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DIX ANS APRES L'ENCYCLIQUE

Dans tous nos pays catholiques, dix ans après l'Encyclique Rerum novarum, publiée en mai 1891, on a senti le besoin de jeter un regard en arrière, d'observer le chemin parcouru et de compter les œuvres accomplies.

C'est toute une littérature qui est éclose à cette occasion là.

Il fallait rappeler la préparation de l'Encyclique, signaler les précurseurs, montrer l'hésitation des catholiques et les égarements des socialistes.

Il fallait ensuite présenter le document sauveur, l'Encyclique, tranchant les difficultés, éclairant les doutes, encourageant à l'action. On a voulu enfin décrire les heureux efforts de l'Encyclique: l'unité de doctrine sociale chez les catholiques, au moins dans les grandes lignes; l'activité législative se développant en ce qui regarde les réformes sociales dans toutes les nations d'Occident avec le concours des catholiques; une effloraison merveilleuse d'œuvres de tout genre dans le sens corporatif et mutualiste.

Un seul ouvrage eut difficilement suffi à cette tâche considérable; on en a vu éclore une douzaine.

Celui de Max Turmann, «Le catholicisme social depuis l'Encycli­que Rerum novarum», est un des meilleurs1). Il nous donne tout le mouvement des idées, et la doctrine sociale définitive de l'Eglise sur le travail, la propriété, l'organisation professionnelle, l'intervention de l'Etat. La bibliographie en est excellente. Il donne aussi les program­mes des catholiques sociaux en France, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, en Hollande, et quelques lois et projets de lois dus à l'initiative des catholiques. L'auteur a laissé de côté tout le mouve­ment des œuvres, se réservant de le décrire amplement dans un autre volume qu'il prépare sur l'organisation de l'action sociale catholique.

Un autre ouvrage analogue est celui de don Tiziano Veggian, un italien: Il movimento sociale cristiano, nella seconda metà di questo secolo2). C'est un volume rempli de faits. Il s'étend d'abord sur les précurseurs et la préparation du mouvement social chrétien en Allemagne, en France, en Italie, en Suisse, en Espagne, aux Etats-Unis. Il expose ensuite l'action et les résultats de l'Encyclique dans les mêmes régions: les congrès, les propagandes, les œuvres générales; mais il ne dit rien de la législation.

Si ces deux ouvrages généraux nous renseignent peu ou point sur la législation, on peut les compléter par une notice publiée, à Turin, cette année même par M. Bassano Gabba, Trenta anni di legislazione sociale3). Cette étude n'est pas faite spécialement au point de vue catholique, elle est plus générale; mais elle fournit des renseignements utiles sur les lois sociales des diverses nations: Angleterre, Allemagne, Autriche, France, Belgique, Hollande, Danemark, Suède, Russie, Suisse, Espagne, Portugal, Etats-Unis. - Le Lecteur reconnaîtra facilement dans les lois votées depuis dix ans l'influence de l'Encycli­que.

Comment ne pas citer encore, sur l'action de l'Encyclique, les livres de Georges Goyau? Ses deux volumes Le Pape, les catholiques et la question sociale4) et Autour du catholique social se complètent l'un l'autre, et ils nous montrent l'influence décisive de l'Encyclique sur le mouve­ment social contemporain.

L'Année sociale, publiée par Paul Fesch5), est aussi une mine de renseignements, non seulement sur la France, mais sur les diverses nations.

Outre ces études générales sur le mouvement social chrétien, il y a des études spéciales propres à quelques nations et qui sont bien riches en renseignements.

Pour la France, nous avons le volume de M. Monicat: Contribution à l'étude du mouvement social chrétien en France au XIXe siècle6). Remarquons en passant que ce travail a été présenté comme thèse de doctorat à la faculté de Lyon. Cela montre que l'action sociale chrétienne est regardée par nos universitaires comme assez importante pour faire l'objet d'une thèse de doctorat.

M. Monicat nous montre dans sa première partie la genèse du mouvement social chrétien; dans la seconde, il développe les deux principales thèses de la doctrine sociale chrétienne: la nécessité de l'organisation corporative et l'intervention limitée de l'Etat. Il signale les principaux défenseurs et propagateurs des idées sociales chrétien­nes.

La Belgique a un ouvrage modèle du Père Vermeersch, sous le titre: Manuel social. la législazion et les œuvres. Le Père Vermeersch donne peu de place à la théorie. C'est assez fréquent en Belgique. C'est une sorte de pacte conclu au congrès de Malines en 1896. «I1 y a, a-t-on dit à ce congrès, assez de principes sociaux manifestes et reconnus pour baser une action sociale intense et féconde»; et tout le travail du congrès aboutit à un programme commun d'action.

Le Père Vermeersch nous présente le tableau des lois sociales belges et des institutions qu'elles ont fondées.

Ces lois sont relatives aux Ministères de l'agriculture et du travail, aux Conseils de l'industrie et du travail; aux Caisses d'épargnes, de retraite et d'assurances: aux Comités de patronage; aux Services d'inspection; à la Protection des femmes et des enfants; au Contrat de travail et à la Réparation des accidents.

Aucune nation n'est aussi avancée.

Mais sur le terrain des œuvres, l'activité des catholiques belges brille avec plus d'éclat encore. Nous ne saurions dans un article de revue donner un tableau, même succinct, des milliers et milliers d'œuvres présentées par le Père Vermeersch sous les titres suivants: Education, Institutions patronales, Associations économiques, Coo­pération, Mutualité, Unions professionnelles, Habitations ouvrières, Assistance par le travail, Œuvres de moralisation.

L'œuvre du Père Vermeersch est un beau monument élevé à la gloire des catholiques belges.

Deux ouvrages moins importants peuvent être unis à celui du Père Vermeersch pour le complèter. Quinze années de gouvernement 1884-1900, par Paul Berryer7). «La législation sociale et les partis, par Pierre Verheegen»8).

Ces deux brochures ne traitent que des questions législatives et ne s'occupent pas des œuvres.

Pour la Suisse, nous avons une brochure écrite en italien par don Verusi: Il movimento cristiano sociale nella Svizzera9). Tout y est, les préludes, le mouvement des idées, la législation et les œuvres. Celles-ci cependant y sont seulement indiquées. Cette brochure n'a pas l'abondance de renseignements pratiques de l'ouvrage du Père Vermeersch.

Pour l'Allemagne, on peut trouver les plus amples renseignements sur l'admirable activité des catholiques allemands, dans les ouvrages de l'abbé Kaunengieser: «Catholiques allemands». «Le réveil d'un peuple». «Ketteler et l'organisation sociale en Allemagne»10). Ou encore dans les brochures du Père Lemkuhl: La question sociale et l'intervention de l'Etat. Le mal social et l'intervention de l'Eglise11). Ou enfin dans les publications allemandes du Volksverein, notamment dans la brochure: Christliche Gewerkvereine; et dans une étude publiée à Louvain par Lambrechts: L'œuvre du Reichstag allemand.

Pour l'Italie je ne connais pas de brochure spéciale qui ait eu pour but de résumer les résultats de l'action catholique, mais les comptes rendus des derniers congrès généraux sont sous ce rapport remplis de renseignements intéressants.

Comme étude locale, on lirait avec autant l'intérêt que d'édifica­tion une brochure sur le mouvement social dans le diocèse de Bergame: Il movimento cattolico nella diocesi di Bergamo. Avvocato Rezzara, à Bergamo 1897.

L'Espagne n'a pas non plus, que je sache, publié d'étude générale sur ses œuvres sociales, mais elle a des revues excellentes qui sont des mines de renseignements sur l'action sociale catholique chaque jour grandissante en Espagne citons: La revista catolica de las cuestiones sociales et le Boletin del consejo nacional de las corporaciones catolico-obreras. Ces deux revues se publient à Madrid.

