! Et n'est-ce pas à cette union que, à la suite de St Paul, la spiritualité oratorienne convie sans cesse les âmes? - On ne saurait trouver un plus parfait modèle de cette spiritualité que dans la vie de la Sainte Vierge. Son divin Fils est l'élé­ment divin où se meuvent ses joies, ses douleurs, ses désirs, sa vie. Non pas qu'elle oublie le reste, mais St Joseph, 111 ses parents, les anges, les hommes, sont vus par elle en Jésus et comme appartenant à Jésus. En lui elle trouve, et nous trouverons avec elle, l'amour de la croix, l'humilité, la paix, la confiance, la douceur, le zèle, la prière, l'espéran­ce, la foi, le vrai amour.

Sacrifice, pénitence. - Nous savons quelle place le sacrifice a tenue dans la vie de Marie. Le sacrifice diffère bien de la pénitence et de la mortification. La mortification est un acte de la prudence et des autres vertus qui craignent le danger de tomber dans le péché. La pénitence est un acte de la justice qui répare le péché. Le sacrifice est un acte de la religion qui, par l'oblation et l'immolation, rend hommage à Dieu. 112 Avec Jésus, Marie a pratiqué le sacrifice mieux que tous les saints de l'Ancienne ou de la Nouvelle Loi.

L'amour de Marie. - je voudrais aimer Marie comme Saint Stanislas Kostka que le nom seul de Marie suffisait à faire pleurer; comme le B. Herman Joseph, qui l'appelait son épouse d'amour; comme Saint Philippe de Néri qui l'appelait «ses plus chères délices»; comme les saints qui gravaient son nom sur leur poitrine; comme St Bernard, qui l'appelait la Ravisseuse des cœurs; comme St François Solano qui, transporté d'une sainte folie d'amour pour elle, se mettait quelquefois à la chanter et à jouer d'un instrument devant son image, 113 en disant qu'il voulait comme les amants dans le monde donner une séré­nade à sa bien-aimée Reine. - Si je l'aimais comme St Alphonse Rodriguez37), qui croyait pouvoir dire à la Ste-Vierge: «Ma très aimable Mère, vous m'aimez beaucoup, je le sais, mais vous ne m'aimez pas autant que je vous aime», elle me répondrait: «Oh! combien mon amour l'emporte sur le tien, sache qu'il y a moins de distance entre le ciel et la terre». - «Si j'avais pour elle l'amour de toutes les mères pour leurs enfants, de tous les époux pour leurs épouses, si j'avais enfin l'a­mour de tous les hommes, immense serait mon amour, mais que serait-il comparé à l'amour de Marie pour moi?» (St Alphonse). 114 L'amour de Marie pour moi est toujours actuel, puisse le mien pour elle le devenir de plus en plus!

La vieillesse est venue. Fiat! Tout est bien quand Dieu le veut. Deux communautés me demandent de leur prêcher la retraite, c'est la Croix et les Petites Soeurs. Je ne puis plus. La bronchite chronique me fait tousser souvent et cracher le sang. Je ne puis plus donner des retraites où il faut parler quatre fois par jour pendant huit jours. C'est pénible d'être obligé de refuser l'exercice de l'apostolat. Je désire tant travail­ler au règne de N.-S.! Il me reste à me sanctifier dans le recueillement et à compléter l'organisation 115 de ma congrégation en préparant le Chapitre général.

Ses pensées et ses actes, par le P. de Franciosi38). - C'est là un recueil excellent, j'en copie quelques pages que je voudrais voir observées chez nous et que je recommande à tous les nôtres.

La pauvreté. - Ignace voulait que les siens s'abstinssent de tout ce qui, de près ou de loin, était, ou même semblait être, un acte de propriétai­re. Nul ne pouvait s'attribuer absolument rien sans une autorisation préalable, et si, en cas de nécessité, il avait cru devoir présumer cette autorisation, il était obligé de la faire ratifier promptement. Il était également interdit à tous de rien recevoir, de rien emprunter, de rien donner, de rien échanger, de rien prêter. 116 Il était défendu de rem­placer un objet hors de service, un vase cassé, etc., par un objet équiva­lent, rencontré dans une autre chambre, à l'insu du supérieur. Il n'é­tait pas permis, dans les mêmes conditions, de prendre un volume à la bibliothèque commune, de mettre dans son bréviaire une image trouvée par hasard, de se pourvoir de papier, de plumes, etc., d'affec­ter à son usage un canif, un chandelier, une lampe et autres choses semblables. On ne devait rien écrire, ni faire aucune marque dans les livres dont on était autorisé à se servir. Il fallait également une permis­sion pour placer ou déplacer un tableau dans sa cellule, pour enfoncer un clou dans la muraille, etc. Le Saint ne pouvait souffrir qu'on coupât une fleur en se promenant 117 dans le jardin; quant à cueillir ou même à ramasser un fruit tombé d'un arbre, cela lui paraissait si odieux qu'il en fit, durant quelque temps, un cas réservé, avec l'obliga­tion de prendre la discipline en public…

L'obéissance. - L'obéissance est, au sentiment d'Ignace, la pierre de touche la plus sûre pour discerner dans les âmes l'action de Dieu de celle de la nature ou du démon. Il avait confiance dans les grâces extraordinaires d'une âme qui était très obéissante.

