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CHRONIQUE (Janvier 1892)

Le Concordat. - L'Archevêque d'Aix. - La grosse affaire de ce mois, c'était le procès de Mgr l'Archevêque d'Aix. A cette occasion, la question du Concordat a été soulevée dans toute la presse. Le fruit de cette agitation sera de faire ressortir la vitalité de l'Eglise. L'épiscopat s'est montré uni et vaillant pour défendre les droits de la religion. Il ne s'agissait, en cette circonstance, que de la liberté d'aller à Rome et d'y conduire des pèlerins. Mais à cette occasion, nos Evêques ont revendi­qué les droits imprescriptibles de la liberté du Pape; ils ont renouvelé leurs protestations contre l'enseignement athée, contre le service militai­re des clercs et la spoliation des communautés religieuses.

Nous avons la confiance que Notre-Seigneur se servira encore large­ment de notre nation pour le règne de son Sacré-Cœur. Pour cela, il faut que l'Eglise de France soit unie et forte, qu'elle proteste sans cesse contre la violation du Concordat et de toutes les libertés religieuses, et qu'elle reprenne sa place dans les assemblées politiques, pour y défendre les droits de Dieu, ceux de l'Eglise, ceux de l'enfant et ceux de l'ouvrier.

La question sociale. - Quel beau spectacle! La société était troublée, la démocratie s'agitait et cherchait de bonne foi une solution à la crise pré­sente. Le Souverain Pontife a parlé. Il a tiré de l'Evangile la réponse à la question sociale: c'était son rôle. Toute la ruche catholique se met à l'œuvre sous la direction de cette reine, qui est l'Eglise romaine. L'épiscopat, les congrès, les orateurs catholiques ont parlé. Le clergé se met à l'étude. Le Christ et l'Eglise aiment les ouvriers. L'Eglise les met en garde contre les illusions du socialisme. Elle adjure les patrons de pratiquer la justice et la charité. Elle invite les ouvriers à garder le respect, la patience, la tempé­rance. Elle indique les associations, comme le principal remède au mal présent. Quand la vérité est ainsi enseignée par l'Eglise, elle fait son che­min. Elle rencontre des obstacles, elle les surmonte. Avec le temps, l'er­reur et ses funestes conséquences disparaissent.

C'est à la charité du Sacré-Cœur de Jésus que les ouvriers devront les adoucissements apportés à leur sort.

A la jeunesse. - M. de Mun était à Nantes ces jours derniers. Il a redit devant quatre mille ouvriers, les enseignements et les espérances de l'Encyclique. Mais la veille, il parlait à un Cercle de jeunes gens et il tra­çait la voie à toute la jeunesse catholique de ce temps-ci. Cueillons quel­ques fleurs de ce bouquet oratoire: M. de Mun dit si bien ce qu'il faut dire!

Il n'y a rien de plus beau que des jeunes gens chrétiens, qui entrent dans l'arène de la vie pour défendre leurs convictions.

Il n'y a rien de plus beau que la jeunesse, quand elle est jeune, ce qui lui manque très souvent de nos jours.

La jeunesse vraiment jeune doit avoir l'enthousiasme dans l'action, la séduction dans la forme, l'audace dans l'exécution.

Nous sommes à l'aurore d'un temps nouveau. Une mission s'impose aujourd'hui à la jeunesse chrétienne, c'est de ramener le pays à Dieu. Il y a dans la société actuelle ce que M. Lavisse, un des maîtres de la jeunesse universitaire, appelait la nostalgie du divin.

C'est aux jeunes gens chrétiens qu'appartient la mission de guider la génération présente dans cette recherche de la vérité.

La jeunesse catholique ne doit pas se borner à pratiquer la religion, el­le doit la faire aimer. Elle doit résolument se lancer dans la mêlée de la vie publique, pour éclairer ceux qui, moins heureux qu'elle, recherchent encore la voie où ils rencontreront la vérité.

Un autre rôle lui incombe encore.

Nous sommes à l'aurore d'un transformation sociale dont personne ne peut calculer l'étendue. Que sera la nouvelle société? c'est le secret de Dieu. Que doit-elle être? Elle doit être chrétienne. C'est aux jeunes gens à l'y préparer.

Les temps qui finissent ont été ceux de la bourgeoisie matérialiste. La masse populaire veut prendre sa place dans la vie sociale et dans la vie politique. Faut-il chercher à éluder ses revendications? Faut-il se détour­ner du peuple? Non. Jeunes gens chrétiens, allez à cette foule pour la di­riger dans la voie de l'idéal, où vous êtes déjà engagés. Allez au peuple en vous adressant à son cœur, en l'aimant, en vous donnant à lui.

La société est comme cet ange du roman russe qui est exclu du ciel, jusqu'à ce qu'il ait retrouvé le mot libérateur qui lui rouvrira les portes de l'Eden. Ce mot libérateur, c'est la charité. La charité du Cœur de Jésus pratiquée par le monde du travail, patrons et ouvriers, rouvrira aux uns et aux autres l'Eden de la paix sociale, de la prospérité et du bonheur. Pendant que le comte de Mun développait ces pensées si élevées, la jeunesse bretonne sentait l'enthousiasme lui dilater le cœur, et son ima­gination unissant l'image du courageux Archevêque qui luttait à Paris à celle du soldat chrétien qui parlait, elle s'écriait par l'organe de son pré­sident: «Nous irons avec confiance à la bataille, car nous avons à notre tête l'Archevêque Turpin et le vaillant Roland».

Orphelins. - Les orphelins abandonnés sont plus nombreux que ja­mais. Pourquoi cela? C'est qu'autrefois les familles étaient plus nombreu­ses, plus unies et plus chrétiennes. Le père et la mère venant à mourir, il restait un oncle, une tante, une sœur aînée, qui recueillait les petits orphe­lins. Aujourd'hui, bien plus fréquent est l'isolement de ces pauvres petits.

Mais le Sacré-Cœur de Jésus aime les enfants, il prend pitié de ceux qui sont abandonnés. Il inspire à ses dévots serviteurs la pensée de les re­cueillir. Les orphelinats se multiplient. Pour les petites filles, beaucoup de communautés religieuses les reçoivent et les élèvent. Pour les gar­çons, la grande famille religieuse des Salésiens, fondée par Don Bosco en a déjà recueilli des milliers. Les Salésiens ont commencé à Turin. Ils se sont établis à Rome, en Provence, à Paris, à Lille, en Espagne, en Amé­rique. Le 8 décembre, ils prenaient possession à Liège, d'un palais élevé par le saint évêque de cette ville, avec le concours de ses diocésains. Nous disons un palais, c'est un splendide orphelinat, qui a déjà coûté 500.000 francs et qui n'est bâti qu'à moitié. Il est bien campé sur le flanc de la colline et dans le style sobre et sérieux du vieux gothique flamand. Nous ne croyons pas être indiscret en révélant l'origine de cette fonda­tion, telle que Mgr l'évêque de Liège lui-même nous l'a fait connaître. Le saint évêque avait en grande pitié les nombreux orphelins de son dio­cèse. Il pensait que leur ouvrir un asile serait une belle œuvre de son pontificat. Mais il fallait des hommes et des ressources pour faire cette œuvre. Mgr de Liège passe à Turin en allant à Rome. Don Bosco vivait encore. Le pieux évêque voulut le voir il lui parla de ses orphelins. Don Bosco n'avait pour le moment ni hommes ni ressources à fournir. D'au­tres fondations pressaient. Pie IX lui-même demandait les Salésiens à Rome. Mgr de Liège avait beaucoup prié. C'était une fête de la sainte Vierge. Don Bosco trouva son Conseil hostile à la fondation de Liège, mais la sainte Vierge prit parti pour le pieux évêque, elle parla à Don Bosco, son serviteur, et il promit la fondation pour plus tard.

Ce n'était pas tout. Il fallait des ressources. Mgr de Liège attendait l'heure de la Providence. Enfin, deux ou trois dons importants lui furent of­ferts. Son projet fut connu et tout arriva à point. Aujourd'hui les Salésiens réalisent la promesse de leur vénéré fondateur. Mgr l'évêque de Liège a bé­ni la maison, le 8 décembre, sous les auspices de la sainte Vierge.

En même temps que les Salésiens, et même avant eux, plusieurs prê­tres pieux fondaient en France de grands orphelinats avec un courage héroïque. Nous avons le bonheur de connaître M. Halluin, d'Arras, M. Boudringhin, de Calais, M. de Costa, de Chambéry. Leurs grandes œuvres ont des aspects fort divers. Elles sont aussi intéressantes que me­ritoires. M. Halluin envoie ses apprentis dans les ateliers de la ville, pour les aguerrir à la lutte. M. Boudringhin, préfère les garder dans les ateliers de l'orphelinat, pour les préserver plus longtemps. Il a la spécia­lité d'un orphelinat annexe de tout petits garçons de quatre à onze ans, élevés par des religieuses. M. de Costa fait de ses orphelins des jardiniers habiles. Dans toutes ces maisons, on aime le Sacré-Cœur et la sainte Fa­mille. C'est cet amour qui inspire ces grands dévouements.

Angleterre. - Dernièrement on ouvrait à Londres une église dédiée au divin Cœur. Le prédicateur, le Père Rivington, était un converti. Il était auparavant un des grands orateurs de l'église anglicane. Il prit pour thème la conversion de l'Angleterre. Il fit remarquer le change­ment profond opéré dans les esprits pendant ces dernières années vis-à­vis de l'Eglise de Rome. Il pense que bientôt de nombreuses conversions au catholicisme auront lieu parmi les sectes protestantes d'Angleterre. Cette prévision se réalise tous les jours. Le clergé protestant a le même pressentiment. «Le péril futur, disait dernièrement l'évêque anglican de Liverpool, c'est la réunion à l'Eglise de Rome. Beaucoup de pasteurs anglicans la désirent, disait-il, et d'autres la laisseraient faire».

Le Sacré-Cœur de Jésus, honoré particulièrement dans la nouvelle église de Londres, aidera à ces conversions.

Allemagne. - L'Eglise catholique a une grande situation au parle­ment impérial allemand. Il y a environ cent-quarante députés catholi­ques au Reichstag, parmi lesquels une trentaine de prêtres.

Au duché de Bade, les catholiques sommeillaient. Ils ont le nombre et ils se laissaient dominer. Ils se réveillent. Ils ont gagné du terrain aux dernières élections et on vient de leur concéder un vice-président à la Chambre.

La pauvre Autriche est la proie des juifs. Ils sont les maîtres dans la presse et dans l'enseignement, à Vienne. Ils fournissent 50% des élèves de l'Université. C'est effrayant! Avec la science et l'argent, tout l'avenir est à eux. Cependant le ministère autrichien vient de faire acte méritoire devant le bon Dieu en émettant des déclarations favorables aux revendi­cations des catholiques et à l'indépendance du Pape. Ce pauvre empire autrichien a beaucoup à expier. Son histoire compte de nombreux atten­tats contre l'Eglise. Nous savons que la dévotion au Sacré-Cœur y règne parmi les catholiques: c'est bon signe.

Belgique et Congo. - Jetons un regard sur la Mappemonde et nous verrons que les colonies finissent par accepter la religion de la mère­patrie. Les Français ont porté le catholicisme au Canada. Les Espagnols et les Portugais l'ont porté dans l'Amérique du Sud. Les Anglais ont fait dominer le protestantisme aux Etats-Unis, en Australie et au Cap. La Belgique a un beau rôle en Afrique. Cette vaillante petite nation a une colonie bien plus grande qu'elle-même. Elle possède, par son roi du moins, tout le centre de l'Afrique. A elle est dévolu le sort de faire domi­ner le catholicisme dans ce grand continent. Elle n'y faillira pas. L'Egli­se du Congo s'organise. Les missionnaires partent nombreux et ardents. Le 8 décembre, c'était le départ d'un groupe de Sœurs de la Charité, pour desservir les hôpitaux et les écoles de la colonie. Quelle touchante cérémonie! Mgr de Gand y présidait à la cathédrale. Le chant du départ, les adieux des parents et des amis, tout est poignant d'émotion en pareil­le circonstance. - Allez, pieuses filles, porter aux enfants de Cham, la connaissance et l'amour du Sacré-Cœur de Jésus! Vous êtes bien nom­mées - «Filles de la charité de Jésus et de Marie»; - allez aimer ces pauvres âmes et les gagner à Jésus-Christ, en imitant sa bonté et son sa­crifice!

Chine et Japon. - La Chine s'enrichit de nouveaux martyrs. Il y a trois cents chrétiens, ou même mille, massacrés en Mongolie. C'est de bon augure: le sang des martyrs est la semence des chrétiens.

On le voit au japon; il récolte le fruit de ses innombrables martyrs d'autrefois. La religion catholique y grandit. Elle y est libre et honorée. La situation de l'Eglise est là si affermie que Notre Saint-Père le Pape vient d'y ériger la hiérarchie épiscopale. Le japon a désormais un arche­vêque et trois évêques. Prions le Sacré-Cœur de Jésus pour ces églises naissantes ou renaissantes.

CHRONIQUE1) (Février 1892)

Rome: Léon XIII et Innocent III. - Rome et Léon XIII occupent souvent la première place dans notre Chronique. Il en doit être ainsi parti­culièrement aujourd'hui, car c'est à Rome même que nous écrivons cet­te Chronique.

Léon XIII se fait une admirable place dans l'histoire. Il obligera le monde entier, amis et ennemis, à dire de lui: Quelle grande âme et quel grand cœur! Faire grand pour l'Eglise et pour le Christ, pour la vérité et la charité, c'est sa noble passion. On sent que les plus illustres papes du passé sont ses modèles, ses amis, son idéal. L'an dernier, comme on fê­tait le centenaire de saint Grégoire-le-Grand, nous savons qu'il s'inté­ressait à la glorification de ce Pontife comme on s'intéresse à la gloire d'un ancêtre. Il en parlait à ses visiteurs, il se faisait rendre compte des fêtes préparées ou célébrées et il déplorait les conditions douloureuses qui l'empêchaient de les présider en personne.

Cette année, c'est Innocent III qui l'occupe et qui le captive. Il s'est souvenu que les restes de ce glorieux Pontife reposaient à Pérouse; et si Pérouse est une ville illustre, si elle peut se glorifier notamment d'avoir eu Léon XIII lui-même pour archevêque, elle ne peut être comparée à Rome. Léon XIII a donc fait élever à Innocent III un magnifique mau­solée à Rome, dans la Basilique de saint Jean de Latran; et c'est là, aux côtés de ce grand Pape, qu'il veut reposer, lui aussi, après sa mort.

Nous sommes allé vénérer cet auguste tombeau. Une statue couchée du Pape, avec un air de grandeur et de noblesse, est étendue sur le sarco­phage. Au-dessus, Notre-Seigneur est là pour accueillir l'âme du Ponti­fe, avec saint Dominique et saint François, dont il a béni les fondations.

Au-dessous, c'est la science et la croisade qui veillent aux portes du tom­beau. Innocent III, ferme et doux à la fois, dominait la chrétienté par sa haute influence. Il contenait dans le devoir l'empereur, les rois de Fran­ce et d'Angleterre; il étendait la foi dans le Nord et ramenait les schisma­tiques d'Orient.

Quels seront les emblèmes du tombeau de Léon XIII?… Il faudrait une conception neuve et qui sorte des routines de la Renaissance. Les fi­gures symboliques sont bien démodées. Qu'on y mette donc Léon XIII reçu au Ciel par ceux qu'il a aimés et glorifiés: par le Sacré-Cœur de Jésus, par la Vierge du Rosaire et par saint Joseph, dont il a développé le culte; par saint Augustin, saint Thomas et saint Bonaventure, les maî­tres de la théologie, qu'il a tant aimés.

On pourrait y mettre encore les apôtres de plusieurs nations, dont il a inséré les Offices au Bréviaire: saint Augustin d'Angleterre, saint Boni­face d'Allemagne, saint Cyrille et saint Méthode, prédicateurs des Sla­ves.

Il n'y faudrait pas oublier non plus Dante, le héros de la poésie chré­tienne, avec Christophe Colomb et Jeanne d'Arc, que l'âme héroïque de Léon XIII a désiré voir sur les autels. Et pourquoi n'y point placer aussi quelques-uns des plus illustres Pontifes, Léon-le-Grand, Grégoire-le­Grand, Grégoire VII et Innocent III, qui accueilleraient leur imitateur et leur émule? Si le tombeau de Léon XIII ne dit pas tout cela, son his­toire le dira magnifiquement, et c'est pourquoi il est bon que son tom­beau aussi le dise. - Mais prions Dieu pour que ce tombeau ne s'ouvre pas de longtemps encore.

Rome et l'adoration réparatrice. - L'église de Saint-Joachim, des­tinée à l'Œuvre de l'Adoration réparatrice des nations catholiques, est com­mencée. Nous en avons visité les travaux. L'emplacement est bien choi­si: c'est dans la belle plaine des Prati, où s'élève un quartier neuf, à l'an­gle de la place des Quirites et de la rue de Pompée-le-Grand. C'est à éga­le distance du Vatican et de la place du Peuple, non loin du nouveau pont Margherita. L'église aura un beau vaisseau. Une coupole majes­tueuse abritera le Saint-Sacrement. - L'adoration réparatrice et l'hon­neur rendu aux grands papes comme Innocent III, qui ont contenu les monarques dans le devoir et donné au peuple des apôtres et des consola­teurs, tels que saint Dominique ou saint François, ce sont bien là des œuvres propres à procurer le règne du Sacré-Cœur (Voir la note spéciale, à la suite de la Chronique).

Rome et la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Saint-Quentin. - Les lecteurs qui encouragent cette Revue de leur bienveillance savent qu'elle est dirigée par la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur, dont le centre est à Saint-Quentin, mais qui a des Mai­sons dans plusieurs diocèses. Ils nous pardonneront de dire ici, avec un cœur plein de reconnaissance pour le Saint-Siège, quelque chose des fa­veurs qu'il a daigné accorder à notre humble Congrégation, dans ces derniers temps. Du reste, par cela même que des faveurs de ce genre sont accordées à un Institut quelconque par l'Eglise, elles peuvent, si modeste que soit cet Institut, n'être point tout à fait étrangères aux membres de l'Eglise en général, puisque de tous, cette divine Mère for­me un seul corps.

La Congrégation des Rites a donc donné à notre Société un Propre, c'est-à-dire un ensemble d'Offices spéciaux pour le Missel et le Bréviai­re. C'est une grand faveur pour un Institut religieux. Il prend alors sa physionomie spéciale dans le corps mystique de l'Eglise. Son caractère particulier reçoit d'elle une sanction authentique. Elle trouve bon que tel courant de dévotion soit représenté par cet Institut spécial.

Désormais les hommages que la Congrégation de Saint-Quentin rend au Sacré-Cœur par ses Offices propres lui sont rendus au nom de l'Egli­se et conformément à ses vues. L'amour du Sacré-Cœur est naturelle­ment la note dominante du Propre dont il s'agit. La fête de ce divin Cœur y est marquée comme fête patronale; elle est du rite de 1ère classe, avec octave. On fait mémoire du Sacré-Cœur aux Suffrages; et on remplace par son Office votif celui de la Passion, les vendredis2).

D'autres faveurs ont encore été accordées récemment à la Congréga­tion de Saint-Quentin. Ainsi, le Saint-Père lui a assigné une fondation à Rome et l'autorise à desservir la jolie église de Notre-Dame du Suffrage, située via Giulia, près du Tibre. Là est placé un groupe d'étudiants en théologie. Le Saint-Père aime beaucoup que les Congrégations s'ap­puyent sur une base solide, en puisant leur doctrine théologique à sa vraie source: ce sont ses propres expressions. S. E. le Cardinal-Vicaire nous a dit gracieusement, en nous accueillant: «Vos Œuvres vont maintenant prendre racine sur les bords du Tibre». Daigne la Providen­ce développer cette nouvelle plantation! Nous osons solliciter à cette fin les prières de nos lecteurs.

Les deuils de l'Eglise. - L'Eglise vient de faire de grandes pertes. Après Windthorst et Janssen en Allemagne, c'est Mgr Freppel en Fran­ce. Le Saint-Père en est tout attristé. Quand Dieu retire à lui de tels hommes avant le temps où l'on pouvait s'y attendre, il éprouve son Egli­se, et il punit les nations qui ne le prient pas assez. Janssen n'est pas as­sez connu en France. C'est un apôtre autant qu'un savant. Son Histoire d'Allemagne à la fin du moyen-âge, a porté le dernier coup à la Réforme pro­testante. Janssen a montré loyalement et froidement, avec un style agréable et une érudition immense, tout le fond de cette phase histori­que. Les protestants de bonne foi ouvrent les yeux et renoncent déjà à mille préjugés. Ce livre avancera d'un siècle le retour de l'Allemagne à l'Eglise catholique.

