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44e CAHIER

1921 – 1924

J'aurai bientôt 78 ans, c'est une longue vie, et je me sens si pauvre, si dénué de mérites, si rempli de défauts, si sujet à tant de faiblesses et de misères! J'entre dans cette année nouvelle avec un sentiment profond d'humiliation et de repentir.

J'ai cinquante-deux ans de sacerdoce! J'ai abusé de beaucoup de grâces, je n'ai pas fait les progrès que je devais faire.

Comme le temps et les saisons que le Bon Dieu nous donne, j'ai eu des périodes de froid, de ciel gris et d'orage…

Je veux toujours revenir à la vie d'union et je voudrais m'y enfoncer sans réserve.

Nous lisons la vie du P. André1), elle m'humilie, c'était un saint. 2 Il y a dans l'œuvre quelques âmes qui doivent consoler N.-S., mais il n'y en a pas assez…

Je m'occupe tout ce mois à chercher des ressources pour notre œuvre de Rome2), mais c'est difficile. On ne me répond guère et on me donne peu. Tout le monde est éprouvé par la vie chère, par l'accroisse­ment des charges, par les pertes subies sur beaucoup de valeurs…

Une grande joie m'est apportée par la réponse du Pape à mes souhaits de Noël, je la copie:

«Segreteria di Stato di Sua Santità. Dal Vaticano, 17 janvier 1921. Très Révérend Père Supérieur général,

Sa Sainteté a été très sensible aux souhaits que vous avez tenu à lui exprimer encore une fois à l'occasion des solennités de Noël et du jour de l'An, en votre nom et au nom de la Congrégation des 3 Prê­tres du S.-Cœur.

En offrant au Souverain Pontife ce nouveau témoignage de votre filial attachement, vous avez voulu rappeler quels grands liens unissent son Auguste Personne à la dévotion au Sacré-Cœur, dont votre Institut se glorifie d'être parmi les propagateurs les plus zélés.

Sa Sainteté vous remercie de tout cœur pour ces nobles et pieux sentiments, dont vous êtes un si autorisé interprète; et en formant les meilleurs voeux pour l'heureux succès de toutes vos œuvres et surtout de celle que Sa paternelle sollicitude a confiée à vos soins pour la ville de Rome, vous accorde de tout cœur pour vous et pour toute votre congrégation la bénédiction apostolique que vous avez implorée.

Veuillez croire, Très Rév. Père Supérieur général, à l'assurance de tout mon religieux dévouement en N.-S.».

P. Card. Gasparri. 4

Je me sens triste à la fin de ma vie, je n'ai pas répondu à toutes les grâces que j'ai reçues.

je trouve un peu de réconfort dans la lecture des actes de confiance de Ste Gertrude. «O Dieu de toute amabilité, dit-elle, bien que mes péchés soient si graves et si nombreux que mille enfers ne suffiraient pas pour les punir, cependant, par cela même qu'ils me déplaient, je suis si assurée, en vertu de votre infinie bonté, d'en obtenir le pardon, que je douterais plutôt de mon existence que de votre miséricorde… Et pour mon bonheur éternel, pourrais-je avoir la moindre défiance d'y parvenir? Ce n'est point de mes propres mérites que je l'attends; c'est sur les promesses infaillibles de votre Fils unique, c'est sur la mul­titude infinie de ses mérites, 5 que repose mon espérance… Daignez, ô Père éternel, conserver en moi cette confiance, je la remets entre vos mains… ».

Je continue à quêter pour Rome, c'est un travail fort matériel et sujet à bien des déceptions.

Quelques sujets dans l'œuvre ne répondent pas à leur vocation… Les maladresses d'un économe me donnent bien des soucis… Anniversaires:

11 fév. 82, mort de mon père.

2 fév. 78, mort mystique et grâces spéciales de Sr Ignace.

25 fév. 88, Bref laudatif.

27 fév. 1920, l'église du S.-Cœur à Rome nous est confiée…

Le card. Van Rossum3) m'écrit le 4 mars au sujet de la mission de Finlande.

Ce mois de mars me rappelle beaucoup d'anniversaires.

Le 1 mars 78, la Sr Marie de Jésus 6 a offert sa vie pour sauver la mienne.

Le 19 mars 83, mort de ma mère.

Le 14 mars, anniversaire de ma naissance. Le 17 mars 1917, mort de Chère Mère. Le 25 mars, anniversaire de sa naissance.

Le 29 mars 84, décret de Rome nous organisant comme Con­grégation diocésaine.

Le 4 mars de cette année 1921, le Card. Van Rossum nous offre les missions de Finlande4)… Nous acceptons par déférence, mais c'est une œuvre ingrate et difficile. Les hérétiques sont durs à convertir. Il y a beaucoup plus de consolation dans les pays neufs comme le Congo et le Cameroun. On y gagne des âmes à la foi par milliers.

Au Cameroun5), les chrétiens que nos Pères avaient formés avant la guerre, ont souffert courageusement pour la foi. Ils se sont conservés et développés même sans prêtres. 7 C'est une race supérieure à celle du Congo, on y trouve la virilité des peuples de l'Ouganda.

Au 24 mars, c'est l'anniversaire de mon baptême. Je m'humilie pour toutes les grâces que j'ai perdues et gaspillées.

Au 29 mars, la Providence me fait retrouver dans mes papiers les documents6) de la grande épreuve de 1883-1884: mon appel à Rome, l'étude au Saint-Office des écrits de la Soeur Ignace, une condamna­tion, un Consummatum est, parce que nous avions appelé révélations ce qui n'était en grande partie que des lumières d'oraison, puis la résurrec­tion au 29 mars par le décret qui nous autorisait à vivre comme con­grégation diocésaine en attendant mieux… Le Consummatum est s'était réalisé comme il 8 m'avait été prédit. L'œuvre du S.-Cœur devait reproduire ces mystères de Notre Seigneur.

Le bon Mgr Sallua7), commissaire du St-Office, en lisant les écrits de Sr Ignace, m'avait dit lui-même: «C'est maintenant le Consummatum est». Il prophétisait plus qu'il ne pensait.

Ma famille spirituelle se développe constamment malgré mes fai­blesses et mes fautes. je suis frappé de la lecture du ps. 24. David s'hu­milie, il reconnaît ses fautes, mais les dons de Dieu sont sans repentir, la race de David régnera sur le monde par le Christ… Semen ejus heredi­tabit terram (Ps. 24,13).

Dieu m'a conservé aussi ma mission, malgré mon indignité et voici que la famille du 9 Sacré-Cœur s'étend à toute la terre.

Humble travail de quête8) sans grand résultat.

Les travaux marchent à Rome, il y a soixante ouvriers, il faut que la Providence nous aide.

Les circonstances ne sont pas favorables pour la quête, toutes les fortunes ont été ébranlées par la baisse des valeurs autrichiennes, alle­mandes, russes, ottomanes, etc. Les nouveaux riches ont plus d'attrait pour le plaisir que pour les œuvres.

Je repense beaucoup aux commencements de l'œuvre. Le recul aide à y voir plus clair. La Providence a ses préférences géographiques. La Ste Vierge a choisi La Salette et Lourdes. - Le S.-Cœur a préféré Paray le Monial, Montmartre, St-Quentin… 10 C'est la Providence qui a conduit la Chère Mère fondatrice à St-Quentin avec la Sr Ignace, et moi j'ai abouti là aussi malgré moi. Nous devions nous y rencontrer.

Pourquoi ce choix de St-Quentin? Il y avait là une ancienne et profonde dévotion au S.-Cœur et puis nous avions besoin de la direc­tion des Pères Jésuites de Laon, de N.-D. de Liesse et de Reims.

Nos règles, nos prières, notre directoire ne viennent pas de la terre. Les prières et le directoire sont en grande partie le fruit des vues d'oraison de la Soeur Ignace…

Ces trois écrits sont comme notre Evangile, dont il ne faut pas nous départir.

La première partie des Règles est nôtre. La seconde partie ou les Constitutions sont analogues 11 à celles de toutes les Congrégations modernes.

L'œuvre garde le nom officiel de Prêtres du S.-Cœur de St-Quen­tin, aussi je tiens à ce que nous gardions nos maisons de St-Quentin9).

Le 3 mai, nous perdons le bon P. François Xavier10), un de nos pre­miers Pères. Il a travaillé beaucoup, mais un peu trop en dehors de nos maisons. C'était un homme d'une foi ardente qui s'attachait trop aux manifestations mystiques contemporaines où tout n'était pas de Dieu. Il est venu mourir à Aulnois-Quévy, où je suis allé aux funérailles le 6.

Le 13, anniversaire de la canonisation de Marguerite Marie. Le Pape fait faire la mosaïque spéciale que je l'avais prié de mettre à Saint Pierre.

Nous devons avoir plus de foi en notre œuvre. Elle est bien 12 de Dieu dans ses commencements, dans sa conservation, dans son déve­loppement.

Les Règles m'ont été suggérées par la grâce du S.-Cœur. Les prières et le directoire sont le fruit de vues d'oraison.

Les prophéties et les miracles n'ont pas manqué. Les épreuves, le Consummatum est (par un décret de Rome) et la résurrection ont été annoncés11). Ma guérison obtenue par le sacrifice de Sr Marie de Jésus est manifestement miraculeuse…

La brochure «Souvenirs de 70 ans» indique nos origines surnaturel­les. Mes notes révéleront le reste. Le doigt de Dieu était toujours là. L'œuvre lui est chère, malgré nos faiblesses.

A Rome, on travaille. Déjà 300.000 lires ont été dépensées. Il nous en reste 13 autant. C'est peu pour une œuvre de cette importance, mais puisque le Sacré-Cœur veut manifestement cette église, il donne­ra le nécessaire.

Les épreuves ne manquent pas, à Vienne, à Maastricht, etc. Sei­gneur, ayez pitié de nous. En Espagne, rien n'est encore bien assuré…

Je vais à St-Quentin pour les fêtes du S.-Cœur.

Ière communion et confirmation à St Jean. Réception de Mon­seigneur au S.-Cœur.

Je prêche la fête à la Basilique. Je rappelle aux St-Quentinois qu'il y a 50 ans que j'ai commencé à leur dire qu'il faut aimer Dieu et le S.­Cœur. C'était en 1871. Bien peu de mes auditeurs se rappellent ces temps lointains. 14

Mgr Binet est très bienveillant, il nous aidera pour St Jean. Quelques pensées de mon discours à la basilique:

«Dieu nous a aimés de toute éternité. La Trinité tient conseil pour nous créer à son image: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram (Gen. 1,26). Dieu voulait des amis et des enfants. Il converse avec Adam au paradis. Deliciae meae esse cum filiis hominum (Prov. 8,31).

Nouveau conseil divin pour la rédemption. Le Fils de Dieu s'offre pour nous racheter: Oblationem noluisti, tunc dixi: ecce venio (cf. Ps. 39,7.8). Tout l'Ancien Testament est une préparation de la rédemp­tion. Dieu nous en donne les prophéties et les figures: Isaac, Joseph, Moïse, Josué, Isaïe, etc.

La Trinité manifeste son amour au baptême du Sauveur et à la 15 Transfiguration. Puis viennent tous les mystères de la rédemption, l'Eglise, l'Eucharistie.

Dieu a des prédilections: à Rome il envoie Pierre et Paul; à la France, ses amis de Béthanie en Provence et les disciples de St Jean à Lyon. Il choisit la France pour sa fille aînée, comme il avait fait pour Juda: Primogenitum posait illum (cf. Ps. 88,28).

Il intronise Clovis, il nous donne Jeanne d'Arc, Marguerite Marie, Bernadette, Foch…

St-Quentin eut aussi ses prédilections: son grand martyre et le culte du S.-Cœur. Son splendide vitrail de Claudius Lavergne la faisait appe­ler une ville du S.-Cœur.

Aimons Dieu parce qu'il nous a aimés le premier: Diligamus Deum quoniam ipse prior dilexit nos (cf. 1 Jo. 4,10) ». 16

Le 14, première messe solennelle de trois jeunes Pères à Tervueren. Je leur parle de la grandeur de la vocation et du sacerdoce.

Le beau texte de la vocation est au chapitre 49,1-6 d'Isaïe: Audite insulae et attendite populi de longe: Dominus ab utero vocavit me… in umbra manus suae protexit me et posuit me sicut sagittam electam: in pharetra sua abscondit me (Is. 49,1.2). Dieu choisit un enfant, il le tient sous sa main; il le met en garde dans son carquois (famille chrétienne, école clérica­le). Il en fera son apôtre: Servus meus es tu, quia in te gloriabor (Is. 49,3)… Ecce dedi te in lucem gentium ut sis salus mea usque ad extremum terrae (Is. 49,6).

Chacun de nous peut reconnaître la conduite de Dieu dans sa voca­tion et il doit en être reconnaissant… 17

Le 24, belle réunion des anciens élèves. Je leur rappelle qu'ils sont les disciples de Jeanne d'Arc et du S.-Cœur. St Jean a été fondé en 1877 au moment où les libres-penseurs célébraient le centenaire de Voltaire.

Les catholiques ont réveillé le souvenir de Jeanne d'Arc et sa gloire a grandi jusqu'à sa canonisation.

Jeanne d'Arc a eu comme N.-S. sa vie cachée, sa vie militante et son calvaire. Nos jeunes gens ont eu la vie cachée au collège, la vie militan­te à la grande guerre. C'est maintenant la vie de labeur, de relèvement social et d'accomplissement du devoir civique…

Jeanne d'Arc inspirait nos héros à la grande guerre, comme autre­fois elle avait mené à combat d'Alençon, Dunois et Lahire. 18 Elle nous aidera dans la paix si nous sommes fidèles à son culte.

Les croix ne manquent pas, il y a des difficultés dans nos œuvres en Italie, en Allemagne, au Canada12).

La guerre nous laisse dans la peine pour dix ans. Nos missions pren­draient un beau développement si nous avions des prêtres à leur don­ner. Nous souffrons aussi d'aridité spirituelle, j'espère que les retraites nous relèveront un peu.

L'œuvre de Rome est difficile, je voudrais cependant réaliser cette manifestation de la royauté du S.-Cœur. Une église se fera là-bas, mais aurons-nous la force et la grâce d'aller jusqu'au bout?

Je travaille sans répit à la quête et je suis peu béni parce que je ne le mérite pas. 19

On prépare des fondations à Dijon13) et à Lanaeken14).

Dans ce mois, les retraites se font dans toutes nos maisons. Puissent-­elles nous transformer et nous mettre dans le véritable esprit de notre vocation.

A Bruxelles la retraite nous est prêchée par le P. Langondries, jésui­te de la maison de Gand. Le matin, nous lisons une méditation.

1ère méditation: de l'importance de la retraite. - Ce sont des jours de réflexion, de rénovation; c'est une audience de N.-S. qui veut encore nous pardonner notre tiédeur et refaire de nous de vrais religieux.

Instruction: Gratia votis et pax (Rom. 1,7). - C'est le souhait souvent répété par St Paul. C'est le trésor à chercher: la grâce et la paix dans l'union avec N.-S. Ce but mérite notre générosité, notre attention et une ferme volonté… 20

Instruction: Le fondement: la fin de l'homme. - Dieu m'a créé. L'artiste vend son tableau, sa statue; Dieu ne m'a pas cédé à un autre, il m'a créé pour le louer, l'honorer, le servir… Comment l'ai-je servi jusqu'à présent? Où en suis-je actuellement pour son service quotidien?…

Instruction: Importance du salut. - Il s'agit de l'éternité: joie éternelle ou souffrance éternelle. Quelle folie de risquer son salut! Nous n'a­vons qu'une âme, il faut la sauver à tout prix.

Méditation: Sur ma fin. - On pèche: 1) par insouciance en ne s'in­quiétant pas de sa fin, en suivant les attraits de la nature; 2) par erreur, en prenant pour fin l'ambition, la sensualité ou la richesse; 3) par apathie en ne travaillant pas avec énergie à sa fin. La sainteté exige une 21 action énergique et même héroïque pour atteindre notre fin surnaturelle.

Instruction: Le péché! - Offense à Dieu, folie, suicide… Péché du prê­tre: sépulcres blanchis… avec le masque de la vertu… en pleine lumière et après tant de promesses… Ne pas désespérer; s'humilier comme le bon larron.

Instruction: L'attachement au péché. -Judas: l'avarice; St Pierre: la pré­somption. Judas s'est repenti imparfaitement, il a restitué, il fallait au moins un commencement d'amour… Veillez et priez, nous dit St Pierre, la chair est faible. Toute attache qui n'est pas brisée énergique­ment reste un péril toujours menaçant.

Instruction: L'enfer. - Le feu, le remords, la privation de Dieu. Dix-huit fois dans l'Evangile N.-S. nous avertit. 22 Le démon est habile pour nous tromper et nous illusionner. Il est avide de conduire les prê­tres à la damnation…

Méditation: La mort. - Sa pensée est salutaire, je dois m'y préparer toujours. La crainte de la mort est d'un grand secours pour le salut. Pour moi, elle est prochaine, il est plus que temps de me corriger de mes défauts. Cette retraite est peut-être la dernière. Seigneur, ayez pitié de moi. Eclairez-moi, fortifiez-moi.

Instruction: La mort. - Elle a cent manières de nous surprendre. Il faut être toujours prêts. Exemple de morts calmes et édifiantes. La mort est douce à qui a la conscience pure.

Instruction: Le jugement. - Ce sera le jour de la justice stricte et sévère. Maintenant c'est le temps de la miséricorde, 23 profitons-en pour nous humilier et demander pardon comme a fait le bon larron.

Instruction: La vocation des apôtres. - Le règne de N.-S.: c'est un grand honneur d'être appelé, mais il faut de la générosité, du courage, de la persévérance… Il faut imiter notre roi et avec lui gagner les âmes par la douceur, l'humilité, la pureté… Pardonnez-moi, Seigneur, tous mes manquements à mes grands devoirs. Vivez en mon Cœur et dans les âmes et les sociétés. Vivat rex noster.

