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CHRONIQUE (Janvier 1899)

I. ROME

Léon XIII. - Le Saint-Père est toujours vaillant et agissant. Il vient de nous dire de suspendre les discussions sur l'américanisme. L'aposto­lat moderne a des exigences nouvelles, en Amérique et même ailleurs. Il faut aller aux hommes qui ne viennent plus à nous. Mais il faut sauve­garder tous les enseignements du dogme catholique, toutes les règles de l'exégèse et les prescriptions de la morale.

Ce que le Saint-Père désire avant tout c'est que les controverses nou­velles sur l'américanisme et sur l'éducation des femmes ne deviennent pas encore des brandons de discorde entre les catholiques.

Le Saint-Père a autant d'esprit de suite que de précision dans les idées. Il ne laisse pas sommeiller les questions qu'il a mises une fois à l'ordre du jour. Il a voulu donner une vitalité nouvelle aux anciens or­dres religieux en y restaurant l'unité brisée par des divisions successives. Il a fait l'union des Trappistes, celle des Bénédictins, celle des Franci­scains. Il vient d'unir aussi en un seul faisceau les rameaux séparés de l'ordre de Prémontré. Puissent toutes ces grandes familles voir revivre les siècles glorieux d'autrefois!

Le Saint-Père a pensé que l'ordre franciscain pouvait avoir une gran­de part dans le rapprochement nécessaire de l'Eglise et du peuple. Il poursuit cette idée. Il vient de tracer aux franciscains un programme d'études, d'apostolat et d'action populaire.

Il a voulu aussi travailler à la réunion des Eglises orientales avec l'Eglise de Rome. Il travaille à réaliser ce but en organisant une congré­gation spéciale de cardinaux.

Quelle trace lumineuse laissera ce pontificat dans l'histoire!

Italie. - Pauvre Italie! - Tes père et mère honoreras, afin que tu vives longuement. - L'Italie moderne n'a pas honoré son père, le sou­verain Pontife, sa mère, la sainte Eglise. Elle est tombée dans la pauvre­té et la souffrance.

Au retour des pèlerinages d'automne, on entend et on lit des récits comme celui-ci…

Les voyageurs de retour de l'Italie sont particulièrement intéressants à entendre: tous, sans exception, ont été frappés sinon épouvantés, de la misère qu'ils ont rencontrée au delà des provinces du nord; il faut les en­tendre dépeindre la détresse de ce peuple écrasé par l'impôt; le tableau est navrant.

Quelqu'un qui n'avait plus vu Rome depuis plusieurs années n'en pouvait croire ses yeux. La misère, me disait-il, y sévit dans toutes les classes de la société. Ceux que l'impôt n'avait pas ruinés ont englouti leur avoir dans les spéculations sur la bâtisse. Rien de plus triste à voir que ces palais inoccupés, ces opulentes constructions inachevées ou l'eau du ciel pénètre comme chez elle et où l'on voit pendus aux fenêtres le lin­ge et les haillons misérables de ménages ouvriers logés là presque pour rien - la ruine des uns étant ainsi secourable à la misère des autres.

La haute vie est moins chère à Rome que dans la plupart des autres capitales. Eh bien, cette haute vie devient rare; un grand nombre de fa­milles qui la menaient autrefois ont dû, à demi-ruinées, vivre d'une exi­stence très modeste.

Mais si le grand train de maison est moins coûteux à Rome que dans beaucoup d'autres villes, en revanche, la vie de l'humble travailleur coû­te plus cher que partout ailleurs. L'impôt est là qui dispute à l'ouvrier les objets les plus nécessaires à l'existence.

Saviez-vous, par exemple, que le litre de pétrole coûte soixante-dix centimes à l'ouvrier italien, et que le sel y est si cher que les malheureux sujets du roi Humbert doivent s'en priver dans la peu ragoûtante bouil­lie qu'ils se cuisinent?

La misère qui règne là-bas a pour conséquence logique de peupler l'Italie de malfaiteurs. Un ami qui en revient me disait que son hôte, voulant le mener en voiture à Albano, avait fait demander au lieutenant de la gendarmerie si la route était sûre; l'officier répondit qu'il ne pou­vait rien garantir, bien que ses hommes fissent un rude service de sur­veillance et de patrouille. Et les excursionnistes virent, en effet, plus de vingt gendarmes le long du trajet; mais ils virent aussi une série de lo­queteux dont la mine était aussi peu rassurante que possible.

L'impôt qui guette là-bas toute entreprise un peu importante, fait émigrer les capitaux et paralyse les initiatives. on me citait telle compa­gnie de chemin de fer qui doit payer au fisc le tiers, au moins, de sa recette brute! - il en résulte que les compagnies végètent; mais comme elles sont étrangères pour la plupart, le gouvernement s'en soucie moins encore que s'il s'agissait de nationaux. Il n'en est pas moins vrai que l'impôt sur les ouvriers des compagnies influe indirectement sur le salaire de ceux-ci et qu'en définitive, le malheureux travailleur pâtit tout de même des folles exigences du fisc. Mais il essaie de se rattraper sur les chances du «loto», c'est-à-dire de ces loteries officielles, organisées par l'Etat et annoncées partout, de la plus alléchante façon, à grands coups de publi­cité. L'impôt et la loterie, tels sont les deux grands moyens de gouverne­ment de l'Italie une et indivisible.

On ne sait pas au juste comment cela finira; mais les voyageurs de re­tour d'Italie ont l'air, en se rappelant ce qu'ils ont vu, d'avoir encore un frisson dans le dos.

FRANCE

Trois grandes œuvres. - Au milieu des tristesses actuelles, jetons un regard sur les grandes œuvres catholiques qui ont en France leur centre et leur origine, cela nous rendra un peu d'espérance et nous vau­dra quelque consolation.

I. Dans sa dernière distribution, le Conseil central de la Sainte-Enfance a pu répartir l'importante somme de 3.397.617 fr. 18, entre 181 mis­sions, et procurer le baptême, grâce à ses secours, à 474,407 enfants au moins. On peut, par ces chiffres, se figurer aisément tous les résultats obtenus depuis l'origine de l'œuvre, c'est-à-dire depuis quarante-cinq ans: grâce à elle, «des légions d'innocentes créatures qui, encore au seuil de la vie terrestre, allaient se perdre dans les ombres de la nuit éternelle», jouissent, aujourd'hui, du bonheur du ciel: des millions d'enfants païens et ils ont été régénérés, recueillis, élevés par la charité de l'enfance chrétienne, ont donné à l'Eglise et aux peuples des milliers de familles catholiques, bonnes parmi les meilleures, qui sont l'espoir de l'avenir, la force du présent et comme le sel de la terre.

II. Le compte-rendu de l'œuvre des Ecoles d'Orient accuse un total de recettes de 271.349 fr. 55, desquels il fallait déduire 70.293 fr. 55 de dons spécialisés par les bienfaiteurs. 125.450 fr. ont été votés par le conseil, partagés entre le rite latin et les divers rites orientaux. On connaît le but de l'excellente œuvre dont il s'agit et qui a été fondée pour aider à la ré­génération de l'Orient et à l'union des Eglises par les écoles.

Le directeur-général actuel, Mgr Charmetant, l'infatigable avocat des chrétiens orientaux, a déployé la plus louable activité, durant les mal­heurs de l'Arménie, pour procurer des secours aux affamés, et près de 700.000 francs de secours extraordinaires ont été transmis par ses soins. Les subsides exceptionnels ont laissé intacts les budgets oridinaires dont nous venons de donner, pour cette année, un aperçu: l'exercice précé­dent avait manifesté 287.808 fr. 73 de recettes.

III. C'est par millions que se chiffrent, chaque année, les sommes en­voyées aux missions par la grande Œuvre de la Propagation de la Foi. Le compte-rendu qu'ont publié les annales de ce mois, indique, en y com­prenant 420.458 fr. 50 de dons remis avec des intentions déterminées, que 6.436.803 fr. 50 ont été adressés aux préfectures, vicariats et diocè­ses inscrits sur le tableau des répartitions. Nous avons constaté des fon­dations nouvelles, tandis que d'autres, bénéficiaires jadis des subsides accordés par deux des conseils centraux, ne figurent plus sur la liste.

Ce qui nous frappe le plus est la part faite aux œuvres orientales; elle s'est élevée, pour toute la région qui va de Constantinople à Bagdad et à la Perse, à près d'un million. Si à cette dernière somme nous ajoutons les allocations, restreintes d'ailleurs, faites aux diocèses syriens des Indes et les 201.400 fr. attribués à l'Egypte avec l'Abyssinie, nous arrivons à un total dépassant sensiblement 1.150.000 fr. Le même fait se renouvelle, à peu de choses près, dans les mêmes conditions, chaque année.

L'Œuvre de la Propagation de la Foi est vraiment la providence des éta­blissements catholiques de ce Levant vers lequel tous les regards sont en ce moment tournés, et S. S. Léon XIII, pour la réalisation de ses pro­jets, trouve en elle, au point de vue financier, son plus ferme auxiliaire. Tous comprennent aujourd'hui le rôle que joue cette puissante institu­tion, devenue un des principaux organismes de l'Eglise, un des plus im­portants facteurs de la civilisation chrétienne dans le monde.

III. AUTRES PAYS

Le cadeau de l'Empereur aux catholiques allemands. - La Gazette populaire de Cologne, qui est le principal organe catholique du pays rhé­nan, décrit comme il suit le lieu saint dont Guillaume II a fait présent à l'Union catholique allemande de Palestine, et en rappelle l'histoire:

«La Dormition est un grand terrain dans lequel est enclavé le Cœnacu­lum (De là le bruit que l'empereur allemand avait acquis ce bâtiment consacrant le souvenir de la sainte Cène). D'après la tradition, c'est sur cette place que s'élevait la maison dans laquelle la Mère du Sauveur, après la résurrection, s'est retirée avec saint Jean».

«A cette place même a été édifiée la plus antique église de la chrétien­té; son nom primitif fut église des Apôtres, puis elle s'appela église de Marie et église de Sion. Au quatrième siècle, elle fut remplacée par une basilique. Les croisés en virent encore les ruines; ils bâtirent au même lieu une nouvelle église, qui fut détruite au XIIIe siècle. Les franciscains érigèrent de nouveau, au XIVe siècle, une église avec une crypte, con­sérvée jusqu'à nos jours, et qui porte le nom de Cœnaculum».

«La Dormition est un lieu saint qui, depuis les temps les plus reculés du christianisme, est réputé des plus vénérables. Sur cet emplacement se sont accomplis successivement le lavement des pieds des apôtres, l'insti­tution de la sainte communion, l'apparition du Christ ressuscité, la mis­sion du Saint-Esprit, la mort de la sainte Vierge».

Le terrain de la Dormition mesure deux mille mètres carrés. A plu­sieurs reprises. diverses associations catholiques, et l'Union catholique allemande de Palestine elle-même, avaient fait des démarches infruc­tueuses pour l'acquérir. Les sommes rassemblées par l'union en vue de cet achat serviront de premier fonds pour édifier un nouveau sanctuaire.

Une souscription est d'ailleurs commencée en Allemagne et les catho­liques allemands offriront à la sainte Vierge un sanctuaire digne de leur grande foi.

Le ritualisme en Angleterre. - Le Signal, journal protestant fran­çais, parle en ces termes du ritualisme, secte protestante:

«Le ritualisme, c'est le catholicisme à peine déguisé; c'est le catholicisme complet, moins le pape; c'est le catholicisme avec son prêtre, son prêtre di­sant la messe, son prêtre confessant, son prêtre pardonnant les péchés».

«Or le ritualisme, ce catholicisme à peine déguisé, a envahi l'Angle­terre et fait des progrès en Ecosse. Voici quelques chiffres, empruntés à une publication ritualiste, à un guide destiné à dire aux touristes où ils trouveront des paroisses ritualistes. Pour apprécier l'importance de ces chiffres, il suffit de savoir que l'Eglise anglicane compte 14.000 églises particulières».

«En 1882, 9 églises seulement brûlaient de l'encens aujourd'hui 381 en brûlent».

«En 1882, 123 églises seulement célébraient l'eucharistie tous les jours; aujourd'hui 613 la célèbrent».

«En 1882, 336 églises seulement revêtaient leurs pasteurs de vête­ments dits eucharistiques, aujourd'hui 2.026 leur donnent ce costume». «En 1882, aucune église ne mettait de l'eau dans le vin de la sainte Cène; aujourd'hui 4.030 églises ont adopté cette coutume catholique». «En 1882, il y avait 581 églises qui allumaient des cierges sur l'autel et aujourd'hui il y en a 4.314».

«En 1882, il y avait déjà 1.662 églises dont les pasteurs, en officiant, regardaient l'Orient; aujourd'hui il y en a 7.044. Or, regarder l'Orient, c'est se poser en prêtre, en prêtre qui sert d'intermédiaire entre le peuple et Dieu, en prêtre catholique».

«Bref, et d'une façon ou d'une autre, il y avait, en 1882, 2.581 églises catholico-ritualistes; aujourd'hui il y en a 8.183».

«8.183 sur 14.000: plus de la moitié».

«Il est vrai que ces églises ne reconnaissent pas encore le Pape. Mais cette dernière différence entre le ritualisme et le romanisme est-elle autre chose qu'une simple inconséquence? L'évêque de Londres a autorisé il n'y a pas longtemps, le Manuel de la Confrérie du Saint-Sacrement, où il est question de la messe, de la transsubstantiation, de l'adoration du Saint­Sacrement».

«L'archevêque de Cantorbéry signe ses lettres: Jour de l'Annoncia­tion de la très sainte Mère de Dieu, toujours Vierge. Les prières pour les morts sont usitées, et déjà paraît-il, des pasteurs et des évêques anglicans se seraient fait donner secrètement, une bénédiction catholique…».

Combien ces aveux sont significatifs! Ce mouvement ritualiste prépa­re la conversion au catholicisme. Le Signal se trompe cependant s'il croit que des prêtres et des évêques anglicans ont trouvé des évêques catholi­ques pour leur conférer les ordres en secret. Ils sont allés chercher l'ordi­nation ou le sacre chez les évêques jansénistes de Hollande.

Etat actuel des missions du Congo belge. - Les missions ont pris un très grand développement pendant ces dernières années dans l'Etat indépendant du Congo.

Il existe, en effet, actuellement 67 établissements appartenant à 15 corporations religieuses diverses, dont 6 catholiques et 9 protestantes. Les missionnaires catholiques sont au nombre de 115, y compris 45 reli­gieuses, et les missionnaires protestants, anglais, américains et suédois sont au nombre de 108.

Les missions catholiques sont:

1° Les pères de Scheut, établis dans le bas Congo et dans le centre du haut Congo, à Moanda, Boma, Kwamouth (Berghe-Sainte-Marie), Bangalas, Nouvelle-Anvers, Luluabourg, Kafumba (Lusambo), au Lu­bi, Hemptinne-Saint-Benoît, Saint-Trudon;

2° Mission du Kwango: les pères jésuites établis dans la région sud­ouest du Congo (districts de Stanley-Pool et du Kwango, Kimuenza, Kzantu, M'Dembo);

3° Les pères blancs ayant toute la partie orientale de l'Etat du Congo, comprenant toute la région des lacs Tanganika, Mœro, Banguelo et Al­bert Edouard, Kibanga, M'pala, Saint-Louis de Marumbi, Baudoinvil­le et Lusaka;

4° Les trappistes des abbayss de Westmalle et d'Achel, établis à Ba­mania, à cinq heures du confluent du Congo et du Ruki (colonie agrico­le);

5° Les Pères prémontrés de l'abbaye de Westerloo, dans le district de l'Ouelle;

6° La mission des Prêtres du Sacré-Cœur (de Saint-Quentin) à Saint-Gabriel, près de Stanley-Falls;

7° Œuvres de Matadi, prêtres du diocèse de Gand.

Religieuses: Les religieuses sont au nombre de 45; elles appartiennent à trois ordres différents.

1° Les sœurs de charité de l'ordre de Jésus et de Marie (de Gand). établies dans les stations suivantes:

Moanda (à deux lieues de Banana, au bord de la mer, école des filles); Boma, hôpital de la croix-rouge;

Région des chutes, hôpital du chemin de fer, Kinkanda; Berghe-Sainte-Marie, Luluabourg, Bangala, Ubangi,

2° Les sœurs de Notre-Dame de la congrégation de Saint-Joseph de Chuny, à Namur, aux établissements des pères de la Compagnie de Jé­sus.

Kimuenza, Kisantu et Dembo.

Kimuenza, école d'enfants pour les travaux manuels; à Kisantu, école d'enfants pour les travaux des champs;

3° Les sœurs franciscaines de Marie ou de Notre-Dame d'Afrique (sœurs blanches), établies aux stations des pères blancs, au lac Tanganika.

CHRONIQUE (Février 1899)

I. ROME

L'église internationale de S. Joachim. - Afin de hâter la décora­tion de la grande nef et des chapelles latérales, travail qui reste à faire pour achever l'église de Saint Joachim d'après le plan adopté, les diffé­rentes chapelles ont été réparties entre les diverses nations catholiques du monde.

On a assigné à l'Angleterre la chapelle qui se trouve à droite du tran­sept, chose très honorable, puisque c'est la chapelle du très saint Sacre­ment et du Saint titulaire de l'église. Bien qu'elle ne soit pas encore dé­corée, elle a cependant un autel provisoire et un vitrail de Zetler repré­sentant Sa Saintété sur la sedia gestatoria.

La chapelle qui se trouve en face, à gauche du transept, est assignée à la France. A côté de celle-ci, dans le petit transept supérieur, se trouve la chapelle du Sacré-Cœur assignée à l'Espagne; on y vénère déjà une bel­le statue du Sacré-Cœur offerte par les dames de Madrid. S. E. l'ambas­sadeur d'Espagne près le Saint-Siège, M. Merry del Val, a beaucoup contribué aussi tant à la construction de la chapelle qu'à l'érection de la statue.

La chapelle correspondante à droite, qui se trouve à côté de celle de l'Angleterre, a été assignée aux Etats-Unis, et elle est dédiée à la très sainte Vierge, patronne de ces régions. Parmi les chapelles latérales, la première à droite après celle de l'Angleterre, a été assignée à la Pologne, la seconde à l'Irlande, la troisième au Portugal, la quatrième à l'Améri­que du Sud. Les quatre correspondantes à gauche sont: la première pour l'Autriche-Hongrie, la seconde pour l'Allemagne, la troisième pour la Belgique, et la quatrième pour les Grecs-Unis d'Orient.

II. FRANCE

L'église du Sacré-Cœur à Paris et l'exposition de 1900. - On parle de l'exposition, de ses palais, de son pont monumental, des mer­veilles qui seront accumulées de la place de la Concorde au Trocadero, mais on parle très peu de la Basilique du Sacré-Cœur qui sera cepen­dant, en 1900, un des plus grands attraits de Paris pour les étrangers mê­me indifférents au point de vue religieux.

Les travaux du Sacré-Cœur, en effet, sur le sommet de la colline de Montmartre, interrompus pendant une dizaine de jours à cause du der­nier chômage, furent repris avec une très grande activité. Il y a bien cent quinze ouvriers - maçons, charpentiers, tailleurs de pierres, stucateurs, etc., - qui sont occupés à la construction de la coupole, déjà arrivée aux deux tiers de sa hauteur, mais qui ne sera pas achevée avant le mois d'avril de l'année 1900.

Alors, en présence du cardinal-archevêque de Paris et de presque tous les évêques de France, on placera sur la coupole la grande croix de mar­bre haute au moins de sept mètres, qui marquera la fin des travaux exté­rieurs.

Cependant les travaux intérieurs continueront encore quelque temps. On devra procéder à la décoration de la coupole où la sculpture aura une grande importance et exigera un travail de cinq à six mois. Ensuite on s'occupera des fresques pour lesquelles on emploiera les plus illustres peintres de France.

En même temps l'abside, au-dessus de l'autel majeur, les pendentifs de la coupole et d'autres parties exposées aux regards seront embellies de grandes décorations en mosaïques.

Malgré tout cela, dès le mois d'avril 1900, la colossale charpente mon­tée au pied de la coupole sera démontée, et on pourra alors juger de l'en­semble de l'édifice.

Il est certain que l'impression sera complètement différente de celle qu'on a maintenant, parce que l'église recevra la lumière par vingt gran­des fenêtres hautes de cinq mètres et larges de deux, et dispersées autour de la coupole de façon que toutes les parties du temple soient mises en re­lief. Intérieurement, la coupole aura une hauteur de cinquante mètres; à l'extérieur, elle mesurera quatre-vingt-trois mètres, et l'effet qu'elle pro­duira, tant à l'intérieur qu'à d'extérieur, sera grandiose et majestueux.

Mais lorsque la coupole et les décorations seront terminées, l'ensem­ble du monument ne sera pas encore achevé, car il restera à bâtir la sa­cristie et le presbytère pour lesquels un vaste terrain a déjà été réservé, à droite de la basilique. Enfin par derrière on devra élever encore le clo­cher de cent mètres de haut qui demandera à peu près un travail de deux ans et demi.

Et il restera encore quelque chose à faire. L'ingénieur Rauline, l'émi­nent architecte qui a succédé au regretté M. Abadie dans la direction des travaux du Sacré-Cœur, pense en effet qu'il est impossible d'élever à cent mètres de hauteur une cloche ayant les dimensions et le poids de la Savoyarde qui est un des plus riches et des plus précieux ornements de la basilique. On sait qu'une cloche sonnée à toute volée, développe une force égale à deux fois et demie son propre poids; en conséquence la Sa­voyarde qui pèse 27.000 kilogrammes, développerait une force de 70.000 kilogrammes, et, à une hauteur de cent mètres, elle exigerait une tour ayant une base énorme et absolument disproportionnée.

Une montagne de granit seule pourrait résister à une semblable force. L'ingénieur Rauline pense donc élever une tour exprès pout la Sa­voyarde, à côté du presbytère ou un peu au-dessus; cette tour n'aura pas plus de trente mètres. Le haut clocher recevra un carillon avec lequel on pourra exécuter des airs de musique, à l'imitation de quelques tours re­nommées d'Allemagne et de France.

Et maintenant veut-on savoir à combien s'élèveront les dépenses de la basilique du Sacré-Cœur dont la première pierre a été posée le 16 juin 1872? A 50 millions, en chiffre rond. Il faut environ 800.000 francs pour terminer la coupole, ce qui portera la dépense, jusqu'au commencement de l'année 1900 à 35 millions. Pour le clocher, la sacristie, le presbytère, il faudra en outre cinq millions.

Les dépenses pour la décoration, l'ameublement, les autels, les vête­ments sacerdotaux, les vases sacrés monteront à cinq millions.

