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LES OPPORTUNITES DU REGNE DU SACRE-CŒUR

Il faut rétablir le règne de Jésus-Christ, ébranlé depuis plusieurs siècles par les légistes, la renaissance, le protestantisme, le rationa­lisme, la révolution et le libéralisme. «Il faut que le Christ règne», c'est le cri de tous les catholiques, c'est le but d'une foule d'œuvres, c'est la conclusion des lumineux enseignements du Saint-Siège. Il faut que le Christ règne dans les sociétés, dans les familles, dans les lois, dans l'enseignement, dans les mœurs. C'est la condition de la prospérité et de la paix, c'est la manifestation de la vérité, c'est le droit de Dieu.

Mais pourquoi parler du règne du Sacré-Cœur? Pourquoi ce nom nouveau? Pourquoi cette doctrine mystique?

Nous répondons à cette objection.

  • I

Il faut que le culte du Sacré-Cœur de Jésus, commencé dans la vie mystique des âmes, descende et pénètre dans la vie sociale des peuples. Il apportera le souverain remède aux maladies cruelles de notre monde moral.

Quelles sont donc les causes de nos souffrances si aiguës dans notre vie, tant sociale que privée? Dans les esprits, c'est l'apostasie des uns et le laxisme des autres, - dans les volontés, c'est la timidité, la lâcheté et la désespérance - dans les cœurs, c'est la haine ou l'indifférence substituées à l'amour.

- Un mal grave et très répandu dans les esprits, disons-nous, c'est l'apostasie de la foi. C'est assez éclatant. Pour les sociétés, c'est un mal absolument nouveau mais déjà vaste et profond. L'Etat sans Dieu, l'Etat athée, l'Etat laïque, c'est là une invention de notre temps. C'est une hérésie certaine, cette erreur sera un jour censurée comme telle par l'Eglise.

L'erreur est logique et l'apostasie nationale descend dans tous les organes de la vie sociale, elle veut écarter Dieu de la loi, de la justice, de l'armée, de l'enseignement, de la bienfaisance elle-même.

A côté de cette apostasie sociale, combien de douloureuses aposta­sies privées!

Quel spectacle que celui de la capitale suivant les restes du poète apostat jusqu'au temple profané!

Combien d'apostasies audacieuses qui se manifestent avec éclat dans la presse ou à la tribune, et s'affirment jusqu'aux portes de la mort! Et si nous prêtons l'oreille aux conversations de la rue, de l'atelier, des lieux de réunion ou même du foyer de la famille ne serons-nous pas épouvantés? et n'aurons-nous pas le droit de nous écrier: Quel siècle fut jamais plus fécond en apostasies?

Si encore ce qui reste de chrétiens était ferme dans la foi! Mais non, beaucoup sont entamés par le mal contemporain et manifestent un écœurant laxisme dans la foi. Qu'elle est nombreuse la foule de ceux qui ne voudraient pas renier leur baptême, mais qui rougissent dans la vie publique du nom de catholiques et s'intitulent timidement conservateurs et libéraux! Ils sont partisans de l'abstention de la foi dans la vie publique et ils ne sont pas loin d'oublier cette foi jusque dans la vie privée.

Eh bien! je le demande, comment remontera-t-on un pareil courant? Comment apaiser Dieu irrité par ces apostasies? Comment ranimer ces faibles et rendre à la foi sa vigueur? Ne faut-il pas à cette immense désertion opposer toutes les hardiesses et tous les courages de la foi la plus pleine? On nie le Christ ou on rougit de lui, levons le drapeau du Sacré-Cœur. Opposons cet excès de la foi, si on peut l'appeler ainsi, à toutes les négations de l'apostasie et à toutes les trahisons du laxisme. Dieu alors pourra nous pardonner et les faibles dans la foi retrouveront la lumière.

- Dans les volontés, le mal de ce temps c'est la timidité, la lâcheté, la désespérance. On ne vit en aucun temps rien qui approchât de l'immense respect humain qui a envahi toute la société contemporai­ne. Il nous a été donné de parcourir des régions diverses de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique. Partout on prie et partout on est manifestement religieux. En France, on cache sa religion comme une honte. J'ai eu la douleur d'entendre les populations simples et naïves de certaines régions de l'Orient dire avec étonnement et scandale: La France est un peuple qui n'a pas de Dieu.

A côté de ce respect humain des masses il y a la désespérance des meilleurs. «Il n'y a rien à faire», «on ne remontera pas ce courant», voilà les lâches résolutions qu'il faut entendre. Comment rendre à tout ce monde le courage et l'espérance? Gédéon et les Machabées se sont vus en présence de masses sans courage, ils ont combattu avec une poignée d'hommes fidèles et confiants et ils ont rendu la vie et le courage à leurs peuples. Arborons le drapeau du Sacré-Cœur, la simplicité de notre foi enhardira les faibles et puis ce signe sacré porte avec lui l'espérance. Il redit tout l'amour du Christ pour les âmes et pour les sociétés. Lui seul peut rendre le courage à toute une société languissante. C'est le signe éminemment opportun.

- Dans les cœurs le mal contemporain va de l'indifférence à la haine. Que de progrès a faits la haine du Christ, depuis qu'elle a été formulée par ces mots de Voltaire: «Ecrasons l'infâme!». On sent qu'elle bouillonne dans les loges maçonniques. Elle se répand par la presse, par les livres, par mille journaux de Paris et de province. Elle a gagné les ouvriers et les enfants qui doivent tout au Christ et à l'Eglise. Les uns et les autres, saturés de cette haine, ne manquent pas l'occasion de l'exhaler quand ils rencontrent le prêtre. Elle a conquis le gouvernement depuis dix ans. Le Christ, bienfaiteur des sociétés, est tenu pour leur ennemi. Une guerre ouverte lui est déclarée. Il est poursuivi, traqué, chassé de partout, de l'école, de l'hospice, du tribunal, du cimetière. On voudrait effacer son souvenir de la législation, de la diplomatie. La haine, ici comme toujours, amène la déraison: on voudrait éloigner le Christ de l'histoire et de la littérature même. Bientôt il ne manquera plus à ces modernes Titans qu'à escalader le ciel pour en arracher Dieu.

Mais l'indifférence des masses n'est-elle pas encore plus attristante pour le Christ que cette haine inspirée par le démon? Où est la logique de la raison, où est surtout la fidélité du cœur dans ces vies qui sont à peu près chrétiennes jusqu'à la première communion et pratiquement athées depuis ce grand jour jusqu'à la mort? Et n'est-ce pas là maintenant la façon de faire la plus commune en France?

Pour comprendre l'amertume que doit causer à Notre-Seigneur cette attitude de ceux qui sont devenus ses amis par le baptême, il faudrait posséder la délicatesse et la perfection du cœur de Notre­-Seigneur. Comment réchauffer tant de cœurs glacés? Les moyens ordinaires y suffiront-ils? Non, évidemment, il faut une grâce plus abondante pour réparer ces abus de grâces, un appel plus touchant pour attendrir ces cœurs de pierre. Le Cœur de Jésus peut seul rendre à la terre la charité qu'elle a perdue. Lui seul regagnera le cœur des masses, le cœur des ouvriers, le cœur des jeunes gens et cette nouvelle conquête des cœurs est manifestement commencée avec le règne du Sacré-Cœur.