Ceux qui dans l'exécution des ordres de leurs supérieurs obéissent malgré eux et avec répugnance, doivent être rangés, disait-il, parmi les plus vils esclaves. Comme un Frère s'était déchargé sur un autre du soin d'accomplir ce qui lui était prescrit, Ignace le punit sévèrement. Durant six mois, 118 le Frère dut se présenter au réfectoire, une son­nette au cou, en répétant chaque jour à haute voix ces paroles: «Le: Je veux et le: Je ne veux pas, ne demeurent pas ici».

La prudence. - Voir à l'avance ce que l'on doit faire, et soumettre à l'examen ce que l'on a fait, voilà deux règles très sûres pour bien agir. Ce n'est pas dans un transport de ferveur, ni dans un grand abatte­ment d'esprit, qu'il faut prendre aucune détermination, mais il faut attendre que le calme renaisse, et suivre alors ce que la saine raison et non la fougue nous inspire (Exercices spirituels).

Quand on est au moment de prendre une détermination, il con­vient d'examiner si l'affection qui nous fait pencher pour un parti plutôt que pour un autre vient réellement de l'amour 119 de Dieu et nous est inspirée par lui.

La tempérance. - La discrétion est nécessaire dans la vie spirituelle. C'est à elle de modérer les exercices de la vertu, de telle sorte qu'elle nous fasse marcher entre les deux extrêmes opposés. Comme le dit St Bernard, il ne faut pas toujours se fier à sa bonne volonté; elle doit être réglée et dirigée, surtout dans un commençant… Accorder à la nature ce qui lui est nécessaire ce n'est pas faire tort à la piété. Que le malade s'abstienne donc sans scrupule des exercices de ceux qui sont en santé, qu'il se contente de faire compensation par son égalité d'â­me et sa patience, et qu'il ne brise pas de fatigue son corps déjà épuisé par l'infirmité. Une once de sainteté avec une 120 bonne santé est plus utile pour travailler au salut des âmes, qu'une grande sainteté avec une once de santé. - Ignace estimait surtout la modestie religieuse comme un puissant moyen d'édification.

La régularité. - Il y a trois signes certains auxquels on reconnaît une maison religieuse bien réglée: ce sont la clôture, la propreté, la loi du silence exactement observée. Ignace recommandait à tous, mais parti­culièrement aux supérieurs, ces trois points, et il veillait lui-même à leur exécution. Il visitait souvent les chambres pour s'assurer qu'elles avaient été balayées, que les lits étaient bien faits, que les livres étaient rangés convenablement sur la table, que les moindres objets, 121 le chandelier, les chaussures, le balai, etc. occupaient la place qui leur était destinée. Hors le temps des récréations après le repas, il ne tolé­rait pas qu'on se livrât à des conversations. Si quelqu'un avait besoin de dire quelques mots à un autre et élevait trop la voix, ou si quel­qu'un faisait du bruit en marchant, en montant ou descendant les escaliers, le Saint le rappelait à la Règle.

Le but de l'Institut. - Dans les Règles données par les Fondateurs d'or­dres à leurs disciples, tout ce qui a une liaison étroite avec le but spé­cial de l'ordre a été inspiré de Dieu. Ignace était fermement convaincu de cette vérité. Pour ce qui le regarde lui-même, il déclare souvent dans ses Constitutions 122 que ce qu'il prescrit ne vient pas de lui mais de Dieu, et qu'il ne fait en quelque sorte que l'écrire sous sa dictée… Le serviteur de Dieu ne revendiquait pas pour les Règles essentielles de sa seule compagnie le privilège d'une origine surnatu­relle, il estimait au contraire que la même faveur avait été accordée aux autres Instituts religieux. Il disait un jour au P. Laynez: «Croyez­-vous que Dieu a révélé aux Fondateurs d'ordres toutes les prescrip­tions données par eux à leurs familles religieuses?». - «Je regarde com­me plus conforme à la foi, répondit Laynez, de penser que Dieu étant le principal auteur et le premier Père de toutes les religions, n'a point manqué de révéler aux Fondateurs les points importants et substan­tiels de leur Institut. 123 L'établissement d'un ordre religieux, en effet, n'est pas l'œuvre d'un homme, mais l'œuvre du Seigneur qui veut que chaque ordre le serve et l'honore d'une manière spéciale; il est donc de sa Providence de montrer à l'avance de quelle façon il entend être servi et honoré, car c'est là un secret que le Fondateur ne saurait découvrir par ses propres efforts. Quant aux points secondaires et accessoires qui ne touchent plus à l'essence intime de ces Instituts et qui sont susceptibles de modifications suivant les circonstances de temps et de lieu, Dieu a laissé à la prudence des Fondateurs le soin de les déterminer avec une certaine liberté. C'est ainsi qu'il en a usé à l'é­gard de l'Eglise elle-même…». 124