Méditation: La foi, la vie de foi. - Ma vie de foi baisse si je me laisse absorber par les occupations, si je ne veille pas sur mes regards et mes pensées. Elle s'entretient par la lecture spirituelle, la prière fervente et la correspondance aux impressions de grâce que 24 je reçois fréquem­ment.

Instruction: La rédemption. - Quelle infinie bonté! Ne devons-nous pas vivre dans la reconnaissance, dans l'amour de N.-S., dans la fidélité à suivre ses préceptes et ses conseils?

Instruction: La vie cachée, l'obéissance. - N.-S. a vécu 30 ans dans la vie cachée et 3 ans seulement dans l'action. Réservons bien chaque jour le temps du recueillement, de la vie intérieure et des exercices spirituel­les…

Instruction: La tentation de N.-S. - La mortification est le salut. On tombe peu à peu. Pas de demi concessions à la sensualité. Qui spernit modica paulatim decidet (Eccli. 19,1) .

Méditation: L'amour de Dieu. - C'est l'amour qui pousse à l'action. Si j'aime Jésus, je ferai tout pour lui. Je contemplerai sans cesse ses ama­bilités. Il est grand et noble, il est beau, il est bon dans toutes les cir­constances 25 de sa vie…

Instruction: L'amour de N.-S. - Ses bontés: l'Incarnation, la Rédemp­tion, l'Eucharistie. Sic nos amantem, quis non redamaret. Je ne suis pas assez reconnaissant pour la présence eucharistique de N.-S.; je ne la visite pas assez; je ne lui tiens pas assez compagnie…

Instruction: L'agonie. - Il y a des jours d'épreuves, de tentations, rap­pelons-nous Gethsémani. Prions, patientons. Ayons toujours confian­ce. Abandonnons-nous à la conduite paternelle de Dieu.

Instruction: La passion. - N.-S. a sacrifié jusqu'à son honneur pour nous. Il se laisse arrêter et condamner. Hérode le prend pour un insensé et le peuple le regarde comme un imposteur et un ambitieux compromettant. Il accepte tout… Il confond notre orgueil. 26

Méditation: Les pratiques religieuses à faire et à conseiller. - C'est l'aliment de la vie surnaturelle. Résolutions: bien offrir chaque action; prier avec soin; grande modestie au dehors; visiter davantage la chapelle…

Instruction: La résurrection. - C'est le fondement de notre foi, c'est le gage de notre espérance, il faut que ce soit aussi l'aliment de notre charité. Aimons le Sauveur ressuscité qui a tant souffert pour nous.

Instruction: Le testament de N.-S.: Eritis mihi testes (Act. 1,8). Nous devons être ses témoins: pour cela il faut le bien connaître par l'étude et par l'oraison, et le faire connaître par l'enseignement. Il faut aussi lui rendre témoignage par l'imitation de ses vertus, il faut le prêcher par nos exemples… 27

Le 24, mort de M. Arrachart, un bienfaiteur et un ami. C'était un vrai chrétien et un disciple du S.-Cœur.

C'était le dernier d'une pléiade de chrétiens agissants et d'hommes d'œuvres que j'avais groupés à St-Quentin pendant mon vicariat: M. Guillaume, M. Julien, M. Santerre, M. Filachet, M. André, M. Basquin.

Le Patronage était le centre de cet apostolat où on s'occupait des œuvres ouvrières, de la presse, des œuvres de charité, de l'enseigne­ment. C'était un beau champ d'action, mais nous aurions dû faire mieux encore. La flamme n'est pas éteinte, les œuvres se survivent ou se transforment…

Le Patronage a essaimé, il y en a quatre. L'église St Martin a été aus­si une de nos œuvres. Nous travaillerons encore, à St-Quentin. 28

Putasne vivent ossa ista? (Ez. 37,3). - Nous essayons de faire revivre St­Jean15). Avec beaucoup d'efforts nous parvenons à recevoir quelques internes: une quinzaine.

Cette maison a fait beaucoup de bien, elle a eu de belles années. Elle a expié ses défaillances et imperfections par de dures épreuves. J'espère qu'elle va reprendre vie et former des chrétiens solides dans les classes moyennes à St-Quentin et dans la région.

La rentrée est bonne16) dans nos maisons. L'œuvre du S.-Cœur est vivante. Nous reprenons de petits postes en France. Il faut du zèle pour le recrutement, nous n'avons pas assez de prêtres.

Je lis dans «La vie spirituelle» un article du P. Garrigou17) sur l'appel à la vie mystique. Il y a, dit-il, 29 un appel très spécial pour les fonda­teurs d'ordre. Je l'ai eu cet appel, je l'ai un peu décrit dans mes Souvenirs, mais combien j'y ai mal répondu! J'ai tout gâté et tout com­promis par mes innombrables fautes, et c'est par une infinie miséricor­de du S.-Cœur que nous ne sommes pas détruits.

Il y a aussi un appel spécial à la sainteté. Celui-là aussi je l'ai eu, comme les autres fondateurs d'Instituts religieux, et j'y ai très mal répondu. Comment réparer? Il me reste si peu de temps à vivre! J'offre les mérites infinis du S.-Cœur pour suppléer à ma honteuse indigen­ce. Je veux recourir à toutes les industries gertrudiennes pour partici­per aux réparations et aux mérites du S.-Cœur. 30

Tout ce mois nous parle de la mort; pour moi, elle vient à grands pas. Dans nos crèches de Noël on voit à distance les Mages s'achemi­ner vers Bethléem, ainsi la mort s'approche de moi. Je la redoute, j'ai tant offensé mon Dieu et cependant je ne sais pas désespérer, j'ai con­fiance quand même dans la miséricorde du S.-Cœur et de la Ste Vierge.

La Congrégation grandit, mais elle n'est pas assez fervente.

La Propagande nous offre maintenant une mission à Java18), c'est bien pour nos Hollandais. La Province française est bien faible…

A Rome, pourrons-nous aller jusqu'au bout? Nous sommes dans un temps de crise économique qui rend les quêtes bien difficiles. 31

Le St-Siège ajoute au bréviaire de nouveaux offices: la Ste Famille, St Gabriel, St Raphaël, St Irénée. J'ai beaucoup travaillé pour ce culte dû à St Irénée19) qui nous apporta de Smyrne et d'Ephèse l'esprit de St Jean. J'ai remis pour cela au St-Siège, depuis 25 ans, plus de 500 suppli­ques d'évêques. St Irénée m'en saura gré et m'aidera au jugement.

C'est le mois de mes ordinations. Chaque année ces anniversaires m'impressionnent et me remontent dans la vie intérieure, comme fe­rait une retraite:

tonsure, 22 déc. 1866

ordres mineurs, 23 et 26 déc.

sous-diaconat, 21 déc. 1867

prêtrise, 19 déc. 1868.

Et puis mes premières messes, dont le souvenir m'est toujours très présent. 32

La quête m'occupe beaucoup. Comme mon patron St Jean, je vois venir l'église désirée: Ecce tabernaculum Dei cum hominibus… (Apoc. 21,3).33

Mon neveu Jean a été en audience chez le Pape, qui lui a dit: «Dites à votre oncle que je lui souhaite une bonne année et que ce sera une bonne année pour moi s'il vient me voir à Rome».

Le Pape est bien fidèle à ses vieilles amitiés. Il est toujours très bien­veillant pour moi, comme il l'est pour mon ami, Mgr Tiberghien.

Fête de St Jean et Bonne année! Je reçois des souhaits. Je réponds aux nôtres en les exhortant à la foi dans leur œuvre.

C'est l'œuvre de Dieu, nous n'y pensons pas assez. L'œuvre est divi­ne dans son origine. J'en ai toutes les garanties. J'ai pris l'avis de mes directeurs, le P. Modeste, le P. Dor. J'ai demandé l'approbation 34 de mes supérieurs hiérarchiques, mon évêque et le St-Siège. J'ai consulté les théologiens, M. Didiot, Mgr Gay, le P. Daum. J'ai recouru aussi aux lumières des âmes mystiques: don Bosco20), Mère Véronique, Louise Lateau, Mère Marie du S.-Cœur de Bourg et d'autres. Et chez nous, j'ai eu les lumières d'oraison et quelques locutions divines à la Soeur Marie-Ignace. Les épreuves ont été aussi un signe divin: l'incendie, la maladie, les calomnies, l'agitation du démon.

N.-S. peut nous dire comme il disait à ses apôtres: Sicut misit me Pater et ego mitto vos (Jo. 20,21).

Nous manquons de foi, Jésus veut cette œuvre. Jésus a dit: «Je veux des prêtres-victimes, je ferai tout, 35 il n'a qu'à me laisser faire et à se montrer docile à ma voie et à ma grâce». Il a prédit les épreuves et le Consummatum est.

Il m'a guéri miraculeusement par le sacrifice de la Soeur Marie de Jésus.

Mille fois N.-S. m'a fait sentir son action. Il m'a sauvé de mille périls.

Les approbations de l'Eglise, 1888 et 1906, sont les témoignages authentiques de la volonté divine.

J'ai manqué de foi. Seigneur, pardonnez-moi et à tous les miens.

Le démon, lui, ne doutait pas, il le montrait par sa lutte incessante contre l'œuvre, ses manifestations bruyantes au couvent, ses attaques à la Sr Marie de Jésus, par les trahisons qu'il suscitait 36 et inspirait, par les tentations qu'il nous apportait…

Je répare autant que je peux par un acte de foi et je tâcherai d'y être fidèle. 37

1922

C'est une de mes dernières années, peut-être la dernière. Je vais entrer dans ma 80e année.

J'envoie à tout mon monde une lettre circulaire21) avec des conseils qui sont comme un testament spirituel.

Le 2 j'étais à Louvain, nous avions les premières messes de trois jeu­nes prêtres. Je leur ai rappelé la grandeur de la vocation et du sacerdo­ce.

N.-S. est l'appelé de son Père; les apôtres et les disciples sont les ap­pelés de Jésus; les prêtres de l'Eglise sont les appelés de la Providence et du Saint-Esprit.

Jésus est le grand appelé. Il a été appelé dès le 38 commencement: in capite libri (Ps. 39,8). Dieu le Père a toujours présent cet appel, il le prépare et le redit souvent par ses promesses aux patriarches, par les figures et les prophéties.

Les Anges viennent manifester cet appel dans les mystères de l'an­nonciation et de la nativité. Dieu le renouvelle au baptême du Sauveur avant sa vie publique et au Mont Thabor avant les sacrifices de la pas­sion et du cénacle: Hic est Filius meus dilectus… ipsum audite (Mt. 17,5).

Le Christ appelle ses apôtres: Vocavit ad se quos ipse voluit, dit St Marc, et fecit ut essent duodecim… (Mc. 3,13s.).

Il dit à St Pierre et St André: Venite post me (Mc. 1,17); il le répète à St Jacques et St Jean. Il appelle St Matthieu à son comptoir. Il dit à Nathanaël: 39 «Je te voyais sous ton figuier, je me préparais à t'appe­ler» (cf. Jo. 1,48). Il appelle même judas qui le trahit et un bon jeune homme qui refuse la vocation (cf. Mc. 10,17-22).

Pour nous, c'est l'Esprit Saint qui nous appelle par sa grâce et la Providence qui conduit les événements pour nous amener au sacerdo­ce. St Paul rappelle à Timothée comment sa vocation a été préparée par la pieuse influence de son aïeule et de sa mère (cf. 2 Tm. 1,5). Nous pouvons tous nous rappeler l'admirable conduite de Dieu sur nous.

Notre œuvre a sa vocation spéciale: la vie d'amour et de réparation au S.-Cœur. Dieu nous l'a fait connaître et nous y a affermi par des grâces mystiques et par l'approbation de l'Église. 40

Répondons à tant de grâces. N.-S. appelle les apôtres ses amis «ami­cos» (Jo. 15,15). Les prêtres du S.-Cœur, comme St Jean, sont ses inti­mes, «amicissimi».

22 janvier, jour de grand deuil. Le Pape est mort! Notre Pape du S.­Cœur, notre Pape très bienveillant et très aimé. Il a toujours été très bon pour nous et spécialement pour moi. Il est resté fidèle à nos rela­tions d'amitié d'il y a vingt-cinq ans.

Il fut le Pape du S.-Cœur, le Pape de la paix, le Pape des missions… Il a fait aimer l'Église, il était entouré d'un sénat de diplomates de tou­tes les nations et il voyait mûrir l'union de toutes les Eglises chrétien­nes. Puisse son successeur continuer son œuvre et faire avancer le règne du S.-Cœur. 41

Une des dernières lettres qu'il ait dictées à son secrétaire d'État est la réponse aux bons souhaits du P. Gasparri et c'est une lettre pleine d'affabilité et de bienveillance.

La grippe sévit chez nous, c'est une petite épreuve à offrir au S.­Cœur.

Le 6 février un Pape nous est donnée22), c'est le card. Ratti, archevê­que de Milan, il s'appellera Pie XI. La prophétie des Papes le caractéri­se par les mots «Fides intrepida». C'est un savant et un saint, il est gra­ve et pieux. Il sera bienveillant pour nous. Il est depuis longtemps un bienfaiteur de l'école d'Albino. Il lui envoie une de ses premières bé­nédictions. 42

Le dimanche 19, mon frère était bien malade à Paris chez ses enfants. J'y cours et j'assiste à ses dernières heures. Il fait une belle mort, bien chrétienne, entouré de tous les siens. Il y est préparé par le supérieur général des Pères de Sion. C'était un juste. Sa vie a été très digne et très bienfaisante. Nous avons toujours été bien unis.

Funérailles imposantes à La Capelle le 25. Tout le pays y prend part et on se tient bien. Il y a un petit discours de M. le Doyen. Mon frère a été apôtre par l'exemple d'une vie sérieuse et chrétienne.

Mes parents et amis s'en vont, ce sont de grandes leçons dont je ne profite pas assez. Mon tour approche, j'ai gaspillé beaucoup de grâces, je m'humilie et j'invoque la miséricorde du bon Maître. 43

Ce mois me rappelle bien des souvenirs. C'est au 1er mars 78 que la Soeur Marie de Jésus offrit sa vie pour sauver la mienne. Je vis à sa pla­ce depuis 44 ans.

Le 14 mars est mon anniversaire de naissance. Ma mère est morte le 19 mars 1883. St Joseph est venu la prendre. Elle l'avait beaucoup aimé et servi. Elle avait fondé à La Capelle l'œuvre de St Joseph.

Le 24 mars est mon anniversaire de baptême aux premières vêpres de l'Ecce venio (Heb. 10,7). Le 25 est le jour de naissance et de baptê­me de la Chère Mère.

C'est au 19 mars 73 que j'ai inauguré mon premier autel au Patronage St Joseph, je devais en fonder bien d'autres.

St Joseph nous a souvent envoyé des épreuves, c'était pour nous préparer des grâces de choix. 44

Mois de St Jean et des solennités pascales. Je m'unis tous les jours à St Jean en m'aidant de la belle prière de St Edmond.

Pendant la première quinzaine je considère plutôt St Jean pendant la vie publique du Sauveur. St Jean est partout auprès de Jésus, il est l'ami et le confident, et sûrement il était souvent aussi auprès de Ma­rie.

Pendant la seconde quinzaine je m'arrête aux mystères de la pas­sion, au cénacle, au Calvaire.

St Jean est auprès de Marie quand Jésus lui apparaît. St Jean vit auprès de Marie à Ephèse en union avec l'Eucharistie.

St Jean et Marie, vous êtes tout-puissants sur le Cœur de Jésus, demandez pardon pour les fautes de toute ma vie. 45

Notre bonne Soeur I. [Marie-Ignace] a toujours des grâces particu­lières. Comme elle suppliait N.-S. de lui dire si la Chère Mère n'avait plus à souffrir en purgatoire, elle crut entendre cette réponse: «Elle continue au ciel ses prières, son intercession pour la Ste Eglise, pour les Prêtres du Cœur de Jésus, les servantes ses enfants, comme elle fai­sait sur la terre, mais avec une ardeur, un amour plus grands encore. Elle fait des prodiges de protection, d'intercession continuelles, mais pas éclatantes, comme elle ne l'a jamais aimé.

La vie de Nazareth, pauvre, inconnue, cachée et puis la vie d'immo­lation, de sacrifice du Calvaire, voilà ce que je désire. Souffrez, luttez, priez; elle est avec vous, et moi et ma Mère et St Joseph également. Confiance, abandon, amour, fidélité. In silentio et spe».

La bonne Soeur ajoute: «La 46 miséricorde et l'amour du Cœur de Jésus pour nous sont grands. Il régnera malgré tous les obstacles…».

Labeur incessant de quête. Les infirmités de l'âge s'accentuent. Reprise de vie intérieure. Il y a une grande effusion de vie intérieure dans le monde chrétien, toute une littérature spéciale en témoigne, c'est le règne intime du S.-Cœur. Ces grâces ne m'échappent pas, mais comme je sais mal me les approprier et m'y fixer. J'ai tant perdu de grâces dans ces dernières années! J'ai cependant l'impression d'une nouvelle offre de miséricorde du Cœur de Jésus. Il veut encore me pardonner. Ma vie sera un prodige de miséricorde divine et d'infidé­lités de ma part. C'est Marie qui me sauvera. Et puis j'ai de si bons amis au ciel: 47 l'élite de mes Pères, nos Soeurs, mes anciens direc­teurs et amis, et ma famille!

Ce mois a pour moi des anniversaires précieux:

1 juin, confirmation;

4 „ , première communion;

6 ” , diaconat;

28„, voeux religieux.

J'ai peu profité de tant de grâces, j'espère que la miséricorde infinie du S.-Cœur me pardonnera.

Le 15 de ce mois est une date dont nous garderons le souvenir, notre église provisoire de Rome23) a été bénite et inaugurée par le Cardinal Pompili. Cette œuvre est donc en bonne voie, mais combien il y a encore à faire! Nous y avons dépensé déjà un million de lires.