Les espérances de l'Eglise. - A côté des deuils, il y a les espérances. Voici deux faits qui dominent la situation présente; d'une part, l'avenir est à la démocratie, le mouvement commencé dans ce sens à la Révolu­tion s'accélère chaque jour; - d'autre part l'Eglise est la véritable amie, et la tutrice du peuple. Qu'elle se dévoue sans réserve à ce rôle qui lui est assigné dans l'Evangile et elle règnera sur les âmes comme sur les na­tions, et avec elle règneront le vrai progrès, la civilisation, la paix.

Un journal parisien, ordinairement peu philosophe et très superficiel, exprimait récemment ces pensées vraiment profondes et encourageantes pour l'Eglise. «La crise sociale, disait-il, s'accentue. Le travail et le ca­pital sont deux puissances ennemies; l'ouvrier a la haine du patron. C'est la guerre sociale qui se prépare. C'est le moment qu'a choisi l'Eglise pour reprendre son rôle de tutrice des faibles, des pauvres, des opprimés, et rappeler les puissants du jour au sentiment de la justice et de la charité… C'est du haut du trône pontifical que tombent ces ensei­gnements, et les princes de l'Eglise commencent à les répéter partout.

Les travailleurs, à vrai dire, ne les écoutent encore que d'une oreille dis­traite ou sceptique; mais ils ne croient déjà plus à la rhétorique radicale et les querelles de partis n'ont plus rien qui puisse les émouvoir.

«C'est une condition excellente pour les études comparatives, et la comparaison, pour peu qu'on s'y arrête, tournera nécessairement à l'avantage de l'Eglise. Le prêtre catholique a sur ses concurrents une su­périorité inestimable: il n'est pas un politicien. Il n'a pas d'ambition personnelle à satisfaire; il est pauvre et restera pauvre. Sa propagande n'est pas seulement désintéressée, elle est toute au profit d'autrui. Ce n'est point par métaphore qu'il appelle les ouvriers ses frères, il est vrai­ment de leur famille; il sort le plus souvent de leur rang. Il leur prêche une morale incomparable, qui n'a jamais trompé personne, et il leur donne l'exemple de la vertu. Mettez au cœur de cet apôtre la flamme in­cendiaire qui brûlait les lèvres de saint Bernard ou de Lacordaire, et vous verrez quelle figure nos parlementaires feront devant lui».

Ajoutons que, si saint Bernard et Lacordaire nous manquent, un ef­fort moins intense mais plus général peut donner le même résultat. Que tous les prêtres zélés se donnent donc à cette croisade, et l'Eglise repren­dra son ascendant pour le bien de tous et pour le salut de la société.

Le Cœur miséricordieux de Jésus. - Léon XIII frappé des diffi­cultés de la crise présente répète souvent: Il faut prier, il faut prier. Prions particulièrement le Cœur miséricordieux de Jésus. Notre-Seigneur aime qu'on fasse appel à sa miséricorde. Nous n'avons droit ni à son pardon ni à ses bienfaits: individus et nations, nous l'avons tous offensé; mais nous pouvons toujours faire appel à sa miséricorde. Il aime à la manifes­ter, à la glorifier. Disons donc souvent:

«Cœur miséricordieux de Jésus, ayez pitié de nous, pardonnez-nous, sauvez­nous!».

C'est l'invocation adoptée par l'Association de pénitence, de Dijon et Montmartre, et par la Confrérie du Cœur miséricordieux de Jésus, d'Henrichemont (Cher). Nous recommandons de nouveau ces associa­tions à la piété de ceux qui veulent bien nous lire.

Suisse. - L'intolérance calviniste s'use en Suisse. Les catholiques gagnent beaucoup de terrain dans l'opinion publique, par leur sagesse, par leurs Œuvres, par leur esprit d'association et d'organisation. L'un d'eux vient d'être élu au conseil fédéral. C'est pour la Suisse un événe­ment que depuis longtemps on n'avait point vu, et il est de bon augure.

Que les catholiques français sachent aussi s'unir, travailler, se dé­vouer à leur cause, et bientôt ils tiendront la barre du gouvernail!

Egypte, Orient, Angleterre, Russie. - Il est question du rétablisse­ment de la hiérarchie catholique en Egypte. L'Orient mûrit pour sa ré­conciliation avec Rome. Propageons l'Association de prières fondée ré­cemment pour le retour à l'Eglise des schismatiques de ces régions. Prions beaucoup le Sacré-Cœur pour ces frères séparés. - Quant aux prières qui ont pour but la conversion de l'Angleterre, et dont les Reli­gieux Passionistes surtout se sont faits les promoteurs, elles portent déjà de grands fruits. Celles pour la Russie, propagées par plusieurs Congré­gations, ne seront pas toujours stériles. Le Cœur du bon Pasteur souffre de la division de son bercail; aidons-le, par nos supplications, à le ras­sembler dans l'unité catholique.

L'église de Saint-Joachim, dont il est parlé dans cette Chronique, est d'un intérêt universel, comme devant être le centre de l'Adoration réparatrice des nations, avec le Saint-Sacrement exposé jour et nuit, pour obtenir le triomphe de l'Eglise au milieu d'elles; mais elle se recommande encore à deux autres titres. Elle va doter d'un sanctuaire un quartier qui, récemment bâti, en est totalement dépourvu; et placée à dessein sous le vocable du patron personnel de Léon XIII - Joachim Pecci, - elle doit être offerte au Pontife, comme souvenir de son Jubilé épiscopal de 1893. Pour tous ces motifs, la construction de cette église est chère au cœur du Saint-Père, qui a exprimé clairement ses sentiments à cet égard; et, ce qui peut nous attacher davantage encore à l'entreprise, elle est confiée à un prêtre français, M. l'abbé Brugidou, le mê­me qui est directeur de l'Adoration Réparatrice.

Nos lecteurs savent probablement qu'un Comité est formé à Paris, avec Mgr d'Hulst comme Président, pour cette Œuvre si spécialement digne d'attention. Déjà des sommes considérables, - près de cent mille francs, - ont été recueillies, mais il en faut bien davantage encore, surtout afin d'activer la construction avec la prompti­tude requise pour qu'elle soit achevée en l'année jubilaire.

On peut donc signaler cette Œuvre à tous les catholiques; tous sans doute ont le dé­sir de participer, d'une manière ou d'une autre, aux hommages qui seront rendus à Léon XIII pour son Jubilé. Or, les documents publiés par l'Œuvre en font foi, il n'est pas de manière d'y participer qui réponde davantage au désir du Pontife et qui entre mieux dans cette unité d'action qui est convenable pour les enfants de l'Eglise, que de contribuer à cette construction. C'est également une protestation très opportune contre les violences et les impiétés qui, suspendant les pèlerinages en octobre, ont in­terrompu par là même le cours des offrandes apportées par les pèlerins. Beaucoup de NN. SS. les Evêques de France ont donné l'exemple, en s'inscrivant eux-mêmes par­mi les donateurs, et malgré toutes les charges actuelles, la souscription de plusieurs d'entre eux atteint le chiffre de mille francs ou le dépasse. C'est assez montrer quelle grande importance ils attachent à l'Œuvre. - Les offrandes sont reçues au Bureau du Comité, 17, rue Cassette, à Paris: s'adresser à M. Levé, secrétaire général.

CHRONIQUE (Mars 1892)

Le règne social de Jésus-Christ. - Le mot d'ordre, l'idéal de l'hé­résie contemporaine c'est la société laïque. Le mot d'ordre de la vérité ou de la défense chrétienne doit être le règne social de Jésus-Christ.

C'est un dogme certain, quoique n'ayant pas été l'objet d'une défini­tion expresse, c'est une vérité révélée et proche de la foi, contre laquelle on ne peut pas s'insurger sans témérité manifeste: le Christ doit régner sur les nations.

La Sainte Ecriture le répète souvent. C'était la promesse formelle de Dieu au Messie, fils de David: «Je te donnerai les nations en héritage» (Ps. II). Le Sauveur l'a proclamé: «Toutes choses m'ont été données par mon Père: Omnia mihi tradita sunt a Patre meo» (Matth., XI). Il savait, dit saint Jean dans son Evangile, que «son Père lui a remis tous ses droits entre les mains» (Joan. XIII); et la royauté divine est désormais exercée par le Verbe incarné. Le même saint Jean, dans son Apocalypse, proclame que le Christ est «roi des rois et souverain des souverains: Rex regum et dominus dominantium» (Apoc. XIX, 16; cf. XVII, 14). L'histoire de l'Eglise nous montre tous les rois et les peuples chrétiens saluant, l'un après l'autre, cette royauté du Christ. Depuis Constantin et Clovis jus­qu'à nos jours, tous les souverains se sont proclamés les lieutenants du Christ. Tous ont rendu hommage à leur suzerain, qui d'une part règne triomphant dans le ciel, d'autre part a établi parmi nous son trône eu­charistique.

Il en sera de ce dogme comme de tant d'autres. Il a été cru longtemps en toute simplicité. Peu à peu cependant se sont élevés des nuages. La vérité, acceptée de tous précédemment, a été audacieusement niée par quelques-uns. Plusieurs parmi les fidèles, trompés par des sophismes, se sont mis à douter et ont faibli dans la foi.

Mais Pierre a parlé. Il a signalé l'erreur, avec modération d'abord. Sa voix s'est fait entendre dans les lettres apostoliques de Grégoire XVI, dans le Syllabus de Pie IX et dans l'encyclique de Léon XIII sur la Consti­tution des nations chrétiennes. Si cela ne suffit pas, une définition positive viendra, et le Christ sera explicitement proclamé roi des nations par l'autorité infaillible de l'Eglise.

C'est le devoir des vrais catholiques de lutter contre l'hérésie qui nie cette vérité. Pendant que les sectaires et les inconscients, inspirés par la Franc-Maçonnerie, proclament l'indépendance de l'Etat laïque, les fidè­les, retrouvant le sens de l'Evangile, acclament leur divin roi. L'œuvre de Montmartre reconnaît et honore la royauté du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie. Elle nous fait dire au Cœur de Jésus dans ses formules de consécration: «Je reconnais et proclame vos droits souverains sur la so­ciété».

La Fédération du Sacré-Cœur, dont le point de départ a été Paray-le­Monial, et ses groupes affiliés d'Italie, d'Espagne, d'Amérique, en font leur objectif direct. Ils réveillent la foi à cette royauté sociale du Christ et lui rendent hommage. Dans son numéro de janvier, le Bulletin de la Fédé­ration, auquel nous avons exprimé plusieurs fois notre fraternelle sympa­thie, démontrait, dans un article lumineux dû au P. Delaporte, que non seulement l'expression est permise, mais qu'elle est «la formule nécessaire de l'heure actuelle, parce qu'elle est la négation catégorique de l'erreur sociale qui domine la politique de notre temps». C'est précisément ce que nous redisions équivalemment en tête de cette Chronique. Le démon aura fait l'œuvre de Dieu en soulevant la Révolution, comme il l'a faite indirectement en provoquant les autres hérésies: il aura amené la recon­naissance manifeste d'un dogme et sa définition par l'Eglise.

Le règne social de Jésus-Christ et la Déclaration des cardinaux français. - N'est-ce pas le règne social du Christ que réclame la belle et noble Déclaration de nos éminents cardinaux? «L'athéisme pratique, disent-ils, est devenu la règle d'action de quiconque, en France, porte un titre officiel et la loi de tout ce qui se fait au nom de l'Etat». - N'est-ce pas là l'hérésie de l'Etat laïque?

«Tandis que tous les gouvernements du monde civilisé inscrivent le nom de Dieu dans leurs constitutions et l'invoquent dans les circonstan­ces solennelles de leur vie nationale, chez nous, il n'est plus invoqué et les prières publiques édictées par la Constitution républicaine de 1875, pour la rentrée des Chambres, ont été abolies». Les éminents prélats rappellent ensuite la suppression de toute vie chrétienne dans l'école et dans l'armée, et la persécution toujours croissante contre l'Eglise. Tou­tes ces lois récentes, disent-ils, blessent la conscience chrétienne, et les catholiques» doivent travailler, par tous les moyens légitimes, à les faire rapporter».

Pauvre France, qui renie le divin Roi qu'elle a si longtemps aimé et servi! A quelles représailles divines ne s'expose-t-elle pas?

Le règne social de Jésus-Christ et l'Allemagne. - L'Allemagne a reconnu à quels périls la conduisait l'apostasie sociale: elle y veut obvier. Le nouvel archevêque de Posen a pu dire à son roi: «Votre Majesté a compris, mieux que tout autre souverain, les grandes tâches que lui im­pose notre époque, et a indiqué la religion comme le point d'appui et de ralliement de l'humanité». L'Empereur veut en effet raviver l'influence religieuse dans la nation, et il commence par l'école. Il propose, on pourrait dire: il impose une loi qui établit le caractère confessionnel et religieux de l'enseignement. Le curé fera partie du conseil scolaire de sa paroisse. L'enseignement religieux sera obligatoire et donné par le curé. Celui-ci surveillera l'instruction donnée par le maître d'école, en ce qui touche aux questions religieuses. Il sera consulté sur le choix des livres classiques qui ont trait à l'enseignement religieux et à l'histoire. C'est bien! nous aussi en France, avec la grâce divine, nous en viendrons ou en reviendrons là.

Le règne social de Jésus-Christ et les Etats-Unis. - Les Etats-Unis sont une nation qui, officiellement, croit en Dieu et prie. Le Congrès de Washington a son chapelain qui ouvre les séances par une prière. - Les législatures des différents Etats ont aussi des chapelains attitrés. L'évê­que catholique de Saint-Louis était appelé récemment à prononcer le discours d'ouverture d'une session législative. En 1887, au centenaire de la Constitution, le cardinal Gibbons présida les fêtes religieuses à Phila­delphie, et le président Cleveland y assista avec les hauts dignitaires de l'Etat. En 1888, le président Harrison et les ministres assistèrent à la bé­nédiction de la première pierre de l'Université catholique, «unissant leur prière, dit le Rapport officiel, à celle des prélats».

En 1889, la nation célébrait le centenaire de l'installation du premier Président Washington. Des prières publiques furent ordonnées dans toutes les églises et les temples. Le Président assista avec les ministres à l'Office, et comme couronnement des réjouissances, il demanda à l'ar­chevêque catholique de bénir la foule3).

  1. Nous verrions cela en France, si nous étions en république, mais hélas! selon le mot énergique de l'archevêque d'Aix, «nous sommes en franc-maçonnerie ».

Le règne social de Jésus-Christ et la Suisse. - Au canton de Fri­bourg aussi, la législature s'ouvre par des prières publiques. Au com­mencement de cette année avaient lieu ces prières, et un vénérable cha­noine adressait aux magistrats une allocution qui affirmait le règne so­cial du Christ. En voici quelques lignes. Nos lecteurs les goûteront vive­ment et éprouveront une douleur d'autant plus grande que ces choses ne puissent se dire chez nous:

Honorés Magistrats,

Mes Frères,

C'est une grande et sainte pensée qui vous réunit ici. Au moment de commencer une nouvelle période de gouvernement, de prendre en mains les pouvoirs que vous a don­nés le peuple fribourgeois en vous choisissant pour ses représentants, vous voulez re­tremper vos cœurs dans les grandes pensées de la foi, éclairer vos âmes de la lumière d'En Haut, attirer sur vos travaux les bénédictions de Dieu, qui est seul capable, ici comme en toute chose, de rendre vos efforts féconds, de faire germer et grandir la se­mence d'œuvres utiles, que vous répandrez sur le pays.

Cet acte vous honore et réjouit le cœur de vos commettants; il est pour la patrie une garantie de prospérité, de grandeur, d'administration sage, loyale et intègre.

Au milieu de l'affaissement des caractères, de l'avilissement des âmes, des apostasies publiques qui déshonorent notre époque, le cœur chrétien se sent consolé et réconforté en voyant les pouvoirs d'un pays, si petit soit-il, marcher avec fermeté dans la voie d'honneur de nos ancêtres; reconnaître la souveraineté de Celui qui restera, malgré tous les efforts des méchants, le Maître de ce monde, qu'il a reconquis par son sang après l'avoir tiré du néant; s'agenouiller, comme autrefois les rois de l'Orient à Beth­léem, devant les humbles apparences du Roi des rois, qui, de sa main puissante, con­duit et dirige toute chose ici-bas.

O cher pays de Fribourg, sois heureux et fier! C'est la fidélité de David qui a fait sa grandeur, la piété de Salomon qui a donné tant de gloire à son règne, la foi vive de Charlemagne qui a été la source de sa puissance, c'est de même ta piété, ta foi, ta fidéli­té, qui sont ta force et ton honneur.

Le règne social de Jésus-Christ et la Hollande. - En Hollande également, la société prie et croit en Dieu. Dernièrement, une minorité impie proposa de supprimer la prière aux séances du conseil municipal d'Amsterdam, mais la proposition fut rejetée. Notre pauvre pays est le seul, hélas! qui pense pouvoir se passer de Dieu. Il a des âmes d'élite et des œuvres de charité qui arrêtent ou retardent le châtiment divin, mais ce châtiment ne finira-t-il pas pourtant par venir?

Les ennemis du règne social de Jésus-Christ. - La Franc­Maçonnerie est à l'assaut de ce qui reste encore de vie chrétienne en France. Les Loges ne se cachent plus. «Nous avons, disait-on dernière­ment à celle de Rennes, une armée toute prête contre les évêques et le clergé, c'est l'armée des instituteurs laïques des deux sexes et des profes­seurs de toutes nos écoles».

Le ministre actuel, M. Bourgeois, un des hauts dignitaires du Grand­Orient, ne manquera pas de mener son armée au combat. Les Loges veulent singer aussi nos chères œuvres de patronage. Paris se couvre de patronages laïques de jeunes gens et de jeunes filles. Que les catholiques veillent et redoublent de dévoument!

En retard de cent ans. - Nos journaux opportunistes se sont écriés en lisant la Déclaration des cardinaux: «Ce langage est en retard de cent ans». Ils se trompent. Ce sont eux qui retardent de cent ans, en restant dans la routine révolutionnaire. Le retour à la vie sociale chrétienne, c'est l'avenir, c'est le progrès. Comme nous l'avons dit, on le comprend à Berlin; en France, les âmes d'élite du moins le comprennent. Le réveil religieux s'an­nonce. Nos pauvres voltairiens des journaux le Temps et les Débats sont les plus arriérés des hommes. Ils n'ont rien appris depuis cent ans.

Quelques moyens à prendre. - La Déclaration des cardinaux doit ra­nimer le désir de voir reprendre les conciles provinciaux et les réunions épiscopales, qui ont donné autrefois tant d'impulsion à l'apostolat et aux œuvres. Cela s'impose. Il faudra faire encore sous ce rapport une breche aux Articles organiques.

Nous voudrions aussi un effort sérieux du clergé pour rendre l'éduca­tion secondaire plus chrétienne. M. l'abbé Garnier trouve des contradic­teurs, quand il demande la réforme des études classiques. Il s'appuie ce­pendant sur l'Encyclique de Pie IX en 1853 et sur des autorités telles que saint Augustin, saint Jérome, le cardinal d'Avanzo et Mgr Freppel. Espérons que, dans la mesure possible, la campagne finira par aboutir.

Mais le moyen par excellence, c'est la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. C'est par son Cœur que Notre-Seigneur veut régner désormais. C'est par son amour qu'il veut gagner les cœurs. Là doit être la source du salut so­cial. Que tous les apôtres, prêtres et hommes d'œuvres, se pénètrent eux­mêmes de la vrai dévotion au Sacré-Cœur. Enflammés du feu sacré par cette dévotion, ils seront tout-puissants pour relever le trône eucharistique du Sauveur, pour y conduire les nations et ceux qui les gouvernent.

CHRONIQUE (Avril 1892)

Le règne de Jésus-Christ et la nouvelle Encyclique du Pape. - Ce sont les droits royaux du Christ que le Saint-Père revendique dans sa belle Encyclique au Français. Les sociétés existent, nous dit-il, pour donner à l'homme le moyen de pourvoir à son bien-être matériel, mais elles ont surtout pour but de procurer son perfectionnement moral. Or, la base de toute moralité, c'est Dieu. Le sentiment religieux est donc l'élément essentiel de toute société qui veut vivre. Faire une société athée, c'est faire une société en qui le sens moral se perdra prompte­ment. Si la France est parvenue à certaines heures au sommet de la gran­deur morale, c'est qu'alors toutes ses énergies étaient vivifiées par la foi et par la charité du Christ.