La vie commune. - Les hommes apostoliques doivent se bien persua­der que le succès de leur ministère est inséparablement attaché à l'ac­complissement exact de toutes leurs règles… Ignace refusait les postes et les fondations où ses enfants n'auraient pas la facilité de vivre en véritables religieux. - Les lois françaises nous ont souvent obligés à iso­ler des sujets et ce fut toujours un grand dommage pour la congréga­tion.

Changement d'Institut. - Certains religieux sont tentés de désirer autre chose que ce qu'ils ont. Ignace leur dit: «Ne vous laissez pas arra­cher des mains, par l'espoir trompeur d'un bien plus considérable, celui que vous teniez déjà; mais sachez qu'afin de nous faire renoncer aux bonnes œuvres que nous menions à bonne fin, 125 notre perfide ennemi excite en nous d'ardents désirs d'entreprendre des choses extraordinaires qui ne s'accompliront jamais. - Enfin, comme si vous aviez pris racine dans les fondements mêmes de la maison de Dieu, demeurez inébranlablement attachés à votre sainte vocation, vous sou­venant que de même que le démon pousse souvent les solitaires à dési­rer les emplois de la vie commune, de même il a coutume de faire aspirer à la solitude ceux qui sont appelés à travailler au salut des âmes. Par cet artifice et à l'aide de leur inconstance, il mène les uns et les autres à leur perte, en leur faisant prendre des voies opposées à cel­le où le Seigneur les avait fait entrer».

L'homme vertueux. - Ses pensées 126 sont élevées et religieuses, il se défie de lui-même. - Ses discours sont honnêtes et circonspects, il se garde d'offenser la vérité. - Son extérieur est composé, il est humble, il respire une douce gaieté. - Ses manières sont prudentes et sages, dou­ces et agréables, pieuses et édifiantes. - Son vêtement est propre, décent, convenable. - Il est sobre, sa nourriture est simple et conforme à la nature. - Son sommeil est modéré, il le prend avec bienséance et à ses heures. - Sa prière est assidue, l'espérance l'accompagne, la charité la rend affectueuse, la foi lui prête sa force. - Ses délassements sont modestes, rares et courts. - Il fait tout en union avec Dieu.

Les dons de Dieu. - Après avoir conseillé à St François de Borgia de 127 modérer ses mortifications excessives, Ignace lui disait: Cherchez plutôt les dons du divin Maître, comme l'intensité de la foi, de l'espé­rance et de la charité, la joie et le repos spirituel, les larmes, les conso­lations intenses, l'élévation de l'esprit, les impressions et illuminations divines et autres sentiments spirituels, comme l'humilité et un respect profond pour notre Mère la sainte Eglise, pour ceux qui la gouvernent et pour ses docteurs… Nous devons souhaiter ces dons si précieux en tout ou en partie, et ces grâces spirituelles, en tant qu'avec leur secours nous pouvons procurer à Dieu une plus grande gloire. Pour obtenir ces dons, il faut unir la mortification à l'oraison. Négliger l'u­ne ou l'autre serait une illusion. 128

Du zèle. - Ignace craint que par un faux zèle les jeunes gens ne trou­vent leur formation trop longue. «Durant le temps de vos études, dit-il, gardez-vous de croire que vous soyez inutiles à l'avancement spirituel de vos frères. Car, outre que vos âmes se fortifient dans la vertu, com­me le demande la charité bien ordonnée, vous pouvez coopérer de plusieurs manières à la gloire du Seigneur et au salut du prochain. D'abord par votre travail et l'intention avec laquelle vous l'entrepre­nez, qui est d'aider les autres quand le moment en sera venu. Offrez chaque jour à Dieu cette préparation, et s'il l'accepte, elle peut être aussi utile aux âmes que la prédication et les confessions. Vous servez le prochain en vous formant pour agir plus tard, 129 en donnant le bon exemple d'une vie sainte et par le mérite de vos bons désirs».