C'est à perdre la tête devant une somme si colossale.

Mais la France, qui en vingt-cinq ans a montré une exubérance de gé­nérosité qui chaque jour va croissant, achèvera indubitablement cette œuvre colossale, en témoignage du noble élan de sa foi.

La lutte pour la liberté de l'enseignement secondaire. - Nous voici revenus au temps de Montalembert et de Lacordaire. La liberté de l'enseignement est attaquée par un projet de loi radical, les catholiques la défendent dans la presse et dans les congrès. Parmi les vaillants lut­teurs pour la bonne cause, il faut signaler un jeune avocat, M. Bazire, qui est vice-président de la Jeunesse catholique. Son talent le désigne dé­jà comme un des chefs du parti catholique dans l'avenir. Sa parole a re­tenti au Congrès de Paris comme un coup de clairon à l'approche du combat.

«Pourquoi, disait-il, vouloir faire de nous des exilés dans notre propre pays? Pourquoi vouloir accentuer les divisions entre Français, ces divi­sions qui, aujourd'hui, en face de l'étranger, sont la pire des hontes na­tionales?».

«Pourquoi vouloir nous enlever le peu de liberté que nous possédons? Car il faut bien nous entendre, ce n'est pas la pleine, la large liberté dont nous jouissons. Nous sommes obligés de payer deux fois l'éducation de nos enfants, nous n'émargeons pas, que je sache, au budget de l'Instruc­tion publique, et nous n'avons la liberté ni de l'examen, ni du diplôme. C'est une constatation douloureuse à faire qu'en France la liberté soit moindre qu'en Belgique, qu'en Angleterre et qu'aux Etats-Unis».

«Et c'est ce lambeau de liberté dont on prétend nous dépouiller!». «Ah! Messieurs, je le dis sans colère parce que c'est pour moi l'évi­dence même, il faut que la secte qui nous combat se sente bien profondé­ment atteinte pour ne pas nous épargner le spectacle de ses convulsions dernières. Jamais, il me semble, elle n'avait osé afficher si brutalement ses desseins».

«Fermer les couvents, laïciser les écoles, tout cela n'approche pas de la prétention qu'elle vient d'émettre de contraindre tous les enfants de France à recevoir une seule et même éducation officiellement neutre et trop souvent athée. Je dis que l'excès même de sa rage est le symptôme de sa défaite prochaine».

«Dans cette mémorable séance de Thermidor, où Robespierre fut mis en accusation, il parvint, malgré les efforts de ses adversaires, à monter à la tribune; mais quand il ouvrit les lèvres, aucune parole ne sortit, le pa­roxysme de sa colère lui devenant un bâillon. Alors, dans les tribunes, une voix se fit entendre, terrible, accusatrice: «C'est le sang de Danton qui t'étouffe!». Sans être prophète, Messieurs, je prévois l'heure où la secte qui nous a trop longtemps imposé sa dictature sera mise en accusa­tion elle aussi. Mais quand elle se lèvera pour se défendre, le spectre des libertés violées par elle se lèvera à son tour, et je ne m'étonnerai pas qu'aucun son ne puisse sortir de sa bouche; ce ne sera peut-être pas le sang des victimes qui étouffera sa voix, ce sont à coup sûr les plaintes des opprimés, les protestations méconnues des citoyens expulsés et violentés qui l'étreindront à la gorge…

III. AUTRES PAYS

La Renaissance catholique en Angleterre au XIXe siècle. - C'est vers 1833 que se produisit, dans l'Eglise anglicane, le revirement qui tout d'un coup fit remonter le courant vers le catholicisme. Les promo­teurs du mouvement appartenaient à l'Université d'Oxford. Nous n'avons pas besoin de rappeler les circonstances qui déterminèrent la réaction catholique au sein de l'Eglise anglicane: elles sont trop connues. La défection de ses chefs les plus éminents, Newman, Manning, les deux Wilberforce et de tant d'autres, accéléra le mouvement: en revenant à l'Eglise romaine, ils proclamèrent la faillite de l'Eglise établie et donné­rent raison à ses adversaires.

Quant au résultat nous l'avons sous les yeux. M. Thureau-Dangin l'expose dans une page que nous voulons reproduire:

«Redemandez aujourd'hui, non sans doute à tous les anglicans, mais à ceux qui semblent être les plus fervents et montrent la voie à leurs core­ligionnaires. Loin d'être satisfaits d'avoir une religion tout anglaise, ils sentent que la vérité religieuse ne peut être à ce point insulaire; ils tâ­chent de se persuader qu'en dépit de la scission du XVIe siècle, où ils ne veulent voir qu'un accident malheureux et passager, ils demeurent tou­jours une branche de l'Eglise catholique; ils affirment que, malgré tout, il subsiste comme une sorte d'unité immatérielle. Des prétendus réfor­mateurs qu'ils rencontrent à la naissance de leur Eglise, ils se montrent assez peu fiers parfois même confessent hautement leur crime, et, en tous cas, paraissent surtout préoccupés de faire remonter au delà leur origine, plus curieux de se rattacher à saint Grégoire le Grand et à saint Augustin de Cantorbery qu'à Henri VIII et à Cranmer».

«Entrez dans quelqu'une des églises, de plus en plus nombreuses, que fréquentent les anglicans de cette école, de celles où l'on applique les idées du High Church, l'aspect est celui d'une église catholique. L'autel en pierre ou en marbre, surélevé de plusieurs marches, richement orné, surmonté d'une croix, parfois même d'un crucifix, garni de cierges et de fleurs, attire tous les regards et a retrouvé sa prééminence. Par derrière, des retables, souvent d'une rare magnificence, représentent le crucifie­ment ou la Madone entourée de saints. Dans les bas côtés, d'autres au­tels sont dédiés à la Vierge, à saint Joseph, au Sacré-Cœur».

«Sur divers points, des statues pieuses, l'image de la Sainte Face; le long des murs, les stations du chemin de la Croix. Des lampes brûlent à l'entrée du sanctuaire ou devant certaines images. Des bannières, su­spendues au mur, portent la figure de Marie ou l'emblème du Saint­Sacrement. Des emplacements sont préparés pour la confession. Parfois, à l'entrée, vous apercevez un bénitier. Dans ces églises, la messe, dont le nom ne fait plus peur, est redevenue l'acte principal du culte. Elle est cé­lébrée tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, tantôt en messe bas­se, tantôt chantée en grand appareil, avec diacres, acolytes et encens, missa cantata, pour le cérémonial, pour l'ordre des prières, pour le vête­ment, la position et les gestes du célébrant, on est revenu presque com­plètement à notre liturgie».

«Le passant se croirait dans une église catholique, si, en prêtant l'oreille, il n'entendait les prières prononcées en anglais; encore prétend­on que certains ritualistes plus avancés commencent à se servir du latin. Le rétablissement de la messe ne suffit pas à plusieurs qui empruntent en outre au catholicisme la bénédiction du Saint-Sacrement, l'aspersion de l'eau bénite, la récitation publique des litanies ou du chapelet. On re­commence à observer des fêtes depuis longtemps négligées ou même vo­lontairement méconnues, par exemple l'Ascension, l'Assomption, le jour des Morts, la Fête-Dieu. On reprend les offices de la semaine sain­te, y compris l'adoration de la Croix du vendredi Saint. Plus d'un clergy­man se met à l'école des Bénédictins de Solesmes pour ressusciter le chant grégorien».

«Ce changement dans le culte n'est que la conséquence du change­ment plus important qui s'est fait dans les doctrines. La présence réelle objective, que Pusey, il y a un demi-siècle, ne pouvait prêcher sans se faire anathématiser comme «romanisant», est hautement professée par tous les High Churchmen, sauf encore quelques subtilités pour la concilier avec celui des trente-neuf articles qui a répudié la transsubstantiation; quant au sacrifice actuel du Christ dans la messe, plusieurs d'entre eux disent l'accepter dans le sens où l'enseigne une partie des théologiens ro­mains».

«On peut noter beaucoup d'autres changements doctrinaux. Tout en repoussant certaine conception trop matérielle du purgatoire qui n'est nullement de l'essence de la théologie romaine, il y a tendance dans le High Church à admettre, après la mort, un état expectant et souffrant, dont la prière des vivants peut obtenir le soulagement: aussi prier pour les défunts est-il devenu, d'usage courant et voit-on souvent annoncer des messes de Requiem. On admet de même l'invocation des saints et le culte de la Vierge. Bien que gêné par l'origine historique et l'organisa­tion politique de l'Eglise établie, en s'efforce de la dégager, en fait, de sa dépendance envers l'Etat, et de rétablir, en théorie, la notion, naguère tout à fait oubliée, de l'Eglise, société divine, ayant sa vie propre et son autonomie; on se réclame de la succession apostolique considérée com­me la source et la condition du pouvoir épiscopal et sacerdotal».

«Le principe, naguère obscurci, de la régénération baptismale est net­tement affirmé. Pour le sacrement de pénitence s'est opérée une révolu­tion encore plus inattendue: des anglicans sont revenus à la confession auriculaire, si longtemps décriée; ils y procèdent suivant les formes ca­tholiques: le pénitent à genoux devant un crucifix ou une croix; à côté de lui, le ministre assis, revêtu du surplis et de l'étole, et prononçant la for­mule de l'absolution. D'abord timidement essayée et non sans provo­quer une sorte du scandale, cette pratique se répand chaque jour davan­tage, et maintenant, il n'est pas rare, à la veille des fêtes, de voir certains clergymen passer la nuit entière à entendre les confessions».

«L'extrême-onction est toujours en désuétude, mais on commence à en demander le rétablissement1). En somme, à lire certains des catéchi­smes en usage dans les paroisses High Church, on les dirait copiés sur les nôtres2), ce n'est guère que sur l'autorité du Pape que l'on constate une discordance ou au moins une lacune; encore certains théologiens de cette école font-ils effort pour concilier avec les formulaires de leur Eglise, l'acception d'une certaine primauté de l'évêque de Rome».

«Ce n'est pas seulement le dogme catholique, ce sont les dévotions ca­tholiques que les anglicans de cette école cherchent à s'approprier. Ils ont entrevu un idéal, nouveau pour la plupart d'entre eux, de piété at­tendrie, de ferveur mystique, d'ascétisme, et, afin de l'atteindre, ils sen­tent le besoin de se mettre à l'école de l'Eglise de Rome».

«Dans certaines paroisses, le mois de Marie et celui du Sacré-Cœur sont marqués par des exercices spéciaux. On s'initie à l'idée de la morti­fication, et quelques-uns se préoccupent d'observer les jeûnes et les ab­stinences. C'est le plus souvent dans les livres des écrivains catholiques que les âmes ainsi travaillées cherchent l'aliment et la direction de leur piété: des ouvrages de saint François de Sales, de Fénelon, du P. Lalle­mand, du P. Grou, et beaucoup d'autres du même genre, sont traduits et goûtés. Tel manuel fort répandu qui contient les prières à dire pen­dant la messe, indique, pour le moment de la communion, la célèbre prière de saint Ignace de Loyola, Anima Christi. Les saints du moyen âge sont en faveur, particulièrement saint François d'Assise».

«Des pèlerinages ont lieu avec les démonstrations extérieures et les processions en usage dans les nôtres, toujours pour célébrer des souve­nirs catholiques: ainsi, l'année dernière, en l'honneur de saint Colum­ban, dans l'île d'Iona, et en l'honneur de saint Augustin, à Ebb's Fleet. Entre catholiques et anglicans, c'est une sorte d'émulation à qui s'ap­propriera ces saintes mémoires».

«Les clergymen de cette école s'honorent de faire revivre le titre nague­re délaissé de «prêtre», avec ce qu'il implique d'aspirations et de privi­lèges surnaturels; chez plusieurs d'entre eux, le port de la soutane de­vient habituel, comme une manière de mieux marquer leur séparation d'avec le monde; quelques-uns en viennent à pratiquer et à recomman­der le célibat. La vie sacerdotale ainsi comprise exigeant une préparation plus efficace, on a établi, dans plusieurs diocèses, pour les aspirants aux saints ordres, des écoles théologiques plus ou moins analogues à nos sé­minaires; et ensuite, afin d'entretenir cette vie, on tâche de répandre la pratique des retraites ecclésiastiques».

«Un phénomène, plus significatif encore, est le rétablissement de ces couvents dont la destruction semblait avoir été l'une des œuvres princi­pales de la Réforme. L'anglicanisme a maintenant ses moines et ses reli­gieuses, les premiers, il est vrai, encore en petit nombre. Règles et costu­mes sont copiés sur les modèles catholiques. Dans certains de ces ordres, on prononce des vœux et l'on pratique des austérités. Leur activité se partage entre les diverses œuvres de prière, d'apostolat et d'assistance. Tel couvent, à Londres, est principalement destiné à recevoir les femmes du monde qui veulent faire une retraite de quelques jours; comme je de­mandais à la supérieure de quel livre on se servait dans ces retraites: «Des Exercices de saint Ignace», me fut-il répondu».

N'est-ce pas là un anglicanisme absolument nouveau, à ce point éloi­gné de l'anglicanisme du commencement du siècle, qu'on peut se de­mander s'il ne serait pas plus proche du catholicisme lui-même? On comprend que le cardinal Vaughan se soit écrié récemment, dans un di­scours prononcé à Ramsgate, à l'occasion du treizième centenaire de saint Augustin: «Il faut le proclamer: à leur grand honneur, des multi­tudes qui attaquaient autrefois la doctrine catholique sont devenues ses soutiens et ses confesseurs; ceux qui jetaient dehors l'autel et dépouil­laient l'église ont relevé l'autel et regarni l'église; ceux qui dénonçaient la confession auriculaire entendent maintenant des confessions; ceux qui blasphémaient la messe essaient de dire la messe; ceux qui niaient les pouvoirs sacerdotaux de Rome prétendent posséder et exercer ces pou­voirs; les iconoclastes ont replacé dans leurs niches, pour les honorer, les statues de la Mère de Dieu et des saints… Le changement, la conver­sion, survenus en Angleterre durant ce siècle, sont sans parallèle dans la chrétienté. Non fecit taliter omni nationi» .

Faut-il donc croire que ce mouvement de retour aux vieilles croyances et aux vieilles pratiques va continuer dans la même direction et qu'il aboutira à ce qui parait être son terme logique, le retour au catholicisme?

C'est la question que l'écrivain du Correspondant examine avec sagaci­té. «Que peut-on espérer, dit-il. Ne nous faisons par d'illusion: les ob­stacles sont considérables; pour être bien atténuées, les préventions con­tre Rome sont loin d'avoir entièrement disparu; elles conservent dans les masses de l'anglicanisme une force d'inertie, incapable de rien créer, mais capable d'arrêter un mouvement».

Parmi ces obstacles, M. Thureau-Dangin mentionne l'état d'esprit des âmes pieuses qui souffraient autrefois de ne pas rencontrer, dans l'anglicanisme, la vie sacramentelle, l'éclat du culte, la consolante dou­ceur des dévotions; - elles croient le posséder maintenant dans leur communion. Pourquoi dès lors le chercher ailleurs, au prix des sacrifices et des déchirements que comporte un changement de religion? Et des ef­forts sont faits pour justifier historiquement et théologiquement cette via media entre le catholicisme et le protestantisme.

«Enfin, dit l'auteur, si grands qu'aient été les progrès accomplis depuis soixante ans, si longue que soit la liste des croyances catholiques auxquelles les anglicans sont revenus, il n'en reste pas moins, pour faire le dernier pas, pour arriver au plein catholicisme, un abîme à franchir. Il ne s'agit plus seu­lement d'ajouter un dogme à tous ceux qu'on a déjà acceptés, il faut - ce qui est bien autrement difficile, - consentir à établir la vie religieuse sur un fondement nouveau, se soumettre à une autre règle de foi; il faut substituer à la domination jusqu'ici absolue du jugement privé, le principe d'une autorité vivante, ayant droit d'enseigner et de commander. Or, rien n'est plus étran­ger au tempérament de l'esprit anglais, habitué à décider de toutes ces que­stions à lui seul et à doser sa religion à sa guise».

S'il y a des raisons de ne pas s'abandonner à l'espoir que les change­ments déjà accomplis semblaient permettre de concevoir, et de nous ren­dre très réservés dans nos pronostics, faut-il en conclure que les obstacles au retour soient insurmontables et que le mouvement commencé est dé­finitivement arrêté à demi-pente?

Loin de nous cette pensée. Sous quelque face qu'on considère le mou­vement anglo-catholique, l'action de Dieu y est manifeste. Newman dé­clarait déjà, en 1850, qu'il était «impossible d'imaginer que ce mouve­ment ne fût pas entré dans le plan divin3)». Manning, en 1866, y mon­trait «l'influence et l'impulsion d'une grâce surnaturelle4)». Tout ré­cemment, la même thèse était développée avec plus de précision encore par un jésuite anglais: «Le mouvement, se demandait-il, est-il l'œuvre de Dieu, a-t-il été, non seulement permis par Dieu, mais voulu positive­ment par Dieu?». Et après en avoir longuement examiné les conditions et les résultats, il répondait oui sans hésiter.

Le devoir des catholiques est donc de faire bon visage aux hommes de ce mouvement: au lieu de les railler ou de les blâmer de ce qui leur manque encore, admirons l'effort qu'il leur a fallu faire pour reconquérir, fragment par fragment, quelques-unes des vérités perdues depuis trois siècles.

Les catholiques ont à s'observer sur ce point. Ce sera - dit M. Thureau-Dangin en terminant son beau travail, - ce sera, avec la priè­re, leur façon d'aider à la conversion sinon de l'Angleterre, du moins de la partie de l'Eglise anglicane qui est visiblement en route vers le catholi­cisme. Cette conversion, il serait téméraire de l'annoncer à date fixe et prochaine. Je ne sais ni quand ni comment le résultat se produira, mais il me paraît certain que de grandes choses se préparent. Dieu est à l'œuvre en Angleterre: il y a déposé un ferment qui travaille dans les âmes.

Italie: L'enseignement économique dans les séminaires. - A Fer­mo, Monseigneur l'archevêque a institué au séminaire une chaire d'éco­nomie pratique.

A Fano, une chaire d'agriculture pour le clergé a été fondée au sémi­naire à l'instigation du comte Castracane, qui a donné dans ce but une somme de cinq mille francs. Ce cours est pour les élèves des dernières années de théologie.

Cette fondation si sage et si désirable existe déjà à Florence et dans quelques autres villes.

Ces faits ont une grande importance. Ils marquent bien la mission économique et sociale du clergé, à côté de sa mission primordiale écono­mique et religieuse. L'enseignement qui doit former le clergé et le prépa­rer à toutes les manifestations de son activité, s'enrichit des cours corre­spondants aux besoins nouveaux.

CHRONIQUE (Mars 1899)

I. ROME

Le Pape et l'Amérique du Sud. - Quelle est la région qui n'aura pas été l'objet du zèle apostolique de Léon XIII? On ne saurait la trou­ver. Il s'est toujours intéressé particulièrement à l'Amérique du Sud, vieille terre catholique où l'Espagne et le Portugal ont semé leur foi iné­branlable. Mais dans ces beaux pays, les mœurs périclitent. L'Espagne et le Portugal avaient commis la folie d'en rappeler les jésuites, qui y exerçaient une grande autorité. Ces deux nations subirent la peine du ta­lion, elles furent expulsées à leur tour de leurs belles colonies. Depuis lors, le clergé y est insuffisant sous tous les rapports. Il faut là une réfor­me, un concile l'opérera. Cinquante évêques délégués par leurs collé­gues vont venir au mois de mai tenir ces grandes assises à Rome. Aidons-les de nos prières, pour que de cet effort apostolique sorte le salut de ces Eglises si menacées.

Le Pape et le Patriciat romain. - Le Pape a reçu le jeudi 26 janvier les vœux du Patriciat romain. Il y avait là un groupe de princes, de ducs, de comtes et de marquis demeurés fidèles au Pape.

L'Eglise bénit l'aristocratie comme la démocratie. Elle ne cesse de nous dire que toutes les formes de la vie sociale sont bonnes pourvu qu'elles soient chrétiennes. Aux grands siècles chrétiens, pendant que les corporations groupaient la démocratie dans les villes et la formaient à une haute civilisation, la féodalité exerçait dans les campagnes un patro­nat non moins fécond et salutaire. Les deux formes de vie sociale avaient leur raison d'être et leurs heureux effets.

Aujourd'hui également la démocratie ne doit pas être exclusive. Il n'y a plus de féodalité, mais il reste une aristocratie de traditions, d'éduca­tion, de fortune, qui mérite le respect quand elle est chrétienne et qui a des devoirs élevés à remplir. Il y a aussi un patronat qui a ses droits et ses obligations. Mais la démocratie a plus à faire qu'au moyen âge. Il reste peu de vrais patrons, peu de véritable aristocratie; c'est presque toute la nation que la démocratie doit grouper dans ses associations, pour lui procurer les bienfaits de la justice et de la charité promis par l'Evangile.

A la belle réunion du 26 janvier, le Pape à l'âme toujours jeune fit un délicieux discours sur la foi, sur l'importance capitale de ce trésor, sur les dangers de le perdre au temps présent et sur les moyens à prendre pour le conserver précieusement. Mais nous voulons lui donner la paro­le. Nos lecteurs aimeront à conserver et à relire cette belle page.

«La foi, principe du salut de l'humanité est le fondement de la vie chrétienne, l'aliment de la justice, l'âme vivifiante du toute habitude vertueuse».

«Vous, par un bienfait du Ciel, vous le possédez tous, ce don surhu­main qui illumine et réconforte, qui régénère et exhausse; mais ayez tou­jours présent à l'esprit que si la divine bonté vous l'a accordé sans mérite antérieur et sans coopération de votre part, elle ne le maintiendra pas en vous sans votre propre coopération».

«Au milieu des tempêtes du monde et des convoitises agitées du cœur humain, la lumière de la foi est comme un flambeau exposé au souffle de vents orageux; si elle n'est pas protégée par d'opportunes défenses, elle est en continuel péril de s'affaiblir, de s'éteindre».

«Qui pourrait, en effet, compter le nombre de ceux qui par insoucian­ce ou par d'autres fautes, en font jet misérablement tous les jours, bien qu'ils soient nés et qu'ils aient été élevés comme vous dans le sein de l'Eglise catholique?».

«Du moins, chers fils, que le malheur d'autrui nous serve d'enseigne­ment. Que nul ne présume pouvoir maintenir seul dans son âme le tré­sor des vérités révélées, si avec un soin jaloux et constant, on ne le pré­munit pas, notamment contre l'orgueil de l'esprit et la domination des sens, les deux éternels ennemis de la foi du Christ rédempteur».