Si à l'heure actuelle, la France révèle encore une fécondité inépuisable pour créer sur son sol tant d'œuvres de charité, pour porter au loin son propre renom et, même au prix du sang, le renom de l'Eglise, c'est que pour beaucoup de ses fils, croire à Jésus-Christ est le premier devoir du patriote, et que le renier, ce serait renier sa patrie elle-même.

Aussi le Saint-Père s'élève-t-il contre la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Demander cette séparation, nous dit-il, c'est nier les droits de Dieu sur la société, c'est détruire la royauté sociale du Christ.

Le règne de Jésus-Christ et la déclaration des cardinaux. - Déjà dans notre dernière Chronique, nous avions salué cette admirable Décla­ration, et nous avions constaté qu'elle est elle-même une revendication de la royauté sociale du Christ. Mais elle est assez mémorable, cette reven­dication, pour que nous puissions y revenir encore, surtout en la rappro­chant de l'Encyclique qui est venue lui donner la confirmation la plus haute. Dans cet Acte, nos cardinaux, ont énuméré toutes les apostasies de notre société, trompée par la franc-maçonnerie. La nation ne prie plus comme nation. Les prêtres et les religieux sont persécutés. Les en­fants à l'école, les malades à l'hôpital, les soldats au régiment sont arra­chés à l'influence salutaire du prêtre. La famille est détruite par le divor­ce. Que faut-il donc faire?

Quand la foi chrétienne est en péril, disent les cardinaux avec Léon XIII, tout dissentiment doit cesser, et l'on doit, d'un commun accord, prendre la défense de la religion, qui est le bien suprême de la société et le but auquel tout doit être rapporté. En d'autres termes, il faut s'unir pour défendre la liberté de l'Eglise et les droits imprescriptibles de la royauté du Christ.

Le règne du Sacré-Cœur et la jeunesse française. - On peut cons­tater avec bonheur un renouveau de foi dans l'élite de notre jeunesse française, une sève féconde qui bouillonne; c'est un prélude du règne du Sacré-Cœur. Il y a quelques jours, une Ligue de propagande catholique et so­ciale se formait à Paris, parmi les jeunes gens. M. de Mun acceptait leur présidence, il les haranguait, et tous, émus et entraînés par sa parole vi­brante, promettaient de se vouer à la défense des droits de Dieu et des droits du Pape.

Quelques mois auparavant, se tenait à Lyon la troisième Assemblée générale de la jeunesse catholique française et le souvenir en est ravivé par la publication du Compte-rendu in extenso, qui a paru récemment4).

Il y eut là quelques journées d'enthousiasme, de foi ardente, de réso­lutions généreuses. Que la jeunesse est aimable quand elle est chrétien­ne! … Et l'assemblée se termina par la proclamation de la royauté sociale du Sacré-Cœur.

Redisons ici cette consécration qui a dû toucher si vivement le Cœur de Jésus. Ecrivons-la, lisons-la comme une prière, et que tous nos lec­teurs s'y associent en se l'appropriant. Comme elle ne porte pas seule­ment sur le domaine intérieur et spirituel, mais qu'elle porte aussi sur l'ordre extérieur et social, elle n'est pas une simple consécration, elle est de plus ce qu'on appelle proprement Hommage:

«Seigneur Jésus, vrai Dieu et vrai homme, qui nous avez aimés jusqu'à la mort et dont l'amour a fait tant d'ingrats, nous voici prosternés de­vant votre Cœur vivant dans l'hostie consacrée. Nous vous y apportons les sentiments d'une vive reconnaissance pour tous vos bienfaits et du zèle le plus ardent pour les intérêts de votre gloire».

«Afin de répondre autant qu'il est en nous à votre appel du 17 juin 1689, afin de hâter dans notre patrie le règne social de votre Cœur adora­ble, O Jésus! nous vous consacrons sans réserve, sous les auspices de la Vierge Immaculée, la jeunesse catholique de cette cité et de toute la ré­gion' «Qu'elle soit de plus en plus, sous le rayonnement de votre grâce, un vivant foyer de foi, de vertu et d'honneur, de prière et de charité, de tra­vail, de dévouement et de sacrifice. En face de la mollesse et de l'égoïsme contemporains, nos âmes sentent le besoin de protester, une fois de plus, que nous voulons nous dépenser à votre service, que nous ne trahirons jamais votre cause, que nous serons toujours prêts, ô Roi immortel des siècles, à défendre par la parole, par la plume, par le dévouement et le zèle, par tous les moyens légitimes, vos droits sacrés, les droits de votre Vicaire, tous les droits de notre Mère, la sainte Eglise!».

«Nous ne comptons pas sur nous-mêmes pour tenir ces engagements, nous savons trop quelle est notre faiblesse: c'est uniquement de votre Cœur que nous attendons notre lumière et notre force».

«Régnez donc sur nous, ô notre adorable Sauveur! sur nos corps et sur nos âmes, sur nos pensées, nos affections et nos actes, sur notre pré­sent et notre avenir…».

«Régnez sur notre patrie, en rétablissant dans ses constitutions et dans ses mœurs l'empire de votre sainte loi; et puisse bientôt retentir d'un bout à l'autre de la France, le vieux cri de nos pères: Vive le Christ qui aime les Francs!».

Le clergé et le règne social du Christ. - «Le clergé à la sacristie!» c'est une des formules de l'hérésie contemporaine, de l'athéisme social. Le Christ exerce sa royauté par son Eglise. Sans doute l'Etat est indé­pendant pour ce qui est de sa sphère propre, pour ce qui concerne uni­quement les intérêts temporels. Mais pour ses rapports avec Dieu, pour tout ce qui touche à la morale sociale, qui aura la mission de le guider, de l'éclairer, de le diriger? C'est l'Eglise, c'est le clergé».

Il faut que le clergé s'instruise sur les questions d'économie politique et sur les problèmes de la science sociale. C'est pour avoir trop négligé de le faire, qu'il a laissé la société aller à la dérive. Nos séminaires doi­vent avoir des cours d'économie sociale et politique. C'est une section de la morale et l'une des plus importantes, aujourd'hui surtout. Ces cours sont organisés dans tous les séminaires de la Belgique. Il faut qu'ils le soient bientôt aussi en France.

Nous avons laissé assez longtemps les tribuns de carrefour et les politi­ciens ambitieux prendre la direction de la foule. Le clergé entre dans la lice: il en était temps. Des prêtres vont avec succès dans les réunions pu­bliques, à Paris, à Lyon, à Bordeaux, à Limoges, etc. Le P. Monsabré, l'abbé Garnier, le P. de Pascal, l'abbé Naudet donnent l'exemple. D'au­tres en grand nombre les imiteront ou les ont déjà imités. Le prêtre a la science, il a l'autorité, il a la mission divine, pourquoi cette voie lui serait-elle fermée?

On dira: Cela est nouveau, cela ne se faisait pas dans les siècles précé­dents. - Nous répondrons: Dans les siècles où tout le monde venait à l'église, il était bien inutile d'aller prêcher dans un cirque ou un hippo­drome; mais remontez plus haut. Si saint Paul parlait aux juifs à la sy­nagogue, ne parlait-il pas aux païens dans le forum, à l'aréopage et dans tous les lieux de réunion? Les hommes qui ne se rendent plus à l'église sont des païens en pratique, il faut aller pareillement à eux dans leurs réunions, pour leur prêcher Jésus-Christ et ses droits sur la société.

Angleterre et Hollande. - Le règne véritable du Christ, par l'Eglise catholique, gagne du terrain tous les jours en Angleterre et en Hollande. Les catéchumènes deviennent si nombreux à Londres que les prêtres ne trouvent plus le temps de les instruire tous, et qu'ils sont obligés de de­mander le concours de pieux laïques. Les églises de Londres ont souvent le dimanche des cérémonies touchantes, pour l'abjuration des groupes de nouveaux convertis, et pour leur Confirmation.

Le mouvement des conversions est le même en Hollande. Dernière­ment, c'est toute une section de paroisse qui revenait à l'Eglise catholi­que, avec son pasteur.

Autriche, Bavière, Wurtemberg. - La haute direction de l'armée austro-hongroise, s'inspirant de l'exemple donné par l'empereur d'Alle­magne, vient d'adresser aux chefs de corps des instructions pour leur re­commander de faire en sorte que les officiers, comme les soldats, accor­dent plus de temps aux exercices religieux.

En Bavière, le Prince-régent s'est rendu en grand cortège, avec toute sa cour, à l'église paroissiale palatine de Saint-Michel, pour la clôture des Quarante-heures de la Quinquagésime.

Au Wurtemberg, le ministère s'apprête à laisser rentrer les bénédic­tins et les capucins expulsés. On recommence donc à comprendre que le règne du Christ est la condition de la paix et de la prospérité sociale.

Afrique. - Deux grands faits brillent parmi les autres, dans l'œuvre de l'Eglise à notre époque: le rapprochement entre les travailleurs et l'Eglise, puis l'évangélisation du continent africain. Lentement et sûre­ment, le grand et pacifique Pontife Léon XIII ramène les masses popu­laires vers leur principale bienfaitrice, l'Eglise; il montre à ses adversai­res qu'on est loin d'en avoir fini avec le règne de Dieu sur la terre et que ce règne doit être le salut de l'humanité.

En même temps, le souverain Pontife prépare la conquête spirituelle de l'Afrique. Les apôtres de l'Evangile sillonnent toutes les routes nou­velles du continent mystérieux. Les congrégations anciennes et les nou­velles se partagent ces vastes provinces. Les Franciscains sont en Egypte, à Tripoli, au Maroc; les Capucins à Tunis, aux îles Seychelles et chez les Gallas; les Bénédictins, au Zanguebar; les jésuites, au Zambèze et à Madagascar; les Lazaristes, en Abyssinie. Les Pères d'Alger sont au Sa­hara, au Tanganika, au Nyanza, à l'Ouganda. Les Pères des Missions africaines de Lyon sont au Niger, au Dahomey, au Bénin, à la Côté-d'or. Les Oblats de saint François de Sales sont au fleuve Orange; les Oblats de Marie Immaculée au Natal et au Transwaal. Les Pères du Saint-Esprit ont une large part. Ils sont au Sénégal, au Congo, au Ga­bon, au Niger, à Sierra-Leone, à Libéria, au Bechuana, aux Comores, au Zanguebar. Il faudrait citer encore le clergé portugais et le clergé an­glais, dans les colonies de ces deux pays, et les missions belges de la jeune et vaillante congrégation du Cœur immaculé de Marie, au Congo. En oublions-nous? Nous ne savons. Quelle magnifique floraison de l'apos­tolat catholique! C'est une croisade, c'est une conquête. L'amour du Cœur de Jésus n'est-il pas seul à pouvoir la produire?

CHRONIQUE (Mai 1892)

La dynamite. - La dynamite prêche à sa façon la nécessité du règne social de Jésus-Christ. Les progrès de la science ont rendu plus faciles les attentats contre la société. Les explosifs les plus puissants sont à la portée de tous. Leur composition est connue; on peut les produire soi-même ou se les procurer dans nos exploitations minières. Le nihilisme européen peut à chaque instant bouleverser les Etats, faire sauter les souverains, les magistrats, les officiers, les assemblées elles-mêmes.

Où est le remède? Il y a quelques jours nos Parisiens effarés invo­quaient la police, les gendarmes et les troupes. C'est bien! la société a le droit de se défendre. Mais y parviendra-t-elle avec l'éducation sans Dieu, avec la diminution de la vie religieuse, résultats de l'exécrable ty­rannie des Loges? Non, il peut y avoir un moment d'accalmie, mais le péril renaîtra et grandira: c'est fatal. Le nombre des crimes et des délits grandit chaque année. Il s'est élevé à 250.000 en France en 1891. Nos anarchistes sont une floraison naturelle et spéciale de cette immense ar­mée de criminels.

Les hommes de bonne foi finiront par mettre le doigt sur la plaie et di­ront: «Il faut rendre Dieu à la société. Il faut rendre Dieu à l'enfance. Il faut apaiser les découragés et les exaspérés de la classe ouvrière, en favo­risant l'essor de la charité chrétienne et le développement de toutes les œuvres inspirées à l'Eglise par le Cœur de Jésus».

L'expérience est là qui parle à ceux qui veulent bien entendre. Prenez nos départements cléricaux, la Lozère, par exemple; on y voit des an­nées entières se passer sans qu'il soit besoin de tenir les assises. Voyez les centres industriels où règne la vie chrétienne: le Val-des-bois en France, les régions ouvrières de Maëstricht et de Tilburg, en Hollande; on n'y connaît ni le paupérisme, ni la question sociale. L'action du prêtre et du patron chrétien a résolu toutes les difficultés. La dynamite nous obligera à recourir à cette unique solution. Le bon Dieu se jouera de ses ennemis et se servira de leurs attentats pour préparer le salut de la société.

L'action sociale du prêtre. - «Le prêtre à la sacristie», c'était le mot d'ordre des Loges, en attendant qu'elles en vinssent à supprimer la sacristie elle-même. L'hérésie de l'athéisme social acceptait ce mot d'or­dre et le faisait sien. Combien de prêtres aussi par timidité, par habitu­de, par éducation, acceptaient ce fait déplorable!

Là est tout le secret de notre état social si inquiétant et si désolant. C'était un immense complot qui allait aboutir à l'apostasie nationale. L'enseignement même de nos séminaires s'y prêtait par excès de pru­dence. Les règles chrétiennes de la vie sociale avaient disparu de la théo­logie morale et du catéchisme.

Que de prêtres s'étaient accoutumés à l'isolement! Ils n'étaient plus les conseillers et la providence de tous leurs paroissiens. Ils enseignaient à une élite une certaine piété, ils n'enseignaient plus la vie sociale chré­tienne. Ils s'occupaient bien des pompes religieuses à l'église, et ils lais­saient le paganisme envahir une à une toutes les familles de leurs parois­ses. Il est temps de revenir à la verité. Le prêtre doit se faire tant a tous. Il a le remède à tous les maux de la société. La timidité trop grande est une lâcheté. Il faut que le prêtre s'instruise de tous les besoins du groupe social qu'il dirige. Il faut qu'il aille à tous et qu'il dise à chacun son de­voir. Le prêtre a sa place dans les assemblées, dans la presse, dans les conseils élus. Le curé doit porter partout l'esprit chrétien, à l'usine, au foyer, à l'école.

Pauvre France! que tu es loin de cet idéal! Mais ne désespère point. Le Sacré-Cœur de Jésus t'a montré tant d'amour en te choisissant pour ses manifestations et pour la diffusion de son culte!

Le mot d'ordre des Loges. - Les Loges maçonniques ont peur. Le démon qui les inspire les stimule en ce moment. Voici que l'Eglise s'adresse aux ouvriers et leur offre la paix sociale, par le règne de la justi­ce et de la charité. Les Loges craignent que les ouvriers ne leur échap­pent. Elles s'en servent, comme des dupes faciles à séduire, pour garder la direction sociale. A aucun prix elles ne veulent que cette proie leur échappe. Il ne faut pas que l'Eglise puisse parler aux ouvriers. Vite, qu'on empêche toutes les conférences et prédications sur la question so­ciale: c'est le mot d'ordre.

Les Pharisiens et les juifs des Loges ne peuvent consentir à ce triom­phe du Christ, qui serait leur ruine. Ils ont pour eux Caïphe et Pilate. Ils ont pour eux la canaille qui préfère Barabbas au Christ. Ils ont beau fai­re; Pilate et Caïphe passeront, et le Christ ressuscitera dans notre vie so­ciale: nous en avons la confiance. Notre-Seigneur l'a dit: «Son Sacré­Cœur régnera malgré ses ennemis».

Paris et saint Joseph. - Le diocèse de Paris vient de se consacrer à saint Joseph. Cela paraît un fait d'importance médiocre, mais est, au contraire, un événement plein d'espérance. C'est précisément l'esprit de la Sainte Famille, l'esprit de saint Joseph, qui nous manque pour le salut social. Paris avait besoin de cette grâce, bien plus que d'une augmenta­tion de police ou de quelque progrès matériel.

Les associations catholiques étaient réunies à Notre-Dame avec leurs bannières. Les cœurs étaient émus quand le vénérable Cardinal a lu la consécration. Saint Joseph inspire tant de confiance! Il est si sympathi­que au travailleur! Paris n'a guère eu de journée plus profitable depuis longtemps. C'est un pas de plus vers le rétablissement du règne social de Jésus-Christ. La basilique du Sacré-Cœur, Notre-Dame des Victoires et saint Joseph, telles sont les trois sources qui pourront régénérer Paris.

Le dimanche en Alsace. - La nouvelle loi sur la réglementation du travail en Alsace est entrée en vigueur au ler avril. Le repos du diman­che et la sanctification du jour du Seigneur, comme conséquence, sont inscrits dans la loi. Désormais l'ouvrier de l'usine pourra avoir son jour de délassement et ses heures de pratiques religieuses. La loi n'a pas ou­blié la petite industrie et le commerce. Pour eux le travail n'est pas inter­dit en principe, mais il est limité à une durée de cinq heures. C'est un acheminement vers une réforme plus complète. Ces mesures sont ac­cueillies avec la plus vive satisfaction par les intéressés.

Il faut reconnaître qu'en Allemagne, sous la puissante impulsion des catholiques, on améliore chaque année la situation morale et matérielle des ouvriers, on marche à grands pas vers la solution équitable et prati­que de la question sociale.

L'art chrétien. - L'art est l'une des manifestations des sentiments d'un peuple. Aux âges de foi, l'art s'épure, il grandit, il se rapproche d'un idéal céleste. Que de merveilles ont produites chez nous les grands siècles de foi du moyen âge, les XIe, XIIe et XIIIe siècles! Après le van­dalisme de la révolution, il nous reste encore assez de merveilles de cet art chrétien pour nous permettre de ne rien envier aux autres nations.

Mais pourquoi le XVIIe siècle, si grand sous tous les rapports, l'a-t-il été si peu dans le domaine de l'art religieux? C'est que l'engouement, général alors, pour la Renaissance païenne a paralysé toutes les inspira­tions. Il y a plus de trois siècles que cela dure et ce n'est pas fini. Non seulement l'art ogival, qui fut le vrai triomphe de la France chrétienne, n'a pas repris son rang, mais il n'a pas encore l'honneur d'une chaire à notre école des Beaux-Arts.

Que nous sommes routiniers en France! Quelle étroitesse d'esprit nous montrons parfois, comme en font preuve ces persécutions stupides contre tout ce qui est religieux dans la vie sociale de la France. Le monopole de l'école des Beaux-Arts nous tient à cinquante ans en arrière de l'Allema­gne, de l'Angleterre, de la Belgique. Il y a là des écoles contemporaines d'art chrétien, d'art ogival, qui ont fait revivre toutes les merveilles du moyen âge. Allez à Munich, à Dusseldorf, à Ratisbonne, à Bruges, à Rure­monde, vous serez émerveillés de voir revivre dans la décoration et l'ameu­blement des églises les principes et les modèles les plus purs.

Chez nous il y a bien de louables efforts de quelques individualités, mais l'école des Beaux-Arts reste close à cet art qu'elle regarde comme barbare. On y arrivera sans doute. Nous avons entendu M. Guillaume, l'illustre sculpteur qui dirige l'Ecole française de Rome, regretter cette partialité. Mais encore une fois, quelle étrange chose que nos routines! A quoi les attribuer, sinon à notre excès de centralisation, à l'ingérence of­ficielle en toutes choses, à notre manque absolu de vrai libéralisme, mal­gré le mot de liberté écrit sur tous nos murs?

Il nous semble que ce sera encore là une conquête du Sacré-Cœur en France. Le style ogival fait mieux prier que les autres. C'est le vrai style religieux pour nos climats. Nous acceptons aussi le style roman ou by­zantin, et nous nous garderions de dire du mal de la basilique de Mont­martre. Ce style est encore chrétien. Mais cherchez une inspiration, une pensée de foi dans les constructions enfantées par l'Ecole des Beaux­Arts, comme Saint-Augustin, la Sainte-Trinité, Saint-Eugène à Paris?