La conversation. Il faut désirer la grâce du discours qui est si nécessai­re pour traiter avec le prochain. C'est un art bien grand, mais bien rare, de manier beaucoup d'affaires et de traiter avec beaucoup de gens sans jamais perdre de vue ni soi ni Dieu.

Réformateurs. - On rencontre des gens qui s'échauffent sans cesse en leurs discours contre la corruption de leur époque, ils se répandent en plaintes amères sur l'abaissement des caractères, le relâchement des moeurs, l'abandon des principes; ils exagèrent même l'étendue du mal et dénoncent partout des abus, ils confondent ce qui est désirable avec ce qui est possible, 130 et réclament à grands cris la suppression immédiate de tout ce qui les choque à tort ou à raison. Se substituant sans mandat ni compétence à l'autorité chargée de réprimer les désor­dres, usurpant un rôle qui ne leur appartient pas, ils croient tenir en mains le remède infaillible à l'état de choses qu'ils déplorent… Pensons d'abord, disait St Ignace, à ce que Dieu demandera de nous selon notre vocation. Que celui qui a la mission, le pouvoir et la volonté de réformer le monde, commence la réforme par lui-même, qu'il l'étende ensuite de proche en proche à ceux qui sont autour de lui, et qu'il l'apporte enfin aux grandes cités, s'il en a le pouvoir.

Prédicateurs. - Ignace fait aux siens cette recommandation: qu'ils s'exercent à prêcher et à faire des 131 instructions chrétiennes d'une manière qui édifie le peuple et qui ne sente point le style de l'école. Les prédicateurs et en général ceux qui enseignent le peuple doivent écrire avec soin et méditer sérieusement avant de parler… Les discours d'Ignace tendaient toujours à inspirer l'horreur du péché et le désir de la vertu, et il se proposait constamment de faire rentrer en eux-­mêmes les pécheurs et de leur mettre sous les yeux l'amour que Dieu avait pour eux.

Des emplois. - Dans la distribution des offices, Ignace avait beaucoup d'égard à ce qui pouvait être agréable à ceux :auxquels il devait les con­fier. Il les interrogeait avec bonté. Il leur adressait les trois questions suivantes: Etes-vous disposé à accepter toute 132 fonction qu'on vous proposerait?. - Vous sentez-vous porté vers une occupation plutôt que vers une autre? - Dans telle circonstance donnée, si vous en aviez le choix, à quel ministère donneriez-vous la préférence? - Quand enfin il savait à quoi s'en tenir, tout en exigeant que tous les siens fussent soli­dement établis dans l'indifférence de la volonté, et que seule l'obéis­sance leur imprimât un mouvement en tel ou tel sens, il était bien aise de les employer d'une manière conforme à leurs inclinations.

La bonté. - Le fond du caractère d'Ignace, aussi bien que le ressort principal de son gouvernement, était la bonté. C'est par là qu'il gagnait tous les cœurs et en disposait à son gré. Impitoyable envers lui-même, il n'en était que plus rempli d'une 133 miséricordieuse sol­licitude à l'égard du prochain. Il exigeait sans doute que dans la santé comme dans la maladie les siens s'abandonnassent à leurs supérieurs pour le soin de ce qui concerne le corps, le vêtement et le reste, mais de son côté il n'omettait rien pour leur fournir le nécessaire et même l'agréable dans la mesure du possible.

Il recommandait au Père Ministre de veiller à ce que les aliments fussent de bonne qualité et bien apprêtés…

Les jeunes gens. - Ignace mettait tout en œuvre pour dilater l'âme de ses frères, celle des jeunes gens surtout, et il ne négligeait rien pour faire naître et entretenir parmi eux un joyeux entrain, une douce gaieté, une salutaire 134 bonne humeur, une religieuse et sainte allé­gresse. En lui, à leur égard, il n'y avait rien de la marâtre, il se montrait au contraire et il était en effet pour eux une vraie mère, il en avait l'af­fectueuse tendresse et les délicates attentions. Il saisissait les occasions de leur faire plaisir, il leur ménageait à propos d'agréables distractions. Il ne les tenait pas constamment emprisonnés dans l'enceinte de la maison, mais il les envoyait de temps en temps à la campagne pour se récréer dans des vergers et des jardins, où ils pouvaient respirer un air plus pur, se donner un peu de mouvement et prendre leurs ébats sans préjudice des bienséances de leur profession.

Les recteurs. - Il ne faut pas 135 confier facilement des charges à des hommes jeunes. Ignace s'inspirait de ce principe si sage lorsqu'il avait à établir des supérieurs, toutefois il ne croyait pas y déroger en con­fiant la supériorité39), malgré leur jeunesse, à des sujets qu'une vertu solide et des aptitudes extraordinaires pour le gouvernement lui dési­gnaient comme pouvant déjà commander sans inconvénient pour eux-­mêmes et avec avantage pour les autres. Dans ces cas exceptionnels, il avait moins égard à l'âge et au temps passé dans la Compagnie qu'au mérite de ceux qu'il mettait à la tête des autres.