«Qu'il suffise à l'intelligence humaine de savoir que Dieu a parlé et qu'il a lui-même constitué l'Eglise comme la dépositaire et la maîtresse incorruptible de sa parole. Au reste, dans l'ordre des choses surnaturel­les, plus on s'humilie, plus on voit».

«Au contraire, lorsque la raison indocile tente de s'enlever jusqu'à scruter la hauteur et la profondeur inaccessibles des secrets de Dieu, elle est condamnée, par la condition de sa nature et par un châtiment de son fol orgueil, à se confondre, à s'égarer, à faillir».

«De là, un si grand nombre d'âmes d'abord croyantes, qui sont tom­bées ensuite dans la désolation du doute ou dans l'abîme de l'incrédu­lité».

«L'autre péril, non moins redoutable, consiste, comme Nous l'indi­quions tout à l'heure, dans la domination des appétits sensuels. Il n'est peut-être pas d'influence plus malfaisante que celle-là pour l'emporter sur l'action bienfaisante de la grâce et pour l'étouffer».

«L'histoire rapporte que lorsque l'abomination de la désolation, qui avait été prédite, pénétra dans le temple de Jérusalem, une voix mysté­rieuse cria d'en haut: Dieu se retire. Or, la lugubre sentence de cette voix se vérifie telle quelle dans le sanctuaire de l'âme que les convoitises sen­suelles ont profanée».

«A mesure que celles-ci prévalent, la corruption monte du cœur à l'esprit, le privant de la lumière céleste qui l'éclairait auparavant. Priva­tion terrible, car l'homme qui en est frappé s'embourbe de plus en plus dans la matière et devenu oublieux de sa dignité et de ses hautes desti­nées, il perd peu à peu jusqu'au sentiment de sa moralité et de la spiri­tualité chrétienne. C'est Dieu qui se retire».

«Ces deux ennemis que chacun porte en soi, car ils sont établis au fond de notre nature corrompue, trouvent malheureusement et en tous temps un stimulant plus ou moins efficace dans les conditions extérieu­res».

«Mais nous ne saurions dire si d'autres époques ont jamais présenté à la concupiscence tant de séductions et à la raison tant d'embûches, qu'en présente aujourd'hui la licence des mœurs, le cynisme d'une si grande partie de la presse, le dévergondage des spectacles publics, le scepticisme de tant de chaires».

«Partant, le grand don duquel Dieu vous a fait privilège demande plus que jamais des soins assidus, des précautions très vigilantes. Agis­sez, chers Fils, comme si vous portiez en main un trésor fragile à travers des chemins couverts d'embûches et semés d'obstacles, Vigilate: voilà l'avertissement de saint Paul aux chrétiens de Corinthe».

«Gravez-le, comme votre règle, au plus profond de votre esprit, de telle sorte que, veillant continuellement sur vous-mêmes et sur les choses qui vous entourent, il vous soit donné, avec l'aide de Dieu, de rester constants dans la foi: Vigilate, state infide. Daigne le Seigneur bénir vos résolutions et que de sa bénédiction vous soit gage la Nôtre que Nous vous accordons avec une paternelle affection».

L'université Grégorienne. - Cette belle Université, dirigée par les Pères jésuites, tient toujours et de beaucoup le premier rang à Rome. Les cours en sont suivis par dix-neuf collèges de diverses nations et par trente-sept communautés religieuses. Elle compte cette année 1095 élè­ves. Un vingtième collège national va être fondé, pour les Portugais. Comme nationalités, les élèves sont ainsi répartis: on compte 333 Ita­liens, 195 Allemands, 165 Français, 75 Espagnols, 47 Anglais, 31 Bel­ges, etc., etc.

On dit parfois à l'étranger que les examens de l'Université Grégorien­ne sont très faciles, jugez-en. Sur ce grand nombre d'élèves, il n'y en a eu cette année que 80 qui aient conquis le doctorat en théologie, 15 le doctorat en droit canon et 44 le doctorat en philosophie. Ici, comme ail­leurs, il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus.

II. FRANCE

Le repos du dimanche à Paris. - Les grands magasins du quartier de la Madeleine s'entendent pour fermer le dimanche. C'est un signe des temps. Le respect humain baisse et la religion reprend son rôle so­cial. Les catholiques n'ont jamais cessé de revendiquer le repos du di­manche mais ils faisaient valoir surtout les motifs de dévotion. Cela ne suffisait pas. Ils mettent mieux en relief maintenant l'intérêt social des prescriptions de l'Eglise, ils sont mieux compris et mieux écoutés.

Le mouvement social catholique en France. - L'excellente Revue la Démocratie chrétienne, de Lille, avait raison de dire en janvier que le mouvement social catholique en France est un gage d'espérance. Quel progrès sous ce rapport depuis trente ans! Les catholiques ont étudié, fouillé, pesé toutes les conditions de la vie sociale, dans les cercles, dans les Revues, dans les congrès, et ils ont montré qu'ils avaient seuls le re­mède au malaise contemporain.

L'Œuvre des Cercles et les groupes d'études fondés par Le Play ont le premier rang dans ce travail de reconstitution sociale.

«Qui ne serait ému, dit la Démocratie chrétienne, à la vue de cette armée de jeunes gens qui, s'ébranle et s'organise avec tant de vaillance pour la défense de l'Eglise et du peuple, tous deux opprimés? Et en même temps l'espoir grandit, quand on songe que peu à peu, lentement mais sûre­ment, c'est la France Chrétienne tout entière qui se lève. Les ouvriers chrétiens, en effet, les premiers, ont fondé le Parti Démocratique Chré­tien, et leurs syndicats constituent une puissance de premier ordre, ren­forcée encore par les ouvriers des syndicats mixtes, par les caisses rurales et les nombreuses associations agricoles qui couvrent la surface du pays. Les classes élevées comprennent un peu plus leur devoir, et l'Œuvre des Cercles, les Unions de la Démocratie Chrétienne, les Unions de la Paix Sociale, la Société des Jurisconsultes, rassemblent tous ceux qui veulent employer leur talent, leur fortune, et leur dévouement à refaire un ordre social plus ju­ste, et par conséquent plus chrétien. Enfin, dans l'Ordre Politique, M. Etienne Lamy s'efforce, depuis plusieurs années, de grouper tous les ci­toyens honnêtes sur le terrain de la constitution républicaine, des réfor­mes sociales, et de la pacification religieuse».

«C'est donc bien la France tout entière qui s'organise. Un jour vien­dra où toutes ces forces organisées s'uniront pour arracher à la Puissance occulte qui nous gouverne, ce qu'elle ne veut pas nous donner, l'Ordre et la justice dans la Liberté».

Les missions. - Sait-on à combien s'élève, pour l'année 1898, le nombre de missionnaires morts dans le cours de leurs travaux d'aposto­lat? Il atteint le chiffre respectable de 129 (6 évêques et 123 prêtres). La France occupe, dans ce glorieux nécrologe, la place d'honneur.

Voici, en effet, la nomenclature des pays d'origine: France, 1 évêque et 66 prêtres, soit plus de la moitié de la liste; Italie, 2 évêques, 11 prê­tres; Espagne, 1 évêque, 7 prêtres; Allemagne, 5 prêtres; Irlande et Chi­ne, 4; Belgique, Etats-Unis et Hindoustan, 3; Hollande, 2 évêques, 1 prêtre; Suisse, Bohême Bulgarie, Mexique, République argentine, 1 prêtre, plus 8 missionnaires originaires des diocèses de Metz et de Stra­sbourg.

L'évêque français décédé est Mgr Dusserre. Il y a là pour la France le meilleur gage d'espérance. Elle donne à l'Eglise de nombreux mission­naires, elle aime donc Notre-Seigneur. Or, Notre-Seigneur a promis qu'il aimerait ceux qui l'aiment.

Rendons justice aux autres nations catholiques, elles se donnent de plus en plus à l'œuvre des missions. La Belgique, l'Allemagne, l'Angle­terre elle-même s'y mettent généreusement. Tant mieux, rivalisons tous de zèle pour étendre le règne du Christ. Aemulamini charismata meliora.

Pèlerinage d'hommes à Lourdes. - Pour préparer les manifesta­tions de pénitence et de foi qui seront célébrées, l'année prochaine, et doivent clôturer religieusement le siècle, un comité organise un grand pèlerinage national à Lourdes.

Ce pèlerinage aura lieu au mois d'avril; ce ne sera point, comme le merveilleux pèlerinage annuel, un émouvant cortège de malades allant implorer leur guérison de la Vierge de Lourdes; ce sera une armée d'hommes, une armée de Français allant demander à la Mère de Dieu, dans son sanctuaire privilégié, le relévement de cette grande et chère malade, qui se nomme la France.

Le comité d'organisation adresse un appel où nous lisons notam­ment;

Des indications générales seront données à tous par les trois secrétai­res du pèlerinage; mais il faudra que chaque directeur local forme immé­diatement, avec l'autorisation de NN. SS. les évêques, un comité autour de lui et organise un ou plusieurs trains, selon le nombre de pèlerins qu'il pourra grouper.

Tous les trains devront être rendus à Lourdes dans l'après-midi du mardi 18 avril au plus tard, et ils repartiront dans la journée du vendredi 21.

Nous prions instamment toutes les personnes qui voudront favoriser le succès de ce pèlerinage national d'hommes, d'en propager l'idée au­tour d'elles, de faire surtout beaucoup prier à cette intention et de nous envoyer quelques secours qui nous pemettent de couvrir les frais.

Le temps de la préparation est court. Mettons-nous à l'œuvre! Nous comptons d'une manière très spéciale sur le concours que nous donneront les prédicateurs du carême. Ils voudront, chacun dans sa sphère, donner une vigoureuse impulsion.

Pour tous renseignements on peut s'adresser dès maintenant au P. Fontan, missionnaire du Travail, à Tarbes.

III. AUTRES PAYS

Hommage du peuple colombien au Christ pour la fin du siècle. - Le Congrès de la république de Colombie a naguère promulgué une loi qui mérite, sans aucun doute, la plus vive admiration et la considéra­tion la plus attentive.

Le Sénat et la Chambre des représentants, réunis en Congrès solen­nel, ont décrété l'érection, dans l'église catholique de Bogota, d'un mo­nument qui soit à la fois un témoignage de reconnaissance à Jésus-Christ pour les bienfaits accordés à ce peuple pendant le siècle qui va se termi­ner, et une prière perpétuelle qui attire continuellement sur le peuple co­lombien le secours suprême de Dieu.

C'est le premier Parlement et le premier Gouvernement qui s'asso­cient à cette démonstration universelle de respect et d'hommage à Jésus­Christ et à son Vicaire sur la terre; ils écoutent la voix de Léon XIII qui dispose tout pour bien terminer ce siècle et bien commencer le nouveau.

Nous en sommes grandement réjouis et nous espérons qu'un exemple si beau et si noble sera imité par quelque Parlement et quelque Gouver­nement, car non seulement les individus et les familles, mais aussi les Etats et les Nations doivent reconnaître que tous les biens dont ils jouis­sent leur viennent de Dieu, grâce aux mérites infinis du divin Rédemp­teur du genre humain; et de même ce n'est que de Dieu qu'ils doivent espérer la continuation de ces bienfaits pour l'avenir.

Nous rapportons donc cette loi promulguée par le susdit congrès de Colombie, et dont une copie fut présentée à Sa Sainteté par S. E. le gé­néral Velez, ministre de Colombie près le Saint-Siège, à l'occasion des souhaits et des hommages présentés aux fêtes de Noël.

Nous la traduisons littéralement. Le Congrès de Colombie décrète:

ARTICLE ler. - La République de Colombie à la fin du siècle dans le­quel sa vie de nation libre et souveraine a commencée, accomplit le de­voir de reconnaître, d'une manière explicite, la divine autorité sociale de Jésus-Christ, et de le remercier de tous les bienfaits qu'elle a reçus de Lui, et elle s'acquitte de cette obligation par la présente loi.

ARTICLE 2e. - En témoignage d'une telle reconnaissance, comme mar­que de la gratitude nationale et pour perpétuer le souvenir de cet acte du Congrès qui traduit le sentiment le plus fort et le plus profond des peuples de la Colombie, on érigera un monument qui, moyennant l'assentiment de l'autorité ecclésiastique, sera placé dans l'église cathédrale de Bogota.

ARTICLE 3e. - Un exemplaire de la présente loi sera présenté à S. E. le Délégué Apostolique, et un autre sera envoyé à Sa Sainteté Léon XIII, par l'entremise de Son Excellence le Ministre de la République près le Vatican, en signe d'adhésion des Colombiens au Vicaire de Jésus-Christ.

ARTICLE 4e. -Je déclare que la somme nécessaire pour l'accomplisse­ment de la présente loi, sera inscrite au prochain budget des dépenses publiques.

Conversions en Orient. - Le Saint-Père a reçu personnellement des nouvelles importantes de la conversion de 50.000 schismatiques, 35.000 arméniens-grégoriens et 15.000 nestoriens. Ils composent 45 villages armé­niens et 19 villages nestoriens dans le vilayet de Van, en Anatolie.

Les autorités provinciales ont signé immédiatement l'autorisation, parce que le passage de la religion orthodoxe à l'unité romaine, et, par conséquent, au protectorat français, diminue les chances de conquête ou d'assimilation de la Russie.

Mais le ministre de l'intérieur à Constantinople, que M. Paul Cam­bon a attaqué avec tant de violence dans ses dépêches du quai d'Orsay, veut se venger aujourd'hui en refusant l'enregistrement. Cependant le Saint-Père a envoyé des indications à Costantinople et l'on espère que cet incident bureaucratique n'aura pas de suite.

Le patriarche grégorien, Mgr Ormanian, a soumis au sultan un mé­moire sur les conversions dans le vilayet de Van.

Effrayé de la force d'expansion du catholicisme, il a voulu démontrer au sultan que la propagande catholique et protestante faisait courir à l'empire les pires dangers.

Car le résultat de cette action, c'est le passage des schismatiques au protectorat de la France. Il faut donc suspendre ce prosélytisme et ce mouvement des conversions.

Abdul-Hamid a transmis ce mémoire au gouvernement qui en a saisi le Conseil d'Etat. Celui-ci a déclaré que, la liberté des cultes formant la loi de l'empire, le gouvernement ne pouvait empêcher ou prohiber la propagande. Quant aux résultats politiques, ce n'est pas au patriarche grégorien mais à l'Etat qu'il appartient de s'en occuper.

Il y a donc bon espoir que ce mouvement de conversions s'affermira et se développera.

La basilique du Cénacle à Jérusalem. - En jetant les fondements du mur d'enceinte pour le terrain de la dormition de la sainte Vierge, donné à l'Allemagne par le sultan, on a découvert quelques ruines de l'ancienne basilique du Cénacle. On a pu reconnaître qu'elle avait 44 mètres de long sur 33 de large.

Parmi d'autres fragments, on a retrouvé une partie de colonne longue de deux mètres, avec 64 centimètres de diamètre, cette colonne ressem­ble à celles de la basilique constantinienne de Bethléem.

L'église avait trois nefs. Quelques débris de murs marquent l'empla­cement de la nef voûtée où était, suivant les anciens écrivains, le lieu de la dormition de la sainte Vierge.

Le Portugal et le Sacré-Cœur. - Le Portugal a eu comme nous ses luttes et ses défaillances religieuses. Comme en France et en Autriche, c'est l'Etat qui en Portugal a entravé l'action de l'Eglise. Mais nous avons la confiance que la nation portugaise reprendra toute sa vitalité re­ligieuse parce qu'elle est, plus que toute autre, la nation du Sacré­Cœur. On peut dire qu'elle a depuis le moyen âge le Sacré-Cœur dans ses armes, puisqu'elle a pour emblème sur ses armoiries les cinq plaies de Notre-Seigneur. C'est elle aussi qui a élevé la première basilique na­tionale au Sacré-Cœur. En 1790, on célébrait à Lisbonne la dédicace de la basilique royale du Sacré-Cœur, construite aux frais de la reine Ma­rie. Chaque année le jour de la fête du Sacré-Cœur est chômé au Portu­gal; et depuis 1878, cette fête y est célébrée sous le rite double de Ire clas­se. A la basilique royale, l'office est célébré pontificalement. Le roi, la cour, et le ministère y assistent avec les dignitaires de l'Ordre du Christ en grand costume. A l'offertoire, a lieu un acte d'hommage solennel du roi, et de la nation au Sacré-Cœur. Le grand aumônier du roi, escorté des officiers de la cour et d'un piquet de la garde royale, s'avance et pré­sente au célèbrant l'offrande de quelques pièces d'or en signe de soumis­sion du roi au Sacré-Cœur.

La basilique du Sacré-Cœur de Lisbonne est d'une grande richesse. C'est un petit Saint-Pierre, une église à coupole. L'architecte a imité la belle église du grand monastère de Mafra, construit en 1717 sous le roi Jean V, à 40 kilomètres de Lisbonne. La basilique s'élève sur la belle promenade publique de l'Estrella et près de la promenade des Anglais. C'est un des beaux monuments de la ville, et les étrangers ont coutume de monter à sa coupole pour jouir du panorama de Lisbonne.

La fête de la dédicace de l'église nationale du Sacré-Cœur est célébrée dans tout le royaume et ses colonies chaque année à la date du 15 no­vembre.

Il faut que nous ayons plus tard le même culte social au Sacré-Cœur de Jésus.

Amérique: Le catholicisme aux Etats-Unis. - La population ca­tholique de l'Amérique du Nord fait de rapides progrès. Dans les Etats­-Unis elle atteint presque le chiffre de 10 millions. La prépondérance po­litique et avec elle la puissance lui est assurée dans un avenir très pro­chain. Le diocèse de New-York compte environ 800.000 catholiques; la ville épiscopale est ornée de la belle cathédrale Saint-Patrick, la plus bel­le et la plus artistique de toute l'Union. Le diocèse de Chicago compte 650.000 catholiques; Boston l'ancienne forteresse du Puritanisme et du Presbytérianisme, 600.000, Philadelphie 400.000, Nouvelle-Orléans 325.000, Milwaukée 250.000, Baltimore 240.000, San-Francisco 225.000, Saint Louis 220.000, Saint-Paul (Minnesota) 212.000, Cinci­nati 190.000, etc. A l'Est surtout, grâce à l'infatigable activité des Pères Paulistes, les conversions sont très nombreuses. Entre les convertis les plus récents nous nommerons en premier lieu l'ancien maire de New­York, le major M. Oakley-Hall, avec son épouse. L'occasion de cette conversion a été la lecture d'un livre du P. Scarles: Plain Faits for Fair Minds. A New-York encore le pasteur méthodiste Georges M. P. Browns a été reçu dans l'église catholique. Cette illustre conversion est le fruit direct d'une mission prêchée pour les non-catholiques dans l'église des Pères Paulistes. M. Fréderik Smyth, juge à la cour de première instance et Melle E. R. Arnold qui jusqu'ici à beaucoup travaillé à la réforme so­ciale, se sont convertis dans la même ville.

En 1897 Miss Marion L. Gurney, fondatrice d'une congrégation reli­gieuse dans l'église épiscopale, et Rev. Adems, le recteur de cette con­grégation sont revenus au catholicisme. Son Em. le Cardinal Gibbons dit que dans la seule année 1877, 30.000 personnes se sont converties dans les Etats-Unis, dont plus de 1000 dans le seul diocèse de Baltimore.

NÉCROLOGIE

Eugène Legrand, de Le Hérie-la-Viéville (Aisne). - Un coup de foudre dans un ciel serein! Qu'il est doux, disait la Bse Marguerite­-Marie, de mourir après avoir eu une vraie dévotion au Cœur de Celui qui doit nous juger!

Lorsqu'il plaît à notre Dieu, dont les desseins sont impénétrables, de frapper un de ces coups qui remuent l'âme jusque dans ses profondeurs, qui la remplissent d'effroi et de désolation, on aime à chercher dans les dogmes de notre sainte religion un baume capable d'adoucir la douleur.

«Si le dogme de la résurrection personelle ne nous avait pas été révélé, nous l'aurions inventé; nous en avons un impérieux besoin pour notre con­solation. Notre corps est l'instrument nécessaire de toutes nos bonnes œuvres: compagnon fidèle dans le travail, il est absolument juste qu'il soit le compagnon dans la récompense accordée au travail. Dieu est le rémunéra­teur infaillible qui n'oublie rien et ne doit rien oublier, la justice le lui impo­se; je crois la résurrection de la chair!…» (Mgr Gouthe Soulard).

Membres de l'école apostolique Saint-Clément, nous tâchons de trou­ver auprès du Cœur miséricordieux de Jésus la force et le calme dont nous avons besoin après la crise poignante que nous venons de traverser: Ego sum resurrectio et vita!… Qui credit in me non morietur in aeternum!

La fête de la sainte Famille, sous le vocable de laquelle est placée notre chapelle, avait été célébrée cette année avec une ferveur inaccoutumée, et la semaine s'était à peine écoulée qu'un voile de tristesse s'étendait sur notre communauté. La parole de Notre-Seigneur est toujours vraie: «Soyez prêts! je viendrai comme un voleur!».

Le 27 janvier, celui que nous regardions tous comme un modèle de ré­gularité, de simplicité et de modestie était enlevé inopinément à notre af­fection. Heureusement il était prêt. Aspirant depuis ses plus jeunes an­nées à la vie des missions, il avait tenté d'entrer dans les rangs des fils de saint Alphonse; il se consolait de son échec en s'efforçant d'être dans sa paroisse un exemple vivant de piété. Après avoir vaincu bien des obsta­cles, il entra enfin à l'âge de 22 ans dans notre école. On peut dire qu'ici sa vie était une continuelle préparation à la mort.

L'esprit de foi qui l'animait jusque dans ses moindres actions, son obéissance candide faisaient l'édification de tous, maîtres et élèves. La veille du 27 janvier il demandait humblement la permission de communier le lendemain; et ce jour-là, a 5 heures du matin, il tombait comme foudroyé à la porte du dortoir.

Le bon Jésus aura tenu compte de la bonne volonté de ce pieux apo­stolique, et de son désir ardent d'être entièrement consacré à son divin Cœur.

Nous recommandons instamment ce cher défunt aux prières de nos lecteurs!

Justus, si morte prœoccupatus fuerit, in refrigerio erit (Sap IV, 7). Le juste, quand bien même il serait surpris par la mort, jouira du repos.

Son âme était chère au Seigneur, c'est pourquoi Dieu se hâta de la fai­re sortir de ce foyer d'iniquités (Sap. IV).

CHRONIQUE (Avril 1899)

I. ROME

Le siècle du Sacré-Cœur. - Ce sera le XXe siècle. Léon XIII vient d'annoncer, dans une audience qu'il accordait à Mgr l'évêque d'Anne­cy, le dessein qu'il a de consacrer le siècle nouveau au Sacré-Cœur. Il nous dira cela dans quelques mois, quand il annoncera l'année jubilaire. Il consacrera au Sacré-Cœur tous les diocèses, toute l'Eglise, toute l'hu­manité.