Quand donc sortirons-nous de cette routine païenne pour rentrer dans la voie du progrès chrétien? A défaut de l'Ecole officielle des Beaux-Arts qui se montre si obstinée et regarde avec des yeux de taupe les merveilles de la grande époque de notre art national, nous appellons de tous nos vœux la création d'écoles libres des Beaux-Arts, d'écoles de Saint-Luc comme en Belgique. Pourquoi nos universités catholiques n'essaie­raient-elles pas d'ajouter ce fleuron à leur couronne? Les élèves de ces éco­les seraient bien vite populaires en France, comme ils le sont en Belgique; et, il est permis de le croire, les clients ne leur manqueraient pas plus chez nous qu'ils ne manquent à leurs collègues d'au delà des frontières.

CHRONIQUE (Juin 1892)

La Croix et le Sacré-Cœur. - Le crucifix reprend sa place d'hon­neur dans nos salons. Le jour du Vendredi-Saint, bon nombre de famil­les chrétiennes, à l'instigation de plusieurs journaux catholiques, ont rendu à la Croix, dans leurs demeures, cette place d'honneur qu'elle au­rait toujours dû y garder. Un mouvement analogue s'était produit en Belgique, il y a quelques années, et le dernier congrès de Malines lui avait donné une nouvelle impulsion.

C'est bien. Nous en avons assez des idées rétrogrades de la Renaissan­ce païenne. Apollon. Mercure, Diane, Flore et Vénus, que peuvent-ils nous dire? Quel lien peut-il y avoir entre nous et eux?

C'est bien, mais ce n'est pas tout. Avec le crucifix il faut dans nos sa­lons l'image du Sacré-Cœur. C'est là le signe du règne de ce divin Cœur dans les familles. Notre-Seigneur a promis de bénir les maisons où l'image de son Cœur serait honorée. Est-elle bien honorée cette image, si on la cache dans les appartements les plus secrets? Notre-Seigneur n'a-t­il pas dit qu'il rougirait de ceux qui auront rougi de lui? Courage donc, et que le jour de la prochaine Fête du Sacré-Cœur, toutes les familles vraiment chrétiennes réalisent pour l'image de ce divin Cœur ce qu'el­les ont fait, au Vendredi-Saint, pour la Croix; qu'elles exposent et hono­rent dans leur principal appartement quelque belle image ou statue du Sacré-Cœur de Jésus, ainsi que le faisait le vaillant général de Sonis.

Léon XIII et le Sacré-Cœur. - Léon XIII, comme l'apôtre du Sacré-Cœur saint Jean, grandit en charité en même temps qu'il grandit en âge. Ses dernières paroles, ses derniers enseignements sont tout em­preints de la tendresse qu'il a puisée au Cœur de Jésus. Parle-t-il de l'Eglise, il nous dit que «les tribulations auxquelles elle est en butte ne peuvent manquer d'être très amères pour son âme, puisqu'il est le Vi­caire de Celui qui donna tout son sang pour la formation de cette sainte Eglise».

Parle-t-il de la Françe, il s'écrie: «Quoi! la France souffre, et nous n'aurions pas ressenti jusqu'au fond de l'âme, les douleurs de cette fille aînée de l'Eglise! La France qui s'est acquis le titre de nation très chré­tienne et n'entend pour rien l'abdiquer, se débat au milieu des angois­ses, contre la violence de ceux qui voudraient la déchristianiser et la ra­baisser en face de tous les peuples, et nous aurions omis de faire appel aux catholiques, à tous les Français honnêtes, pour conserver à leur pa­trie cette foi sainte qui en fit la grandeur dans l'histoire? A Dieu ne plai­se!

En face de la persécution qui s'attaque aux évêques et aux prêtres, il nous dit: «Nous ne pouvons pas contempler d'un œuil impassible les souffrances de nos fils. Nous ne pouvons pas laisser sans direction et sans appui tous ces Français courageux qui dans les présentes tribulations ont plus que jamais besoin d'être fortifiés. Nous devons surtout des encoura­gements au clergé, auquel on voudrait, contre la nature de sa vocation, imposer silence dans l'exercice même de son ministère, alors qu'il prê­che selon l'Evangile la fidélité aux devoirs chrétiens et sociaux».

Enfin quand il a parlé dans l'Encyclique de mai 1891, de ses chers ou­vriers, il nous a dit que «le remède aux maux présents de la société est dans une nouvelle et abondante effusion de la charité chrétienne». Cette charité rénovatrice, c'est aux sources du Sauveur, au Cœur de Jésus que la société contemporaine devra la puiser.

Nos Evêques et le Sacré-Cœur. - C'est aussi dans le Cœur de Jésus que nos évêques ont puisé leur courage pour défendre, au péril de toutes les persécutions, tout ce que nous avons de plus cher, nos enfants, nos malades, nos libertés religieuses, la grandeur et la dignité de notre bien-aimée patrie. Que leur importe les déclarations d'abus au Conseil d'Etat ou les privations de traitement, quand ils voient nos enfants arra­chés à l'Eglise par l'école athée, nos malades privés de secours de la reli­gion dans les hôpitaux laïcisés, et la patrie toute entière s'enfonçant dans un abîme de maux par les abus progressifs d'une législation sectaire? avec le Pape, ils s'écrient alors: Il faut redoubler d'amour et d'efforts pour la défense de la foi catholique, comme pour la défense de notre pa­trie: ce sont là deux devoirs de premier ordre, auxquels nul homme, en cette vie, ne peut se soustraire».

La lutte: le Christ et l'antéchrist. - Il devient tous les jours plus manifeste que la franc-maçonnerie prépare l'armée de l'antéchrist. Elle n'aspire à rien moins qu'à supplanter le Christ rédempteur dans toutes nos églises catholiques. Les lignes suivantes tirées du rituel secret du Grand-Orient de France nous révèlent le plan de la secte et la source des scandales qui se sont produits récemment dans les églises avec la conni­vence de notre gouvernement maçonnique.

Voici donc ce passage du rituel: «Dans les édifices élevés de toutes parts depuis des siècles aux superstitions religieuses et aux suprématies sacerdotales (c'est-à-dire les églises), nous serons appelés à notre tour, à prêcher nos doctrines, et au lieu des psalmodies cléricales qui y réson­nent encore, ce seront les maillets, les batteries et les acclamations de no­tre ordre qui feront retentir les larges voûtes et les vastes piliers».

Ainsi, le but est bien défini; obtenir du gouvernement, par l'action des Loges, la fermeture des églises, et en arriver ensuite à leur réouver­ture comme temples maçonniques.

Les premiers résultats de la campagne menée par les francs-maçons dans ce sens les mettent en joie. Aussi ont-ils célébré avec éclat ce qu'ils appellent leur fête solsticiale, dans une Loge de choix appelée la Clémente Amitié, en présence de quelques-uns de nos gouvernants, comme le prési­dent Floquet et le ministre Ricard et de leur inspirateur habituel le juif Mayer de la Lanterne.

Evidemment c'est la franc-maçonnerie qui gouverne, et elle aspire à détruire l'Eglise. C'est bien la lutte entre le Christ et l'antéchrist. Mais le Sacré-Cœur de Jésus gagne de plus en plus les cœurs; il leur donnera le courage pour lutter et la force pour triompher.

La lutte: tactique hypocrite des sectes. - C'est sous le prétexte de la liberté de conscience qu'on a cherché à nous imposer l'école sans Dieu. La tactique était adroite, et elle a trompé la foule. Mais la maçonnerie qui nous mène se soucie bien de liberté! La neutralité de l'école est un masque sous lequel elle voile son but infâme de déchristia­niser la France. Un des parleurs de la secte, M. Sarcey, a révélé sotte­ment son but dans la presse. Il a écrit dans le XIXe Siècle ce qui suit:

«Il faut tenir strictement la main à la neutralité de l'école dans l'ensei­gnement primaire, parce que là on agit sur la foi même. Ce n'est pas qu'on la combatte directement, puisque l'essence de la neutralité est au contraire de s'abstenir de toute attaque. Mais on habitue les esprits à s'en passer, on les dresse à comprendre que l'on peut être honnête homme et bon citoyen en dehors de tout enseignement de religion révélée. On les dé­tache par là doucement, lentement, de la foi. C'est l'essentiel.

Voilà un aveu assez formel. Et l'on voudrait après cela empêcher les évêques d'élever la voix contre la loi scolaire! Mais à l'exemple de leur divin Maître, ils aiment trop les enfants pour les livrer ainsi à la secte maçonnique.

La lutte: le loup et l'agneau. - Le fabuliste, dans l'allégorie dont nous rappelons le titre, n'a pas seulement dépeint la société de son temps, il a dépeint le cœur humain, tel qu'il est de tout temps. De tout temps celui qui a les sentiments du loup, prétend que c'est l'agneau qui l'a provoqué. Aujourd'hui que l'Eglise est attaquée et persécutée dans toutes ses œuvres et dans toute son action, elle devrait pour plaire aux loups tout supporter et se taire. Si les évêques protestent contre des lois iniques, si les prédicateurs signalent diverses violations des devoirs so­ciaux, bien vite toute la meute maçonnique et juive se récrie. Leurs jour­naux comme la Lanterne, le Voltaire, la Justice et quelques autres sont una­nimes. Ce sont, disent-ils, les cléricaux et le clergé qui ont attaqué, pro­voqué, exaspéré le gouvernement, et celui-ci comme Pilate est toujours prêt à céder aux cris des aboyeurs.

Nous voulons espérer avec le Souverain Pontife Léon XIII que le bon sens français se réveillera, et que la vérité se fera jour auprès des hom­mes de bonne foi. Nous en avons du reste un gage dans ces aveux si sou­vent répétés, en ces dernières années, par les hommes les plus éminents dans la littérature et les sciences; ils sentent, ils reconnaissent le besoin d'un retour à la religion. Nous saluons en passant le beau livre d'actuali­té où, sous le nom «d'Espérance!» Mgr Baunard, un des plus fins et des plus profonds écrivains de notre temps, a réuni tous ces témoignages des grandes intelligences contemporaines.

Léon XIII et les Etats-Unis. - Léon XIII est un puissant conqué­rant des esprits et des cœurs. Il sait approuver le bien partout où il le trouve. Sa droiture et sa bienveillance séduisent tous ceux qui l'écou­tent. Il a fait plus que cinq cents missionnaires ne pourraient faire en de longues années, par une simple entrevue avec le représentant de la gran­de Exposition projetée en Amérique et par sa lettre relative à cette Expo­sition. Il encourage, il bénit les puissants efforts de ce peuple pour déve­lopper son industrie. Il le loue en même temps de la liberté sincère qu'il accorde à l'Eglise catholique. La parole bienveillante du Pape a chez ce grand peuple un retentissement immense. Déjà les échos nous en arri­vent. Leurs journaux acclament en Léon XIII le premier penseur et le pre­mier maître du monde, la plus grande figure intellectuelle de l'Europe, le Pape qui a compris son époque, qui possède à la fois le courage et l'intel­ligence pour se placer au timon du navire et le guider au milieu des flots impétueux. «Son pontificat, disent-ils, sera historique, il marquera une des plus brillantes pages dans les annales de l'Eglise. Il est le pape de l'avenir, il sème des idées fécondes auxquelles le temps donnera un plein développement».

Ce peuple de travailleurs acclame le Pape de l'ouvrier. «Léon XIII, disent-ils encore, a placé la force de sa puissante parole dans la balance, en faveur des masses ouvrières. Il annonce aux possesseurs de la fortune que l'heure de rendre des comptes est proche, s'ils ne font pas justice. Il va nettement au fond de la question, en déclarant que l'ouvrier a droit pour son travail à une rétribution qui lui permette de vivre dans une fru­gale aisance, en rapport avec sa dignité d'homme et d'enfant de Dieu, et que la société organisée doit s'occuper de protéger ses droits à la vie, à la santé et à des récréations salutaires».

Pour nous, nous saluons dans Léon XIII le bon pasteur qui a pitié de la multitude aussi bien que des grands et qui trace à tous la voie de la jus­tice et de la charité.

Angleterre. - Si le protestantisme était comme une muraille qui sé­parait ce peuple de l'Eglise de Rome, il est manifeste que ce mur de sé­paration se détruit pierre à pierre. Il y avait un contraste complet entre le froid anglicanisme et la vitalité si puissante et si variée du catholicis­me. Mais bientôt l'église anglicane aura repris tout ce qu'elle avait rejeté au XVIe siècle, et l'Angleterre, sans presque s'en douter, sera redevenue catholique. Les protestants anglais honorent maintenant dans leurs tem­ples les statues des saints. Ils chantent la messe comme nous, avec nos ornements, avec le chant grégorien et tout l'ensemble des cérémonies ro­maines. Ils ont fait en carême l'exercice du Chemin de la croix. Leurs évêques se mettent à porter une mitre, à faire des mandements, à di­spenser de l'abstinence. Quelques-uns commencent à déclarer que le Pa­pe a quelque juridiction sur eux, comme patriarche de l'Occident. Enco­re un pas et tout sera fait. Prions le Sacré-Cœur de rendre à l'Eglise cet­te belle et grande nation anglaise.

CHRONIQUE (Juillet 1892)

Espérance. - Revenons encore au beau livre de Mgr Baunard qui porte ce titre. Nous avons besoin d'espérer au milieu des tristesses pré­sentes. Il règne je ne sais quel découragement, quelle apathie, quel pessi­misme qui paralyse toutes les âmes. Autant l'espérance soutient et en­courage, autant la «désespérance» brise les forces. Le mot est de Cha­teaubriand.

Réveillons donc nos espérances en écoutant Mgr Baunard. Il embras­se du regard, il nous montre le monde civilisé et le monde barbare et se demande quelle a été dans ces deux mondes la marche de la civilisation depuis cinquante ans. En Europe, dans les pays du nord, le protestantis­me perd chaque jour du terrain. Nous signalons souvent dans cette Re­vue le progrès du catholicisme en Angleterre, en Hollande, en Dane­mark, en Norwège, en Allemagne même. En Amérique, l'expansion de l'Eglise romaine est manifeste, elle y gagne pour l'étendue comme pour l'influence. En Asie les schismatiques d'Orient reviennent à l'unité; les missions des Indes, du Tonkin et du japon donnent de riches moissons annuelles de conversions. En Afrique, l'apostolat lutte de zèle et d'em­pressement avec la cupidité des trafiquants européens.

Après nous avoir fait parcourir le vaste champ des pays de missions, Mgr Baunard revient des extrémités au centre. Après la force d'expan­sion, il montre dans l'eglise au XIXe siècle la force de concentration plus puissante que jamais, l'autorité du Pape plus respectée, plus agissante qu'à aucune époque de l'histoire, la vie surnaturelle, qu'on disait étein­te, révélant son intensité par le développement des grandes dévotions ca­tholiques, par la multiplication des congrégations religieuses et des œuvres de piété, de zèle, de charité dont elles sont l'âme.

«Voilà, dit Mgr Baunard, les ressources préparées pour la délivrance». Qu'il nous permette d'ajouter un trait à ce consolant ta­bleau. Le point le plus lumineaux de cet horizon plein d'espérance, c'est le Sacré-Cœur de Jésus. Nous le constatons souvent dans les pages de cette chronique: c'est lui qui anime nos missionnaires et qui féconde leurs œuvres; c'est lui qui excite la ferveur des âmes les plus ardentes; c'est lui qui inspire tant de jeunes familles religieuses; c'est lui qui pré­pare le rapprochement de la démocratie et de l'Eglise. Le beau livre qui a nom «Espérance» est la préface du livre qui décrira le règne du Sacré-­Cœur.

Le Pape. - C'est dans un journal protestant, le New-York-Hérald que nous trouvons les lignes suivantes: «Presque toute la politique du mon­de tourne autour de la petite chambre du troisième étage du Vatican, et ce résultat admirable a été obtenu par un vieillard de 83 ans, sans armée, sans royaume et sans forces, qui ne peut sortir de son palais. Léon XIII est sûr d'être compté parmi les grands papes, parmi ceux qui laissent trace de leur passage dans l'histoire de l'humanité».

C'est vrai, Léon XIII a une puissance merveilleuse. Pendant son long pontificat, il a contribué à la paix générale, il a fait faire un grand pas à la libération des esclaves, il a tracé les grandes lignes de la réforme socia­le à réaliser. Puissons-nous tenir compte en France de ses conseils et lais­ser de côté toutes nos préférences politiques! L'union de toutes les forces catholiques est absolument nécessaire pour l'arracher, notre belle Fran­ce, aux serres de l'ennemi commun, la franc-maçonnerie doublée du judaïsme.

Réunions et congrès. - Après le congrès des associations de jeunes gens, à Grenoble, voici l'Assemblée annuelle des catholiques à Paris et la réunion des étudiants à Lille. Un fait saillant ressort de ces réunions, c'est le réveil de la jeunesse catholique. Il y a dans la jeunesse française, un entrain, un enthousiasme, que nous ne connaissions plus depuis longtemps. C'est encore un signe d'espérance. On a pu constater que l'Assemblée des catholiques à Paris s'est intéressée tout particulièrement aux œuvres de jeunes gens. Pour nous tirer du marasme actuel, il faut en effet toute l'ardeur et la force de la jeunesse M. de Mun a proposé aux étudiants catholiques à Lille une adhésion sans réserve à la ligne de conduite tracée par le Pape. Le Pape voit plus loin que nous. Sans cette adhésion au gouvernement de fait, nous n'arriverons pas à prendre rang dans les assemblées électives pour y faire valoir les droits de Dieu.

A la même assemblée des catholiques, à Paris, une supplique a été si­gnée pour demander au Pape l'introduction de la cause de béatification de Mlle Legras, l'immortelle auxiliaire de Saint Vincent de Paul dans la fondation des Filles de la Charité. Ces héros de la charité sont les propa­gateurs du règne du Sacré-Cœur.

Le Sacré-Cœur de Jésus aux Pyrénées. - Un catholique de Bor­deaux, un des plus ardents zélateurs des œuvres dans cette grande ville, a un projet grandiose, dont le Bordeaux Journal parlait dernièrement en ces termes:

«L'un de nos concitoyens les plus distingués et qui est fort connu du monde artistique et charitable de Bordeaux, M. Mandeville, vient d'en­treprendre une œuvre gigantesque. Il ne s'agit de rien moins, en effet, que d'élever sur plus haut sommet des Pyrénées françaises une statue co­lossale du Sacré-Cœur. Si l'on songe que le Vignemale ne mesure pas moins de 3.444 mètres d'altitude et que les matériaux devront être por­tés à dos d'homme à travers une mer de glace de quatre kilomètres, on aura une faible idée de l'œuvre entreprise par M. Mandeville, en qui l'artiste est doublé d'un alpiniste émérite. Nous souhaitons à cet auda­cieux projet le succès le plus complet».

Nous unissons nos vœux à ceux du Bordeaux-Journal. Puisse cette sta­tue majestueuse être bientôt un signe de bénédiction et d'union pour deux grandes nations catholiques, la France et l'Espagne!

Le Sacré-Cœur à Liège. - Voici un nouveau sanctuaire du Sacré­Cœur à Liège. C'est la chapelle des Dames du Sacré-Cœur sur la colli­ne de Bois-Levêque, le Montmartre de Liège. Nous disons une chapelle, c'est une église qu'il faut dire. C'est une vaste basilique construite par un maître de l'art chrétien contemporain en Belgique, M. Helleputte. Les splendides vitraux du chœur, les stalles et les confessionnaux sont l'œuvre d'artistes gantois.

La consécration de cette église a eu lieu le 1er juin. Le prélat consécra­teur était Mgr Doutreloux, le saint évêque de Liège, qui a doté déjà sa ville épiscopale de toute une couronne de sanctuaires et d'institutions fé­condes, appelées à rendre à cette cité sa vitalité catholique d'autrefois.

Les Dames du Sacré-Cœur n'ont pas seulement un beau pensionnat à Bois-Levêque, elles dirigent aussi des écoles gratuites et des œuvres ou­vrières. Vraies filles du Sacré-Cœur, elles pratiquent la charité avec un zèle sans limites.

Quelques hommages rendus au Roi du ciel et à ses droits. - En ces temps de laïcisme et d'athéisme social, c'est faire un acte de répara­tion salutaire que d'offrir à Dieu l'hommage de l'élite de l'humanité.

Redisons donc à Dieu quelques-unes des grandes affirmations reli­gieuses formulées par les autorités sociales et intellectuelles de tous les temps.

Voici entre mille les témoignages de la philosophie, de la littérature et de la politique.

