nqtnqt-0005-0043

43e CAHIER

1918-1920

Voici un mois nouveau, le mois du Rosaire, qui laisse prévoir de gros événements. Je le passerai en grande partie à Lyon. Du 2 au 10, je vais à Moulins prêcher la retraite au grand séminaire, heureux de revoir Mgr Penon et M. Giraud, supérieur du séminaire.

Je me suis préparé à Caluire, avec le Novum Testamentum. J'ai mes notes. Je fais prêcher l'Evangile et St Paul. Si j'ai des loisirs, je repro­duirai mes notes dans un cahier1).

Je propage notre Association et j'inscris des Agrégés ou Oblats.

Je suis en relations avec une âme privilégiée qui a des vues sérieuses 2 sur les événements prochains. Le S.-Cœur veut faire miséricorde à la France.

J'apprends la mort de M. Toniolo2), professeur à Pise, philosophe, économiste, un saint, chef d'une belle famille. Je l'ai vu souvent à Rome. Il avait bien voulu m'honorer de son amitié. Il goûtait mes livres sociaux et les a fait traduire en Italien. Avec lui, dans ma propa­gande d'action sociale catholique, j'ai connu d'autres grands amis: M. Harmel; - Albert de Mun qui avait parlé avec beaucoup de bienveillan­ce au cardinal Rampolla de mon apostolat social; - le Marquis de La Tour du Pin, un ami aussi, que je vis souvent, et qui me reçut dans son château d'Arrancy; - M. Vrau3), le saint de Lille qui passait me voir tous les ans à St-Quentin; 3 - Georges Goyau4), Henri Lorin5), le Marquis de Ségur, ces derniers que je rencontrais à Paris au Comité des études des cercles catholiques; - le P. Vermeersch6), à Louvain; - Le P. Lehmkuhl7), le P. Biederlack8)

J'ai connu quelques saints, par visites ou correspondance: don Bosco, la Mère Véronique, la Soeur Marie du S.-Cœur de la Visitation de Bourg9), fondatrice de la Garde d'honneur, Mme Royer10) de Dijon­Montbar, Louise Lateau11), M. Philibert Vrau, le P. Jandel12), la Mère Anne de Luxembourg, la Mère Séraphine de Talence-Mons13), Pie X, et notre Mère fondatrice de St-Quentin, P. de Villefort14), Mgr de Ségur… 4

Dans ce mois d'octobre, je recopie15) toutes les instructions que j'ai données à la retraite de Moulins. Cela me vaut une retraite. Je m'appli­que ce que j'ai enseigné aux autres.

La vie intérieure, l'union à N.-S., la vie de foi, j'avais bien compris et goûté cela dès mon séminaire.

Mais vers le milieu de ma vie sacerdotale sont venus de rudes assauts du démon qui ont parfois troublé mon esprit et mes sens. Le temps de la guerra m'a été favorable. Etant moins dérangé par l'admi­nistration et les voyages, j'ai lu beaucoup d'auteurs ascétiques et de pieuses biographies qui m'ont fait retrouver bien des grâces.

J'approche de mon jubilé sacerdotal et l'impression que j'ai tout ce temps-ci est le besoin de repentir, de pénitence, de réparation. 5

C'est le mois des âmes du Purgatoire. Je lis un bon livre de l'abbé Rouzic16). Je suis très impressionné par ses affirmations sur les relations de nos morts avec nous. Ils nous voient, ils nous entourent de leur sol­licitude, ils nous aident de leurs prières. Je copie: «Ces âmes connais­sent, elles savent… Elles vivent avec plus d'intensité que nous. Leurs pensées et leurs affections s'élèvent d'un vol plus agile. Elles ne sont pas retardées par la lourdeur des sens, par les longs arrêts du sommeil, par les trahisons de la mémoire, par les longs et périlleux labeurs de l'induction… Elles s'aperçoivent les unes les autres, elles voient leurs parents, leurs amis qui sont restés sur la terre, elles sont témoins des événements de cette vie, elles 6 voient les élus du ciel; elles voient aussi les damnés et, en considérant les flammes de l'enfer, elles compren­nent, plus encore que par la considération des flammes qui les entou­rent, la malice du péché…».

Et encore: «Ceux que nous avons perdus et que nous pleurons ne nous ont donc vraiment pas quittés; êtres immortels, la question de lieu et de distance ne se pose pas pour eux, ils sont près de nous; êtres clairvoyants, la question de voile et d'ignorance ne se pose pas davan­tage; ils nous connaissent et nous suivent avec amour, nous envelop­pent de leur sollicitude et de leur affection…» (Mgr Chollet17), «Nos morts… ») .

Comme ces pensées sont impressionnantes! 7 Pourquoi ne les pré­che-t-on davantage, ne fussent-elles que probables? Combien elles empêcheraient de péchés! Combien elles aideraient à la vertu! C'est si bon de se sentir surveillé et aimé par nos parents, par nos amis du ciel et du Purgatoire! Il me semble que les païens eux-mêmes, les Romains, les Chinois sentaient cela quand ils honoraient les tombes familiales ou qu'ils croyaient leurs défunts près d'eux dans leurs oratoires domes­tiques…

Nous croyons trop que nos morts sont infiniment loin, qu'ils ne nous voient plus et ne s'intéressent plus à nous.

11 novembre, c'est l'armistice! Le S.-Cœur a eu pitié de son peuple de France. 8 Il y a tant et de si ardentes âmes. La France officielle elle-­même a été consacrée au S.-Cœur par Louis XVI, autant qu'il le pou­vait, et par l'Assemblée nationale qui a voté l'érection de la basilique de Montmartre. La nation est toute au S.-Cœur par la consécration des diocèses et des paroisses, par celle des familles qui s'est tant multi­pliée depuis la guerre.

Les fidèles ont pris le scapulaire et la médaille. Des millions de fanions ont été distribués aux soldats. On peut dire que toute la nation porte avec amour le nouveau labarum.

N.-S. a promis à la France d'abondantes bénédictions pour le jour où elle lui serait consacrée. Ce jour est venu. 9

Le 12, j'ai donné aux bonnes Soeurs de la Compassion une confé­rence sur le S.-Cœur. Ce sont mes adieux18).

St Paul disait: «Je ne sais rien que Jésus crucifié» (cf. 1 Cor. 2,2). Moi, je voudrais pouvoir dire: «Je ne sais rien que le Sacré-Cœur de Jésus».

Quelle belle pensée je trouve encore dans Ste Gertrude: «Dans une merveilleuse vision, il fut révélé à la grande sainte du S.-Cœur que, pendant que l'Eglise célèbre la messe sur la terre, le Pontife supreme,

Jésus, la célèbre dans le ciel et qu'au moment de l'élévation il prend dans ses mains son Cœur très saint et, l'élevant lui-même, le présente à Dieu le Père s'immolant pour son Eglise d'une manière si ineffable et si inestimable que nulle créature, si digne soit-elle, 10 ne saurait même aspirer à le comprendre quelque peu» (Ledos19), Ste Gertrude, ch. V).

St Thomas et divers docteurs de l'Eglise sont moins catégoriques que Mgr Chollet et les modernes sur nos relations avec nos morts. «Il ne semble pas, dit St Thomas, que les âmes connaissent par elles-mêmes l'état des vivants. Mais elles peuvent en être informées soit par les âmes qui leur arrivent de la terre, soit par les anges, soit enfin par une révé­lation spéciale du St-Esprit… Cela suffit pour qu'elles connaissent nos périls et nos besoins et qu'elles prient pour nous…» (S. Théol. 1, q. 89, art. 8, ad 1um; Item P. Pesch, t. IV. n° 647). 11

C'est moins intime qu'une connaissance directe, mais c'est quand même un état de relations et de rapports spirituels.

Mais pour les âmes entrées au ciel, ces restrictions n'existent pas. Elles nous voient en Dieu.

«Elles nous voient dans le miroir infiniment clair de la lumière divi­ne» (C. Terrien20), La grâce et la gloire, tome II, p. 179).

«Les bienheureux, dit St Thomas, connaissent dans le Verbe tout ce qui les touche» (I, q.12, art.8-9). Ils nous voient, ils connaissent nos épreuves, ils assistent invisibles à nos réunions… (L'abbé Thomas de St Laurent: Nos amitiés après la mort). Du regard ils ne nous quittent pas. Ils nous aiment de l'affection la plus tendre… 12 Il y a entre nous et nos morts un échange incessant de pensées, de mérites et de prières.

25 novembre. - Voilà plus d'un mois que j'ai demandé le visa de mon passeport pour aller à Rome et rien ne vient. Il faut, paraît-il, l'as­sentiment du Ministère de l'intérieur, et cela prend un mois ou deux! Nous sommes encore au plein dans la routine administrative. Lenteurs, vexations, niaiserie. C'est tout ce qu'on y rencontre. Nous sommes loin de la largeur d'esprit et d'allures des Américains.

A Lyon, les occupations ne manquent pas, il y a de bonnes librai­ries.

Je parcours l'histoire du XIXe siècle par Bainville21): «Trois généra-tions». 13

Il y a du bon, mais l'auteur oublie de signaler un des grands fac­teurs de l'opinion et de la politique, c'est la franc-maçonnerie qui n'abdique jamais.

Il nous montre d'abord l'esprit napoléonien. A Sainte-Hélène, Napoléon résumait son œuvre en deux idées: les nationalités et la gloi­re militaire. Il avait, hélas! trop délaissé la nationalité polonaise et trop exalté la nationalité prussienne… Mais ces idées étaient populaires et Napoléon III en fit son tremplin.

La Restauration était arriérée. Charles X en était encore aux idées de Louis XV, et le Comte de Chambord voulait continuer Charles X. 14

La monarchie de juillet, trop bourgeoise et pacifiste, ne sut pas gagner le peuple en élargissant le suffrage.

Bainville veut plaire à la démocratie en affirmant que le suffrage universel est pratique, positiviste et conservateur. On l'a vu bien illu­sionné et trompeur depuis trente ans.

Le but de Bainville est de faire valoir la royauté, qui a une politique suivie et qui aurait gardé l'alliance avec l'Autriche pour ne pas laisser grandir la Prusse…

C'est Léon XIII qui a raison. Toute forme de gouvernement peut être bonne, si elle respecte Dieu et l'Eglise… 15

J'ai lu avec attention l'étude du P. Dumas sur l'Imitation de J.-C. Il a vraiment trouvé le fil conducteur de ce petit livre tout divin.

Ce n'est pas strictement un traité didactique de la vie spirituelle. Les deux premiers livres s'en rapprochent: ils décrivent la vie purgati­ve et la vie illuminative. Le troisième est plutôt une description vécue de l'ascension vers la vie unitive. La trame en est moins claire. Il y a des retours en arrière, des fluctuations, mais c'est que en réalité la vie spi­rituelle est faite de luttes, d'épreuves, de montées et de descentes. L'auteur semble revenir au commencement: c'est qu'en effet la nature a des réveils et il faut souvent se remettre à la componction, au déta­chement, à l'abnégation. 16

L'Imitation n'a pas la prétention de nous conduire aux grâces extraordinaires, elles sont gratuites et on ne doit pas les chercher.

Mais elle nous forme à la contemplation ordinaire, qui est déjà une quiétude fruitive et un avant-goût du ciel (p. 15-16). Mais c'est un état qui est souvent temporaire et mêlé d'aridités, de faiblesses et de con­tradictions.

Il faut retenir le sens principal des trois étapes de la vie spirituelle et y revenir toujours.

1er livre. L'atmosphère vitale de la 1ère étape, c'est la componction du cœur, entretenue par le souvenir de notre faiblesse, de nos péchés, de la mort et du jugement.

2e livre. La région vitale de la vie illuminative, c'est le chemin de la croix: la méditation de la 17 vie et de la passion de N.-S., avec l'amour de la mortification et du sacrifice…

3e livre. La condition principale de la vie d'union, c'est l'abandon à Dieu, la remise ou résignation de soi à la volonté divine en tout et pour tout…

Conclusion: prière: «En vous, je mets ma confiance, mon Dieu, Père des miséricordes. Bénissez et sanctifiez mon âme par votre céleste bénédiction,afin qu'elle devienne pour vous une demeure sainte, le trô­ne de votre gloire éternelle (pour y tout gouverner) et qu'il ne se trou­ve rien, dans ce temple où vous daignez venir (pour y recevoir ses hom­mages et ses supplications), qui offense les regards de votre Majesté»… (L'Imitation de J.-C., par Dumas22), chez Téqui). 18

N'aboutissant à rien à Lyon, je partis le 1er décembre pour Paris. Là avec des recommandations j'obtins le visa de mon passeport en cinq jours. J'étais heureux de dire quelques messes à N.-D. des Victoires et le 1er vendredi à Montmartre où je pus saluer le cardinal.

Dans mes courses, j'ai dit mon bréviaire à St Thomas d'Aquin et à St Roch. Ce style français du XVIIe et du XVIIIe siècle ne manque pas de grandeur. On l'a trop méprisé. Il n'a pas le cachet mystique de XIIIe siècle, ni la grâce de la première renaissance, c'est le style gréco-­romain adapté aux coutumes de ces siècles qui ont repris les traditions latines en omettant complètement l'inspiration gothique dûe aux Francs du Moyen-âge. 19 Le XIXe siècle n'a pas de cachet propre. L'art et la littérature y étaient tiraillés entre les traditions françaises et gothiques.

Au XXe siècle, nous avons un retour à l'art byzantin avec Montmartre, la cathédrale de Marseille, etc. et un essai de style nou­veau, de style éclectique avec l'architecte Bossan de Lyon…

Le 8 j'étais à Bourg, heureux de célébrer la messe dans l'Eglise du S.-Cœur, érigée par la Garde d'honneur. C'est encore une église provi­soire, près de laquelle s'élève un grand sanctuaire, digne du S.-Cœur. Des églises du S.-Cœur vont s'élever partout. Lyon, Grenoble, Livourne préparent de grandes églises votives. 20

On fête mon jubilé sacerdotal à Bologne le 15. Belle et touchante démonstration. Nombreuses communions. Fête récréative chez les étu­diants.

50 ans de sacerdoce! 18.000 messes!

St Jérôme dit que durant la célébration d'une messe pour une âme souffrante, cette âme peut être préservée en tout ou en partie de la peine du feu. Ce saint ajoute qu'à chaque messe célébrée, plusieurs âmes sont délivrées du purgatoire (cité par St Léonard23) de Port­-Maurice, De la Messe, ch. VII).

S'il en est ainsi, c'est tout un corps d'armée de saintes âmes qui demandera grâce 21 pour moi aux portes du ciel…

J'arrive à Rome le 17. Le 21, je devais avoir l'audience, mais le frère du Pape est mourant et les audiences sont suspendues…

Le 22 je chante la messe de communauté à Santa Chiara, comme je l'ai fait en 1868. Profonde émotion. Il me semble que cette 1ère messe si lointaine était d'hier: même autel, même messe du 4e dimanche de l'Avent. Plusieurs des assistants d'alors sont encore là: les Pères Daum, Eschbach et Roserot24). Mes bons parents étaient là en 1868, ils doivent s'unir à nous de leur séjour céleste. C'est un jour de grâces. Partout dans nos maisons et chez mes amis on prie pour moi. Je demande au S.-Cœur de me remettre dans 22 les dispositions toutes pures et géné­reuses d'il y a cinquante ans. J'aurais dû tant progresser depuis ce tem­ps-là!