L'étude de ces publications ou du moins la lecture de quelqu'une d'entre-elles vous persuadera facilement que nous assistons à une transformation sociale. Le XIXe siècle a été, au point de vue social, le siècle du libéralisme et de l'individualisme; le XXe siècle sera celui de l'association.

Coopération, mutualité, union professionnelle, tel est l'idéal nou­veau et comme la barque de sauvetage où se précipitent les travailleurs jetés à la mer par le libéralisme du dernier siècle.

Que seront les associations du XXe siècle? des institutions corporati­ves pacifiques et fécondes ou bien un socialisme tyrannique? cela dépend de nous.

La Belgique nous donne l'exemple. Avec son activité ardente et disciplinée, elle obtient des résultats merveilleux. Les œuvres s'y multiplient et germent comme le froment après les semailles d'octo­bre. Elle avait:

750 Sociétés de secours mutuels en 1895

1.250 Sociétés de secours mutuels en 1897

3.000 Sociétés de secours mutuels en 1899

5.000 en décembre 190012)

et toutes ces sociétés sont affiliées à la retraite pour la vieillesse.

Le progrès est le même pour les unions agricoles. Cinq cents ont surgi en quelques mois dans le diocèse de Liège.

Il est vrai qu'en Belgique les catholiques ont la majorité. Les œuvres s'y font plus facilement. La victoire sera plus difficile chez nous. Elle est à deux conditions: l'union entre les catholiques et l'accord avec les demi-catholiques, conservateurs et modérés.

La division vient de la politique qui passionne, il faut faire la trêve politique que nous demande le souverain Pontife.

L'union doit se faire sur le terrain social.

Il y a deux champs d'action, la législation et les œuvres.

Pour la législation, les catholiques doivent avoir leur programme social. Il y a encore tant à faire pour que les travailleurs retrouvent par des moyens nouveaux la situazion calme et prospère qu'ils avaient dans les vieilles corporations! Le remède n'est pas dans le socialisme d'Etat, il habituerait les populations à croire que les ressources de l'Etat sont inépuisables et la désillusion prochaine serait plus déplorable et plus grave que la situation actuelle.

L'Etat ne doit supplanter ni l'initiative privée ni l'initiative collective, ce serait aller contre l'ordre naturel. Il doit stimuler cette initiative, l'encourager et au besoin lui prêter son aide. Ainsi a-t-on fait en Belgique pour la question des retraites. L'Etat donne un concours effectif à tous les associés des mutualités qui sont affiliés à la caisse des retraites. Cet encouragement a suffi pour englober presque toute la nation dans les mutualités.

Pour les œuvres, nous pouvons être sûrs que tout retard dans l'organisation de nos associations, mutualités, syndicats et caisses de crédit est une avance laissée au socialisme.

Combien il nous faudrait d'abnégation, de zèle, de dévouement!

Il faut à nos prêtres, à nos lévites, aux jeunes catholiques des collèges et des universités, une initiation nouvelle, pour qu'ils s'inquiètent des intérêts populaires, de l'organisation rationnelle et chrétienne de la société et de toute cette activité sociale chrétienne qui doit s'unir à la prédication de l'Evangile pour gagner les populations au Christ et former une société paisible et prospère.

Puisse cette initiation être partout favorisée, aidée, encouragée par tous ceux à qui Dieu en donne la mission!



La Sociologie catholique, janvier-février 1902, pp. 14-20.

SANS COMMENTAIRES

Ce qu'on peut lire dans la presse catholique italienne dans l'espace de huit jours seulement.

Milan. - Congrès professionnel de l'Italie septentrionale.

Quatre mille personnes présentes, représentant 107 associations et 103.000 ouvriers industriels agricoles. Grand enthousiasme, constitu­tion de la Fédération catholique des travailleurs. La Démocratie chrétienne est acclamée. L'assemblée envoie an ministre de l'Intérieur cette dépêche: «Quatre mille ouvriers réunis à Milan, au théâtre Fossati, protestent unanimement contre le projet de loi sur le divorce et réclament des réformes législatives sur le travail des femmes et des enfants, sur l'assurance contre les accidents, le repos dominical, les prud'hommes, l'agriculture, les employés de commerce, les portefaix et demandent l'admission de représentants catholiques à l'Office national du travail».

Le Congrès s'est terminé par le chant enthousiaste de l'Hymne démocratique chrétien.

Le Saint-Père a envoyé sa bénédiction.

Bologne. - Grande réunion de l'épiscopat de la région: trois cardinaux, quatre archevêques, dix-sept évêques.

Ces prélats, présidés par l'illustre cardinal Svampa, rédigent et publient une lettre pastorale collective pour stimuler l'action sociale du clergé et des laïques.

«Les Encycliques sociales de Léon XIII, disent-il, sont un code parfait de sociologie chrétienne; il faut qu'elles soient étudiées par tous les catholiques de bonne volonté, spécialement par le clergé, et par les jeunes gens élevés dans les séminaires».

«Le clergé doit consacrer ses forces à la fondation des Unions professionnelles, des Ligues catholiques et des autres œuvres sociales recommandées par l'Œuvre des Congrès».

Viterbe. - Première réunion provinciale de la Démocratie chrétienne. Mgr l'Archevêque et les six évêques de la province y assistent.

Ils encouragent cette assemblée dont ils espèrent les meilleurs résultats.

Programme de l'assemblée: L'action sociale chrétienne dans le temps présent; 2° Définition de la vraie Démocratie chrétienne; 3° Moyens de propagande; 4° De l'éducation sociale du clergé; La presse; 6° Les Caisses rurales; 7° Les organisations professionnelles; 8° La question agricole, etc.

Quinze cents personnes étaient présentes.

Le Père Bonaventure Stili des Frères-Mineurs a parlé avec enthou­siasme de l'Action démocratique de Saint-François.

Une belle assemblée générale avec la présence des sept évêques a couronné le Congrès dans la grande salle du Conclave, qui a été au Moyen-âge témoin de l'élection de plusieurs papes.

Osimo. - Inauguration d'un Groupe démocratique chrétien et d'un Cercle d'études sociales. Conférence sur le salaire en présence de Mgr l'évêque et d'une foule enthousiaste.

Ravenne. - Grande fête présidée par Son Eminence le Cardinal, pour la distribution des récompenses aux enfants des Patronages.

Trivento (Abruzzes). - «Notre vénérable évêque a établi une chaire d'économie sociale au séminaire».

Molfetta (Dans la Pouille). - Mgr l'évêque a réuni à l'évêché tout le clergé de la ville pour lui expliquer la nécessité de l'action sociale du clergé à l'heure présente. Il a recommandé l'union et a engagé ses prêtres à souscrire des actions pour la Coopérative catholique de crédit. La souscription a été ouverte immédiatement et la Coopérative commen­ce avec un capital initial de 5.000 francs.

A la suite de cette même réunion, on a fondé à Molfetta un Cercle d'études sociales pour les jeunes gens et un Comité d'action électorale sur la base du programme communal catholique.

Vicence. - «Avec le concours de l'autorité ecclésiastique, nous avons fondé une Ligue démocratique chrétienne. Nous sommes en pleine activité depuis trois mois. La jeunesse de Vicence goûte le programme démocratique chrétien, elle est prête au travail et au sacrifice pour le réaliser».

Turin. - Réélection annuelle du bureau à l'Union démocratique chrétienne. Tournée de conférences dans la province, à Biella, Maglia­no, etc.

Milan. - Formation de nouvelles sections de la Ligue catholique du Travail, à la suite de conférences données par les propagandistes du Groupe démocratique chrétien. Inauguration d'un groupe démocratique de femmes.