  • II

Le Cœur de Jésus n'est-il pas seul aussi capable de répandre sur le monde les richesses de grâces qui doivent opérer les merveilles annoncées pour l'époque du plein épanouissement de l'Eglise? Il n'y aura plus qu'un troupeau et qu'un pasteur, c'est la promesse de Notre-Seigneur. Dieu veut donner à son Fils toutes les nations en héritage, c'est l'annonce des prophètes. Cela peut-il se faire autre­ment, que par un nouveau débordement d'amour du Christ qui gagne les cœurs trop lents à se donner? Le bienheureux Grignon de Montfort, méditant sur ce mystère de l'avenir, en voyait la solution dans un renouvellement de la fécondité spirituelle de Marie et dans une nouvelle effusion de l'esprit d'amour.

Il appelait de tous ses vœux cette nouvelle intervention de Marie qui se produit avec éclat dans le réveil universel de la dévotion à cette divine Mère, réveil provoqué surnaturellement par les bienfaits qu'Elle nous prodigue à Lourdes et ailleurs.

«Quand viendra, disait ce Bienheureux dont nous rappelions déjà les paroles dans notre premier numéro, quand viendra ce déluge de feu du pur amour que l'Esprit-Saint doit allumer sur toute la terre d'une façon si douce que toutes les nations, les Turcs, les idolâtres, les juifs même en brûleront et se convertiront?».

Il est venu ce déluge de feu, il commence, c'est le règne du Sacré-Cœur. La Vierge immaculée et le Cœur de Jésus ne vont-ils pas chez les peuples idolâtres, chez les hérétiques et les schismatiques, et jusqu'au centre de l'islamisme réveiller ces populations assoupies et leur dire: Voyez comme Dieu est bon dans l'Eglise du Christ, comme le Christ et sa Mère sont aimables! C'est là le secret des conversions qui se manifestent partout. C'est le règne du Sacré-Cœur qui réalisera la grande unité du troupeau de l'humanité chrétienne sous un même pasteur.

- Et les juifs, demeurés incrédules comme Thomas, qui les touchera? qui les ramènera au Christ avant la fin des temps? Le Cœur de Jésus, lui seul triomphe des incrédulités les plus tenaces. Lui seul a convaincu l'apôtre saint Thomas. Lui seul gagnera les juifs, comme nous le laissent entendre les prophéties bibliques: Videbunt in quem transfixerunt. Ils regarderont enfin le Cœur qu'ils ont percé et ils seront touchés. Les juifs ne causent-ils pas aujourd'hui par leur puissance une véritable panique en Europe? Qu'y a-t-il donc à faire sinon de hâter le règne du Sacré-Cœur qui doit les gagner à Jésus-Christ?

- Et cette séduction immense qui doit tenter les fidèles dans les derniers siècles de l'Eglise, n'est-elle pas largement commencée? Qui a perverti et trompé nos populations? N'est-ce pas la séduction des sens, la séduction du progrès et du bien-être, la séduction de la science, la séduction de la littérature?

Comment pouvons-nous espérer que les âmes résisteront à cette séduction multiple et resteront fidèles au Christ! Il faut pour cela que la séduction du bien contrebalance la séduction du mal. Cette séduction puissante et victorieuse du bien peut-elle être exercée plus efficacement que par le Cœur infiniment aimable de Jésus et par Marie immaculée?

Le règne du Cœur de Jésus est donc éminemment opportun.

Ces considérations laissent déjà entrevoir que le culte du Cœur de Jésus n'est pas pour nous une simple dévotion mais une véritable rénovation de toute la vie chrétienne et l'évènement le plus considéra­ble depuis la rédemption. Cette pensée qui domine tous les efforts de notre apostolat et qui est d'ailleurs la raison d'être de cette Revue, nous la jugeons si capitale que nous nous proposons de consacrer un article à son développement dans notre prochain numéro.

Qu'il vienne donc ce règne béni, ce règne réparateur du Cœur de Jésus! Nous appelons de tous nos vœux, avec le bienheureux Grignon de Montfort, ce déluge d'amour qui est préparé par Marie et qui doit embraser toute la terre et l'unir au Christ dans la plus sainte et la plus féconde charité!

Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, février 1889, pp. 53-59.

La question sociale

Le Sacré-Cœur de Jésus est le cœur du bon Samaritain qui s'arrête pour panser et secourir le blessé de la route, c'est le cœur du Bon Pasteur qui recherche la brebis égarée et souffrante pour la rapporter au bercail. Le Sacré-Cœur de Jésus inspirera à nos sociétés chrétien­nes les moyens de rétablir la paix sociale et de faire régner le bonheur et l'aisance au foyer des travailleurs.

La Révolution a bouleversé le régime chrétien du travail, elle a miné l'influence de l'Eglise et amoindri la foi chez l'ouvrier et chez ceux qui l'emploient. Les fruits donnent la valeur de l'arbre, le malaise est général, les peuples s'agitent pour retrouver l'équilibre. Les socialistes entrevoient quelques mesures utiles, mais en somme ils n'ont pour critère de la vérité que l'opinion de la foule, changeante, ignorante et passionnée et pour moyens d'action que la violence et la raison du plus fort.

L'Eglise, puisant une charité toujours plus ardente au Cœur du Sauveur, apporte aux peuples fatigués par la souffrance des solutions intégrales. L'Eglise sera le principal facteur du relèvement, mais l'Etat et l'initiative privée y doivent contribuer aussi.

L'Eglise seule possède la pleine notion de la justice et le secret de la charité. En dehors du sentiment religieux, ni les classes inférieures et souffrantes ne s'accommoderont de leur sort, ni les classes riches et puissantes ne seront disposées à prêter leur concours aux déshérités.

La lumière se fait. La Révolution, véritable hérésie sociale et religieuse, est abandonnée par ceux qu'elle avait illusionnés. Elle est démasquée, reconnue, méprisée et honnie. Les philosophes sincères ont aidé les catholiques. M. Taine nous a rendu un vrai service. Il continue à montrer, l'histoire en mains, comment la Révolution a tout désorganisé, la famille, l'atelier, l'enseignement, la charité, et comment elle a fait reculer la civilisation de plusieurs siècles. Il faut lire en particulier son article dans la Revue des Deux-Mondes du 15 mars.

Le mouvement de reconstitution sociale est immense. Le Pape a posé les principes dans ses splendides encycliques. Les Evêques lui font écho. Tous redisent les enseignements du Pape dans leurs mandements. Quelques-uns sont amenés par les circonstances à prendre la tête du mouvement. Mgr Freppel dans ses discours, brochures et mandements, nous montre le chemin du relèvement social. Mgr l'évêque de Liège préside magistralement les congrès et réunions d'œuvres sociales catholiques. Mgr l'évêque de Montpellier dirige la plus vivante des assemblées provinciales.

Le clergé se met à l'étude des questions sociales. Les théologies morales ont réintégré ces questions dans leur cadre, en Allemagne et en Belgique. Il en sera de même en France. Il est temps d'opérer cette réaction contre le gallicanisme et le libéralisme.

Les catholiques sont à l'œuvre partout. Après l'assemblée de Montpellier, ce sera celle de Lyon, celle de Paris. Il y aura le congrès des catholiques autrichiens, celui des espagnols et plusieurs réunions provinciales en Belgique.

L'unanimité se fait sur les moyens à prendre.

Il faut à l'Eglise sa pleine liberté. Son action puissante sur l'enseignement, sur les corporations, sur l'organisation de la charité est la condition première de la paix sociale et de la prospérité.

L'Etat doit donner son concours à ce relèvement social. On lui demande de régler le repos du dimanche, le travail des femmes et des enfants dans les manufactures, le travail de nuit. On lui demande de favoriser la stabilité du foyer et des petites propriétés rurales par une réforme des lois de succession. On lui demande encore d'encourager les corporations et les assurances ouvrières.