Le P. Freyd me paraît présent, ainsi que mes acolytes d'alors, Le Tellec et Dugas. Ils prient pour moi là-haut.

Beaucoup de religieux de la colonie française sont venus prier avec nous, mais ils auraient été bien plus nombreux si la grève postale n'a­vait pas retardé la distribution des invitations. Je reçois lettres et dépê­ches de partout, ce sont des jours émouvants.

Au repas de midi, allocutions trop flatteuses du P. Supérieur et du P. Roserot. Le P. Lefloch lit mes notes de séminaire 23 qu'il a trouvées dans les archives, cela me rend comme présent le P. Freyd, qui était si bienveillant pour moi…

Le St-Père me reçoit le 26 avec le P. Barthélemy et deux de nos ita­liens. Je lui parle des épreuves de la Congrégation et de ma confiance dans son prochain développement, puis de la France, pardonnée et sauvée par le S.-Cœur. Il est très bienveillant et paternel. Il dit que la Congrégation doit rester principalement française. Il tient à ce qu'on soit fidèle chez nous à nos pratiques d'adoration réparatrice et d'expo­sition du St-Sacrement. Il me donne pour souvenir une grande médail­le en or. 24

Tous ces jours-ci, bonnes visites de la colonie française, prélats et religieux. Beaucoup ont reçu trop tard la lettre d'invitation. Tous me témoignent une sympathie touchante.

Les messes de cette fin d'année me rappellent celles de 1868. 25

1919

Souhaits. Correspondance. Tout cela est bon, si on y met le sel de la foi et de la prière.

Que sera cette année? Il y a de gros nuages à l'horizon: les diffi­cultés du Congrès de la paix, l'anarchie russe, l'esprit socialiste qui fer­mente partout. J'ai confiance. Il y a eu tant de saintes victimes au front et à l'arrière, tant de sacrifices généreux, tant de prières persévérantes! Le S.-Cœur s'est laissé toucher pour terminer la guerre; il se laissera toucher pour mettre de l'ordre dans la paix.

Le monde s'agite, il y a beaucoup de brouillons. Espérons que le bon sens, avec un peu d'esprit chrétien, dominera 26 au Congrès de la paix.

On espère que cette année verra la canonisation de Marguerite Marie et de Jeanne d'Arc et la consécration de l'Eglise de Montmartre: quels bons pronostics!

Ce sera une grande année du S.-Cœur. Cette dévotion a pris un développement inouï, surtout en France, pendant la guerre.

L'image du S.-Cœur y est partout et sous toutes les formes: dra­peaux, fanions, insignes, etc. On va ériger de nouvelles basiliques du S.-Cœur à Lyon, à Grenoble, etc. Toutes nos églises de France arbo­rent le drapeau du S.-Cœur auprès de l'autel. N.-S. s'en contentera, il ne demande pas que le symbole du S.-Cœur 27 soit marqué sur tous les drapeaux qui traînent dans les rues.

C'est le titre d'un bon livre du P. Gillet25), dominicain.

Je n'aime plus guère à lire que les livres qui m'expliquent l'action divine, l'action de la grâce en nous. Le livre du P. Gillet est un des plus lumineux. Je note quelques passages principaux.

I. Outre l'omniprésence de Dieu en toute créature par sa science et sa puissance, il y a la présence personnelle de Dieu dans les âmes justes, dans les âmes en état de grâce, ayant la charité. C'est donc la charité, ou l'amour qui sert de trait d'union entre la personne de Dieu et la nôtre. Aussi disons-nous que c'est en la personne du St-Esprit que Dieu 28 habite en nous; ce n'est pas pour exclure les deux autres per­sonnes, mais pour mettre en lumière le titre de cette présence qui est un titre d'amour… Dieu devient un autre nous-même, il est un ami, habitant chez des amis. De là cette simplicité, cette intimité dans nos rapports avec Dieu. La charité n'est autre que le Cœur de Dieu bat­tant dans notre cœur à nous, puisque par la charité nous aimons Dieu comme il s'aime, et nous-mêmes et les autres du même amour que Dieu. L'union à Dieu implique le cœur à cœur avec Dieu. Nous pen­sons à lui, nous le contemplons en nous, nous lui rendons grâces pour tous ses dons, nous lui exposons nos besoins… 29

La charité est comme le Cœur de Dieu battant dans le nôtre. Nous contemplons son amour dans ses grandes manifestations: la création, l'incarnation, la rédemption.

II. La présence et l'action du Christ en nous à titre d'instrument de la grâce, complète la présence de Dieu en nous.

Si la présence du Christ en nous avec ses deux natures, divine et humaine, est difficile à comprendre dans une âme, la présence du Christ par son action s'impose, puisqu'il est aux mains de Dieu l'instru­ment de la production de la grâce en nous. Il a mérité toutes les grâces et il nous les départit. Il est le chef, la tête du corps mystique de l'Eglise. Comme c'est de la tête que 30 les membres du corps reçoi­vent la vie, c'est du Christ que les âmes reçoivent la grâce, cette vie divine. La production de la grâce par le Christ, instrument de Dieu, n'entraîne pas la présence personnelle du Christ… Que cette présence du Christ par son action en nous puisse quelquefois se doubler d'une présence personnelle, qui pourrait en douter? La présence eucharisti­que ne nous incline-t-elle pas à le croire? Est-ce que par la communion le Christ n'est pas présent personnellement, corps et âme et divinité, dans nos âmes et dans des milliers d'âmes à la fois? Pourquoi la toute­-puissance de Dieu serait-elle sous ce rapport limitée 31 au moyen eucharistique? Nous pouvons donc en croire les saints et les âmes qui nous affirment avoir en elles le sentiment de la présence personnelle de Jésus-Christ.

III. C'est par la grâce du St-Esprit que Dieu et le Christ agissent en nous. Nous recevons du St-Esprit la lumière de la foi pour régler notre vie par des vues surnaturelles. Mais il y a plus: pour suppléer à nos rai­sonnements humains même surnaturalisés et toujours lents et com­plexes, nous avons les dons du St-Esprit: ce sont des intuitions, des flairs, des instincts qui agrandissent le champ de notre expérience de Dieu. Dans l'exercice des vertus surnaturelles, nous nous inspirons de nos raisonnements, 32 dans l'exercice des dons du St-Esprit, nous sommes directement inspirés par Dieu. Les dons intellectuels de scien­ce, d'intelligence, de sagesse, nous révèlent Dieu et la vie de Dieu en lui-même et en nous par intuition, spontanément, instinctivement. Les autres dons, ceux de crainte, de piété, de force, de conseil, nous font deviner l'attitude à avoir, dans telle ou telle circonstance, pour faire la volonté de Dieu.

IV. Les sacrements sont aussi un instrument de la grâce. L'action divine passe par le Christ et par eux pour aboutir jusqu'à nous… La messe et la communion sont des instruments très actifs de la grâce. 33

V La Sainte Vierge est un instrument conjoint au Sauveur, conjoint par ses mérites, conjoint par sa mission de Reine et de Mère, conjoint par son intercession. Des mystiques l'ont comparée au cou et au cœur du corps mystique du Christ qui est notre chef.

VI. Pour nourrir la vie contemplative, il ne faut pas la disperser, mais la condenser sur les grands mystères de l'amour de Dieu: créa­tion, incarnation, rédemption, eucharistie, béatitude éternelle. Cela suffit pour nous entretenir dans la ferveur de l'amour divin et dans l'esprit d'apostolat en union avec la charité divine… 34

Il me semble que St Paul marque bien, dans l'Epitre II aux Thes­saloniciens, cette double action de Dieu en nous. Dieu met en nous la charité, le Christ y ajoute la patience, à son exemple: Dominus autem dirigat corda vestra in charitate Dei et patientia Christi (2 Thes. 3,5). Le Cœur de Dieu met en nos cœurs la charité, pour lui, pour nous, pour les hommes. Le Cœur de Jésus met en nous la patience, la réparation, le sacrifice pour la gloire de Dieu et le salut des âmes…

Relu tout le livre du P. Girau26). Ce livre est parfait en son genre. C'est un manuel de cette dévotion spéciale d'union directe 35 et prin­cipale avec Marie. C'est la dévotion de Grignion de Montfort27). Mais il ne faut rien exagérer. L'union directe et constante à Marie est une dévotion spéciale. On ne doit pas la donner comme la voie commune et nécessaire.

La vie chrétienne consiste à aller par N.-S. J.-C.: Per D. num nostrum Jesum Christum. Toute la liturgie commune nous fait dire couramment Pater et Ave, et non pas Ave et Pater. Il y a bien le petit office de la Ste Vierge, qui donne le pas à l'Ave, mais c'est une dévotion spéciale.

En général, allons à Dieu par Jésus, puis invitons Marie à nous y aider. 36

Jésus d'abord. Mat. 2,11: Magi invenerunt puerum cum Maria matre ejus; - Mat. 2,13: Accipe puerum et matrem ejus; Item Mat. 2,20.

Le P. Giraud cite la messe en union avec Marie du P. de Géramb, mais à chaque étape de la messe le P. de Géramb va droit à Dieu par N.-S., puis il ajoute une invocation à Marie.

Le card. de Bérulle dit à Marie dans sa Consécration: «Après votre fils et sous votre fils, je vous confie mon âme et ma vie».

Dans ses élans d'amour à Marie, le Vén. Henri Boudon disait: «Je vous remets donc tout, ô ma chère Espérance, après Jésus et en Jésus». 37

Je ne blâme pas la vie d'union directe et constante à Marie, mais je la regarde comme une dévotion spéciale à laquelle tout le monde n'est pas appelé. Allons à Dieu par Jésus et invitons Marie à nous y aider.

J'ai relu les deux volumes du P. de Caussade28) sur l'abandon. Il me semble que cet ouvrage convient plus aux directeurs d'âmes qu'aux simples fidèles.

L'auteur distingue la vertu d'abandon et l'état d'abandon.

Sous le nom de vertu d'abandon, il décrit la vie chrétienne commu­ne. Dans ce sens, l'abandon est la conformité à la volonté de Dieu, et cette conformité se présente sous trois formes: 1° l'accomplissement des devoirs du 38 chrétien et des devoirs d'état; 2° l'acceptation patiente et résignée des événements de la vie et des épreuves de la Providence; 3° la docilité et la fidélité aux inspirations divines, a ces impressions de la grâce que nous recevons dans le cours de la journée, spécialement à l'oraison, à l'action de grâces et dans nos exercices de piété.

Jusque là, rien d'extraordinaire ou de mystique, c'est la vie pieuse des enfants de Dieu.

Sous le nom d'état d'abandon, l'auteur décrit la vie mystique, l'u­nion à Dieu, la vie contemplative. Il en rappelle longuement les épreu­ves, les obstacles, la pratique. Cela n'est plus pour tout le monde. C'est un état auquel un très petit nombre d'âmes arrivent. Non pas que 39 les autres n'y soient pas appelés, mais parce que la plupart de celles que Dieu y appelle ne répondent pas aux invitations de sa grâce.

Cet état consiste «dans une dépendance continuelle de l'Esprit de Dieu et de sa grâce, qui fait que l'âme se tient devant Dieu dans la disposition d'agréer de moment en moment tout ce qu'il voudra ou ne voudra pas».

C'est le Domine, quid me vis facere de St Paul (Act. 9,6), le Loquere, Domine, quia audit servus tuus de Samuel (3,10).

Tous les docteurs mystiques vantent l'excellence de cet état, qu'ils nomment l'état d'union ou même l'état passif; mais ils ont soin de fai­re remarquer que cette passivité ne saurait jamais dispenser 40 de rem­plir très activement tout ce qui est de devoir commun.

Ces devoirs sont la manifestation la plus certaine de l'ordre de Dieu. Rien ne leur doit être préféré. C'est l'erreur des quiétistes de les dédaigner.

Tout en suivant le cours des devoirs quotidiens et en acceptant les épreuves de Providence, il faut suivre avec docilité et simplicité les inspirations de la grâce. Elle peut nous conduire «à nous intéresser à telle personne, à lire tel livre, à recevoir ou donner tel avis… à donner telle chose ou à la faire…». Le point délicat est de ne pas confondre les mouvements de la nature et ceux de la grâce.

Donc en pratique mettre avant tout la fidélité à tous les devoirs quo­tidiens et pour le reste se maintenir dans le recueillement, prêt à obéir 41 aux mouvements de la grâce dès qu'ils se feront sentir.

C'est ce que d'autres auteurs appellent la vie d'union ou la vie de foi. La vie de foi consiste à voir en tout la volonté ou la permission de Dieu et à garder toujours la paix et la joie. Si le P. de Caussade parle peu des moyens ordinaires de sanctification (vie purgative, vie illumi­native) ce n'est pas qu'il en méconnaisse la nécessité, mais c'est qu'il s'adresse à des âmes déjà avancées, qu'il veut guider dans la vie unitive (t. 2, p. 307s.).

Bossuet, si prudent en ce qui touche au quiétisme, donne le même enseignement que le P. de Caussade dans son discours sur l'acte d'a­bandon, et 42 dans son petit traité sur la manière courte et facile pour faire l'oraison en foi et de simple présence de Dieu (cités dans l'ouvra­ge du P. de Caussade).

«La méditation est fort bonne en son temps, dit-il, et fort utile au commencement de la vie spirituelle, mais il ne faut pas s'y arrêter, puisque l'âme, par sa fidélité à se mortifier et à se recueillir, reçoit pour l'ordinaire une oraison plus pure et plus intime, que l'on peut nommer de simplicité, qui consiste dans une simple vue, regard ou attention amoureuse sur Dieu ou Notre-Seigneur. L'âme, quittant le raisonnement, se sert d'une douce contemplation, qui la tient paisible, attentive 43 et susceptible des opérations et impressions divines que le St-Esprit lui communique: elle fait peu et reçoit beaucoup; son travail est doux et néanmoins très fructueux.

La pratique de cette oraison doit commencer dès le réveil par un acte de foi en la présence de Dieu qui est partout (particulièrement dans l'âme des justes) et en Jésus-Christ, dont les regards ne nous quit­tent point (et qui vit en nous)…

Il faut continuer cette dévote attention, tant que N.-S. nous en fera la grâce… Cela n'empêchera pas que l'âme ne produise quelques actes de vertu, intérieurs ou extérieurs, quand elle s'y sentira portée par le mouvement de la grâce… mais le fond et 44 l'ordinaire de son inté­rieur doit être cette union avec Dieu, qui la tiendra abandonnée entre ses mains et livrée à son amour, pour accomplir doucement toutes ses volontés…

On doit se comporter de la même façon et avec le même esprit, et se conserver dans cette simple et intime union avec Dieu dans toutes les actions de la journée».