En 1873, Pie IX avait été sollicité, par un vaste pétitionnement, de faire cette consécration. Il ne crut pas devoir lui donner cette forme so­lennelle. Il engagea toutes les paroisses et toutes les familles à se consa­crer au Sacré-Cœur, il ne prononça pas lui-même la consécration de l'Eglise universelle. Léon XIII va plus loin, il répond autant qu'il est en lui aux demandes de Notre-Seigneur.

Il manquera encore la consécration des nations faite par elles-mêmes. Nous y marchons. La dévotion au Sacré-Cœur s'accentue chaque jour dans le clergé et parmi les fidèles, ses progrès depuis vingt-cinq ans ont été prodigieux. Ce qui était le privilège de quelques-uns est devenu un fait universel. Toutes les nations qui dans ce siècle se rapprocheront de Dieu, soit par l'action régulière de l'apostolat, soit par ces coups de grâ­ce qu'apportent de grandes épreuves, se tourneront vers le Sacré-Cœur. Ce sera le mouvement instinctif des populations croyantes. Quelques nations sûrement y arriveront dans ce siècle. Ce sera le siècle du Sacré-­Cœur.

L'américanisme. - Le Saint-Père a parlé. L'américanisme n'est pas du tout une hérésie américaine. C'est une invention européenne. On a mal lu, mal compris en Europe la vie du Père Hecker, fondateur des Paulistes. On lui a attribué des opinions qui ne sont pas les siennes, on a exagéré ses hardiesses et l'on a donné à cette doctrine imaginaire le nom d'américanisme.

L'Eglise devrait atténuer ses dogmes pour ramener les dissidents. L'inspiration directe de l'Esprit-Saint remplacerait le magistère ordinai­re de l'Eglise. Les vertus dites passives céderaient le pas aux vertus acti­ves. Les vœux religieux seraient délaissés comme étant moins parfaits que la liberté des âmes.

Ce sont là des erreurs trop grossières pour que l'Eglise d'Amérique y soit tombée. «Aucun évêque, aucun prêtre de l'Amérique, disait récem­ment Mgr Ireland, n'a jamais professé de pareilles doctrines».

La foi de l'Eglise, comme le dit Léon XIII, n'est sujette à aucun chan­gement, à aucune diminution. Elle est contenue dans la sainte Ecriture et la tradition, elle est expliquée et proposée aux peuples par le magistère de l'Eglise. Elle progresse sans cesse dans ses déductions et ses applica­tions, elle ne recule jamais.

L'inspiration de l'Esprit-Saint a toujours besoin d'être contrôlée par les ministres de l'Eglise, que Dieu a chargés de la conduite des âmes. Notre-Seigneur lui-même a envoyé saint Paul chercher la confirmation de ses visions chez le prêtre Ananie.

Il n'y a pas de vertus purement passives. Toute vertu est essentielle­ment active.

Les vœux sont l'offrande la meilleure qu'une âme puisse faire à Dieu. L'Eglise ne réprouve pas les sociétés où l'on mène la vie commune sans s'astreindre aux vœux, mais elle ne les met pas au premier rang.

Il est trop clair que cet américanisme hypothétique méritait condam­nation.

Mais si l'on entendait par américanisme, dit Léon XIII, les méthodes d'apostolat, les coutumes de l'Eglise américaine, il n'y aurait là rien de condamnable. Les fruits de l'apostolat américain ont été trop abondants en ce siècle pour que l'Eglise ne lui rende pas justice…

Remercions Léon XIII d'avoir coupé court encore à ce sujet de con­troverses et de divisions.

Pour la conversion des anglicans. - C'est encore une œuvre de plus à l'actif de Léon XIII. Il arrive souvent que des pasteurs anglais revien­nent à l'Eglise et demandent le sacerdoce. Il était difficile de les mettre dans les séminaires avec des jeunes gens. Le Saint-Père leur ouvre un asi­le, c'est l'institut du vénérable Bède, annexé au collège anglais de Rome. Léon XIII a donné de ses ressources si restreintes 400.000 francs pour cette œuvre. La maison est fondée, elle compte déjà une douzaine de ces étudiants d'un genre nouveau. Ils sont allés dernièrement au Vatican re­cevoir la bénédiction et les encouragements du Pape. Ils suivront à Ro­me quelques cours choisis. Ce sera un nouvel et important appoint pour la conversion de l'Angleterre.

II. FRANCE

L'enseignement public. - C'est toujours la lutte entre Fenseigne­ment catholique et l'enseignement… maçonnique.

Nous payons nos lourdes fautes. Les catholiques se sont retirés sous la tente en 1875 pour attendre une restauration hypothétique, au lieu de rester dans la république où ils auraient eu la majorité. Le peuple voulait la république; ne nous ayant plus sous la main, il en a confié la direction aux francs-maçons, aux protestants et aux juifs. Cette erreur de tactique nous coûtera cinquante ans de misères. Le Pape nous a avertis que nous faisions fausse route. Nous revenons en arrière, mais si lentement et avec tant d'hésitations que le peuple ne croit pas encore à notre retour loyal vers lui. Il y a dans le jeune clergé quelques ardents qui crient de toute leur âme «Vive la République», le Pape n'exige pas que tous agis­sent aussi carrément, mais sûrement ceux qui le font avancent plus que tous les autres l'heure de la réconciliation entre l'Eglise et le peuple.

Nous parlons, bien entendu, pour la France. En Belgique, nous crie­rions «Vive le Roi», et en Allemagne «Vive l'Empereur».

En attendant, les francs-maçons qui ont accaparé la République, im­posent à nos enfants un enseignement athée et les Loges suscitent des scandales bruyants comme celui de Lille.

Nous payons les écoles de l'Etat par le budget et les nôtres par nos souscriptions. Nous sommes des parias et des esclaves. Encore une fois, pourquoi avons-nous abandonné la place, au lieu d'évoluer à temps?

Dans une société démocratique, l'arbitre des destinées du pays, c'est le peuple. C'est à lui qu'il faut aller, c'est lui qu'il faut gagner. Pourquoi le bouder à cause de ses préférences politiques, puisque l'Eglise est indif­férente aux diverses formes de gouvernement?

Action sociale. - Dans les conjonctures actuelles, accepter le gou­vernement que le peuple s'est choisi, ce n'est pas tout pour le gagner et pour l'arracher au socialisme. Il faut aussi l'aider dans ses revendica­tions économiques. Il est certain qu'il souffre. Où est la prospérité de nos maîtres-ouvriers d'autrefois? Le travail a été désorganisé et l'ouvrier livré sans appui à toutes les angoisses du chômage et du dénuement dans la vieillesse. Il faut favoriser ces revendications légales, mais il faut aussi aider toutes les initiatives et tous les groupements qui ont un but utile: les mutualités, les caisses de crédit, les coopératives, les syndicats. Il faut que le peuple sache et constate que nous favorisons tout cela, que nous y aidons, que nous prenons même l'initiative de ces fondations. Nous avons commencé, mais que c'est peu de chose encore! Nous sommes loin derrière la Belgique et l'Allemagne. A l'œuvre donc, pour le relèvement social et économique du peuple.

III. AUTRES PAYS

Belgique: action catholique et action socialiste. - La lutte à mort entre le catholicisme et le socialisme n'est pas moins vive en Belgique qu'ailleurs, au contraire. Il y a la lutte dans la presse, la lutte dans le parlement, mais la guerre savante et stratégiquement organisée, c'est dans les associations.

C'est là qu'on s'entend, qu'on s'encourage, qu'on s'excite à l'action et qu'on donne la juste mesure de la force d'un parti.

Parmi les organes de l'action socialiste, le Vooruit de Gand mérite une mention particulière. Quel puissant effort d'organisation locale! Quel exemple pour nous!

Le but réel est mauvais. Les meneurs ont bien plutôt l'intention de préparer une armée qui puisse jouer un rôle dans la prochaine collision révolutionnaire, que de relever le prolétariat par la normale expansion d'œuvres économiques et moralisatrices. Mais comme l'organisation est habile!

Les syndiqués sont au nombre de 10.000 et appartiennent à toutes sortes de professions. Un quart sont des femmes. Toutes les familles sont abonnées au journal du syndicat et profitent de la coopérative de con­sommation. Une bonne part des gains de la coopérative est attribuée au fonds de propagande.

L'ouvrier de la fédération gantoise doit verser régulièrement chaque semaine: pour le journal, fr. 0,14; pour la mutualité, 0,30; pour l'assu­rance sur la vie, 0,05; pour les membres de la famille, 0,10; pour le fond des invalides, 0, 02, pour le syndicat, 0,20; pour le club de quartier, 0,05; pour un autre cercle, 0,05; pour brochures, fascicules, livres, 0,10; pour amusements, fêtes, etc., 1,00, soit en tout fr. 2,01. C'est-à-dire, par an 104 francs 52 centimes.

Quel esprit de solidarité!

Le Vooruit annonce l'intention de créer encore à Gand une brasserie, des boucheries, une menuiserie à vapeur, un wholesale, etc.

Quelle activité pour une mauvaise cause!

Il faut louer aussi l'activité des catholiques belges. Prenons pour exemple la Ligue démocratique. Son Annuaire vient de paraître.

Rappelons les bases de sa constitution:

ARTICLE ler. - La ligue démocratique a pour but d'étudier en com­mun, de vulgariser les mesures propres à relever la situation morale et matérielle des travailleurs et à amener la paix entre le capital et le tra­vail, par le respect des droits de tous et l'amélioration des rapports entre patrons et ouvriers.

ARTICLE 2e. - Peuvent faire partie de la ligue: 1° Toutes les associa­tions ouvrières, patronales ou mixtes, dont les statuts respectent la famil­le et la propriété et reconnaissent que la religion est indispensable à l'exi­stence de la société; 2° Toutes les personnes isolées qui demandent l'affi­liation.

L'Annuaire énumère les sociétés qui sont affiliées à la ligue. Il y en avait 457 au 31 décembre 1898, soit 25 de plus qu'en 1897.

Le nombre des membres de ces 457 sociétés est de plus de 95.000, soit 4.600 de plus qu'en 1897.

Voilà certes une force sociale!

Les membres de la ligue font aussi quelques sacrifices pour la propa­gande.

Les sociétés affiliées paient une cotisation annuelle, calculée à raison de 5 centimes par membre, avec un minimum de 5 francs et un maxi­mum de 100 francs.

La ligue prépare l'organisation professionnelle. Les corporations ou associations professionnelles similaires sont fédérées en corporations na­tionales.

Ces groupements démocratiques sont l'espoir de la Belgique en face du socialisme de plus en plus menaçant. Nous ne pouvons que leur répé­ter l'augure formulé par Dieu pour la race humaine: Croissez et multi­pliez.

Angleterre: sa mission. - Le cardinal Vaughan, archevêque de Westminster, exprimait récemment une pensée de foi à l'occasion des accroissements coloniaux de la Grande Bretagne.

Quand Rome étendait son empire, disait-il, elle était l'instrument de la Providence. Elle préparait la facilité des relations pour la propagande de l'Evangile.

L'Angleterre agit de même dans des vues intéressées, elle veut accroître le champ de son commerce. Elle travaille pour la Providence. Elle arrête les progrès de l'islamisme dans le Soudan Elle fait régner sur d'immenses territoires la paix et la liberté de l'apostolat. Les missionnai­res catholiques suivront ses armées en Afrique, comme ils les ont suivies aux Indes et en Australie.

Italie: malaise moral. - Le sentiment général en Italie est que «ce­la ne va pas». On sent que l'Eglise a sur les âmes un empire qu'on ne peut pas détruire. L'Etat s'est mis dans une impasse. Le souffrance est générale. L'aveu en échappe aux moins cléricaux.

Naguère, c'était Menotti Garibaldi qui le proclamait. Aujourd'hui, c'est un ancien député, Siliprandi, qui écrit:

«L'Italie a commis cinq erreurs funestes dans ses relations avec le Souve­rain Pontificat:

1° Elle ne s'est pas préoccupée de l'Eglise, la regardant comme une chose d'un intérêt secondaire, sans faire attention à son organisation hi­storique.

2° Elle a cherché à déprimer, à rabaisser le clergé inférieur.

3° Elle a dépouillé le haut clergé du prestige auquel il a droit.

4° Elle a fait abstraction en considérant la Papauté, des nécessités hi­storiques de l'Eglise et de la société catholique.

5° Elle n'a point compris quel immense pouvoir possède le Souverain Pontificat dans une politique qui n'est pas seulement italienne, mais qui intéresse toute la catholicité».

«De là il résulte qu'il n'y a aucune autre nation où l'on sente les effets de cette faiblesse sans limites qui est le propre de la nation italienne. Cet­te faiblesse provient du fait que l'Etat a pris une orientation contraire à la raison, à l'histoire et à la conscience nationale, aussi bien dans sa poli­tique que dans ses relations avec le Pape, avec l'Eglise romaine».

Ces aveux montrent le travail qui s'opère en Italie dans beaucoup d'esprits d'élite.

CHRONIQUE (Mai 1899)

I. ROME ET L’EGLISE

Le Pape. - L'épreuve par laquelle a passé la santé du Saint-Père a manifesté d'une manière éclatante l'estime et l'affection dont il jouit dans le monde entier. En quelques jours plus de 10.000 dépêches sont venues au Vatican pour exprimer la sympathie des princes, des évêques et des fidèles.

Aucune vie au monde ne préoccupe autant l'opinion générale. Dans les jours d'angoisses de cette maladie, ou a vu les journaux de New-York don­ner des éditions d'heure en heure pour reproduire les dépêches de Rome.

Que Dieu nous garde encore longtemps notre pontife bien-aimé, qui a une si grande influence sur toutes les âmes, pour le bien de l'Eglise. Et puisque nous sommes amenés à parler du Saint-Père, racontons un petit trait de sa charité.

Les Carmes font bâtir à Milan un temple Eucharistique, une église destinée à l'adoration du Saint-Sacrement. A cette occasion, ils publient une petite revue L'Aurore du siècle eucharistique. Cette revue a fait appel à la charité de ses lecteurs, les priant de sacrifier, en faveur du temple Eu­charistique, des bijoux et objets précieux provenant de leurs aïeux, ce qui serait en même temps un profit pour l'âme des defunts. Léon XIII à fait écrire par son chapelain. Mgr Angeli, au directeur de la revue qu'il approuvait cette pieuse collecte, et il a envoyé lui-même une montre, une chaîne, des sceaux et des anneaux d'or, dont la dite revue a donné les dessins.

Le grand pontife ne dédaigne pas de s'occuper de ces actes de piété toute simple et familière.

La diffusion de l'Evangile. - Les ennemis de l'Eglise, depuis Dio­clétien et julien l'Apostat, ont souvent annoncé sa ruine et sa fin prochai­ne. Dernièrement encore le journal belge la Flandre libérale annonçait pour la millième fois la débacle de l'Eglise:

«Le grand souffle de liberté (?) que la Réforme et la Révolution ont fait passer sur le monde balayera tôt ou tard l'absolutisme papal. Le siè­cle prochain donnera sans doute ce spectacle. Ce sera le triomphe de la pensée libre. Le mouvement s'annonce bien».

Il y a dix-huit siècles que l'Eglise entend retentir autour d'elle ces pro­nostics funèbres et qu'elle les voit ensuite s'appliquer à ses ennemis. Pour ne pas remonter plus haut, il y aura bientôt cent ans, que le Pape Pie VI mourait à Valence, le 29 août, captif et martyr de la Révolution. Ses geôliers, en l'ensevelissant, se vantaient «d'avoir cloué le cercueil du der­nier Pape» et véritablement, à considérer l'état général du monde, les ra­vages de l'impiété, la persécution déchaînée partout, le clergé décimé par la guillotine et la déportation, cette vanterie pouvait paraître humai­nement fondée. Jamais, depuis des siècles, la barque de Pierre n'avait été plus rudement secouée par la tempête; jamais l'Eglise n'avait paru plus près de cette ruine finale que la Flandre appelle de ses vœux.

Eh bien! ces prévisions purement humaines ont été complètement dé­jouées par la Providence divine.

Le XIXe siècle aura été, dans son ensemble, un siècle de renaissance catholique, un siècle d'expansion apostolique, un siècle de grands Papes et de grandes œuvres!

Léon XIII à lui seul a pu ajouter deux cents circonscriptions nouvelles de diocèses ou de vicariats apostoliques aux territoires déjà gagnés à la foi catholique.

D'après l'annuaire du bureau des longitudes, il y avait à la surface du globe, à la date de 1890, 1,497 millions de créatures humaines ainsi ré­parties: 360 millions en Europe, 153 millions en Afrique, 824 millions en Asie, 38 millions en Océanie, et 122 millions dans les deux Amériques. D'après des calculs empruntés aux Missions Etrangères, cette masse énorme se répartit au point de vue religieux en 429 millions de chrétiens, près de 523 millions de bouddhistes, 163 millions de brahmanistes, 200 millions de musulmans, environ 7 millions d'israélites et plus de 228 millions d'inconnus ou de païens.

Il y a donc le tiers des habitants du globe qui connaissent Jésus-Christ. Les autres, un milliard pour le moins, l'ignorent. Pour les amener à le connaître, l'Eglise catholique dispose, à l'étranger, d'une armée de 13,300 prêtres, de 4,600 frères et de 42,000 religieuses, sans parler de 10,000 indigènes qui, chacun dans sa sphère, travaillent à entamer l'énorme masse réfractaire.

La France a une belle part dans cet apostolat. Elle compte 8.500 mis­sionnaires sur les 13.300 prêtres qui travaillent à étendre le règne du Christ; 3.600 frères sur les 4.500: 33.600 religieuses sur les 42.000.

Le XXe siècle verra une bien plus grande diffusion de l'Evangile. Les frontières du japon, de la Chine et de l'Afrique sont désormais ouvertes, le bouddhisme est atteint au cœur, et les communications frayées par le commerce serviront à l'apostolat.

II. FRANCE

Le réveil catholique. - Il est signalé avec colère par toute la presse impie. L'Eglise aurait gagné à elle l'armée et une partie des intellectuels - et pourquoi pas?

Il y a quelque temps, un rédacteur très sympathique de La Croix, Le Petit Laboureur, signalait nos motifs d'espérance. Citons-en quelques lignes: «Progrès dans les œuvres, qui, malgré la plus formidable persécution qu'elles aient subie, persécution à la Julien l'Apostat, s'affermissent et se développent partout».

«Progrès dans les institutions économiques populaires et progrès admirable accompli depuis quinze ans grâce au zèle des catholiques. Regardez seu­lement les syndicats agricoles, les caisses rurales, les associations de pré­voyance et d'assurance; les formules sont trouvées, bien plus, elles sont appliquées de toutes parts. Les institutions économiques furent plus len­tes à s'établir dans les centres ouvriers, à cause de l'esprit sectaire et ré­volutionnaire qui y règne; elles y pénètrent cependant et s'y trouvent bientôt à l'aise. Nos amis ont compris depuis longtemps qu'il faut se gar­der des paroles vaines, des revendications en l'air, des utopies plus ou moins généreuses, pour rester sur le terrain pratique. Voilà de la bonne démocratie, voilà le moyen d'aller au peuple et d'organiser la société dé­mocratique.

«Progrès dans l'opinion. Grâce à ces efforts, grâce surtout à la presse po­pulaire catholique, l'esprit jacobin fait place à l'esprit nouveau. Désor­mais, il sera difficile aux journaux sectaires et révolutionnaires d'ameu­ter l'opinion à leur gré, tantôt en faveur d'un traître, tantôt contre les re­ligieux ou les curés. Ça ne prend plus à Paris et dans les grandes villes, la sympathie pour la religion remplace à vue d'œil l'hostilité et la haine. Certes, nous sommes loin encore de la victoire complète; mais nous en voyons l'aurore».

«Enfin, le personnel catholique s'est formé; il a acquis du savoir-faire et de l'expérience dans la manipulation de toutes ces œuvres. Il man­quait d'audace; il doutait trop de lui-même; il n'osait pas aborder le ter­rain politique». «L'œuvre électorale» s'est fondée; elle fait aussi son chemin, soulevant les contradictions comme toute œuvre catholique né­cessaire. Ce simple aperçu nous remplit de confiance. Les catholiques doivent être fiers de leurs œuvres; ils sont vraiment, eux, les progressi­stes, et s'ils savent bien rester eux-mêmes, froidement résolus à conti­nuer leur œuvre, l'avenir, un avenir prochain, est à eux».

Il faut signaler encore comme une aurore pleine d'espérance, les réu­nions de la jeunesse catholique, dans lesquelles on touche du doigt l'ar­deur de la jeunesse, la vivacité et l'élévation de l'intelligence au service d'une foi profonde et agissante.

Et l'évolution rapide et ferme d'hommes de la valeur de Brunetière et Jules Lemaître! Et la transformation de la Revue des Deux-Mondes! Et le dévouement à l'Eglise d'hommes d'études, qui sont aux gages de l'Uni­versité, comme Ollé-Laprune, Blondel, Goyau, Imbart-Latour, Pin­gaud, etc.! Vraiment l'Eglise en France n'est pas en mauvaise posture à cette fin de siècle.

Un courant d'idées: la démocratie chrétienne. - Qu'on le veuille ou non, nos sociétés modernes sont tout empreintes de démocratie. En politique, le suffrage est établi partout sur une base très large. Economi­quement, les intérêts des travailleurs sont l'objet de toute la sollicitude des législateurs. Partout en Europe et en Amérique, nous sommes en dé­mocratie à des degrés divers. C'est un fait palpable, c'est un courant qu'on ne remontera pas. Que reste-t-il à faire? Il faut christianiser cette démocratie et la pénétrer des idées de justice, de respect et de charité. C'est le conseil de Léon XIII, c'est la préoccupation de ceux qui pour té­moigner leur bon vouloir envers le peuple s'appellent des démocrates chré­tiens.

C'est là une école, un groupe qui a ses principes et son programme. M. Gayraud vient de nous donner la synthèse de cette doctrine dans son livre: Les démocrates chrétiens (publié chez Lecoffre).

Ce livre vient à propos. On a beaucoup écrit sur la démocratie chré­tienne. L'excellente revue publiée à Lille sous ce nom a savamment ana­lysé tous les principes et toutes les applications de cette forme de vie so­ciale. D'autres études et divers discours ont été publiés sur le même thè­me. Il manquait une synthèse, une petite somme de la démocratie chrétienne, qui devint comme le catéchisme de cette doctrine, M. Gayraud nous l'a donnée.

