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Manuscrits sur la question sociale
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AD 38.21: B 6/5.21

L'EGLISE ET LE PEUPLE

=====Esclaves Serfs Corporations Œuvres

pages 1-16 (résumé)

- Le point de départ

- L'humanité était inconnue

- Pompeï

- L'ouvrier sous le paganisme

- Esclaves

- Le monde était à renouveler

- L'Eglise et les œuvres de charité

- L'Eglise et l'esclavage

- Depuis l'invasion des Barbares jusqu'à la Renaissance

- Le servage

- Le mouvement communal et corporatif

- Histoire des corporations

p. 17:

Que font aujourd'hui nos prêtres des paroisses? Ils s'occupent surtout des ouvriers et des leurs enfants, des pauvres et des malades. S'ils n'avaient ces misères à visiter, à consoler, à secourir, ils n'auraient pas de raison d'être. Les riches ont moins besoin d'eux. S'ils visitent les riches, c'est le plus souvent dans l'intérêt des pauvres.

Et nos Frères, nos religieux, nos religieuses, à qui consacrent-ils leur vie? Je les vois dans les petites écoles de nos villes, de nos campagnes, de nos vil­lages, dans nos orphelinats, dans nos colonies agricoles, instruisant vos enfants, leur apprenant à aimer Dieu et à vous aimer, et à gagner plus tard honnêtement leur pain quotidien.

Je vois nos religieuses dans nos providences, dans nos refuges, dans nos hôpitaux, auprès de vos pauvres, de vos infirmes, de vos vieillards et de vos abandonnés.

(p. 18) Je vois nos Petites Sœurs des Pauvres, partant chaque matin, deux à deux, de leurs deux cent soixante douze maisons, allant frapper à toutes les portes, par tous les temps, et quêtant la nourriture, le vêtement, le chauffage, et tout le bien-être possible pour leur trente quatre mille vieil­lards, qui sont aimés par leurs bonnes mères, comme ils ne le furent jamais dans leur propre famille.

Ces Frères, ces Sœurs, toujours auprès de vos pauvres et de vos en­fants, font bien ce que J. C. leur a commandé. Ils vivent comme lui avec les déshérités des biens de la terre et ne sont pas infidèles à leur mission.

Tous les jours, malgré des difficultés innombrables et presque invinci­bles, nous créons de nouvelles œuvres. Nous faisons pour les soutenir des efforts surhumains.

Socialistes et radicaux nous parlent à l'envi de leur amour pour les humbles et les déshérités. (p. 19) J'y veux bien croire. Ils annoncent bruyamment le dessein de leur venir en aide, de supprimer les lourdes inégalités qui pèsent sur eux - ceux-ci par une réforme, ceux-là par une transformation complète de la société. Tout en tenant les moyens pour chimériques et dangereux, j'applaudis à de si généreuses pensées.

Mais en attendant?

Ni socialistes, ni radicaux n'ont encore supprimé la vieillesse aban­donnée et misérable de l'ouvrier qu'a usé le travail.

Ni socialistes, ni radicaux n'ont encore trouvé le secret d'assurer, en tout temps, au travailleur chargé de famille, un salaire pour lui et pour ses mioches.

Ni socialistes, ni radicaux n'ont encore découvert le moyen de supprimer le chômage; ils ont plus facilement trouvé le moyen de le faire naître.

Et s'ils ne savent pas pourvoir à toutes ces misères, il faut bien que d'autres s'en chargent.

(p. 20) Ces autres, ce sont bien souvent des frocards, des nonnes. Ce sont des Petites Sœurs qui recueillent les vieux, des Frères qui élèvent les orphelins, des Sœurs de charité, portant de mansarde en mansarde l'aumône qui empêche de mourir et les paroles qui font vivre.

Il vous sied bien de poursuivre de votre haine et de vos vexations ces hommes et ces femmes qui font pour vous une besogne que vous ne fai­tes pas! de les entraver, de les paralyser, d'arracher de leurs mains le pain qu'ils portent à ceux que vous prétendez aimer!

J. C. disait aux juifs: «J'ai fait au milieu de vous beaucoup de belles œuvres au nom de Dieu: pour laquelle me lapidez-vous»?

Nous aussi, catholiques, nous faisons de belles œuvres: nous nourris­sons vos pauvres, (p. 21) nous élevons vos orphelins, nous servons vos malades, nous faisons de vos enfants de bons chrétiens et de bons fran­çais, nous ouvrons d'innombrables asiles à vos vieillards; nous vou­drions égaler notre charité aux misères qui la sollicitent. Au moindre si­gne nous volerions au bout du monde pour soigner nos frères. A-t-on ja­mais fait vainement appel à notre dévouement dans les pestes, dans les famines, dans les fléaux?