Le 24, bonne audience du P. Gasparri chez le St-Père. Pie XI est très encourageant. 48 Il a donné une première offrande de 10.000 lires pour l'église, ému jusqu'aux larmes de ne pouvoir faire plus. Ayez con­fiance, nous dit-il, l'œuvre se fera.

Les Congrégations ont généralement une église à Rome, il fallait que la nôtre eût aussi cette faveur. J'ai la consolation de voir l'œuvre en bonne voie avant de mourir.

Le 18 un indult du St-Père me conserve le généralat24) à vie, je ne l'ai ni désiré, ni demandé, j'aurais préféré finir ma vie dans la retraite, la prière et la pénitence. Je veux dire comme St Martin: Non recuso labo­rem.

Nos maisons aiment encore à voir leur vieux supérieur: le 20 je vais à Brugelette présider une profession.

Le 24, je suis à Louvain pour les premières messes.

Le 29, je vais à St-Quentin pour 49 la réunion des anciens élèves. Il faut encore prendre la parole partout.

A St-Quentin je trouve les travaux de restauration en bonne voie. La ville est un immense chantier avec 70 architectes qui se démènent pour rendre la ville présentable et habitable. Dans deux ou trois ans le plus gros sera refait.

Le 31 pour la St Ignace je dis la messe au couvent. Que de souve­nirs! Il y a 45 ans que j'étais là à écrire nos Constitutions!

Dans cette maison, nous avons eu de grandes grâces, des directions divines, des assauts diaboliques, des vertus héroïques chez nos Soeurs. Je demande encore pardon à Dieu de tous mes abus de grâces.

De St-Quentin je vais à La Capelle pour une petite visite à ma famil­le. 50

Mon parent Ernest Lavisse25) est mort, il a vu M. le Curé de St Sulpi­ce, j'espère qu'il s'est mis en règle avec le Bon Dieu. Tous ceux de ma génération s'en vont; N.-S. me laisse le temps de la pénitence et je n'en profite pas assez.

A Rome, nos travaux marchent, mais nous empruntons à la banque. Nous sommes dans un temps peu favorable à la quête, toute l'Europe souffre de la crise économique.

A St-Quentin, on veut nous prendre définitivement la maison du S.­Cœur. Quel dommage! C'est le berceau de l'œuvre et la Providence était intervenue d'une manière extraordinaire pour nous faire acheter cette maison le vendredi saint. Un de nos agrégés, M. Lecot, Frère Joseph d'Arimathie, nous 51 donnait cette maison le vendredi saint à trois heures. Comment ne pas voir dans ce fait une grâce mystique?

C'est le mois des retraites. Ce mois a pour nous quelques anniversai­res.

Le 14 c'était la 1ère messe au S.-Cœur en 1878. N.-S. nous dit ce jour­-là que cette maison était fondée sur la croix, nous y avons eu bien des épreuves.

Plusieurs de nos agrégés et bienfaiteurs sont morts dans ce mois:

Mme Malézieux le 14,

M. l'abbé Genty26) le 16,

M. Arrachart le 24.

Tous trois ont été des amis dévoués et fidèles. Ils nous ont beaucoup aidé, ils sont de la famille, le Sacré-Cœur les récompensera là-haut. Le 14 j'allai à Thieu pour voir le bon Père Mathias27) dont la piété nous édifie. 52

C'est le P. Müller sj qui nous prêche.

C'est peut-être la dernière retraite de ma vie, puissé-je la bien faire!

I. La fin de l'homme. - Dieu m'a créé, il m'a donné une mission: le connaître, l'aimer, le servir. Il me prépare un salaire infini, il se donne­ra à moi.

C'est le principe de toute ma retraite et de toute ma vie.

Tout est là: vivre sous le regard de Dieu, sous sa main, comme son enfant. J'ai trop de fois dévié de cette fin et de ce devoir. - Seigneur, prenez-moi et remettez-moi pleinement dans la vraie voie.

II. La retraite. - Se relever, se renouveler. Le démon, la nature et le monde ont travaillé toute l'année à nous affaiblir, à nous éloigner de la perfection. La perfection! Un gros travail, difficile et long. 53 Il faut toujours recommencer. La crainte de Dieu, l'espoir du salut, l'amour de N.-S. nous presse. Remettons-nous dans les dispositions des meil­leurs jours de notre passé. Les années de séminaire, les premières années du sacerdoce, années de ferveur, de générosité, d'union avec N.-S … Je veux prendre les moyens pour tout renouveler…

III. Le fondement. - Il faut à notre vie spirituelle un fondement solide, nous le trouvons dans la raison et dans la foi. Dieu nous a créés, il nous conserve, nous dépendons de sa volonté. Résister à cette volonté, c'est folie et c'est ingratitude. Ne nous dirigeons pas par l'imagination qui est variable et capricieuse. Faisons la volonté de Dieu, faisons-la avec amour. Rien n'est plus juste, plus digne et plus aimable. 54

IV. Obéissance à Dieu. Indifférence dans l'usage des créatures. - L'obéis­sance parfaite à Dieu est la conséquence de la méditation précédente. Créatures de Dieu, enfants de Dieu, nous devons lui obéir en tout. Les religieux connaissent facilement la volonté divine par leurs règles et par la direction des supérieurs.

Dieu nous a donné les créatures pour qu'elles nous servent à aller à lui. N'en usons que pour sa gloire et son service. Toutes peuvent nous aider. Les épreuves mêmes peuvent être acceptées joyeusement pour la gloire de Dieu.

V. La fin du prêtre comparée à la fin du chrétien. - Chaque homme est créé par la libre volonté de Dieu, mais le prêtre est l'objet d'un choix spécial: Non vos me elegistis, sed ego elegi vos ut eatis et fructum afferatis (Jo. 15,16). 55 Je me rappelle tout ce que Dieu a fait pour préparer ma vocation de prêtre du Sacré-Cœur: une sainte mère, un collège catho­lique et pieux, une bonne direction à Paris (M. Prével), un séminaire d'élite à Rome (le P. Freyd), le couvent du S.-Cœur à St-Quentin…

Dieu a mis l'homme au paradis… Le paradis du prêtre, c'est le sanc­tuaire avec la messe, l'office, les saintes lectures… J'avais le paradis à Rome, à St-Quentin, à St Jean, au S.-Cœur, tant que j'étais fervent; je le perdais quand je cédais à la tiédeur.

Ut fructum afferatis (Jo. 15,16). Le prêtre doit édifier, instruire, prier. Il faut que je ranime ma ferveur à la sainte messe, à l'office, à la lectu­re pieuse. Je dois édifier par la modestie, les conversations…

VI. L'indifférence. - Pratiquement, chaque fois qu'on se sent attiré par quelque créature, se retourner vers Dieu, vers Notre-Seigneur. 56 La paix de l'âme en dépend. Les créatures donnent une satisfaction qui laisse après elle le trouble et l'amertume.

VII. Le péché. - Le péché, quelle injustice! quelle ingratitude! quelle folie! … et les suites: Dieu irrité! N.-S. attristé! Notre âme devenue hideuse… et les âmes scandalisées! Miserere mei Deus, secundum magnam misericordiam tuam (Ps. 50,3).

VIII. L'enfer. - Il est doublement utile de méditer sur l'enfer. La crainte nous éloigne du péché, et la pensée de l'enfer nous porte à tra­vailler au salut des âmes.

IX. La tiédeur. - Elle est odieuse à N.-S. Elle est si contraire à la sain­teté de Dieu, à la mission du prêtre. - Elle se témoigne à l'office, à la messe, qui sont sans fruits… 57 Les mêmes moyens que j'avais adoptés au séminaire me relèveront: la paix de l'âme, l'union à N.-S. et à son divin Cœur.

X. Le péché véniel. - Comme il est haïssable, il blesse N.-S., il ruine l'â­me peu à peu. Si je ne le hais pas, je ne ferai rien de bon, je ne sortirai pas de la tiédeur. Courage, ô mon âme, il faut s'y mettre tout de bon.

XI. Le péché et le S.-Cœur. - Sommes-nous assez ingrats! N.-S. nous a poursuivis de ses grâces, de ses dons, de ses amitiés, depuis notre enfance et nous l'oublions trop, nous le servons avec négligence, nous cherchons d'autres amitiés. - Pardon, Seigneur! Mille fois pardon!

XII. La grâce. - C'est le grand don de Dieu. Nous sommes faits parti­cipants de la nature divine. Ai-je bien vécu de la grâce ou ne suis-je 58 pas resté terre à terre dans la vie naturelle?

XIII. L'imitation de N.-S. - Il faut pour cela le bien connaître, le bien aimer, vivre en sa présence. Il faut l'oraison soignée, la vie intérieure, et toujours la paix de l'âme, le désir de la perfection, l'union à N.-S.

XIV et XV. La Sainte Trinité. - Oh la belle et grande dévotion. Ne sommes-nous pas baptisés au nom de la Ste Trinité? Nous sommes les enfants du Père, les frères et amis du Fils, les dirigés du St-Esprit. Nous sommes entrés par le baptême dans la famille divine. Je dois tout à la Providence de mon Père céleste: il m'a conservé, il a toujours veillé sur moi avec tant de bonté. Le Fils m'a racheté, il me nourrit de son sang. Le St-Esprit est mon guide spirituel.

Trinité Sainte, pardonnez-moi 59 mes oublis, ma froideur, mon ingratitude.

XVI. N.-S. Jésus-Christ. - C'est le Verbe Incarné, il s'est donné à nous, il nous a faits ses frères, ses amis, ses petits-enfants. Il habite avec nous, il se donne à nous tous les matins. Il vit en nous par sa grâce. Nous semblons l'ignorer et l'oublier. Quelle ingratitude. Nous devrions être dans une extase continuelle en sa présence!

XVII. Le Saint-Esprit - Dans la Ste Trinité, il est comme la mère, puis­qu'il est l'Esprit d'amour. Il est notre éducateur. Il nous enseigne, il nous console, il nous fortifie. Nous devrions être très intimes avec lui. Nous l'oublions. Il nous parlera si nous sommes recueillis, si nous avons la paix de l'âme et la vie intérieure… 60

XVIII. La perfection sacerdotale. - Puer autem proficiebat aetate et gratia (cf. Lc. 2,52). Le prêtre doit progresser journellement dans la grâce, dans l'union avec Dieu. Il en a les moyens, il a l'oraison, l'office, la messe, la lecture spirituelle, mais il faut que tout cela soit bien fait… Je suis loin d'avoir progressé comme je le devais. Redde mihi, Domine, laeti­tiam salutaris tui et spirite principali confirma me… (Ps. 50,14).

XIX. La présence de Dieu, la prière. - Ce sont là deux moyens de réali­ser l'union avec Dieu. Notre Dieu n'est pas loin, il est en nous, il vit en nous, Père, Fils et Esprit. Pensons-y sans cesse. Ipsius enim et genus sumus (Act. 17,28). C'est un cercle d'amour. C'est notre famille du ciel, Père, Mère et Frère aîné. La prière bien faite est douce, elle est féconde… 61

XX. La vie de foi. - Il faut vivre de la foi. Il faut se nourrir des maxi­mes et des préceptes de l'Evangile. Le juste vit de la foi (cf. Rm. 1,17). Bienheureux ceux qui croient… (cf. Jo. 20,29). Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt. 11,29). Celui qui veut venir après moi, qu'il prenne sa croix et me suive (Mt. 16,24). Aimez-vous les uns les autres (Jo. 15,12)… Malheur aux scandaleux… Que votre modestie soit manifeste (Phil. 4,5). Soyez parfaits comme votre Père céleste (Mt. 5,48). Il faut toujours prier (Lc. 18,1)…

XXI. La passion. - Combien N.-S. a souffert à Gethsémani! Il voyait son œuvre presque manquée, il prévoyait des millions d'hommes ingrats qui courraient à leur damnation. Il semblait vouloir renoncer à son sacrifice, mais son amour l'emporta. Pater, non mea voluntas, sed tua fiat! (Lc. 22,42). 62

XXII. Le Sacré-Cœur. -Je veux finir ma retraite dans l'esprit gertru­dien. Tous les jours je lis une page des prières de Ste Gertrude. J'y ai trouvé bien des grâces. La grande sainte supplée à mon insuffisance…

XXIII. Le sacerdoce. - Nous sommes les continuateurs du sacerdoce du Christ, ses collaborateurs. Il nous a dit: «Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie… Faites comme j'ai fait…» (cf. Jo. 20,21). Quelle vie pure et sainte nous devrions avoir! Nourrissons-nous de l'esprit de Jésus, par l'oraison, par la lecture de l'Ecriture Sainte…

XXIV. Remercions Dieu de tous ses bienfaits dans l'ordre naturel et sur­naturel: la vie, une famille chrétienne, la vocation, les sacrements, le sacerdoce. Pour moi, il y a encore la vie religieuse, une grande mission marquée par des interventions divines… 63

Je fais imprimer mes Etudes sur le S.-Cœur28). Le bon chanoine cen­seur de Bruges y met du scrupule, il arrête l'impression. La vieille théologie disait si peu de chose du S.-Cœur! Maintenant il domine et il éclaire toute la révélation, mais cela n'est pas encore bien compris…

Quelques épreuves d'argent assez lourdes, et les ressources pour l'œuvre de Rome viennent difficilement. Nous sommes dans un temps de crise économique. Toutes les nations catholiques ont leur argent déprécié; comment nous aideraient-elles?

La Providence punit les peuples qui étaient trop livrés au culte de la richesse.

Nos écoles ont une bonne rentrée, il nous faudrait tant de monde pour toutes nos œuvres! 64

Ce mois a quelques anniversaires:

4 nov. 1905 - P. Rasset.

26 nov. 1913 - P. André.

Il apporte aussi ses angoisses. L'entreprise de Rome est très lourde. Plusieurs maisons sont dans la gêne. Quelques sujets laissent bien à désirer.

Mes années s'accumulent, j'ai gaspillé infiniment de grâces, j'ai des heures pénibles de tristesse, de repentir, de regret. Il faut que je m'a­bandonne à la miséricorde du S.-Cœur.

N.-S. a voulu cette œuvre que j'ai faite si mal. Les grands signes de sa volonté n'ont pas manqué: ni les miracles (comme ma guérison), ni les prophéties (comme l'annonce du Consummatum est), ni les secours providentiels, ni les épreuves n'ont pas manqué. Je ne crois pas que N.-S. 65 ait manifesté davantage sa volonté pour quelque autre œuvre contemporaine. Il nous a donné deux sources de grâces, chez les Soeurs de St-Quentin et chez celles de Villeneuve. Le P. André s'est fait saint et moi je suis resté dans l'ornière. Que le S.-Cœur me pardonne!

C'est le mois de toutes mes ordinations, sauf le diaconat. Chaque année j'éprouve un renouvellement des grâces de ces grands jours. Je revis mes premières messes et je suis tout pénétré d'humilité, de repen­tir, d'amour ardent de N.-S.

A la fin du mois, on me souhaite ma fête à la St Jean. Je voudrais renouveler et augmenter la foi de tous mes religieux dans le caractère divin de notre œuvre.

C'est la Providence qui suscite 66 tous les ordres religieux.

Au 6e siècle, elle nous a donné les bénédictins pour opposer la civili­sation chrétienne à la barbarie des peuples nouveaux.

Au 12e siècle, le péril musulman est combattu par les ordres militai­res et par les instituts voués à la rédemption des captifs.

Au 13e siècle, l'ordre franciscain combat et répare le sensualisme contemporain. L'ordre dominicain oppose la doctrine de l'Eglise aux erreurs des Albigeois et des Manichéens.

Au 16e siècle, les jésuites sont une barrière contre le protestantisme. Au 18e siècle, Jean-Baptiste de la Salle se fait l'instituteur des pau­vres.

Le 19e siècle est le siècle des missionnaires, le siècle de la société des Missions Etrangères, des Pères du St-Esprit, des Pères Blancs.

Notre temps est celui des instituts voués à l'adoration et à la répara­tion: 67 les Pères du St-Sacrement, les Pères de Picpus, les Prêtres du S.-Cœur.

Deux communautés de Soeurs nous ont préparé les voies: les Soeurs Victimes du S.-Cœur, de Villeneuve; les Servantes du Cœur de Jésus de St-Quentin.

Par leurs prières, leurs sacrifices et l'esprit de leur institut, elles appelaient la fondation des Prêtres du S.-Cœur. Elles préparaient dans le nord et dans le midi quelques vocations qui se sont réunies à St­-Quentin.

Notre œuvre a commencé modestement selon toutes les règles hié­rarchiques. Mgr Thibaudier m'autorisait; les Pères jésuites qui me diri­geaient m'encourageaient. Je raconte dans mes Souvenirs comment j'ai consulté les saintes âmes de ce temps-là: la Mère Marie Véronique de Villeneuve; la Mère Marie du S.-Cœur, de Bourg; 68 don Bosco, etc. etc.

Le S.-Cœur manifesta sa volonté, il me fit dire par une sainte âme: «Oui, je veux des prêtres-victimes, je ferai tout, il n'a qu'à se montrer docile à ma voix et à ma grâce». N.-S. annonçait les épreuves et le Consummatum est. Il dictait par des vues d'oraison l'esprit qui devait nous animer et qui est formulé dans notre Directoire. Il fallait des épreuves comme pour la Rédemption, elles vinrent surabondantes: ma santé perdue et refaite par miracle, l'incendie, la ruine qui nous fit perdre la fortune de Sr Marie des Cinq Plaies, les assauts du démon.

Le Consummatum est devait venir du côté où on l'attendait le moins, il vint de Rome: suppression de l'Institut, puis son rétablissement après 4 mois. Puis vinrent les belles approbations 69 de 1888 et de 1906.

Je rappelais cela à mes Pères le 27 décembre.

Depuis 1888, c'est la période apostolique29), qui a commencé par la mission de l'Equateur et qui a eu ses grandes épreuves, comme l'ex­pulsion de l'Equateur par la révolution et les morts nombreuses au Brésil et au Congo.