Ces questions sont résolues partiellement par des lois récentes en Autriche et en Allemagne. Nos Chambres les ont abordées. Le Conseil fédéral suisse propose aux gouvernements européens une conférence internationale dans ce but. L'idée révolutionnaire est visiblement abandonnée par l'Europe.

Mais l'initiative de l'Etat ajoutée à l'action de l'Eglise ne suffit pas encore. Il faut l'action des chefs d'industrie et de culture. Il faut qu'ils reviennent à l'accomplissement de leur devoir particulier de direction et protection morale de l'ouvrier. C'est le quatrième précepte du décalogue, qui était abandonné dans une de ses applications les plus importantes. L'Œuvre des Cercles a contribué largement à remettre en lumière ce devoir des chefs d'ateliers; le catéchisme des patrons, publié par M. Harmel, éclairera ceux qui ont bonne volonté. Les patrons doivent revenir à l'accomplissement de leur devoir spécial, qui est analogue à celui du chef de famille. Ils doivent veiller au bien moral comme au bien temporel de leurs ouvriers. Ils doivent favoriser la liberté pour ce bien et aider aux œuvres de moralisation, d'éducation, de secours, de prévoyance. Ils doivent s'unir avec leurs ouvriers dans des associations corporatives.

Cela ne suffit pas encore. Il faut enfin le concours et l'initiative des ouvriers eux-mêmes, non pas l'action haineuse des esprits dévoyés qui recommenceraient l'expérience de la Révolution, ce serait rouler le rocher de Sisyphe; mais l'action intelligente, prudente et ferme des ouvriers religieux, demandant le concours de leurs patrons et leur offrant le leur.

Tous ces moyens réunis amèneront le relèvement des nations chrétiennes. C'est la chrétienté qu'il faut rétablir, la grande chrétienté des siècles de foi, c'est-à-dire le concert des nations chrétiennes sous la direction du souverain Pontife. Le projet est ambitieux et le désir même peut paraître téméraire, mais l'amour du Sacré-Cœur pour son Eglise et ses fidèles autorise ces espérances, si invraisemblables qu'elles puissent être. Oui, le Sacré-Cœur de Jésus résoudra la question sociale, et il la résoudra plus magnifiquement encore que ne l'avait fait la foi du moyen-âge.

Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, avril 1889, pp. 159-162.

L'hommage social
et la
consécration au Sacré-Cœur de Jésus

Il y a un grand élan dans tout le monde chrétien vers le Sacré-Cœur. Ce sera le profit du centenaire de la Révolution. Cette date néfaste nous a fait penser à un autre centenaire, celui des révélations de la B. Marguerite-Marie relatives au règne social du Sacré-Cœur. La Providence sait tirer le bien du mal.

Montmartre et Paray sont les centres principaux du mouvement. Les pèlerinages se succèdent sans interruption des deux côtés. Les diocèses, les provinces, les œuvres viennent manifester tour à tour leur foi et leur enthousiasme. Après les industriels et les commerçants, c'est la jeunesse catholique. Après Marseille, c'est Dijon, c'est Bordeaux, c'est Cambrai. L'élan de 1873 est dépassé.

Et ce qui se fait dans les sanctuaires privilégiés de Montmartre et de Paray n'est pas tout. Que de paroisses, que de familles surtout prononcent en ce mois béni leur consécration solennelle! La plupart de nos belles assemblées régionales du centenaire ont acclamé cette consécration. Plusieurs de nos vénérables archevêques et évêques ont demandé à tous leurs diocésains de prendre part à cet hommage rendu au Sacré-Cœur. Le mouvement va grandir encore jusqu'à la fin du mois. Quel consolant présage!

Mais il y a dans ce réveil de la foi un fait nouveau sur lequel nous voulons appeler l'attention. Qu'on le remarque bien, il ne s'agit plus, cette année, dans ces pèlerinages et ces consécrations d'un simple acte de dévotion et de prière. Plus ou moins manifestement tous les esprits vont au delà. C'est un hommage social, un hommage-lige qui est rendu au Sacré-Cœur. Ce sont les droits de Jésus-Christ sur la société qui sont affirmés, c'est son règne qui est proclamé. Tout l'atteste; les appels qui sont faits, les formules de consécrations qui sont pronon­cées ne laissent aucun doute. C'est la réparation du rationalisme politique et du libéralisme qui commence.

Lisez, par exemple, l'appel qui avait été adressé aux industriels chrétiens pour le pèlerinage du 2 juin:

«Venez donc à Montmartre, y est-il dit, venez vous agenouiller, en rangs nombreux et pressés, dans cette basilique qu'on peut bien appeler nationale, puisque cinq millions de Français y ont apporté leur pierre, et qui s'élève en témoignage de notre repentir pour le passé et de notre dévouement pour l'avenir: Gallia Poenitens et devota. Là, nous proclamerons bien haut les droits imprescriptibles de Dieu, seule garantie sérieuse des droits légitimes de l'homme; nous renoue­rons, autant qu'il est en nous, l'antique alliance de nos pères avec Celui qu'ils étaient si fiers d'appeler leur roi; nous redirons, après eux, ce vieux cri, qui tant de fois les conduisit à la victoire et valut à notre pays de longs siècles de puissance et de grandeur: Vive le Christ qui aime les Francs!».

L'acte de Consécration proposé par Mgr le cardinal Richard, archevêque de Paris, n'est pas moins explicite. En voici quelques passages: «0 Jésus, vivant et régnant dans le très saint Sacrement de l'Eucharistie… nous voici devant vous pour reconnaître votre souve­rain domaine sur nous, sur nos familles, sur notre patrie, et nous consacrer entièrement à vous… Nous voulons travailler à établir votre règne sur la société en respectant toujours vos saintes lois et en usant de l'influence que nous pouvons avoir pour les faire respecter et y conformer nos lois et nos institutions nationales».

C'est le pacte social chrétien qu'il faut renouer, le pacte de Tolbiac et de Reims pour la France, les pactes analogues pour les autres nations chrétiennes. C'est la chrétienté qu'il faut reconstituer.

La révolution s'acharne à détruire le lien social qui nous unit au Christ.

Abritée sous un mot hypocrite «la laïcisation» elle vise à proscrire l'idée religieuse de l'Etat, de la famille, de l'école, de tous les foyers de la vie sociale. Elle veut obtenir la législation sans Dieu, l'enseigne­ment sans Dieu, la justice et l'armée sans Dieu.

Mais la France chrétienne se réveille. Elle entend les plaintes du Cœur aimable de son Sauveur qui lui dit: (Est-ce que vous voulez, vous aussi, me délaisser?». La France chrétienne proteste. Elle veut faire revivre le pacte conclu par ses aïeux avec le Christ. Le même mouvement se produit chez les autres nations chrétiennes, en Espagne, en Italie, en Belgique, dans l'Amérique du Sud. Il faut que le Christ règne. Il faut que la justice et la charité de l'Evangile redeviennent la règle de nos lois et de nos moeurs. Tel est l'objet des serments solennels que vont prêter ces jours-ci les chrétiens qui ont entendu l'appel du Sacré-Cœur.

Les journées du 20, du 28 et du 30 seront nos grandes journées.