Le P. Surin, dans son petit traité sur «le Moyen très efficace pour acquérir la paix du cœur», donne la même direction en conseillant le recueillement habituel, la sanctification du moment présent, l'aban­don à la Providence divine et l'humble résignation en tout, même dans nos fautes. 45

St François de Sales et Ste Chantal donnent une direction analogue en conseillant l'union amoureuse de notre volonté à celle de Dieu. C'est encore l'abandon, l'amoureuse présence de Dieu et la docilité à sa grâ­ce. Cette union commencée dès le matin doit être entretenue dans la journée, notamment par des oraisons jaculatoires, mais sans empresse­ment ni agitation. Ces actes du cœur doivent être faits paisiblement et amoureusement, «comme on coule dans l'oreille de son ami une paro­le qu'on veut faire pénétrer bien avant dans son cœur, sans que per­sonne s'en aperçoive…» 46

Dans la Vie dévote, St François de Sales donne bien toute cette direc­tion pour la vie intérieure.

C'est à propos de l'oraison qu'il enseigne la pratique de la présence de Dieu. Il en propose quatre méthodes: 1° la présence universelle de Dieu, que nous oublions trop souvent; 2° sa présence spéciale dans l'â­me et le cœur des justes, qu'il vivifie et anime de sa divine présence; 3° la présence de N.-S., qui nous voit du ciel et qui considère surtout ceux qui prient (il aurait pu ajouter qu'il vit en nous, comme en ses mem­bres mystiques, par son Esprit et par sa grâce); 4° la présence de N.-S. par notre imagination qui se le représente comme étant près de nous, ce qui se réalise par l'Eucharistie. 47

Au chapitre XII de la 2 e partie, St François de Sales nous rappelle que cette pratique de la présence de Dieu n'est pas seulement pour le moment de l'oraison, mais qu'il faut y revenir souvent dans la journée, en nous retirant dans notre cœur comme dans une retraite spirituelle, où nous devons échanger avec Dieu et N.-S. nos sentiments d'amour.

A ce propos, St François traite des aspirations, oraisons jaculatoires et bonnes pensées. «Mille fois le jour, donnez-lui votre âme, fichez vos yeux intérieurs sur sa douceur, tendez-lui la main comme un petit enfant à son père pour qu'il vous conduise et faites mille sortes de divers mouvements de votre cœur pour vous donner de l'amour de Dieu et vous exciter à une tendre dilection à ce divin Epoux». 48

Mais l'âme qui avance dans la contemplation est moins agissante que docile et attentive dans cette retraite intérieure.

St François de Sales a raison de dire qu'en cet exercice de la retraite spirituelle et des oraisons jaculatoires, gît la grande œuvre de la dévo­tion (Chap. XVIII et Chap. XIII).

Il décrit bien l'action divine: «Nous appelons inspirations, dit-il, tous les attraits, mouvements, reproches et remords intérieurs, lumiè­res et connaissances que Dieu fait en nous, prévenant notre cœur en ses bénédictions par son soin et amour paternel, afin de nous réveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, à l'amour céleste, aux bon­nes résolutions… C'est ce que l'époux appelle heurter à la porte 49 et parler au cœur de son épouse». Qui ne voit que pour cela il ne faut pas s'agiter et s'embarrasser de trop de prières vocales ou d'actes per­sonnels, mais se recueillir et être attentif au souffle de la grâce.

Mais le saint ajoute prudemment qu'avant de consentir aux inspira­tions de choses importantes ou extraordinaires, afin de n'être point trompé, il faut consulter son directeur…

Beaucoup de bonnes visites d'évêques. Le Card. Dubois et Nos­seigneurs de Cambrai, de Lille, de St-Dié, de Digne, de Tarentaise pas­sent quelques jours avec nous. C'est l'Eglise de France, qui raconte ses épreuves et qui exprime ses craintes et ses espérances. 50

De St Augustin je relis ses pages choisies par Louis Bertrand et ses extraits latins sur la vie chrétienne par le P. Barthet.

Il ne traite pas ex professo de la vie intérieure, mais il y fait souvent des allusions lumineuses.

Au livre V chap. 2 des Confessions, il distingue clairement l'omnipré­sence de Dieu et sa présence spéciale dans le cœur des pécheurs con­vertis. «Les pécheurs, dit-il à Dieu, oublient que vous êtes présent par­tout, même auprès de ceux qui s'éloignent de vous. Qu'ils se convertis­sent donc et qu'ils vous cherchent, car vous n'avez pas abandonné votre créature, même quand elle a quitté son Créateur. Qu'ils se con­vertissent et vous cherchent, et voici que vous êtes dans leur cœur, 51 dans le cœur de ceux qui vous reconnaissent et se jettent entre vos bras et pleurent sur votre cœur (in sinu tuo) leur passé douloureux (vias suas difficiles); et vous vous hâtez d'essuyer leurs larmes, parce que c'est vous, Seigneur, qui les relevez et les consolez».

Et sur l'inspiration divine, St Augustin rappelle la parole de N.-S.: «Si quelqu'un m'aime, il fera ma volonté et mon Père l'aimera et nous viendrons demeurer en lui» (cf. Jo. 14,23). Et il ajoute: «Edifiez en votre cœur une maison où le Christ viendra, où il vous enseignera et s'entretiendra avec vous (Tractatus VII in Joannis Evangelium).

Et encore: «Cherchez la paix de l'âme et le Christ vous parlera au cœur, quand les hommes en seront exclus. 52 Cherchez la paix (le recueillement) et le Christ sera dans votre cœur; son onction sera en vous, et votre cœur ne sera plus comme le voyageur qui a soif au désert et qui ne trouve pas de sources pour se rassasier» (Tractatus III in Epistolam Joannis, 13).

Pour se disposer à la contemplation, il faut se détacher des créatu­res. «Désormais, c'est toi seul que j'aime, ô mon Dieu, toi seul auquel je m'attache, toi seul que je cherche, toi seul que je sois prêt à servir… Eloigne de moi l'égarement de l'esprit, afin que je puisse te reconnaî­tre; enseigne-moi les moyens que je dois prendre pour te contempler, et j'espère alors pouvoir accomplir tout ce que tu me commanderas. Reçois, je te prie, ton fugitif, ô Père très clément; assez longtemps 53 j'ai été esclave de tes ennemis; assez longtemps j'ai été le jouet des cho­ses trompeuses… Reçois-moi comme ton serviteur, qui s'éloigne de ces vanités. Je sens qu'il me faut revenir à toi; je frappe, ouvre-moi ta por­te; enseigne-moi comment on parvient jusqu'à toi. Je n'ai rien que ma volonté; je ne sais rien, si ce n'est qu'il faut mépriser les choses fragiles et périssables pour chercher les choses certaines et éternelles. C'est ce que je fais, puisque là se réduit toute ma science; mais j'ignore par où l'on arrive à toi. Dis-le-moi, montre-le-moi, et donne-moi les moyens d'y parvenir. Si c'est la foi qui te découvre à ceux qui ont recours à toi, donne-moi la foi; si c'est la vertu, donne-moi la vertu; si c'est la scien­ce, donne-moi la science. 54 Augmente en moi la foi, augmente l'es­pérance, augmente la charité… C'est vers toi que je tends et je te demande les moyens d'arriver jusqu'à toi…».

C'est à nous de nous détacher des créatures et de nous approcher de Dieu et il nous donnera ses grâces (Soliloquium, liv. I, chap. 2).

La lumière et la vérité se manifestent à l'âme purifiée et recueillie: «O vérité, lumière de mon cœur, parle-moi et non pas mes ténèbres! Je me suis laissé aller vers elles, et je n'ai plus vu clair… Je me suis égaré, mais je me suis souvenu de toi. J'ai entendu derrière moi ta voix qui me criait de revenir, mais je l'ai mal entendue, à cause 55 du tumulte de mon âme inapaisée. Et maintenant voici que je reviens tout en sueur et tout palpitant vers tes fontaines. Personne ne m'en écarte­ra: j'y boirai et ainsi je vivrai. Que je ne sois pas à moi-même ma pro­pre vie! J'ai mal vécu de moi, j'ai été une mort pour moi-même. En toi, je revis. Parle-moi, instruis-moi. Je crois en tes Livres, et leurs paroles sont des mystères profonds! » (Confessions, liv. X, ch. XII).

N.-S. nous enseigne, particulièrement par les Saintes Ecritures, mais il faut l'écouter dans le recueillement.

L'Imitation, comme dit St François de Sales, reste le livre par excel­lence pour l'oraison et la contemplation. 56

Le 1er livre correspond à la vie purgative. C'est la préparation à la vie d'oraison. Il faut déblayer le terrain, se repentir et se purifier de ses péchés, renoncer aux affections déréglées et même aux délassements inutiles et prendre goût à la solitude et au silence.

Le 2e livre nous fait entrer dans la vie intérieure. Il la définit sous le nom de conversation intérieure. Il en montre le chemin: l'abandon à Dieu, la paix de l'âme. Il en exalte les fruits: la familiarité que l'amour établit entre Jésus et l'âme fidèle.

Le 3e livre nous fait progresser dans la vie intérieure. Il revient sur les entretiens de Jésus avec l'âme fidèle. 57 Il nous enseigne comment la vérité divine parle à notre âme sans bruit de paroles, à condition que nous marchions avec Dieu dans la vérité et l'humilité.

Puis les obstacles, les tentations, les épreuves sont passées en revue dans de nombreux chapitres avec des conseils pour les surmonter, et l'auteur se résume par un chapitre capital sur les divers mouvements de la nature et de la grâce.

Le Combat spirituel, dit St François de Sales, est plutôt fait pour la vie active et pratique. Scupoli exprime cependant en passant quelques vues sur la vie intérieure. 58

«Le comble de la perfection, nous dit-il dès le chapitre premier, est l'union avec Dieu. La vie spirituelle se réduit à reconnaître la bonté et la grandeur de Dieu, en même temps que notre néant et notre inclina­tion au mal; à aimer ce souverain Maître et à nous haïr nous-mêmes; à nous soumettre non seulement à lui, mais à toute créature pour l'a­mour de lui; à renoncer à notre propre volonté pour nous remettre à sa direction; mais surtout à ne produire d'intentions ou d'actions que pour sa gloire, afin de lui plaire, et parce que c'est ainsi qu'il mérite d'être aimé et servi et qu'il désire l'être. Telle est la loi de l'amour gravée par N.-S. lui-même dans le cœur de ses serviteurs fidèles». 59

Mais c'est surtout dans un petit traité sur la Paix intérieure, ajouté au Combat spirituel, que Scupoli traite plus directement de la vie intérieu­re (comparer le livre du P. de Lehen29) sur la paix intérieure). La paix est le sentier du paradis, c'est la condition de l'union avec Dieu.

«C'est le principal et continuel exercice de votre vie, de pacifier votre cœur et de ne point le laisser se détourner vers les créatures. Mettez donc en tête de vos sentiments (ou dispositions) la paix, com­me une sentinelle avancée. Vous vous accoutumerez à prier, à obéir, à vous humilier, à supporter les injures sans perdre la paix. Et s'il sur­vient quelque grave épreuve, vous recourrez à la prière comme N.-S. à Gethsémani, jusqu'à ce que la paix revienne. 60 Acquérir la paix, c'est bâtir une maison au Seigneur, un tabernacle au Très-Haut, devenir son temple… Vous trouverez toujours Dieu en vous et au plus intime de votre être, quand vous maintiendrez votre intention droite. Ayez votre âme en grande estime. Le Seigneur des Seigneurs, en la créant, l'a destinée à être sa demeure et son temple. Appréciez-la assez pour ne pas lui permettre de s'abaisser vers aucun objet inférieur.

Que vos désirs et vos espérances se résument dans l'attente du Seigneur, qui ne viendra jamais visiter votre âme, s'il ne la trouve seule, isolée des pensées étrangères à lui et des désirs de la volonté propre. O admirable solitude! O demeure secrète du Très-Haut, dans laquelle 61 il veut exclusivement vous donner audience et vous parler au cœur!

Il appartient à Dieu d'implanter la charité dans la solitude de votre âme, et d'en cueillir le fruit quand il veut. Vous n'avez aucun grain à semer; offrez seulement le terrain, pur et libre de toute attache: il y jet­tera la semence à son heure; mais il veut votre âme isolée et dégagée pour se l'unir. Permettez-lui d'agir en vous, et ne lui créez point d'obs­tacle par votre volonté: c'est ce qu'il vous demande. Tenez-vous en repos, sans aucune autre pensée que celle de plaire au Seigneur, en attendant d'être conduit au travail par le père de famille. Mettez tous vos soins (mais sans aucune inquiétude) à 62 adoucir votre zèle, à tempérer votre ferveur, pour garder Dieu en vous en toute paix. Une telle disposition n'est que la résignation de l'âme à la volonté divine.

Habituez-vous par le désir et plus souvent par les actes à la contem­plation de la divine bonté, de ses bienfaits et de son amour conti­nuels… Dans vos méditations, ne vous attachez pas au plan fixé, mais là où vous sentirez votre esprit se reposer, insistez et goûtez le Seigneur en l'endroit où il lui plaira de se communiquer à votre âme. Et quand il plaira à sa divine Majesté de se retirer, de se cacher, vous recommen­cerez à le chercher, reprenant vos premiers exercices, toujours avec le même désir de posséder l'objet de votre amour…». 63

Scupoli appelle ce petit traité «Le sentier du paradis». Il le conclut en disant: «Ces avis méritent une attention sérieuse. J'ose dire qu'ils sont comme les clefs spirituelles, ouvrant à l'âme des trésors dont elle pourra s'enrichir en peu de temps».

Ce traité me rappelle le livre du P. de Lehen sur la paix intérieure, qui m'a été si profitable pendant mon séminaire.

Le petit livre Doctrine spirituelle du P. Lallemant est un trésor. J'y trouve des lumières qui me satisfont pleinement sur l'oraison, la conduite du St-Esprit, la vie intérieure, l'union avec N.-S., le Règne de Dieu en nous. Doctrine claire, pratique, sans aucune concession au quiétisme. 64

I. De l'oraison. - Avis: dans l'oraison, nous devons avoir pour but de perfectionner la volonté et non pas seulement de devenir plus éclairés (combien cet avis est nécessaire!).

Préparation: l'oraison présuppose une âme tranquille et recueil­lie, qui ne soit point agitée de violentes passions ou possédée de quel­que affection déréglée, ni chargée de trop d'occupations, et Dieu ne se communique ordinairement qu'après qu'on s'est exercé à prier durant quelque temps selon la méthode qu'on donne aux commen­çants.

Chacun doit se tenir fidèlement à l'oraison propre du degré et de l'état où il est dans la vie spirituelle. Il y en a de trois sortes: la médita­tion ou l'oraison de discours qui convient aux commençants qui sont

dans la vie purgative. - L'oraison affective, 65 à ceux qui avancent et qui sont dans la vie illuminative. - La contemplation et l'oraison d'union, aux parfaits qui sont dans la vie unitive.