Encore un bon livre que j'ai eu le temps de lire. Je demande par­don 136 à mon bon ange d'avoir été si indifférent à son égard, si oublieux de sa bonté. - «Ceux à qui Dieu confie quelque autorité devraient avoir une grande dévotion aux Principautés: ils puiseraient dans cette dévotion des grâces de lumière, d'autorité douce et forte». J'invoque chaque jour l'ange qui doit m'aider à gouverner la Congrégation, mais comme je le fais imparfaitement! - A l'exemple des trônes, notre cœur peut être un trône très pur où Dieu se repose et se complait. - Ouvrons nos pensées à nos anges gardiens. Si nos pensées sont vives et se répercutent dans l'imagination, les anges les peuvent lire, et nous pouvons ainsi être conseillés et dirigés par eux.

Nos célestes messagers portent à Dieu 137 nos œuvres, nos larmes, nos souffrances, nos prières. - Ils nous apportent du ciel la lumière, le pardon, la paix, la joie, la consolation, le courage et la force. - Prions­-les de porter à nos amis de la terre et du purgatoire un rayon de cha­rité et de consolation. -je demande à St Michel d'aider puissamment l'Eglise et la France en ces temps difficiles.

La 2e partie du volume étudie la vie de Dieu en nous et la grâce. Nous sommes les temples de Dieu, sa maison, son tabernacle: sachons vivre avec Dieu dans le recueillement.

La sainte humanité du Verbe rayonne du ciel et du tabernacle vers mon âme, mais bien plus Dieu habite en mon âme, le Père, le Fils et le St-Esprit, 138 pour élever mon âme à la vie surnaturelle, pour y infu­ser les vertus et les dons, qui sont comme les facultés de l'homme nou­veau et la grâce du moment par laquelle ces facultés entrent en acte… 139

139 Table des matières

Juin 1915 1 Le devoir social 64
L'Ecclésiaste 2 La Ste Trinité 67
Mon jardin 9 Devoirs intimes envers la
Le 8 juin 13 Ste Trinité 69
Les Juifs 14 La charité pour les pécheurs 72
Le 16 juin 16 La vie matérielle 73
Lectures 17 Justice sociale 74
Le 21 juin 22 Unité et liberté dans l'Eglise 76
Offrandes sur les tombes 23 Dans la guerre 140 77
Le 28 juin 24 Le 28 août 78
Petits saints 26 Ch. Sauvé:
L'Eglise militante 28 Les litanies du S.-Coeur 79
Le 2 juillet 30 L'amitié divine 80
Espionnage maçonnique 31 Uni substantiellement 83
Le 14 juillet 32 Abîme de toutes les vertus 84
Sr Marie Solange, clarisse 33 Union à jésus 86
Ch. Sauvé: Jésus tout aimable 88
Le culte du S.-Coeur 36 Patience et miséricorde 89
Résolution 38 Coeur obéissant de jésus 90
L'âme de N.-S. 39 Amitié réconciliée 93
Les passions 40 Bénédictions temporelles 95
La Blessure 41 13-14 septembre 96
Révélation du S.-Coeur 42 Ch. Sauvé:
Opportunités de cette Le Saint Coeur de Marie 98
dévotion 43 Le 8 décembre 1854 99
Préludes 45 Le centre universel 100
L'union mystique 48 Marie corédemptrice 102
Miséricorde 49 Cause instrumentale
Les parfums 50 de la grâce 103
La sagesse 51 Prêtres du S.-Coeur 106
St Ignace 57 Recueillement 109
er août 58 L'union à jésus 110
Ch. Sauvé: Sacrifice, pénitence 111
Le culte du Coeur de Jésus 60 L'amour de Marie 112
La conversion 60 La vieillesse 114
La réparation 61
Notre centre 62
St Ignace 115 Les dons de Dieu 126
La pauvreté 115 Du zèle 128
L'obéissance 117 La conversation 129
La prudence 118 Réformateurs 129
La tempérance 119 Prédicateurs 130
La régularité 120 Des emplois 131
Le but de l'Institut 121 La bonté 132
La vie commune 124 Les jeunes gens 133
Changement d'Institut 124 Les recteurs 134
L'homme vertueux 125 Ch. Sauvé: L'Ange et l'homme 135