Le 20, le serment d'hommage-lige est prêté à Montmartre par des délégués de toute la France. Le même jour, il est prêté à Paray par les pèlerins de l'Ouest et par les comités de l'Œuvre des Fastes eucharistiques. A Madrid également, le 20, la Société des Fastes prête le serment d'hommage-lige au Christ, la main sur l'Evangile, en face du saint Sacrement. Le même acte s'accomplit à Quito. A Turin, la solennité revêt un éclat incomparable. Le R. P. Sanna Solaro, un des plus ardents promoteurs de l'Œuvre des Fastes, est invité par le cardinal Alimonda à prêcher l'hommage social au Dieu de l'Eucha­ristie dans la vaste église de la Consolata en face d'un auditoire immense. Quinze évêques d'Italie ont prescrit à leurs diocésains de faire le même jour dans leurs paroisses le serment d'hommage social au Christ. Enfin, le même jour, les Missionnaires d'Afrique, avertis à temps par son Eminence le cardinal Lavigerie, prêtent le même serment avec leurs jeunes chrétientés, sur les bords des lacs Nyanza et Tanganika. C'est notre serment du jeu de paume à nous, et nous ne nous lasserons pas que nous n'ayons rendu au Christ la chrétienté.

Le Souverain Pontife encourage cet élan en accordant cette année une indulgence plénière exceptionnelle pour la fête du Sacré-Cœur, le 28 juin, et le dimanche suivant.

A l'œuvre donc; un dernier effort pour que ces jours-là un grand et sérieux résultat soit obtenu par le concours des pèlerins à Montmartre et à Paray et par le grand nombre des communions faites dans les paroisses.

L'Œuvre des Fastes eucharistiques de Paray-le-Monial a bien mérité du Sacré-Cœur en préparant ce grand mouvement par les études sérieuses qu'elle a publiées dans ces dernières années. C'est elle aussi qui donnera à ce grand acte son beau cachet d'universalité en réunissant à Paray, au 15 août prochain, des délégués de toutes les nations catholiques pour offrir au Christ un hommage international. Nous espérons retrouver là un certain nombre de nos pieux lecteurs.

Mais Notre-Seigneur attend de nous autre chose qu'un bon mouvement, qu'un acte de foi et de confiance, qu'un pieux pèlerina­ge. Ce qu'il demande comme condition du salut social, le Saint-Père nous le disait dans sa dernière encyclique, c'est un renouvellement dans la vie chrétienne. Mgr l'évêque d'Annecy développait cette pensée dans sa lettre si remarquable sur les «Devoirs du clergé dans le temps présent»: ce n'est pas une consécration nouvelle, ni un pèlerinage, qui sauveront la société, si ces actes ne sont pas le commencement d'une vie nouvelle. C'est dans le même but qu'un de nos collaborateurs a publié, tant dans cette Revue que dans les Annales catholiques, une série d'articles sur le «Renouvellement de la vie chrétienne dans les âmes et dans la société». Ces articles forment un traité complet de vie chrétienne selon l'esprit du Sacré-Cœur. Ils vont être réunis en brochure et publiés à la librairie Saint-Paul, rue Cassette, 6, à Paris; nos lecteurs pourront se les procurer là.

Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, juin 1889, pp. 261-265.

La France du travail à Rome

Le relèvement de l'ouvrier sera un des fruits de la grâce du Sacré-Cœur. Le Cœur de Jésus aime les petits, les humbles, les travailleurs. Un des plus beaux épisodes de ce mouvement surnaturel qui porte aujourd'hui l'Eglise avec une nouvelle ardeur vers les ouvriers, c'est le pèlerinage de la France du travail à Rome. C'est bien avec l'esprit du Sacré-Cœur que le Saint-Père et les Princes de l'Eglise accueillent nos ouvriers à Rome. Dans les audiences que Léon XIII donne aux groupes qui se succèdent, on peut constater l'épanchement du Cœur de Jésus par l'organe de son Vicaire, l'affection réciproque du représentant du Sacré-Cœur et des humbles travailleurs. On croirait assister aux scènes enthousiastes de la Galilée dans lesquelles le peuple qui entourait Jésus, s'écriait: Faisons-le notre roi.

Nous ne redirons pas le détail de toutes ces audiences. Nous allons, de préférence, reproduire quelques paragraphes du discours du Saint Père qui nous montre le remède à la crise sociale actuelle dans l'union chrétienne des patrons et des ouvriers.

«Soyez les bienvenus. L'hommage que vous rendez en ce moment au Chef suprême de la religion catholique révèle le fond de votre pensée. Vous avez compris, - et c'est à la fois votre cœur et votre intelligence qui vous l'ont dicté, - vous avez compris que seulement dans la religion vous trouverez force et consolation, au milieu de vos incessantes fatigues et des misères d'ici-bas. La religion seule, en effet, ouvrira vos âmes aux immortelles espérances; elle seule ennoblira votre travail, en l'élevant à la hauteur de la dignité et de la liberté humaines. En confiant donc à la religion vos destinées présentes et futures, vous ne pouviez faire acte de plus haute sagesse.

Le paganisme, vous ne l'ignorez pas, avait prétendu résoudre le problème social, en dépouillant de ses droits la partie faible de l'humanité, en étouffant ses aspirations, en paralysant ses facultés intellectuelles et morales, en la réduisant à l'état d'absolue impuissan­ce. C'était l'esclavage. - Le christianisme vint annoncer au monde que la famille humaine tout entière, sans distinction de nobles et de plébéiens, était appelée à entrer en participation de l'héritage divin; il déclara que tous étaient, au même titre, les fils du Père céleste et rachetés au même prix; il enseigna que le travail était, sur cette terre, la condition naturelle de l'homme, que l'accepter avec courage était pour lui un honneur et une preuve de sagesse, que vouloir s'y soustraire, c'était à la fois montrer de la lâcheté et trahir un devoir sacré et fondamental.

Afin de réconforter plus efficacement encore les travailleurs et les pauvres, le divin Fondateur du christianisme daigna joindre l'exem­ple aux paroles; Il n'eût pas où reposer sa tête; Il éprouva les rigueurs de la faim et de la soif; Il passa sa vie tant publique que privée dans les fatigues, les angoisses et les souffrances. D'après sa doctrine, le riche, comme s'exprime Tertullien, a été créé pour être le trésorier de Dieu sur la terre; à lui les prescriptions sur le bon usage des biens temporels; contre lui les formidables menaces du Sauveur, s'il vient à fermer son cœur devant l'infortune et la pauvreté! _

Cependant, cela même ne suffisait pas encore. Il fallait rapprocher les deux classes, établir entre elles un lien religieux et indissoluble. Ce fut le rôle de la charité: elle créa ce lien social et lui donna une force et une douceur inconnues jusqu'alors; elle inventa, en se multipliant elle-même, un remède à tous les maux, une consolation à toutes les douleurs; et elle sut, par ses innombrables œuvres et institutions, susciter en faveur des malheureux une noble émulation de zèle, de générosité et d'abnégation.

Quelles ont été les doctrines funestes et les événements qui ébranlèrent, plus tard, d'édifice social si patiemment élevé par l'Eglise, Nous l'avons dit ailleurs; Nous ne voulons pas y revenir ici.

Ce que Nous demandons, c'est qu'on cimente à nouveau cet édifice, en revenant aux doctrines et à l'esprit du christianisme, en faisant revivre, au moins quant à la substance, dans leur vertu bienfaisante et multiple et sous telles formes que peuvent le permettre les nouvelles conditions des temps, ces corporations d'arts et métiers, qui jadis, informées de la pensée chrétienne et s'inspirant de la maternelle sollicitude de l'Eglise, pourvoyaient aux besoins matériels et religieux des ouvriers, leur facilitaient le travail, prenaient soin de leurs épargnes et de leurs économies, défendaient leurs droits et appu­yaient, dans la mesure voulue, leurs légitimes revendications. Ce que Nous demandons, c'est que, par un retour sincère aux principes chrétiens, on rétablisse et l'on consolide entre patrons et ouvriers, entre le capital et le travail, cette harmonie et cette union qui sont l'unique sauve-garde de leurs intérêts réciproques et d'où dépendent à la fois le bien-être privé, la paix et la tranquillité publique.