De la méditation. - Pour la méditation ou l'oraison de discours, on doit préparer dès le soir les points sur lesquels on veut méditer et gar­der exactement les règles que St Ignace prescrit. Dans l'exercice de l'o­raison, on médite sur le sujet qu'on s'est proposé: on en tire des con­clusions, on fait des réflexions sur le passé, un examen sur la disposi­tion présente, des résolutions pour l'avenir. On s'affectionne, on s'en­courage, on demande le secours du ciel. Cette sorte d'oraison appar­tient à la vertu de religion; et quand elle est accompagnée de la pureté du cœur, c'est la voie la plus courte et la plus sûre pour parvenir à l'autre don d'oraison. 66

De 1'oraison affective. - Dans cette sorte d'oraison, on donne plus aux affections de la volonté qu'aux considérations de l'entendement.

De la contemplation. - Il y a deux sortes de contemplation: l'une ordi­naire et l'autre extraordinaire.

La contemplation ordinaire est une habitude surnaturelle, par laquelle Dieu élève les puissances de l'âme à des connaissances et des lumières élevées, à de grands sentiments et des goûts spirituels, quand il ne trouve plus en l'âme de péchés, de passions, d'affections, de soins qui empêchent les communications qu'il veut faire. Ceux qui ont cette habitude prient aisément et ont, comme en leur disposition, la grâce du Saint-Esprit pour l'exercice des vertus théologales.

Il y a une autre sorte de contemplation 67 plus relevée, qui est dans les ravissements, dans les extases, dans les visions et dans les autres effets extraordinaires.

Dans la contemplation, on se met devant Dieu sans faire d'actes distincts et multipliés, s'occupant ou du simple regard de Dieu avec respect et amour, ou de quelque pieux sentiment que Dieu donne et qui dure quelquefois une heure, deux heures, un jour, deux jours, selon la disposition de l'âme et l'état de perfection et de pureté où elle est arrivée: la présence de Dieu se rend presque continuelle dans les âmes bien pures. On dit que dans cette sorte d'oraison l'on ne fait point d'actes. Cela n'est point vrai à la rigueur, car on en fait toujours quelques-uns, mais d'une 68 manière plus élevée, plus simple et com­me imperceptible. Une entière suspension de tout acte est une pure oisiveté très dangereuse (c'est la doctrine de Bossuet).

Les directeurs commettent deux fautes à l'égard de la contempla­tion. Les uns, peu spirituels ou trop timides, en ferment entièrement la porte aux âmes qu'ils conduisent et les empêchent d'y entrer quoi­que Dieu les y appelle. Les autres, au contraire, y portent indifférem­ment tout le monde et ne parlent que d'oraison de simple vue, que de grâces extraordinaires, que de paroles intérieures, que de visions et d'extases…

Les dons du Saint-Esprit qui servent à la contemplation, sont parti­culièrement ceux d'intelligence, de sagesse et de science pour le regard de l'entendement; 69 et ceux de piété et de crainte pour la volonté.

Du don de la présence de Dieu: entrée à la contemplation. - Quand après une longue étude de la pureté de cœur, Dieu vient à entrer dans une âme et à s'y montrer ouvertement par le don de sa sainte présen­ce, qui est le commencement de ses dons surnaturels, l'âme se trouve si charmée qu'il lui semble qu'elle n'avait encore jamais connu ni aimé Dieu… (C'est le don que d'autres appellent l'union simple). En vain nous efforçons-nous d'avoir la présence de Dieu, si lui-même ne nous la donne. C'est un pur don de sa miséricorde… La contemplation est la vraie sagesse. C'est ce que les livres de la Sagesse, de l'Ecclésiaste et de l'Ecclésiastique recommandent tant. Ceux qui la dissuadent, font une grande faute. 70

La contemplation est nécessaire pour la vie apostolique, bien loin de lui être opposée (voir le P. Chautard et le P. Libermann). Sans la contemplation, jamais on n'avancera beaucoup dans la vertu et l'on ne sera jamais bien propre à y faire avancer les autres.

L'extase n'est que l'extrême admiration. Les ravissements et les exta­ses arrivent d'ordinaire plutôt aux femmes et aux personnes qui sont le moins dans l'action, parce que leur vie a plus de disposition pour cela, étant moins occupée. Au contraire, les hommes apostoliques qui doivent travailler au salut des âmes ont une dévotion moins sensible, plus spirituelle et plus solide. Dieu ne leur donne pas ordinairement la grâce des 71 extases, si ce n'est qu'il prétende autoriser par là leur ministère, comme il a fait quelquefois, témoin St Vincent Ferrier, St François Xavier; et il se communique à eux plutôt par la voie de l'en­tendement que par celle de l'imagination, où les lumières divines sont plus sensibles et dont les effets éclatent plus au dehors…

II. On peut dire que le P. Lallemant reprend son traité de la sanctifi­cation sous six aspects différents, qui sont: 1. L'oraison; - 2. La condui­te du St-Esprit; - 3. La vie intérieure; - 4. L'union avec N.-S.; - 5. Le règne de Dieu en nous; - 6. La perfection. - De nos jours, il aurait ajouté: l'union au S.-Cœur…

Le Saint-Esprit nous conduit par la grâce et par les dons et les fruits.

72

Le Saint-Esprit en nous est l'organe du Père et du Fils. Sa direction ne supplée pas aux devoirs communs, aux devoirs d'état, à l'autorité des supérieurs. Elle aide et complète cette docilité à tous nos devoirs. Nous ne recevons cette direction du St-Esprit que dans le recueille­ment et l'union à Dieu, d'où la nécessité de ne pas sortir de notre inté­rieur, ou d'y retourner au plus tôt et d'être bien attentifs aux divers mouvements de la nature et de la grâce.

Tout ce qui est faute, imperfection, pensée inutile, empêche l'ac­tion de la grâce. Le principal point de la vie spirituelle consiste à se disposer à la grâce par la pureté du cœur.

Il y a peu d'âmes parfaites, parce qu'il y en a peu qui suivent la 73 conduite du St-Esprit. La plupart des religieux, même des bons et ver­tueux, ne suivent dans leur conduite particulière et dans celle des autres, que la raison et le bon sens: en quoi plusieurs d'entre eux excellent. Cette règle est bonne, mais elle ne suffit pas pour la perfec­tion chrétienne.

Les personnes vraiment intérieures qui se conduisent par la lumière de l'Esprit de Dieu, à laquelle elles sont disposées par la pureté de cœur, et qu'elles suivent avec une parfaite soumission, vont à pas de géant et volent, pour ainsi dire, dans les voies de la grâce…

Le St-Esprit nous console: 1° en nous donnant confiance dans notre salut par le sentiment que nous sommes enfants de Dieu; 2° en nous éclairant et fortifiant dans les tentations; 74 3° en adoucissant notre exil par l'amitié de Dieu…

Les dons du St-Esprit sont des habitudes ou qualités permanentes que Dieu communique à l'âme avec la grâce sanctifiante et avec les vertus infuses, pour fortifier les puissances naturelles et pour les ren­dre souples aux mouvements de son divin Esprit. Les quatre premiers éclairent l'entendement et le perfectionnent. Les trois derniers perfec­tionnent la volonté et l'appétit intérieur…

On s'étonne de voir tant de religieux qui après avoir vécu en état de grâce des quarante et cinquante ans, disant la messe tous les jours, et pratiquant tous les saints exercices de la vie religieuse et par consé­quent ayant les dons du St-Esprit dans un 75 degré physique fort élevé; on s'étonne que ces religieux ne fassent rien paraître de ces dons du St-Esprit dans leurs actions et leur conduite; que leur vie est toute naturelle, qu'ils restent susceptibles, amis des louanges et de leurs aises… C'est que les péchés véniels qu'ils commettent continuel­lement tiennent les dons du St-Esprit comme liés et inagissants en eux.

III. - Le P. Lallemant définit mieux la vie intérieure que les auteurs modernes, Foch et Chautard: l'essence de la vie spirituelle et intérieu­re, dit-il, consiste en deux choses: d'un côté dans les opérations de Dieu en l'âme, dans les lumières qui éclairent l'entendement, dans les inspi­rations qui touchent la volonté; et de l'autre, en la 76 coopération de l'âme aux lumières et aux mouvements de la grâce… Il faut donc avoir une grande pureté de cœur, une grande force d'esprit et une constan­te fidélité à coopérer avec Dieu et à suivre le mouvement de son esprit.

Nous ne devons pas donner tout notre temps de recueillement à l'oraison et à la lecture; il faut en employer une partie à examiner les dispositions de notre cœur et à discerner ce qui est de Dieu, de la nature et du démon; à nous conformer à la conduite du St-Esprit et à nous affermir dans la détermination de tout faire et de tout souffrir pour Dieu.

On n'avance point dans les voies de la perfection, si l'on ne s'adon­ne à la vie intérieure… 77

Un homme intérieur passe doucement ses jours dans la beauté de la paix, dans la sûreté d'une conscience pure et dans un repos plein de saintes richesses. Ses œuvres seront fécondes, parce qu'elles seront animées de l'esprit de Dieu.

C'est l'absence de chez nous et la nonchalance à veiller sur notre intérieur qui sont cause que les dons du St-Esprit sont en nous presque sans effet et que les grâces sacramentelles si abondantes demeurent inutiles. Cette négligence et cette ignorance donnent lieu à une infi­nité de péchés véniels, qui nous disposent insensiblement à quelque chute funeste.

On passe ainsi sa vie dans un mélange de nature et de grâce, sans avancer dans la perfection…

Combien il importe de joindre la 78 vie intérieure à nos occupa­tions extérieures. Nous ne ferons de fruit dans nos fonctions qu'à pro­portion de notre union avec Dieu. C'est bien de lire et d'étudier, mais c'est la volonté qu'il faut particulièrement cultiver. La voie de la foi est plus sûre pour la perfection que celle des grâces sensibles qui peuvent flatter l'amour-propre. Faisons simplement chaque action en la présen­ce de Dieu, selon l'intention qu'il nous inspire, et le motif le meilleur est celui de l'amour de N.-S.

IV. L'âme s'unit à N.-S. par trois manières: par connaissance, par amour et par imitation.

La connaissance s'acquiert par la méditation des mystères de N.-S. 79 Nous devons aimer N.-S. parce qu'il est la porte et la voie pour aller à Dieu.

Tout le bien que nous faisons, c'est J.-C. qui le fait en nous. Quand une âme s'est bien exercée dans l'amour et l'imitation de N.-S., Dieu l'attire aux degrés les plus éminents des vertus et des communications divines.

Aimons les paroles de N.-S. qui sont dans l'Evangile, aimons l'Eu­charistie où il est réellement présent.

Dans la communion, nous participons aux divines qualités du Sauveur: son imagination règle la nôtre, son entendement nous éclai­re, sa volonté fortifie la nôtre, ses sens purifient les nôtres… Mais il faut s'y disposer par la pureté de cœur, la paix de l'âme et la vigilance à régler notre intérieur.

Demandons, dans la vie intérieure, 80 l'humilité de N.-S., la pureté de la Ste Vierge et la docilité de St Joseph au St-Esprit…

V. Une autre ligne de direction générale est le royaume de Dieu en nous. Le royaume de la grâce est intérieur, il prépare celui de la gloire. Ce royaume consiste en deux choses: 1. en la direction du roi; 2. en la dépendance des sujets; ou, pour user des termes de l'Ecriture, dans les voies de Dieu vers les âmes et dans les voies des âmes vers Dieu.

Le voies de Dieu vers les âmes sont justice et miséricorde. Dieu a diverses sortes de volonté, il en a d'ordonnance positive et de simple permission.

Les voies des âmes vers Dieu sont: dépendance, humilité, résigna­tion, abandonnement de tout soin, mortification de l'amour-propre, pureté de cœur. 81 Plus on a de ces saintes dispositions, plus le royau­me de Dieu s'établit dans l'âme.

Dieu commence à régner dans les âmes en les purgeant du péché, des habitudes du péché, de la corruption de la nature.

La seconde opération divine est d'enseigner aux âmes la science des saints.

La troisième est de s'emparer de leur volonté et de les lier à sa con­duite, autant qu'elles s'y prêtent par leur dépendance et abandon. Pour cela, le premier acte est de consulter en toutes choses l'oracle intérieur et l'esprit divin, de peur que l'esprit humain ne le prévienne. Le deuxième, d'accomplir avec fidélité ce qu'il ordonne, autrement il se retire et se cache. Le troisième, de faire tout en la vue de Dieu pour sa gloire et pour son amour. 82

VI. C'est encore une autre formule pour marquer le chemin de la sanctification.

Il faut acquérir la perfection, à cause des grands biens qu'elle apporte avec elle: la paix de l'âme, les délices de l'amour de Dieu, les richesses de la grâce, l'assurance du salut.

La perfection résulte des opérations produites par la grâce intérieu­re et comme Dieu est toujours prêt à nous donner ses grâces, notre coopération consiste surtout à écarter les obstacles, qui sont les péchés, les négligences, les satisfactions naturelles et les distractions importunes.

La pratique de la vie spirituelle consiste en deux choses: 1° veiller continuellement sur soi-même pour faire le bien et éviter le mal; 2° avoir du courage et de la force. 83

Veiller sur soi-même dit trois choses: l. Penser à Dieu presque toujours, pour éviter les pensées inutiles et dangereuses; 2. Eviter tou­tes sortes de péchés et tout ce qui peut souiller l'âme; 3. Se mortifier intérieurement en résistant à ses propres inclinations.

Se purifier ne suffit pas, il faut pratiquer continuellement l'exercice de la présence de Dieu et l'amour de N.-S. en méditant sans cesse ses grandeurs et ses mystères.

Tâchons donc sans cesse d'approcher de Dieu, de nous lier à lui par nos pensées et nos affections, et de ne donner lieu à rien qui nous en divertisse, si ce n'est aux actions de son service, pour lesquelles il faut tout quitter, même l'oraison et l'entretien de Dieu… 84

Après les six voies tracées par le P. Lallemant, et au-dessus d'elles, il faut signaler l'union avec le S.-Cœur, qui est la voie du moment et la grâce de notre temps.

«Les trésors de bénédiction et de grâces que ce Sacré-Cœur renfer­me sont infinis, disait Marguerite Marie; je ne sache pas qu'il y ait un exercice de dévotion dans la vie spirituelle, qui soit plus propre à éle­ver en peu de temps une âme à la plus haute perfection et à lui faire goûter les véritables délices qu'on trouve au service de Jésus-Christ». Sans parler clairement et positivement de la dévotion au S.-Cœur, le P. Lallemant nous y conduit quand même. «La meilleure manière de pratiquer la vertu, dit-il, c'est de le faire 85 par le motif de l'amour envers N.-S …». Et n'est-ce pas au Cœur de Jésus que l'on puisera le plus aisément cet amour?