Autres signes de l'action divine, les saintes morts de plusieurs jeu­nes novices dans les premières années et la vie sainte de plusieurs Pères qui sont morts, le P. Modeste, le P. Rasset, le P. Charcosset, le P. Guillaume, le P. André.

L'année s'achève et me laisse assez triste: j'ai perdu beaucoup de grâces dans ma vie et je ne sais pas ce qui est réparable. Je fais appel à la miséricorde du S.-Cœur 70 et à la bonté de notre Mère du ciel.

Notre nombre s'est accru de trente cette année, mais la ferveur lais­se bien à désirer. Il y a bien des défaillances.

Nous ne parvenons pas à faire rentrer notre école apostolique en France. Fiat!

Nos écoles apostoliques se développent, c'est un motif d'espéran­ce… 71

1923

Voici une année nouvelle et peut-être la dernière pour moi. Je suis écrasé par la pensée des fautes innombrables que j'ai commises et des grâces de choix que j'ai perdues. Les prières qui me touchent sont cel­les de Ste Gertrude «pour les péchés».

«Seigneur mon Dieu, n'êtes-vous pas mon Père, vous dont la ten­dresse ne connaît pas de bornes et dont la miséricorde est infinie? Et moi, bien que je me sois rendu indigne du nom de fils, cependant je ne reconnais pas d'autre père que vous. C'est pourquoi, prosterné aux pieds de votre miséricorde, je vous supplie par votre toute-puissance, votre sagesse et votre bonté, de me pardonner; remettez-moi mes très graves offenses, ô doux Jésus, Fils du Dieu vivant, qui vous êtes consti­tué Médiateur entre votre Père et nous. 72 Par cette charité, qui vous a attiré du ciel dans le sein de la Vierge et de là à la passion et à l'igno­minie de la croix, par tous les outrages et les injures dont on vous a abreuvé, par chacune des gouttes du sang très précieux que vous avez versé pour nous, je vous en conjure, obtenez-moi le pardon de mes péchés et réconciliez-moi parfaitement avec votre Père. Ainsi soit-il!».

Le 2 février me rappelle30) les grâces mystiques de 1878 et l'approba­tion de nos projets d'œuvre par N.-S. Le grain de sénevé est devenu un grand arbre qui couvre le monde de ses rameaux.

Aujourd'hui la fondation d'Espagne s'affermit. Le P. Assistant est là­bas pour recevoir trois professions31).

C'est l'anniversaire de mon père le 11 février et celui de mon frère le 20. Parmi les grandes épreuves des premières années, il 73 y a eu la perte de mes parents, en 1882-1883.

La Propagande nous prépare de nouvelles missions32), espérons.

Mars a des anniversaires. C'est le 1er mars que la Sr Marie de Jésus a offert sa vie pour moi.

Le 6 mars 1875 est mort le P. Freyd, mon directeur de Rome. Aurait-­il compris mes projets de St-Quentin?

Le 17 mars 1917 mort de la Chère Mère; le 19 mars 83, mort de ma mère.

Le 14 mars est le jour de mes 80 ans33). On me comble de témoigna­ges de sympathie et de bienveillance: des lettres de partout, un Bref du Pape34), de belles lettres des Cardinaux Gasparri et Laurenti et de Mgr de Soissons. C'est beaucoup plus que je ne mérite.

Je sens l'effet des prières 74 offertes partout pour moi. M. Goyau a un bel article dans «La Libre Belgique»35).

Un Comité d'honneur36) s'organise pour notre œuvre de Rome, il comprend des cardinaux, des prélats, des académiciens, des hommes politiques, c'est le règne du S.-Cœur en action.

Ma carrière s'achève, je laisserai beaucoup d'œuvres en bonne voie. L'œuvre difficile sera l'achèvement de l'église de Rome, à cause de la crise économique qui écrase le monde, mais le S.-Cœur qui a bien fait Montmartre fera bien aussi son église de Rome.

Notre bonne Soeur Ig.37) est toujours bien unie à N.-S. Il lui semble parfois l'entendre pendant l'oraison. Dernièrement (c'était le 5 mars, à la fête des Cinq Plaies), comme elle priait pour le T.B.P., N.-S. lui dit: «Vous 75 devez le chercher toujours dans la plaie de mon Cœur».

Oui, c'est vraiment là que je veux vivre. Je m'unis au Cœur de Jésus pour adorer et aimer la Sainte Trinité, pour réparer, pour prier. C'est là que je fais ma méditation, mon adoration et tous ces sursum corda que je voudrais encore plus assidus et plus fervents. Je redoute tant les jugements de Dieu! Il semble que N.-S. veut m'encourager et fortifier mon espérance.

Je vis beaucoup avec tous mes amis du ciel: ma pieuse mère, mes saints directeurs: M. Dehaene, M. Prével, le P. Freyd, le P. Modeste, nos saintes Soeurs: Sr Marie de Jésus, la Chère Mère, la Mère Véronique… mes parents et amis, mes fils spirituels, le P. André, le P. Rasset, le P. Guillaume, le P. Modeste… 76

Aucun temps n'a davantage étudié et pratiqué la vie mystique. Il y a des revues de théologie mystique et des études considérables comme les livres de l'abbé Brémond. Et ce qui est mieux, il y a des âmes mysti­ques, âmes de prêtres, le curé d'Ars, le P. Yenveux, le P. Cros, le P. Chevrier, le P. Garricoïts… et des âmes de religieuses: on compterait facilement une douzaine de biographies déjà publiées et il en viendra d'autres.

Il y a déjà un contact avec Dieu dans la contemplation active et une saisie ou emprise plus forte de Dieu dans la contemplation passive.

Je goûte fort ce qu'écrit la «Revue de mystique» sur la contempla­tion sous le nom de G. Picard. «Dieu semble avoir pris pour règle de sa 77 Providence de ne pas reprendre le don de la contemplation même à l'âme qui lui a été peu fidèle. Cette âme qui par sa faute en a perdu la jouissance, n'est pas pour autant réduite à la vie d'oraison commu­ne, mais est toujours invitée à reprendre sa fidélité passée et à se ren­dre propre ainsi à recevoir de nouveau les grâces de la contemplation infuse…».

Dans le même article, G. Picard montre bien qu'il y a, même dans la prière vocale et dans l'oraison discursive, parfois un contact divin, une présence intime et pénétrante de Dieu qui n'est pas encore la contemplation passive…

Séjour du P. Assistant à Rome. Progrès des missions38). Le P. Buckx préconisé… 78

C'est le beau mois du S.-Cœur. Le 6 juin le Pape nous donne sa bel­le lettre39) pour l'église de Rome. Un comité s'organise, la quête sera plus intense, espérons.

On me communique des vues d'oraison d'une pieuse Soeur Gertrude, de la petite Visitation de Celles.

Ces vues concernent les prêtres, leur sanctification, leur union avec N.-S. et l'amour de N.-S. pour eux. D'autres se rapportent à la répara­tion sacerdotale et aux Vierges-prêtres qui sont des âmes choisies par

N.-S. pour prier pour les prêtres et pour réparer autant qu'elles le peu­vent. Ces vues rappellent celles de la Soeur Thérèse de Jésus de La­vaur…

Notre Comité d'honneur pour l'œuvre de Rome est magnifique. Avec le temps nous arriverons. 79

Grande grâce le 6 juillet, le St-Siège nous accorde l'approbation définitive de nos Constitutions. Nunc dimittis (Lc. 2,29). L'œuvre est maintenant complète, elle est munie de toutes les approbations.

Une maladie de quelques jours m'éprouve à la suite des grandes chaleurs. Je ne tiens plus à la vie. Cupio dissolvi et esse cum Christo (cf. Phil. 1,23).

Nous développons nos œuvres de St-Quentin et nous allons com­mencer à La Capelle40). J'y ai bien souvent pensé, c'est encore une gra­ce. Nous serons là près des tombeaux de ma famille, près de l'église de mon baptême et de ma première communion.

Je suis privé d'assister aux réunions de St-Quentin: anciens élèves et distribution des prix. 80

Je suis privé d'aller à La Capelle, ma famille vient me voir. Ils ont heureusement tous des sentiments chrétiens.

Le 15 août, sacre de Mgr Buckx à Helsingfors par le Card. Van Rossum. Notre petite Congrégation a la confiance du Saint-Siège. On nous donne une nouvelle mission au sud de l'Afrique.

Le placement est difficile, nous manquons de sujets dans la Province française.

Il est question de mettre l'école St Clément à La Capelle, il faut ren­trer en France pour mieux nous recruter.

A St-Quentin les arrangements sont longs et difficiles. Je veux avant de mourir me dégager de toutes mes propriétés. 81

Du 17 au 23, c'est la retraite.

1ère Conf. St Paul invitait ses disciples à se renouveler dans les grâces reçues. Par la retraite, nous devons nous renouveler dans les grandes grâces du sacerdoce et de la vie religieuse. Ces grâces ont été bien grandes pour moi, spécialement dans les années 68-69 et 78-79.

Jésus est le prêtre par excellence: Sacerdos alter Christus.

Grandeur du prêtre: Héb. 7,26: Talis decebat ut nobis esset pontifex, sanctus, innocens, impollutus, segregatus a peccatoribus et excelsior cadis fac­tus… Que je suis loin de cet idéal!

Fondement de la retraite: «je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre». C'est Dieu qui m'a créé… pour le servir, l'aimer… Comment l'ai-je servi? Ai-je toujours fait sa volonté?

Miserere mihi, Domine. 82

2e Conf. La fin de l'homme, le bonheur éternel, c'est le plan divin, mais c'est un salaire qu'il faut gagner au service de Dieu. Il faut faire sa volonté, remplir nos devoirs, supporter les épreuves. Omnia cooperantur in bonum (Rom. 8,28). L'action de la Providence est souvent manifeste, l'histoire en donne mille preuves…

3e Conf. Le bon usage des créatures. Sachons user des moyens sur­naturels: la prière, les sacrements, la sainte messe.

Il faut faire bon usage de tout ce qui arrive: la santé ou la maladie, le chaud ou le froid, la louange ou la critique.

Le Père nous lit une longue poésie de Ste Thérèse qui décrit tout cela gracieusement.

Le détachement des créatures doit être mon travail quotidien. 83

4e Conf. Le péché. Offense faite à Dieu et désordre moral. Ses con­séquences dans Satan, Adam, judas… Méditer surtout au pied de la croix les conséquences du péché dans la passion de N.-S.

5e Conf. Le péché véniel: manquement à des préceptes peu graves ou bien péchés graves incomplets par manque de délibération… Exemples de châtiments graves dans l'Ecriture: la soeur de Moïse frappée de la lèpre temporaire pour un murmure;… le lévite qui a porté la main à l'arche;… David voit périr 70.000 hommes de la peste pour un acte de vanité en ordonnant le recensement…

Le remède c'est l'union à Dieu, le calme, la paix de l'âme.

C'est un obstacle aux grâces de choix. je dois faire un grand mea culpa et me réformer sur plusieurs points… 84

6e Conf. Préparation à la mort. Le moment viendra… quand? et ce sera décisif. C'est une bonne pratique de s'y préparer de temps en temps. Il faut liquider le passé par la contrition et l'absolution, puis veiller et se tenir toujours prêts. N.-S. nous y a invités par plusieurs paraboles.

7e Conf. La royauté de N.-S. Elle est proclamée dans toute la révéla­tion. David chante la royauté du Christ. Ps. 44: Dico ego opera mea regi… Au Ps. 23 c'est l'entrée royale du Christ au ciel. Les prophètes, Daniel,

Jérémie, Zacharie ont annoncé la royauté du Messie. N.-S. dans ses paraboles parle sans cesse de son royaume, il affirme sa royauté devant Pilate. C'est comme roi des Juifs qu'il est crucifié.

Notre roi nous invite à le suivre, quelles sont ses étapes? 85 La pau­vreté à Bethléem, l'obéissance à Nazareth, l'immolation au Calvaire…

8e Conf. Connaître, aimer, imiter N.-S. St Jean 17: Vita aeterna ut cognoscant te solum Deum et quem misisti Jesum Christum: connaître N.-S., c'est toute la vie illuminative, c'est le fruit de l'oraison, de la vie inté­rieure, c'est la grâce des âmes pures et recueillies. Pour l'imiter nous avons son concours, il vit en nous par sa grâce, par son esprit. Soyons attentifs et dociles à la conduite divine…

9e Conf. Humilité, chasteté: Humiliavit semetipsum (Phil. 2,8). A Bethléem, Jésus est petit, pauvre, méprisé. Cependant les anges chan­tent sa royauté et les princes de l'Orient viennent l'adorer. Les hum­bles bergers sont ses premiers adorateurs. Les vieillards le vénèrent au temple, les enfants lui rendent hommage par leur sang. Il naît d'une vierge. 86 Apprenons le prix de l'humilité et de la pureté…

10e Conf. La vie cachée à Nazareth jusqu'au baptême au Jourdain. Vie cachée, vie de recueillement, vie de silence. Humilité de N.-S. au Jourdain, zèle de St Jean-Baptiste; témoignage de la Ste Trinité, à qui doivent aller constamment nos hommages et nos prières.

11e Conf. Vocation des apôtres. Comme N.-S. est bon! Il les appelle un à un. Jean et André passent une soirée avec lui. Il promet à Pierre de le faire pêcheur d'hommes, il se révèle à Nathanaël. Il vit trois ans avec eux familièrement, il les forme, il les instruit, il les supporte…

Que n'a-t-il pas fait pour moi? Il m'a donné une bonne mère, il m'a confié à de bons directeurs, à Hazebrouck, 87 à Paris, à Rome. Il a fait lui-même la Congrégation, il m'y a supporté…

Misericordias Domini in aeternum cantabo… (Ps. 88,2).

12e Conf. La réforme de la vie. Demandons-nous ce que ferait un saint à notre place. Comment ferait-il pour ses exercices de piété, pour ses fonctions, pour ses conversations…

Réforme du caractère. Un beau caractère est fait de dignité et de charité. N.-S. est le modèle…

(Le 20, je suis tombé dans l'escalier. Résultat, une bosse au front et une petite entorse au poignet. Ce sont de bonnes mortifications pour la retraite).

13e Conf. Les trois degrés d'humilité. L'humilité, c'est l'obéissance à Dieu: ler degré, la fuite du péché mortel; 2e degré, la fuite du péché véniel; 3e degré, l'observation des conseils divins. 88

Coup d'oeil sur le monde, c'est la révolte de l'esprit et des sens, c'est une ruée vers le plaisir, vers les gains faciles, c'est la haine des peuples… La réparation demande le renoncement, le détachement…

14e Conf. L'entrée de N.-S. à Jérusalem. C'est sa royauté et son sacer­doce qui sont honorés. Nous avons aussi un sacerdoce royal; prati­quons-en les vertus, la sagesse, la justice, la force, la paternité. Ce jour-là et les jours suivants, Jésus ne trouve pas l'hospitalité à Jérusalem, il se retire le soir à Béthanie où ses amis nous donnent l'exemple de la réparation. Dans tous les mystères de la vie de Jésus, il y avait toujours à côté des ennemis et des indifférents les réparateurs…

15e Conf. La passion du Sauveur. Dilexit me et tradidit semetipsum pro me (Gal. 2,20). Quelle horreur du péché 89 à Gethsémani! Quelle admirable patience dans toute la passion! Jésus a aimé la croix parce qu'elle est notre salut. C'est le grand mystère de la foi, qu'il faut médi­ter tous les jours.

16e Conf. Encore le Calvaire. Tout le sang de Jésus est versé là pour nous. Nos modèles sont là, la Vierge réparatrice, St Jean et les saintes femmes. Jésus nous a ouvert son Cœur. Le Calvaire doit être le sujet le plus ordinaire de nos méditations. Je dois vivre de plus en plus au pied de la croix…

17e Conf. La résurrection. La joie aux Limbes… chez la très Ste Vierge, St Pierre, les apôtres, les disciples. N.-S. affirme son autorité, il organise l'Eglise et les sacrements. Un monde nouveau commence. Je dois être un homme nouveau par mes résolutions et par une vie nou­velle… 90

Le prédicateur de la retraite nous a plusieurs fois exhortés à remer­cier Dieu des grâces reçues au cours de notre vie. Je ne l'ai pas fait assez. Ces jours-ci, je repasse l'ensemble de ma vie. Dieu m'a donné pour chaque période un guide, une direction pour m'aider à vivre à son service. Pour les premières années, jusqu'à douze ans, j'avais ma mère. Elève du S.-Cœur de Charleville, elle me faisait prier avec elle et me faisait aimer les choses du culte. J'avais ma chapelle enfantine. Les premiers mots que je prononçai furent les invocations à St Louis de Gonzague et à St Stanislas.

De 1855 à 1859, j'étais à Hazebrouck. Ma première retraite de collè­ge prêchée par un Père capucin me terrassa pour le reste de ma vie. Je passai là quatre ans sous la sage direction de 91 mon supérieur, M. Dehaene. Je devins enfant de choeur, sacristain, je fréquentais ceux qui voulaient devenir prêtre. Je me nourrissais de La vie dévote, l'Imitation, le Manuel des élèves du S.-Cœur. Quatre années de gran­des grâces, malgré des faiblesses et des chutes accidentelles. J'enten­dis la vocation divine dès la première nuit de Noël en 1855 [= 1856]41) chez les Capucins et je n'ai plus varié. Je pris goût à la communion fré­quente.

Du 1859 à 1864, je suis à Paris. Ce furent encore de bonnes années. J'avais pour directeur M. Prével, un pieux vicaire de St Sulpice. Il me poussait à la communion quotidienne. Je fréquentais le Cercle catholi­que des étudiants où je fis de bonnes connaissances, MM. de Brete­nières, Gilbert, Dugas, Perraud… 92

J'étais de la société de St Vincent de Paul de St Nicolas du Chardonnet. Je suivais les conférences du P. Félix. Je me liais avec Léon Palustre, un esprit élevé, ami des beaux-arts et qui avait des aspi­rations dominicaines. Nous nous levions de bonne heure et nous com­mencions la journée par une demi-heure de lecture de la Bible, com­mentée par dom Calmet. Nous avons fait beaucoup de voyages ensem­ble. En 1864-1865 je fis avec lui le beau voyage d'Orient et le pèlerina­ge aux Lieux Saints me confirma dans ma vocation.