Aux classes dirigeantes, il faut un cœur et des entrailles pour ceux qui gagnent leur pain à la sueur de leur front; il leur faut mettre un frein à ce désir insatiable des richesses, du luxe et des plaisirs, qui, en bas comme en haut, ne cesse de se propager de plus en plus. A tous les degrés, en effet, on a soif de jouissances; et comme il n'est pas accordé à tous d'y donner satisfaction, il en résulte un malaise immense et des mécontentements qui auront pour résultat la révolte et l'insurrection en permanence.

A vous enfin, mes chers Fils, et à tous ceux de votre condition, il revient de mener toujours une conduite digne de louange par la pratique fidèle de vos devoirs religieux, domestiques et sociaux.

Et maintenant, chers Fils, retournez dans votre patrie, dans cette France où, malgré des aberrations individuelles et passagères, on n'a jamais vu décroître l'ardeur pour le bien, ni pâlir la flamme de la générosité et du sacrifice. Retournez dans vos foyers et prouvez, par votre conduite, que dans les associations où les principes religieux sont en honneur, règnent en même temps l'amour fraternel, la paix, la discipline, la sobriété, l'esprit de prévoyance et d'économie domesti­que. Allez, et que la grâce du Seigneur vous accompagne partout, vous assiste, vous protège, vous soutienne dans vos fatigues, vous encourage, en vous faisant goûter dès à présent les ineffables joies qui découlent de la vertu et que donne l'espérance d'une vie meilleure dans la patrie des croyants».



Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, novembre 1889, pp. 526-529.

LE SACRE-CŒUR
ET LA QUESTION OUVRIERE

On comprendra de mieux en mieux, avec le temps, le mot de la B. Marguerite-Marie que la fin de la révélation du Sacré-Cœur est de renouveler les effets de la rédemption. La Réforme et la Renaissance avaient porté à l'Eglise un des coups les plus funestes qu'elle ait reçus dans le cours des siècles. L'une et l'autre disaient: «C'est nous qui sommes le progrès et la vérité, dans les lettres, dans la vie sociale, dans la vie domestique. Nous apportons la liberté et la prospérité».

Un grand nombre des enfants de l'Eglise se laissèrent séduire. Tout ce que la civilisation païenne a de brillant les éblouit. On retournait à quatorze siècles en arrière. Notre-Seigneur vint nous montrer son Cœur comme pour nous dire: «Allez-vous oublier tout mon amour et vous laisser éprendre des vanités qui, avant l'Evangile, couvraient tant de misères sociales et privées?». On ne l'écouta pas et on aboutit à la Révolution, à l'antagonisme des classes, au paupérisme moderne et au malaise social dont souffre toute l'Europe. Mais l'excès du mal a ouvert les yeux des vrais chrétiens, qui cherchent à bon droit le remède dans le Sacré-Cœur de Jésus. L'élan est donné, il ne s'arrêtera pas. La lumière se fait. Les derniers Congrès catholiques et les assemblées provinciales n'hésitent plus sur le programme du relève­ment chrétien de la classe ouvrière. Toutes ces réunions proclament aujourd'hui les mêmes principes, les mêmes faits, les mêmes conclu­sions. Citons quelques-unes de ces affirmations:

«La question sociale sera résolue quand l'ouvrier acceptera le travail sans rancune et y trouvera de quoi s'entretenir honnêtement, lui et sa famille. Pour cela, il faut que la religion sanctifie, que l'Etat protège, que les classes dirigeantes aident le travail de l'ouvrier.

La religion est le facteur le plus important dans la vie de l'ouvrier. Une population croyante repoussera le socialisme parce qu'il est le renversement de l'ordre établi par Dieu. La foi religieuse et le socialisme sont deux termes qui s'excluent. En 1881, Bebel résumait ainsi le programme de son parti: Sur le terrain politique, nous voulons le gouvernement républicain; sur le terrain économique, le socialisme; sur le terrain religieux, l'athéisme. - L'athéisme est, en effet, le point de départ du socialisme, et seuls les ouvriers athées se sont ralliés autour du drapeau de la démocratie socialiste. Un regard rapide jeté sur la carte électorale d'Allemagne ne laisse plus de doute à ce sujet. Toutes les circonscriptions vraiment catholiques votent pour le Centre, et par conséquent contre le socialisme. De même les pays protestants que le rationalisme n'a pas encore ravagés élisent généralement des députés conservateurs. S'il serait inexact de dire que tous les districts incroyants et sceptiques donnent leur voix aux socialistes, il est absolument certain qu'aucun district où la foi est encore vive ne s'est décidé en faveur d'un candidat démagogue. Ces faits symptomatiques sont indéniables. D'autres viennent les corrobo­rer.

Au Congrès catholique de Fribourg, le curé Schmitz, de Crefeld, racontait le trait suivant: Au commencement de l'année 1880, à l'issue du Kultur-Kampf, une mission fut prêchée dans le bassin houiller de Oberhausen-Styrum. Plus de vingt mille ouvriers s'appro­chèrent des Sacrements. La plupart d'entre eux étaient venus au confessionnal avec des idées socialistes et ils le quittèrent réconciliés avec l'ordre politique et social. Les conséquences de ce revirement ne se firent pas attendre. Aux élections suivantes. Oberhausen-Styrum cessa de voter pour la démocratie, tandis que tous les environs restèrent fidèles au socialisme. Des exemples de ce genre prouvent mieux que tous les raisonnements quelle force moralisatrice réside dans le sentiment religieux. Un capucin est plus puissant que toute la police du chancelier, car il atteint l'âme de l'ouvrier, et la violence ne pénètre point jusqu'à ce sanctuaire où réside la liberté humaine. On ne saurait donc mieux combattre le socialisme qu'en détruisant l'irréligion qui se trouve à sa base.

La religion, et le catholicisme en particulier comme l'expression la plus parfaite de la religion, renferment seuls assez d'autorité pour réconcilier l'ouvrier avec sa position pénible et l'arracher aux séduisantes espérances du socialisme.

Qu'on rende la liberté complète à l'Eglise catholique et à toutes les confessions chrétiennes; que loin d'entraver leur ministère, on favorise leur action bienfaisante, qu'on accorde à l'élément religieux plus d'influence sur l'école, qu'on répudie la pédagogie moderne qui a été, suivant le mot du publiciste Joerg, le séminaire de la démocratie, et les Bebel, les Liebknecht perdront peu à peu le levier à l'aide duquel il soulèvent en ce moment la moitié l'Allemagne.

L'Eglise, - comme le disait en 1878 Hoffmann, le représentant du chancelier, - joue un rôle essentiel dans le travail de régénération sociale, qui arrêtera le flot montant de la démocratie; mais ses efforts doivent être protégés contre l'exploitation du capitalisme souvent sans cœur et sans pitié. A l'Etat incombe le devoir de venir à son aide par une législation protectrice du travail. La religion, nous l'avons vu, est un puissant élément de moralisation; l'Etat doit mettre l'ouvrier à même de sanctifier le dimanche et de pratiquer sa religion. Il doit, en outre, mettre l'enfant à l'abri d'un épuisement précoce, préserver la mère d'un labeur qui l'empêcherait d'élever sa jeune famille, fixer pour le travail la limite de temps au delà de laquelle commencerait l'abus. Repos dominical, limitation du travail des femmes et des enfants, journée normale du travail: autant de questions qui sont du ressort de l'Etat et dont la solution assurera le bonheur domestique de l'ouvrier.