1)
«Dix mois de guerre. Neuf mois d’occupation. Rien n’avance»: voilà bien des motifs pour s’adonner à la lecture du Qohélet, «le livre du désenchantement de Salomon». Dans ce cahier le P. Dehon enregistre un résumé essentiel de presque tous les chapitres de ce livre; mais il s’agit d’habitude de paraphrases très approximatives et non de traductions fidèles du texte biblique, méritant les guillemets, pas même à propos du chap. 12, où le manuscrit les indique. Toutefois nous y avons ajouté, entre parenthèse les références au texte biblique.
2)
La graphie de ce mot, dans le manuscrit, n’est pas claire. Quelqu’un avait lu anculias. Mais compte tenu aussi du contexte, en fait il s’agit des aucubas, arbustes assez fréquents en France, au moins dans certaines régions.
3)
Un autre mot effectivement difficile à lire dans le manuscrit. On a proposé neige… De fait, outre que c’est ce qui vient spontanément, on ne voit vraiment pas quel autre mot pourrait se cacher sous ces signes. Disons que le «g» a été mal formé?
4)
Les abbés Lémann (Edouard-Joseph et Achille-Augustin), frères jumeaux, nés à Dijon en 1856 d’une famille juive. Orphelins, ils se sont convertis au catholicisme sous l’influence du milieu. Ordonnés prêtres à Lyon en 1860, après un séjour de deux ans auprès du P. Théodore Ratisbonne, ils consacrèrent leur vie surtout à la con­version de leurs frères juifs. Lors du ler concile du Vatican, ils allèrent à Rome où ils firent signer à une forte majorité des Pères un Postulatum en faveur de la conversion des Juifs. A ce même projet sont consacrés de nombreux livres écrits par les deux frè­res.
5)
Cf. St Ignace, Exercices spirituels, finale de la 20e annotation préliminaire. Citation à peu près textuelle.
6)
Malherbe (François de), poète français (Caen 1555 – 1628). «Poète de cour», il se posait en chef d’école. Et pourtant, d’après lui, la langue poétique devait être claire, éviter tout archaïsme et tout néologisme, et surtout exprimer des idées et des senti­ments compris de tous.
7)
Arnault (Antoine-Vincent), poète tragique et littérateur, né à Paris, mort à Goderville (1766-1834), il débuta en 1791 par la tragédie de Marius à Minturnes, bientôt suivie de celle de Lucrèce. Après avoir émigré, il rentra en France, s’attacha à Bonaparte qu’il suivit en Italie. Exilé en 1816 par les Bourbons, éliminé de l’Académie où il avait été admis en 1799, Arnault obtint son rappel en 1819, rentra à l’Académie en 1829, et en devint le secrétaire perpétuel. Il fit jouer Les Vénitiens (1798); Germanicus; Don Pèdre ou le roi et le Laboureur; Scipion; Les Guelfes et les Gibelins; etc. Il a laissé un recueil de Fables, et d’intéressants mémoires dans: Souvenirs d’un sexagénaire (cf. Larousse du XXe s., t. 1, p. 352).
8)
Viennet (Jean-Pons-Guillaume), homme poétique et littérateur français, né à Béziers en 1777, mort au Val-St-Germain (Seine et Oise) en 1868. Il servit d’abord dans la marine; fait prisonnier par les Anglais; de retour en France, fit la campagne de Saxe (1813). Sous la Restauration, il devint aide de camp du Général de Montlégier. Nommé chef d’escadrons, il fut rayé des contrôles par Clermont­Tonnerre, pour son Epître aux chiffonniers sur les crimes de la presse (1827). La même année, sa ville natale l’envoyait siéger, comme député, dans les rangs de l’opposition. Louis-Philippe le promut au grade de lieutenant-colonel. Viennet a écrit des Fables (1842) et des Epîtres (1860); des Essais de poésie et d’éloquence (1803); des poèmes… des romans… Adversaire passionné du mouvement romantique, il composa pour le théâ­tre des tragédies… un drame en vers… des comédies… des opéras… Il entra à l’Académie française en 1830 (cf. Larousse du XXe s., t. 6, p. 986).
9)
Mot tout à fait illisible dans le manuscrit. On propose de lire encor (forme poé­tique de encore), à cause de la rime (essor) et du troisième «essai».
10)
Loh (François Stanislas): Le 21 juin le P. Dehon a la visite du P. François Stanislas Loh (né 1879; profès 1908; prêtre 1913; supérieur provincial de la Province Allemande en 1932-1936; mort en 1941) et aussi du Frère scolastique Joseph Kônigsmann (né 1890; profès 1911; prêtre 1918; missionnaire au Brésil 1920-1926; mort près de Donau en Allemagne en 1974).