1865-1871: Rome, six années de grandes grâces, sous la direction du bon P. Freyd, que Pie IX appelait un saint. Ce sont mes années d'or, mes bonnes années. J'ai reçu là toutes mes ordinations, j'ai pris part au Concile. J'avais 93 des professeurs éminents. Je suivais les stations de Rome, je visitais tous les sanctuaires. Mon père est venu prier avec moi à ma première messe.

Le P. Freyd me fit lire successivement les meilleurs livres d'ascétis­me, tout Rodriguez, le P. Saint Jure, le P. de Lehen, le P. Libermann, St Liguori…

Mes premiers jours de sacerdoce ont été des jours de paradis.

J'ai continué à correspondre avec le P. Freyd jusqu'à sa mort en 1875.

1875-1891: A St-Quentin, j'avais pour guide le P. Modeste de Reims. Il venait donner la retraite à nos Soeurs, puis à nous. Il tâchait de nous former à l'esprit d'immolation au S.-Cœur.

Après lui, je n'ai pas eu de directeur bien fixe. N.-S. nous avait donné le Directoire par 94 les vues d'oraison de Sr Ignace. Cela devait me suffire si j'y avais été bien fidèle.

J'ai souvent manqué à mon Directoire, je m'en humilie et je deman­de mille fois pardon à N.-S.

Au milieu du mois a lieu le premier départ pour la nouvelle mission du fleuve Orange. Le P. Demont est Préfet apostolique. Notre recrute­ment ne vas pas assez vite pour suffire à toutes nos missions.

Mois des saints et des morts. Je vis en union avec le Ciel. Je me conforme à la vision de St Jean: au sommet la Sainte Trinité: le Père, mon créateur; le Fils ou l'Agneau, mon Sauveur; le Saint-Esprit, mon guide. Auprès de Jésus, Marie et Joseph, St Michel et St Jean-Baptiste; au dessous, les anges et les saints: les 24 vieillards qui sont les patriar­ches et les prophètes, 95 les évangélistes, les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges…

Quand je suis à la chapelle, le Ciel y descend, Jésus est là au taber­nacle, la Sainte Trinité est avec lui. Marie et Joseph, les anges et les saints le contemplent. Des anges sont là qui le louent et le prient.

Avec le Ciel, j'offre à mon Dieu toutes mes louanges. Je le remercie, je passe en revue les bonnes périodes de ma vie; je m'humilie et je fais réparation en jetant un regard sur mes plus graves défaillances; puis je prie, il y a tant à prier pour l'Eglise et son apostolat, pour la France et les nations, pour l'œuvre du S.-Cœur, nos Soeurs, mes frères, mes enfants, nos œuvres, nos missions;… puis nos parents 96 et amis et moi-même.

Tous ces actes, conformes aux quatre fins du sacrifice, c'est l'ali­ment de mes oraisons, de mon action de grâces, de mes adorations.

En novembre, je n'oublie pas les anniversaires de mes bons collabo­rateurs, le P. Rasset, mort le 4 nov.; le P. André, mort le 26 nov.

Grands souvenirs et grandes grâces. C'est à Noël 1855 [= 1856] que j'ai entendu le premier appel de ma vocation, c'était à la chapelle des Capucins à Hazebrouck. N.-S. m'a donné le désir d'être prêtre et j'y ai toujours été fidèle.

C'est en décembre que j'ai reçu toutes mes ordinations sauf le dia­conat et chaque année je reçois un renouveau de grâces à ces grands jours:

la tonsure le 22 déc.;

les ordres mineurs le 23 et le 26;

le sous-diaconat le 22 [= 21]; 97

le sacerdoce le 19: voilà de cela 55 ans, et j'ai dit environ 18.000 messes.

N.-S. m'a comblé de ses grâces et de ses visites et je ne suis pas assez reconnaissant.

Ce mois a aussi ses souvenirs sinistres: le Consummatum est = décret qui nous brisait, le 3 déc. 1883; l'incendie de St Jean, le 28 déc. 82. C'étaient là des croix providentielles qui étaient pour l'œuvre de gran­des grâces: in Cruce salus.

Cette année, décembre nous apporte deux faveurs spirituelles: le 3 déc., jour de St François Xavier, la Propagande nous confie la mission de Sumatra pour nos Hollandais.

Le 5 décembre, le St-Père a signé l'approbation définitive de nos Constitutions. C'est l'aboutissement de 45 ans d'efforts et de travail à travers mille difficultés et contradictions. 97bis

1924

Encore une année nouvelle. Ce sont des années de grâce et les der­nières que N.-S. me donne, pour que j'aie le loisir de me repentir, de réparer toutes mes fautes et d'avancer dans l'oraison.

J'étais assez fidèlement uni à N.-S. pendant mes vingt premières années de prêtrise. Depuis lors ma vie intérieure a été trop flottante et mélangée. J'ai essayé trop de méthodes et j'ai souvent cédé à la nature. Je vais essayer de réparer ce que je pourrai pendant le peu de temps qui me reste. Je dois vivre dans ce petit ciel qui est en moi, où habite la Sainte Trinité. La grâce m'y aidera tant que je voudrai, mais il faut que j'y sois docile, en vivant dans la paix intérieure, dans le recueillement et dans l'union à N.-S. 98

C'est en février 78 que N.-S. a encouragé notre fondation par des faveurs mystiques. Mais la grande marque de la divinité de l'œuvre a été la croix. St Paul, dans l'épître aux Corinthiens que l'Eglise nous fait lire à la Sexagésime, énumère ses tribulations comme le signe divin de sa mission. A peine notre œuvre était-elle née que les épreuves l'ont accablée: maladies, ruines, incendie, humiliation et le grand Consummatum est par le décret de Rome…

Sr Marie de Jésus offrait sa vie le 1er mars 78 pour sauver la mienne. Sr Marie-Ignace revenait des portes de la mort le 2 fév. 78 et recevait des grâces mystiques… J'ai noté ailleurs nos grandes épreuves. La Congrégation n'est pas mon œuvre, elle est l'œuvre de N.-S. Il avait bien dit: «Je veux cette œuvre, je ferai 99 tout, il n'a qu'à se montrer docile à ma grâce…». Jésus a tout fait, il a conservé l'œuvre malgré mes défaillances, il la voulait, il la veut encore…

Après sept années de grandes épreuves (1877-1884), N.-S. nous a donné un saint, le P. André qui a été notre maître des novices pendant vingt-cinq ans (1885-1910). Il a fait plus que moi pour la fondation et la consolidation de la Congrégation.

Nos grandes épreuves ont été la meilleure marque de la divinité de l'œuvre. Je puis dire comme St Paul aux Corinthiens: Je ne me glorifie que dans mes épreuves: Si gloriari oportet, quae infirmitatis sunt gloriabor - pro me, nihil gloriabor nisi in infirmitatibus - libenter gloriabor in infirmitati­bus meis (2 Cor. 12,5-9). St Paul mettait les visions et révélations après les épreuves. 100

Que de souvenirs! Le 1er mars, la Sr Marie de Jésus a offert sa vie pour moi.

14-24 mars, ma naissance et mon baptême.

19 mars, mort de ma mère.

25 mars, naissance et baptême de la Chère Mère.

17 mars, sa mort.

29 mars, la petite résurrection, en 1884, après le Consummatum est. Chaque année, le mois de mars nous apporte quelques épreuves: les croix sont aussi des grâces. Elles ne manquent pas encore cette année: il y a de grosses difficultés dans une de nos missions.

Je lis, tout ce mois, le beau volume de Mgr Chollet42) sur «Nos morts». Il m'aide beaucoup pour la vie intérieure, il me fait vivre avec mon Ciel, avec tous mes parents, amis, directeurs, collègues, occupés à louer Dieu, mais tous aussi bienveillants et secourables 101 pour moi. Leur souvenir se ravive, je les sens présents, je les prie, j'ai confiance en leur intercession, ils ne laisseront pas mon âme se perdre. Ils m'ont aimé, ils m'aiment encore et m'attireront à eux.

Nous sommes dans un temps d'agitation politique. La France est très malade de laïcisme. C'est une hérésie funeste. Faudra-t-il encore quelque cataclysme pour nous guérir? Le prochain Concile affirmera la royauté divine sur les sociétés. Il n'y a pas de vérité plus souvent répétée dans l'Ecriture. Dieu est le roi des sociétés comme il est le roi des âmes. Adveniat regnum tuum (Mt. 6,10).

N.-S. est sévère pour les laïcisants dans sa parabole des talents. St Luc chap. 19. Il y a là des citoyens soumis qui reçoivent du Maître des talents pour les faire fructifier, mais il 102 y a aussi des laïcisants, des citoyens qui haïssent le Maître Suprême et ne veulent pas qu'il rè­gne sur la société: Cives ejus oderant eum: Nolumus hunc regnare super nos (v. 14).

Mais le Maître reviendra et se vengera: «Amenez-moi les laïcisants et mettez-les à mort: Inimicos meos qui noluerunt me regnare super se, adducite huc et interficite eos» (Lc. 19,27). Si la France était d'accord avec quel­ques-uns de ses chefs, elle reverrait des jours de ruine et de mort.

Il y a quarante ans que je travaille pour le règne du S.-Cœur, puisse-­je avoir contribué un peu à obtenir le sursis de la Providence.

Ce mois nous apporte des épreuves: il y a des faits regrettables en plusieurs maisons.

A St Jean, c'est l'Etat qui 103 nous cherche noise parce que St Jean serait un collège congréganiste43)

Je suis aux derniers chapitres de ma vie et au vestibule du ciel… Je ne pense plus qu'à tous ceux que j'irai voir bientôt: c'est Jésus et Marie, c'est St Joseph, St Jean-B.te, St Michel, St Jean l'Evangéliste, tous les anges, surtout mes anges gardiens… tous les saints, surtout mes saints patrons et ceux que j'ai particulièrement honorés; et tant de parents, d'amis, de directeurs spirituels, de confrères…

Conversatio vestra in coelis est (cf. Phil. 3,20): je m'entretiens avec tout ce monde dans toutes mes prières, méditations, adorations.

Dans mes souvenirs, il y a beaucoup plus de morts que de vivants, et j'ai la confiance que nos morts continuent à s'intéresser à moi et à m'aider. 104

Nos Constitutions nouvelles44) sont imprimées, je les promulgue. C'est l'aboutissement de près d'un demi-siècle de travail pour organi­ser la Congrégation. C'est N.-S. qui a tout fait pour l'œuvre, moi j'ai été l'obstacle et j'ai bien des fois mis tout en péril. Je crie tous les jours «miserere». Jésus et Marie ont sauvé l'œuvre malgré moi.

Je reviens de St-Quentin45) où Mgr Binet est venu bénir le nouveau collège St Jean. Solennité imposante, grand-messe en plein air, nom­breux discours. Beaucoup de mes anciens sont là, très sympathiques et très aimables pour moi. Je communie tous les enfants, ils sont pieux, le collège fait du bien.

Je vais jusqu'à La Capelle prier à ma vieille paroisse 105 et sur les tombes de famille.

La France a de mauvaises élections, le suffrage universel est absur­de. Passerons-nous par de nouvelles épreuves?

Je repasse en mon esprit les commencements de l'œuvre. N.-S. vou­lait en faire un édifice important puisqu'il en a creusé si profondé­ment les fondations. Pendant sept ans, de 1877 à 1884, il a creusé, creusé, creusé. Il n'a rien laissé subsister des moyens naturels, santé, ressources, famille, etc. etc. Il a tranché dans le vif.

Dès 1878 je vomis le sang: la Sr Marie de Jésus offre sa vie pour moi, le médecin me donnait encore six mois à vivre.

N.-S. nous envoie, pour les Soeurs et nous, l'héritage Lombard, mais il permet qu'un procès inique nous le fasse perdre (800.000 francs). 106

En 1880, le Tolle pour la mort de quatre Soeurs, quatre pieuses victi­mes; la presse de Paris venait chercher les éléments d'un scandale.

Le Kulturkampf nos craintes, fondation d'un refuge à Sittard. Difficultés d'argent pendant plusieurs années. En 81 l'incendie. Tapages diaboliques au Couvent et chez les Soeurs de Fourdrain. Le diable attaque Sr Marie de Jésus et la jette dans l'escalier. Il exerce son influence sur le P. Captier.

Le P. Leclercq46) nous dénonce comme un judas. En 1882 et 1883, mort de mon père et de ma mère.

Mgr est troublé et consulte Rome. On m'appelle au Saint-Office en septembre 83. C'est le Consummatum est prédit. 107

Mgr va à Rome et on nous ressuscite au 26 mars en nous disant de commencer par une congrégation diocésaine, ce qui est la règle ordi­naire.

Pendant sept ans N.-S. avait creusé les fondements en me prenant santé, ressources, famille, réputation, etc. etc.

J'ai dit ailleurs les grâces reçues par la Sr Ignace et les réserves de Rome.

Avec des fondements si profondément creusés, N.-S. pouvait bâtir… C'était la «nuit obscure». N.-S. ne pouvait pas me donner les lumiè­res d'oraison dont nous avions besoin parce que je n'en étais pas digne et que j'étais trop occupé par la vie active, il nous les donna par la Sr Marie-Ignace. 108

Nos nouvelles Constitutions vont entrer en vigueur. Le St-Siège n'a rien changé aux premières pages qui indiquent le but et l'esprit de l'œuvre, c'est que le fondateur a grâce pour déterminer cela. Il reçoit de N.-S. les lumières nécessaires. La fondation se fait par l'inspiration divine.

Les mois de décembre et de juin sont des mois d'anniversaires.

Le 1er juin ma confirmation, le 4 ma première communion, le 6 mon diaconat, le 28 mes premiers voeux.

C'est le beau mois du S.-Coeun Le 24 juin est le jour de naissance de Sr Ignace et ce jour ne manque pas de mystères.

Cette sainte Soeur devait être un précurseur pour l'œuvre, 109 on l'a appelée Jeanne à la demande de son père. Sa mère est morte le jour de la fête de Ste Elisabeth, mère de St Jean.

Ses grâces mystiques ont marqué les commencements de l'œuvre en 1878-1883. Le St-Siège nous a dit que ses écrits étaient irréprocha­bles comme vues d'oraison, mais qu'on ne pouvait pas y voir de longues révélations de N.-S.

Quelques phrases brèves seulement me paraissent des révélations formelles. Les vues d'oraison nous ont donné des thèmes admirables et tout célestes pour notre directoire et nos prières.

C'est le 2 fév. 78 que la bonne Soeur a passé par la mort mystique. Cela me rappelle de grandes émotions, de grandes grâces et aussi de grandes épreuves à l'occasion de l'examen rigoureux que le St-Siège a fait de ces grâces. 110

C'est encore un mois riche en souvenirs. Le 2 juillet 1918 je prê­chais avec émotion la Visitation à Paray. Le 16, je prêchais au Carmel. Le 19 est l'anniversaire de mes prémisses [prémices] à La Capelle en 1869. Cette vocation a été pour ce pays une bonne semence de foi. Ma famille y a trouvé bien des grâces.

Le 22, Ste Madeleine, c'est une de mes grandes protectrices. Sa fête m'apporte des grâces de pénitence.

Du 22 au 31 juillet j'ai écrit mes Constitutions en 1877, sous les auspices de Ste Madeleine et de St Ignace. J'empruntais à Ste Madeleine l'esprit de réparation et à St Ignace l'amour de N.-S. et l'es­prit d'apostolat.

Depuis 47 ans l'œuvre a lutté et grandi. N.-S. nous a soutenus mal­gré nos faiblesses, mais combien il y a encore à faire! 111

Je reçois une excellente lettre de M. Victor Berne47), l'apôtre et le Mécène des œuvres sociales de Lyon. Il me rappelle mon ardente campagne sociale, qui a duré au moins dix ans, de 1893 à 1903, et ma collaboration assidue à leur excellente revue de Lyon.

A la veille de chaque grande fête, il y a quelque épreuve, c'est une purification et un sacrifice salutaire. Avant l'Assomption je reçois la nouvelle de difficultés temporelles à Rome et ailleurs de défaillances inquiétantes. Confiance quand même et abandon à la volonté divine.

Le 27 août, anniversaire de la mort de Sr Marie de Jésus en 1879. Cela me reporte à l'âge héroïque des commencements de l'œuvre, de 1878 à 1888. 112

A peine m'étais-je offert en victime que N.-S. prit tout: ma santé, mes parents, mes ressources (incendie et perte de la fortune de Sr Marie des 5 plaies), l'honneur (le Tolle à la suite de la mort de quatre jeunes Soeurs), les épreuves intérieures et le reste.

C'est là la plus belle preuve de la divinité de l'œuvre, et le Consum­matum est prédit, la condamnation de Rome à la suite de malentendus relatifs aux grâces de Sr Ignace… En même temps les menaces d'expul­sion, le départ du noviciat en Hollande. O bona Crux!

Le P. Lallemant disait: «Nous devons reconnaître N.-S. pour notre fondateur, St Ignace n'étant que son lieutenant». Combien cela est plus vrai pour nous. N.-S. a tout fait malgré les obstacles que je mettais à 113 son action. Il l'avait dit au commencement: «Je ferai tout, il n'a qu'à me laisser faire et à se montrer docile à ma grâce». Et N.-S. conti­nue à tout faire, malgré nos infidélités.

Cette passion si manifeste de 1878 à 1888 fut le grand sceau divin de notre Congrégation.

A ces croix de Providence, il faut joindre: 1) les manifestations dia­boliques spécialement contre la Sr Marie de Jésus; 2) l'acceptation divine de la vie de cette Soeur; 3) les grâces mystiques de la Sr Marie­ Ignace: vues d'oraison et même, à ce qu'il semble, quelques paroles formelles de N.-S.