C'est la parole du Pape qui lui a inspiré la pensée d'écrire ce volume. «Si la démocratie veut être chrétienne, a dit le Saint-Père aux pèlerins français, elle donnera à votre patrie un avenir de paix, de prospérité et de bonheur». Saisi par cette pensée, M. Gayraud a voulu dire à ses compatriotes ce que devait être cette démocratie chrétienne et il l'a fait avec la sûreté de doctrine d'un disciple de saint Thomas et avec la com­pétence d'un homme mêlé depuis plusieurs années à la vie politique et au travail des congrès d'études sociales.

Tout d'abord, M. Gayraud évite fort sagement la discussion sur la meilleure forme de gouvernement. C'est un vieux thème sur lequel il n'y a plus à revenir. Tout le monde sait que le gouvernement peut être de­spotique, aristocratique ou populaire; que chaque forme a ses avantages et ses inconvénients, et que l'Eglise accepte et bénit toutes les formes de gouvernement choisies par les peuples suivant les temps et les lieux.

M. Gayraud se place de suite en face du fait historique: les peuples modernes sont en démocratie et tendent à s'y mettre de plus en plus. Ce qui caractérise cet état démocratique, c'est, en politique, un gouver­nement représentatif avec un suffrage très étendu, quelle que soit d'ail­leurs la forme du pouvoir exécutif, qu'il ait pour chef un président ou un souverain constitutionnel.

Comme fait social, l'état démocratique comporte un courant d'idées et d'entreprises diverses ayant pour objet l'accroissement du bien-être des travailleurs.

Ce fait est-il un mal? Non, répond M. Gayraud, il est plutôt un pro­grès puisqu'il représente «le peuple parvenu à l'âge d'homme et devenu majeur; puisqu'il augmente le droit, la dignité des citoyens. - Il repré­sente encore l'accroissement de la sollicitude publique à l'égard des clas­ses inférieures et l'augmentation des efforts pour améliorer l'existence des travailleurs». Et en cela la démocratie n'est-elle pas une conséquen­ce historique de la fraternité enseignée par l'Evangile?

Puis M. Gayraud développe cette première esquisse et décrit plus lon­guement l'idéal démocratique tant politique que social.

«Dans une démocratie, tous les citoyens doivent être égaux en droits, soit en matière civile, soit en matière politique, car tous sont égaux aux yeux de la loi. De là résulte pour tous les citoyens le droit de concourir, personnellement ou par leurs représentants, à l'œuvre législative et au gouvernement de l'Etat; de là vient encore que tous doivent être égale­ment admissibles à toute dignité, place ou emploi public, selon leur ca­pacité……

Cela n'entraîne pas bien entendu l'utopie égalitaire des communistes, ni la suppression de toute autorité réclamée par les anarchistes.

Avec l'égalité politique, les démocrates réclament le droit à la vie par le travail. Ce droit résulte logiquement du devoir de vivre imposé par Dieu à chaque homme, car le travail est le moyen naturel d'acquérir de quoi subsister. Ce n'est pas que l'Etat doive se substituer à l'initiative privée dans l'organisation du travail, il ne le ferait qu'au détriment de la pro­sperité publique et de la dignité des citoyens. Mais il doit favoriser par de sages lois toutes les branches de l'activité nationale et veiller à ce que les lois naturelles relatives au salaire et au contrat de travail ne soient pas violées par la tyrannie du capitalisme.

L'auteur réprouve ensuite la conception païenne de la propriété et tous les abus de l'usure.

Avec Léon XIII, il montre le remède au malaise social dans les asso­ciations professionnelles, aidées par l'apostolat social du clergé et par une bonne législation.

Il insiste avec raison sur la part d'action qui revient au clergé, et il dé­plore les obstacles qui ont été opposés par le césarisme et le gallicanisme à la mission de l'Eglise.

«Si la situation sociale est pénible, ce n'est pas la faute de l'Eglise. El­le a été entravée par l'ancien régime, par l'esprit gallican et janséniste. L'Eglise a été dépouillée de son indépendance. - Des conciles ecclésia­stiques eussent exercé une grande et salutaire action sur la double évolu­tion économique et démocratique de ce siècle. D'une part, ils auraient surveillé avec vigilance le mouvement des idées et les nouvelles doctri­nes; ils se seraient prononcé fermement au sujet de leur valeur théorique et de leurs conséquences sociales. D'autre part les résultats de l'indivi­dualisme, de la libre concurrence et du machinisme n'auraient pas échappé à leur sollicitude. Surtout l'organisation de l'usure sous la for­me moderne du capitalisme eût attiré leur attention».

Sans se prononcer en faveur de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, contre laquelle tant de raisons peuvent être invoquées, M. Gayraud fait remarquer que le plus souvent la protection de l'Etat a été très onéreuse.

La liberté dont nous avons besoin, nous l'obtiendrons surtout par l'appui que nous trouverons au sein du peuple. L'histoire enseigne que l'Eglise a conquis son prestige par des bienfaits sociaux. «L'action socia­le fera plus en faveur des revendications catholiques que les protestations les plus indignées de l'éloquence la plus vibrante; et les œuvres de justi­ce et de fraternité démocratique auront plus d'efficacité, l'expérience le prouve, que les générosités les plus abondantes et les plus héroïques dé­vouements de la charité».

Mais quelles sont les lois à demander à l'Etat? Quelle organisation faut-il donner aux associations professionnelles? C'est là l'objet du pro­gramme démocratique, dont M. Gayraud traite dans sa seconde partie.

Il cite le programme proposé par M. de Mun dans son discours de Saint-Etienne, puis ceux des congrès de Reims et de Lyon, de l'abbé Naudet, de la revue La démocratie chrétienne. Il êut pu signaler encore celui des catholiques italiens au Congrès de Rome (fév. 1894) et celui du Con­grès ouvrier de Zurich (1897).

Il montre en tous les mêmes idées mères:

Droit à la vie par le travail, c'est-à-dire droit au nécessaire pour la personne du travailleur et pour sa famille, pour le temps du repos et ce­lui de la vieillesse: c'est la condamnation du parasitisme, du capitalisme et de ses funestes effets sur la famille ouvrière; c'est le fondement social du système des caisses de secours et d'assurances de toute espèce.

Organisation professionnelle démocratique. c'est-à-dire organisation de la société sur la base de la profession, au moyen d'associations distinctes, dans une même profession conformément à la division réelle des intérêts et des classes, mais unies cependant, conformément à la solidarité vérita­ble de ces mêmes classes et intérêts. Ces associations, autonomes dans une juste mesure, constitueraient la famille professionnelle, chargée d'assurer aux travailleurs la sécurité de l'existence, la paix dans la pro­fession et la participation effective au gouvernement de l'Etat.

M. Gayraud ajoute: «ces conclusions sont la règle d'après laquelle on doit se prononcer dans toutes les questions qui intéressent la démocratie».

L'auteur a raison de joindre à son livre en appendice l'encyclique Re­rum Novarum, bien divisée avec des en-tête de chapitres. C'est comme il le dit, la charte chrétienne du travail et il faut toujours l'avoir sous la main.

Il nous donne aussi fort à propos le catalogue d'une petite bibliothè­que sociale et démocratique.

On le voit, ce livre est un manuel ou si l'on veut un catéchisme de la démocratie chrétienne. Il contribuera a réaliser chez tous les catholiques agissants l'unité de doctrine et d'action que Léon XIII ne cesse de nous recommander.

III. AUTRES PAYS

Australie: Congrès catholique. - L'Australie prépare un grand Congrès catholique.

L'Australie y compris la Nouvelle-Zélande, d'après les données des récentes statistiques, compte une population de 3.755.012 âmes.

Il y a un demi-siècle, l'Australie n'était connue de l'Europe que com­me colonie pénitentiaire anglaise et sa population catholique, disséminée sur une superficie de 7.964.541 kilomètres carrés, atteignait à peine 50.000 âmes.

Or, actuellement - la Nouvelle-Zélande non comprise - on y comp­te 20 sièges archiépiscopaux et épiscopaux, avec leurs églises et leurs or­dres monastiques, collèges, écoles et institutions de bienfaisance et au delà de 700.000 fidèles.

La Nouvelle-Zélande, région de 269.957 kilomètres carrés, avec une population de 607.380 âmes, ne comprenait, il y a cinquante ans, pas un seul catholique. La loi leur interdisait même l'accès du territoire: les frontières étaient ouvertes à tous «sauf aux païens et aux papistes». En 1859, néanmoins, 90 catholiques avaient pu y pénétrer.

Après bien des luttes et une opposition aussi outrancière que sectaire, l'on réussit à édifier un modeste temple, et aujourd'hui Dunodid, la principale ville de Nouvelle-Zélande, possède une splendide cathédrale, sous le vocable de Saint-Joseph, et compte 20.000 catholiques sur une population totale de 42.794 âmes.

Dans la Nouvelle-Galles du sud, Victoria compte une population de 1.090.869 habitants; il y a cinquante ans, on y trouvait à peine 60.000 catholiques avec deux prêtres, une ou deux églises et pas une école. Au­jourd'hui, à la consécration de la cathédrale Saint-Patrice assistaient 18 évêques, 150 prêtres et 100.000 fidèles.

Melbourne est le siège d'un archevêché, et la colonie possède trois évêques, de superbes églises, des couvents et des institutions de bienfai­sance, et des écoles que l'Europe pourra envier à l'Australie. La popula­tion catholique s'élève à 220.000 âmes avec 220 prêtres et 650 religieu­ses. Les écoles sont fréquentées par 31.000 élèves.

L'Austral Light (Lumière australe) de Melbourne, dans un article inti­tulé: Australasian Catholic Congres of 1900, publie le programme des que­stions qui seront mises en discussion dans le Congrès catholique austra­lien qui sera réuni à Sidney pour célébrer la fin du dix-neuvième siècle. Il suffit de jeter un coup d'œil sur ce programme pour en reconnaître l'importance. En voici quelques points.

«Développement de la vie intérieure de l'Eglise pendant le XIXe siè­cle. - L'expansion de l'Eglise dans les missions durant ce siècle. - Re­cherches et études bibliques dans les temps modernes. - L'Eglise dans ses relations avec les différentes écoles philosophiques du siècle en Fran­ce, en Allemagne, en Angleterre, etc. - L'action catholique. - La que­stion sociale: capital et travail. - Le divorce. - Education des écoles catholiques. - Direction et protection de la jeunesse après la période des études moyennes et même universitaires. - Défense catholique contre les forces antisociales et antichrétiennes. - Sanctification du travail. - Action du laïcat catholique au XIXe siècle. - Importance suprême du Principat civil du Pape dans l'intérêt de l'indépendance du Saint-Siège et des peuples catholiques. - L'Eglise catholique et ses rapports avec les systèmes païens: spiritisme, agnosticisme, bouddhisme, etc., - et avec l'islamisme. - Un siècle d'action catholique en Australie. - Moyen d'en accroître et d'en assurer le développement. - Ethnologie austra­lienne. - Presse catholique, etc.

Ce programme donne une idée de l'étendue des matières qui seront traitées dans ce Congrès, et de la haute importance qu'il est destiné à ac­quérir.

Allemagne: le cinquantenaire des «Gesellenvereine». - En juin prochain, le Gesellenverein de Cologne, qui fut le berceau de l'œuvre grandiose du chanoine Kolping, célébrera le cinquantième anniversaire de sa fondation. C'est, en effet, en 1849 que l'abbé Kolping créa dans la métropole rhénane le premier cercle ouvrier. Il en fit, pour ainsi dire, la maison-mère des milliers de cercles similaires qui existent actuellement dans toutes les parties du monde chrétien.

Le jubilé de juin sera brillamment fêté à Cologne. Il y aura à cette oc­casion une affluence énorme des Gesellenvereine de tous les pays. De nom­breux évêques étrangers ont déjà fait savoir au comité des fêtes qu'ils as­sisteront à celles-ci. Parmi les adhérents se trouvent le cardinal Gruscha, prince-archevêque de Vienne, et l'archevêque de Munich. La ville et l'Etat se feront officiellement représenter à ce jubilé.

Italie: courant d'idées. - C'est l'Italie qui a le plus souffert de la Renaissance païenne et césarienne. C'est elle qui en a contaminé l'Euro­pe et qui nous a donné trois siècles d'absolutisme politique et de gallica­nisme. L'Université de Bologne a propagé l'esprit des légistes, la cour de Florence a exalté l'humanisme et l'art païen. L'Italie catholique commence à le comprendre. En politique, elle revient au guelfisme pour l'opposer au césarisme oppresseur, qu'il vienne du Piémont ou de l'Alle­magne.

Dans l'art, elle commence à goûter l'art chrétien primitif et celui du XIIIe siècle, une lettre de Léon XIII l'a remis en honneur.

En littérature, elle reconnaît enfin l'aberration de l'humanisme. Pour le montrer, nous allons citer le compte-rendu d'une réunion littéraire les plus en honneur à Rome.

A l'Académie Pontificale du Tibre, lundi, 6, le Rév. D. Thomas Ragusa développa le thème suivant: «L'humanisme dans la littérature italienne».

Dans une synthèse claire et profonde, il fit la critique de la Renaissan­ce depuis Dante jusqu'à nous. Il fit remarquer que si les humanistes avaient continué les traditions d'Alighieri, ils auraient donné à l'art sa dernière perfection, en développant tous les genres littéraires restés en partie ébauchés dans la divine comédie. Mais au contraire, les littéra­teurs empruntèrent aux latins, en même temps que la forme, les senti­ments. Pétrarque créa un monde platonique, assez agréable, mais tout à fait vide à l'intérieur; Boccace donna à la langue vulgaire l'allure gran­diose et tortueuse de la période latine, et parsema de fleurs un tas d'en­grais. Au XVIe siècle, époque du complet épanouissement de la Renais­sance, les meilleurs humanistes, méprisant la langue vulgaire, écrivirent en beau latin; et l'Arioste, le magicien de la forme, fit la joyeuse carica­ture de la comédie.

Mais la conscience nationale s'affaiblit peu à peu, et les savants vendi­rent leur génie et leur plume pour faire «des héros dont le lit fut le champ de bataille».

Il y eut une réaction impuissante, mais malheuresusement les idées de Bembo prévalurent, et en attendant la vie se passa dans une habitude hé­réditaire, conventionnelle et relâchée.

Après le Tasse qui reprit les traditions de Dante, les deux écoles conti­nuèrent avec une fortune variée. jusqu'à ce qu'elles prissent à une épo­que peu éloignée de la nôtre, les noms de romantique et de classique. La réforme, la révolution française et italienne furent la conséquence logi­que de l'humanisme, car malgré leur nom spécieux de rédemption poli­tique, elles furent proprement des révolutions religieuses. C'est pour ce­la que la nouvelle Italie, qui retourne au paganisme, a oublié Manzoni et son école, et a placé sur les autels Stecchetti, Rapisardi et Carducci qui, de républicain se fit monarchiste pour devenir poète césarien.

Si donc l'humanisme corrompit les mœurs, ce fut la faute des savants corrompus et incrédules, qui oublièrent la foi et la morale chrétienne. L'orateur termina par le vœu que Fogazzaro émis dans la conférence: Le Poète de l'avenir, faite l'année passée à Paris, devant une assemblée très choisie. - Il souhaite que la littérature italienne reprenne les traditions du Dante et du Tasse.

CHRONIQUE (Juin 1899)

I. ROME

Consécration générale au Sacré-Cœur. - Ce grand acte va s'ac­complir et marquera sûrement le point de départ de grandes grâces pour l'Eglise.

Mgr l'évêque de Liège rapporte en ces termes, dans une lettre à son vicaire-général, la confidence que Léon XIII lui a faite à ce sujet: «Semblant se recueillir un instant et se redressant dans son fauteuil, Léon XIII m'annonça d'un ton pénétré et solennel, qu'il publierait in­cessamment une Encyclique prescrivant la consécration au Sacré-Cœur de Jésus, du genre humain tout entier, même des nations catholiques et de celles non éclairées de la foi chrétienne: un triduum, accompagné de prédications, les 9,10 et 11 juin, préparera les fidèles à ce grand acte qu'il m'a recommandé d'accomplir avec une grande solennité à la cathé­drale de Liège; je sais, m'a-t-il dit en terminant par des paroles enflam­mées sur ce sujet, que cet acte hâtera pour le monde l'arrivée des miséri­cordes que nous attendons».

Nous savons d'autre part que le Saint-Père a reçu Mgr de Liège avec une grande bienveillance. Il lui a dit que rien n'était changé à ses direc­tions et qu'il fallait aller au peuple pour l'évangéliser et favoriser ses in­térêts afin de le gagner à Jésus-Christ.

Le XVIe Congrès catholique italien à Ferrare, 18-22 avril. - Il a été superbe d'entrain, de dignité et d'union ce Congrès, C'était bien un Congrès national, comme nous n'en savons plus faire, avec toutes nos di­visions et nos querelles de coqs gaulois.

Les cardinaux de Bologne et d'Ancône et vingt archevêques et évê­ques assistaient aux réunions.

Le comte Paganuzzi, président de l'Œuvre des Congrès, a rappelé le but commun: «Porter le principe chrétien dans la vie sociale, à l'ombre des enseignements de nos évêques». Il a salué don Albertario, le noble prisonnier de Milan, et fait acclamer Léon XIII, le véritable «Prince de la justice et de la paix».

Le président effectif du Congrès, le marquis Crispolti, faisant allusion à l'interruption du Congrès occasionnée par la persécution policière de l'an passé, rappela avec à-propos le mot heureux de M. Dupuy à la Chambre française après l'explosion anarchiste: «Messieurs, la séance continue». Pour l'action catholique italienne, après les sévices gouver­nementales, la séance continue.

Puis, avec une largeur d'esprit qu'on devrait imiter en France, le marquis Sacchetti rappela qu'il fallait suivre avec docilité les directions du Pape et que, le Pape ayant consacré l'expression de démocratie chrétien­ne, il fallait l'accepter sans en faire un brandon de discorde.

On fit alors de la démocratie pratique. Mgr Scalabrini, évêque de Plaisance, parla avec effusion de son Œuvre des Emigrants. Il y a cha­que année des centaines de mille Italiens qui vont demander au travail en Amérique le pain que la mère-patrie ne leur donne plus. Beaucoup réussissent là-bas, mais ils manquent de prêtres, pour les aider à conser­ver leur foi. Ils écrivent des lettres déchirantes: «Par pitié, disent-ils, aidez-nous, nous vivons et nous mourons ici comme des chiens». Le pieux évêque a fondé une œuvre de prêtres pour leur fournir des pa­steurs. Il recommande cette œuvre au Congrès.

Cette question ne se pose pas chez nous. Nous n'envoyons pas d'émi­grants, hélas! même à nos colonies. Il faudrait dire à tous nos travail­leurs ruraux: «Ne craignez pas d'avoir des familles nombreuses, nos belles colonies d'Afrique et d'Asie sont là pour offrir un champ d'action favorable à vos enfants, comme autrefois le Canada, la Louisiane et les Antilles».

Puis le comte Medolago-Albani, un petit neveu de Joseph de Maistre, a traité de l'agriculture, de sa transformation et du développement des Caisses rurales. Il a parlé aussi du merveilleux progrès des banques ca­tholiques fondées dans une trentaine de villes déjà, pour aider le petit commerce et pour soutenir les Caisses rurales.

Don Cerutti, le zélé propagateur des Caisses rurales, veut porter son activité vers un champ nouveau. Il propose d'ouvrir dans les cités indu­strielles des caisses de crédit pour les ouvriers, analogues à celles qu'on a fondées pour les cultivateurs. Là aussi, dit-il, sévissent l'usure et la misè­re. L'ouvrier subit l'influence démoralisante de l'usurier. Il faut habi­tuer l'ouvrier à l'épargne. L'œuvre est facile. Les caisses de crédit et d'épargne remédieront au mal. Don Cerutti a essayé dans sa paroisse de Murana et il a pleinement réussi. A l'œuvre donc! Il faut qu'une florai­son de ces utiles institutions soit le fruit de ce congrès.

Caisses rurales, Caisses ouvrières, Banques catholiques, voilà des œuvres pratiques, d'une utilité incontestée et vraiment démocratiques. Nous nous laissons devancer par l'Italie dans la diffusion de ces œuvres. Elle a des centaines de Caisses rurales de plus que nous, elle a des Ban­ques catholiques, elle commence la fondation des Caisses ouvrières. Il faut que nos généreux pionniers, M. Durand, l'abbé Fontan et leurs imitateurs redoublent de zèle. Il faut que les lecteurs de cette Chronique fassent un effort pour aider à ces fondations qui doivent ramener les tra­vailleurs à l'Eglise en leur montrant la charité des catholiques.

Un éloquent jésuite, le P. Zocchi et M. de la Rive, professeur à Fri­bourg ont parlé de l'enseignement chrétien. L'Italie n'a pas encore la li­berté de l'enseignement supérieur. Les catholiques italiens vont entre­prendre une campagne pour l'obtenir.

Bien d'autres œuvres furent passées en revue: les Comités catholi­ques, le denier de saint Pierre, les instituts de sourds-muets, etc., etc. Puis, à la demande du cardinal Zwampa, le Congrès promit tout son concours à l'œuvre de l'hommage à offrir au Rédempteur et à son divin Cœur pour l'ouverture du siècle nouveau. Des pèlerinages auront lieu, des œuvres seront fondées. De grandes démonstrations paroissiales ravi­veront la foi des populations.

Tel fut ce beau congrès, si vivant et si plein d'espérances.

II. FRANCE

La grande démonstration de Lourdes. - Ils étaient soixante mille hommes! On n'avait pas encore vu un pareil nombre d'hommes réunis à Lourdes. Ils venaient saluer Marie, la Reine et la protectrice de la Fran­ce, mais leur programme comprenait aussi un hommage solennel au Sacré-Cœur, et à cause de cela surtout le souvenir de ce grand acte doit être consigné dans cette revue.

C'était à la fois une consécration personnelle et une consécration na­tionale que chacun des pèlerins offrait au Rédempteur dans la belle prie­re qui fut récitée par tous.

«Autant qu'il m'est possible de le faire, - affirmait chacun des assistants, affirmait la foule elle-même unifiée comme une immense person­ne morale, ambassadrice du pays, - j'associe la France, ma bien-aimée patrie, aux sentiments de reconnaissance que je vous exprime pour vos bienfaits envers elle, de réparation pour ses offenses, de renouvellement dans la foi et dans l'amour qu'elle vous a jurés au baptistère de Reims.

«Divin Cœur de Jésus, je vous adresse ma prière. Faites que je sois fi­dèle en tout et toujours! Faites que la France, inébranlable dans la foi, soit toujours digne de son titre de Fille aînée de l'Eglise!».