11)
Le jeune recteur de Louvain, dont on parle quelques lignes après, est le P. Adrien Guillaume, mort le 28 juillet suivant, à l’âge de 29 ans (voir infra, XXXVIII,22; et une note biographique, vol. III,463,1).
12)
Cinq biographies ont été écrites. Voici les titres: Notice sur Eugène Savard, St-Quentin, Imprimerie A. Bray et C., pages 79 (AD. B.90/1). Notice sur Céphas Mennechet, St-Quentin, Imprimerie A. Bray et C., pages 45 (AD. B.90/1). Notice sur Eugène Lecompte, Limoges, Typ. P. Dumont, pages 250 (Bibliothèque, 4.C.124). Notice sur Emile Black, St-Quentin, Imprimerie A. Bray et C.; sur un autre exem­plaire on lit: «Imprimerie du Journal de St-Quentin». De cette biographie on a perdu l’exemplaire imprimé; on garde un texte polycopié d’un exemplaire manuscrit daté le 2 oct. 1888. Notice de Narcisse Halluin. De cette biographie on n’a pas d’exemplaire dans notre bibliothèque.
13)
Cette définition «parfaite» de l’objet du culte du S.-Cœur, que le P. Dehon a trouvé dans Sauvé (op. cil., p. 6 note), Sauvé à son tour l’avait empruntée à l’ouvrage classique et très connu: P. Nilles, s .j., De Rationibus festorum sacratissimi Cordis Jesu et purissimi Cordis Mariae, 5e éd., Paris, Lethielleux 1885.
14)
Hurter. cf. Sauvé, op. cil., p. 8, où l’on trouve la référence: Hurter, Theol. dogm., t. 2, p. 566.
15)
Amour. ici on a gardé la majuscule comme dans le manuscrit, parce que c’est la Personne qui est visée.
16)
Le Cœur symbolisant. A propos du symbolisme du Cœur, ici le P. Dehon, à la sui­te de Sauvé (cf. op. cit., p. 12 note), renvoie au P. Nix. En fait, à cette référence-là, Sauvé écrit: «Le Cœur symbolisant, ou Cœur physique, signe de la charité, est l’objet immédiat de notre culte. Sous ce signe, l’objet spirituel de notre culte est le Cœur sym­bolisé, ou la charité de Notre-Seigneur. L’objet spirituel prochain est sa charité créée, l’objet spirituel éloigné est sa charité incréée (cf. v.g. Nix, op. cil., pp. 40-45) ». Le livre de Nix, auquel renvoie la référence, est Cultus SS. Cordis Jesu sacerdotibus praecipue et theologiae studiosis propositus, cum addimento de cultu purissimi Cordis B. V. Mariae, 2e éd., Fribourg-en-Brisgau, Herder 1891.
17)
Thomassin, De Incarnatione, liv. 1, ch. 6. – Cf. Sauvé, op. cil., p. 248.
18)
Commandanture: francisation du mot allemand Kommandantur, qui semble admise sous cette forme, si non par l’Académie française, du moins par Larousse du XXe siècle.
19)
Décès du P. Adrienj Guillaume: cf. ci-dessus, n. 22; pour une note biographique, cf III,463,1.
20)
Legrand (Orf. Joseph Matthias), évidemment il s’est remis, puisqu’il vécut jusqu’au 13.08.1925, lendemain de la mort du P. Dehon. Il continua son activité com­me conseiller général (1888-1919) et aussi comme quêteur pour l’Ecole St-Clément.
21)
Citation de St Augustin, Epist. 185; en Sauvé, op. cit., p. 149.
22)
Politiques, au pluriel bien sûr, parce qu’au milieu de tant de mots au pluriel. Mais dans le manuscrit on lit tout à fait clairement «politique» au singulier.
23)
St Thomas, Sum. Theol., II, IIae, q. 57 sq.; en Sauvé, op. cit., p. 262 note.
24)
Ollé-Laprune, Le prix de la vie, p. XIII; en Sauvé, op. cit., p. 262. Noter cepen­dant que la citation par Sauvé comporte: «Attendre, implorer» (sans le «et»).
25)
L’ange des Perses et l’ange des Juifs: Dans le livre de Daniel (10,13) on affirme que l’ange des Perses résistait devant Dieu «à l’ange des Juifs». Apparemment c’est un problème théologique. La Bible de Jérusalem donne cette explication: «Michel est l’ange protecteur du peuple de Dieu (cf. Ex 23,20+). Le Prince des Perses apparaît comme l’un des anges protecteurs des nations. Ce mystérieux conflit entre les anges souligne que le destin des nations reste un secret suspendu, même pour les anges, à une révélation de Dieu» (Dn 10,13 note f).
26)
Aristote et ses boisseaux de sel : cf Ethique 1,8, ch. 3; en Sauvé, op. cit., p. 62.
27)
St Thomas sur l’amitié cf. S. Theol. II,IIae, q. 23, a. 1; Sauvé, op. cit., p. 64.