Platon disait: «L'ignorance du vrai Dieu est la peste la plus dangereu­se de toutes les républiques. Qui rejette la religion arrache le fondement des Etats».

Jouffroy, au nom de la philosophie contemporaine, a dit: «Les sociè­tés incrédules sont fatalement des sociétés sans mœurs, sans énergie, sans cœur».

Lamartine s'écriait, dans le préambule de la Constitution de 1848: «Peuple, Dieu seul est souverain; parce que seul il est Créateur, parce que seul il est infaillible, seul juste, seul bon, seul parfait. Elevons nos pensées vers Dieu pour qu'il inspire de plus en plus ce peuple, pour qu'il donne l'ordre spirituel à la terre, comme il a donné l'ordre matériel aux astres là-haut. Qu'il bénisse la Constitution! Qu'elle commence et qu'el­le finisse par son nom! Qu'elle soit pleine de lui! Qu'elle multiplie, qu'elle pacifie, qu'elle sanctifie le peuple français!».

Enfin Washington, le fondateur de la grande république américaine, disait: «Un peuple sans religion est un peuple ingouvernable et par con­séquent malheureux et asservi. Un gouvernement sans religion est mal­honnête, intolérant, persécuteur, injuste».

Nous offrons à Dieu ce témoignage et cet hommage de la raison en ré­paration des impiétés contemporaines.

CHRONIQUE (Août 1892)

I. QUESTION SOCIALE

La démocratie. - L'Eglise a baptisé le vieux monde avec Constan­tin et l'empire romain. Elle a baptisé le monde barbare avec Clovis et les nations d'Europe, il lui reste à baptiser et à sanctifier la démocratie mo­derne. Elle s'y prépare sous la sage direction de Léon XIII, avec le con­cours de toutes les œuvres issues de la charité du Cœur de Jésus.

Léon XIII fait acte de clairvoyance, quand il nous dit que l'avenir est à la démocratie, et qu'il faut aller au peuple pour conserver le bienfait de la foi aux nations modernes. Les plus grands esprits de ce siècle ont eu cette intuition. Joseph de Maistre et Louis Veuillot ont annoncé l'avène­ment de la démocratie. Mais nul mieux que Montalembert n'a prophéti­sé cette révolution sociale. Nous lui donnons la parole:

«Je regarde devant moi et je ne vois partout que des flots populaires s'amonceler; je vois ce déluge monter, monter toujours, tout atteindre et tout recouvrir; je m'en effrayerais volontiers comme homme, mais je ne m'en effraye pas comme chrétien, car en même temps que le déluge je vois l'arche. Sur cet immense océan de la démocratie, avec ses abîmes, ses tourbillons, ses écueils, ses calmes plats et ses ouragans, l'Eglise ca­tholique porte l'avenir du monde».

«Vous pouvez demeurer dans ce vaisseau sans défiance, sans peur; il ne sera jamais englouti».

«L'Eglise catholique a la boussole qui ne varie pas et le pilote qui ne fait jamais défaut. Elle a l'éternelle jeunesse de la Papauté». «Attendons-nous donc à de rudes combats, mais ayons confiance; en nous annonçant le combat, Jésus a annoncé la victoire». Fiat! Fiat!

Nos maîtres d'aujourd'hui. - Deux classes de personnes haïssent le Christ: les juifs, par tradition; les chrétiens révoltés ou sectaires par im­patience du joug. Ces deux sortes d'ennemis du Christ, les juifs et les sectaires francs-maçons sont alliés aujourd'hui. Les juifs détiennent l'ar­gent, la presse et le gouvernement. Les francs-maçons préparent les lois dans leurs conciliabules, comme ils ont fait récemment à leur Convent de Versailles. Ils ont cent cinquante députés à la Chambre, et ils en mè­nent deux cent autres par leur influence. Nos ministres sont à eux ou en ont peur. Ils savent gagner les tribunaux. Ils forment l'opinion publique par le journal.

Toppfer a dit avec raison: «Nos grands-pères avaient foi en Dieu, foi au prêtre, foi au roi, au magistrat, foi à la vertu, foi au savoir, foi à toutes sor­tes de choses supérieures ou antérieures à eux-mêmes; nous hommes du XIXe siècle, nous avons foi en nous-mêmes et… en notre journal».

Et les journaux aujourd'hui ne sont-ils pas, pour la plupart, des orga­nes du judaïsme et de la franc-maçonnerie?

N'importe, les juifs et les francs-maçons ne seront pas toujours nos maîtres. Ils sont démasqués. Il y a un soulèvement progressif de l'opi­nion contre eux. Attendons que les catholiques s'unissent et agissent da­vantage. Ils gagneront à eux toute la masse des hommes honnêtes et de bonne foi, et les nations reviendront à leur véritable maître le Christ, au­près duquel elles retrouveront la paix et le progrès moral qu'elles ont fui, en le fuyant, lui qui en est la source.

Quelques faits, dans le même courant. - Les juifs continuent à fai­re des leurs. L'un d'eux, Lévy, a extorqué quelques millions dans un commerce de pierreries. Un autre, Aaron a emporté au delà des mers plusieurs milliards volés à des chrétiens naïfs par une émission d'actions sans valeur. Un autre, Buschof, est jugé par le tribunal de Clèves pour le meurtre rituel d'un enfant chrétien. Les gros bonnets de cette famille sé­mitique sont assez influents pour faire condamner par nos tribunaux leurs vaillants antagonistes Drumont et De Morès.

Les socialistes aussi font trembler nos tribunaux. Cependant Rava­chol n'a pas échappé à la condamnation, malheureusement le socialisme n'est pas mort avec lui. Il nous a indiqué lui-même dans son interroga­toire la source de cette peste sociale. «J'avais été élevé chrétiennement par ma mère, a-t-il dit. Mais j'ai lu le Juif-Errant d'Eugène Sue; j'ai en­tendu des conférences de Paule Minck et de Chabert; j'ai lu le Prolétaire et le Citoyen et j'ai pris goût aux doctrines anarchistes».

Conclusion: Favorisons les journaux catholiques populaires et les œuvres pour les ouvriers.

La Réforme Sociale. - M. Ernest Michel n'est pas seulement un voyageur intrépide, c'est un observateur judicieux, c'est un penseur et un philosophe chrétien. Dans un double voyage autour du monde, il a beaucoup observé et beaucoup comparé. Le résultat de ses études est celui-ci: les races anglaise, allemande et russe progressent et s'étendent rapidement; la race française dépérit par sa faute.

Quelques réformes s'imposent pour arrêter notre décadence. Il fau­drait, au foyer, la pratique de la religion et la lecture des livres saints; dans les codes, l'accroissement de l'autorité paternelle avec la liberté de tester; dans l'éducation, une direction plus pratique et plus positive. Il faudrait une réforme dans le théâtre, les arts et la littérature qui sont de­venus les instruments publics de la démoralisation. Il faudrait encore transformer le système de colonisation en substituant l'initiative privée à l'action du gouvernement.

Par l'ensemble de ces réformes nous retrouverions des familles fortes et morales, dont les nombreux rejetons porteraient au loin le nom et l'in­fluence française. Tel doit être en effet le thème quotidien de la presse catholique et des Chambres pour préparer la restauration chrétienne.

L'émigration rurale. - L'exode des paysans vers les villes progresse avec une alarmante rapidité. Nos campagnes sont désertées. Cinquante­cinq départements agricoles ont perdu quatre cent mille âmes depuis cinq ans, c'est la ruine des forces physiques et morales de la nation. La ville sé­duit le châtelain et le bourgeois par son luxe et ses plaisirs, le paysan par ses gros salaires.

Le mal n'est cependant pas sans remède. Nos lois civiles et financières y pourraient aider. Depuis la Révolution, la législation et le fisc s'atta­chent à morceler la terre et à l'appauvrir. La terre paye trois fois plus d'impôts que la rente mobilière, et la loi successorale produit la division illimitée du sol. En Allemagne, aux Etats-Unis, en Suède, la loi protège la demeure et les terrains adjacents; elle en empêche la licitation.

Si nous ne relevons pas en France les trois éléments de stabilité et de force: la religion, la famille et la propriété, nous serons dans cinquante ans, en comparaison de l'Allemagne et de l'Angleterre, une nation de se­cond ordre. Le patriotisme aussi bien que la foi nous fait donc un devoir de combattre pour le règne du Christ.

II. LA FRANCE

Montmartre. - Là, est la source mystique qui alimente et dévelop­pe toute la vie chrétienne de la nation. Chaque jour quelque groupe d'élite vient pour puiser aux sources du Sauveur. Un jour c'est une paroisse de Paris avec ses cinq cents communiants. Une autre fois ce sont les qua­tre cents élèves de l'école Sainte-Geneviève, la fleur de la jeunesse fran­çaise; c'est le pensionnat de Passy, avec ses cinquante Frères directeurs; cinq cents jeunes gens à la sainte Table, quel beau spectacle! C'est l'As­semblée générale des catholiques; c'est l'Association des patrons chré­tiens; ce sont les Enfants de Marie du couvent des Oiseaux et du Sacré­Cœur. Et chaque groupe apporte son offrande au sanctuaire et entend quelque exhortation chaleureuse sur la grâce du Sacré-Cœur. Vraiment c'est là une source bénie. C'est un gage d'espérance et de salut.

Le laïcisme. - La lumière se fera; l'école laïque a doublé la crimina­lité de l'enfance. La population indigente s'est accrue de 15 % depuis cinq ans. La laïcisation des bureaux de bienfaisance et des hôpitaux a di­minué les ressources de la charité. C'est une situation déplorable et un désastre immense qui se préparent pour la nation, si on n'y porte remè­de. A l'œuvre donc, luttons de toute manière Pro Deo et patria.

Les patrons du Nord. - L'Association des patrons catholiques du Nord a passé en police correctionnelle. Elle a commis le crime de mêler la question morale et religieuse à la question industrielle. Ce procès ridi­cule est encore un fruit de l'hérésie moderne qui veut exclure la religion de toute la vie sociale. Les patrons du Nord n'ont pas eu de peine à se justifier. Ils ont répondu que, au point de vue industriel lui-même, des ouvriers religieux leur donneront un travail plus assidu, plus régulier, plus productif; que la religion chrétienne fait des corps vaillants, des esprits lucides et des volontés fermes, et que par conséquent, une chapel­le, un cercle catholique, voir même une maison de retraites, des jésuites, et des Sœurs de charité sont de légitimes auxiliaires de l'usine. Que si M. Veil-Durand et M. Ricard ne l'entendent pas ainsi, c'est qu'ils ont la vue courte et jugent avec passion. Ce procès d'ailleurs servira les inté­rêts de ces œuvres, en faisant mieux connaître leurs heureux fruits.

III. L’ALLEMAGNE

L'action catholique en Allemagne. -Les congrès se succèdent: à Fulda, à Ravensburg, à Osnabrück, à Trêves. Les questions religieuses, sociales et scolaires sont étudiées avec ardeur. Ces réunions pleines de vie et d'entrain réclament le rétablissement du pouvoir temporel des pa­pes, la rentrée des religieux en Allemagne, et l'école confessionnelle. Quelques noms se font jour: les Ketteler, les de Loë, les Stolberg et les Savigny suivent les traces du puissant et regretté orateur Windthorst. Il y a là pour les catholiques de toute nation un exemple bien encoura­geant.

La banqueroute du protestantisme luthérien. - Au Wurtemberg, il y a scission entre les pasteurs, dont plusieurs se refusent à réciter, à l'office, le symbole auquel ils ne croient plus. Le synode sera dans l'im­possibilité de condamner ces récalcitrants, trop nombreux. De toute ma­nière, c'est la dissolution de l'église luthérienne qui s'accentue.

Le repos dominical. - La nouvelle loi sur le repos dominical est en vigueur en Allemagne depuis le ter juillet. Le repos du Dimanche est ab­solu dans les usines. Pour les professions commerciales, quelques heures de travail sont autorisées le dimanche, mais l'heure des offices religieux est réservée. C'est un progrès immense que nous pouvons envier à l'Al­lemagne. Ce sera pour sa population un nouvel élément de force physi­que et morale.

Les capucins en Alsace. - Les capucins sont autorisés à fonder deux maisons en Alsace; une de ces maisons sera un noviciat. Les capu­cins sont les missionnaires du peuple et de l'ouvrier. Le gouvernement Allemand a l'intelligence de le comprendre; et le nôtre?… Hélas!

IV. L’ANGLETERRE

Conversions. - Le mouvement des conversions est constant en Angle­terre. Le nouvel Archevêque de Westminster vient de procéder à la confir­mation de plusieurs gentlemen et ladies de distinction. On compte parmi eux des barons, des députés, etc. Plusieurs convertis, parmi lesquels sept mi­nistres anglicans, se préparent à entrer dans le sacerdoce catholique.

Elections. - Les élections s'achèvent en Angleterre. Les libéraux et les conservateurs s'équilibrent à peu près. Le progrès accompli par les premiers doit réjouir les catholiques. C'est une ère de liberté qui se pré­pare pour la pauvre Irlande, la nation si fidèle à l'Eglise, qui a peuplé de ses enfants catholiques une grande partie de l'Amérique du nord et de l'Australie.

V. LA BELGIQUE

Les missions du Congo et du Bengale. - Les Belges sont toujours de vaillants missionnaires. Ils sont récompensés au Bengale par d'in­nombrables conversions. Au Congo, ils viennent de perdre un des pro­moteurs de la mission; le vénérable père Debacker. Dans ses deux fonda­tions, Berghe-Sainte-Marie et la Nouvelle-Anvers, il avait su prendre déjà une grande influence sur les tribus. Il laisse des œuvres pleines de vie et des écoles florissantes et pieuses. Il a mis la Nouvelle-Anvers sous la protection du Sacré-Cœur de Jésus, il avait droit à nos hommages dans cette Re­vue.

La Constituante. - La Belgique nous donne un exemple de grande sagesse dans sa transformation politique actuelle. Elle va modifier sans révolution son régime électoral. Les catholiques et la fraction modérée des libéraux s'uniront pour donner satisfaction aux justes revendications de la démocratie, en étudiant largement le droit de suffrage. Ce sera, nous l'espérons, tout profit pour la cause du catholicisme en Belgique; elle y gagnera en considération aussi bien qu'en puissance.

VI. PAYS DIVERS

Suisse. - Le conseil fédéral prépare, lui aussi, une loi sur le repos dominical. Serons-nous donc les derniers à comprendre l'importance de cet élément de civilisation et de progrès social?

Espagne. - Les espagnols sont plus catégoriques que nous. Ont-ils tort? Monseigneur l'Evêque de Lérida declare aux fondateurs et propa­gateurs des écoles laïques qu'ils ont encouru l'excommunication portée par la bulle Apostolicae Sedis contre les apostats. Ceux-là, dit-il, sont vrai­ment apostats de la foi, comme a dit Pie IX, qui, dans l'éducation, sup­priment délibérement les enseignements de la foi.

Palestine: Bethléem. - Une belle église du Sacré-Cœur s'achève à Bethléem. Ce sont les Pères Salésiens qui l'ont fait construire pour leur orphelinat. La statue colossale du Sacré-Cœur domine le maître-autel. Les peintures de la coupole représentent l'apparition du divin Maître à la Bienheureuse Marguerite-Marie. Cette belle dévotion avait sa place à Bethléem où le Cœur du divin Enfant a commencé à se manifester à nous.

Afrique Ouganda. - La belle mission de l'Ouganda vient de subir un immense désastre. La foi y prospérait merveilleusement. L'église de l'Ouganda comptait déjà plus de cinquante mille catholiques. Les pro­testants anglais, poussés par une haine de sectaires, viennent d'en mas­sacrer plusieurs milliers. Mais le sang des martyrs est fécond, et ces épreuves elles-mêmes nous montrent que l'heure est venue où le Cœur miséricordieux du Sauveur veut étendre son règne parmi ces popula­tions, si cruellement déshéritées jusqu'ici.

CHRONIQUE (Septembre 1892)

I. LA QUESTION SOCIALE

L'œuvre capitale. - «Il faut résoudre la question sociale». C'est la clameur universelle. jamais unanimité pareille ne s'est rencontrée sur un point. Discours, volumes, brochures, journaux, tout le monde est d'accord sur cette nécessité. Poètes et romanciers se mettent de la partie.

Mais comme les points de départ sont différents, les aboutissants le sont aussi. Chez les hommes séparés de Dieu, c'est la convoitise dans le pauvre, c'est la peur dans le riche, qui leur font crier: «Cherchons une solution au problème social». La convoitise conduit l'ouvrier à toutes les variétés du socialisme et de l'anarchie. La peur inspire au riche des pro­jets de concessions tour à tour ou de dictature, à moins qu'il ne se décou­rage ou ne s'étourdisse par le plaisir. Les chrétiens, ouvriers et patrons, dirigés par un autre mobile, qui est le besoin de justice et de charité, cherchent à s'entendre, ils s'efforcent de préparer un harmonieux en­semble d'œuvres et de lois pour faire régner une modeste aisance au foyer de l'ouvrier avec la paix dans les âmes et dans les relations sociales.

Est-il besoin d'ajouter que dans cette voie seulement, à la lumière de l'Evangile, on trouvera la solution vraie et définitive, l'Evangile ne prê­che pas seulement la résignation chrétienne, il veut que nous prenions en pitié le pauvre et tous ceux dont le sort est plus ou moins pénible. Il veut que nous nous appliquions à multiplier les institutions de bienfaisance et les lois protectrices du travailleur. Une diffusion intelligente de l'Evangi­le et de ses lois est l'œuvre capitale qui prépare la solution de toutes les questions sociales.

Le problème et sa solution, autrefois et aujourd'hui. - M. le ba­ron de Sarachaga, l'apôtre ardent et convaincu du règne social de Jésus­-Hostie, l'illustre fondateur du musée eucharistique de Paray-le-Monial a publié des études pleines d'intérêt sur les peintures allégoriques du XIIIe siècle en Italie. Nous avons vu nous-même les plus importantes de ces peintures, celles de Sienne et de Florence en particulier. C'est bien le problème social et sa solution qu'elles nous mettent sous les yeux. A Flo­rence ce sont les fresques de Simon Mennui, à la chapelle des Espagnols près de l'église de Santa Maria Novella, qui nous représentent en d'étonnants tableaux les luttes et le triomphe de l'Eglise. M. Rio, l'émi­nent critique d'art proclame ces fresques le chef-d'œuvre de la symboli­que chrétienne. A Sienne, c'est à la salle des Archives du Palais public que Lorenzetti a représenté les suites d'un bon et d'un mauvais gouver­nement.

L'art comme la poésie, au XIIIe et au XIVe siècles, s'appuyait sur la théologie. Les peintres, aussi bien que le Dante, lisaient et goûtaient saint Thomas. C'est la thèse du grand docteur sur les avantages tempo­rels d'un gouvernement chrétien5) que Lorenzetti a traduite par le pin­ceau.

Le peintre nous représente le double serment prêté devant l'autel de Marie au Christ et à l'étendard national par les magistrats et par les cor­porations. La fidélité à ces serments donne un peuple heureux et prospè­re. L'abondance et la paix règnent dans la ville et les campagnes. Une autre scène représente la rébellion; l'apostasie et leurs suites funestes. L'artiste a prophétisé l'histoire de sa patrie. Sienne a été prospère pen­dant les diverses périodes où elle a été fidèle à Dieu et à ses lois. Elle a été livrée au désordre, à l'anarchie et à la souffrance quand elle a méconnu la religion et l'obéissance à ces lois, en particulier à l'époque des deux frères Socin, de sinistre mémoire, les ancêtres et les fauteurs de la franc­-maçonnerie.

L'histoire de la chrétienté est remplie de ces leçons. La question socia­le est surtout une question religieuse et morale. C'est dans la fidélité des gouvernements et des corporations à Dieu et à l'Evangile qu'est la sour­ce de la paix sociale, de la prospérité.

Le congrès économique d'Anvers. - C'est une bonne pensée qu'ont eue les hommes d'Etat de la Belgique, de convoquer les économis­tes d'Europe et d'Amérique à un congrès d'études sur les questions re­latives à l'organisation du travail et au commerce international. Ce sont des assises pacifiques où toutes les opinions sont émises avec courtoisie. Les partisans du libre-échange et du protectionnisme y développent tour à tour d'excellents arguments en faveur de leur thèse, ce qui nous porte à croire que la vérité est dans un juste milieu. Les questions du salaire et de la durée du travail y sont traitées avec une compétence merveilleuse. Ce qui nous frappe, c'est que les meilleures solutions proposées sont conformes aux enseignements de Léon XIII. L'ouvrier doit être protégé par des lois qui empêchent le travail du dimanche et la prolongation abu­sive des heures de travail. La femme et l'enfant doivent profiter de la tu­telle législative. Une inspection sérieusement organisée doit veiller à l'exécution des lois. Après cela, il restera encore à la charité le soin de pourvoir à toutes les misères qui subsisteront encore, spécialement si le travail vient à manquer.