L'action de l'Eglise et de l'Etat doit enfin être soutenue par tous les hommes de bonne volonté et particulièrement par ceux qu'on est convenu d'appeler les classes dirigeantes. Tout le monde a le pouvoir et l'obligation d'apporter sa pierre à l'édifice social qu'il s'agit de restaurer et de renouveler.

Chacun - malheureusement on l'oublie trop de nos jours, - a un devoir social à remplir.

L'abbé Hitze, le grand économiste d'Allemagne, a résumé admira­blement nos devoirs sociaux, au Congrès de Fribourg, dans son beau discours sur «la question ouvrière et le christianisme». Les patrons qui sont à la hauteur de leur mission, peuvent faire énormément pour l'apaisement social du travailleur. Ils combattent ses haines et ses rancunes en se penchant vers lui, en lui témoignant des sentiments paternels, en évitant dans leurs rapports tout ce qui serait de nature à le blesser. Ils atténuent ses misères par les institutions de toutes sortes, en s'occupant de ses enfants, de sa famille, en veillant sur le bonheur de son foyer, en les soignant pour lui en cas d'accident, de maladie, de vieillesse.

L'expérience a démontré que des industriels sont parvenus à faire des merveilles sous ce rapport. Il suffit de citer l'exemple de M. Léon Harmel, et celui de M. Brandts de Gladbach en Allemagne. Ces hommes de grande foi et de grand cœur ont transformé leurs usines en vrais paradis dont le socialisme n'osera même pas s'approcher».

Notre bien-aimé Pontife Léon XIII, l'organe autorisé du Sacré-­Cœur parmi nous, prend, comme il en a le droit, la direction de ce retour du monde du travail à Jésus-Christ. Il a donné les principes de l'organisation chrétienne dans la société, par ses Encycliques; il a dit à M. Harmel, le plus éminent des patrons chrétiens de la France: «Amenez-moi les ouvriers». Il a fait pour ces ouvriers ce que Notre-Seigneur faisait pour les petits et les pauvres. Bravant les conseils de ses médecins et des Prélats de sa maison, il s'est dépensé pendant de longues heures pour témoigner sa tendresse à tous ces humbles pèlerins. Il prépare, dit-on, une Encyclique qui tracera les lois de l'organisation chrétienne du travail. Nous entrevoyons dans ces faits un des moyens providentiels pour l'avènement du règne social du Sacré-Cœur. Selon les prévisions humaines, l'avenir réserve une part de plus en plus grande à la démocratie. Le peuple doit plus à l'Eglise que les princes et les grands. Il commence à le comprendre. Il se réconcilie avec sa mère et sa bienfaitrice, contre laquelle on l'avait mis en défiance. L'union de l'Eglise et du peuple dans l'amour de Jésus-Christ prépare le règne social du Sacré-Cœur.

Le règne du Cœur de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, décembre 1889, pp. 578-582.

L'encyclique
du 15 mai
sur la question sociale

Cette Encyclique si attendue et qui a produit une si vive impression, nos lecteurs la connaissent déjà, car ils sentent combien il est nécessaire de l'étudier, et non seulement de l'étudier, mais de la propager. Nous croyons opportun, néanmoins, d'en donner ici un résumé; ce sera d'abord un hommage de notre Revue au Docteur suprême; de plus, ce résumé, auquel nous avons apporté tous nos soins et qui met saillie les divisions logiques, pourra aider à l'étude du texte lui-même, en contribuant à mieux faire saisir et retenir l'ensemble des idées.

Cette Encyclique est, si nous ne nous trompons, la plus longue qui ait paru1). L'original est en latin; mais, selon l'heureuse innovation introduite par Léon XIII, la traduction française, de même que celle en d'autres langues, a été faite et envoyée aux évêques par les soins du Pontife; elle est donc comme un second texte authentique.

Dans notre résumé, nous visons le plus possible à être brefs; mais nous nous attachons aussi le plus possible à reproduire les propres expressions de l'Encyclique, dans la mesure où cette brièveté le permet2).

Le PREAMBULE3) expose la gravité et l'actualité de la question, qu'énonce le titre: DE CONDITIONE OPIFICUM, DE LA CONDITION DES OUVRIERS. «Partout les esprits sont dans une anxieuse attente…; il n'est pas de cause qui saisisse l'esprit humain avec autant de véhémence». Le Pontife considère comme son devoir d'exposer la solution vraie.

«Le problème n'est pas aisé, ni exempt de péril,… mais il faut, par des mesures promptes et efficaces, venir en aide aux classes inférieures», qui, par suite de la destruction des corporations anciennes qui les protégeaient, par suite d'une concurrence effrénée, de l'agiotage, du monopole du travail et de la richesse en un petit nombre de mains, sont dans «une misère imméritée».

Le corps de l'Encyclique se divise ensuite, avec une admirable netteté, bien que sans séparations matérielles, en quatre parties: Réfutation de la solution donnée par le SOCIALISME, qui est ici la grande erreur (pages 5 à 20);

Exposition de la part qui revient, pour la solution vraie: à l'ÉGLISE (pages 20 à 46),

A l'ÉTAT (pages 46 à 71),

AUX ASSOCIATIONS PRIVÉES, ŒUVRES ET CORPORATIONS (pa­ges 71 à 90).

Le socialisme attribue toute propriété ainsi que le droit d'en répartir l'usage, à la collectivité seule, à l'État. Léon XIII montre qu'au contraire, et il insiste sur ce point, «LA PROPRIETE PRIVÉE EST LE PREMIER FONDEMENT A POSER». Elle découle du droit naturel POUR L'INDIVIDU et POUR LA FAMILLE, qui étant antérieurs à l'État, ont «certains droits absolument indépendants de lui».

Pour l'individu, car il a le droit de disposer du salaire ou fruit de son travail; et il laisse à l'objet sur lequel il travaille «une empreinte de sa personne», qui le fait sien. C'est ce que le genre humain et les lois civiles et divines ont toujours reconnu.

Pour la famille, et là, ce droit acquiert une force nouvelle; le père doit nourrir ses enfants, il a le désir naturel de leur créer un patrimoine; comment le fera-t-il sans la propriété? «Vouloir que le pouvoir civil envahisse le sanctuaire de la famille;… substituer à la providence paternelle celle de l'Etat», comme le veut le socialisme, «c'est une erreur funeste», qui va contre la nature. L'Etat ne peut intervenir, pour protéger dans les familles les droits mutuels, qu'au cas où, dans certaines d'entre elles, ces droits seraient gravement violés par quelques membres, au détriment des autres.

«En dehors de l'injustice de ce système, on n'en voit que trop les conséquences: la perturbation dans tous les rangs, une insupportable servitude pour tous; le talent et l'habileté privés de leurs stimulants; et comme conséquence, les richesses taries; enfin, à la place de cette égalité tant rêvée, l'égalité dans la misère».

Il faut donc chercher ailleurs le remède.

«Une cause de cette gravité demande leur part d'efforts (à tous): gouvernants, maîtres et riches, ouvriers eux-mêmes. Mais ce que nous affirmons, c'est L'INANITE DE LEUR ACTION EN DEHORS DE … LA RELIGION…, DE L'EGLISE».