Crémone. - L'action démocratique chrétienne grandit chaque, jour; grâce à nos associations: Office du Travail, Cercle d'études, Faisceau démocratique.

Brescia. - Réunion générale des Unions catholiques du Travail de la province. Envoi au Ministère d'une protestation de 2.500 jeunes gens contre le divorce.

Palazzolo. - Dans cette commune de 7.000 habitants, l'Union catholique du travail compte 1.400 inscrits.

Monza. - Grande activité à la Ligue catholique du Travail, à la Ligue des femmes, au Cercle d'études, au Groupe démocratique.

Chiavari. - Organisation d'un groupe de conférenciers pour la propagande démocratique chrétienne dans les campagnes.

Voltri. - Assemblée générale de la Ligue catholique du Travail, réunion de la Chambre du travail pour promouvoir le repos du dimanche.

Bologne. - Réunion des associations catholiques pour adhérer à la protestation de l'épiscopat contre la loi du divorce.

Livourne. - Conversion retentissante d'un socialiste. Il publie cette protestation dans les journaux: «Ayant reconnu que la Démocratie chrétienne peut seule réaliser pacifiquement le règne de la justice, de la liberté et de la paix sociale à l'avantage des classes laborieuses, je quitte les rangs du socialisme pour passer dans ceux de la Démocratie chrétienne, bien déterminé à faire à l'avenir tout mon devoir comme démocrate chrétien».

Francesco Ulissi

Bibbiena. - Conférence au théâtre devant 600 auditeurs sur la Démocratie chrétienne.

Florence. - Tournée de conférences pour la propagande.

Pise. - Création au séminaire d'un cours régulier d'Economie chrétienne, qui est fait par le professeur Toniolo.

Toute la Sicile elle-même est entraînée dans le mouvement.

A Messine, le cardinal-archevêque a fondé une école d'agriculture pour les clercs. On en attend des résultats immenses pour l'action catholique dans les campagnes.

A Girgenti, fondation de la vingtième Caisse rurale du diocèse.

A Catane, inauguration de l'Union démocratique chrétienne dans les salons de l'archevêché.

De Palerme, on écrit: Les œuvres économiques se multiplient dans tous les diocèses de l'ile. - Il y a des chaires d'Economie chrétienne dans les séminaires de Girgenti, de Caltagirone, d'Acireale, un Cercle florissant d'études sociales au séminaire de Nicosia.

La Sicile a déjà quatre journaux spéciaux de démocratie chrétien­ne: l'Unione, le Granellino, l'Idea Popolari, la Croce di Constantino.

Les autres journaux catholiques sont presque tous favorables à la Démocratie chrétienne.

La presse démocratique chrétienne n'est pas moins prospère dans l'Italie continentale qu'en Sicile. - A Viterbe, le Congrès, présidé par sept évêques, a décidé la fondation d'un nouveau journal démocrati­que chrétien: Speranze nuove: Nouvelles espérances, quel beau nom!

A Bitonto, sous les auspices de Mgr Berardi, a été fondé le journal Democrazia cristiana.

A Turin, la Voce dell'operaio mène une brillante campagne. - Dans les Marches, nouveau journal professionnel La Pesca.

A Pistoia, le journal populaire La Difesa a mis en sous-titre: périodique démocratique chrétien.

Je m'arrête sans pouvoir achever.

Il me semble, chers lecteurs, voir vos pommettes empourprées, est-ce d'admiration ou d'envie?

Ne vous semble-t-il pas que si nous faisions en France seulement la moitié de cela, les choses iraient bientôt mieux!

Rome, 15 février 1902

P.S. - La circulaire de la Secrétairerie d'Etat pontificale sur l'orga­nisation de la démocratie chrétienne est maintenant publiée en France. Son apparition a suscité un certain émoi. Plusieurs journaux, même catholiques, sur la foi d'une agence romaine, ont voulu y voir une répression ou une diminution de l'action démocratique chrétien­ne. La Voce della Verità, journal officieux du Vatican, leur répond gentiment: L'agence qui vous renseigne est une officine d'odieux mensonges. - Dire que le Pape est ennemi de la démocratie chrétienne et que la suppression de ce parti devient inéluctable, c'est une canaillerie sectaire, una canagliata settaria. - Prétendre que la démo­cratie chrétienne serait un pastiche des doctrines condamnées par le Syllabus, c'est une accusation infâme autant que gratuite, (è una accusa infame per quanto gratuita); c'est une forme de discussion tendancieuse qui violente le sens non seulement de la Circulaire mais des Encycliques pontificales. - Ce que le Pape veut, c'est au contraire un développe­ment toujours plus grand de la démocratie chrétienne». (N. du 14 février).

Nous n'espérons pas que des paroles même si catégoriques ouvriront les yeux aux écrivains de certains journaux et livres tendancieux, mais elles pourront éclairer bon nombre de leurs lecteurs.

Pour nous, agissons avec ardeur dans une humble docilité aux directions du Vicaire de Jésus-Christ.



La Chronique du Sud-Est, N. 2, février 1902, pp. 44-46.

LES ELECTIONS

VUES DE POMPEI

Je ne puis pas penser aux prochaines élections sans une véritable angoisse. Tout y est en jeu, non seulement les intérêts matériels de la France, mais la paix sociale, la vie religieuse de la Fille aînée de l'Eglise et par contre-coup l'action de l'Eglise dans le monde entier, car beaucoup de nations, surtout les peuples latins, suivent l'impul­sion, bonne ou mauvaise, donnée par la France.

Ces angoisses obsédantes sont une fatigue; pour y échapper, pendant quelques jours, j'allai chercher le repos dans la prière auprès du sanctuaire de Notre-Dame du Rosaire à Pompei.

Naturellement, un jour de récréation, je visitai les ruines si impressionnantes de la vieille cité qui revoit le jour après avoir passé dix-huit siècles sous les cendres du volcan.

Je cheminais dans ces rues désertes, dans ce séjour de la mort. Je lisais nonchalamment les inscriptions tracées à l'ocre rouge sur le plat des murailles, et je m'aperçois tout à coup que le cauchemar électoral m'a suivi jusque là. Il n'y a plus de doute pour moi. Pompéi a été engloutie en pleine période d'élections. Toutes ces inscriptions sont des réclames électorales. C'est tantôt un électeur, tantôt un groupe de citoyens, une corporation d'artisans ou de marchands, qui recomman­dent pour l'édilité, pour le duumvirat, le candidat qu'ils préfèrent.

Mes souvenirs historiques me redisent en effet que Pompéi, comme beaucoup de villes d'Italie, était un municipe avec toutes les libertés civiques. C'était une petite république. Elle avait son sénat, composé de décurions héréditaires, chefs des familles patriciennes, et de décurions élus. Elle avait comme Rome ses édiles ou préfets élus, dont deux étaient patriciens et deux plébéiens.

Les corporations de métiers désignaient aussi au scrutin leurs syndics ou duumvirs, qui avaient dans le corps de métier un pouvoir administratif et judiciaire.

Au moment de la grande catastrophe, les corporations élisaient leurs duumvirs et la cité élisait ses édiles. Je lis: «Paratus recommande Pansa». «Le maître Valentin et ses élèves proposent Sabinus et Rufus». Les fruitiers, les portefaix, les muletiers, les charrons ont leurs candidats. Que veut dire ceci: «Les dormeurs se déclarent pour Vatia?». Il n'y a pas à en douter, c'est une période électorale aiguë, il y a quelque péril national, quelque parti «Waldeck-Millerand» à redou­ter. Les dormeurs eux-mêmes sont debout, les bourgeois insouciants sans doute, les abstentionnistes endurcis, que les autres ont stimulés en les traitant de dormeurs.