Après avoir affirmé leur foi, renouvelé leurs serments, arrêté leurs ré­solutions, les nouveaux croisés devaient bientôt se répandre à travers le pays pour délivrer, non plus le tombeau du Christ, ainsi que l'avait si bien dit le R. P. Bouvier, mas le Christ lui-même, hélas! emprisonné sur la terre de France. Allaient-ils se disperser ainsi sans se donner un nou­veau rendez-nous sur ce sol sacré de Lourdes où les cœurs se refont, comme les muscles reformés d'un membre guéri par la Vierge, autour de cette eau miraculeuse où les âmes se trempent ainsi qu'un acier?

Non! Ce n'est pas ainsi qu'il devait en être et le P. Lemius a réalisé le désir général, en conviant tout ce peuple frémissant des grandes choses accomplies depuis la veille à une manifestation nouvelle. Elle aura lieu, l'an prochain, à pareille époque; elle est dès aujourd'hui fixée. Debout sur ce parvis, témoin des quatre solennités, les directeurs de pèlerinages interrogés publiquement par le P. Lemius, ont juré de se remettre à l'œuvre immédiatement. Debout devant le Rosaire, entre la double rampe encore vibrante et imprégnée de leurs acclamations, les délégués de la France ont promis de travailler autour d'eux, de revenir à moins d'en être absolument empêchés et, en tout cas, d'entraîner des recrues nouvelles.

Ainsi, se trouve inauguré, dans le succès triomphal et miraculeux d'un premier essai, le grand mouvement national et religieux qui, désor­mais, devra faire passer tous les hommes de France aux pieds de la Vier­ge de Lourdes.

Quels progrès rapides dans l'accomplissement des demandes du Sacré-Cœur! Quel présage de douces espérances! Les pèlerins de la France renouvelleront chaque année l'hommage au Sacré-Cœur. Léon XIII va d'ailleurs convier le monde entier à cet hommage. Les catholi­ques de France s'habituent aussi à suivre l'étendard du Sacré-Cœur. Bien des groupes le portaient à Lourdes.

Faisons notre possible pour répondre aux demandes du Sacré-Cœur, il se laissera toucher et hâtera l'accomplissement de sa promesse.

III. AUTRES PAYS

Fondation de la paroisse du Sacré-Cœur à Tunis par les prêtres du Sacré-Cœur. - La Semaine religieuse de Chambéry se félicitait der­nièrement de cette fondation qui est faite par un religieux originaire de la Savoie. Nous lui empruntons une page, et nous y ajoutons le discours d'installation du nouveau curé.

La paroisse de la cathédrale de Tunis est confiée à un prêtre originaire de la Savoie.

Le diocèse de Chambéry vient de donner un deuxième pasteur à la ca­pitale de la Régence, dans la personne du R. P. Miquet, de la Rochette, appelé par les supérieurs de sa Congrégation et l'approbation de Mon­seigneur l'archevêque de Carthage, à la direction de la paroisse du Sacré-Cœur, récemment établie dans le quartier extrême de Bab­Khadra, grâce aux largesses de M. l'abbé Boucher, chevalier du Saint­Sépulcre, prêtre du diocèse de Beauvais.

Le Primat d'Afrique, assisté de son vicaire-général Mgr Pavy, de M. l'abbé Bombard, curé-archiprêtre de la cathédrale et de plusieurs autres ecclésiastiques, a procédé, le lundi de Pâques, à l'inauguration solennelle de la nouvelle église et à l'installation canonique du R. P. Mi­quet.

Ce digne religieux, précédemment missionnaire dans la République de l'Equateur jusqu'aux heures douloureuses de la persécution de l'im­pie et farouche président Alfaro, est l'homme de Dieu préparé par l'ex­périence et la souffrance aux difficiles et délicates fonctions dont il est in­vesti.

Une foule nombreuse de fidèles appartenant à des nationalités diver­ses a voulu saluer de sa présence et de ses chants cet événement qui mar­que une date heureuse dans l'histoire de l'Eglise africaine et semble pré­sager des fruits abondants de salut et de bénédiction.

Immédiatement avant la sainte Messe qu'il s'était offert de venir lui-même célébrer, et dans une allocution toute paternelle, religieusement écoutée par toute l'assemblée, Mgr l'archevêque a dit combien il était heureux de pouvoir enfin ériger cette nouvelle paroisse et donner aux fi­dèles de cet immense quartier un pasteur selon le cœur de Dieu; et il s'est mis a parler avec beaucoup d'âme des bienfaits qu'apporte le prê­tre, le bon pasteur.

Aussitôt après, le R. P. Curé monta en chaire pour répondre à Mon­seigneur et adresser à ses nouveaux paroissiens ses premières paroles.

Son vibrant discours fit une profonde impression sur tous les assistants et répandit partout dans la paroisse la confiance et l'enthousiasme.

Le voici textuellement:

Monseigneur,

Permettez que ma première parole, dans cette église que vous venez de me confier, soit une parole de sincère et profonde gratitude envers Votre Grandeur.

Oui, Monseigneur, vous qui venez nous bénir, soyez avant tous mille fois béni de ce que, au nom du Christ, vous, l'ange de l'Eglise de Tunis et de Carthage, vous daignez visiter et bénir les humbles commence­ments de cet édifice spirituel.

Merci donc pour la démarche aussi empressée qu'affectueuse par la­quelle votre grandeur a bien voulu venir elle-même présider cette céré­monie et consacrer par son auguste présence ma prise de possession de cette nouvelle paroisse.

Merci ensuite des paroles si tendres et si onctueuses que vous avez prononcées à l'adresse du Sacré-Cœur de Jésus, et par lesquelles vous lui avez solennellement dedié cette église.

Merci enfin du témoignage de beinveillante sympathie que vous m'avez en même temps donné, en parlant à ces chers fidèles de leur nou­veau pasteur en termes si aimables et si délicats.

Vous avez dit, Monseigneur, ce que je voudrais être et ce que je vou­drais faire. C'est un programme que vous avez tracé. A moi de le suivre et de réaliser ainsi l'idéal du bon Pasteur. Pour cela je n'aurai qu'à mar­cher fidèlement sous votre haute et sage direction, et à m'inspirer des exemples des prêtres si dévoués de votre diocèse.

Et vous maintenant, mes Frères, vous attendez de moi l'expression des sentiments que j'éprouve en arrivant au milieu de vous.

Ce n'est pas sans émotion que j'apparais dans cette chaire afin de vous adresser la sainte parole pour la première fois. Hier je ne vous con­naissais pas, et aujourd'hui vous devenez ma famille de prédilection, l'objet premier de mes pensées, de mes affections, de mes préoccupa­tions et de mon zèle. Hier j'étais pour vous un étranger, et aujourd'hui je suis votre pasteur, votre père en Dieu, le chargé d'affaires de vos plus augustes intérêts.

Dieu m'a fait entendre sa voix, par l'intermédiaire de mes supérieurs, et il m'a dit comme à Abraham: «Sors de ton pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père, et viens dans la terre que je te montrerai». Et me voici auprès de vous pour accomplir l'œuvre de Dieu, ut perficiam opus ejus, ou, en d'autres termes, pour remplir, avec tout le dévouement que le Seigneur me mettra au cœur, ma mission de prêtre et de pasteur de cette paroisse.

Quelle est cette mission? Deux mots du grand Apôtre peuvent la résu­mer: Veritatem in charitate. Vous procurer la vérité dans la charité, voilà ma raison d'être parmi vous.

1. Le prêtre, qui est l'homme de Dieu, doit être avant tout le docteur de la vérité. C'est à lui que le Sauveur du monde a dit: «Allez, instruisez toutes les nations, enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai pre­scrit». Prêcher la vérité, c'est le premier de ses devoirs, c'est son devoir principal, officium principalissimum, dit saint Thomas. Je vous l'enseigne­rai donc, M. B. C. F. cette vérité divine qui, selon la parole du Maître, délivre de l'erreur et du péché et donne la vraie liberté; je l'enseignerai à tous puisque j'en suis redevable à tous, dans les prédications, dans les in­structions, les avis, les catéchismes, les visites aux malades.

2. Mais je ne viens pas seulement pour instruire, je viens aussi pour consoler, pour encourager, pour aimer et bénir. Le prêtre, en effet, n'est pas seulement docteur de la vérité, il est aussi pasteur, il est père, et à ce titre il vous doit son affection, ses services, son dévouement. Son cœur doit renfermer des trésors de tendresse et de charité pour les répandre autour de lui. Il doit pleurer avec ceux qui pleurent, se réjouir avec ceux qui sont dans la joie.

Tout à tous, voilà sa devise: A l'exemple du Souverain Pontife, il doit être le serviteur aimant et dévoué des serviteurs de Dieu: Servus servorum Dei. S'il lui est permis d'avoir quelques préférences, elles doivent être pour les pauvres, pour les petits, pour les faibles, sans que sa tendresse et son affection cessent pour cela de s'étendre à tous les autres, pour les ga­gner tous à Jésus-Christ.

Sa vie doit se résumer dans ces mots du Sauveur: «Je suis le bon pa­steur: le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis», c'est-à-dire qu'il doit dépenser, user au service des âmes qui lui sont confiées tout ce que Dieu lui a donné d'intelligence, de cœur et de forces.

Telle est, M. F., la sublime mission du prêtre. Et ce sera là tout notre programme, le programme de votre nouveau pasteur et aussi bien de ses deux bien aimés confrères et collaborateurs dont il est sûr d'interprêter ici les sentiments.

A vous donc notre vie, disposés que nous sommes à tout sacrifier et à tout souffrir tant qu'il s'agira de la gloire de Dieu et du salut de vos âmes.

Comme vous le voyez, le programme est vaste, la charge est lourde; c'est pourquoi, afin de porter toujours courageusement le poids de tant d'obligations, et surtout pour pouvoir les accomplir aussi parfaitement que nous le désirons, nous avons besoin du secours de vos prières. Vous ne nous les refuserez pas; j'en ai la confiance en songeant à vos bonnes dispositions. Votre concours empressé en ce jour solennel pour moi, l'at­tention sympathique que vous prêtez à mes paroles me sont un gage de votre attachement au prêtre et de votre parfaite docilité.

Que de tous les cœurs monte donc vers le Tout-Puissant une prière ardente, unanime. Oui, priez pour votre pasteur, ô vous tous que je puis appeler dès maintenant mes frères; vous surtout, chers petits enfants que Jésus aime tant et que j'aime tant, parce qu'en vous brillent ses traits et ses vertus, et vous aussi âmes pieuses qui vous approchez davantage de Dieu en vous approchant souvent des sacrements.

Vous voyez les saintes images qui ornent cette église: c'est d'abord et surtout Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont la ravissante image, offerte par une main généreuse5) semble nous parler et nous bénir. Notre­-Seigneur Jésus-Christ, le Patron et le premier Pasteur de cette paroisse, Notre-Seigneur Jésus-Christ avec son Cœur sacré surmonté et tout en­touré des signes de notre Rédemption; demandez-lui pour moi une étin­celle de ce feu sacré dont il était embrasé et dont il désire tant embraser les âmes, demandez que je sois de plus en plus dévoué à l'extension de son règne, et que s'accomplisse en ma faveur sa miséricordieuse promes­se, que les apôtres de son divin Cœur auront le talent de toucher les cœurs même les plus endurcis.

C'est ensuite Marie, la Vierge immaculée dont les autels se plaisent tant à être ornés de lys et de roses par la pieté catholique; demandez que comme elle je fasse partout épanouir sous mes pas les lys des pures vertus et les roses du saint amour.

C'est saint Joseph, patron de l'Eglise catholique; demandez que je sois comme lui le gardien fidèle et prudent de la famille que Dieu me confie.

C'est encore saint Paul, cet apôtre infatigable dont le cœur, pressé par la charité de Jésus-Christ, était sans cesse dévoré de la soif des âmes; demandez pour moi ce même zèle pour le salut de vos âmes, cette même charité sans laquelle je ne serais rien quand bien même, selon l'expres­sion de cet apôtre, je parlerais toutes les langues des hommes et des an­ges.

En un mot implorez pour moi toutes les vertus dont vous voudrez que je vous donne l'exemple, et croyez que rien au monde ne brisera jamais les liens qui nous unissent dans la charité de Jésus-Christ.

Mais comment pourrais-je terminer ces quelques mots sans proclamer ici combien grande est la dette de reconnaissance que vous avez contrac­tée envers un vénérable prêtre6) que vous connaissez et qui est au milieu de nous, envers celui dont le cœur et la bourse se sont déversés en flots de générosité dans la fondation de cette paroisse? Son nom doit être gra­vé en caractères ineffaçables au fond de tous les cœurs, comme il est écrit dans le Cœur de Jésus avec les lettres d'or de la charité, et comme il rayonne dans cette église dont, après le Christ, il est dans les fondements la pierre précieuse: Fundamenta muri lapide pretioso ornata.

Voulez-vous que je vous dise, M. F., de quelle manière vous lui té­moignerez le mieux votre reconnaissance? Ne l'oubliez jamais dans vos prières, priez beaucoup pour lui et à toutes ses intentions; soyez de bons et fervents chrétiens, accomplissez fidèlement tous vos devoirs religieux, afin que cette paroisse du Sacré-Cœur soit ce qu'elle doit être, une pa­roisse modèle, et que le vénéré bienfaiteur que la divine Providence nous a envoyé puisse un jour contempler avec bonheur du haut du ciel cette belle œuvre dont il est le fondateur et dont il doit être appelé le père.

Ah! daigne cette même Providence nous susciter encore de pareilles âmes, et l'on verra un jour s'élever en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus, à la place de cette église provisoire, un temple grandiose projetant son ombre bienfaisante sur l'Afrique toute entière.

Et maintenant, M. F., après vous avoir demandé vos prières, je ter­mine en vous assurant que vous pouvez compter sur les miennes. Char­gé tous les jours des intérêts les plus sacrés de chacun de vous, c'est tous les jours et plusieurs fois par jour que mon cœur s'élèvera jusqu'au trô­ne du Dieu-tout-puissant pour lui exposer vos besoins et attirer sur vous toutes les grâces et les bénédictions célestes. C'est surtout à l'autel, alors que je prendrai tous vos cœurs pour les placer sur la patène d'or avec l'hostie du sacrifice, que je supplierai le divin Sauveur, par l'intermé­diaire de Marie sa sainte Mère et la nôtre, d'être en réalité le Sauveur de tous dans cette paroisse. C'est d'ailleurs la prière que je lui adresse dès maintenant du fond du courr.

Et puissé-je, quand la volonté de Dieu arrêtera le cours de mon ministè­re ou de ma vie, puissé-je redire avec le Sauveur les paroles que sur le point de quitter la terre il adressait à son Père céleste: «Seigneur j'ai veillé avec sollicitude sur les âmes que vous m'avez confiées, et aucune d'elles n'a péri: Quos dedisti mihi custodivi, et nemo ex eis periit». Ainsi soit-il.

Les missions au Congo belge. - D'un rapport de Mgr Van Ronslé sur le vicariat du Congo belge, il résulte que le vicariat possède neuf chrétientés, trois quasi-paroisses avec deux hôpitaux pour blancs et trois hôpitaux pour noirs, ainsi qu'une colonie scolaire. Plus de six mille noirs ont reçu le baptême. Il y a actuellement dans le vicariat: 28 prêtres et 8 frères de Scheut, 4 prêtres du diocèse de Gand, 10 trappistes, 3 prêtres et 2 frères du Cœur de Jésus, 21 soeurs de Charité, 14 soeurs franciscaines et 4 trappistines.

Au 1er novembre dernier, 63 prêtres, 38 frères et 58 religieuses étaient établis au Congo.

Ces progrès rapides font un grand honneur au zèle apostolique des belges. C'est la Belgique, en effet, qui a fourni presque tous les mission­naires du Congo.

L'apostolat, dans cette vaste région, marche de concert avec les pro­grès de la colonisation.


Mme Maxime Legrand, née Marie-Séraphine Laurent, décédée à Saint­Quentin, le 5 mai 1899, dans sa 75e année, après une vie sanctifiée par une suite ininterrompue de souffrances physiques et morales, et un dévouement aux intérêts du prochain poussé parfois jusqu'à l'héroïsme. Elle était trop humble pour ne pas «s'accuser jusqu'au dernier soupir» de manquer d'amour pratique pour Jésus-Christ crucifié. Sa constance à soigner sans broncher les cholériques, lui valut l'insigne privilège d'échapper au fléau et de don­ner à l'Eglise deux prêtres héritiers de sa belle âme: M. l'Abbé Laurent Le­grand, Curé d'Itancourt, et le R. P. Joseph Legrand, Supérieur de l'Ecole apostolique Saint-Clément, de Fayet. Si nos amis voulaient bien prier d'une manière plus spéciale et plus intime pour son bonheur éternel, nous leur en garderions une profonde reconnaissance. Il s'agit indirectement des origines de notre œuvre des vocations; aussi cette séparation prend-elle le caractère d'un deuil de famille.

CHRONIQUE (Juillet 1899)

I. ROME

Les directions pontificales, politiques et sociales. - Quelques journaux réfractaires voulaient induire de la condamnation que le Saint­Père avait prononcée contre les tendances de l'Américanisme, un chan­gement dans ses directions. Ils n'étaient pas de bien bonne foi.

Le Saint-Père n'a pas voulu cependant laisser se propager ce doute sur sa doctrine, et il encourage de nouveau les catholiques sincères qui ont pris pour règle de leur vie les enseignements pontificaux. Pour exprimer sa pensée, il a pris occasion d'une lettre à Mgr l'archevêque de Bourges, nous la reproduisons:

Vénérable Frère, salut et bénédiction apostolique.

Nous n'avons pas appris sans une grande tristesse que, de certains ac­tes récemment émanés du Siège apostolique, quelques-uns prenaient tout à fait à tort occasion pour déclarer publiquement que Nous avons modifié Nos vues relativement à la conduite des catholiques de France en matière politique et sociale, conduite que dès le début Nous avons Nous-mêmes tracée, et sur laquelle depuis, nous n'avons cessé d'insi­ster, chaque fois que l'occasion s'en est présentée. Nous avons déploré d'autant plus ces agissements qu'ils sont de nature à jeter l'incertitude dans les âmes et à détourner du droit chemin les esprits bouleversés, qu'ils infligent même une flétrissure à ceux de vos concitoyens qui de toutes parts, s'efforcent d'obéir scrupuleusement à Nos exhortations et, prenant pour règle de leur vie ces mêmes exhortations, se dévouent à la religion et à la patrie.

La vérité est que ces documents, que nous avons récemment publiés, se rapportent uniquement, soit au dogme, soit à la discipline chrétienne, et ne regardent en aucune façon les prescriptions qui, nous l'avons dit, concernent les catholiques de votre pays et sont clairement contenues dans la Lettre aux Français du mois de février 1892, et dans l'Encyclique Rerum novarum.

En cette matière, que rien absolument n'ait été changé et que plutôt tout existe dans sa vigueur intégrale, il est facile de le comprendre. Car il ne serait pas digne de la sagesse du Siège apostolique d'abandonner les décisions qu'il a prises après des considérations si mûries et qu'il a incul­quées avec un zèle si soutenu; de sorte que celui qui serait d'un autre sentiment devrait être considéré comme Nous infligeant arbitrairement une grave injure.

Voilà, Vénérable Frère, ce que, dans l'amour dont Nous sommes pé­nétré pour votre nation, Nous avons cru devoir déclarer de nouveau. Ces instructions et ces avis que Nous avons si souvent donnés en vue du bien général, et qu'aujourd'hui Nous désirons renouveler avec les plus vives instances, une fois de plus et de toute Nos forces, Nous exhortons les catholiques de France à les suivre de point en point, et dans un par­fait accord de pensées et d'actions, à prendre à cœur en toute circon­stance de se laisser par eux diriger, mouvoir, grouper en corps compact.

Pour que Nos voeux à cet égard se réalisent, en témoignage de Notre bienveillance et comme gage des faveurs divines, Nous vous accordons très affectueusement dans le Seigneur, à vous et à votre diocèse, la Béné­diction apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 26 mai de l'année 1899, de Notre pontificat la vingt deuxième.

Léon XIII, Pape

Le Concile de l'Amérique latine. - Ce sera l'un des grands actes du pontificat de Léon XIII que la convocation du premier concile plé­nier de l'Amérique latine. L'action du Pape, comme celle de l'Eglise, ne se laisse pas arrêter par les obstacles. Elle sait que Dieu la soutient et qu'il contient, quand il lui plait, les puissances adversaires. Aussi peut­on appliquer à cette action, toujours combattue, toujours triomphante, l'éloquente parole applaudie naguère au congrès catholique de Ferrare, à savoir que, malgré les interruptions violentes, l'action catholique poursuit son cours et «reprend la série de ses féconds et bienfaisants tra­vaux: Nel campo cattolico, la seduta continua».

C'est la suite des travaux du Concile du Vatican; c'est l'application du Concile de Trente à toute une portion choisie de la chrétienté, à cette Amérique latine où aborda Christophe Colomb.

C'est même sous les auspices de l'immortel navigateur, qui fut aussi une gloire chrétienne, - Columbus noster est - que vint à surgir, pendant la célébration de son quatrième centenarie, la première idée du concile aujourd'hui convoqué à Rome. Léon XIII l'a constaté dans sa Lettre apostolique Cum diuturnum.

Le Pape n'a pas hésité à convoquer ce concile quoique les circonstan­ces ne lui permettent pas d'y intervenir ni d'assurer aux évêques pré­sents les honneurs qu'il eût voulu leur prodiguer, comme il l'a déclaré dans sa lettre de Noël. Et, si rien ne l'a arrêté, c'est parce que le devoir de son ministère apostolique l'emporte sur tous les obstacles et qu'il sa­vait accomplir un acte des plus bienfaisants pour «la race latine dans plus de la moitié du nouveau monde».

Quels fruits ne peut-on pas attendre de ce concile qui se tient dans l'harmonie et dans la paix sous les yeux du Pontife suprême, et qui a pris pour tâche, d'après la lettre apostolique Cum diuturnum, de «sauvegarder l'unité de la discipline ecclésiastique, de faire fleurir des moeurs dignes de la profession catholique, d'assurer la prospérité de l'Eglise par l'ac­cord de tous les bons parmi tous ces peuples de l'Amérique latine, qu'une même origine a faits pour être unis».

Sur les cent quatre archevêques et évêques qui composent les divers Etats de l'Amérique latine, il y en a cinquante-trois qui ont fait le long voyage de Rome, afin de pourvoir d'un commun accord au bien de leurs ouailles et d'éliminer les abus auxquels ils sont unanimes à reconnaître la nécessité de porter remède. Enfin, l'œuvre s'accomplira sous les yeux du pasteur suprême; si pleine que soit la liberté qu'il laisse à leurs décisions, si pénible qu'il lui soit de ne pas les honorer de sa présence, ils ressentiront de près les bienfaits de son magistère et de sa paternelle autorité.