Ma famille vient me voir le 21; je leur explique que mes œuvres ont absorbé mon avoir et qu'ils n'ont pas d'héritage important à attendre de moi. Ma nièce me répond noblement que mes œuvres 114 valent plus qu'un héritage pour l'honneur de la famille et pour lui mériter les bénédictions divines.

Aux signes divins qui ont marqué la fondation de l'œuvre ajoutons la coopération surnaturelle de la Sr Véronique des Victimes du S.­Cœur, qui nous a préparé le P. André Prévot et le P. Charcosset et qui leur a dit avant de mourir en 1883: l'œuvre est commencée à St­-Quentin…

Au mois de septembre sont morts plusieurs de nos bons agrégés du commencement: le 14 Madame Malézieux, le 16 M. Genty, le 24 M. Arrachart. N.-S. avait accepté leur oblation de victimes et ils ont passé par des épreuves. Ils étaient dévoués à l'œuvre et ils l'ont aidée maté­riellement et spirituellement.

Le 14 sept. a été inaugurée la maison du S.-Cœur. C'était la 115 fête de la Croix et N.-S. nous dit que «cette maison était fondée sur la croix». N'ai-je pas souffert là un long martyre? Ce serait trop long de rapporter ce chemin de croix; j'en ai noté ailleurs bien des étapes.

A la veille de notre retraite la Providence me fait rencontrer une page du P. Lallemant qui doit être tout l'esprit de ma retraite. Je copie: «Nous devons demander souvent à Dieu qu'il nous fasse réparer avant la mort toutes les pertes de grâces que nous avons faites, et qu'il nous fasse arriver au comble de mérite où il nous voulait conduire selon sa première intention, que nous avons jusqu'ici frustrée par nos infidé­lités; enfin qu'il nous pardonne les péchés d'autrui dont nous avons été cause, 116 et qu'il répare aussi dans les autres les pertes de grâces qu'ils ont faites par notre faute…».

Notre retraite commence le 21. Elle est prêchée par le P. Saltzman, professeur de morale à Louvain.

But de ma retraite: me remettre avec plus de courage et de généro­sité à l'union habituelle et assidue avec N.-S.

I. Méditation fondamentale. -Je suis sur la terre pour faire mon salut en servant Dieu. Importance du salut: unum necessarium (Lc. 10,42). Pensée salutaire de l'éternité… folie des mondains et des indiffé­rents!… N.-S. s'est incarné et il est mort pour notre salut. Il l'aurait fait pour une seule âme, pour la mienne. Il m'a attendu jusqu'ici et m'a donné le temps de la pénitence… Miserere mei, Deus! (Ps. 50,3)… 117

II. La conscience. - Il faut bien nous connaître, sans fraude, sans dissi­mulation. Il faut une conscience vraie, ni trop large, ni scrupuleuse. C'est une bonne règle de ne rien faire qu'on ne ferait pas devant ses supérieurs. Une grande pureté de conscience est la condition pour avancer dans la vie intérieure. Soyons prudents pour la pureté: St Jean a été aimé de Jésus et de Marie parce qu'il était admirablement chaste.

III. Le péché grave. - C'est le mal le plus affreux et nous n'y pensons pas assez. On y est exposé quand on se néglige, quand on est tiède, quand on est attaché aux créatures et à certaines jouissances. Les péchés véniels fréquents diminuent la grâce, obscurcissent l'intelligen­ce et nous exposent aux surprises du démon. Celui qui fait quelques concessions à la chair est bien en danger… 118

IV. La mort. - 1) Le fait de la mort: elle viendra. Quand? Peut-être bientôt. Le Père cite des exemples de Pères et de Frères, morts à l'au­tel, au réfectoire ou la nuit à l'improviste. On a tout mis en doute, mais pas la mort. 2) La nature de la mort: détachement de tout: nous quittons tout et tout nous quitte. Nos sens s'éteignent et l'âme s'en va. 3) Conséquences de la mort: Où va notre âme? Les saints eux-mêmes redoutaient le jugement…

Pour moi, ce ne sera plus long.

V. La confession. - Conseils pratiques. Se préparer en s'excitant à la contrition et au ferme propos, se confesser tous les huit ou quinze jours. Autant que possible demander une direction à notre confesseur, et en donner une à nos pénitents, s'ils en sont susceptibles. Ne pas donner une pénitence insignifiante et toujours 119 la même pour ne pas paraître attacher trop peu d'importance à la pénitence.

VI. Méditation du règne. - Connaître, aimer, servir et imiter le Christ. Jésus est plus que mon roi, il est mon créateur, mon Sauveur, mon modèle et mon tout. Je dois m'attacher à lui, non pas à moitié, mais tout à fait, de tout cœur, avec une volonté ferme et déterminée. - Dans ma pauvre vie, j'ai été trop chancelant, sans énergie, sans force. J'ai mérité mille fois d'être rejeté, abandonné, condamné. - Seigneur Jésus, faites-moi réparer toutes les pertes de grâces que j'ai faites et fai­tes-moi arriver au degré d'union avec vous que vous me destiniez.

Pardonnez-moi les péchés d'autrui dont j'ai été cause et réparez dans les autres les pertes de grâces qu'ils ont faites par ma faute. 120

VII. La fuite en Egypte. - L'orgueil d'Hérode: rien ne lui coûte pour empêcher une compétition. Nous n'avons pas des passions aussi vio­lentes, mais nous ne manquons pas d'attaches à l'estime des hommes, aux satisfactions des sens, à l'usage de l'argent. Veillons et prions afin que nous n'entrions pas en tentation.

Admirable abandon de la Sainte Famille qui s'en va en Egypte par le désert, en bravant les mauvaises rencontres, le dénuement et les tris­tesses de l'exil.

Et là Marie et Joseph se livrent à quelques années de travail humble et pénible pour gagner leur vie. On peut penser combien ils ont eu de mauvaises journées, de jours de misère et de pauvreté extrême. Aimons le travail humble et caché pour la gloire de Dieu. 121

VIII. La vie cachée de N.-S. - C'est la vie intérieure: on prie à Nazareth, on prie au Temple. Le prêtre a besoin de l'esprit de foi. Justus ex fide vivit, sacerdos ex fide vivit (cf. Rm. 1,17).

A sa messe, le prêtre a besoin de l'esprit de foi pour en retirer des fruits et pour édifier. Les fidèles jugent souvent un prêtre par sa messe. A l'office, à la prière, le prêtre, homme de foi, diffère essentiellement du prêtre superficiel et distrait. Dans ses relations et conversations le prêtre qui vit de la foi édifie et communique sa foi.

Le prêtre qui n'a pas la foi vive se préoccupe de ses succès et de ses affaires et il court de grands dangers. Il accepte les idées modernes, il aime la critique comme un progrès. Aimons la simplicité de la vieille foi… 122

IX. Nazareth, modèle de la vie religieuse. - A Nazareth règnent la prati­que de la perfection et la régularité.

La vie religieuse ne diffère pas de la vie chrétienne par le but, qui est la perfection et la charité, mais par les moyens: les religieux sont aidés par les voeux et par les règles.

Ce que Dieu demande de nous et ce qu'il nous promet: il demande l'observation des voeux et même la pratique généreuse des conseils. Nous sommes rarement obligés par le voeu d'obéissance, mais nous devons tendre à la perfection de l'obéissance. On peut manquer facile­ment à la pauvreté et à la chasteté.

Dieu nous promet la vie éternelle si nous sommes bons religieux: c'est toute la profession bénédictine. Le religieux dit: «Mon Père, je vous promets l'obéissance»; et l'Abbé répond: «Et moi, je vous promets la vie éternelle». 123

X. Préparation de N.-S. à sa vie publique. - 1) Adieux à sa mère; 2) baptême au Jourdain; 3) pénitence au désert; 4) Jésus rejette les tenta­tions.

1) Adieux à sa mère: la vie était douce à Nazareth: on s'aimait, on priait ensemble, c'était un paradis. Jésus sacrifie tout cela pour travail­ler à notre salut et fonder son Eglise.

2) Baptême au Jourdain: Jésus encourage la prédication et la péni­tence de Jean-Baptiste. Lui aussi prêchera pendant trois ans la péniten­ce, il prépare des grâces pour les missionnaires.

3) Pénitence et jeûne au désert: Jésus expie nos fautes et répare pour nous. Les fruits de notre apostolat doivent être achetés par notre pénitence.

4) Jésus repousse les tentations: il a voulu nous donner cet exemple. Nous avons besoin d'énergie, de foi, de volonté pour repousser tous les assauts de Satan… 124

XI. La vie publique de N.-S.. - Travail actif, constant, humble, obéis­sant.

N.-S. est notre modèle. Pendant ses trois années de vie publique, c'est un travail ardent. On voit dans l'Evangile ses journées remplies outre mesure, parfois il n'avait pas le temps de manger. Il travaillait jusqu'à la fatigue: il se reposait un jour sur la margelle d'un puits. Il se reposait mal la nuit et souvent en priant.

Son travail était humble, il n'a pas cherché les succès de la rhétori­que.

Il fut obéissant, il faisait ce que son Père lui disait.

En communauté, le travail est solidaire, il ne faut pas chercher les emplois les plus en vue. La volonté des supérieurs est pour tous celle de Dieu. 125

XII. La résurrection de Lazare. - On y remarque surtout l'action de la Providence et la bonté du Cœur de Jésus.

N.-S. est absent. S'il avait été là, il eût guéri Lazare, mais il le laisse mourir et n'intervient qu'après quatre jours. Il fallait que Lazare fût bien mort pour que le miracle fût éclatant. Les deux soeurs ne deman­dent pas formellement la résurrection, elles s'en rapportent à la Pro­vidence et se confient au Cœur aimant de Jésus.

Que Jésus est bon! Il frémit par deux fois, il pleure, et tous disaient: «Voyez comme il aimait Lazare» (cf. Jo. 11,36). Il aimait toute la famille, même la pécheresse convertie, parce que tous lui étaient dévoués. Quelle leçon pour nous! Soyons dévoués à Jésus, au lieu de l'offenser… 126

XIII. L Eucharistie. - Le sacrifice, la communion, la présence habi­tuelle.

Le sacrifice, c'est le grand acte de la journée pour le prêtre. N.-S. s'offre à l'autel comme au Calvaire. Heure suprême: heure de salut, de rédemption, source infinie de grâces! Si j'avais plus de foi, plus de sim­plicité! Je n'entoure pas assez ma messe de préparations et d'actions de grâces.

La communion: quelle familiarité! Quelle tendresse! Quelle amitié! J'ai fait environ vingt mille communions, et je ne suis pas saint! Mi­serere mei Deus! (Ps. 50,3).

La présence habituelle… Jésus est là et je n'y pense pas assez. Visites d'honneur! Visites d'affaires! Recourons à Jésus pour toutes nos diffi­cultés.

La prière du prêtre à l'église édifie les fidèles. 127

XIV. La vaillance. - Le Père se sert de la méditation de St Ignace sur les trois degrés d'humilité. St Ignace prend l'humilité dans un sens lar­ge: abnégation, sacrifice, vaillance.

Le 1er degré reprouve le péché mortel; le 2e est opposé au péché véniel; le 3° nous porte au sacrifice, à l'abnégation pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

Le Père cite des traits touchants de vaillance héroïque chez les martyrs anciens et modernes: martyrs du japon, de l'Ouganda, martyrs de la Révolution française, de la grande guerre:

Ex.: une mère vaillante dans les leçons de l'office des 40 martyrs de Sébaste; des enfants martyrs dans le bréviaire…

Suis-je prêt à la vaillance pour tenir mes résolutions? 128

XV. Le portement de croix et le crucifiement. - Unissons-nous à Marie dans sa compassion et sa générosité. Elle entendait peut-être les cris de la foule: le crucifigatur (Mt. 27,23) et les coups de la flagellation. Elle comprenait l'immolation et le sacrifice…

Jésus a donné sa vie pour nous. C'est un fait bien rare dans l'histoi­re. On raconte qu'une mère se mit devant son fils qu'un malfaiteur voulait tuer et qu'elle mourut à sa place. Une mère peut faire cela. Jésus l'a fait. Comment peut-on l'oublier et rester indifférent?

Combien je déteste mon ingratitude et toutes mes fautes! Je veux garder assidûment le souvenir de la passion. Les amis du S.-Cœur nourrissent leur ferveur dans ce souvenir. 129

XVI. La joie spirituelle. - Chez les disciples d'Emmaüs, chez les apô­tres après les apparitions du Christ ressuscité.

La joie spirituelle est l'état normal des âmes vraiment chrétiennes: gaudete semper, dit St Paul, iterum dico: gaudete (Phil. 4,4).

C'est particulièrement la grâce des vraies victimes du S.-Cœur. Nous en avons eu de beaux exemples, mais pas assez. Moi-même, je n'y ai pas été assez fidèle.

Pourquoi nous attrister? Ne sommes-nous pas les enfants de Dieu, les héritiers du Sauveur? Les croix elles-mêmes ne sont-elles pas des grâces? Les apôtres s'en allaient joyeux et contents de souffrir pour le Christ: Ibant gaudentes (Act. 5,41).

Le ciel nous attend. Le péché seul est triste, nous ne voulons plus le commettre. S'il nous échappe, nous le réparons au plus vite. 130

XVII. Contemplatio ad amorem. - St Ignace nous conduit à la vie d'a­mour. Il nous rappelle tous les bienfaits de N.-S.: création, rédemp­tion… C'est le Verbe, le Fils de Dieu qui est le principal auteur de la création: Omnia per ipsum facta sunt (Jo. 1,3). La Sagesse était avec le Père, créant le monde: Cum eo eram cuncta componens (Prov. 8,30)…

Et chacun de nous a ses souvenirs de grâces spéciales: conversion, vocation…

L'amour de N.-S. doit dominer toute notre vie.

Nous ne lui devons pas seulement l'amour de reconnaissance, mais aussi l'amour de préférence. Jésus est si aimable et si bon. Je m'unis à ses amis de Béthanie pour l'aimer sans réserve… 131

Le 1er octobre 1891 mourait le Rév. P. Modeste s .j., un de nos princi­paux conseillers et collaborateurs des commencements. Il a été mon directeur après la mort du P. Freyd en 1875. C'est lui qui me dit «mar­chez» pour la fondation de l'œuvre. Il vint plusieurs fois prêcher la retraite chez les Soeurs et chez nous. Il avait toute confiance dans les lumières surnaturelles de la Soeur Ignace. N'ayant pas plus que nous l'expérience de ces grâces extraordinaires, il ne sut pas nous faire distinguer entre les vues d'oraison et quelques paroles formelles de N.-S., ce qui nous valut les réprimandes de Rome et un jugement sévè­re. Nous appelions tout cela des révélations, ce qui ne devait pas se fai­re. N.-S. permit notre erreur 132 pour nous attirer le Consummatum est (Jo. 19,30), qui fut pour nous une grande grâce, analogue à celle du Calvaire pour le salut des hommes.

Ces souvenirs me rappellent tous les fondements de l'Œuvre. J'y vois plusieurs séries de preuves de l'action divine.

- La 1 ère série de ces preuves, celle qui suffirait à elle seule, c'est l'ap­probation authentique de l'Eglise. Il fallait commencer avec l'approba­tion de notre évêque: Mgr Thibaudier me la donna verbalement au 25 juin 1877 et par écrit le 13 juillet. Il me disait: «Le projet de société a toute ma sympathie; j'y prêterai les mains dans toute la mesure où Dieu me paraîtra le vouloir; je souhaite que vous présidiez à sa réalisa­tion». Cette lettre est la charte de notre fondation. 133

Les approbations pontificales se sont succédé.

Le 29 mars 1884, Rome ratifie notre existence comme Congréga­tion diocésaine.

Le 25 février 1888, c'est le beau décret de louange, à la demande de 30 évêques.

Decretum laudis: Vêpres inter et spinas undique aevo nostro scatentes, in urbe S. Quintini, diocesis Suessionensis, anno 1877, velati flos pulcher ac redo­lens germinavit pia Presbyterorum Societas a SS. Corde D.N.J. C. nuncupata…

Le 4 juillet 1906: approbation définitive de l'Institut et approbation temporaire des Constitutions.

Le 5 décembre 1923: approbation définitive des Constitutions. La même année, le magnifique Brefs48) du Pape:

Cher Fils, salut et bénédiction apostolique.

L'heureuse nouvelle étant parvenue à Nos oreilles, que vous alliez accomplir prochainement la 80e année de votre âge, votre piété envers Nous et Notre bien­veillance envers vous demandent absolument que Nous vous félicitions vive­ment de cet heureux événement. En regardant en effet tout le cours de votre ministère, il Nous plaît certes d'honorer votre zèle des âmes, soit en excitant le peuple à professer la foi, soit en exerçant la charité, soit enfin en vous fatiguant dans la prédication de la parole divine et dans le soin d'écrire des livres. Jouissez donc d'un si heureux événement, dans l'attente de la céleste récompense que Dieu, le juste rémunérateur, vous donnera. Et Nous, allant au devant des démonstrations publiques 134 d'affection des vôtres, Nous demandons instam­ment à Dieu qu'Il veuille bien vous conserver encore plusieurs années pour le bien de cette vénérable congrégation dont vous êtes le fondateur et le Père très aimé. Comme gage des dons célestes et aussi de Notre bienveillance, recevez la bénédiction apostolique que Nous vous accordons de tout cœur, à vous, Cher Fils, et à tous les membres et à toutes les œuvres de la Congrégation.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 8 du mois de Mars de l'année 1923, la seconde de Notre Pontificat.

Pie XI, Pape.

C'est bien l'œuvre de Dieu qui a été ainsi louée, encouragée et approuvée par son Eglise.

A ce Bref si touchant du Pape ont fait écho de belles lettres du card. Gasparri, du card. Van Rossum, du card. Laurenti et de Mgr l'évêque de Soissons…

- Une 2e série des manifestations divines est la réponse que fit la Providence au voeu de victime que je prononçai au 28 juin 1878. Toutes les épreuves se sont accumulées. En 1878, perte de la santé, cra­chements de sang, phtisie: les médecins me 135 donnent encore six mois à vivre. La Soeur Marie de Jésus a sauvé ma vie en offrant la sien­ne: 25 nov. 78 - 27 août 79.