«Nous devons consulter N.-S., dit-il encore, sur toutes les choses qui se présentent à notre choix et considérer quel prix elles ont dans son cœur, car il faut bannir de notre cœur tout ce que nous trouverons qui n'a point de lieu dans le Cœur de Jésus». N'est-ce point là le pro­gramme de l'union au S.-Cœur?

Et pour résumer la pratique de la perfection, le Père nous conseille l'exercice continuel de la présence de Dieu et l'amour de N.-S., avec la méditation habituelle de ses grandeurs et de ses mystères. 86

Nous puiserons les lumières et les grâces de la vie purgative en con­sidérant le Cœur de Jésus dans les mystères de son incarnation, de sa naissance à Bethléem, de sa vie pauvre et obéissante à Nazareth.

Dans sa vie publique, N.-S. laissa tomber de son Cœur les leçons de toutes les vertus.

La Passion et l'Eucharistie nous conduisent, sous les auspices du S.­Cœur, à la vie d'union et d'amour…

L'union au Sacré-Cœur est la voie rapide vers la perfection.

«La Croix» nous donne des articles de Mgr Farges30) sur ces formes d'action des âmes à distance. Il y a des faits certains. Des âmes peuvent voir à distance ou porter à distance des avertissements, des pressenti­ments. 87 Y a-t-il là quelque chose d'analogue aux influences télé­graphiques ou téléphoniques à distance? Ou bien l'âme peut-elle par certains élans mystérieux agir en dehors de sa prison corporelle, com­me semble l'insinuer Platon? - Pour moi, je vois là un mode d'action de N.-S. en nous, non plus seulement par sa divinité, mais par son âme humaine. Ce qui est accidentel et exceptionnel en certaines âmes peut être habituel en N.-S., et j'aime à me le représenter agissant ainsi à distance depuis le ciel ou depuis le tabernacle et me guidant par cette télépathie, en même temps qu'il me guide par l'Esprit Saint. - Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle expliquerait beaucoup 88 de faits de la vie des saints qui, étant plus harmonisés que nous avec l'âme de N.-S. en recevaient les influences directes.

I. Je trouve plus de facilité à m'élever à Dieu par la contemplation de la nature. Benedicite omnia opera Domini Domino (Dan. 3,57). Le beau ciel, l'infinité des étoiles et des mondes célestes m'impressionnent. Mais aussi le monde des plantes: gracieux feuillages, fleurs et fruits. Et les enfants des hommes, qui sont aussi les enfants de Dieu: l'innocence des enfants, la beauté des jeunes gens, l'agriculteur, l'industriel, le let­tré, le magistrat, le prêtre; la grâce dans la jeune fille, la sagesse dans les matrones: juvenes et virgines, senes cum junioribus laudent nomen Domini (Ps. 148,12). 89 Tous les cantiques de la sainte liturgie nous aident à formuler ces louanges et à élever nos cœurs vers Dieu.

II. Une autre grâce est de vivre davantage en moi-même. J'ai eu l'at­trait de lire tout ce qui s'est dit de meilleur sur la vie intérieure. C'est en somme la solution du problème de la sanctification: surveiller son intérieur, s'y retirer souvent, y consulter habituellement l'inspiration de la grâce…

N.-S. vit en nous avec l'Esprit Saint. Ils agissent ensemble, ils coopè­rent sous la direction du Père. J'aime cette oraison du Canon de la mes­se: Domine jesu Christe, qui ex voluntate Patris, cooperante Spiritu Sancto, mundum vivificasti… Comme N.-S. nous a rachetés avec l'Esprit Saint, il nous sanctifie 90 avec lui. Il faut donc que nous soyons recueillis, doci­les et attentifs aux mouvements de la grâce. C'est le principal ensei­gnement de St Ignace: le discernement des esprits. L'Imitation est toute remplie de cette direction, qu'elle résume dans le chapitre des divers mouvements de la nature et de la grâce. St François de Sales dans sa Vie dévote nous invite à la retraite spirituelle et à la docilité aux inspirations divines. Le P. Lallemant est tout plein du même sujet. Scupoli, quoi­que plus porté à l'action, enseigne aussi la vie spirituelle, la vie inté­rieure, surtout dans son traité de la paix de l'âme, qui est le complément nécessaire de son Combat spirituel. 91

J'écouterai habituellement les conseils, les insinuations de la grâce, les jugements de N.-S. et du St-Esprit en mon intérieur. Je m'adresserai surtout au S.-Cœur: Cor Jesu, quid me vis facere.

Belle audience d'adieu le 28 février. Nous causons avec le St-Père de nos œuvres, de l'action sociale chrétienne et de notre maison de Rome. Une fondation dans un quartier neuf lui plairait. Je lui remets l'offrande de la famille Scouvémont pour le denier de St Pierre31).

Il m'écrit de sa main cette belle bénédiction:

«La bénédiction apostolique que nous donnons au Rév. P. Léon Dehon est à la fois un témoignage 92 de bienveillance et un encoura­gement à poursuivre et à développer les œuvres qu'il a entreprises pour la gloire du S.-Cœur».

Il y a quelques jours, il m'avait fait répondre par le Card. Gasparri avec une grande bonté à ma lettre de Nouvel An.

J'avais exposé humblement au Pape la pensée qu'il serait bon de rappeler les directions de Léon XIII32) et le dévouement de l'Eglise à la classe ouvrière. Il m'avait dit qu'il profiterait d'une occasion favorable et cela ne tarda pas.

Trois jours après, le 3 mars, il donnait audience aux délégués de l'Union catholique sociale, il en profita pour prononcer un chaleu­reux discours sur l'action sociale. Il rappela que les directions de Léon XIII restent en plein vigueur 93 et que les catholiques doivent fa­voriser les unions professionnelles et les syndicats chrétiens, en même temps qu'ils doivent réclamer la liberté de l'enseignement chrétien…

Rome, 4 mars. - Benoît XV a donné, hier soir, audience aux délé­gués des grandes organisations qui représentent l'action catholique italienne. Il a prononcé un discours, dont voici le passage essentiel:

Nous applaudissons à tous les nobles objectifs auxquels visera le travail des catholiques, mais nous ne pouvons pas vous cacher, bien-aimés fils, que les pro­blèmes qui revêtent à nos yeux une particulière importance, sont ceux qui regar­dent l'école et ceux qui concernent l'élévation des classes populaires.

Après quelques mots sur l'école, le pape a poursuivi:

Et les classes populaires, qui forment une partie si importante de la société, ne méritent-elles pas une particulière attention de quiconque veut promouvoir le bien ? Elles la méritent pour elles-mêmes, et elles la méritent à cause des embûches qui leur sont tendues par de faux amis.

Le pape a dit, en terminant, qu'il continuerait à témoigner aux ouvriers la sollicitude dont Léon XIII et son successeur firent montre à leur égard.

L'heure n'est pas venue de descendre à de plus grands détails ni de traiter, soit des unions professionnelles, soit des syndicats chrétiens: qu'il vous suffise, bien-aimés fils, de savoir que le cœur du pape est avec ceux qui les organisent et avec ceux qui en font partie (Havas).

Je pars le 10 pour Nice où je voulais voir Mme Saucourt-Harmel. On prépare une biographie du Bon Père.

Le 12 j'arrive à Cannes, chez les bons Frères de St Jean de Dieu, à la villa des Roses. C'est pour 15 jours. J'ai ma famille à l'hôtel suisse.

Le climat délicieux de Cannes est si favorable à un séjour de calme et de repos! Les correspondances viennent abondantes. J'écris partout, je stimule les bonnes volontés. Je me rappelle la parole du Sauveur: Ignem veni mittere in terram (Lc. 12,49). 94 Les épreuves ont bien semé quelques découragements dans l'œuvre, mais il y a des groupes de jeu­nes qui me feront de l'ouvrage.

Le 19, avec mon neveu, je vais saluer le duc de Vendôme.

Longue et bonne conversation. Il revient de Coblentz, il a vu Briand à Paris et lui a raconté ses impressions sur la région du Rhin où l'on désire un état catholique à l'abri des mauvaises volontés de Berlin. Il me questionne sur Rome, la question romaine et les espérances qui s'élèvent sur le retour des Orientaux. Mon neveu lui lit des lettres inté­ressantes de Sofia. Le duc est très renseigné, très bon, très ami du Saint-Siège. 95

Parti de Cannes le 31, je passe quatre journées précieuses en Provence, occupé à rechercher les souvenirs de notre saint, le P. André Prévot. Je m'arrête à Roquevaire, à Aix, à Marseille. C'est la région ou ont vécu les amis de N.-S., St Lazare, Ste Madeleine, St Maximin.

Roquevaire, bourgade pittoresque dont les rochers et les oliviers rappellent la Terre Sainte. Les cerisiers et les pêchers sont en fleurs. Je vois là les demoiselles Baume33), pieuses personnes qui étaient les dirigées et les confidentes du P. André. Elles l'honorent et le prient comme un saint. Elles me rappellent des traits de ses vues Prophéti­ques. Ces dames font un grand bien en dirigeant les réunions et les chants des enfants de Marie. C'était 96 le jour d'adoration de la cha­pelle des congréganistes, j'y prêchai sur le S.-Cœur.

A Aix, j'ai l'honneur de dîner avec le vénérable archevêque34). Sa cathédrale est bien modeste auprès de celles du Nord, elle a un vieux cloître roman qui rappelle celui de St Jean de Latran et celui de St Paul hors des murs.

J'avais fait venir M. l'abbé Gervais, curé de St Camrat, qui est aussi un ami et un admirateur du P. André. Il m'a conduit aux Ursulines. Le P. André a été aumônier là six ans, de 1869 à 1875. Sa soeur, Marie de Saint Xavier, y est morte il y a un mois. Il y a encore plusieurs Soeurs qui l'ont connu, notamment la Soeur St Stanislas qui a été sa 97 confidente et qui est mourante. Il n'y a qu'un témoignage à Aix sur sa sainteté.

La Soeur Angèle a été guérie d'une neurasthénie grave par une neuvaine au P. André. J'ai vu plusieurs de ses anciennes élèves. Mlle Giraud, Mme Laugier, Mme Toussaint. Il n'y a qu'une voix: c'était un saint. Les autres ont été de bons aumôniers, pieux; lui était le saint. On a encore des notes de ses catéchismes qui étaient admirablement préparés. On a un cahier de son cours de physique. Il passait de lon­gues heures en adoration, il se dépouillait de tout, il donnait ses mate­las, son linge, ses aliments.

On finit par lui prêter un matelas pour qu'il ne pût pas le donner.98

Une de ses soeurs vivait avec lui, elle entra ensuite aux Ursulines et devint Sr Marie Xavier…

A Marseille, j'ai vu la Mère Anne Gertrude, supérieure de la Maison de famille qui a reçu de lui de bonnes lettres de direction, et Mlle Guillaud avec laquelle il a correspondu trente ans, elle m'enverra des lettres. Elle travaillait avec lui à l'œuvre des prêtres tombés. Elle en releva plusieurs. Il la guidait par correspondance. Il lui recommandait de les gagner par les côtés où ils étaient accessibles, en leur donnant des soins, des secours, des douceurs. C'étaient des âmes ulcérées qu'il fallait traiter avec douceur. 99

J'ai passé deux jours à la ville martyre35), le 7 et le 8. C'est un specta­cle navrant. L'impression me fit tomber par terre. Je n'ai rien vu de semblable en ma vie, sauf peut-être Messine après sa destruction. C'est un amas de ruines sales et tristes. Il ne reste pas une vitre, pas un meu­ble, pas une gouttière. Il pleut dans les maisons, les plâtres tombent. La moitié des maisons sont à raser. Et notre belle cathédrale, sans voû­tes, sans vitraux, sans autels, avec tous ses piliers percés de trous de mines! Elle était destinée à tomber en poussière. Elle semble à moitié sauvée. 100

Il y a 4 ou 5.000 habitants, tels des rescapés après un naufrage. Ils se logent dans des débris de maisons. La plupart des habitations sont encore remplies de décombres. Des murs et des toitures s'inclinent et tombent. Cela me rappelle la Calabre après le grand tremblement de terre.

De Compiègne à Busigny, c'est le désert: pas un champ cultivé, pas un arbre, pas un animal aux champs, pas une vache dans les prairies. Des trous de bombes, des fils barbelés, les fameuses lignes qu'on croyait imprenables; des tranchées partout. A notre maison du S.­Cœur, Objois36) et le P. Lobbé37) vivent dans la buanderie; la maison est humide et les plâtres tombent38). 101

Toutes les statues de nos chapelles sont mutilées, les autels brisés.

A St Jean, plus d'escaliers, murs éventrés, un grand toit qui attend un coup de vent pour tomber.

De meubles, il n'en est plus question.

Toute la ville est lépreuse: dans toutes les rues sont tombées des bombes dont les éclats ont écorché toutes les façades.

On a déblayé beaucoup de rues, d'autres sont encore inabordables. On lit encore les noms de rues qui ont contribué à provoquer la vengeance divine: Renan, Voltaire, Zola, etc…

Ce peuple qui rentre rapporte-t-il un peu de raison et de foi? 102

Je m'arrête à Mons. La ville a peu souffert. Notre école est vide, elle a deux élèves. Elle s'apprête à recevoir quelques poussins à Pâques, mais voici que la municipalité maçonnique veut la réquisitionner pour un prétendu tribunal des dommages. Où irons-nous?

La Belgique reprend sa vie normale. Le ravitaillement arrive, mais tout est encore deux ou trois fois plus cher qu'avant la guerre.

La Belgique n'est pas guérie de ses ferments d'impiété, de socialis­me et de maçonnerie. Les bons sont nombreux, mais la lutte sera dure. Le clergé craint des épreuves et des persécutions. 103

C'est le 10 avril que j'arrive à Bruxelles.

Je retrouve un asile, un chez nous, avec la vie de communauté. J'étais errant depuis seize mois.

Que de choses à régler! A Louvain39), il y a de grosses dettes et le mobilier a été gaspillé.

A Tervueren, il y a des collégiens et peu d'élèves apostoliques.

Que ferons-nous pour le Cameroun? J'essaie de tenir conseil, je n'arrive pas à réunir mon monde.

Je prépare le Chapitre. Je n'ai de repos d'esprit que dans la confian­ce au S.-Cœur.

J'ai une correspondance considérable, dix ou quinze lettres par jour. Le moment est délicat, il faut ranimer toutes les bonnes volontés et relever toutes les œuvres. 104

Pour le Chapitre, mon grand souci est de ranimer la ferveur, de rendre à l'œuvre toute sa régularité et son véritable esprit. D'autres ont en vue des querelles de nationalisme, que Dieu nous en garde!

Je recueille par correspondance des notes pour la biographie du P. André40) et pour celle du P. Guillaume. Pour le P. André, l'impression est la même partout, c'était un saint.

Je complète et revois mes notes sur la vie intérieure, c'est l'étude qui m'est la plus chère actuellement.