Nos lycées. - Ne cessons pas de le redire: la question sociale et la question religieuse se tiennent. Quelle société nous donneraient nos éta­blissements universitaires si nous n'avions pas le contrepoids de l'ensei­gnement libre? Sous le règne de M. Bourgeois, un des conseillers suprê­mes de la franc-maçonnerie, l'esprit d'impiété est de mode dans nos ly­cées. Jamais les discours de distributions de prix n'avaient été plus osés que cette année-ci. L'athéisme souvent n'y est pas dissimulé. C'est la négation de toute religion, c'est la destruction de l'âme humaine toute entière. Ce sont les tristes doctrines du pessimisme avec le persiflage des «rêves du christianisme» et des «félicités ultraterrestres». Sans doute ces doctrines revêtent au lycée une forme académique. Leurs auteurs re­culeraient devant les déductions logiques qu'en tirent Ravachol et ses amis. Mais les principes sont posés. Les nourrissons de l'Université prendront rang dans la vie publique. Quel concours pourront-ils donner au règne de la justice et de la charité, si leurs principes portent en germe toutes les conséquences de l'égoïsme, du sensualisme et de la désespé­rance?

La jeunesse et la propagande maçonnique. - Douze ou quinze mille de nos jeunes gens sont allés passer des examens en Sorbonne pen­dant les mois de juillet et d'août. La franc-maçonnerie internationale a pensé que c'était là une bonne occasion pour semer son venin. On a dis­tribué à ces jeunes gens un journal qui s'intitule «La vérité» et qui n'est qu'un tissu d'insultes à toutes nos croyances et une réclame pour les Lo­ges et les groupes de la Libre-pensée. Voici d'ailleurs les titres des articles, ils indiquent l'esprit du journal: «La séparation de l'Eglise et de l'Etat; - la fédération de la Libre-pensée; - les Chrétiens s'efforcent­ils de suivre Jésus? - Le vendredi dit saint; la religion est-elle utile à l'humanité? - la physiologie de l'amour».

Le directeur a nom Cilwa. Les noms mis en relief dans ces comptes rendus de banquets et de réunions sont les suivants: Lœvy, Wolmitz, Dreyfus, Borsendorf, etc. Cherchez là des noms français. Le journal a une prime. Elle est originale. Elle consiste en deux diplômes maçonniques et une brochure infecte intitulée «Vierge Mère». Ce n'est pas tout. Le même directeur, M. Cilwa, qui tient un petit commerce de diplômes d'adoption maçonnique, de baptême civil et de mariage civil, publie aussi la Revue «Le Bluet» qui a ses concours de poésie, de des­sin, de musique, encouragés par M. le Ministre de l'Instruction publi­que. Remarquez-le bien: M. Bourgeois offre pour le prochain concours un objet d'art de la Manufacture nationale de Sèvres. Voilà une bonne nou­velle. Toutes les œuvres catholiques peuvent demander désormais des vases de Sèvres pour leurs loteries, ventes et concours, au libéral M. Bourgeois. Il ne fera pas moins pour elles sans doute que pour le «Bluet» maçonnique.

Saint Vincent de Paul. - Deux faits appellent notre attention sur les Conférences de Saint-Vincent de Paul. Un de leurs fondateurs, M. Lamache, ami et collaborateur d'Ozanam, vient de mourir; et la Belgi­que s'apprête à fêter avec éclat le cinquantième anniversaire de ses pre­mières conférences.

Aucune œuvre, si ce n'est la Propagation de la Foi, n'a rendu plus de services à la religion et à la société. Car ce sont là des œuvres sociales au­tant que des œuvres religieuses. L'une visite et secourt les pauvres. Elle apaise les haines et les rancunes sociales.

L'autre porte avec l'Evangile des paroles de paix à ceux qui connais­sent à peine notre civilisation. Elle la leur fait désirer et aimer. Ces deux institutions sont également œuvres françaises, et, chose curieuse, très principalement laïques.

L'œuvre d'Ozanam compte aujourd'hui six mille groupes ou confé­rences dans le monde entier et son budget annuel dépasse dix millions. Ajoutons en passant que les frais d'administration de la société de Saint-Vincent de Paul sont de huit mille francs par an et non pas de deux millions comme à l'Assistance publique de la Seine.

II. ROME

Pie IX et Léon XIII. - Pourquoi donc opposer parfois les doctrines du pontife d'aujourd'hui à celles du pontife d'hier? Léon XIII ne fait que développer et appliquer aux besoins présents les principes posés par Pie IX et qui sont d'ailleurs ceux de l'Evangile. Le naturalisme, qui tend à éliminer Jésus-Christ de toutes les sphères de la pensée et de l'activité humaine, voilà l'ennemi que Pie IX n'a cessé de combattre sous les for­mes les plus diverses et les plus subtiles.

Par la définition de l'Immaculée-Conception, il a mis en lumière les dogmes de la chute originelle et de la Rédemption. Par l'encyclique Quanta cura et le Syllabus, il a proclamé les droits de Dieu sur l'ordre so­cial. Par les canons du Concile du Vatican, il a fermement établi les rap­ports de la foi et de la raison, la destinée surnaturelle de l'homme et la suprême autorité du Vicaire de Jésus-Christ. Il a revendiqué sans relâ­che la royauté temporelle du Pontife Romain, comme la garantie provi­dentielle de son indépendance et de ses droits. Léon XIII a poursuivi l'œuvre commencée en affirmant à nouveau la vérité sociale, et en mon­trant dans l'Evangile, la charte de toutes les libertés légitimes et de tou­tes les justes revendications.

Léon XIII et Christophe Colomb. - Les fêtes de Cadix et de Huel­va préparent celles de Gênes et de Chicago. L'Europe et l'Amérique cé­lèbrent à l'envi le glorieux navigateur qui a ouvert à la civilisation et à la religion le Continent Américain. Léon XIII, dans sa belle Encyclique du 16 juillet, nous a montré en Christophe Colomb l'apôtre, l'homme de Dieu. Dans cette magnifique page historique, nous voyons Christophe Colomb exposer successivement au roi d'Espagne et au Pape le but sur­naturel de son entreprise. Il dit à Ferdinand et à Isabelle que leur gloire sera immortelle s'ils se décident à porter le nom et l'Evangile de Jésus­Christ dans ces contrées lointaines. Il demande des missionnaires au Pa­pe pour porter la doctrine du salut à ces peuples innombrables qui aupa­ravant se ruaient à la perdition. Il atteste qu'il a cherché surtout dans cette entreprise l'accroissement et l'honneur de la religion chrétienne. Ajoutons que Colomb est un serviteur dévoué de la sainte Vierge, il don­ne à sa caravelle le nom de Santa-Maria. Il commence et il termine son entreprise par un pèlerinage à un sanctuaire de la Mère de Dieu, et c'est à elle qu'il recourt dans tous les périls de ses voyages. Espérons que Léon XIII aura l'honneur de laisser en bonne voie les deux belles causes de la canonisation de Christophe Colomb et de Jeanne d'Arc.

Une centenaire du Sacré-Cœur. - Dans nos voyages à Rome, nous aimons à vénérer comme une relique du Sacré-Cœur la lance de saint Longin conservée à la basilique de Saint-Pierre. On a fêté cette an­née à Rome le quatrième centenaire de l'acquisition de cette insigne reli­que. La lance de la Passion avait été transportée de Jérusalem à Cons­tantinople. Le sultan Bajazet II en fit don au pape Innocent VIII pour le remercier de son heureuse intervention en faveur de la paix.

III. FRANCE

Jeanne d'Arc et le Sacré-Cœur. - Jeanne d'Arc a sauvé la France au XVe siècle. La France aujourd'hui si éprouvée se tourne instinctive­ment vers Jeanne d'Arc comme pour lui demander de nous envoyer une autre elle-même afin de nous tirer des périls actuels. Il nous semble que Jeanne d'Arc répond à la France: «Le Sauveur que vous cherchez, vous l'avez, c'est le Sacré-Cœur de Jésus». Cette pensée de foi est représen­tée sur un modeste vitrail de l'église de Domrémy. La France est là age­nouillée aux pieds de l'héroïne. Jeanne montre à la France le Sacré­Cœur de Jésus. Au-dessus de cette scène, on lit ces paroles: «Olim per Joannam, hodie per Cor Jesu sacratissimum, autrefois par Jeanne d'Arc, au­jourd'hui par le Cœur Sacré de Jésus». C'est bien la France entière qui se tourne vers Jeanne d'Arc; son nom retentit partout. Des monuments s'élèvent en son honneur, et ils seront bientôt innombrables. Qu'il est beau ce groupe de Rouen, où Jeanne, les mains enchaînés et les yeux élevés vers le ciel, sous l'inspiration de ses conseillers célestes, saint Mi­chel, sainte Catherine et sainte Marguerite, offre sa vie pour sa patrie! Le sculpteur Barrias a mis toute son âme dans cette statue. Qu'elles se­ront belles ces basiliques qui s'élèvent à Domrémy et à Vaucouleurs, do­minant toutes deux la grande vallée de la Meuse et glorifiant le berceau de Jeanne comme le monument de Rouen glorifie sa tombe!

Dans notre grande détresse, il nous semble que nous allons ressusciter Jeanne d'Arc, en l'honorant. Le Ciel nous sait gré de cette naïve con­fiance et il nous répond: «J'ai mieux que Jeanne d'Arc pour vous cette fois. Le Sauveur de demain c'est le Sacré-Cœur de Jésus. Patay-le-­Monial, Patay, Montmartre, voilà les nouveaux Sinaï où vous avez à chercher la lumière et la force. Priez le Sacré-Cœur, imitez ses vertus; par lui vous triompherez des ennemis intérieurs et de ceux du dehors. Il vous l'a dit lui-même par Marguerite-Marie: il veut tout de nouveau sauver le monde, il veut bénir particulièrement la France».

Mouvement des œuvres. - Après d'autres genres de Congrès, voi­ci la réunion des Séminaristes au Val-des-Bois. M. Harmel est infatiga­ble; il offre pour quelques jours l'hospitalité aux jeunes clercs qui veulent s'initier aux œuvres. Après cela, c'est le Congrès de Reims, où l'on constate avec bonheur la vitalité des œuvres dans ce beau diocèse.

IV. BELGIQUE

La Révision. - Le peuple belge jouit de la paix sociale depuis soi­xante ans. Il sent le besoin aujourd'hui de donner une plus large base à ses élections politiques. Puisse-t-il ne pas se laisser entraîner à courir les aventures du suffrage universel! Qu'il se souvienne du jugement si sensé de Mgr Freppel sur cette question. «Ce qui est inadmissible au regard du bon sens, disait-il, c'est que sous prétexte d'égalité, le nombre seul devienne la loi suprême d'un pays; que ni le talent, ni la fortune, ni la moralité, n'entrent pour rien dans un calcul qui se réduit à une simple addition de voix; et qu'en un jour d'élections, où se posent, dans le choix d'un représentant, les questions les plus difficiles de droit civil ou consti­tutionnel, d'organisation sociale ou de relations avec l'étranger, le suf­frage d'un individu sachant à peine lire pèse du même poids dans la ba­lance des destinées nationales que celui d'un homme d'Etat rompu aux affaires par une longue expérience. Il n'est pas de sophisme qui puisse colorer d'un prétexte spécieux une pareille absurdité. Un pays qui sacri­fie son existence à une utopie aussi dangereuse, court au devant de tou­tes les aventures: il est à la merci d'une force aveugle qui, obéissant tour à tour aux impulsions les plus contradictoires, l'entraîne tantôt d'un cô­té, tantôt de l'autre et finit par le pousser aux abîmes.

CHRONIQUE (Octobre 1892)

I. LA QUESTION SOCIALE

Au Congrès de Mayence. - Dès le premier jour du Congrès, l'élo­quent député M. de Schorlemer-Alst a traité magistralement la question sociale. Il a fait le procès du socialisme et de son auteur le libéralisme. Le socialisme révolutionnaire n'est que le dernier terme de cet immense courant d'indépendance et de révolte qui travaille le monde et emporte la société depuis trois siècles.

Le vaillant orateur a flagellé sans pitié les adorateurs du veau d'or, les gebildeten, ceux que nous appelons la classe dirigeante, les gens comme il faut, cette classe de gens soi-disant instruits, éclairés, et qui par leur im­bécillité, sont la cause principale des progrès de l'anarchie. Ils sont les révolutionnaires d'en haut et ne voient pas qu'ils seront les premiers grugés par les révolutionnaires d'en bas, eux les capitalistes sans entrail­les pour les pauvres et les petits. Il a confiance dans les sentiments reli­gieux du peuple allemand, encore respectueux de l'autorité divine et hu­maine, plus patriote que ces gebildeten, qui se vantent parfois bruyam­ment de leur patriotisme, mais ne s'en souviennent plus à certaines heu­res.

L'orateur voit le remède au mal social dans la religion et réclame la li­berté de l'Eglise, le rétablissement du pouvoir temporel, l'école confes­sionnelle, une législation et une organisation ayant pour base le christia­nisme. Déjà on en fait beaucoup, mais il faut tripler l'effort; tout le mon­de peut et doit y prendre part avec courage et persévérance. La foi chré­tienne triomphera de tout et de tous.

On peut dire que ce thème de M. de Schorlemer-Alst a été le pro­gramme du Congrès. Le président, M. Porsch, en résumant les travaux, a formulé ainsi les revendications nécessaires: la liberté du Pape, le re­tour des jésuites, l'abrogation des lois du Kulturkampf et l'institution lé­gale de l'école chrétienne.

Le Congrès de l'Union des œuvres à La Roche-sur-Yon. - Ces congrès annuels ont pour nous l'importance d'un véritable événement social. Voilà vingt ans qu'ils se tiennent. Ils vont chaque année dans une province nouvelle porter ou ranimer le feu sacré du zéle. Ils constatent le développement régulier des œuvres, leur marche toujours croissante, leurs procédés toujours plus heureux et plus pratiques.

Le thème des congrès se surcharge chaque année de quelque œuvre nouvelle. Il n'y avait guère au commencement que les Patronages et les Cercles. Il faut maintenant passer en revue les Bureaux diocésains, l'œuvre du dimanche, les Ecoles libres, la Presse catholique, les syndi­cats professionnels et agricoles, les œuvres militaires, les Conférences populaires, la Corporation, voire même les Universités catholiques et les questions de législation sociale.

La Roche-sur-Yon a eu le bonheur de posséder quelques-uns de ces orateurs habituels des congrès qui font toujours passer dans l'âme de leurs auditeurs quelque chose de la flamme apostolique qui les consume: M. Harmel, M. Garnier, M. Millault, curé de Saint-Roch à Paris, M. le chanoine Tournamille de Toulouse, M. René Bazin et d'autres.

Nous voudrions voir assister à ces congrès quelques-uns des hommes du monde, hommes d'Etat, écrivains, journalistes qui cherchent de bon­ne foi la solution de la question sociale. Ils verraient, croyons-nous, que le remède serait bientôt trouvé s'ils apportaient eux-mêmes à l'Eglise le concours de leur talent et de leur influence sociale.

La mission sociale du curé. - L'éminent économiste, M. Leroy­Beaulieu, a écrit de belles pages sur la mission sociale du curé. Nous lui empruntons quelques pensées.

Le curé a la garde et le souci des âmes, mais il ne peut plus les attein­dre. Banni de l'école, exclu du bureau de bienfaisance, suspect à l'admi­nistration, regardé avec une défiance malveillante par le maire et l'insti­tuteur, exposé aux dénonciations anonymes de la feuille locale, il se cloître peu à peu dans son église et son presbytère, avec son bréviaire et ses livres, heureux de se faire oublier.

Il avait cependant, ce curé, une fonction à remplir au village ou dans le faubourg, un rôle, non point politique, mais social; et, là où les mœurs locales le lui ont conservé, la famille du paysan ou de l'artisan, le père, l'enfant et le jeune homme, la veuve et le vieillard se trouvent bien de ses avis. Il y avait là, sur place, naguère en chaque paroisse, un con­seiller affectueux et désintéressé, au besoin un arbitre gratuit, un pacifi­cateur pour les querelles domestiques ou les discussions d'intérêt, un homme voué par sa fonction au rapprochement des hommes. Aujourd'hui a été presque partout détruite cette influence conciliatri­ce, dont les pauvres gens profitaient encore plus que les riches; et dans les campagnes françaises où il en subsiste encore des restes, en Bretagne, en Anjou, en Auvergne, toutes les forces de l'administration, toutes les visées de l'enseignement public et de la presse populaire tendent hélas! à l'annuler et à la déraciner.

Le nouveau conseiller du peuple, le directeur de l'ouvrier, le guide moral qui s'entend le mieux à le conduire, c'est le cabaretier. Le «mastro­quet» est là, soufflant les syndicats, montant les têtes, excitant l'ouvrier, et ayant pour sa peine la chance d'aller un jour représenter les travail­leurs à la maison commune ou au parlement. Et voilà ce que d'aveugles libres-penseurs ont le front d'appeler l'émancipation spirituelle du peu­ple.

II. FRANCE

Montmartre. - C'est chaque mois qu'il faudrait dire le mouvement merveilleux et toujours plus accentué des pèlerinages à Montmartre. Et pourtant cela n'est rien encore en comparaison de ce que nous espérons pour le temps où nous aurons un peu plus de liberté religieuse, et où les catholiques se verront accorder ce que l'on ne refuse pas à des sociétés de musique et de gymnastique, la liberté de circuler avec quelques démons­trations extérieures. Montmartre sera assiégé, comme Lourdes et plus que Lourdes, par tous les affamés de grâces spirituelles et temporelles. Montmartre sera la véritable Université du Sacré-Cœur. Là se rendront tous ceux qui veulent apprendre du Sacré-Cœur l'art de remédier aux souffrances de la société contemporaine.

Quel spectacle attendrissant que celui de ces paroisses, de ces pension­nats, de ces associations qui viennent successivement puiser la grâce aux sources du Cœur de Jésus, recevoir l'Eucharistie et entendre quelque pieuse exhortation sur les bontés, les tristesses, les désirs de ce divin Cœur!

En juillet, par exemple, on a vu à Montmartre quatre-vingts pèlerina­ges divers. Ce sont les paroisses de Saint-Sulpice, de Saint-Jean- Baptiste de Grenelle, de Saint-Eustache, de Saint Joseph, de Clignancourt, de Notre-Dame de la Gare, de Choisy-le-Roi, de Nogent-sur-Marne, d'Auteuil, de Chatou, de Colombes, de Bercy, de Saint-Maur, de Saint­Mandé, de Clamart, de Clichy, de Gentilly.

Puis, à côté des paroisses, ce sont des groupes de tout âge et de toute catégorie: l'école industrielle de Saint-Nicolas, avec sa joyeuse fanfare; l'école Saint Jean de Versailles, dirigée par les Pères Eudistes, avec ses philosophes et rhétoriciens qui viennent à pied et à jeun pour mettre leurs examens sous la protection du Sacré-Cœur; l'école Sainte-Anne, le cer­cle des Francs-Bourgeois, les patronages Saint Jean et Saint-Denis du Saint-Sacrement, les enfants de Marie de Neuilly, l'œuvre des Ramo­neurs, les retraitants de Saint-Germain-en-Laye. Quelle touchante mosaïque! ou plutôt quel exemple frappant de la fraternité chrétienne et de la communion des Saints!

Voici ensuite les séminaristes de Saint-Sulpice, l'orphelinat de Sèvres, les Sœurs de la Compassion de Saint-Denis et leurs élèves, les pension­nats de Saint-Mandé, de Saint-Joseph de Boulogne, de l'Immaculée Conception de Vitry, du Saint-Sacrement de l'Avenue Malakoff, le pa­tronage Sainte-Mélanie, les catéchismes de persévérance de Saint­Sulpice, les œuvres de jeunesse des Frères, l'école Fénelon de Bar-le­duc, trois cents tertiaires de Saint-François, le patronage Saint-Charles, les Pauvres assistés par les conférences de Saint-Vincent de Paul, etc. Il faudrait citer encore vingt autres pensionnats, patronages, confréries, scolasticats et œuvres diverses.