28)
Citation de Bossuet: en Sauvé, op. cit., p. 65, sans référence.
29)
Citation de Ste Gertrude : cf Les Exercices de Ste Gertrude, Paris, Oudin, 5e éd., p. 289 et ss.; en Sauvé, op. cit., pp. 157-158.
30)
Agapêtós cf. Mt. 3,17; Lc. 9,35; 2Pt. 1,17.
31)
Citation de Bossuet: Cf. «Sermon sur la pénitence» ler point; en Sauvé, op. cit., pp. 368-369.
32)
Quelques notices sur les religieux cités: Fr. Cl. Alfred Rattaire t 17.6.1915 Neuville St Vaste Fr. Cl. Lucien Gilbert t 16.6.1915 Brugelette Fr. Cl. Jean Orth t 18.8.1915 en Champagne Fr. Co. Paul Prantauer t 08.6.1915 Reims Fr. Cl. Jules Gérard t 03.10.1915 Arras – La mention de ce dernier, qui ne semble pas avoir été ajoutée après coup, pose problème, puisque les notes du contexte sont datées du 14 septembre. Mais le P. Dehon lui-même nous renseigne que, quelques fois, il enregistre ses souvenirs dans ces Cahiers quelques jours, et même quelques semaines après (cf. Cahier XXXIV, note 44).
33)
itation de Mgr Pie, mais sans donner de référence. Plus qu’un texte imprimé, le contexte environnant rappelle des souvenirs personnels du P. Dehon.
34)
Dans l’original manuscrit, cette citation n’a pas sa marque de fin. Mais le pas­sage à un sujet différent («J’adore aussi») semble bien marquer le changement.
35)
Ubertin de Casale, religieux piémontais (Casale Monferrato, v. 1259 – 1328). Entré chez les franciscains, il devint le chef des spirituels de Toscane. Entre 1289 et 1298 il étudia à Paris où, comme le dit lui-même, «totam primam reformationem fedaveram» (Arbor vitae, prol.). La connaissance d’Angèle de Foligno signa la fin de cette période de sa vie. Ubertin se reprit spirituellement et il en attribue le mérite à la Sainte. Peu après il se retira sur le mont La Verna où il composa Arbor vitae crucifixae Jesu (1305). A Avignon il soutint la cause des Frères rigoristes, avec des excès qui ont été condamnés par la décrétale «Exivi de paradiso» (1312). Mais Ubertin ne se sou­mit pas. Accusé plusieurs fois d’hérésie auprès du Pape, on le voit pendant des années «vagabundus per mundum» (1325-1328). La date et les circonstances de sa mort ne sont pas connues. Pour les autres écrits d’Ubertin, cf «Dict. Spir.» XVI, 3-15.
36)
Grignion de Monfort, Louis-Marie, Cf I,502,55.
37)
Alphonse Rodriguez, saint, né à Ségovie en 1533, mort à Montesion de Palma en 1617. Il étudia quelque temps au collège des jésuites à Alcala. Après la mort de son père, il dut s’occuper du commerce et se maria (1560). Mais par après, ayant perdu sa femme et sa fortune, il se présenta au noviciat des Jésuites où il fut reçu comme Frère coadjuteur (1571). Cette même année il partit pour Majorque, où il resta jusqu’à sa mort, en remplissant divers offices domestiques, et surtout l’office de portier. Très nombreux ses écrits (autobiographie, prières, méditations, conseils de vie ascétique, résolutions, etc.), édités après sa mort en trois volumes de pages 840 + 761 + 794. La doctrine spirituelle que l’on peut dégager de ses écrits est essentiellement ignatienne et expérientielle.
38)
Franciosi (Xavier de), jésuite, né à Arras 1819, mort à Tournai en 1908. Il consa­cra sa vie presque exclusivement à promouvoir, par la parole et surtout par la plume, le culte du Cœur de Jésus. Très nombreux les livres et opuscules sur l’histoire, la doc­trine, la pratique, les exercices de la dévotion au S.-Cœur. Son œuvre la plus célèbre est L’esprit de St Ignace, résumé ici par le P. Dehon. Référence complète: L’esprit de St Ignace. Pensées, sentiments, paroles et actions du Fondateur de la Compagnie de Jésus, Nancy 1887; éd. augmentée, Montreuil 1898. Traduite en plusieurs langues, cette œuvre trouva un grand écho surtout chez les jésuites et produisit une estime exceptionnelle de la sainteté de leur Fondateur.
39)
Supériorité. ce mot en français vise la personne; et chacun sait qu’elle n’est pas indispensable pour être nommé «supérieur» d’une communauté. La charge de supé­rieur, au contraire, on peut l’indiquer par le mot «Supériorat».
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