Ces affiches sont partout, mais surtout au coin des rues, auprès des thermopoles, Les cafés de ce temps-là, où l'on vendait le vin chauffé et aromatisé. La buvette était déjà pour les candidats un terrain de culture propice.

Il y avait aussi des panneaux de murailles spécialement réservés aux affiches. On appelait cela l'album, parce que les réclames s'y inscrivaient sur un fond blanc.

Mais elles m'intéressent, ces élections! - et j'oublie ma résolution de ne plus penser pendant hui jours à la campagne fiévreuse qui se prépare.

Oh! ce n'est pas que je prenne parti pour Pansa ni pour Rufinus. Mais bien des circonstances de cette vie sociale pompéienne me saisissent. Voilà vraiment une belle bataille qui a secoué l'apathie des dormeurs eux-même!

Les jeunes sont là, ils agissent, ils manifestent, ils affichent: «Valentin et ses élèves proposent Sabinus et Rufus». On ne laisse pas aux seuls candidats le soin de s'afficher eux-mêmes, leurs amis les recommandent comme «des hommes honnêtes, intègres et dévoués au peuple».

Quelle puissante organisation corporative! Tous les corps de métiers ont leurs assemblées, leurs caisses d'assistance mutuelle. Les plus importants, comme les foulons, les argentiers, ont leur bourse de commerce, leur tribunal, leur sanctuaire. Une riche veuve Eumachia a fait construire la bourse des foulons. Ils ont un temple à Mercure, et leurs duumvirs jugent tous leurs différends professionnels aux pieds d'une statue de la Concorde!

Le sénat municipal a aussi son sanctuaire, et les décurions font offrir un sacrifice dans le Panthéon pour que leurs délibérations soient agréables aux dieux.

La religion est dans la nature de l'homme. Même la sensuelle Pompéi n'échappait pas à cette loi de l'humanité. Ce sénat n'était pas agnostique, comme on dit aujourd'hui. Il n'exilait pas les congrégations religieuses. Vous verriez aux portes de Pompéi, sur les tombes monumentales des prêtres du Collège Augustal, ces mots: aere publico, c'est-à-dire que la ville leur faisait des funérailles publiques.

Allons, chers lecteurs de la Chronique, jeunes chevaliers chrétiens, serez-vous moins patriotes que. les païens de Pompéi? Serez-vous plus dormeurs que les bourgeois de la grande cité sensuelle et amollie?

Et pour quel but agissaient-ils là-bas? Pour avoir des édiles qui veilleraient avec soin aux approvisionnements de la ville, à l'éclat des fêtes publiques, à l'organisation des théâtres et des cirques.

Ne s'agit-il pas chez nous d'intérêts bien supérieurs à ceux-là? Tout ce qu'il y a de grand, de saint, de noble est en question: la religion, la famille, la propriété, les libertés les plus plus sacrées.

L'inertie en pareil cas est plus qu'une folie, elle est un crime.

A l'œuvre donc! Vous aussi, vous allez agir, vous allez vous grouper. Vous ferez parler les murailles et retentir les salles de réunions, vous recommanderez vos candidats. Vous irez pérorer aux thermopoles, s'il le faut.

Profitez de cette campagne électorale pour réclamer l'organisation corporative. Nos ouvriers ont faim et soif d'unions professionnelles sérieuses où ils trouveront le concours fraternel dont ils ont besoin.

Réclamez aussi le respect de la religion. Nous sommes tombés plus bas que les païens par notre positivisme bestial.

Sursum corda! Oui, agissons et prions dans cette grande lutte nationale. Jeanne d'Arc alla secouer les dormeurs de Chinon et les entraîna au combat. Imitez la sainte pucelle, stigmatisez les dormeurs et sus aux ennemis de la France chrétienne!

Rome, 18 mars.

P.S. - On ne comprend rien en Italie à l'acharnement de quelques catholiques français contre la démocratie chrétienne. Le Pape n'a-t-il pas parlé assez clairement? En Italie, l'action sociale catholique et la démocratie chrétienne sont absolument synonymes. Les derniers docu­ments pontificaux sur l'Œuvre des Congrès le disent cent fois.

Les ennemis de la démocratie chrétienne en France continuent à la travestir en lui imputant toutes les erreurs ou les témérités contempo­raines sur la philosophie, l'exégèse et le reste. C'est une manière déloyale de combattre les directions pontificales.

Si tel ou tel démocrate chrétien est américaniste ou kantiste, tant pis pour lui, c'est son affaire personnelle, cela n'a rien à voir avec la démocratie chrétienne.

Celle-ci n'est pas autre chose que l'action sociale catholique. Elle a pour but le relèvement du prolétariat, selon les exigences de la justice et de la charité, par les œuvres, par l'organisation coopérative et par la législation. C'est la seule issue,qui nous reste pour ramener à l'Eglise les populations ouvrières qui se précipitent vers le socialisme. Tous ceux, parmi les catholiques français, qui se laissent entraîner par une arrière-pensée politique à combattre, cette action sociale compromettent hélas! bien gravement les intérêts de l'Eglise et ceux de notre pauvre France.



La Chronique du Sud-Est, N. 3, mars 1902, pp. 81-83.

UNE EVOCATION

Il est de mode de faire causer les hommes importants sur les questions du jour et de publier leur manière de voir dans une interview plus ou moins exacte. Pour moi, j'aime beaucoup à évoquer les morts, Oh! je ne suis pas spirite; quand l'interroge les morts, je cherche leurs réponses dans leurs écrits ou dans la tradition.

J'allais donc cheminant par les rues de mon quartier, en compagnie de celui que partout, on appelle le Bon Père. M. Harmel revenait du Vatican, il me racontait la belle audience qu'il avait eue, l'accueil affectueux et paternel du Saint Père et le désir qu'avait Léon XIII de le voir amener encore un beau pélerinage en septembre prochain.

Tout à coup nous nous trouvions en face de l'église de Saint-Jean décapité. Qu'est-ce que cette église? me dit le Bon Père. - En vieux romain, j'étais à même de lui en conter toute l'histoire. - C'est le siège, lui dis-je, de la confrérie de la miséricorde, on pourrait dire de la suprême miséricorde. - Rome a fondé des instituts et des œuvres pour secourir toutes les misères. Or, la misère suprême n'est-elle pas celle du criminel qui va expier sa faute sur l'échafaud? Eh bien, c'est pour assister ces hommes les plus malheureux entre tous, qu'a été fondée la confrérie de la misércorde. Des prêtres et de pieux fidèles s'occupaient de préparer ces malheureux à la mort, de les consoler, de les convertir et de les conduire tout droit au ciel en offrant pour eux des messes et des indulgences.

Mais pourquoi, me dit le Bon Père, ces confrères ont-ils pris Saint Jean-Baptiste pour patron! C'est d'abord, lui répondis-je, parce que Saint Jean-Baptiste a été lui-même décapité. Le Moyen âge chrétien aimait ces analogies ou ces contrastes saisissants; mais c'est aussi, sûrement, parce qu'il a été souverainement miséricordieux pour tous ceux qui souffraient. - Alors, me dit le Bon Père, s'il avait vécu de notre temps, il aurait été un de ces démocrates chrétiens que certaines gens n'aiment pas? - Ah! soyez en sûr, il eût été leur chef. Tenez, si vous voulez, rentrons et nous l'interrogerons en relisant ses discours dans Saint Luc et Saint Mathieu.

Nous rentrâmes et l'évocation commença.

- Grand Saint, que pensez-vous de nos querelles sociales?