La ruine : la Sr Marie des 5 plaies avait hérité de 800.000 francs que la Chère Mère voulait partager avec nous; un procès inique fit casser le testament. M. Lecot avait payé le jardin du S.-Cœur, il revint sur sa promesse. Nous souffrions des difficultés d'argent pendant des an­nées. L'incendie du collège au 28 déc. 1881 achevait la ruine.

Angoisses de l'âme: les craintes du Kulturkampf en 1880 - l'enquête du St-Office, le Consummatum est qui nous détruisait.

Perte de l'honneur. la pieuse mort de plusieurs Soeurs étonnait, il y eut un Tollé, la presse parisienne était venue pour monter une affaire. Le Dr Cordier explique la mort toute naturelle des pieuses Soeurs. 136

Perte des parents. Mes bons parents deviennent malades en 1880 et meurent en 1882 et 1883. Le P. Rasset comparait mon état à celui de Job. L'approbation de 1888 nous releva.

- 3e série des manifestations divines: l'action mystique. La Soeur Ignace passa par une mort mystique au 2 fév. 1878. Dès lors elle eut des lumières d'oraison qui durèrent quatre ans. Dans notre inexpé­rience nous appelions cela des révélations.

Rome s'en inquiète et nous interdit de gouverner l'œuvre par des vues mystiques, mais on n'écartait pas les vues d'oraison qui ont inspiré nos prières et notre directoire. Il semble que des paroles for­melles de N.-S. s'y mêlaient. Il nous disait fondés sur la croix, au 14 sept. 1878. Comme je lisais l'épître de St Paul sur ses épreuves au 1er dimanche de carême, N.-S. dit à la Soeur: 137 «Je vais lui montrer ce qu'il aura à souffrir». A plusieurs reprises, il prédit le Consummatum est.

- 4e série: l'action du démon: bruits nocturnes au couvent et à Fourdrain. Assauts contre la Soeur Marie de Jésus qui écrivait les vues d'oraison de Sr Ignace. Il la jette du haut de l'escalier, il lui casse ses plumes et en tourne une en forme de serpent. Il agit chez nous en trompant le P. Captier et en invitant le P. Lecl. à faire le Judas.

- 5e série. Encouragements des Saints et des âmes d'élite de notre temps. J'en parle dans mes «Souvenirs». Je puis citer don Bosco, que je vis à Paris, Louise Lateau, la Mère Véronique, Mlle Frouvier, Sr Marie du S.-Cœur de Bourg, le P. Wiart, Mme Royer, le P. Modeste, mon directeur, etc. etc… Mgr Gay.. 138

- 6e série. Il faut encore regarder comme une intervention divine la fondation des deux communautés de Soeurs Victimes de Villeneuve et de St-Quentin. Elles priaient et s'immolaient pour obtenir de Dieu la fondation des Prêtres-victimes. Les premières m'ont donné le P. Prévot et le P. Charcosset, les autres le P. Rasset, le P. Roth, etc. etc. et de pieux novices morts saintement à Sittard et à St-Quentin. Les Soeurs de St-Quentin nous ont aussi donné leurs soins dans nos maisons et quelque concours d'argent… avec leurs pieux encouragements… et leur participation à nos épreuves.

Note: Comme le P. Jean Eudes a été aidé par la Sr Marie des Vallées, et M. Olier par Marie Rousseau, ainsi ai-je été aidé par la Sr. I [Ignace]…

- 7e série. Je ne dis rien des grâces personnelles et lumières reçues pour la préparation et la fondation… 139

Mois des morts. Je vis beaucoup avec mes morts: mes parents, amis, anciens directeurs, anciens élèves. Une centaine de mes religieux sont déjà partis auprès du Bon Dieu, parmi lesquels des hommes qui ont bien travaillé et bien prié, le P. André, le P. Rasset, le P. Roth, le P. Guillaume… Je les salue tous les matins et tous les soirs, avec tous mes patrons du ciel.

La vie d'union me redevient très habituelle.

Dans ce mois sont morts: le P. André le 26 et le P. Rasset le 4. Nous fondons notre Maison-mère49) à Rome: Res est magni operis. J'écris 300 pages50) traduites de l'Italien pour un Guide des pèlerins au jubilé de Rome. 140

L'année s'achève. Elle a été féconde en grâces. Nos œuvres s'affer­missent, mais notre recrutement est trop faible, il faut que nous redou­blions de prières pour cela.

Presque tous mes parents et amis ont quitté la terre, je vis en esprit avec eux. Mes oraisons se passent au ciel: Conversatio vestra in caelis est (Phil. 3,20). J'ai beaucoup offensé Dieu, j'ai cependant confiance dans la miséricorde infinie du S.-Cœur. Je vis avec St Jean dans l'intimité avec N.-S.

141 Table des matières

1921 1923
Janvier 1 Janvier 71
Février 4 Février 72
Mars 5 Mars 73
Avril 9 Avril 74
Mai 11 Mai 76
Juin 13 Juin 78
Juillet 16 Juillet 79
Août 18 Août 80
Septembre. La retraite 19 Septembre. Retraite… 81
M. Arrachart 27 Octobre 90
Octobre 28 Le Gariep 94
Novembre 30 Novembre 94
Décembre 31 Décembre 96
1922 1924
Janvier 37 Janvier 97bis
Benoît XV 40 Février 98
Février. Le Pape 41 Mars 100
Mon frère 42 Avril 102
Mars 43 Mai 104
Avril 44 Juin 108
Mai 46 Juillet 110
Juin 47 Août 111
Juillet 48 Septembre 114
Août 50 La retraite 116
Septembre 51 Octobre 131
La retraite… 52 Fondements divins
Octobre 63 de l'Oeuvre 132
Novembre 64 Novembre 139
Décembre 65 Décembre 140