L'Eglise travaille à la solution: 1° par ses enseignements; - 2° par son action sur les volontés; - 3° par les institutions qu'elle a créées.

1° PAR SES ENSEIGNEMENTS. «Le premier, c'est que l'homme doit prendre en patience sa condition. Il est impossible que tous soient au même niveau. La nature a établi parmi les hommes des différences profondes, d'intelligence, de santé, de force; d'où naît l'inégalité des conditions; et celle-ci tourne au profit de tous, car la vie sociale requiert des fonctions fort diverses; et ce qui porte les hommes à sex les partager, c'est surtout la différence des conditions».

Le péché a fait du travail une peine et une expiation, et a engendré «toutes les autres calamités. La souffrance est l'apanage de l'humani­té, les hommes auront beau tout essayer pour la bannir, ils n'y réussiront jamais. Ceux qui promettent au pauvre une vie exempte de peines le trompent et lui cachent pour l'avenir de plus terribles calamités que celles du présent».

«Une erreur capitale, c'est de croire que les deux classes sont ennemies-nées l'une de l'autre»; la vérité est L'HARMONIE SOCIALE, NON L'ANTAGONISME. «De même que dans le corps humain les membres s'adaptent l'un à l'autre, dans la société, LES DEUX CLASSES SONT DESTINEES A S'UNIR. Elles ont un besoin impérieux l'une de l'autre; il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital».

Or «toute l'économie des vérités religieuses est de nature à rapprocher les riches et les pauvres, en leur rappelant leurs devoirs mutuels, et avant tout, ceux de la JUSTICE. L'ouvrier doit fournir le travail auquel il s'est engagé;… ses revendications doivent être exemptes de violence… Les riches et les patrons ne doivent point traiter l'ouvrier en esclave, mais respecter en lui la dignité de l'homme et celle du chrétien. Le travail, loin d'être un sujet de honte, fait honneur à l'homme. Ce qui est honteux, c'est d'user de l'homme comme d'un vil instrument.

Le christianisme prescrit… (aux maîtres) de tenir compte des intérêts spirituels de l'ouvrier et du bien de son âme: qu'il ne soit pas livré aux sollicitations corruptrices; que rien ne vienne affaiblir en lui l'esprit de famille, ni les habitudes d'économie. Défense encore aux maître d'imposer un travail au-dessus des forces ou en désaccord avec l'âge et le sexe;… devoir de donner à chacun le salaire qui convient. Pour fixer cette juste mesure, il y a de nombreux points de vue à considérer, mais exploiter la misère est chose que réprouvent les lois divines et humaines. Enfin, les riches doivent s'interdire toute manœuvre ou agiotage qui porte atteinte à l'épargne du pauvre, car son avoir, pour être mince, revêt un caractère plus sacré.

L'Eglise toutefois porte ses vues encore plus haut, elle ambitionne d'unir les deux classes par une véritable AMITIE». On ne peut ni comprendre la vie mortelle ni l'apprécier à sa valeur, sans la pensée de la vie éternelle. «Supprimez celle-ci, toute notion de l'honnête disparaît; l'univers entier devient un mystère. Quand nous quittons la vie, alors seulement nous commençons à vivre; SUR CE DOGME REPOSE TOUTE LA RELIGION. Dieu ne nous a point (créés) pour ces choses fragiles… (De plus), Jésus-Christ a fait des afflictions des sources du mérite; il n'est point d'homme qui puisse prétendre aux récompenses éternelles, s'il ne marche sur ses traces sanglantes.

Ainsi les riches sont avertis que les richesses ne les exemptent pas de la douleur, et ne sont d'aucune utilité pour la vie éternelle, mais plutôt un obstacle; qu'ils devront rendre à Dieu, leur juge, un compte de l'usage qu'ils en auront fait.

Quant à ce dernier point, il faut distinguer entre le droit strict de propriété et l'usage légitime. Le droit de propriété, fondé sur la loi naturelle, doit être respecté; mais pour l'usage, l'Eglise répond que, sous ce rapport, l'homme doit tenir les choses extérieures pour communes, et en faire part aux autres dans leurs nécessités… Nul n'est tenu de soulager le prochain en prenant sur son nécessaire, ni sur ce que les convenances imposent; mais… c'est un devoir de verser le superflu: devoir non de stricte justice humaine,… mais de charité,… que la loi de Jésus-Christ nous persuade… Quiconque a reçu une abondance soit les faire servir à son perfectionnement et, comme ministre de la Provvidence, au soulagement des autres.

Quant aux déshérités de la fortune, ils apprennent de l'Église que… seule, la vertu obtiendra l'éternelle béatitude;… que la pauvreté n'est pas un approbre; que Jésus-Christ, Fils de Dieu, a consumé une grande partie de sa vie dans un travail mercenaire;… que c'est vers les pauvres que le Cœur du Christ s'incline davantage; qu'il les appelle bienheureux; qu'il invite à venir à lui, afin qu'il les console, tous ceux qui souffrent».

L'Église enseigne encore (que les hommes sont tous issus de Dieu, leur Père; que Dieu est leur unique et commune fin, seule capable de communiquer une félicité parfaite; que tous ont été rachetés par Jésus-Christ, et qu'ainsi un lien de fraternité les unit soit entre eux, soit au Christ».

Tels sont les enseignements de l'Église. «Ne verrait-on pas l'apaise­ment se faire à bref délai, … et dans l'amour fraternel s'opérer l'union, … s'il pouvaient prévaloir?».

2° En même temps qu'elle enseigne, «l'Eglise s'efforce D'OBTENIR DES VOLONTÉS QU'ELLES SE LAISSENT GOUVERNER PAR LES PRÉ­CEPTES DIVINS. CE POINT EST CAPITAL, IL RÉSUME TOUS LES INTERETS EN CAUSE, et ici l'action de l'Église est souveraine. Les instruments dont elle dispose ont une efficacité divine. Seuls, ils peuvent amener l'homme à obéir au devoir, à maîtriser ses passions».

L'histoire le prouve: «la société civile a été foncièrement renouvelée par le Christianisme. Quand l'Évangile eut rayonné dans le monde, la vie de Jésus-Christ imprégna les sociétés tout entières… Si la société humaine doit être guérie, elle ne le sera que par le retour au christianisme. A qui veut régénérer une société en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines.

3° «L'Eglise ne se laisse pas tellement absorber par le soin des âmes, qu'elle néglige ce qui se rapporte à la vie terrestre. Pour ce qui est des travailleurs, elle fait tous les efforts pour les arracher à la misère». Elle y contribue déjà grandement «en ramenant les hommes à la vertu; car les mœurs chrétiennes attirent la faveur de Dieu, compriment le désir excessif des richesses et la soif des voluptés, ces deux fléaux; elles

se contentent d'une vie frugale et suppléent par l'économie à la modicité du revenu. L'Eglise, en outre, y pourvoit directement par… UNE FOULE D'INSTITUTIONS, qui n'ont guère laissé sans soulagement aucun genre de misère», s'inspirant de la charité qui brilla chez les premiers chrétiens, et que ne remplacera jamais la prétendue bienfaisance civile.

PRINCIPES GENERAUX: L'Etat doit d'abord disposer «l'économie entière des lois et des institutions en sorte qu'elle (tende) à la prospérité publique et privée. Or ce qui fait une nation prospère, c'est la probité des moeurs, la religion, la justice, une répartition équitable des charges, le progrès de l'industrie, de l'agriculture. Plus se multiplieront ces avantages, (par) cette action d'ordre général, moins on aura besoin d'autres expédients.