Pour laquelle de ces œuvres nous faites-vous une guerre incessante? Et bien! c'est parce que l'Evangile et ses lois de justice, d'honnêteté, de pudeur, de loyauté et de tempérance vous gênent. «Deum negat cui expedit Deum non esse» (S. Aug.).

- En 1792 plus de 1800 hôpitaux et 700 étab. charitables devaient leur existence à la charité particulière. La Révolution les priva de 30 mil­lions de revenus (Hubert Valleroux, Mém. à l'acad. des sciences).

L'article «Les habiles du socialisme»

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Mais, pour séduire cette masse de citoyens qui, bien loin d'être divisés en classes distinctes et ennemies, comme à Rome, va, par une suite de différences presque insensibles, du plus modeste ouvrier au plus riche grand seigneur, le socialisme emploie d'autres formules et fait d'autres promesses.

Lesquelles? Ecoutons ces nouveaux orateurs. Ce sont d'ordinaire des radicaux que la dislocation de leur parti a mis en disponibilité. Leurs troupes sont passées avec armes et bagages au socialisme, ils courent après elles et s'efforcent de les rattraper. A les entendre, la propriété et la liberté du travail n'ont jamais eu de défenseurs plus convaincus qu'ils ne le sont eux-mêmes; ils proclament que la propriété individuelle et la liberté du travail sont les deux colonnes du temple social; ce sont elles qui le soutiennent, et ils se feraient hâcher menu plutôt que de les laisser ébranler. Mais, en même temps, ils sont trop bons républicains pour n'avoir pas l'âme sensible. D'ailleurs, ils ne seraient pas dignes d'être représentants du peuple; s'ils ne sacrifiaient pas tout aux intérêts du peuple. Et que veut le peuple? L'égalité, c'est-à-dire la justice. Sans doute, il y a des inégalités qui viennent de la nature et auxquelles il n'y a pas de remède. Mais celles qui tiennent à l'organisation de la société peuvent être modifiées par une organisation meilleure. Est-il juste que la vie soit pour les uns une suite presque ininterrompue de distractions et de jouissances, quand elle est pour les autres une chaîne sans fin de tour­ments et de maux? S'il y avait une loi qui ordonnât une telle iniquité, el­le serait mauvaise et il faudrait la réformer. Mais il n'y en a pas et ces inégalités intolérables sont un reste de l'antique barbarie. Qu'a fait la bourgeoisie en 1789? Elle a forcé l'aristocratie à rentrer dans ses rangs. Mêlées ensemble, elles ont depuis cent ans gouverné pour elles-mêmes et dans leur propre intérêt. Elles se sont attribué tous les avantages du pac­te social et elles en ont laissé les charges aux prolétaires. Ceux-ci voient clair maintenant dans cette étrange répartition. Ils ne veulent pas faire contre la bourgeoisie et l'aristocratie, coalisées, ce que la bourgeoisie a fait en 1789 contre l'aristocratie; ils ne diront pas qu'elles se sont en­graissées pour le sacrifice; ils respecteront leurs biens, même acquis par une iniquité; ils se contenteront de quelques modifications dans l'assiette de l'impôt. L'impôt, étant proportionnel, pèse nécessairement sur le grand nombre; ce n'est pas juste. Il doit être progressif, afin d'être ac­quitté par ceux qui ont le mieux le moyen de payer. Celui qui a 2,500 fr. de revenus se gêne plus en donnant le dixième de son revenu que celui qui a cent mille livres de rente en en sacrifiant le quart. La liberté du tra­vail n'est qu'un leurre; la lutte n'est pas égale entre le patron, qui peut attendre, et l'ouvrier que la faim aiguillonne; la liberté du travail doit donc être réglée. Enfin, la vieillesse a ses droits, comme l'enfance. Celle­ci a besoin d'instruction, et l'Etat la lui donne: celle-là veut du repos et du pain, et l'Etat les lui doit. Les gros héritages ont été formés par la len­te accumulation du travail populaire, il est juste de leur demander les sa­crifices nécessaires pour assurer une retraite à tous les travailleurs. Ain­si, respect de la liberté du travail et de la propriété, parce que ce sont des principes sacrés. Mais, comme le dit un publiciste, en résumant d'un mot ce socialisme hypocrite: «C'est une organisation du travail laissant subsister la liberté individuelle, avec une réglementation à outrance comme cœrcitif, et la propriété privée, tempérée par un système énergi­que d'impôts». (Très bien! Très bien! et vifs applaudissement).

M. Barboux déclare que chacun des points de ce programme doit être, dans la campagne de l'Union libérale, l'objet d'un examen spécial, et cet examen sera fait par l'Union libérale, non pas au point de vue d'abstrai­tes théories, mais en s'appuyant sur ces données certaines que l'expé­rience et la pratique fournissent et que le contribuale et l'ouvrier peu­vent eux-mêmes contrôler.

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