- Votre temps, nous dit le cher Saint, ressemble fort au mien. J'avais affaire aux Pharisiens, aux Sadducéens, aux Publicains et aux masses populaires.

Les Pharisiens, c'étaient les aristocrates intransigeants. Ils se dra­paient dans leur dignité, rappelaient avec ostentation leurs généalo­gies, répétaient sans cesse qu'ils descendaient d'Abraham et atten­daient sottement que le vieil état social se relevât, au lieu de s'occuper à rendre meilleures les conditions du temps où ils vivaient. Je ne les traitai pas doucement, je savais qu'il n'y avait rien à faire avec ces entêtés. «Vous êtes, leur disais-je, de la race des vipères». La vipère est sensuelle, disent les naturalistes, et elle empoisonne ceux qu'elle touche. Les Pharisiens d'alors et d'aujourd'hui sont des hommes sensuels et vaniteux qui empoisonnent une partie des naïfs par leurs doctrines réactionnaires.

Les Sadducéens, c'étaient les libres-penseurs de ce temps-là, les parvenus, ceux qui écrasaient le peuple par l'usure. Ceux-là non plus n'étaient pas d'humeur à m'entendre. Je n'avais pas de succès auprès d'eux.

Les Publicains, c'étaient les employés de l'Etat. La plupart exécu­taient machinalement les plus mauvaises lois, quelques-uns y met­taient un malin plaisir et renchérissaient encore leurs exigences personnelles sur celles du fisc. Aujourd'hui ils crochetteraient les couvents et grossiraient les droits d'abonnement. Je les rappelais à la pratique de la justice.

Puis des foules venaient à moi où tous les rangs se mêlaient. Il y avait là aussi quelques personnes de condition élevée, mais surtout d'humbles travailleurs. Je leur rappelais les règles de la saine démocratie: «Que celui qui a deux vêtements, leur disais-je, en donne un et que celui qui a des aliments pour deux partage avec le pauvre». - Cela veut dire que chacun peut bien avoir son patrimoine et garder de quoi vivre honorablement, mais qu'après avoir satisfait à toutes les règles de la justice envers le prochain, on doit encore donner de son superflu au pauvre.

- Après cette évocation, nous reconnaissions que si le Christ a été le fondateur de la démocratie nouvelle, Saint Jean-Baptiste, en a bien été le précurseur. Ce qu'a été Saint Jean-Baptiste, le Christ l'a prêché également et parfois dans les mêmes termes. Les Pharisiens viennent à lui aussi, mais toujours avec leur croyance et leur entêtement. - Vous êtes de la race des vipères, leur dit le Christ, comme leur a dit Saint Jean. - Nous sommes les descendants d'Abraham disent ces orgueilleux. - Vous êtes, réplique jésus, les fils du diable et vous faites les œuvres de votre père.

Saint jean a été le précurseur de la démocratie chrétienne, comme les François d'Assise, les Antoine de Padoue, les Bernardin de Sienne, les Vincent de Paul en ont été les hérauts, comme Léon XIII en a été le nouveau législateur. Elle triomphera aujourd'hui, comme elle a triomphé parmi les premiers chrétiens et dans les beaux siècles du Moyen Age. Son nom irrite encore les nerfs de quelques pharisiens en France. En Italie le calme est fait: Aucun catholique, à plus forte raison aucun prêtre n'oserait plus ternir ce beau vocable. Ici tout catholique est désormais démocrate chrétien.

En langue moderne on dirait que la démocratie chrétienne est entrée dans les mœurs des catholiques italiens. Elle a pénétré partout. Les conférences sacerdotales étudient la démocratie chrétienne. Elle a sa place dans le programme des études cléricales. On lui réserve une part jusque dans les retraites des séminaristes et des ordinands.

O tempora! o mores! diront nos réactionnaires français. Laissons-les gémir et passons.

La grande Œuvre des Congrès vient d'envoyer, sur l'avis du Pape, le programme sommaire de la démocratie chrétienne à toutes les paroisses d'Italie. Les institutions démocratiques sont divisées en huit groupes:

1 Mutualités;

2 Banques et Caisses de prêts et d'escomptes;

3 Caisses rurales et ouvrières;

4 Coopératives d'assurances, de production, d'achat, de consomma­tion et autres;

5 Unions agricoles;

6 Unions professionnelles, rurales, et ligues du travail;

7 Cercles, Faisceaux et groupes démocratiques chrétiens;

8 Secrétariats du peuple.

Voilà un programme, chers lecteurs de la Chronique.

Vous êtes tout entiers aux élections, c'est l'œuvre du jour; mais la démocratie chrétienne, c'est l'œuvre de tous les jours, l'œuvre d'aujourd'hui et de demain.

Si les élections sont bonnes, elle en affermira les résultats; si elles sont mauvaises, elle en préparera de meilleures pour l'avenir.

Rome, 18 avril.


La Chronique du Sud-Est, N. 4, avril 1902, pp. 114-115.

LA PAIX DE DIEU

Oh! l'heureux temps où les papes étaient acceptés comme les médiateurs des princes et des peuples. Que de guerres ils ont empêchées ou abrégées pendant les siècles chrétiens!

Ces belles fonctions de pacificateurs et d'arbitres, ils sont rarement appelés aujourd'hui à les exercer dans les conflits politiques qui s'élèvent entre les nations.

Ils sont encore, du moins pour les bons catholiques, les juges de la Doctrine et de la discipline. S'élève-t-il une querelle, une divergence, une difficulté entre nous, sur une question de quelque importance au point de vue dogmatique, moral ou disciplinaire, le Saint-Siège intervient et il proclame la paix de Dieu. Quand Rome a parlé la cause est finie.

Voilà dix ans qu'un dissentiment pénible subsistait parmi les catholiques de France, d'Italie et de Belgique, au sujet de la démocratie chrétienne. Le mot plaisait beaucoup aux uns et pas du tout aux autres, et parfois la querelle était assez vive.

Le Pape avait bien accepté l'expression à plusieurs reprises, mais comme en passant, et il semblait à quelques-uns que la question n'était pas définitivement tranchée. Mais après les instructions que le Saint Siège vient de publier pour l'organisation et le développement de la démocratie chrétienne en Italie, c'est la paix de Dieu, il n'y a plus à hésiter: Rome a parlé, la cause est finie.

Non la Démocratie chrétienne n'est pas, comme quelques-uns le pensaient bien encore, un simple groupe de jeunes prêtres, ardents, avancés, hardis et parfois téméraires; la Démocratie chrétienne, c'est l'Eglise, en tant qu'elle favorise les intérêts du peuple par la pratique de la justice et de la charité. La démocratie chrétienne, c'est l'action populaire catholique.

Ces instructions pontificales sont encore peu connues en France, parce qu'elles ont été publiées en italien, et qu'elles s'appliquent spécialement à l'Italie. Mais si elles sont désormais une règle obligatoire pour l'Italie, elles sont au moins une direction pour la France. Elles ont été traduites en français par la revue «La démocratie chrétienne» de Lille. Quand elles auront été lues et méditées partout en France, ce sera la pleine lumière. Personne ne sera plus excusable de faire mauvaise mine à la démocratie chrétienne.

On ne pourra plus dire que le Pape n'a pas parlé clairement. Il a publié deux documents: l'un comprend les statuts et règlements de l'œuvre des congrès en Italie, l'autre est une instruction sur l'Action populaire ou démocratique chrétienne. Et quel est l'objet de cette instruc­tion? C'est de déterminer les moyens de développer et de promouvoir l'action démocratique chrétienne en Italie.

Est-ce assez clair? Savez-vous l'italien? Voici ce que veut le Pape: svolgere e promuovere l'azione démocratico-cristiana in Italia.