Il y a beaucoup à faire pour relever les finances de Louvain. Nous gagnons du terrain. Il y a eu bien des négligences 105 depuis cinq ans. Confiance et abandon, c'est la solution à toutes les difficultés.

Le 2 juin, visite de la Reine à notre œuvre d'orphelins à Louvain. Elle a une grande dignité et de la bonté. Elle cause à chacun. Elle sait vraiment son métier de reine aimable et populaire. On dit qu'elle n'est pas pieuse, c'est dommage.

La maison de Louvain est en bon état. Les dettes se paieront et notre cher scolasticat reprendra sa vie normale en octobre. Le bon P. Jean prie pour cela au ciel. Il a beaucoup souffert à Louvain et il y est mort en victime pour l'œuvre et pour la maison. 106

Les journaux annoncent une hécatombe d'innocents, de femmes et d'enfants dans un cinéma de Valence, par suite d'une panique. C'était une récréation édifiante, on fêtait Jeanne d'Arc. La Providence n'avait pas à punir cette réunion, mais il y a tant de mauvais cinémas, tant de représentations qui pervertissent la jeunesse! Les justes expient les fau­tes des autres et rachètent les coupables. Au bazar de la Charité, on expiait les fêtes mondaines. A la guerre, une foule d'âmes bonnes et justes souffraient pour apaiser Dieu et pour préparer la paix.

Jeanne d'Arc fit plus pour la France sur son bûcher que dans les combats. N.-S. nous 107 racheta sur la croix.

Il y a des victimes réparatrices providentielles, c'est ce qui arrive dans les grandes catastrophes. Ce fut le cas aussi des enfants innocents à Bethléem. Mais il y a aussi les victimes volontaires, les âmes genereu­ses qui s'offrent à N.-S. soit isolément, soit dans les Congrégations et associations de victimes…

Il y a des bouderies étranges qu'il faut subir et quelques décourage­ments. Ces cinq années de guerre ont troublé les âmes et énervé les caractères, et puis le démon ne repose jamais, il aime à pêcher à l'eau trouble. Il a découragé plus d'une vocation. C'est pour lui un si grand profit de détourner une âme du sacerdoce. 108

Le 17, je vais à Namur. C'était pour saluer les bonnes Soeurs Victimes et renouveler notre union avec elles. Elles se recrutent et elles sont ferventes. Je désire qu'elles aillent refaire une fondation en France.

Elles ont souffert de la famine et des bombardements. Un obus est tombé sur leur maison. Elles ont eu 500 vitres brisées.

Elles écrivent la vie de leur seconde supérieure générale, et j'y apporte mon petit appoint.

Le 19, visite à notre maison de Tervueren. Il n'y a pour élèves que de petits enfants. Quel retard pour notre recrutement! Comment suf­firons-nous à nos chères missions? 109

Travail. Publications. Je fais éditer mon Année avec le S.-Cœur41) et deux petits volumes sur La vie intérieure. Je veux encore semer avant de mourir un peu d'amour pour N.-S. Il y a bien quelque semence qui produira des fruits. Mgr du Puy m'écrit qu'il a fait son mois de juin dans mon livre sur Le Cœur sacerdotal de Jésus et il en a été ravi. Nous préparons la vie du P. André. C'est notre saint. Un pieux religieux nous a dit: «Une Congrégation qui a un saint de cette trempe-là dans ses fondements est sûre de son avenir».

Des fondations se préparent à Rome, à Savone, en Espagne. 110

Ce sont de grandes journées, bien précieuses, du 29 à 31 à Maastricht, quarante-deux ans après les jours de retraite où j'avais écrit la première rédaction de la Règle au Couvent à St-Quentin. Nous som­mes quatorze présents. Tout se passe bien, dans la paix et la charité. On me nomme l'Assistant que je désirais. Il habitera Bruxelles, où se trouvera la majorité du Conseil. La Maison-Mère sera enfin constituée. Résolutions importantes pour un renouveau de vie intérieure, pour nos adorations, que je veux voir bien organisées partout. Révision de nos Règlements. Il me semble que l'organisation de l'œuvre laissera peu à désirer. Deo gratias! 111

Visite à Sittard, où je suis reçu cordialement.

Rédaction d'une circulaire42) et de nos Règlements révisés. Nomi­nation des Provinciaux et de leurs Conseils. Les nouveaux Provinciaux n'auront plus de fonctions qui les absorbent. Ils seront tout à leur affaire. Il était temps.

Mois de travail et de recueillement. Je rédige et fais imprimer la Circulaire sur le Chapitre et les nouveaux Règlements.

Gros souci pour la mission du Cameroun43). On n'y peut pas ren­voyer les anciens missionnaires. Notre modeste province franco-belge aura peine à suffire à toutes ses charges… 112

7-14 retraite à Tervueren44), prêchée par le P. Dutilleul, qui nos édi­fie et nous intéresse… Je refais sur un autre cahier mes notes de ma retraite sacerdotale de 1901.

Conférence intéressante sur la prière. Ps. 106. Divers exemples de l'efficacité de la prière. Vers. 4: des égarées meurent de faim au désert, ils prient et Dieu les remet sur le chemin. Vers. 10: des prisonniers enchaînés, exposés à la mort, ils prient et Dieu les sauve. Vers. 18: des malades sont guéris. Vers. 23: des naufragés arrivent au port (belle description de la tempête). Vers. 33: Dieu envoie la sécheresse et la sté­rilité, mais le peuple prie et l'abondance revient. Vers. 39: vint la dépo­pulation, mais Dieu pardonna et les familles redevinrent comme des troupeaux de moutons. 113 Que les psaumes sont riches en sujets de méditations!

C'est le moment des placements. C'est toujours un peu compliqué. Il n'y a pas hélas! de placements pour la France! Plus d'œuvres, plus de Revue, plus de propagande! Il nous faudrait là avec la Revue, un bureau de publications: livres, feuilles, brochures; et un sanctuaire d'a­doration et de prière. Tout cela s'organisait à St-Quentin, mais la per­sécution a tout détruit. A quand la résurrection?

Je prie pour cela et j'offre pour cela mes petits sacrifices. Nous som­mes loin de ce que nous devrions être. 114

Nous avons eu de beaux jours à Montmartre le 16 et le 17 octobre. C'était la consécration de la basilique du S.-Cœur. Neuf cardinaux étaient là et plus de cent évêques. C'était la France catholique offrant au S.-Cœur le sanctuaire et la consécration qu'il a demandée.

N.-S. répondra par d'abondantes bénédictions. Il aidera la France pour le temps de paix, comme il l'a aidée pour la guerre.

J'ai pu assister à ces fêtes, j'en étais heureux. J'ai travaillé de tout cœur pendant 40 ans au règne du S.-Cœur par ma congrégation, par la Revue et par diverses publications. La miséricorde du S.-Cœur cou­vrira la multitude de mes fautes. 115

Pendant ce mois je fais éditer le Directoire45), le Cor Unum46), des brochures sur nos morts47) et une notice48) sur l'œuvre.

Nos écoles se repeuplent tout doucement.

Je commence à recevoir des encouragements pour l'Année avec le S.­Cœur et la Vie intérieure.

Nous publions l'Elenchus49): il y a 500 profès et 80 novices.

C'est jour d'élection en France le 16. Le S.-Cœur est avec nous. L'ensemble des élections est très bon. Il n'en est pas de même en Bel­gique où les progrès du socialisme sont inquiétants. 116

Le beau projet d'église du S.-Cœur à Rome prend consistance mal­gré les obstacles suscités par le diable.

Le noviciat italien à Albissola et la fondation espagnole à Puente la Reina s'organisent. Cette année a donc eu ses bénédictions, qui reste­ront.

Nous préparons un départ pour le Cameroun, c'est une grosse charge. 117

1920

La tristesse du moment, c'est que nous manquons de prêtres dispo­nibles pour nos missions. Il en faudrait davantage au Congo, et le Cameroun en demande. Il y a des milliers et des milliers d'âmes qui demandent le prêtre au Congo et nous sommes insuffisants. Et les pro­testants y courent! C'est à en pleurer! Messis multa, operarii pauci (Mt. 9,37). Parvuli petierunt panem et non erat qui frangeret eis (Lam. 4,4)… Je travaille au recrutement et je demande des prières.

Le 7, notre P Plissonneau50) est nommé Préfet apostolique du Came­roun.

La belle lettre du Card. Gasparri51), écrite au nom du Pape 118 en faveur de l'église du S.-Cœur qui doit être érigée à Rome, est datée du 9 février.

Le 21 février je pars de Bruxelles. Le 22, je visite mes neveux à Paris. Le 24 j'arrive à Cannes chez les bons Frères de St Jean de Dieu. Je pas­se là quelques jours pour voir mon frère.

Le 8, fête de St Jean de Dieu. Le 9 départ pour Savone et Albissola. Je passe là quelques jours à notre noviciat.

Le 14 on fête mon anniversaire (le compleanno). Le noviciat est pieux et intéressant. C'est un vieux monastère de N.-D. de paix. Le 23, départ pour Albino par Milan. L'école est nombreuse, elle a bon esprit. Le 25, les écoliers prennent la 119 soutane: grande fête de famille. Le 27 départ pour Bologne. Le 30 visite au cardinal. Son zèle rappelle St Charles Borromée.

Les chemins de fer chôment. Le 7 départ pour Rome où j'arrive péniblement le 8.

Le 11, réunion de St Léon avec quelques amis, à la Piazza d'Armi.

Le 21, bonne audience du Pape. Il est toujours bienveillant et encourageant.

Nous préparons la grande souscription pour l'église. Nous écrivons à tout l'épiscopat en 7 langues: italien, français, anglais, allemand, espagnol, portugais, latin. 120

Belles cérémonies de béatifications et canonisations: le 9, Louise de Marillac; le 13, Marguerite Marie; le 16, Jeanne d'Arc.

Il y a 300 évêques. Je visite ceux que je connais. Je reçois de bonnes promesses pour notre fondation de Rome.

Le 18, pose et bénédiction de la 1ère pierre52), par le Card. Vicaire Pompili53). Les Card. Bégin et Ascalési y assistent avec quelques évêques et un public choisi. C'est une journée mémorable pour l'œuvre.

Le 24 départ pour Gênes, Albissola, Turin, Paris. Voyage long et fati­gant.

Je visite St-Quentin qui se nettoie et se restaure un peu. 121 J'arrive le 30 à Bruxelles.

Mois du S.-Cœur. Notre chapelle est bien fréquentée.

Nous publions une notice illustrée sur l'œuvre54). C'est utile pour nous faire connaître.

L'œuvre de Rome sera difficile, prions et travaillons.

On a inauguré l'autel du S.-Cœur à St Pierre de Rome, comme je l'avais demandé, il y a un an, au St-Père. Le Pape m'a dit à l'audience: «Le tableau du S.-Cœur que vous m'avez demandé est bien venu, on le fera en mosaïque».

On l'a découvert au moment de la canonisation de Marguerite Marie.

J'écris aux évêques pour les prier de prescrire une quête en faveur de notre œuvre de Rome. 122

Je fais faire et j'envoie 4.000 lettres de quête en France et en Belgique pour l'œuvre de Rome. Les ressources viennent modestes et lentes.

La biographie du P. Rasset s'achève et va se publier.

Nous avons quelques ordinations à Louvain, à Luxembourg, à Bréda, à Bologne. C'est insuffisant pour nos œuvres. Les diocèses ne sont pas mieux favorisés: on dit que Verdun a un prêtre et que Soissons en a deux ou trois.

Notre fondation d'Espagne semble s'organiser à Novelda près d'Alicante.

On restaure nos ruines à St-Quentin, mais bien lentement. L'année scolaire s'achève à St Jean avec 80 externes…

Nous préparons tous les documents pour l'approbation des Constitutions à Rome. 123

Je me donne beaucoup de peine pour la quête et je n'arrive pas à de grands résultats; en tout cas ce travail est tout entier pour le S.­Cœur et pour le Pape.

La Vie du P. Rasset vient de paraître. Elle est profondément édifian­te, et pour les nôtres elle résume l'histoire de l'œuvre pendant 30 ans. Le P. Rasset a eu dans l'œuvre une mission importante, il m'a beau­coup aidé. Il était bien convaincu des desseins de Dieu sur cette œuvre et les épreuves ne l'ont pas ébranlé

Les croix ne manquent pas: la santé baisse, labor et dolor (Ps. 89,10). Il y a dans l'œuvre quelques sujets bien défectueux, qui manquent d'é­ducation, de respect …123/bis

Du 20 au 27 retraite prêchée par le P. Dupont.

1 ère méd. Dieu et moi.

Je ne suis rien de moi-même.

Dispositions: humilité. - reconnaissance: je tiens tout de Dieu: existen­ce, conservation, vocation… dépendance. Dieu est mon maître et mon tout. Je dois faire sa volonté. Telle doit être ma disposition habituelle, constante: Domine, quid me vis facere? (Act. 9,6). Loquere, Domine, quia audit servus tuus (1 Sam. 3,9).

2e méd. Le salut.

Combien Dieu attache d'importance à mon salut! Que n'a-t-il pas fait? la passion! l'Eglise, les sacrements et mille circonstances providen­tielles!… Que n'ont pas fait les saints, les apôtres, les martyrs, les con­fesseurs pour leur salut et celui 124 des âmes!

Et moi, que j'ai fait peu de chose! N'ai-je pas souvent agi contre? Que vais-je faire? Moyens à prendre, périls à éviter… vigilance, prière…

3e méd. Répétition.

J'ai reçu de Dieu une grâce insigne, c'est ma vocation spéciale de prêtre et ami du S.-Cœur: motif spécial de reconnaissance, de fidélité, de conformité à la volonté divine…

4e méd. Le péché.

Dieu nous montre quelle horreur le péché mérite par la passion de N.-S. et par les châtiments qui ont frappé les hommes. Je repasserai les années de ma vie, je m'exciterai à la confusion et à la contrition.

5e méd. Le péché et l'enfer.

Il y faut penser souvent. La liturgie, même à la messe, nous fait 124/bis demander bien des fois le pardon de nos péchés. Cor contri­tum et humiliatum, Deus, non despicies (Ps. 50,19).

6e méd. La mort.

Elle est proche pour tout le monde, spécialement pour moi, qui suis très âgé. Que sera-t-elle? douce, calme, bien préparée,… ou bien imprévue, subite, sans préparation,… ou encore troublée, agitée, inquiète? Que faire? Me préparer tous les jours.

7e méd. Encore les fins dernières.

Memorare novissima tua (Eccli. 7,40). Il y a toujours un profit spiri­tuel à y penser, c'est une sauvegarde.

8e méd. Jésus est la voie, la vérité et la vie. Il faut l'aimer, le connaî­tre, le suivre. Je dois vivre plus uni à lui, mieux faire les prières, orai­sons et lectures, 125 me détacher davantage des créatures. Seigneur, pardonnez-moi toutes mes infidélités et négligences…

9e méd. Nazareth.

Etudions notre modèle, Jésus.