Voilà ces dix justes de Sodome, l'espoir de Paris et de la France. Est-il possible que Notre-Seigneur abandonne une nation où tant d'âmes sim­ples et dévouées lui témoignent encore leur amour et font appel à la mi­séricorde?

L'hommage au Sacré-Cœur de Jésus. - Ce n'est pas seulement la consécration au Sacré-Cœur de Jésus, nous l'avons dit souvent, c'est l'acte d'hommage que Notre-Seigneur a demandé, c'est-à-dire l'humble reconnaissance de la royauté du Sacré-Cœur avec toutes ses conséquen­ces, même sociales et temporelles. Le Sauveur montrant l'effigie de Cé­sar comme signe de royauté sur une monnaie disait: Rendez à César ce qui est à César. Eh bien! cette place réservée à une effigie royale, Notre­Seigneur nous a demandé de la donner à son Cœur sacré, dans nos mai­sons et jusque dans les palais et sur les étendards de la nation. Prenons tous ce signe sacré sur nos personnes et dans nos appartements, en atten­dant qu'il ait sa place sur notre drapeau. On l'a vu déjà sur le drapeau tricolore à Rome, lors du pèlerinage des vingt mille, et Léon XIII l'a embrassé avec émotion. Nous nous réjouissons de voir la propagation rapide d'une confrérie dite de l'hommage au Sacré-Cœur, fondée à Nantes et approuvée par Mgr l'évêque. Elle compte déjà plus de vingt mille adhé­rents; c'est bien! Les familles renouvellent chaque jour l'hommage de­vant la statue ou l'image du Sacré-Cœur placée en un lieu honorable de la maison. C'est la meilleure préparation de l'hommage qui sera offert un jour au Sacré-Cœur par la nation tout entière.

Le Havre. - Toute l'attention de la France est tournée vers Le Ha­vre. Le choléra va-t-il de là envahir toutes nos villes? Nous espérons que le fléau sera tempéré dans cette ville du Havre par la miséricorde divine. Cette ville aime le Sacré-Cœur. Elle lui a élevé sur ses dunes une belle église. Ses diverses paroisses honorent le Sacré-Cœur. A Sainte-Adresse il a une gracieuse chapelle. A la paroisse Notre-Dame, la principale du Havre, le Sacré-Cœur possède l'une des plus belles chapelles qu'il ait en France. On voit là deux vitraux remarquables, peints par M. Didron en 1877. Sur l'un, c'est l'ouverture du Cœur de Jésus au Calvaire, avec cette devise: Sic nos dilexit Deus, c'est ainsi que Dieu nous a aimés! Sur l'autre c'est le Sacré-Cœur avec les Saints qui l'ont aimé davantage, saint Augustin et saint Bernard, saint François d'Assise et saint François de Sales, sainte Véronique, sainte Gertrude, sainte Thérèse, sainte Ca­therine de Sienne et la Bienheureuse Marguerite-Marie. Au-dessous on lit cette devis: Ita et nos debemus illum diligere, c'est ainsi que nous devons l'aimer à notre tour.

Il y a là un beau modèle pour les paroisses désireuses d'honorer le Sacré-Cœur.

III. BELGIQUE ET PAYS-BAS

Le catéchisme de l'homme fait. - La Belgique produit incessam­ment des publications excellentes. Le Catéchisme de l'homme fait, publié à Liège par Mgr Van den Berghe, traite de toutes les questions actuelles. Nos gouvernants se sont étonnés que nous instruisions nos enfants de ce qui concerne l'enseignement chrétien, le devoir électoral, le mariage, ils ne s'étonneraient plus sans doute de voir que nous enseignons cela aux hommes faits.

Le chapitre sur le Pouvoir civil, dans ce catéchisme, est un modèle du genre. Il nous montre la genèse du pouvoir civil, son étendue, ses rap­ports avec l'Eglise. Il nous décrit les droits et les devoirs de l'Etat et son but précis qui est de conserver l'ordre et la paix, sans lesquels il n'y a ni sécurité ni progrès. Mais il nous montre les droits de l'Etat limités par ceux de l'Eglise, par ceux de la conscience, de la propriété, de la famille et des associations. Tenons fermement surtout aux droits de la famille, Léon XIII a recommandé aux familles chrétiennes de revendiquer hau­tement leurs droits pour l'éducation de leurs enfants.

Les progrès de la foi au Pays-Bas. - Les catholiques prennent part de plus en plus aux fonctions publiques en Hollande. Ils en ont été exclus par les lois pendant trois siècles. Déjà un quart au moins des officiers sont catholiques. Les conversions sont assez fréquentes dans la haute so­ciété. Plusieurs députés et conseillers d'Etat sont des convertis.

Un pèlerinage nouveau vient d'être inauguré au tombeau de saint Jé­ron, apôtre du pays, à Noorwijk, près de Leyde. Le corps du Saint est là. Une splendide cérémonie de translation s'y est faite récemment, c'est de bonne augure pour le progrès des conversions dans cette région.

- La ville de Rotterdam renferme maintenant 64.000 catholiques sur une population de 216.000 habitants. Elle a dix églises et cinquante­huit ecclésiastiques. Les protestants y comptent seulement huit temples et quinze pasteurs. Les legs faits aux églises catholiques se sont élevés en 1891 à 110.000 florins, et ceux faits aux communautés protestantes à 50 florins! On voit de quel côté sont les promesses de l'avenir.

IV. PAYS DIVERS

Allemagne: Une Université sociale. - Quelle heureuse pensée! quel­ques hommes des plus compétents de l'Allemagne vont donner pendant quelque temps à Gladbach des cours de sociologie chrétienne. M. l'abbé Hitze traitera de la question ouvrière dans son ensemble, de la législation protectrice, des assurances et des habitations ouvrières; M. Bachem, des tribunaux industriels; M. Jaeger, de la question agraire et des métiers; M. l'abbé Oberdœfer, du rôle du clergé vis-à-vis du socialisme, etc.

Nous envions cette œuvre pour notre France. Que nos principaux hommes d'œuvres fassent donc ainsi des cours pour les auditeurs de bonne volonté dans nos centres industriels. Ils seront écoutés, même peut-être dans les régions où la foi n'a pas de bien profondes racines, et les œuvres fleuriront après leur passage.

Conversion des Nestoriens au catholicisme. - Mgr Montéty, délé­gué apostolique de Perse, annonce la conversion du patriarche des Nes­toriens. Cet événement a porté un coup fatal au Nestorianisme. Les vil­lages nestoriens du Kourdistan demandent à être absous de l'hérésie. Un évêque nestorien écrivait à Mgr le délégué: «Bientôt nous serons tous les enfants du même père, le Pape». C'est une hérésie qui disparaît après quinze siècles. Espérons que les Arméniens, les Syriens, les Grecs suivront bientôt la même voie. Léon XIII doit d'ailleurs, dit-on, leur adresser bientôt un appel pressant et sa haute influence déterminera bien des indécis.

Ecosse. - Glasgow n'avait pas de catholiques au commencement du siècle. Aujourd'hui il en compte 120.000 sur 500.000 habitants. Le dio­cèse en a 230.000 et il est pourvu d'œuvres magnifiques: séminaire, col­lège, hospices, conférences de charité, communautés religieuses. Que nous sommes loin du puritanisme intolérant de l'Ecosse d'autrefois!

Suisse: Congrès catholique. - Les catholiques Suisses aussi ont eu leur congrès, plein de vie et d'espérance, à l'illustre abbaye d'Einsie­deln. Les questions de l'enseignement et des missions intérieures les ont surtout passionnés. Ils vont développer ces missions par une œuvre nou­velle organisée comme notre œuvre de Saint-François de Sales; ce sera le point de départ de nouveaux progrès pour la foi en Suisse.

Transwaal. - Voici un exemple admirable qui nous vient du Sud de l'Afrique. Le gouvernement de la République du Transwaal vient d'édicter une loi défendant tout travail du dimanche. La production de l'or, dans ce pays de mines, se trouvera diminuée d'un septième soit de deux millions par mois, mais le président Krüger a déclaré qu'il ne con­sentirait pas à aliéner le jour du Seigneur pour des millions. Le bon Dieu récompensera une décision si pleine de foi.

CHRONIQUE (Novembre 1892)

I. LA QUESTION SOCIALE

Les Congrès ouvriers et socialistes. - Nous avons eu toute une sé­rie de Congrès ouvriers, la saison y prête sans doute: Congrès socialiste à Marseille, Congrès des mineurs à Ricamarie, Congrès démocratique à Bruxelles. Le Congrès de Marseille, semblable à une brillante comète, se continue par une traînée de feu: Liebknecht, son bruyant leader, pérore à Mulhouse, à Fribourg et au-délà.

Le socialisme s'assagit, il n'est pas trop exigeant à Marseille ni à Rica­marie. Ces messieurs de Marseille réclament la journée de huit heures, le repos hebdomadaire, la protection des enfants. Ils veulent la femme au foyer, la suppression du travail de nuit, l'organisation de corpora­tions et de syndicats agricoles, l'accroissement des propriétés communa­les, l'achat par les communes d'instruments de travail, qu'elles loueront aux ouvriers agricoles, la fondation de caisses de retraites pour les ou­vriers agricoles aux dépens des grandes propriétés, l'institution de com­missions d'arbitrages et une réforme des impôts qui favoriserait les peti­tes propriétés.

Les mineurs de Ricamarie réclament aussi la journée de huit heures. Ils veulent que tous les accidents soient à la charge des Compagnies, qu'une caisse de secours mutuels et de retraite soit entretenue par une retenue de trois pour cent sur les salaires complétés par un versement proportionnel des Compagnies.

Tout cela ne manque pas d'une certaine sagesse. Plusieurs de ces pro­jets sont même l'écho de la propagande catholique de ces dernières an­nées.

Malheureusement le socialisme ne dit pas là son dernier mot. Les chefs du mouvement donnent cet appât aux simples pour gagner les masses. Beaucoup se laissent leurrer. Aux yeux d'un grand nombre de personnes qui se croient éclairées, les socialistes seraient apprivoisés. Ils ne seraient plus que de pacifiques rêveurs émus par le spectacle des abus et des iniquités modernes. Leur utopie serait aussi inoffensive que la Sa­lente de Fénélon. Ils se borneraient à poursuivre par les seules voies léga­les la réalisation d'un programme pratique et anodin.

Pour sortir de cette douce illusion, il suffit de lire les articles de fond publiés dans leur journal Le Peuple par Lafargue, le plus «scientifique» des socialistes français l'héritier de Karl Marx, et assurément l'un des portevoix les plus authentiques du parti. Le point de départ pour lui sera «une émeute audacieuse, une nouvelle Commune qui prendra en mains le pouvoir. Dans les villes industrielles, les socialistes auront à s'emparer des pouvoirs locaux, à armer et à organiser militairement les ouvriers. Les villes industrielles deviendront autant de centres révolutionnaires, se fédérant, afin de gagner les campagnes à la Révolution, et de vaincre la résistance qui s'organisera.

«Les socialistes ouvriront les portes des prisons pour lâcher les petits voleurs et mettre sous clefs les grands voleurs, tels que banquiers, finan­ciers, grands industriels, grands propriétaires, etc. On les considérera comme otages».

«Le pouvoir révolutionnaire se constituera par simple prise de posses­sion. On frappera d'incapacité électorale tous les ex-capitalistes…». Qu'en pensent nos bourgeois indifférents et libre-penseurs qui sont prêts à céder aux menaces des socialistes?

Le remède, c'est aux mains de l'Eglise et là seulement qu'il se trouve, il est dans le règne de Jésus-Christ et de son Cœur sacré.

La ligue démocratique à Bruxelles. - Bien autre est l'esprit des Congrès ouvriers catholiques, et tel est le cas de la Ligue démocratique belge. Cent mille ouvriers catholiques de cette nation étaient représentés là par les délégués de leurs cercles, gildes, corporations et sociétés de se­cours mutuelle. Ils ont donné le rare spectacle d'un Congrès ouvrier sa­ge, calme, ardent pour le progrès, mais respectueux et poli, plus que nos Chambres politiques où s'agitent tant de gens mal élevés.

La Ligue demande que la religion soit la base de l'instruction publi­que, que les écoles libres soient encouragées par l'Etat. Elle désire l'or­ganisation des corporations et unions professionnelles avec la personna­lité civile, la participation des ouvriers aux bénéfices, le développement des sociétés de secours et des caisses de retraite, avec le concours des pa­trons, de la commune et de l'Etat, la fixation du minimum de salaire et des heures de travail au moins dans les cahiers des charges pour les tra­vaux de l'Etat et des communes, la réforme des impôts, la représentation des ouvriers dans les assemblées publiques, la répression du jeu, de l'agiotage et de l'alcoolisme. Ils acceptent pour base de la réforme sociale l'Encyclique du Pape sur La condition des ouvriers.

Nous souhaitons qu'un pareil Congrès soit provoqué et tenu annuelle­ment en France, pour montrer aux ouvriers que l'Eglise a la solution de toutes les questions qui les intéressent.

Les hérésies de ce siècle. - A la fin du XVIIIe siècle et au commen­cement de celui-ci, il était de bon ton de se dire philosophe. Les beaux esprits voulaient vivre et mourir en philosophes. La loi naturelle leur suffisait. Le matérialisme est venu qui a tourné cette philosophie en déri­sion. Le libéralisme, - nous parlons de celui des libres-penseurs, - a succédé à la philosophie; se dire libéral et rire de l'Eglise était à la mode. Le libéralisme est usé. C'est la science qui est venue à son tour menacer la foi.

Mais l'Eglise a montré tour à tour qu'elle seule possédait la vraie phi­losophie, la vraie liberté, la vraie science. C'est maintenant le socialisme qui dogmatise et prétend gouverner le monde. Mais le Christ nous mon­tre à son tour, qu'il a seul la solution des difficultés sociales par la prati­que de la justice et de la charité. Le Sacré-Cœur de Jésus est seul assez puissant pour réunir et réconcilier les classes de la société et c'est dans ses sanctuaires que sera scellée cette union.

L'action sociale des prêtres. - Le discours si intéressant et si im­portant de Mgr Ireland au clergé de Paris est venu confirmer les vues ex­primées dans nos articles sur la Question sociale et sur les Devoirs du pasteur selon le Cœur de Jésus dans le temps présent.

Mgr Ireland recommande la connaissance personnelle des paroissiens par le pasteur, l'étude des questions et les œuvres qui concernent les ou­vriers, le zèle pour les intérêts du peuple, la revendication même, en sa faveur, de la justice sociale et distributive. Nous concluons volontiers avec lui par cet appel aux ministres de Dieu: «Prêtres, versez sur le peu­ple l'affection de vos âmes!… gagnez par votre amour le géant de la dé­mocratie moderne. Faites-nous une démocratie chrétienne. Le Christ vaincra et régnera».

II. FRANCE

Lourdes. - Lourdes est un foyer de charité. La très sainte Vierge distribue là les grâces du Cœur de Jésus. Cette question sociale, objet de tant de préoccupations, trouve là tous les éléments de solution. Le riche et le pauvre s'y coudoient, ils prient et communient ensemble. Les fils de famille et les dames du grand monde sont à la Grotte et près des piscines, pour plonger dans l'eau miraculeuse les pauvres malades et leur prodi­guer des soins délicats. C'est l'esprit du Sacré-Cœur de Jésus qui est mis en pratique. Il nous semble entendre Notre-Seigneur redire à Lourdes: Venez à moi, vous tous qui souffrez, et je vous soulagerai.

Quelle grâce pour la France et pour toute notre société contemporaine que ce petit paradis où le ciel semble toucher la terre! Quel cadre idéal pour le miracle que ce Gave qui arrive de la région des plus hauts som­mets et qui apporte en frémissant les ondes découlant de leurs neiges, ces collines couronnées de couvents où la prière n'est pas interrompue et cette blanche basilique campée sur le rocher! Mais l'humble grotte est le centre de toute cette vie mystérieuse. Nous ne saurons qu'au ciel la gran­de part qu'aura tenue cette grotte dans la vie du monde contemporain. Ecoutons l'invitation de Marie qui y retentit toujours: Pénitence! Pénitence! et nous hâterons le règne béni du Sacré-Cœur de Jésus.

Le centenaire d'une bonne révolution. - Préparons-nous au cen­tenaire de 1896. C'est le XIVe centenaire du baptême de la France dans la personne de Clovis. Le cardinal Langénieux appelle tous les diocèses de France à Reims pour y renouveler sur le baptistère de Clovis les pro­messes du baptême. Toute la France catholique y sera représentée. Nous passerons par Montmartre. En 1896, le temple au Sacré-Cœur deman­dé par Notre-Seigneur sera consacré, l'alliance contractée à Reims sera renouée à Reims même et à Montmartre. La France du travail fera là le pèlerinage des vingt mille que les sectaires de Rome ont entravé, ce sera un pas décisif pour la solution des difficultés sociales.

Pèlerinage au Sacré-Cœur à Loigny. - Notre chère France n'a pas seulement Paray et Montmartre comme pèlerinages au Sacré-Cœur, el­le a aussi Loigny, qui n'est pas assez visité, Loigny, près de Patay entre Orléans et Chartres. C'est là que la bannière du Sacré-Cœur a été héroïquement défendue par les zouaves, c'est là qu'est tombé griève­ment blessé le saint du Sacré-Cœur, le général de Sonis. Allez à Loigny et les douces émotions que vous y éprouverez vous récompenseront de votre peine. Les amis de nos zouaves ont reconstruit l'église paroissiale, qui est devenue un sanctuaire du Sacré-Cœur. Les fresques du chœur représentent la consécration du bataillon des zouaves au Sacré-Cœur et la mort de Verthamon et des autres, défendant le drapeau.

Sous le sanctuaire reposent d'un côté le pieux général de Sonis, de l'autre nos soldats morts sur ce champ de bataille de Loigny pour Dieu et pour la patrie. Leurs ossements sont apparents. Ils sont là plus de dou­ze cents. Ces crânes nous ont une apparence virile et chevaleresque, que nous n'avons pas trouvée ailleurs dans les débris de la mort. M. le curé vous fera les honneurs de son église. Il est une relique de la guerre, lui aussi. On ne sait comment il a échappé à la mort en secourant et soi­gnant les blessés. Une décoration est venue justement honorer son pa­triotisme.

Non loin de l'église, près du petit bois où tant de zouaves ont trouvé la mort, une statue du Sacré-Cœur s'élève sur une colonne, et un monu­ment récent, une croix voilée par l'étendard du Sacré-Cœur marque le lieu où le génèral de Sonis est tombé. Ce dernier monument, bénit en 1891, a été élevé par Mgr Baunard, comme un témoignage de sa reli­gieuse admiration pour le héros dont il a écrit la vie.

L'école laïque et la criminalité. - Un inspecteur de l'enseigne­ment primaire en retraite vient de publier un savant travail sur les pro­grès de la criminalité comparés à ceux de l'instruction publique. Il a compulsé les statistiques de soixante années. Rien de plus intéressant. Résumons ses conclusions.

De 1817 à 1828, période où l'enseignement avait pour base la reli­gion, la criminalité décroissait à mesure que s'étendait l'instruction. De 1828 à 1850, période où l'enseignement religieux n'était plus la base de l'instruction, mais simple matière du programme, confiée à des maîtres incompétents ou indifférents, il y a eu accroissement rapide de criminalité.

De 1850 à 1856, période où l'enseignement religieux donné sous le contrôle du clergé, a une plus grande part d'influence, il y a décroisse­ment de la criminalité.

Enfin de 1856 à 1888, d'abord sous la législation de 1850 altérée de plus en plus, puis sous les lois de laïcisation, il y a un accroissement nota­ble de la criminalité.

Quels résultats éloquents! Aux deux périodes où la religion fait le plus sentir son influence, sous la Restauration et pendant les premières an­nées de l'Empire, la criminalité diminue.

Quelles dures leçons nous prépare l'avenir, après une période d'ensei­gnements sans Dieu!

III. PAYS DIVERS

Hommage rendu au Christ par un empire et deux républi­ques. - Pendant que nous cultivons à outrance le laïcisme, c'est-à-dire l'apostasie nationale, les autres nations rendent hommage au Christ pour s'assurer ses bénédictions.

Le président des Etats-Unis, Harrisson, à l'occasion du quatre­centième anniversaire de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb ordonne: «Que dans les églises et autres lieux de réunion de la population, celle-ci exprime à la divine Providence sa gratitude pour la foi solide de l'explorateur, et pour la protection et l'inspiration divines qui ont dirigé notre histoire et comblé notre peuple de tant de bienfaits».