Ce n'est plus en passant et comme en hésitant que le Pape a parlé cette fois de la démocratie chrétienne. Il en donne tout le code, les applications, les œuvres et l'organisation.

Sa première instruction est relative à l'action catholique en général, elle embrasse toutes les œuvres: œuvres de piété, d'enseignement, de charité, etc.

La seconde est relative à l'action populaire et désormais l'expres­sion action populaire est synonyme de l'expression démocratie chrétienne. Le document pontifical s'applique à bien établir cet échange ou cette égalité de mots. Quinze fois dans ses pages il unit les deux noms par la conjonction ou, qui marque l'équivalence des termes; l'action populaire ou la démocratie chrétienne.

Trois ou quatre fois à peine, il nomme seulement l'action populaire; bien plus souvent, et jusqu'à dix-huit fois, il dit seulement la démocratie chrétienne ou les démocrates chrétiens. C'est évidemment l'expression qui prévaudra.

Le second groupe de l'Œuvre générale des Congrès, est désigné comme l'office central de la démocratie chrétienne. Les œuvres qu'il doit promouvoir sont appelées les œuvres et constitutions démocratiques chrétiennes. Le document a des chapitres spéciaux pour les Cercles démocratiques, pour les journaux et les autres publications démocra­tiques, pour les conférences démocratiques.

Il n'y a plus de doute, le mot est adopté, baptisé, consacré. L'instruction ne s'adresse pas à un petit groupe de catholiques qui feraient une œuvre particulière, elle s'adresse à tout l'épiscopat, à tout le clergé, à tous les hommes d'œuvres en Italie.

Elle ne suppose même plus de doute sur l'adoption du mot. Ces doutes qui ont subsisté en France, ont entièrement disparu en Italie. L'instruction commence par déclarer qu'elle veut mettre fin à quelques divergences au sujet des moyens à prendre, pour développer la démocratie chrétienne.

Et en passant, le saint Père rappelle, comme nous le disions tout à l'heure, que la démocratie chrétienne n'est que l'application de l'Evangile et même de la justice naturelle. Elle est fondée sur le droit naturel et sur les préceptes de l'Evangile. - Elle est basée sur la justice et sur la charité évangélique. - Elle n'est pas une chose nouvelle, elle est aussi ancienne que les préceptes et les enseignements de l'Evangile.

O bienheureuse paix de Dieu! Rome a parlé, la cause est jugée. La démocratie chrétienne va s'organiser, se propager, se développer en Italie. C'était commencé déjà, mais il y avait des initiatives diverses qui manquaient d'autorité et d'ensemble.

Maintenant la direction est confiée par le pape au second groupe de l'Œuvre des Congrès. A la tête de ce groupe se trouvent des hommes éminents, comme le comte Medologo, descendant du grand joseph de Maistre et le commandeur Rezzara, l'initiateur des belles œuvres de Bergame. Ils n'ont pas perdu un instant. Ils ont déjà donné un programme, ils ont commencé une statistique, ils ont un organe officiel de la démocratie chrétienne.

Et nous? Nous sommes en retard, c'est manifeste. Avant l'Italie nous avions eu des organisations partielles: l'œuvre des Cercles, l'Union des œuvres ouvrières. Ce n'est plus suffisant. Il nous faut une adhésion simple, loyale à l'action démocratique chrétienne, conseillée, ordonnée par le Pape. Il faut la dégager de l'action politique, comme a fait le Pape pour l'Italie, et il faut l'organiser crânement, ouvertement, en nous appuyant sur la liberté d'association.

Comme en Italie, il faut que les comités d'actions soient laïques, avec un prêtre désigné par l'autorité épiscopale comme assistant ou conseiller. La loi sur les associations permet tout cela.

Nous avons déjà de magnifiques éléments à réunir: les groupes du Sud-Est, ceux de Tarbes, de Bordeaux, ceux du Sillon, ceux du Nord. Maintenant que la fièvre de l'agitation électorale sera calmée, c'est à cela qu'il faut tendre. Organisons en France l'action démocratique chrétienne. Donnons cette joie à Léon XIII pour son année jubilaire.



La Chronique du Sud-Est, N. 5, mai 1902, pp, 153-155.

UN ETAT D'AME

Un parti qui veut grandir et triompher doit avoir des éléments jeunes, une organisation, des apôtres et un fond d'enthousiasme qui fasse explosion à certains jours.

L'Action libérale populaire s'offre à nous pour nous guider en France. C'est bien, mais la tâche est grande. Il n'y faut pas commettre de fautes. D'autres groupements ont essayé de nous soulever, ils ont donné des résultats incomplets; si celui-ci échouait encore, on verrait croître dans nos rangs le découragement et l'apathie.

Au moment de se mettre à l'œuvre, un des meilleurs stimulants que l'on puisse rencontrer, c'est l'exemple. J'apporte ce secours, et je veux vous présenter dans une explosion d'enthousiasme un parti jeune, ardent, organisé et qui marche à la victoire; c'est le groupe de la Démocratie chrétienne en Italie.

On parlait autrefois avec admiration en Italie de la furia francese, c'était un souvenir de nos siècles glorieux, un souvenir des croisades, ravivé par la juvénile et sainte ardeur des zouaves pontificaux. Mais depuis quelques années, le parti catholique français a les fers aux pieds; et ces fers, ce sont ses divisions politiques. L'esprit chevaleres­que a passé les Alpes, et nous le voyons tout à coup se manifester dans un éclat d'enthousiasme à la fête de la Charte du travail, à l'anniversaire de la grande Encyclique, au 15 mai.

Lisez plutôt ce récit sommaire, et dites-moi de quel côté des Alpes est la belle et sainte furia.

Je parcours les provinces italiennes avec le vol rapide de l'hirondel­le.

Que vois-je? Le vieil esprit de foi et de liberté qui avait autrefois réuni les cent cités italiennes dans un pacte sacré, juré au Capitole, pour la défense de l'Eglise et du peuple, soulève à nouveau toutes les provinces de l'Italie.

Au dimanche de la grande fête, le 18 mai, en cent villes différentes, les cercles et les corporations de la Démocratie chrétienne se réunissent.

Hommes, femmes et jeunes gens suivent leurs bannières. Ils portent l'œillet blanc à la boutonnière. Ils sont ici cinq cents, là mille, là dix mille, là quinze mille. Ils ont la messe le matin et beaucoup reçoivent la sainte communion. Ils ont des banquets fraternels, des conférences, des pèlerinages, des comices en plein air. Ils chantent l'hymne de la Démocratie chrétienne. Ils acclament le Pape des ouvriers, ils lui envoient par le télégraphe l'écho de leur enthousiasme. Ils acclament les apôtres de la Démocratie: le professeur Toniolo, les prêtres journalistes, don Albertario et don Murri. C'est une journée de furia: l'ardeur bouillonnante des Français a passé les Alpes.

Voici le Piémont. - L'Union démocratique de Turin a convoqué les sociétés ouvrières de la région. Le coadjuteur du Cardinal chante la messe et bénit les bannières… banquet… conférence, où fraternisent les ouvriers et les étudiants. On entend les discours d'un avocat, d'un ouvrier et d'un étudiant… interminables vivats. On acclame Léon XIII, le Pape des ouvriers.

Les autres villes du Piémont rivalisent avec Turin. Vimercate a un comice de cinq mille ouvriers de culture.

Voici la Ligurie. - Les Génois se réunissent à Rossiglione, ils ont une grande conférence où quelques socialistes essayent en vain de leur répondre. - A Voltri, grand cortège et comice de plusieurs groupes de la région, avec leurs bannières et les œillets blancs. Ils manifestent leurs sentiments de fraternité chrétienne en faisant célébrer un salut pour les victimes de la Martinique.