A Nazareth, il nous manifeste surtout son humilité et son obéissan­ce. Erat subditus illis (Lc. 2,51). Je dois être davantage soumis à mon directeur, obéissant à mon règlement, fidèle à toutes les pratiques de notre règle.

10e méd. La vie cachée du Sauveur.

Vie de prière, de travail et de sacrifice à Nazareth. C'est mon modè­le. Je dois m'appliquer davantage à cette vie calme, toute régulière et toute docile à l'action de la grâce. Dixi: nunc coepi (Ps. 76,11). O Marie, mère de la vie intérieure, aidez-moi. 126

11 e méd. Résolutions. Vie intérieure.

Je dois prendre quelques résolutions, peu nombreuses, mais claires et fermes. Elles sont déjà indiquées ci-dessus: être plus fidèle à l'union habituelle à N.-S., offrande de toutes mes actions au S.-Cœur, vigilan­ce, recueillement.

Nous méditons à nouveau la vie cachée de N.-S.: Quelles étaient ses intentions et ses dispositions? Tout pour la gloire de son Père et le salut des âmes. Ainsi dois-je faire…

12e méd. Pauvreté, chasteté, zèle.

Ce sont là les caractéristiques de la vie de N.-S. De la crèche à la croix, il est toujours pauvre. Il s'entoure d'âmes vierges. Le zèle des âmes le dévore. Qu'ai-je à réformer pour la pauvreté, pour la modes­tie? J'offrirai mieux mes prières, actions et souffrances pour les âmes… 127

13e méd. Au Cénacle.

C'est le commencement des mystères de la passion. N.-S. s'immole dans l'Eucharistie.

Mystère d'amour: l'hostie nous enseigne la vie d'amour, de sacrifi­ce, de réparation.

Quelle bonté N.-S. témoigne à ses prêtres! Jam non dicam vos servos, sed amicos (Jo. 15,15).

Mes saintes messes sont-elles assez ferventes, recueillies, bien pré­parées?

Ma vocation exige l'union à Jésus-Hostie: vie d'adoration et d'a­mour, de réparation et de prière, en union avec l'hôte du tabernacle. Je devrais être un St Jean, un ami, un consolateur pour Jésus-Hostie, j'en suis bien loin! 128

14e méd. Au Cénacle. Le sacerdoce: zèle et charité.

N.-S. nous a fait prêtres pour le salut des âmes. Travaillons, dum tem­pus habemus (Gal. 6,10).

L'Eucharistie doit nous unir dans la charité, ses effets étaient bien manifestes dans les premiers chrétiens. La charité doit être surnaturel­le, modeste, dévouée. Elle n'exclut pas la fermeté…

15e méd. La passion.

Rappelons-nous toutes les scènes de la passion, les souffrances phy­siques de N.-S. et aussi ses souffrances morales. Judas le trahit, ses disci­ples s'enfuient, son Père semble l'abandonner. Il consent à paraître deshonoré.

Fruits: amour, reconnaissance pour ses souffrances expiatrices, 129 compassion du cœur pour ses souffrances, souffrance avec lui par la mortification et la pénitence.

Détachement des créatures et de toute jouissance. Humilité à son exemple…

16e méd. Le Calvaire et la résurrection.

La mort du Sauveur est le comble de son amour: In finem dilexit eos (Jo. 13,1). A l'ouverture de son Cœur, il a préparé des grâces pour notre Œuvre.

Pendant 40 jours, il a organisé l'église, la hiérarchie, le sacerdoce. Il a prévu les ordres religieux, qui sont des corps d'élite dans sa grande armée conquérante…

Exercice d'humilité: un Père m'écrit d'une manière tout à fait irres­pectueuse et blessante, fiat! Que Dieu lui pardonne! 130

Tout mon temps se passe à la quête pour Rome. Je tresse la couron­ne royale du S.-Cœur. D'autres peuvent songer à la restauration monarchique d'une dynastie; moi, je vis pour l'instauration royale du S.-Cœur. On intronise partout le S.-Cœur dans les familles. J'ai pu l'introniser à la Basilique de St Pierre par son nouvel autel. Je passerai le reste de ma vie à préparer son intronisation universelle dans sa basi­lique royale à Rome. C'est près du pont Milvius, le nouveau Labarum rayonnera là où l'ancien s'est manifesté…

Nous avons repris la mission du Cameroun55). Nous fondons en Espagne. Il faut étendre partout le règne du S.-Cœur. 131

Le mois de novembre est impressionnant pour un vieillard, il fait penser à la mort. Je me livre à la dévotion gertrudienne, qui prêche la confiance au S.-Cœur…

Notre œuvre de Rome a de quoi nous effrayer: il faut un million en 1921 et un demi-million en 1922 pour construire seulement la maison d'habitation et les fondements de l'église. Et ma quête prosuit si peu!

Il faut que je me rappelle l'enseignement de l'Evangile, qui dit que la foi produit des miracles.

Il y a déjà sept ans que notre P. André est parti pour le ciel. Beau­coup de personnes sont avides de lire sa vie. 132

L'année s'achève, année d'après guerre, toute remplie de difficultés politiques, sociales, économiques. Cette année nous lègue bien des inquiétudes.

Nous lançons la souscription pour l'église votive du S.-Cœur à Rome: cet hommage au S.-Cœur vaudra bien des grâces à l'église.

J'approche de mes 78 ans. Je reste avec mes faiblesses et mes défauts, et le jugement approche.

Je termine l'année par la prière pour la bonne mort: «Seigneur, mon Dieu, dès aujourd'hui, j'accepte très volontiers et justement de votre main le genre de mort qu'il vous plaira de m'envoyer, avec toutes ses douleurs, toutes ses peines et toutes ses angoisses» (Indulgence plé­nière).

133 Table des matières

Octobre 1918 1 Audience 91
Grands amis 2 Mars 92
Mes saints 3 Un discours du Pape 93
La guerre 4 Cannes 93
Novembre 5 Vendôme 94
L'armistice 7 Provence 95
Le S.-Coeur 9 St-Quentin 99
Nos morts: Le pays dévasté 100
le Purgatoire 10 Mons 102
Patience 12 Bruxelles 103
L'union avec Dieu 15 Mai 104
Décembre 18 La Reine 105
En route 19 Le cinéma 106
Le jubilé 20 Petites misères 107
L'audience 23 Namur 108
Juillet: Travail 109
1919 Le Chapitre 110
Nouvel an 25 Août 111
La doctrine de vie 27 Septembre 112
L'union à Marie 34 Placements 113
L'abandon 37 Octobre 114
Bossuet 41 Novembre 115
P. Surin 44 Décembre 116
St François de Sales 45
Février 49 1920
Saint Augustin 50 Janvier 117
L'Imitation 55 Février (Cannes) 117
Scupoli 57 Mars (Albissola) 118
P. Lallemant: l'oraison 63 Avril (Rome) 119
Conduite du St-Esprit 71 Mai 120
Vie intérieure 75 Juin (Bruxelles) 121
L'union avec N.-S 78 Juillet 122
Le Règne de Dieu en nous 80 Août 123
Tendre à la perfection 82 Septembre. Retraite 124
L'union avec le S.-Coeur 84 Octobre 130
Télépathie et double vue 86 Novembre 131
Deux grâces 88 Décembre 132