De plus, l'Etat doit avoir soin également de toutes les classes des citoyens, selon les lois de la justice distributive. Mais, quoique le bien moral soit le premier, dans une société il faut encore des biens extérieurs; or, ils proviennent surtout du travail de l'ouvrier, des champs ou de l'usine; LE TRAVAIL EST LA SOURCE UNIQUE D'OU PROCEDE LA RICHESSE DES NATIONS. L'Etat doit donc faire en sorte que de tous les biens que les travailleurs procurent à la société, il leur en revienne une part convenable, et qu'ils puissent vivre au prix de moins de privations».

Enfin les gouvernants doivent protéger les intérêts de toute la société et ceux de chaque classe. Si donc ces intérêts, dans l'ordre moral ou matériel, sont lésés ou menacés, il faudra recourir à l'autorité publique… mais seulement dans les limites indispensables. (Suivent plusieurs applications très importantes, à voir dans le texte).

«Et l'Etat doit se faire spécialement la Providence… des faibles et des indigents», qui ont plus besoin de protection que les riches.

POINTS PARTICULIERS: 1° L'Etat doit «contenir les masses… en effervescence, (les empêcher) d'enlever le bien d'autrui, et mettre un frein aux excitations des meneurs.

2° Il doit s'efforcer «de porter un remède aux grèves», qui sont si nuisibles à tous, et plutôt, de les «prévenir, en écartant les causes de conflits entre ouvriers et patrons».

3° Il doit protéger l'ouvrier: quant aux «intérêts de son âme, et lui assurer LE REPOS AUX JOURS DU SEIGNEUR, repos qui, sanctifié par le religion, élève l'homme aux grandes pensées du ciel; - quant à ses intérêts physiques, et tout d'abord l'arracher» aux exigences d'un travail excessif. «LE NOMBRE D'HEURES D'UNE JOURNÉE ne doit pas excéder les forces, et les intervalles de repos devront être proportion­nées à la nature du travail et à la santé de l'ouvrier, et réglées d'après le temps et les lieux… L'ENFANCE ne doit entrer à l'usine qu'après que l'âge aura développé ses forces. De même, il est des travaux moins adaptés à LA FEMME, que la nature destine aux ouvrages domesti­ques,… pour l'éducation des enfants et la prospérité de la famille».

4° Quant à la-«FIXATION DU SALAIRE, question importante» et où il faut «éviter tout extrême», elle a pour règle, non seulement l'accord passé entre l'ouvrier et celui qui le paie, mais aussi cet autre principe que, le travail devant nourrir l'homme, «le salaire ne doit pas être insuffisant pour faire subsister l'ouvrier sobre. Si par nécessité, il accepte des conditions plus dures, c'est une violence injuste». - Mais pour apprécier ce taux du salaire, ainsi que la journée du travail et autres choses analogues, «il sera préférable qu'en principe la solution soit réservée aux corporations ou syndicats», plutôt qu'à l'État.

5° «L'État doit favoriser dans le travailleur l'esprit de propriété et d'épargne qui lui fera acquérir un modeste patrimoine; car c'est la source des plus précieux avantages: d'abord une répartition des biens plus équitable;… une participation à la propriété du sol comblera peu à peu l'abîme qui divise le corps social en deux classes: toute­puissance dans l'opulence, et faiblesse dans l'indigence; - en outre, une production plus abondante, la pensée de travailler sur un fond qui est à lui redoublant l'ardeur de l'homme; - enfin, l'arrêt dans le mouvement d'émigration. Mais une condition pour tous les avanta­ges, c'est que la propriété ne soit pas épuisée (et comme abolie en fait), par un excès de charges et d'impôts, excès qui (va) contre la justice et l'humanité».

«Toutes les œuvres propres à soulager l'indigence et à rapprocher les classes… aident singulièrement à la solution: sociétés de secours mutuels, de secours en cas d'accidents, patronages sur les enfants et les adolescents, (surtout) LES CORPORATIONS OUVRIERES, QUI EN SOI EMBRASSENT A PEU PRÉS TOUTES LES ŒUVRES».

t'es sociétés privées sont de droit naturel; l'État n'a droit d'em­pêcher que celles qui seraient dangereuses, et ne doit point s'immiscer dans leur gouvernement. Celles qui sont religieuses, sous ce rapport, ne relèvent que de l'Eglise. Le devoir de l'Etat est de les protéger; et c'est l'opposé qu'il fait trop souvent!

La plupart des associations ouvrières, très nombreuses, sont hostiles à la religion et à l'Etat. Les ouvriers chrétiens n'ont donc plus qu'à choisir: ou d'adhérer à elles, ou de s'organiser eux-mêmes. C'est à quoi les ont aidés très heureusement déjà des catholiques éminents se réunissant en Congrès. «Les évêques encouragent ces efforts et des membres du clergé tant séculier que régulier, se dévouent à ces corporations».

Leurs statuts, variables selon les circonstances, doivent pourvoir avant tout au bien moral et religieux des membres: Cherchez d'abord le royaume de Dieu (Matth. 6); puis à leur bien matériel; assurer, dans la mesure possible, du travail et des secours; «concilier les droits des patrons avec ceux des ouvriers (et charger) des arbitres de régler les litiges». Adaptées aux besoins nouveaux, ces corporations renouvelle­ront leurs bienfaits d'autrefois. Ceux des ouvriers qui suivront la voie droite, comme les anciens chrétiens, s'attireront la bienveillance publique.

«Que chacun (donc) se mette à la part qui lui incombe, et cela sans délai, de peur qu'en différant, on ne rende incurable le mal; et que tous se rappellent que la première condition, (la plus indispensable), c'est LA RESTAURATION DES MOEURS CHRETIENNES. Que les ministres sacrés déploient tout leur zèle et inculquent à tous la vie chrétienne; qu'ils nourrissent en eux-mêmes et dans les autres LA CHARITE, antidote (de l'égoïsme); c'est d'elle qu'il faut principalement attendre le salut».



Le règne du Cœur, de Jésus dans les âmes et dans les sociétés, juillet 1891, pp. 313-323.


1)
30 pages in-8° compactes, dans la Revue Le Prêtre (28 mai), qui, entre autres organes périodiques, l’a reproduite en entier, ou 93 pages in-32, dans l’édition de propagande à 0,05 cent., qu’a publiée La Croix. Nous tenons à signaler, pour une étude sérieuse, l’édition donnée par la maison Poussielgue, rue Cassette, 15, Paris; elle renferme le texte latin avec la traduction en regard. (50 cent., franco; le cent., 30 fr. net, port en plus. – On trouve, chez le même éditeur, les Encycliques Libertas et Sapientioe, également en latin et français).
2)
Des guillemets indiqueront les passages textuels; cependant, dans ces passages même, nous supprimerons, par ce motif de brièveté, un grand nombre de mots. Nous ne mettrons des points de suspension… que quand il y aura une lacune considérable, ou parfois, en vue d’une marche plus rapide du résumé, une interversion. Les mots placés entre parenthèse, dans ces passages, sont des mots substitués par nous à ceux du texte, toujours pour cause de brièveté. Du reste, dans les endroits aussi qui ne sont pas entre guillemets, nous nous servons souvent encore des termes de l’Encyclique, entremêlés à d’autres.
3)
Pages 1 à 5, dans l’édition in-32 de La Croix. C’est à cette même édition que se référent les autres chiffres de pages que nous indiquons plus loin.
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