Voici la Lombardie. - Même enthousiasme. A Milan, deux grandes réunions: une pour les ouvriers une autre pour les ouvrières de plusieurs corporations de la région; discours sur le féminisme chrétien, sur l'organisation ouvrière, sur le repos dominical, sur le travail des femmes et des enfants… enthousiasme indescriptible… télégramme au Pape, télégramme au ministre de l'Intérieur pour réclamer la loi sur le repos hebdomadaire.

Il en est de même à Lodi, à Monza, à Luino. Ici ils sont quinze cents, là deux mille. A Monza, on distribue six cents communions. Dans la Vénétie, grande réunion à Padoue. A Rovigo, l'évêque préside. En plusieurs villes, on distribue aux ouvriers des numéros spéciaux de journaux démocratiques et notamment du Domani.

Dans l'Émilie, mêmes fêtes à Bologne, à Parme et à Modène. On distribue les numéros spéciaux et les œillets blancs. A Parme, la conférence se tient dans le grand salon de l'évêché.

Dans la Romagne, la ville morte de Ravenne se réveille. L'impulsion a été donnée aux œuvres par le saint cardinal Riboldi. - A Cesena, à Faenza, démonstration avec l'œillet blanc, chants de l'hyme à la Démocratie. - A Vallone, conférence en plein air sur la place de l'église. Cela rappelle les assemblées populaires du Moyen-âge.

Dans la Toscane, Florence se réveille aussi. Elle a des centaines d'affiches multicolores, pour annoncer la grande fête de la Démocra­tie chrétienne. - Pistoia a convoqué tous les groupes de la région au beau site appelé Belvedere. Il y a là au jour dit 16.000 assistants qui envoient leur hommage au Pape. Les femmes chantent l'hymne de la Démocratie. Quelques socialistes essayent d'interrompre une con­férence, les cris de vive le Pape, vive la Démocratie chrétienne s'échappent de 16.000 poitrines et couvrent la voix des opposants. - A Peccioli, conférence publique sur la place du Carmel. Le pays est couvert d'affiches diverses rappelant des paroles choisies de l'Encycli­que ou des principaux apôtres de la Démocratie. - A Arezzo, deux mille personnes assistent à la conférence provoquée par le Comité diocésain. - A Pescia, le groupe des jeunes porte une corbeille d'œillets blancs à l'évêque qui les félicité et les encourage.

Mêmes démonstrations dans l'Ombrie, dans les Romagnes.

A Rome, la Ligue du travail a convoqué toutes les sociétés du Latium. Grande conférence au théâtre de la Tiberina, le Pape envoie une dépêche des plus affectueuses.

Dans les Pouilles, à Andria, l'évêque et tout le clergé sont de la fête. On voit à la réunion: trois chapitres de chanoines, soixante prêtres, des franciscains, des dominicains et tout le séminaire. A Tarente, la fête se passe à l'archevêché, c'est l'archevêque qui est le conférencier.

En Sicile, à Girgenti, conférence de l'archevêque: sept sociétés y prennent part avec 800 ouvriers. - A Cefalù, la fête se passe à la villa épiscopale, des séminaristes et des ouvriers prennent la parole: enthousiasme indescriptible.

Ces fêtes sont l'occasion de la fondation d'œuvres nouvelles: caisses rurales, ligues du travail, cercles d'études…

Voilà certes un état d'âme bien caractérisé. C'est une explosion de vie sociale chrétienne, de guelfisme.

Heureux les peuples qui ne marchandent pas avec les directions pontificales!

Quelle leçon pour nous, et que nous sommes lents à comprendre! Confiance, quand même! que les zélés agissent et souffrent, Dieu fera le reste!



La Chronique du Sud-Est, N. 6, juin 1902, pp. 189-191.

UN PROGRAMME COMMUNAL

L'action sociale catholique doit être incessante.

En Belgique, à peine les élections législatives sont-elles terminées que les comités se remettent à l'œuvre. Il y a tant à faire: des journaux à soutenir, des comités à réorganiser etc., dormir sur ses lauriers est une tactique désastreuse. Dormir quand il n'y a pas de lauriers, est plus désastreux encore. Ce serait le cas en France. Il faut se garder, se réorganiser, agir en vue des élections à venir et ne jamais dormir.

Eussions-nous quatre ans devant nous, c'est bien court; mais il peut survenir une dissolution, une élection locale, par suite de décès ou de démission.

Le lendemain d'une élection est un moment favorable pour agir. Cela paraît un paradoxe, mais c'est une vérité pure. Les esprits sont en éveil, on vient de voir manœuvrer la machine électorale. On en connaît toutes les parties faibles, on sait quelles sont les communes qu'il faut organiser, les quartiers qui réclament une propagande spéciale. Il y a un journal à soutenir, des comités à réunir, des groupements de jeunes gens à former. Relisons la fable du lièvre et de la tortue. Il faut partir à temps pour arriver premier.

Et d'ailleurs, si les élections législatives à venir paraissent éloignées, il y a les élections communales qui nous talonnent, c'est dans deux ans. Avez-vous une liste prête? Avez-vous surtout un programme?

Voyez en Italie, on est dans la fin des élections communales, mais il y a deux ans qu'on les prépare.

Les catholiques ont publié sur la question communale des brochu­res, des tracts, des articles de revues et de journaux. Le second groupe de l'œuvre des Congrès, c'est-à-dire le groupe d'action populaire et démocratique, a rédigé un programme communal que des feuilles de propagande ont porté partout, comme le vent de l'automme porte partout les feuilles détachées des arbres.

Les catholiques ont présenté presque partout une liste, soutenue par un comité, et défendue par des conférences et des affiches.

Le ton général du programme, c'est la protection des intérêts populaires représentés à la fois par des propagandistes de l'idée démocratique et par des candidats ouvriers; c'est le développement de la vie sociale, industrielle et commerciale; c'est la reprise des services communaux, concédés jusque-là à des compagnies capitalistes; c'est enfin le projet de reconstituer, avec le profit des services publics, un patrimoine populaire en vue des assurances et des secours nécessaires.

A Rome, le programme local du groupe démocratique a été présenté par don Murri dans une brillante conférence.

En voici les points principaux:

1° Développement de l'instruction et de l'éducation professionnelle, notamment par la fondation d'une école commerciale dotée de bourses;

2° Fondation d'un Office et d'un Conseil du travail, pour préparer par des enquêtes et des études de statistique la nouvelle activité sociale de la commune;

3° Dénonciation, en temps opportun, des traités passés avec la Compagnie des tramways et celle de l'éclairage, afin que la commune puisse municipaliser ces deux services; projets pour la distribution de la force motrice et de l'eau;

4° Avantages à procurer dans les travaux communaux, aux coopérativede production et aux corporations professionnelles;

5° Assistance des quartiers les plus pauvres par diverses institutions municipales et notamment par les soupes scolaires;

6° Rectification de la taxe de famille (sorte d'impôt sur le revenu), pour les revenus supérieurs à 10.000 francs…

Voilà certes un beau programme, que nous ne devons pas copier à la lettre, mais dont nous devons nous inspirer.

Sans cette évolution démocratique, les catholiques auraient été battus presque partout en Italie. Les élections communales se feront de plus en plus sur cette question des intérêts populaires.

Est-ce trop de deux années en France pour préparer et propager un programme?

Pourquoi des inconnus, des hommes sans valeur personnelle ont-ils envahi les hôtels-de-ville de nos grandes cités? C'est parce qu'ils se présentaient avec un programme populaire. Ayons un programme étudié. Présentons-le loyalement, le peuple nous saura gré d'y viser aussi ses intérêts moraux et religieux, mais il ne veut pas que nous oubliions ses avantages immédiats. L'Evangile d'ailleurs, nous y convie; et en cela, comme dans tout le reste, l'intérêt bien entendu concorde avec le devoir.