En Suisse, dans le canton privilégié de Fribourg, où l'Eglise et l'Etat vivent en une si harmonieuse union, nous voyons le gouvernement invi­ter l'évêque à bénir les travaux de l'exposition industrielle. Les paroles suivantes adressées au prélat par le conseiller d'Etat présidant, sont si chrétiennes, qu'on les croirait plutôt prononcées par l'évêque lui-même.

«L'Eglise, depuis l'atelier de Nazareth, n'a cessé de s'intéresser aux travailleurs. Lorque la question sociale était l'esclavage et plus tard le servage, toujours l'Eglise a représenté le principe du travail affranchi. Elle a sauvé les arts de la barbarie; elle a fait fleurir les corporations du moyen-âge. Avec ces paroles de l'Evangile: Misereor super turbam, j'ai pi­tié du pauvre peuple, c'est la religion, messieurs, qui sera encore une fois appelée à résoudre la question sociale, en inspirant aux patrons l'esprit de justice et de charité, en faisant supporter leur sort aux classes moins favorisées de la fortune.

En Russie, l'Empereur donne à son peuple l'exemple de la vie chré­tienne. Il sanctifie publiquement les dimanches et les fêtes. En visitant son yacht élégant, «l'Etoile polaire», on a remarqué, à Copenhague, la modeste décoration du salon de famille, dont tout l'ornement consistait en un beau crucifix, une image de saint Alexandre et quelques photogra­phies.

Les progrès de la foi aux Etats-Unis. - Les Etats-Unis commen­cent à sortir de la période des pays nouveaux, où ils étaient depuis un siècle. Ce peuple est comme une famille parvenue, il prend goût aux beaux-arts et se plaît à se créer des traditions. Il y a cent ans que le pre­mier évêque des Etats-Unis, Mgr Carrol, recevait la consécration épis­copale dans l'oratoire d'un château anglais, pour le siège de Baltimore; il comptait alors trente prêtres et 40.000 fidèles. Une pauvre église abri­tait le culte dans la ville épiscopale. Elle ne s'est plus fermée depuis. Elle appartient maintenant aux Frères des écoles chrétiennes.

En 1889, le cardinal archevêque de Baltimore a fêté le centenaire de cette fondation. Mais quel contraste! après cent ans, les Etats-Unis comptent quatre-vingt quatre évêques, huit mille prêtres et dix millions de fidèles, et le progrès est constant. Le clergé américain montre de l'énergie et de l'initiative. Les catholiques irlandais s'élèvent par leur travail et font tomber par là l'objection que soulevait leur condition infé­rieure et leur manque d'éducation. Ce progrès de la foi aux Etats-Unis est, pour le Cœur de Notre-Seigneur et pour l'Eglise, une consolation en face de tant de défections qui se produisent, hélas! dans l'ancien Con­tinent.

CHRONIQUE (Décembre 1892)

I. LA QUESTION SOCIALE

La vraie solution. - Nous ne dédaignons ni les lois ni les œuvres par lesquelles on s'efforce de tirer la société de la situation pleine d'an­goisses et de périls où elle se trouve, mais nous aimons à prendre les cho­ses de plus haut et à remonter aux causes des événements contempo­rains. La sainte Ecriture nous ouvre les vues les plus profondes sur la question sociale. Partout elle représente la souffrance comme la suite du péché, et le bonheur comme la conséquence de la vertu. «C'est le péché, nous dit-elle, qui rend les peuples misérables. Mais, au contraire, l'hom­me juste, le fidèle observateur de la loi de Dieu, celui qui craint le Sei­gneur, celui-là est béni de Dieu. Sa maison sera honorée et comblée de biens. Tout ce qu'il fera réussira. Le mal ne viendra pas jusqu'à lui. Ses fils seront autour de sa table comme de jeunes plants d'oliviers. Sa géné­ration sera bénie. Heureux les peuples qui servent le Seigneur! Dieu est au milieu de leurs cités, elles ne seront point ébranlées».

Pasteurs et chrétiens, qui que nous soyons, appliquons-nous à répan-dre ces enseignements sacrés, qui sont confirmés par l'expérience et par l'histoire. C'est la pensée de Léon XIII, qui nous a montré en plusieurs de ses encycliques la civilisation et la prospérité comme résultant du rè­gne de Dieu.

N'oublions pas que le Concile de Trente a recommandé aux prêtres qui ont charge d'âmes d'exciter le zèle des populations, en leur mettant fréquemment sous les yeux les heureux fruits de l'observation de la loi divi­ne, et notamment le bonheur et les avantages temporels qui résultent pour les hommes de l'accomplissement de la loi de Dieu: Voluptatibus et prœmiis, in hac vita, illi cumulantur qui Dei legem observant. L'expérience le confirme: les beaux siècles de foi, le XIIe et le XIIIe, n'ont pas connu no­tre question sociale; c'est l'époque de la prospérité de la France. Reli­sons M. Le Play, ses enquêtes, ses études économiques. Répétons après lui, dans la chaire et dans le journal, que la prospérité des familles, des cités et des peuples est attachée à la pratique du Décalogue.

La vrai solution est donc toute tracée. C'est d'abord le repentir, la pé­nitence, le recours au Cœur miséricordieux de Jésus, puis ensuite la pratique du Décalogue, où nous trouverons tous les principes de charité et de justice qui nous rendront l'ordre public et la paix sociale.

Les deux courants. - Nous serons catholiques ou socialistes, il n'y a plus de milieu. L'indifférence bourgeoise et cette doctrine mixte, qu'on appelle opportunisme en France et libéralisme en Belgique, ont fait leur temps. La société a besoin d'une rénovation. Le peuple, qui est le nom­bre et qui est la force, veut autre chose que ce qu'il a, et c'est avec rai­son. Le socialisme fait miroiter à ses yeux des promesses et des espéran­ces trompeuses. L'organisation du socialisme, ce serait le bagne pour tous. Plus de religion, plus de famille, plus de propriété. Le travail orga­nisé par les meneurs, c'est-à-dire le travail forcé, une nouvelle forme de l'esclavage antique, mais aggravé par la férocité des maîtres, qui n'au­ront même plus le frein de la religion naturelle.

Il faudra sans doute goûter quelque temps de ce beau régime: les ca­tholiques sont si peu actifs, si peu zélés, si peu pratiques! Nos voisins les Allemands et les Belges, nous donnent cependant l'exemple. Agissons, si nous ne voulons pas être écrasés. Ne désertons pas les Congrès catholi­ques, consultons les maîtres. M. Harmel, M. Garnier, M. de Mun. Demandons-leur ce qu'il y a à faire et commençons. C'est ainsi que nous mettrons en pratique les avertissements suprêmes que Léon XIII nous a donnés, après les avoir puisés au Cœur miséricordieux de Jésus.

Les études sociales. - C'est là le point de départ de la rénovation. Les hommes de bonne volonté n'hésitent pas. Le péril social est manifes­te: quel remède faut-il y apporter? Nous ne le saurons pas, si nous n'étu­dions pas les questions sociales. - De là les cours, les conférences, les re­vues, les livres d'études sociales. Les évêques de la Belgique ont joint aux cours ordinaires des séminaires un cours d'économie sociale. Des conférences d'études sociales ont lieu dans quelques collèges et séminai­res de France. Des associations de jeunes gens dans certaines villes se li­vrent aux études sociales. Quelques Semaines religieuses donnent aussi une place à ces études. Celle de Cambrai le fait magistralement dans un sup­plément hebdomadaire, que nous recommandons à tous nos lecteurs.

Citons encore la Revue des questions sociales, qui se publie à Paris. Mais nous ne saurions trop recommander les Etudes sociales, publiées par un des maîtres de l'économie chrétienne et un des chefs du parti catholique en Suisse, M. Decurtins. Le premier fascicule a paru. On peut le trouver à la librairie Saint-Paul, rue Cassette, 6, à Paris. Il contient avec une étude de l'auteur, les discours de Mgr de Ketteler, le grand initiateur du mouvement catholique allemand, sur la propriété, le socialisme et l'agi­tation ouvrière.

Nous n'avons jamais proposé une dévotion purement sentimentale au Cœur de Jésus. Le règne du Cœur de Jésus sera préparé par l'étude, la prière et le sacrifice, et consommé par l'action, par le zèle, par les œuvres.

La loi sur la protection du travail. - Cette loi, qui vient d'aboutir enfin à la Chambre française, était sur le chantier depuis 1879! Y a-t-il rien qui prouve mieux que la plupart de nos députés sont aussi égoïstes en pratique que généreux en paroles? Sans être parfaite, la loi introduit quelques améliorations dans l'organisation du travail. L'âge d'admis­sion pour les enfants chez les patrons et dans les usines ou manufactures est élevé de douze à treize ans. Le travail de nuit est interdit aux jeunes gens au-dessous de dix-huit ans, aux filles mineures et aux femmes. Le temps maximum du travail est abaissé de douze heures à dix heures par jour pour les enfants et jeunes gens au-dessus de seize ans. - Pourvu que l'inspection des ateliers soit rendue plus sérieuse et plus efficace qu'elle ne l'a été jusqu'à présent, ce sera un pas de fait vers l'idéal chré­tien.

Les Congrès. - Ils se multiplient. Nous avons eu, depuis un mois: le 10e Congrès catholique à Gênes. Il a compté mille membres présents, et a institué une commission d'études sociales. - Le Congrès catholique espagnol à Séville. Il avait 4000 adhérents. Il a chaudement revendiqué l'indépendance temporelle du Pape. - Le Congrès de l'union des socié­tés ouvrières catholiques de Suisse à Zurich; c'est une jeune société plei­ne de vie. La vieille association catholique de la Suisse, le Pius-Verein, lui donne son concours. La question sociale a fait tout l'objet du Con­grès. M. Decurtins a résumé les vues du Congrès en ces termes chaleu­reux:

«Dans les sauvages combats pour la vie, qui se livrent sur l'arène d'acier, où se déploie l'industrie moderne, le Pape a étendu sa main pa­ternelle pour protéger les faibles, la femme, l'enfant, et, dans une sphère où régnait en souverain le plus brutal égoïsme, il a ramené la morale comme force régulatrice. En affirmant que l'ouvrier a le droit d'obtenir par son travail ce qui est nécessaire pour son existence et pour celle de sa famille, le Saint-Père a posé le principe générateur des solutions récla­mées par les problèmes de notre époque. Ou la doctrine de l'Eglise sur le salaire sera acceptée ou l'idéal de Karl Marx surgira d'une mer de sang! ».

En même temps, hélas! nous avions les Congrès socialistes; nous pou­vons signaler en particulier celui de Saint-Quentin. Les utopistes aux rê­ves sanglants sont venus là dire leurs déclamations échevelées devant nos populations sceptiques et défiantes. Le citoyen Jean-Baptiste Clément s'écriait: «Il faudra cependant danser la carmagnole un de ces jours au­tour des bourgeois, en rétrécissant petit à petit le cercle, de sorte qu'il ne reste plus sur le sol aucun de ces parasites».

Allemane regrettait l'indifférence du prolétariat Saint-Quentinois: «Pourquoi, disait-il, ne pas s'unir, puisque la révolution sociale s'ouvre déjà, froide comme la guillotine que firent si bien fonctionner les grands ancêtres de 93? «Mais un ouvrier de Saint-Quentin, le forgeron Girard, dit leur fait, en terminant, à ces cerveaux brûlés: «Pas tant de beaux dis­cours, leur dit-il; faites-nous des réformes utiles, honnêtes et possibles. Le Congrès nous promet plus de beurre que de pain. Nous demandons seulement du pain pour ceux qui n'en peuvent acheter. Du reste, des so­cialistes et des réformateurs, il y en a de trente-six catégories, tous aussi blagueurs les uns que les autres».

Ces braves gens, avec leur droiture et leur bon sens, se tourneront vers nous si nous savons leur montrer que le salut social est dans le règne de la justice et de la charité chrétienne.

Le crédit mutuel agricole. - Il est temps de nous intéresser aux ou­vriers des campagnes: le socialisme leur jette l'appât de ses doctrines trompeuses. L'Allemagne catholique est plus avancée que nous sous ce rapport. Là l'initiative individuelle a établi un crédit agricole digne d'admiration. Raiffesen, bourgmestre d'un village rhénan, créa en 1847 la première caisse de crédit agricole. On en compte aujourd'hui dix-huit cents en Allemagne. Aucune n'a périclité. Elles sont constituées par des groupes d'agriculteurs d'une même commune, avec un droit d'entrée modeste. Elles prêtent à intérêt et sur caution. Elles ont rendu déjà des services immenses.

On essaie sur plusieurs points de la France, notamment dans la région de l'Aisne, une autre forme d'œuvre rurale: syndicat mixte, avec cotisa­tion mensuelle, secours aux malades, retraite pour la vieillesse. La Con­frérie de Notre-Dame-des-Champs y est jointe; il y a messe d'hommes mensuelle, réunions de mères chrétiennes, de jeunes filles, de jeunes gens. Le curé est l'instigateur et le conseiller de l'œuvre. Des paroisses en ont été toutes renouvelées.

II. FRANCE

L'Académie: Renan, Marmier, Rousset. - L'Académie française a perdu trois de ses membres. Les deux derniers ont fait une mort chré­tienne et édifiante; l'un des deux surtout avait vécu et écrit en chrétien. Pour Renan, il est mort comme il avait vécu, toujours impie, toujours apostat, toujours scandaleux. On parle de le mettre au Panthéon. Nos francs-maçons se plaisent à piétiner ce qu'il y a de plus saint. Ils n'igno­rent pas que le sommet de la colline Sainte-Geneviève est consacrée par les souvenirs de saint Denis, de Clovis, de sainte Clotilde, de sainte Ge­neviève, que là s'est élevé le premier temple du vrai Dieu dans la Lutèce des Parisiens. Peu leur importe! Ou plutôt si, il leur importe d'être des profanateurs; ils se complaisent à cela.

Renan et Marmier! L'un paraît être le disciple de Satan; l'autre, le di­sciple des anges du ciel. Comme Marmier a bien dépeint le pur amour des Saints envers le Sauveur dans son sonnet à sainte Thérèse!

Ce qui fait, ô mon Dieu, que mon âme s'élance

Ardemment jusqu'à toi, sans cesse, chaque jour,

Non, j'ose l'affirmer, ce n'est point l'espérance

De l'éternel bonheur promis à notre amour.

Ce qui fait que je crains d'oublier ta défense,

D'errer sur mon sentier en un fatal détour,

De commettre envers toi la plus légère offense,

Ce n'est point la frayeur de l'infernal séjour.

Non, non, c'est de te voir, l'œil mourant, le front blême,

Attaché sur la croix, buvant le fiel amer,

Le corps ensanglanté, transpercé par le fer.

O mortelle agonie, ô dévouement suprême!

Je te craindrais, mon Dieu, ne fût-il point d'enfer,

Et point de paradis, je t'aimerais de même!

XAVIER MARMIER

Carmaux. - C'était, il y a vingt ans encore, une sorte d'Eden mi­nier. L'ouvrier y était sobre, économe. Il passait ses loisirs à cultiver son jardinet. Les églises étaient fréquentées. Mais l'habitude de l'alcool est venue avec les ouvriers des verreries: le verrier a gâté le mineur. Tout ce monde s'est corrompu ensemble. Les cabarets ont remplacé l'église. L'ouvrier est devenu libre-penseur et socialiste; avec quinze francs de salaire, il est criblé de dettes. L'école sans Dieu a fait le reste. Nous en sommes arrivés aux grèves politiques et à la dynamite,… en attendant mieux.

III. PAYS DIVERS

Rome et l'Italie. - La populace démoralisée et l'Etat pillent à qui mieux mieux, en Italie. Pendant que le gouvernement s'empare des ré­serves de la charité, de la caisse des œuvres pies et du traitement du cler­gé, les rôdeurs de nuit dépouillent les églises. Notre belle Madone du Suffrage n'y a pas échappé. Tous ses joyaux, donnés par la reconnais­sance des fidèles, ont disparu dans la nuit du 15 octobre. Il y avait des pendants d'oreilles, des bagues, des bracelets, des chaînes d'or, des col­liers de diamants et de rubis, des montres, des cœurs d'argent et de ver­meil. Tout a été pillé. Nous prions nos lecteurs de faire avec nous amen­de honorable à notre belle et chère Madone. Le voleur, unissant la foi italienne à sa convoitise sacrilège, a respecté la couronne d'or donnée à la Madone par le Chapitre de Saint-Pierre.

Nos lecteurs peuvent nous envoyer des intentions de messes pour ce sanctuaire de Notre-Dame du Suffrage, qui a des indulgences et des pri­vilèges particuliers relativement aux messes et prières pour les défunts.

Jérusalem. - Le pèlerinage national du printemps prochain surpas­sera tous les autres. Le Congrès Eucharistique se tiendra en même temps. Plusieurs évêques s'y rendront. Le Saint-Père attend beaucoup de cette démonstration et de la prière, pour le retour des Orientaux à l'unité catholique. Pensez-y, chers lecteurs. D'ailleurs, nous en reparle­rons.

Belgique. - Un beau côté du caractère belge, c'est l'esprit pratique. Les catholiques belges ont-ils reconnu l'utilité d'une œuvre? vite ils se mettent à la besogne. Aussi, quels progrès depuis quelques années!

Pour les maisons d'ouvriers, par exemple, l'utilité de maisons saines, bien disposées, mises à la disposition des ouvriers qui veulent devenir propriétaires, a été reconnue propre à enrayer le mouvement socialiste. Eh bien! en moins de deux ans, trente-quatre sociétés se sont formées en des villes différentes pour propager cette œuvre. Voilà qui est bien méri­ter de l'Eglise et de la civilisation.

Pays protestants. - Londres élève une église au Sacré-Cœur et nomme un lord-maire catholique. - Aux Etats-Unis, l'archevêque de New-York bénit l'exposition de Chicago. - Les efforts victorieux des catholiques dans les élections, au duché de Bade, inspirent un beau livre, Le réveil d'un peuple, à un écrivain de marque, l'abbé Kannengieser. - En Suisse, le Kulturkampf expire: plusieurs églises confisquées autrefois par le schisme sont rendues aux catholiques.

Le retour des protestants sera une des plus belles victoires du Sacré-­Cœur de Jésus.


1)
Comme les lecteurs peuvent le constater dès les premières lignes de cette Chronique, elle a été écrite de Rome, où le Directeur de notre Revue s’était rendu pour quel­ques jours; et elle peut tirer de là un intérêt spécial. L’hiver dernier, on s’en sou­vient peut-être, plusieurs de nos Chroniques avaient pareillement été écrites de Ro­me (Note du Comité de rédaction).
2)
Si l’on nous permet de donner quelques détails de plus, dans ce Propre, la fête du saint Cœur de Marie est double de seconde classe. Les offices de la Passion déjà concédés, pour le Temps de la Septuagésime et du Carême, à beaucoup de diocè­ses, sont adoptés. On honore la Fuite de Notre-Seigneur en Egypte et Jésus retrou­vé au Temple: c’est le Sacré-Cœur de Jésus dans tous ses mystères. – On fête Notre-Dame de Lourdes. Les Saints qu’on peut appeler «Saints du Sacré-Cœur» ont une place d’honneur. Sainte Madeleine est du rite double de seconde classe; sainte Marthe et saint Lazare sont du rite double-majeur. On honore la Bienheureuse Marguerite-Marie, la disciple du Sacré-Cœur, saint Longin, le soldat qui a ouvert ce Cœur adorable, et sainte Lutgarde, qui parmi les précurseurs de Marguerite­-Marie, tient l’un des premiers rangs. On fête enfin quelques Saints des plus popu­laires et les patrons des pays où l’Institut a commencé ses Œuvres. C’est toute sa petite vie sociale qui est encouragée et bénie par l’Eglise.
3)
On trouvera ces faits et d’autres dans l’ouvrage: La liberté de conscience dans nos socié­tés contemporaines, par l’abbé Canet, in 8°, Vitte, Lyon. – Comparer La Croix, du 6 février, 1er article.
4)
Un splendide volume gr. in 8° illustré. Le Bulletin de la Fédération internationale du Sacré-Cœur, dans son numéro de mars, plein d’intérêt comme à l’ordinaire, consa­cre son premier article à ce Compte-rendu et à l’Assemblée
5)
Voir, à la table générale de la Somme Théologique du Saint, les articles indiqués sous le titre: Beatitudo Vitae praesentis.
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  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
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