Aussi bien ils ont montré eux-mêmes tout le prix qu'ils y attachent par le fait qu'ils ont préféré à tout autre choix celui de Rome, pour y tenir leur assemblée conciliaire, car cette préférence, comme l'a marqué la Lettre apostolique Cum diuturnum, porte en soi l'indice frappant de leur attachement au Siège apostolique non levé habebat indicium anions in aposto­licam sedem, et ne pouvait être que souverainement agréable au Pontife romain, fieri non potuit quin magna a Nobis comprobatio accedat.

Ainsi l'unité et la sainteté de l'Eglise, non moins que son caractère apostolique et romain catholique ou universel, brillent d'un nouvel éclat par l'œuvre de ce concile. Ce sera comme un rayonnement de la céleste lumière que le pontificat de Léon XIII répand sur le monde depuis plus de vingt ans.

Par les bienfaits qui résulteront de ce concile, d'autres parties de la chrétienté désireront suivre cet exemple. On aura ainsi jeté les bases de la reprise, au jour marqué par la Providence, de ce concile du Vatican qu'une situation anormale a interrompu et dont le génie de Léon XIII prépare les nouvelles assises.

La fête du travail chrétien. - L'anniversaire de la promulgation de la «grande charte du travail», l'Encyclique Rerum Novarum, deviendra bientôt la vraie fête toute pacifique du travail chrétien.

L'Italie nous devance dans ces chrétiennes manifestations. Milan, Turin et les autres centres industriels du Nord de l'Italie ont célébré cet­te grande date du 15 mai.

Rome, elle aussi, a eu sa fête du travail. Le cercle universitaire catholique en avait pris l'initiative, en invitant particulièrement l'Union démocratique. C'est au Capitole même, dans l'église de l'Ara Coeli, que s'est tenue la première réunion.

Le P. Zocchi, assistant ecclésiastique du cercle universitaire, a dégagé en quelques mots le sens et les leçons de la fête.

L'éloquent orateur, l'un des plus goûtés du peuple romain, a vive­ment félicité ses jeunes amis, les travailleurs de la pensée, d'avoir voulu s'entourer des travailleurs de la matière, pour célébrer l'anniversaire de l'Encyclique.

Le grand mérite de Léon XIII est d'avoir deviné les besoins de la so­ciété moderne, et d'avoir indiqué le seul remède. Un remède, vieux d'ailleurs de vingt siècles, car c'est l'Evangile adapté au temps présent.

Jésus-Christ est venu apporter la parole de paix au milieu des luttes de classes toujours renaissantes. A tous les hommes, il a rappelé qu'ils avaient le même père dans les cieux.

A cette occasion, le P. Zocchi rappelait le concept de la démocratie chrétienne. En Italie, où il n'y a pas comme chez nous le devoir de se ral­lier à un gouvernement démocratique choisi par la nation, ce mot n'ex­prime pas un sens politique; il veut dire surtout à l'heure présente le tra­vail commun de tous ceux qui sont puissants à un titre quelconque, dans le but de relever leurs frères, les travailleurs, aussi nobles, aussi grands devant Dieu et devant l'Eglise. Et ce mot ne doit plus surprendre les ca­tholiques depuis qu'il s'est rencontré sur les lèvres augustes du Souve­rain Pontife.

La démocratie chrétienne ne doit effaroucher personne, car elle est ju­stement l'ennemie déclarée du socialisme. Elle veut l'union des classes, alors que le socialisme excite et envenime leurs luttes. Au lieu du nivelle­ment social, réalisé brutalement par la force matérielle, ce qu'elle cher­che, c'est une sage égalité, l'égalité proclamée par l'Evangile, et qui ré­gnera lorsque les grands s'abaisseront pour relever les petits, lorsque les pauvres mettront surtout leur richesse dans leur noblesse et leur dignité d'hommes et de chrétiens.

Enfin, le socialisme ne respire que la ruine et la destruction totales, au nom d'une justice qui est le comble de l'injustice; la démocratie chré­tienne s'inspire surtout de la charité chrétienne qui unit tous les cœurs dans les liens d'une douce fraternité.

C'est le développement de cette charité qu'assurera l'application gra­duelle des idées de l'Encyclique.

II. FRANCE

Nos congrès: Le droit d'association. - Le congrès de M. Lamy a été un congrès d'étude, calme, sérieux et propre à influencer les hommes qui réfléchissent.

Deux discours, à la lecture, nous ont surtout frappé, celui de M. Fon­segrive et celui de M. Lamy.

M. Fonsegrive a vraiment donné les éléments décisifs de la solution à trouver: les associations doivent être libres ou prohibées suivant le but qu'elles poursuivent, parce qu'elles ne sont qu'un instrument pour faire mieux ce qu'on pourrait faire individuellement.

«L'association par elle-même, dit M. Fonsegrive, ne produit rien de nouveau; elle sert seulement à mieux faire et à faire plus économique­ment ce que les hommes isolés feraient moins bien et avec plus de dépen­se. C'est un outillage supérieur. Or l'Etat n'a pas le droit de connaître de l'outillage, mais seulement des produits sociaux. Le code pénal déter­mine ce qui est nuisible et doit être interdit, tout le reste doit demeurer libre. Dès que le but de l'association n'est pas interdit, l'association a droit à la liberté et, puisque l'association est un outillage supérieur, cette liberté est une condition du progrès social».

«Il suit de là que l'association n'a qu'à déclarer son existence pour que l'Etat, ayant reconnu licite l'objet de l'association, soit obligé de la reconnaître et de la laisser libre d'accomplir ses fins. Mais l'association est seule juge des moyens, elle doit donc être libre de s'organiser comme elle l'entend. Elle seule a le droit de limiter ou non le nombre de ses adhérents; elle a besoin de ressources financières, elle a donc le droit de posséder et de disposer de ses biens au mieux de ses intérêts. D'où il suit qu'elle a le droit d'ester en justice, qu'elle jouit, par le fait seul de son existence, de la personnalité civile et qu'elle a le droit d'en appeler aux tribunaux pour imposer le respect de ses statuts».

Et si l'on objecte à M. Fonsegrive que la liberté d'association reconsti­tuera des biens de mainmorte et créera des Etats dans l'Etat, il répond: 1° que la propriété terrienne n'a plus la même influence sociale qu'avant la Révolution, que la proprieté mobilière est devenue économiquement plus puissante et plus redoutable, d'où il suit que la peur de la mainmor­te est un préjugé; 2° que si l'on veut limiter la propriété des associations il faudra, pour des raisons analogues et plus fortes encore, limiter la for­tune des particuliers.

Quant à former un Etat dans l'Etat, les associations ne le pourraient que par une insurrection à main armée ou par la persuasion; si elles s'in­surgent, l'Etat, qui seul dispose de la force armée, peut aisément les ré­duire à l'obéissance; si la puissance des associations leur vient de la per­suasion; c'est précisément la caractéristique des pays libres, que la puis­sance fondée sur la persuasion arrive au pouvoir effectif et la République est justement le gouvernement où les chefs ne commandent aux corps qu'après avoir fait la conquête des âmes. L'Etat doit toujours être du cô­té où est l'assentiment national. Il est donc impossible que dans un Etat libre il y ait conflit, le conflit ne pourrait se produire que dans une mo­narchie ou une république despotique.

L'orateur termine en exprimant sa foi au progrès et à la souveraine puissance de la vie. L'association est un progrès, un outillage supérieur; les conceptions sociales de toute nature qui ne peuvent s'accorder avec ce progrès sont donc condamnées à disparaître. Mais l'association tôt ou tard et quoi qu'on fasse, se réalisera et se réalisera librement.

M. Lamy a raison de dire que parmi les forces aujourd'hui disparues ou anémiées en France, nulle ne nous manque davantage, nulle ne serait plus régénératrice que l'association. Il le prouve:

«Pour juger d'ensemble l'influence de ce droit sur un peuple, il nous suffit de nous souvenir. Dans notre histoire durant l'ascension continue de nos destinées jusqu'aux gloires trompeuses et décevantes de la mo­narchie absolue, quelle grandeur de la France ne fut pas l'œuvre des as­sociations? Leurs énergies assurent à la commune ses franchises, à la province ses privilèges, au royaume son inlassable résistance contre l'êtranger; la variété de leurs combinaisons fait à chaque homme place dans des fraternités où il trouve soutien, discipline, une solidarité de son intérêt particulier avec un intérêt collectif; leurs dévouements et leurs ressources entretiennent, sans impôts ni fonctionnaires, la plupart des services publics; leurs expériences donnent une organisation au monde du travail; l'Etat n'est que le régulateur de ces forces autonomes et cha­cune d'elles accroît celle de la nation».

«Si leurs formes avaient fini par vieillir, et leur hiérarchie par imposer à l'individu trop d'inégalités et de contraintes, les imperfections étaient à détruire, non la vie».

«C'est la vie que le pouvoir absolu a épuisée. Nous voyons son œuvre: la solitude prescrite au Français comme la condition de l'ordre, l'impuis­sance née de cette solitude, l'obligation échue au gouvernement de suppléer cette impuissance, le citoyen si annihilé qu'il se détache des intérêts publics, l'Etat si envahisseur qu'il devient la providence des intérêts privés, une bu­reaucratie succombant à usurper la tâche d'un peuple, et la nation appau­vrie de ce qui est enlevé à l'indépendance de tous».

Il conclut en disant:

«Voilà la liberté qui nous manque. Nous avons toutes celles qui don­nent la fièvre, nous n'avons pas celle qui donne la santé».

«Il nous la faut. Notre pays ne peut rester dans son infirmité présente de paralytique bavard. S'il importe de délier la langue, il importe plus de délier les membres. Et puisque notre parole est libre, employons-la à crier que le but, la dignité, le devoir de la vie est l'action, et que l'action de l'homme ne peut être efficace si elle reste isolée. Voilà l'idée mère du congrès qui s'ouvre aujourd'hui».

- Au Congrès de l'enseignement, à Lyon, j'aime la fermeté de lan­gage par laquelle M. de Gailhard-Bancel revendique non pas seulement le minimum de liberté qu'on nous a octroyé si chichement, mais la liber­té intégrale à laquelle nous avons droit et l'égalité complète des catholi­ques avec les autres pour les subventions de l'Etat.

M. de Mun pense qu'il ne faut pas demander trop à la Chambre ac­tuelle, soit, mais dans la presse et dans les conférences, il ne faut rien ab­diquer de nos droits.

Mgr de Cabrières a promis le concours de l'épiscopat pour la défense de cette liberté sacrée.

Voici le texte de la pétition arrêtée au récent congrès de Lyon pour ré­clamer la liberté d'enseignement:

Messieurs les sénateurs,

Messieurs les députés,

Vous êtes saisis de trois projets de loi que vous ne pourriez adopter sans trahir un grand nombre d'électeurs qui vous ont donné leur con­fiance. Ces lois porteraient une grave atteinte à la liberté d'enseigne­ment à tous ses degrés, et nous dépouilleraient de l'éducation de notre choix pour imposer à nos enfants celle de l'Etat.

Payant l'impôt du sang et l'impôt de nos biens, soumis à toutes les charges publiques, nous, citoyens français, persuadés que la liberté ne doit pas être une vaine parole inscrite sur les murs.

Nous venons vous demander de nous garantir la plus chère et la plus sacrée de toutes, celle que le père de famille a d'élever ses enfants, sui­vant sa conscience, dans la pleine jouissance du droit commun.

Le réveil. - Bien des hommes intelligents, effrayés par les progrès du désarroi moral de la nation, reviennent à nous et combattent dans nos rangs. M. Brunetière nous est tout acquis.

M. Jules Lemaitre combat avec nous, et vigoureusement, contre la franc-maçonnerie. Voici la pétition qu'il fait signer:

Les soussignés.

Considérant que les sociétes secrètes sont interdites par la loi.

Que l'association dite franc-maçonnerie est en fait, par ses statuts, et de son propre aveu, une société secrète.

Que ce caractère secret, délictueux en lui-même, emprunte une gravi­té particulière à ce fait que la franc-maçonnerie affecte de donner des or­dres au gouvernement, d'imposer aux législateurs le vote de projets de loi élaborés par elle, et que son dessein parait être l'accaparement des pouvoirs publics.

Qu'elle entretient avec les franc-maçonneries étrangères des relations occultes et, à ce seul titre, suspectes.

Que la loi doit être égale pour tous.

Que la conscience publique ne saurait admettre qu'une société politi­que et secrète bénéficie d'un régime de tolérance, alors que la loi est ap­pliquée à des associations qui agissent à ciel ouvert.

Prient respectueusement M. le garde des sceaux, ministre de la justi­ce, de sanctionner le principe de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, en appliquant aux membres de la société secrète dite franc­maçonnerie l'article 13 du décret-loi des 28 juillet et 2 août 1848, main­tenu par la loi du 30 juin 1881.

Président de la ligue de la Patrie Française, association à ciel ouvert, deux fois condamnée, j'ai le devoir de signer cette pétition, et je vous en­gage à en faire autant.

On trouve des feuilles de pétitionnement chez M. Alain Leret, 97, rue du Bac.

Jules Lemaitre

- Le Comité consultatif d'hygiène de France se met en campagne avec nous contre l'alcoolisme.

Saisi par le ministre de l'intérieur de questions relatives à l'alcooli­sme, il réclame l'abrogation de la loi du 17 juillet 1880 qui a proclamé la liberté absolue d'ouvrir des cabarets. Il a été démontré que cette loi a été, non pas la seule cause, mais la cause première de la diffusion de l'al­coolisme en France. Rien que dans une seule ville - la ville de Rouen - elle avait eu pour premier effet d'augmenter de 4001e nombre des dé­bits d'alcool.

Le Comité d'hygiène ajoute, dans son rapport, que l'abrogation de la loi de 1880 ne doit être qu'un premier pas, et que beaucoup d'autres me­sures préservatrices s'imposent.

- Les funestes effets du divorce sont proclamés aussi par des jour­naux ordinairement moins prudes.

Dans le Figaro, M. Hugues Le Roux qui a fait une longue enquête sur les effets du divorce, pousse aujourd'hui, en manière de conclusion, un cri d'alarme contre les funestes effets de la loi Naquet.

Depuis cette loi, la criminalité s'est accrue d'une façon anormale, et on ne compte plus les drames auxquels elle a donné lieu. Les enfants abandonnés deviennent de précoces bandits promis au bagne après la maison de correction; et M. Guillot, ancien juge d'instruction, a consta­té, en une seule année, une augmentation de 3092 enfants criminels, «fils du cabaret, de l'école sans Dieu et du divorce».

M. Hugues Le Roux ne peut pas être classé parmi les écrivains catholi­ques, et ce n'est que contraint par l'évidence des chiffres et des constatations matérielles qu'il est amené à condamner le divorce et l'école sans Dieu.

III. AUTRES PAYS

Conversions en Angleterre. - Le Cardinal Vaughan a déclaré à un journaliste catholique anglais que, depuis 1895, date de la publication de l'Encyclique aux anglais, le chiffre des conversions au catholicisme s'élève à 30,000 environ, soit 9,000 par an. Remarquez que parmi ces con­vertis se trouve l'élite des protestants pratiquants et des ministres angli­cans.

A signaler aux bonshommes de la presse anti-catholique, qui clament que l'Eglise est perdue, parce qu'un Charbonnel la déserte.

Quand le Pape nettoie son jardin, il jette aux protestants les mauvai­ses herbes.

Les missions catholiques en Chine. - L'année dernière, le chiffre des adultes baptisés, dans les vicariats dépendant du seul Séminaire des missions étrangères de Paris, a dépassé 70,000. Ce chiffre partiel n'est pas complet, mais suffit à prouver les étonnants progrès faits par le ca­tholicisme parmi les populations du Céleste-Empire.

En Corée, même, le mouvement a été très prononcé. Dans une de leurs missions de Chine, les Pères jésuites se sont vus entraînés à fonder 40 postes nouveaux; dans une autre, ils comptent plus de 30,000 caté­chumènes sérieux.

Les Lazaristes établis au Tché-ly septentrional et occidental, au Tché­Kiang et au Kiang-Si, ont observé les mêmes progrès. Le seul Tché-ly septentrional, dont est Pékin, a vu, 1.800 païens adultes recevoir le bap­tême en 1898. Ce vicariat a été dernièrement éprouvé par la mort de Mgr Sarthou, dont la santé depuis longtemps était chancelante; mais le coadjuteur du regretté prélat, pendant que l'évêque offrait à Dieu ses souffrances pour son troupeau, bataillait dans la mêlée.

L'infatigable Mgr Favier rend en Chine les plus grands services par son zèle apostolique, par sa connaissance des affaires, par l'autorité de sa parole et par la considération dont il jouit auprès des plus hauts fonction­naires de la capitale du Céleste-Empire.

Interrogez les missionnaires des divers Ordres ou Congrégations tra­vaillant en Extrême-Orient: Franciscains, Dominicains, Augustiniens, prêtres de la Société, de Milan ou de celle de Stevi, du séminaire des saints Pierre et Paul de Rome ou de Scheut-lez-Bruxelles, beaucoup d'entre eux tiendront le même langage. «En ce moment, un souffle du Saint-Esprit, lisons-nous dans le rapport de la Société des missions étrangères, paru ces jours-ci, a passé sur quelques-unes de nos missions et y a déterminé un élan irrésistible des païens vers notre sainte religion.

«Dans beaucoup d'endroits, comme il ressort de plusieurs comptes rendus, les infidèles se présentaient d'eux-mêmes pour recevoir l'in­struction et le baptême, et si les ouvriers avaient été plus nombreux et les ressources plus abondantes, nul doute que les conversions n'eussent at­teint un chiffre encore plus considérable».

On a annoncé récemment qu'un décret de l'empereur a reconnu offi­ciellement l'existence de la religion catholique en Chine. Nul doute que ce joyeux événement, un des plus importants qui se soit produit dans l'histoire des missions de Chine, ne contribue puissamment à accélérer le mouvement des conversions.

Alsace: à Strasbourg. - Nous donnons, d'après l'Agence Havas, le récit de la consécration de l'église catholique de la garnison de Stra­sbourg:

«Mercredi matin a eu lieu la consécration de l'église catholique de la garnison, rue de la Forêt-Noire, dont la première pierre avait été posée le 10 mai 1896. De nombreux mats reliés par des guirlandes de verdure et ornés d'écussons et de drapeaux aux couleurs nationales et aux cou­leurs papales avaient été plantés autour de l'église, dont la flèche avait été également pavoisée.

Le Statthalter, qui est arrivé à dix heures et demie, a été reçu, sous le grand portail, par Mgr Assmann, aumônier en chef de l'armée alleman­de, et conduit à la place qui lui avait été réservée dans le choeur.

Dans la nombreuse assistance, on remarquait Mgr Fritzen, évêque de Strasbourg; MM. de Schrant, Zorn de Bulach, Petri, sous-secrétaire d'Etat; Back, maire; Halm, président du département; les généraux de la garnison, de nombreux fonctionnaires, des détachements des diffé­rents Corps de troupes de la garnison, etc.

La messe a été célébrée par Mgr Assmann, et le sermon prononcé par M. Wilhelm, aumônier de la 31e division militaire.

La cérémonie a été rehaussée par l'exécution de choeurs chantés par la Société le Liederkrantz, et par l'Ave Maria de Cherubini, chanté par Melle Rede, une élève du Conservatoire de notre ville».

Si Strasbourg appartenait encore, comme avant 1870, à la fille aînée de l'Eglise, le gouvernement de M. Dupuy ne tolérerait pas ces choses là. Hélas!

CHRONIQUE (Août 1899)

I. ROME

Les associations sacerdotales. - C'est encore là une direction pontifi­cale. Pie IX et Léon XIII ont approuvé et vivement recommandé l'Union apostolique des Clercs séculiers, déjà adoptée, à l'heure présente, par environ six mille prêtres, résidant en majeure partie en France.

La règle de l'Union apostolique rétablit, dans la mesure du possible, l'ancien institut des Clercs séculiers vivant en communauté. Les prêtres de l'Union s'éfforcent d'avoir dans chaque diocèse quelques centres de vie commune. Ils notent chaque soir leurs manquements à la règle sur un bulletin que l'on soumet, à la fin du mois, au Supérieur diocésain.

Léon XIII, dans son Bref à M. Lebeurier, en date du 31 mai 1880, a témoigné sa joie des résultats déjà obtenus. «Nous sommes heureux, a-t­il dit, de recommander cet institut si utile, surtout en ces temps difficiles, qui semblent vraiment exiger un tel secours. Bien plus, nous exhortons tous les prêtres du clergé séculier à s'enrôler dans cette association si salu­taire, assurés qu'ils seront de procurer plus efficacement leur bien per­sonnel et celui de la religion…»

La sanctification des prêtres n'est-elle pas l'œuvre des œuvres? Nos prê­tres n'ont-ils pas besoin d'être soutenus et encouragés dans leur isolement? Les associations sacerdotales sont un des plus grands moyens pour le renouvellement de la vie chrétienne.

Le centre de l'Union est chez M. Lebeurier, 25, rue Humbold à Pa­ris. M. le curé de Meysse (Ardèche) est à la tête d'une Union apostoli­que des curés de campagne.

II. FRANCE

Echos de l'hommage au Sacré-Cœur. - Le grand acte d'hommage a donc été accompli dans toutes nos paroisses! Ce n'est pas encore l'hommage des gouvernements et des sociétés, mais c'est déjà l'homma­ge d'une partie du peuple chrétien, le Ciel nous en tiendra compte. J'aime à considérer deux épisodes de ce grand acte. Ces deux épisodes sont en plein contraste et cependant ils sont grands tous les deux. D'un côté, je vois une foule émue, animée, enthousiaste: c'est à Montmartre, où trois mille hommes acclament le Christ et font appel à la pitié de son Cœur adorable. De l'autre côté, je vois un homme seul: c'est à la con­fession de Saint-Pierre, le jour de la fête des Saints Apôtres. Léon XIII est là agenouillé. Comme Pontife universel, il parle au nom de l'huma­nité. Il résume en sa pensée tous les hommages offerts au Sacré-Cœur sur toute la terre et il redit la formule qu'il avait envoyée partout. Ce sont là de grands jours pour l'Eglise et pour notre pauvre France.

Le R. P. Coubé, à Montmartre, a bien parlé de cette pauvre nation désemparée. Il a rappelé tout ce que le Christ a fait pour elle et les grands secours qu'il lui a procurés par Jeanne d'Arc et les grandes espé­rances qu'il lui a laissées par Marguerite-Marie.