Chers jeunes gens du Sud-Est, étudiez, préparez un programme communal. Ayez dans tous vos groupes le Manuel du conseiller municipal, voire même celui d'un maire. Composez vous-mêmes un tract sur les questions municipales courantes, sur le meilleur program­me communal. Il faut que vous deveniez plus forts que les gens au pouvoir, pour avoir chance de les vaincre et de les remplacer.

Rappelez dans vos tracts le droit et les moyens qu'ont tous les électeurs de se renseigner sur les affaires communales et sur le budget. Sachez d'où viennent les ressources et comment elles sont emplo­yées.

Préparez-vous à revendiquer les droits naturels qu'ont les pères de famille de choisir l'éducation de leurs enfants. L'avenir de la France chrétienne dépend de là.

Que nous le voulions ou non, nous sommes en démocratie. Or une démocratie aveugle est le plus brutal et le plus funeste des gouverne­ments. Il nous faut une démocratie éclairée. Donnons l'exemple. Etudions nous-mêmes toutes les conditions d'une bonne administra­tion politique et communale.

Au lieu de nous plaindre sans cesse de l'inconscience de notre démocratie, travaillons à la former et à l'instruire. Etudions et communiquons le fruit de nos études, par la presse, par les conféren­ces et par les tracts. Le bon sens populaire ne se laissera pas toujours égarer par les politiciens, il reconnaîtra la vérité, et le peuple reviendra à ses vrais amis, aux catholiques laborieux, éclairés et dévoués. A nous de mériter ce retour.



La Chronique du Sud-Est, N. 7, juillet 1902, pp. 230-231.

SECTIONS DE JEUNES

Revenons encore à ces importants documents que le Saint-Siège a publiés pour l'organisation de l'action catholique et sociale en Italie. Il y a deux grandes instructions, l'une est pour l'Œuvre des Congrès et des Comités dans son ensemble, l'autre est relative à l'Action populaire et démocratique.

Dans la première instruction, il y a une belle part donnée aux Sections de jeunes. Dans la seconde, il n'en est pas question. Vous devinez facilement le motif, dans la grande Œuvre des Congrès, on se trouve en face de tout l'état-major des œuvres italiennes, de tous les vénérables membres de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, des Confréries du Saint-Sacrement, des Comités de pèlerinages, etc. Pour que les Jeunes puissent trouver là une place et pour qu'ils s'appliquent volontiers à ces œuvres pacifiques, il fallait leur offrir là des sections spéciales où ils seraient entre eux et dans lesquelles ils pourraient agir avec l'entrain et la gaieté qui sont de leur âge. C'est ce qu'a fait le Saint-Siège.

Dans la seconde instruction, qui est relative à l'Action populaire-et démocratique, on ne distingue pas les Sections de jeunes, parce que là tout est jeune. Les jeunes sont là en nombre, c'est leur place naturelle, ils y dominent. Les autres doivent y apporter un tempérament et une allure qui suppléent à la jeunesse qu'ils n'ont plus.

Jeunes gens, voilà donc deux séries d'œuvres qui s'offrent à vous: les œuvres anciennes, plus calmes, plus pacifiques, où vos sections seront les bienvenues à côté de sections plus vénérables; les œuvres nouvelles, plus remuantes, plus spécialement sociales et populaires, où la jeunesse est une condition essentielle, où vous êtes chez vous, où vous envahissez toutes les sections, sans qu'il soit besoin d'en créer de spéciales pour vous.

Tel est le sens des documents pontificaux.

Dans la première instruction elle-même, vous avez une belle part. Vous êtes en vedette dans le titre: Réglements des Comités de l'Œuvre et des Sections de jeunes.

Il semble que vous valez à vous seuls la moitié de toute l'action catholique.

Sept chapitres déterminent le but de vos groupes, leur constitution, la hiérarchie, les réunions, la fédération, les œuvres, les revenus et dépenses. C'est un code complet et pratique.

Le but est bien beau: «Affermir les jeunes gens dans le bien, les habituer à la profession franche et publique des principes catholiques, former des auxiliaires dévoués pour le clergé, préparer des membres actifs pour tous les comités».

Les œuvres sont très variées: «Diffusion de la bonne presse, participation aux solennités du culte, concours prêté à toutes les entreprises des comités: conférences, Denier de Saint-Pierre, cuisines économiques, etc.».

En tout cela, vous êtes des auxiliaires.

Mais quand il s'agit de l'Action populaire et démocratique, telle qu'elle est déterminée par la deuxième instruction, il n'est plus question de sections spéciales. Là vous êtes une partie intégrante et même souvent la partie principale des Comités. Toute l'instruction est pour vous comme pour les autres: pour vous, les conseils sur la presse démocratique, sur les conférences publiques, sur les démonstrations extérieures; pour vous l'exhortation à fonder les œuvres de crédit, les associations professionnelles, à susciter de bonnes lois sociales par la propagande et par tous les moyens d'action que vous laisse la liberté politique.

Ne vous semble-t-il pas, chers jeunes gens du Sud-Est, que nous sommes dans un moment où cette action sociale, réclamée par Léon XIII, réclame instamment votre concours? A votre âge, on brûle d'un saint enthousiasme pour toutes les belles causes, pour la liberté du bien, pour la défense de l'Eglise, pour la protection de tout ce qui est faible et délicat comme la femme et l'enfant.

Rien ne devrait ressembler davantage à la chevalerie des beaux siècles de foi que nos groupes de jeunesse catholique. Vous êtes les fils des chevaliers. Vous avez au cœur les mêmes sentiments d'honneur, de générosité.

Voici une belle cause, celle de nos Religieuses. Elles sont, avec les missionnaires, la plus pure gloire de la France. Quand on nous méprise à l'étranger, quand on rappelle toutes nos hontes, Wilson, le Panama, Dreyfus et le reste, nommez les Sœurs de charité et vous ferez taire tout le monde. Aucune nation n'a une pareille floraison d'âmes angéliques. Et c'est cette fleur que les sectaires veulent faucher!

Debout! chers jeunes gens. Prêtez votre concours à la résistance et à l'action. Voyez avec les anciens ce qu'on peut faire. Il faut des conférences, des tracts, des réunions, des affiches. Il faut des pétitionnements, des démonstrations de tout genre, nous comptons sur vous.

C'est une forme nouvelle de la ligue, il faut sauver la foi de la France. Il n'y aura pas lieu, nous l'espérons, de recourir aux armes, mais aucune des formes de l'action légale n'est à négliger.

Réunissez-vous souvent et demandez-vous ce que vous pouvez faire. Si vous avancez, l'ennemi reculera, si vous reculez, il avancera. Debout et au travail! Ce n'est pas pour rien que Dieu a suscité depuis vingt ans le souvenir obsédant de Jeanne d'Arc. Soyez comme elle à la peine et plus tard vous serez comme elle à l'honneur.



La Chronique du Sud-Est, N. 8-9, août­-septembre pp. 269-270.


1)
Collection Félix Alcan 1900.
2)
Tipog. S. Giuseppe, à Vicenza.
3)
Turin: Biblioteca di Scienze sociali.
4)
Chez Perrin.
5)
Chez Lecoffre.
6)
Lyon, chez Paquet, libraire.
7)
Chez Gœmare, à Bruxelles.
8)
Ibid
9)
Soc. di. cultura. Roma, via Montecatini.
10)
Paris: Lethielleux.
11)
Traduction Fritsch, à Louvain, chez Clystpruyst.
12)
Revue du travail, avril 1901, p. 438.
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