1)
Retraite de Moulins: Le P. Dehon va à Moulins, prêcher la retraite au grand séminaire, parce qu’invité par Mgr Jean-Baptiste Penon, évêque de Moulins. Cet évê­que était «toujours plein de vénération pour la Mère Véronique et le P. André» (cf. lettre du P. Dehon à M. Marie Agathe, 22 nov. 1918; B. 83). Aussi pendant la guerre, il avait donné hospitalité à trois séminaristes scj dans son séminaire (cf. lettre du P. Dehon à Mgr Grison, 29 sept. 1918; B. 24/9-A). Les notes de cette retraite le P. Dehon les a reproduites dans un «cahier» à part (NQ XLIII, 1 e 4). En 1943 elles ont été publiées dans le volume Extraits du Journal, pp. 253-304.
2)
Toniolo, Giuseppe: cf. II, 637,40.
3)
Vrau, Philippe: cf. Feron/Vrau, NQ II, 626,49.
4)
Goyau, Georges: cf. II,643,69; III, 499,13.
5)
Lorin, Henri: cf. II, 641,59.
6)
Vermeersch, Arthur. cf. II, 670,66.
7)
Lehmkuhl, Auguste. cf. II, 626,48.
8)
Biederlack,, Joseph: cf. II, 640,56.
9)
Marie du S.-C. de Bourg. cf. NHV 8, XIV,115-118. Biographie dans AD B. 36/17a.
10)
Royer, Edith: cf. I, 525,105.
11)
Lateau, Louise. cf. III,503,68; NI-IV 5, X, 16-19; 46-48.
12)
Jandel, Vincent Alexandre; cf I, 529,29.
13)
Séraphine de Talence-Mons: abbesse des Clarisses de Mons (cf. sa lettre au P. Dehon, datée 23 déc. 1911; B. 88). Le P. Dehon était en relation avec ces religieuses déjà quand Sr Séraphine était maître des novice. Et de ce temps-là on garde une feuil­le où on lit que Sr Séraphine, maître des novices, offrait «ses services spirituels» au P. André, maître des novices scj; et chacune des religieuses de sa communauté offrait «ses services spirituels» à un religieux scj dont le nom y est indiqué; et l’abbesse de ce temps-là, M. Claire Isabelle, offrait «ses services spirituels au rév. P. Dehon» (B. 88): exemple concret de communion des biens spirituels entre deux congrégations, vouées au Cœur de Jésus et à la réparation.
14)
Père de Villefort: assistant général des Jésuites, que le P. Dehon rencontra à Rome en 1865 (NHV 2,IV,97-98).
15)
«Je recopie… la retraite de Moulins». En même temps il envoie le livre du P. André, Amour Paix et joie, au Fr. Mounier, un de nos scolastiques qui logeaient à Moulins, en écrivant: «Je vous envoie le livre du P. André. C’est le résumé de ma retraite: fructus Spiritus: gaudium, pax, caritas» (B. 62,9/A).
16)
Rouzic, Louis: Dans notre bibliothèque de Rome I, on a un exemplaire de son livre: La journée sanctifiée, Lethielleux, Paris 1911 (24.484 R).
17)
Chollet, Jean-Arthur, né 1868, évêque de Verdun en 1910, promû à Cambrai en 1913. Il avait été professeur de théologie morale et avait publié de nombreux ouvra­ges. Entre autres le livre cité «Nos morts», dont on a un exemplaire en italien dans notre bibliothèque (Rome I, 248.75.0).
18)
«Ce sont mes adieux»: Le P. Dehon était à Lyon depuis le mois d’août et il pen­sait pouvoir partir pour l’Italie vers le 20 octobre (cf. lettre au P. van Halbeek du 18 août). Mais seulement au début de décembre il obtint le passeport (cf. ci-dessous, XLIII,18) .
19)
Ledos, Eugène-Gabriel, 1864-1939: il est connu par ses nombreux travaux de bibliographie. En 1923 il publia un volume de Morceaux choisis de Lacordaire, dont en 1902 il avait composé aussi la biographie. Il a composé aussi une biographie de Ste Gertrude (cf. édition it., bibliothèque scj, Rome I, 922,I).
20)
Terrien, Jean-Baptiste, jésuite, 1832-1903, professeur de théologie d’abord à Laval et, ensuite, à l’Institut Catholique de Paris. Parmi ses ouvrages on peut rappe­ler: De Verbo incarnato (1882), La dévotion au S.-Cœur (1893), dont on a un exemplaire à Rome I, La grâce et la gloire (1897) et enfin une «somme» mariale en quatre volumes.
21)
Bainville, Jacques, écrivain français, né en 1879 à Paris. Il a été rédacteur à la «Revue des revues», puis à la «Revue de l’Action française». Très apprécié par ses étu­des historiques, auteur du livre Histoire de trois générations, cité ici par le P. Dehon.
22)
Dumas, Jérôme, mariste, 1846-1928. Auteur de l’ouvrage L’imitation de J.-C.: introduction à l’union intime avec Dieu, Lyon 1906, où il se révèle âme contemplative expérimentée dans les voies de l’oraison. Dans les pp. 27-28 de «La vie intérieure» I, le P. Dehon emprunte de cet ouvrage (cf. exemplaire, Rome I, 244.84.D).
23)
Léonard de Port-Maurice, Frère mineur, saint (1676-1751) . Né à Porto Maurizio, l’actuel Imperia, durant 40 ans il se consacra totalement à l’œuvre des missions paroissiales. Il publia de nombreux ouvrages relevant de la vie chrétienne au niveau populaire, parmi lesquels on peut citer le livre des Résolutions («Proponimenti») et Le trésor caché de la Messe («Il tesoro nascosto: la santa Messa»), cité par le P. Dehon. S’il lui manquait le don d’organisation dans ses missions comme dans son ascèse person­nelle, sa force par contre résidait dans la fidélité au don continuel de soi à Dieu et aux âmes.
24)
Roserot de Troyes: cf. NHV IV, 148; XI, 173.
25)
Gillet, Martin-Stanislas, 1875-1951, dominicain, professeur de théologie à Louvain, au Saulchoir, à l’Institut Catholique de Paris. En 1925 il prit l’initiative d’édi­ter en français la Somme théologique de St Thomas en traités séparés, munis d’introduc­tions et de notes explicatives. Très nombreux les livres qu’il a publiés entre 1920 et 1950. L’ouvrage La doctrine de vie, que le P. Dehon considère «un des plus lumineux sur la grâce», est sorti en 1919.
26)
Giraud, Sylvain, missionnaire de N. D. de la Salette, très renommé en France du temps du P. Dehon surtout à cause de ses publications concernant la spiritualité victimale. Il a publié un exposé synthétique sur cette spiritualité dans son ouvrage Prêtre et hostie, en deux volumes, édité en 1885. Cf. aussi NQ XL, note 14. Mais ici le P. Dehon fait allusion à un autre livre de Giraud, c.à.d. L’union à Marie.
27)
« Union directe avec Marie». On parle ici de la spiritualité mariale proposée sur­tout par St Louis-M. Grignion de Montfort (cf. I, 502,55) et largement partagée par le P. André Prévot, surtout dans son ouvrage L’année avec Marie. Le P. Dehon connaît très bien cette spiritualité. Il en parle encore, et davantage, dans son ouvrage Vie inté­rieure, mais il avance des réserves. Dans sa vision spirituelle la Ste Vierge occupe une place tout à fait spéciale, mais il est très respectueux de l’esprit attesté par les textes liturgiques. Et d’après la liturgie, «la vie chrétienne consiste à aller (à Dieu) par N.-S. Jésus-Christ… En général, nous allons à Dieu par Jésus; puis invitons Marie à nous y aider» (XLIII, 35).
28)
Caussade (Jean-Pierre de): cf. XXXIX, note 9.
29)
Lehen (Edouard Brignon de), jésuite: cf. XXXIX, note 19. De lui on a (Rome I, 244.84/L) le livre «La voie de la paix intérieure» (s.d.). Mais il est intéressant de noter que les auteurs spirituels et les livres que le P. Dehon cite dans ces pages de son «Journal» vont être repris ensuite pour composer son ouvrage: «La vie intérieure». De fait, dans cet ouvrage (vol. I) on trouve cités: Scupoli, p. 29; Libermann, p. 37; Gillet, p. 83; Lallemant, p. 115; Caussade, p. 143; Grignion de Montfort, p. 149; etc.
30)
Farges, Albert: prélat, du diocèse de Tulle, professeur à l’Institut Catholique de Paris, auteur des «Etudes philosophiques». On dispose, à Rome I, de son livre: «La philosophie de M. Bergson», 2ème éd., Paris 1914.
31)
Offrande au Saint-Père. Le P. Dehon a profité de cette audience pour remettre au Pape l’offrande de la famille Scouvémont, 2000 frs., pour le denier de St Pierre (cf. aussi son billet, daté 28 février 1919: AD 43/B,91/11).
32)
L’action sociale a toujours activé l’intérêt du P. Dehon. Après la mort de Léon XIII il n’a plus participé activement aux réunions ou aux congrès des mouvements d’action sociale, mais il rappelle souvent ses activités d’antan, surtout pour souligner que les directions de Léon XIII «restent en pleine vigueur» (XLIII, 92-93). Ici, par ex., il a collé une coupure de journal où sont repris des passages d’un discours que le pape Benoît XV a adressé, le 3 mars 1919, aux délégués des grandes organisations qui représentaient l’action catholique italienne (XLIII, 93).
33)
Les demoiselles Baume: Dans nos archives, il y a à peu près 95 lettres écrites par le P. Dehon aux deux demoiselles Baume. Presque dans toutes ces lettres il leur rap­pelle le devoir de vivre la vie de victime à l’exemple du P. Prévot. De ces lettres, 88 qui ont été écrites par le P. Dehon entre le 27 mai 1919 et 1925 se trouvent dactylo­graphiées dans le cahier VI de «Supplément Correspondance» (AD 4A I-49).
34)
Bonnefoy, Franfois-Joseph, archevêque de Aix, sacré évêque en 1893 et promû en 1901, succédant à Mgr Gouthe-Souhard.
35)
St-Quentin, la ville martyre. Le P. Dehon rentre à St-Quentin le 7 avril 1919. Il avait dû le quitter le 12 mars 1917 (cf. XL, 106). C’est «un spectacle navrant» pour lui. La ville n’est qu’un amas de ruines sales et tristes. A notre maison du S.-Cœur les plâtres tombent, les statues de la chapelle sont mutilées, les autels brisés… Les noms des rues sont restés les mêmes: ils lui rappellent des personnages qui ont contribué à provoquer la vengeance divine… Pour conclure, il souhaite le retour du peuple à «un peu de raison et de foi».
36)
Objois, Joseph Martinien, religieux frère scj, un parmi les neuf premiers reli­gieux frères dont le nom parait dans l’Elenchus de 1894. Né à St-Quentin en 1867, profès en 1888. Il est à St-Quentin, dans la maison-mère de la Congrégation, de 1913 à 1916, avec le P. Urbain Lecart. En mars 19171a ville est évacuée, et c’est l’exil. Il ren­tre à St-Quentin en 1918, au moment de Noël, et il se met au travail pour rendre un peu habitable d’abord la Maison du Sacré-Cœur et, après, aussi le couvent des Servantes du Sacré-Cœur et le collège St Jean. Il est mort en 1926 (cf. «Dehoniana»/Fr.,1994, n.83, pp. 125-127).
37)
Lobbé Albert, Claude de la Colombière: cf. I, 500,48; I, 5024,99.
38)
Notre maison du S.-Cœur de St-Quentin: On garde, dans les A.D. de Rome, un cahier dans lequel le P. Dehon décrit l’histoire de notre «maison du S.-C.» de St­-Quentin pendant la guerre 1914-1918. C’est un cahier de 64 pages manuscrit, ayant pour titre: Quelques notes sur la maison du Sacré-Cœur à St-Quentin pendant la guerre. Il suit une ligne à peu près parallèle aux cahiers de son «Journal». On pourra l’éditer dans la série «Manuscrits divers» de caractère historique (cf. AD B. 40/6.1, Inv. 676.00).
39)
Histoire de notre maison de Louvain: elle est analogue à celle de nos maisons de St-Quentin. Aux premiers jours de la guerre, toute la communauté est dispersée, à l’exception du supérieur et de quelques confrères. Bien des familles en difficulté vin­rent chercher au Scolasticat un refuge. On reprit néanmoins les cours jusqu’en juillet 1915. Le jeune recteur P. Guillaume, mort le 26 juillet, fut remplacé par le P. Falleur. Mais quelques semaines plus tard la maison devint une annexe de l’Université, com­me maison de repos et clinique d’enfants débiles. Pendant quatre ans, 1915-1919, le scolasticat fut transféré au juvénat de Tervueren. On doit au P. Fondateur lui-même si la Province franco-belge put rentrer en possession de son scolasticat. Le nouveau supérieur provincial, P. Gaillard, nommé en septembre 1919, élit comme résidence Louvain; et le supérieur local avec son économe réorganisa la maison en réglant avec soin la vie religieuse et les études.
40)
Notes pour une biographie du P. André. Dans nos archives il y a beaucoup de témoignages de ces recherches du P. Dehon pour écrire une biographie du P. André. On peut citer, comme ex., la lettre qu’il envoyait le 27 mai 1919 à Melle Claire Baume: «Je continue à recueillir des renseignements sur notre saint. La M. Anne Gertrude… a seulement quelques lettres du bon Père. Melle Guillaud a tout un stock de lettres qu’elle va m’envoyer; elle a eu pendant 30 ans la confiance du bon Père… Notre confrère qui écrit la vie (P. Bertrand) a les 69 lettres que vous avez envoyées». De même, le jour après (28 mai), il écrivait encore aux deux demoiselles Baume: «Mes bonnes Soeurs de Namur me donnent des renseignements qui nous aident à éclaircir bien des points» (AD,4 Al, 49 1 et 2). Dans ces mêmes lettres il souligne l’im­portance d’avoir des «agrégés» à l’œuvre, soit pour les Soeurs Victimes de Namur comme pour sa congrégation des Prêtres du S.-Cœur. «Agrégez M. le curé et d’autres âmes à l’œuvre, écrit-il à Melle Claire Baume. Les agrégés nous sont une force, leurs prières et leurs sacrifices nous aident… J’ai écrit à M. Lanthaume à Avignon, à Melle Raganud à Villeneuve, à Melle Capel à Marseille… J’ai reçu une bonne lettre du P. Vieille, jésuite, compagnon de noviciat du P. Prévot. Je ne sais rien du P. Jacotant. Prions, prions; aimons le S.-Cœur» (ib.).
41)
L’année avec le Sacré-Cœur. De cet ouvrage le P. Dehon parle plusieurs fois dans son Journal. En 1908 il atteste: «Je travaille sans relâche à mon Année de méditations. J’ai fait quatre mois» (NQ XXIV, 25). Probablement il finit de l’écrire l’année suivan­te. Et de fait la préface est datée le 3 octobre 1909. Mais la composition typographi­que du texte commence seulement en 1913 (NQ XXX, 2-3). Et après quelques mois on a dû l’interrompre à cause de la guerre. Seulement en juillet 1919, donc, ce gros ouvrage (deux volumes de pp. 698 et 592) a pu paraître dans les librairies. En cette même occasion le P. Dehon a édité ses deux petits volumes sur La vie inté­rieure. volume I, «Ses principes, ses voies diverses et sa pratique», Paris, Pierre Téqui 1919; volume II, «La vie intérieure facilitée par des exercices spirituels», Desclée De Brouwer et C.ie, Lille Paris Bruges Bruxelles (s.d.). Cet ouvrage sur la vie intérieure a été réimprimé dans la série «Œuvres spirituel­les», Edizioni Dehoniane Roma, vol. 5me.
42)
Rédaction d’une circulaire et de nos Règlements: Le 8e Chapitre a eu lieu a Maastricht du 29 au 31 juillet 1919. La lettre circulaire, envoyée à toutes les commu­nautés pour transmettre les orientations du Chapitre, est datée le 10 août suivant. L’espace d’une semaine! Dans cette lettre le P. Dehon dit qu’il entend exposer «seule­ment nos bonnes résolutions pour la vie spirituelle». Voici les thèmes touchés: vie reli­gieuse et mortification, vie de victime, obéissance et adoration réparatrice, pauvreté, régularité et silence, exercices de rénovation, et la résolution finale de tendre à la perfection (cf. L.G. Dehon, Lettere circolari, Bologna 1954, pp. 236-257). Les «nou­veaux règlements», au contraire, c.à.d. les résolutions du 8e Chapitre concernant l’ad­ministration de l’Institut, ont été édités dans une petite brochure, intitulée: Règlements divers des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus, prescrits par le 8e Chapitre général en 1919, pp. 78, Casterman, Tournai (s.d.). En 1926 on a publié les Acta et Decreta Capitoli generalis IX; et ceux-ci, après le Xe Chapitre général, sont devenus les Regulae ac Praescriptiones, promulguées par le P. Joseph Philippe.
43)
La mission du Cameroun: Le P. Dehon parle de «gros soucis» pour cette mis­sion. Il ne peut pas y renvoyer les anciens missionnaires allemands; la province fran­co-belge est encore trop modeste pour suffire à toutes ces charges. Et encore il y a la division du Cameroun entre français et anglais, et donc de nouveaux problèmes. Pour chercher une solution le P. Dehon écrit: 1) à la congrégation de Propagande (cf. let­tres datées 11 août et 6 sept. 1919); 2) un exposé daté 10 oct. au Gouvernement anglais; 3) et à la même date un exposé au ministre pour l’étranger de Hollande (cf. AD B. 24/12 et B. 75/1).
44)
Septembre, retraite à Tervueren. Le P. Dehon profite de cette retraite pour refaire sur un autre cahier les notes d’une retraite sacerdotale qu’il avait prêchée en 1901 au séminaire canadien de Rome. Dans nos archives on garde encore ce cahier-là, format de 21 x 16,5 cm. Le texte de la «retraite» couvre les 77 premières pages. Le reste est en blanc. Le texte de ces notes, que le P. Dehon avait rédigées en 1901, est inspiré clairement par l’ouvrage Le sacerdoce éternel du card. Manning: il suit le même plan général et en reproduit souvent les développements. Maintenant on le trouve édité intégralement dans «Extraits du Journal», Rome 1943, pp. 219-250.
45)
Je fais éditer le Directoire. C’est l’édition de 1919, dont le titre est: «Directoire spi­rituel des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus» par le T.R.P. Dehon Supérieur général, nouvelle édition revue et augmentée, Louvain, Imprimerie François Ceuterîck 1919. L’imprimatur, à la page 2, est daté 18 juillet 1919. C’est une édition «revue et augmentée» vis-à-vis de l’édition 1908. Tout à fait neu­ve est la première partie sur le but et l’esprit de notre vocation, où le P. Dehon s’inspi­re des méditations et illuminations de la Chère Mère et de Sr St-Ignace. Lui-même l’affirme à la page 2 avec cette annotation: «Ces pages expriment l’esprit de notre Œuvre, tel que nous l’avons conçu dès le commencement (1877-1881), avec le con­cours de quelques âmes privilégiées et la grâce du Sacré-Cœur de Jésus». Cette anno­tation dans la nouvelle édition 1928 a disparu; mais elle paraît de nouveau dans l’édi­tion 1936 et reste dans toutes les éditions qui viennent après.
46)
Le Cor Unum: C’était une feuille très modeste, qui sortait de temps en temps (8 numéros de 1916 à 1920), avec des nouvelles concernant les personnes et les œuvres de la Congrégation. En novembre 1919 a paru le n. 7, avec seulement 6 pages. Il annonçait: 1. l’achat à Rome du terrain pour l’église du S.-Cœur; 2. la fondation du noviciat à Albissola (Italie); 3) l’ouverture de l’école apostolique de Puente la Reina (Espagne); 4) la publication et la mise en vente des ouvrages L’année avec le S.-Cœur et des deux petits volumes sur La vie intérieure.
47)
Une brochure sur nos morts: Il s’agit d’une brochure très petite, intitulée: «Quelques Prêtres du S.-Cœur de St-Quentin, morts au champ d’honneur (1914­1918) », Louvain, Ceuterick 1919, pp. 30. Après une préface de deux pages, on a une notice de deux ou trois pages sur sept religieux scj, c.à.d. Jean Granger, Alfred Rattaire, Paul Lambert, Georges Swisser, Joseph Seyve, Mathieu van Acken et Paul Crépin.
48)
Une notice sur l’œuvre. Son titre complet c’est: «Notice sur la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur», quatre feuilles. On en garde un exemplaire aux archives gén. scj (14-B/5; inv. 990).
49)
Nous publions l’Elenchus: C’est le premier Elenchus imprimé. Il distingue le total des religieux (profès 518) entre: prêtres 287, scolastiques 124 et frères 107.
50)
Plissonneau, Joseph Donatien: né en 1883 (Loire, France), profès en 1903, prêtre en 1910. D’abord missionnaire au Zaïre, préfet apostolique de Adamaua 1920-23 et de Foumban 1923-30; et conseiller général 1935-1947.
51)
Belle lettre du card. Gasparri: Elle est adressée au P. Gasparri, datée le 9 février 1920. Elle a paru dans «L’Osservatore romano» (27 fév.) et aussi dans «Il Regno del Sacro Cuore», IX(1920), n. 4, pp. 53-54.
52)
Le 18 mai 1920, pose de la première pierre. C’est une occasion importante; le P. Dehon y prononce un discours en français (cf. AD B. 37/b et 2; inv. 661.02). On peut rappeler que le même jour, à Krakovie est né le pape Jean-Paul II. Le pape lui-même a voulu le souligner à l’occasion de sa visite à la basilique de Christ-Roi pour le LXXe anniversaire (1990).
53)
Pompili, Basilio: né à Spoleto 1858, ordonné prêtre en 1888 après ses études au Séminaire romain, cardinal diacre en 1911, nommé vicaire du St-Père le 7 avril 1913 et sacré évêque le 11 mai suivant. Il est mort le 5 mai 1931.
54)
Une notice illustrée sur l’œuvre a été éditée à Bruxelles en juin 1920 par le P. Ducamp. Il s’agit d’une petite brochure de 53 pages, sous le titre: «La Congrégation des Prêtres du Cœur de Jésus dans le passé et dans le présent. Origines, but et moyens. Extension, missions et œuvres» (cf. Biblioteca Centro Studi, Rome, 4C143).
55)
Notre retour au Cameroun: Le 22 juillet 1920 arrivèrent à Foumban les Pères Mennecart et Bintener, et le Frère polonais Casimire Zjezdrzalka. Quatre jours après arrivait aussi le P. Plissonneau.
  • nqtnqt-0005-0043.txt
  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
  • przez 127.0.0.1