1)
Titre du livre cité. «Vers le cloître et la sainteté». Vie du R.P. André Prévot des Prêtres du Sacré-Cœur, Lille Paris Bruges 1920, pp. 432.
2)
Ressources pour l’œuvre de Rome. Dans sa lettre du 18.01.1921 le P. Dehon écri­vait à Achille Jossa: «Ma quête va devenir difficile parce que le port des lettres sera doublé au 1er février pour l’étranger. Jusqu’à présent j’ai reçu 84.000 francs. C’est peu. Il faut un million pour les dépenses de la 1ère année» (B. 22/3). Pour Achille Jossa, un de ses enfants de choeur, cf St. Deh. 38, p. 46.
3)
On n’a pas trouvé la lettre du card. van Rossum. Mais on a la réponse du P. Dehon à cette lettre-là. Il dit: «Je vous envoie les renseignements demandés par votre lettre du 4 mars, n. 649/21. Par déférence pour le St-Siège et pour la Propagande, nous accepterons la mission de Finlande. Nous y enverrons les Pères Buckx et van Gyssel» (AD B. 27/12).
4)
Les missions de Finlande. La présence scj en Finlande avait commencé en 1907 avec le P. Joannes van Gyssel. En 1909 y arriva aussi, entre autres, le P. Michel Hugo Buckx (cf. NQ XXXIV, note 12). Mais ils étaient considérés simplement comme des «missionnaires apostoliques» envoyés par le St-Siège, sans être reconnus ni par l’auto­rité civile ni par l’autorité ecclésiastique locale, parce que la juridiction sur toute la Finlande, à ce temps-là, était réservée à l’archevêque de Mohilev. Maintenant, au con­traire, le card. van Rossum proposait la fondation d’une mission avec une juridiction autonome. Le 8 juin 1920 on constitua donc le vicariat apostolique de Finlande et premier vicaire apostolique sera nommé Mgr Michel Hugo Buckx (1923-1934). Lui succéda Mgr Wilhelm Cobben, promu en 1955 évêque résidentiel de Helsinki, et après celui-ci, en 1967, Mgr Paul Verschuren (né en 1926; profès 1944; ordonné prê­tre en 1950; sacré évêque coadjuteur de Helsinki «cum jure successionis» en 1964).
5)
Vos chrétiens au Cameroun: Dans une lettre du 16.02.1921 adressée au P. Zicke qui était en Espagne, le P. Dehon écrit: «Le P. Plissonneau se fixe à Kumbo avec un autre Père. Il a trouvé vos chrétiens et vos catéchumènes bien courageux et bien fidè­les» (AD B. 19/3.1).
6)
Documents de la grande épreuve. Le P. Dehon parle souvent de ces documents et il en reproduit de longs extraits, par ex. dans ses NHV 8 (XIV), 175-178 et 183-186. Cf. aussi A. Vassena, «Cronistoria del Consummatum est», dans St.Deh. 21(1989), pp. 89-311 (elenco dei documenti). On peut voir aussi «Affaire de Rome» (AD B. 24/14­B). Et cependant on ne trouve pas «Mon appel à Rome».
7)
Mgr Sallua, commissaire du St-Office. Dans une lettre adressée à la Chère Mère, le P. Dehon dit qu’il a reçu une «bonne lettre de Mgr Sallua». Mais ce n’est pas la même dont on parle ici. Celle-là ne parle pas encore du Consummatum est; il faut donc la dater vers oct.-nov. 1883 (cf. AD B. 19/1.1).
8)
Humble travail de quête. C’est un problème dont le P. Dehon parle très souvent, même dans ses lettres. Le 6 mars 1921, par ex., il écrivait à Mgr Grison: «Je quête pour l’œuvre de Rome. C’est difficile. J’ai ramassé cent mille francs en huit mois» (AD B. 24/9.A). Le 14 avril encore: «A Rome on bâtit; 50 ouvriers me dépensent 2000 francs par jour» (AD B. 24/9.A). Et le 14 mai: «La quête ne va pas fort; je suis à 115.000 francs» (lettre à Achille Jossa) .
9)
Pourquoi le choix de St-Quentin: Le P. Dehon était porté à tout voir avec les yeux de la foi. Et donc il se laissait conduire à travers tous les événements avec confiance, surtout dans l’évaluation des «signes» de sa vocation de fondateur. Tout dans sa voca­tion a été disposé par la Providence; c’est une conviction souvent répétée dans les dernières pages de ses cahiers: «Nos règles, nos prières, notre directoire ne viennent pas de la terre» (NQ XLIV, 10). Même le choix de la ville de St-Quentin comme siège de la première fondation scj est vu par lui comme répondant à un dessein de la Providence. D’où la conclusion: «Aussi je tiens à ce que nous gardions nos maisons de St-Quentin» (ib.).
10)
François Xavier : c’est le P. François Xavier Lamour (cf. NQ I,494,18; 1,526,2).
11)
Le Consummatum est annoncé: Voir la lettre de la Chère Mère au P. Dehon, datée le 21.09.1883. Sur cette lettre le P. Dehon lui-même écrivit au crayon: «Annonce du Consummatum est» (cf. A. Vassena, St.Deh. 21(1989), pp. 295-298).
12)
Au sujet du Canada: Dans une de ses lettres au P. Falleur datée le 24 août 1921, le P. Dehon écrivait: «Pour le Canada, nous l’abandonnerons probablement. Le nou­vel évêque désire un clergé séculier» (AD B. 19/9a.1). Et le 26 août suivant, en écri­vant à Mgr Grison, il annonçait: «Nous supprimons probablement le Canada. Mais cela ne donnera rien pour vous» (AD B. 24/4.A).
13)
Fondation de Domois, diocèse de Dijon: Le 2 sept. 1921, le P. Dehon écrivait au P. Falleur: «L’évêque de Dijon demande une réponse immédiate pour Domois». Le P. Falleur, qui avait fondé l’école de Brugelette pour des jeunes un peu âgés, et donc avec des activités d’arts et métiers, proposa de transporter ces élèves à Domois, dans un orphelinat mis à disposition par l’évêque de Dijon. Ainsi ces élèves pouvaient ser­vir de surveillants et d’auxiliaires, tout en continuant leurs études. C’est ainsi que notre œuvre de Domois a commencé en 1921 (cf. «Le Règne», 1933, pp. 97-99).
14)
Fondation de Lanaeken: En 1921 le P. Kusters put acheter, dans ces endroits, une vieille maison de campagne qui, après la grande guerre, était restée tout à fait inoc­cupée. On dut travailler dur pour la rendre de nouveau habitable, mais en octobre 1923 les premiers élèves pouvaient initier leurs classes.
15)
Le collège St-Jean: «Nous essayons de faire revivre St-Jean», écrit le P. Dehon. Il avait chargé le P. Falleur de suivre sa reconstruction et il était impatient de voir son collège «se relever des ruines». Le 14 oct. 1920 l’architecte Edouard Bacquet lui répond qu’il est en train d’élaborer le projet, mais c’est pour une œuvre «sérieuse et non pas hâtive» (B. 98/3). Entre-temps la direction du collège est confiée à M. Rouchaussé, inquiet à son tour que «les travaux n’avancent pas et que M. Falleur va s’absenter» (lettre du 7.09.1921; B. 19/9a.i). Dans nos archives on a plusieurs lettres ou textes dans lesquels on peut lire des préoccupations du P. Dehon pour le St-Jean (cf. lettres datées 07.09.1921; 04.10.1921, etc.). Et en même temps plusieurs lettres des professeurs, des élèves et des familles des élèves au P. Dehon.
16)
La rentrée dans nos maisons est bonne. Le 28.09.1921 le P. Dehon écrit à Mgr Grison: «Nous avons de bonnes rentrées: 30 nouveaux à Tervueren; 70 à Bergen op Zoom; 10 à Clairefontaine; 10 à Thieu; 30 à Albino». Mais le total des élèves à Thieu était de 36; à Clairefontaine 43 et à Albino 100 (cf. lettres du 28 sept. et 26 oct. 1921).
17)
Article du P. Garrigou: Il s’agit du théologien Garrigou-Lagrange o.p.; l’article dont parle le P. Dehon a été publié dans les livraisons de novembre et décembre 1921, non en octobre. Il faut en conclure que même ces pages de NQ ont été rédigées vers la fin du mois de décembre 1921 ou bien au début de 1922.
18)
Une mission à Java: Le 30 décembre 1910, lorsque durant son voyage il était près de Sumatra, le P. Dehon avait écrit au Provincial de Hollande et au supérieur de Louvain qu’il avait voulu voir java parce qu’il y voyait «une place pour nos hollandais plus tard» (NQ IV,XXXI, note 18; et introduction au vol. IV). Maintenant la Propagande offre officiellement la possibilité d’une mission à java (lettre du card. van Rossum du 31 oct. 1921) et le 17 nov. suivant le P. Dehon écrit au P. Buckx, provincial de Hollande, pour l’informer de l’offrande qu’il a reçue. La nouvelle mission nous sera confiée par un bref le 27 déc. 1923 et ce sera non à java mais en Sumatra.
19)
Le culte de St Irénée. Le P. Dehon s’est intéressé beaucoup pour promouvoir ce culte. Pour les textes liturgiques de sa fête, cf. AD B. 17/6-44.
20)
J’ai consulté.. don Bosco: Cette rencontre du P. Dehon avec don Bosco est at­testée aussi par le vol. XVI de la série Le Memorie biografiche di San Giovanni Bosco, 1883, édition extracommerciale, au ch. V: «A Parigi: Udienze in casa Dénislhac». Voici le texte: «Uomini di Dio ricorrevano a don Bosco per consiglio, nella certezza che egli avesse per questo lumi soprannaturali. Uno fu l’abate Dehon. Questo piissimo sacer­dote della diocesi di Soissons si sentiva fin dal 1877 ispirato a fondare una Congregazione di preti che avesse per iscopo di risarcire il Sacro Cuore di Gesù con un triplice apostolato, cioè fra il clero secolare, in mezzo al popolo e nelle Missioni. Aveva già maturo in mente il suo disegno, quando intese che don Bosco era a Parigi. Per conoscere meglio i divini voleri, lo andò a trovare, gli espose i propri divisamenti e lo pregò di dirgliene il suo pensiero. Don Bosco gli rispose in tono sicuro e rassicu­rante: `La sua è certamente opera di Dio’. Appresso il Santo confermò quel suo giudi­zio parlandone con il segretario, che, avuta poi l’occasione di riferirne all’abate, lo rese doppiamente lieto. Egli è il fondatore della fiorente Congregazione dei Prétres du Sacré-Cœur de Jésus». De cette rencontre avec don Bosco le P. Dehon parle plusieurs fois; entre autres, dans ses «Souvenirs» (cf. L.C., p. 327; et aussi NQ XLV,23).
21)
Une lettre circulaire… comme un testament spirituel: C’est la lettre n. 30, «Le renou­vellement», pour Noël 1921. Point de départ pour sa réflexion est l’envoi du «catalo­gue de l’année» (l’Elenchus), avec la remarque que le nombre des membres de la Congrégation s’est accru d’une cinquantaine de profès. D’où le motif d’une pressan­te invitation non seulement au remerciement envers N.-S., mais aussi à un examen de conscience très sérieux pour rester toujours fidèles «à notre sainte vocation».
22)
Un Pape nous est donné. Il s’agit de Pie XI, élu le 6 février 1922. Aux sentiments et aux voeux que le P. Gasparri lui avait adressés au nom du P. Fondateur et de tout l’Institut (AD B. 1/A-5), le card. Gasparri répondit en s’adressant directement au P. Dehon pour l’assurer que Pie XI a été bien sensible à ces hommages et qu’il «n’igno­re pas le dévouement et l’attachement de notre Congrégation au St-Siège» (AD B. 1/A 6).
23)
Notre église de Rome est inaugurée. Dans une lettre aux demoiselles Baume le P. Dehon écrit: «Notre crypte est belle, elle a 500 places»… Le card. Vicaire l’a bénie et pour l’occasion le Pape a remis au P. Gasparri 10.000 francs et une belle recomman­dation (AD B. 4/A1-49).
24)
Le généralat à vie. Le 6 mars 1922 la Congrégation des Religieux, à la question si les fondateurs ou fondatrices pouvaient garder le «munus supremi moderatoris ad vitam», avait répondu «negative, nisi apostolicum indultum obtinuerint» (Acta Ap. Sedis, 1922,163-164). Le 21 mars le P. Philippe écrit au P. Gasparri: «C’est le cas pour le T.R. Père. Veuillez-vous vous informer s’il lui faut un indult ou si nous pouvons lais­ser les choses comme elles sont». Le 10 avril le P. Gasparri répond qu’il est possible d’obtenir un indult pour 12 ans, mais les consulteurs «résistent à le donner à vie car il faut recourir au St-Père et… ne veulent pas commencer à créer des précédents». Malgré ces difficultés, le 24 avril suivant notre Procureur présenta la demande à la Congrégation des religieux pour obtenir une «prorogatio muneris et sanatio» (prot. scj, vol. I, p. 65). Mais le préfet des religieux card. Valfré Di Bonzo donna una répon­se négative, datée le 11 juin. Entre-temps le préfet des religieux est changé et alors le P. Gasparri, le 8 juillet suivant, parle d’un nouveau recours et il explique: «C’est le cardinal (préfet) qui doit le demander au St-Père et maintenant nous avons, en le card. Laurenti, un grand ami». La nouvelle demande est présentée le 11 juillet, et immédiatement arrive la réponse «positive», datée le 18 juillet 1922 (Archives scj, 3-A­30; inv. 643).
25)
Lavisse Emest: cf. I,510,116; I,549,18; et aussi «Correspondance»I,510.
26)
L’abbé Félix-Marie-Elio Genty: Né en 1799, engagé dans les campagnes d’Espagne en 1823 et de la Belgique contre les Hollandais en 1831, en 1835 il est ordonné prêtre et nommé vicaire à St-Quentin la même année. Et donc confrère et très lié au P. Dehon. C’est pourquoi en 1885 il a voulu fêter ses noces d’or au St-Jean et il a illustré l’événement par une petite brochure, sous le titre: «Les noces d’or de M. l’abbé Genty», St-Quentin 1885, pp. 62, prix 50 centimes (cf. AD B. 88; St.Deh. 20,p. 13).
27)
Mathias Joseph Legrand: Né en 1849, profès en 1881 et prêtre en 1884. Il a été longtemps supérieur de la maison de Fayet (1884-1903) et aussi «consulteur général» (1888-1919). Il est mort le jour après le P. Dehon, 13 août 1925.
28)
Publication des «Études du Sacré-Cœur». C’est en octobre 1922. Le P. Dehon aime à souligner les scrupules du chanoine censeur de Bruges, étonné du fait que le Sacré­-Cœur, dont la vieille théologie disait si peu de chose, maintenant puisse éclairer et dominer toute la Révélation!
29)
«Depuis 1888 c’est la période apostolique qui a commencé» pour la Congrégation. C’est une affirmation remarquable, surtout parce qu’elle nous vient du Fondateur lui-même, et qu’elle n’est pas suffisamment soulignée par les biographes. Tout le monde connaît l’activité pastorale et même sociale très intense de notre Fondateur de 1871 à 1877, lorsqu’il était vicaire à St-Quentin. Après cette date on a comme un virement vers l’intériorité qui finit par considérer l’apostolat presque «contraire» à son nou­veau projet de vie. Le 12 mars 1880, par exemple, au cours d’une conférence qu’il donne aux novices, il affirme: «Nous sommes adonnés à la vie contemplative beau­coup plus qu’à la vie active, qui ne sera jamais qu’accidentelle dans notre vocation» (C.F. 1,74; St.Deh. 10, p. 39). A partir de 1888, au contraire, il commence à multiplier les œuvres apostoliques de sa Congrégation (paroisse St-Martin; la mission de l’Équateur; la responsabilité pastorale de Val-des-Bois etc.), ainsi que les initiatives personnelles (fondation de la revue «Le Règne»; participation active aux congrès en France et ailleurs, congrès de spiritualité, d’arguments sociaux, etc.). Les années entre 1888 et 1903 représentent vraiment la période de sa plus mûre et riche fécon­dité sociale et spirituelle.
30)
Le 2 février me rappelle. Cette date est très importante et très chère au P. Dehon. C’est une date qui lui rappelle «les grâces mystiques de 1878». On peut les appeler «illuminations» ou «lumières d’oraison» très profondes. Il expose plus en détail de longs extraits de ces lumières d’oraison dans ses NHV XIII,72 (Soeur Marie-Ignace), et XIII,74 (liste des thèmes de ses communications). Mais cf. aussi NQ XXXIX, note 25.
31)
Trois professions en Espagne. Il s’agit de la profession des trois premiers religieux scj espagnols: Pedro Canto, Rufino De Castro et Roberto Bransiepe (cf. le livre «Guillermo Zicke: et hombre que dijo si», p. 163). Le P. Dehon, dans une lettre datée le 16.02.1923, commente: «Notre petit groupe espagnol a bon esprit. Ils s’appellent… les prêtres réparateurs, Sacerdotes Reparadores. Le P. André aurait aimé ce nom» (AD B. 4/A1-49b2).
32)
De nouvelles missions: Le 13 avril 1923 le card. van Rossum demande au P. Dehon s’il peut accepter une mission «in amplissimo territorio sinensi» (Archives scj, I/D-59). Le P. Dehon le désirait beaucoup. Mais à cette date il n’en avait pas la possi­bilité, ni financière ni de personnel.
33)
Le jour de mes 80 ans: C’est une date mémorable. Le P. Dehon se voit comblé «de témoignages de sympathie et de bienveillance». Dans nos archives on garde nom­breux témoignages: le bref du Pape Pie XI (AD B. 17/3-46); lettre du card. Gasparri, secrétaire d’Etat (ib. 45); lettre du card. van Rossum, préfet de Propaganda Fide; let­tre du card. Laurenti, alors secrétaire de la congrégation des Religieux; lettre de l’évê­que de Soissons Mgr Binet, etc.
34)
Bref du Pape pour son 80e anniversaire. Le P. Dehon en est ému. «C’est beaucoup plus que je ne mérite», écrit-il (NQ XLIV,73). Il cite ensuite le texte complet de ce bref papal (NQ XLIV,133), dans la liste des «signes» qu’il considère comme les «fon­dements divins» de son Œuvre.
35)
Le journal «La Libre Belgique» de Bruxelles participe à ces célébrations des 80 ans du P. Dehon en publiant, en toute première page, un long compte rendu du livre que vient de publier le P. Jeanroy sous le titre Vingt-cinq ans de mission au Congo: Histoire de la mission des Falls. C’est un article superbe, étalé sur deux colonnes, signé par Georges Goyau, de l’Académie française (une photocopie dans AD B. 53.3).
36)
Brochure sur l’église de Rome. Le Comité dont parle le P. Dehon, pour faire con­naître l’initiative de notre église de Rome et solliciter l’adhésion d’autres bienfaiteurs, a édité une brochure sous ce titre: «Temple votif international pour la paix en l’honneur du Sacré-Cœur à Rome» (siège du Comité: viale Mazzini 14, Rome). C’est une bro­chure très bien soignée, pour illustrer le but et les projets du temple. On y trouve, entre autre, la description artistique et des illustrations du temple; le discours pro­noncé par le P. Dehon lors de la pose de la première pierre; et surtout une longue liste des souscripteurs (AD C. 6/E,2).
37)
Notre bonne Soeur Ig.: Le P. Dehon cite ici la phrase d’une lettre qu’il vient de recevoir de Sr Marie-Ignace: une Soeur qu’il a toujours suivie et aussi écoutée dans un esprit de foi humble et sincère. On garde cette lettre dans AD (inv. 177.16).
38)
Progrès des missions: On constate vraiment avec joie qu’au cours de cette année 1923 il y a eu des progrès considérables dans nos missions. Le 14 mai, le P. Dehon lui-même félicite Mgr Buckx de sa promotion: préconisé évêque titulaire de Doliche (en Syrie) et vicaire apostolique de Finlande (AD B. 18/14-8; et B. 24/9-A); le 13 juin, le card. van Rossum écrit au P. Dehon pour lui communiquer l’érection de la nouvelle préfecture apostolique de Gariep dans l’Afrique méridionale (Archives scj, prot. n. I­E-3; inv. 260) et le mois suivant on a l’annonce officielle que le P. Fr. Demont est nommé préfet apostolique de Gariep (Archives scj, prot. n. I-E-6; inv. 263); et enfin, le 15 décembre 1923, on a l’érection, dans l’île de Sumatra, de la nouvelle préfecture apostolique de Benkoelen, confiée aux Prêtres du Sacré-Cœur (Lettre Propagande, du 10.01.1924). Préfet apostolique de cette préfecture de Benkoelen est nommé le P. Henri Smeets scj (ib., B. I-E-9; inv. 266).
39)
La belle lettre du Pape Pie XI: Le texte de cette lettre a été édité à page 4 de la brochure «Temple votif international», cité dessus (cf. note 38).
40)
Nous allons commencer à La Capelle: Le P. Dehon était d’avis qu’il fallait rentrer en France pour favoriser le recrutement. Depuis 1919 l’école apostolique St-Clément était à Thieu (Belgique). Pour commencer ce retour en France il avait songé d’abord de transférer l’école St-Clément à Liesse (cf. AD B. 19/9.2.1: «Que faire pour St-­Clément? Peut-être Liesse»). Maintenant, 1923, il penche plutôt pour La Capelle. C’est là qu’il est né et a vécu son enfance (cf. XLIV,10; 79; 80; etc.).
41)
La nuit de Noël 1855: Quelquefois le P Dehon indique la nuit de Noël 1855 comme date à laquelle il aurait entendu pour la première fois l’appel à la vocation au sacerdoce (cf. aussi NQ XLIV96!). Mais d’après ses NHV (1,26) c’est pendant la seconde année d’Hazebrouck, donc à Noël 1856, que comme enfant de choeur il alla à la messe de minuit chez les Capucins. Et il ajoute: «Je reçus là une des plus fortes impressions de ma vie» (NHV I,26r).
42)
Chollet: «auteur du beau volume «Nos morts»», cf. ci dessus NQ XLIII, note 3.
43)
St-Jean collège «congréganiste»: Les collèges dirigés par une congrégation reli­gieuse n’étaient plus autorisés. Par des officiers civils le St-Jean était jugé appartenir à une congrégation religieuse!… De fait c’était le P. Falleur l’économe chargé de la construction du nouveau St-Jean. Et le 8 mars 1923 Mgr Binet, dans une lettre au P. Philippe, lui demandait s’il ne pouvait destiner d’autres scj au collège. Le P. Dehon lui-même s’intéressait à sa reconstruction comme si c’était son œuvre à lui (cf. lettres à Falleur, 06.07.23; au P. Paris, 20.10.23: «c’est une œuvre ressuscitée»). Et le 24.04.24 il conseillait à Mgr Binet, qui lui avait proposé de nommer le P. Falleur recteur de St­-Jean: «Quant à M. Falleur, laissons-le dans sa simplicité. Mieux vaut ne pas attirer l’at­tention sur lui. A St-Quentin tout le monde l’appelle l’abbé Falleur. Il pourra figurer sous ce nom, au prochain Ordo, comme économe de l’institution, si vous le jugez à propos» (AD B. 24/15.3).
44)
Nos Constitutions nouvelles: Le 6 juillet 1923, le St-Siège avait accordé l’approba­tion définitive de nos Constitutions (cf. ci-dessus, XLIV,79). Elle arrive après «45 ans d’efforts» et «à travers mille difficultés et contradictions» (XLIV,97). Et quand même le P. Dehon écrit: «Grande grâce… Nunc dimittis » (XLIV,79). Maintenant, mai 1924, ces Constitutions sont imprimées et promulguées. Quelque mois avant cette date, le 31 janv., il avait écrit à Mgr Grison: «Nous avons reçu nos Constitutions de Rome, on les imprime, il n’y a rien de changé pour l’esprit de l’œuvre; il y a seulement quel­ques modifications dans la partie administrative pour se conformer au Codex» (AD B. 24/9-A).
45)
Je reviens de St-Quentin: Le 18 mai 1924 Mgr Binet vient «bénir le nouveau collè­ge St-Jean. Solennité imposante… nombreux discours». Le P. Dehon ne pouvait pas y manquer. Il a pu revoir beaucoup de ses anciens collaborateurs et élèves. Le bulletin «L’Aigle de St Jean» a dédié à cet événement tout le numéro unique de janvier juin 1924 (Doc scj, 26).
46)
Leclercq nous dénonce comme un Judas: C’était Bernard Alphonse Leclercq du Vauchel. Il avait été admis au postulat le 7 oct. 1881 et sortit le mois d’août suivant sans avoir émis les voeux. En 1883 il conduisit une campagne de dénonciations et de calomnies contre le P. Dehon tant auprès de la préfecture que de l’évêché (cf. NHV 8(XIV), 106 et 129).
47)
Je reçois une lettre de M. Berne. Le P. Dehon rappelle assez souvent ses «ardentes campagnes sociales» et surtout la période entre 1893 et 1903. L’occasion, cette fois-ci, lui est donné par une «excellente lettre» qu’il reçoit de son ami Victor Berne, «apôtre et Mécène des œuvres sociales de Lyon» et directeur de «La Chronique du Sud-Est» à laquelle il avait assuré sa collaboration pendant une dizaine d’années. La lettre est datée le 28 juillet 1924. Le P. Dehon aussi la cite à conclusion de ce mois, même si elle pourrait lui être arrivée quelques jours après (cf. même remarque ci-dessus, XLIV, 28, note 18). Voici quelques passages de la lettre: «Très cher Monsieur Dehon, il faut absolu­ment que je vous adresse un mot affectueux, reconnaissant, heureux! Il y a si longtemps que je suis muet avec vous… Vous voudrez bien m’excuser, très cher ami Dehon. Mais c’est une vraie joie pour moi de vous renouveler nos vieux sentiments d’affectueuse reconnaissance. Vous avez été si bon pour moi, pour nous! C’est un bon passé inoublia­ble qui revient à mon esprit, à mon cœur. Il fut si délicat, si utile, si bienfaisant. Ne m’oubliez pas auprès du bon Dieu, cher et excellent ancien collaborateur de «la Chronique». Nous avons quand même grandi. Aujourd’hui s’ouvre à Rennes notre «Semaine Sociale» qui sera, je crois, un grand et utile succès renouvelant ma joie de Grenoble de l’année dernière» (Victor Berne).
48)
Le magnifique bref du Pape. cf. ci-dessus, dans ce même cahier, note 36. Mais le P. Dehon, après avoir reçu le texte du bref, le reproduit ici, avec ce petit commentai­re: «C’est bien l’œuvre de Dieu qui a été ainsi louée, encouragée et approuvée par son Eglise».
49)
Nous fondons notre Maison-mère à Rome. L’autorisation de Léon XIII pour la rési­dence de notre procureur à Rome date du 6 nov. 1891. L’installation de la commu­nauté scj en viale Mazzini 14 eut lieu le 1er nov. 1922. Maintenant on est à la fin de novembre 1924. Il s’agit tout simplement de la décision de transférer la Curie généra­le à Rome, dans la nouvelle maison de viale Mazzini, qui venait d’être terminée (cf. NQ XLV,14).
50)
J’écris 300 pages pour un Guide. On parle souvent de ce Guide pour les pèlerins, en vue de l’année sainte 1925. Le 28 juillet 1924, par ex., le P. Gasparri écrit au P. Dehon: «Le Guide doit être prêt pour novembre. Je voudrais savoir de vous si, une fois prêts les manuscrits, vous pouvez trouver quelque Père qui puisse le traduire en bon français, anglais, hollandais, allemand. Si je réussis c’est très important, car sur la première page il y aura le temple et puis toute une description de la propagande. Je suis sûr du succès car le mouvement des étrangers est dans les mains de l’Union féru. catholique». Le jour après il désire savoir «dans quelles langues vous pensez faire tra­duire le Guide». Dans une autre lettre, datée le 29 octobre, il dit d’avoir reçu les pre­mières traductions et, dans une autre encore, que l’on suppose également du mois d’octobre, il annonce: «Le Guide est à l’imprimerie». Dans nos archives scj on garde aussi une annonce publicitaire par laquelle le P. Gasparri explique que ce guide a été édité en sept langues et qu’il est en vente dans toutes les librairies catholiques de la ville au prix de Lires 7,50. Le P. Dehon à son tour, dans un petit billet daté 13 déc. 1924, et adressé au P. Gasparri, écrit: «Je désire 40 guides français, 2 anglais, 2 espagnols. Amitiés». Mais malgré tous ces renseignements, on ne trouve pas dans nos Archives deho­niennes un Guide de Rome sous le nom de notre Fondateur. Et cependant on y a 4 exemplaires d’un Guide dont les caractéristiques sont les mêmes que nous venons de décrire. De ces 4 exemplaires, deux sont en italien et leur titre complet est: Roma, visitata in dieci itinerari. Guida pratica per pellegrini e turisti (S/914.51; B.543 et Cz.210). Le premier de ces deux exemplaires est édité par les soins du «Comitato del Tempio votivo internazionale della Pace», Roma, Viale Mazzini 14; mais il faut noter que, par­mi les encarts publicitaires, insérés à la fin du volume, il y a una page intitulée Opere di A.D. Tani, et parmi les titres de cette série il y a aussi une «Nouvelle Guide de Rome» (sic!) (1922), ouvrage réédité en 1925 en italien, anglais et espagnol. Mais le deuxième exemplaire italien du Guide qui nous intéresse n’est plus tout à fait anony­me; il est édité par la «Casa Editrice Roma», encore aux soins du Comité etc., mais on signale aussi le nom des «compilatori»: A. Martire et E. Tani. Ces mêmes indications on les voit aussi dans le frontispice des exemplaires français et anglais. On peut en conclure que ce Guide a été projeté et suivi par L. Dehon et O. Gasparri; la plupart des textes ont été empruntés au Guide de Tani; et la compilation rédactionnelle est de l’on. E. Martire.
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