«Les forces conjurées de l'enfer, disait-il, les loges maçonniques et la libre-pensée cosmopolite veulent tuer la France, parce que, malgré ses abaissements, elle a une incomparable puissance de prosélytisme».

Il concluait:

«La France chrétienne et catholique n'est pas morte. Comme la jeune fille de l'Evangile, elle n'est qu'endormie».

«Qui sommes-nous pour représenter la France ici? Cette cérémonie devrait être officielle pour être vraiment nationale; mais ne convient-il pas d'y voir comme «un tressaillement» du pays représenté par ses éli­tes morales? Ce n'est pas la «proclamation du règne de Jésus-Christ»; mais le plébiscite qui reconnaît la nécessité sociale de l'avènement de ce règne.

«Puisse, l'année prochaine, l'église du Sacré-Cœur entièrement ter­minée et débarrassée de ses échafaudages, prouver aux étrangers, à l'ou­verture de l'exposition, que la France sait encore faire «plus grand» pour Dieu que pour ses plaisirs!

«Et que le dôme de cet édifice soit à jamais la hampe gigantesque du drapeau du Sacré-Cœur, drapeau qui le gardera et qui gardera la Fran­ce!».

Les hommes de France au Sacré-Cœur. - Les organisateurs du pèlerinage merveilleux qui a conduit 60.000 hommes à Lourdes veulent perpétuer leur œuvre.

Ils adressent un appel aux hommes de France, nous le reproduisons: Réunir tous les catholiques de France sous l'étendard du Sacré-Cœur de Jésus, symbole de salut, doit être le but ardemment poursuivi par tous ceux qui veulent entraîner les hommes aux pratiques religieuses et aux courageusees manifestations de notre foi.

Il est inutile de le prouver.

D'une part, les grâces puissantes doivent nous venir par le Sacré­Cœur de Jésus, et, d'autre part, il y a des harmonies profondes entre les cœurs des hommes et le cœur parfait de notre divin Sauveur.

Aussi bien, c'est dans le Sacré-Cœur de Jésus seul quel peuvent s'unir toutes les œuvres d'hommes et toutes les associations paroissiales d'hommes afin de former la grande et pacifique armée de chrétiens.

Formation des groupes

Nous demandons aux curés des paroisses de former des groupes d'ho­mes voués au Sacré-Cœur de Jésus:

1° Avoir une bannière du Sacré-Cœur ou bien l'étendard national du Sacré-Cœur;

2° Demander aux hommes des groupes de se faire inscrire dans l'Ar­chiconfrérie du Sacré-Cœur de Montmartre et de réciter chaque jour la prière de l'Archiconfrérie.

Pater, Ave, Credo. (On peut appliquer a cette intention les Pater, Ave, Credo de la prière du matin ou de celle du soir).

Cœur sacré de Jésus, je me consacre entièrement à vous; protégez la sainte Eglise contre ses ennemis, ayez pitié de la France et faites que je vous aime toujours davan­tage.

3° Demander que les hommes du groupe répondent aux appels de leur curé, chaque fois qu'il y aura une manifestation religieuse, messe d'hommes, procession, pélerinage paroissial, etc., et se rangent sous le drapeau du Sacré-Cœur.

4° Quand l'Evêque convoquera à un pèlerinage diocésain d'hom­mes, les groupes tiendront à honneur d'être représentés par leur éten­dard et quelques délégués;

5° Dans les pélerinages nationaux, s'il est possible, les groupes enver­ront l'étendard et les délégués.

Fédération des Œuvres d'hommes déjà existantes

Les œuvres d'hommes déjà existantes, Tiers-Ordres, Confréries, As­sociations de quelque nature qu'elles soient, tout en conservant leur au­tonomie et leur caractère spécial, pourront être agrégées à cette union.

Elles se feront représenter aux manifestations de foi et de piété tant diocésaines que nationales.

Organisation

I. Un Comité central, dépendant de l'Archevêque de Paris, ayant son siège a Montmartre, dirigera ce mouvement de l'Archiconfrérie du Sacré-Cœur pour les hommes de France.

II. Dans tous les diocèses où NN. SS. les Evêques le permettent, il se­ra nommé par eux un dignitaire ecclésiastique qui aura les fonctions de président. Le président formera un comité diocésain composé d'un di­recteur, d'un sous-directeur, et de plusieurs membres conseillers­zélateurs.

III. Par le soins du comité diocésain, il sera créé, sous la présidence des doyens, des comités cantonaux pour promouvoir les groupes d'hom­mes et préparer les manifestations religieuses.

N B. - Dans les réunions des Comités ou dans les manifestations des hommes de France au Sacré-Cœur, il ne pourra jamais se traiter des questions politiques ou socia­les. Elles seront uniquement consacrées aux œuvres de foi, de piété, de charité chré­tienne, cherchant avant tout le règne du Sacré-Cœur de Jésus, et le reste nous sera donné par surcroît.

Puissent se lever partout des Apôtres qui, mettant toute leur confiance en Dieu, ose­ront appeler les hommes de France pour les réveiller de leur indifférence, leur inoculer le courage chrétien et travailler ainsi à la rénovation du pays.

Léon Xill nous indique le moyen en montrant la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus comme le remède à tous nos maux.

Qu'il sera consolant de contempler à nouveau des foules d'hommes chanter, comme à Lourdes, leur Credo, jurer d'observer la loi de Dieu et promettre de donner, s'il le faut, leur vie à Notre-Seigneur Jésus-Christ.

La liberté. - Le Congrès des jurisconsultes catholiques (Lyon, 17­22 juillet) revendique la liberté pour les catholiques. Nous sommes sous le régime de l'arbitraire et de la persécution depuis un siècle. La liberté est sur toutes les lèvres, elle n'est pas dans les lois ni dans les moeurs.

Quelques lignes du programme de ce beau Congrès en disent long sur nos servitudes, et cependant nous sommes en république! Agissons donc sans relâche. Unissons-nous et revendiquons nos droits sans nous lasser. La justice finira par triompher.

Voici la litanie de nos servitudes:

L'ARBITRAIRE ADMINISTRATIF

SES MANIFESTATIONS

I. Atteintes à la liberté des cultes. - Ouverture de chapelles. - Propriété et entretien des édifices religieux. - Processions. - Manifestations reli­gieuses.

II. Atteintes à la liberté de l'enseignement. - Ouverture d'écoles. - In­spections. - Obligation du programme d'enseignement résultat de l'obligation du programme officiel des examens.

III. Atteintes à la liberté de la charité. - Obstacles apportés à l'ouverture d'un hôpital, d'un dispensaire. - Droit contesté aux citoyens de choisir les mandataires chargés de leurs aumônes. - Loteries de charité.

IV. A l'égard des personnes.

a) Particuliers. - Atteintes à l'inviolabilité du domicile. - Perquisi­tions et saisies: article 10, C. inst. crim.

b) Collectivités. - Autorisation et révocation d'autorisation pour les associations: articles 291, 292, C. pén.

V. Atteintes au droit de propriété: Des particuliers:

a) Servitudes légales d'utilité publique imposées sans indemnité. - Servitudes militaires. - Voirie.

b) Obstacle au droit de disposer de son bien pour un objet utile ou charitable.

c) Suppression des traitements ecclésiastiques.

Des établissements d'utilité publique:

Tutelle administrative. - Emploi des capitaux imposé et parfois nui­sible. Entrave au droit de disposer et de recevoir.

III. AUTRES PAYS

Belgique. - L'action maçonnique a sa grande part dans l'agitation qui trouble la Belgique, comme dans les affaires d'Autriche, de France et d'Espagne, et la juiverie cosmopolite tient les fils de toute cette propa­gande révolutionnaire par les loges et par la presse. Il arrive parfois aux juifs de laisser voir le bout de l'oreille. Un journal Viennois, qui est en­tre leurs mains, se félicitait récemment de leur succès croissant dans la désagrégation des nations catholiques. C'est une leçon pour nous. Prions et agissons.

Ecoutons le Saint-Père qui nous supplie de ne pas nous diviser. Ces­sons les polémiques irritantes. Suivons les directions du Saint-Siège. Al­lons au peuple et formons des associations. Que Dieu vienne en aide aux catholiques de Belgique, qui ont vraiment donné l'exemple à l'Europe par leurs œuvres et leur activité politique!

Espagne. - La pauvre Espagne est bien humiliée, bien troublée. Les catholiques de toutes les nations doivent prier pour elle. Elle a tant fait pour le règne de Jésus-Christ! Elle a donné à l'Église saint Domini­que, saint Ignace, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix. C'est elle qui a propagé le culte de saint Joseph. C'est à elle aussi que l'Amérique du Sud et les Philippines doivent la foi.

Tout le bien qui se fait par les jésuites et les Dominicains plaide pour elle devant Dieu. L'Ordre Franciscain doit saint Pierre d'Alcantara à l'Espagne et saint Antoine de Padoue au Portugal.

L'Espagne aime beaucoup le Sacré-Cœur, ce sera pour elle un élé­ment de salut. Toutes les villes d'Espagne ont des monastères de Visi­tandines, on les appelle là-bas les Salésiennes, las Salesas, et dans ces mai­sons on aime le Sacré-Cœur et on le fait aimer.

Les nouvelles paroisses fondées dans les villes qui s'accroissent sont généralement dédiées au Sacré-Cœur. Barcelone, Bilbao, Saint­Sébastien ont de belles églises du Sacré-Cœur.

Prions pour les nations catholiques qui sont le point de mire des atta­ques de la franc-maçonnerie.

La sainte Russie: l'anneau des Czars. - Les empereurs de Russie se sont transmis un anneau dans lequel est enchâssé, dit-on, un fragment de la vraie Croix. Nicolas II a toujours cette précieuse bague sur lui. Il l'avait oubliée un jour et s'en aperçut au moment de passer une revue; il fit surseoir à la revue jusqu'au moment où un messager, dépêché en tou­te hâte au palais impérial, lui rapporta cette bague.

Une pareille foi chez nos souverains d'Occident serait d'un bon exem­ple pour les pouples.

Allemagne: retour au régime corporatif. - A l'exemple de l'Autri­che, l'Allemagne entre de plus en plus dans la voie de l'organisation cor­porative. Depuis longtemps, la plupart des membres du Centre inci­taient le gouvernement impérial à adopter cette réforme. Ainsi, le 24 no­vembre 1891, M. l'abbé Hitze interpellait le ministère sur ses intentions à ce sujet.

Enfin la loi du 26 juillet 1897, connue sous le nom de loi des métiers (Handwerkergesetz), vint donner partiellement satisfaction aux efforts des chrétiens sociaux. La plus grande partie de ses dispositions concerne les corporations auxquelles des prérogatives importantes sont reconnues en ce qui concerne l'apprentissage et les écoles techniques, les examens à subir pour devenir maître, et la possibilité de créer des tribunaux arbi­traux. Cette loi, écrit M. Georges Blondel, auquel nous empruntons ces renseignements7) a déjà fortement développé le mouvement qui, depuis quelques années, poussait les artisans vers les groupements professio­nels. D'après les statistiques élaborées par W. Stieda, en 1890, il y avait déjà, à ce moment, 321,219 artisans groupés en 10,223 corporations. On peut aujourd'hui doubler hardiment ces chiffres et admettre que le systè­me corporatif est dès maintenant le «noyau des métiers». Les catholi­ques ne se montrent cependant pas encore satisfaits des résultats obte­nus. L'organisation des métiers ne pourra, disent ils avec raison, pro­duire de bons fruits que si elle s'appuie sur des artisans plus instruits, su­périeurs, au double point de vue morale et économique, à ceux d'au­jourd'hui. De là, notamment, la demande d'un «certificat de capacité», complément nécessaire des mesures édictées par la loi nouvelle en matiè­re d'apprentissage.

Mais ce qu'on réclame peut-être avec le plus de force, c'est la création de «Chambres de travail» (Arbeitskammer), qui auraient pour but princi­pal de permettre aux intéressés d'être consultés sur les lois ouvrières. Il est inadmissible, fait-on remarquer, surtout à une époque aussi démo­cratique que la nôtre, que les mesures législatives les plus graves concer­nant les questions sociales soient prises par des assemblées presque entiè­rement composées de gens qui n'ont «jamais vécu dans le contact intime des salariés». Aussi, il y a quelques jours, le Reichstag a été saisi d'une proposition du Centre ainsi conçue: «Le Conseil fédéral est invité à pré­senter au Parlement, le plus tôt possible, un projet de loi pour la création de Chambres de travail, pour rendre possible aux ouvriers l'expression de leurs désirs et de leurs plaintes, et pour donner occasion aux différen­tes administrations de l'Etat d'être toujours au courant de la situation ouvrière, et d'avoir ainsi des relations avec les travailleurs. «Dans la pensée des députés catholiques qui ont presenté cette motion, ces nou­veaux corps qu'il faut rapprocher à divers égards des Chambres de com­merce et des Chambres de métier, doivent constituer la représentation légale de la classe laborieuse. Comme on le voit, la proposition du Cen­tre qui, d'ailleurs, a été généralement bien accueillie, a une portée consi­dérable.

La Suisse est très avancée dans cette voie. Sa Fédération ouvrière réu­nit tous les trois ans un congrès qui est un véritable parlement du travail. En France et en Belgique, l'esprit corporatif renaît. Des milliers d'as­sociations ont surgi, mais il n'y a pas encore d'organisation générale. Nous réclamons en France des Chambres d'agriculture et des Chambres du travail.

La vie corporative est conforme à nos instincts sociaux et à nos be­soins, mais il est bien urgent que les catholiques ne se tiennent pas en de­hors de ce mouvement, pour ne pas y laisser dominer l'influence franc­maçonnique.

Le Sacré-Cœur en Suisse. - Le beau lac des Quatre-Cantons est maintenant dominé par une belle statue du Sacré-Cœur élevée sur le ro­cher de Meggerhorn près de Lucerne. Mgr Haas, évêque de Bâle, a béni solennellement la statue. Elle inspirera quelques bonnes pensées aux in­nombrables touristes qui visitent Lucerne et son lac.

CHRONIQUE (Septembre 1899)

I. ROME ET L’ÉGLISE

Le développement des Ordres religieux. - En dépit des persécu­tions et des confiscations subies par les Ordres religieux en France, en Espagne, en Portugal, au Mexique, en Italie et ailleurs, les familles reli­gieuses ont repris en ce siècle un développement merveilleux. Voici quelques statistiques:

Les diverses Congrégations bénédictines ne comptent pas moins de 4,300 moines; les Trappistes ont fondé des maisons jusqu'en Afrique et en Australie et sont plus de 3,300; les Franciscains sont près de 17,000; les Capucins 8,300; les jésuites sont aujourd'hui plus de 15,000, épars dans toutes les contrées du globe.

Quant aux nouvelles congrégations fondées en ce siècle, elles se comp­tent par centaines, et leurs membres par dizaines de mille. Les Commu­nautés religieuses de femmes comptaient en France 60,000 membres quand la Révolution les détruisit. Elles en comptent aujourd'hui plus de 150,000.

L'acte d'hommage. - Nous avons donné déjà l'acte d'hommage proposé par le Souverain Pontife et celui du diocèse de Blois. Dans ce diocèse, des chefs de famille, des patrons ont formulé un acte d'homma­ge pour exprimer leurs propres sentiments. Nous ne croyons pas être in­discret en publiant l'hommage de la grande imprimerie de Blois que son directeur, M. Emmanuel Rivière, ingénieur, a bien voulu nous commu­niquer. Nos lecteurs en seront édifiés.

«En présence de la très sainte Trinité, de la Vierge Immaculée, notre Mère, de saint Raphaël, patron de notre foyer créé le 24 octobre 1888, et de saint Jean, patron spécial de la Corporation des imprimeurs». «Entouré des miens et de quelques-uns de mes ouvriers qui adhèrent sans réserve à cet hommage, constituant ainsi un groupe social, je prends l'engagement suivant:

Voulant considérer Notre-Seigneur Jésus-Christ, réellement et sub­stantiellement présent sur cet autel, non seulement comme notre Dieu, mais encore comme Chef suprême de la Patrie française, nous voulons répondre dans la mesure de nos forces, filialement et du fond du cœur, aux demandes formulées par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, en 1689.

Nous demandons l'achèvement de la basilique de Montmartre;

Nous renouvelons la consécration;

Nous faisons l'hommage complet, sans réserve;

Nous demandons que le Sacré-Cœur soit placé sur l'étendard natio­nal.

En tant que constituant une nouvelle famille industrielle, moi, le Chef et le Père, je fais hommage au Christ de cette nouvelle maison, et du fond du cœur je dis, et je demande aux miens de dire avec moi:

Seigneur, que votre volonté sainte soit observée toujours, quoi qu'il arrive, malgré tout, dans cette maison qui est vôtre de par notre vo­lonté.

Que les écrits qui en sortent fassent aimer et glorifier votre nom. Aidés de votre grâce, voilà ce que nous voulons faire.

Et maintenant, Seigneur, protégez et défendez ceux qui se déclarent vos hommes-liges; montrez, nous vous en supplions, que la prospérité matérielle dépend de vous seul, et que vous l'accordez à ceux qui cher­chent loyalement le règne de Dieu et sa justice ici-bas».

II. FRANCE

Causes françaises de canonisation:

LUÇON - Les martyrs vendéens. - La Semaine catholique du diocèse de Luçon publie cette note:

Mgr l'évêque de Luçon vient de rappeler à ses prêtres le désir qu'il leur avait exprimé déjà de les voir rechercher avec soin «tous les titres de gloire de sa chère église de Luçon». Sa Grandeur leur demande de vou­loir bien lui adresser les renseignements qu'ils auront pu recueillir sur les habitants de leur paroisse, qui ont subi la mort en haine de la foi, durant la révolution de la fin du siècle dernier.

L'accueil si favorable qui a été fait en cour de Rome à la cause des Carmélites de Compiègne, ajoute Monseigneur, nous autorise à croire que le même honneur pourrait être accordé un jour à nos héroïques mar­tyrs vendéens.

LYON. - Le P. Eyrnard. - S. Em. le cardinal-archevêque de Lyon vient de publier un mandement pour demander communication des écrits du ser­viteur de Dieu Pierre Julien Eymard, prêtre fondateur de la congrégation du très saint Sacrement. Le P. Eymard a appartenu pendant quelque temps à la Société des PP. Maristes et a résidé plusieurs années à Lyon.

Ceux qui reviennent à nous. - Ce n'est pas seulement Brunetière qui rompt en visière avec l'esprit voltairien de la littérature contempo­raine. Huysmans est tout à fait revenu, quoique son volume sur «la Ca­thédrale» ait été mis à l'index à cause de quelques boutades contre le clergé. Huysmans aime beaucoup saint Benoît et les bénédictins. Der­nièrement il écrivait dans l'Écho de Paris une biographie de sainte Fraçoise Romaine, fondatrice des Oblates bénédictines. Comme il mar­quait bien là le grand rôle de la Sainte dans l'histoire de l'Église!

«L'époque, dit-il, pendant laquelle vécut Françoise Romaine fut une époque de honte et de peur pour les Papes. Durant les cinquante-six an­nées qu'elle souffrit ici-bas, ce fut l'enfer à Rome; les populations con­stamment soulevées s'égorgent; le roi de Naples Ladislas envahit à plu­sieurs reprises le Vatican et la misère et la peste achèvent les ribotes san­glantes de ses troupes; les Souverains Pontifes se succèdent et, à peine élus, on les rejette; à un moment, ils sont trois ensemble qui s'excommu­nient les uns les autres, tandis que l'antipape Pierre de Lune les couvre à son tour d'anathèmes… Et en même temps que la situation s'annonce désespérée, des saintes très particulières surgissent: sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne qui s'interposent et s'essaient à con­jurer le schisme; puis sainte Françoise Romaine qui fut plus spéciale­ment l'une des victimes réparatrices de ces maux et qui se répercute au loin dans la personne de sainte Lydwinne de Schiedam, car elles furent, toutes deux, simultanément, les symboles pénitentiels et vivants de l'Église souffrante… Les vexations infernales et les épreuves de fortune et de famille s'ajoutèrent aux souffrances de sainte Françoise. Toutes ces tribulations, elle les offrait au ciel, pour sauver le patrimoine de saint Pierre et pour expier les débordements de Rome…».

Avec Brunetière et Huysmans, Coppée est revenu sincèrement à la vie chrétienne. Son livre «La bonne souffrance» respire l'esprit de foi et d'humilité des confessions de saint Augustin.

Jules Lemaître n'est pas encore entièrement gagné par la grâce, il a besoin qu'on prie pour lui, mais il est sur le chemin du retour. Il fré­quente Coppée et sur plus d'un champ de bataille il fait campagne avec nous. Il est aux prises avec la franc-maçonnerie. C'est aussi dans l'Écho de Paras qu'il bataille pour la bonne cause. Voici sa conclusion d'un ex­cellent article contre les francs-maçons:

«Tous les Français devraient rougir de honte en songeant qu'ils sont menés et opprimés depuis vingt ans par ce Club des Jacobins de la troi­sième République et par ses annexes».

«Le remède, c'est de faire comme les Maçons, c'est d'imiter leur di­scipline, leur union, leur admirable activité et même, un peu, leur orga­nisation. Cela est possible si on le veut. L'amour de la patrie, de la liberté, de la justice et du bien public serait-il un moins puissant mobile d'action que le fanatisme irréligieux? Si cela est, il ne faut plus que cela soit».

«Il faut, dans toutes les villes, former contre les loges, des groupes ser­rés de braves gens…».

M. Hugues Le Roux, écrivain libéral du Figaro est aussi ramené vers nous par l'étude des effets désastreux du divorce. Empruntons-lui quel­ques lignes, on verra qu'il y reconnaît la supériorité morale incontesta­ble du catholicisme.

«A mesure que le bien-être augmente, que les plaisirs du cabaret et de la prostitution sont plus faciles, le nombre des divorces croît. Il a pour géniteur direct tout ce qui est grossièreté, bassesse, égoïsme farouche, dégradation de la dignité humaine, dans les bourgs pourris de la civilisa­tion. Ce n'est pas une évolution philosophique, un accroissement des li­bertés de l'individu, c'est, dans la vie de l'âme, une maladie honteuse».

«C'est parmi les professions urbaines, et notamment parmi les profes­sions libérales, que le suicide et le divorce sont surtout fréquents. L'un et l'autre sont extrêmement rares chez les paysans. La religion a sur le sui­cide la même influence que sur le divorce. Et cette influence est considé­rable. Les catholiques divorcent et se suicident bien moins que les prote­stants. L'origine ethnique exerce sur la fréquence des suicides et des di­vorces une influence parallèle».

«Les Allemands, surtout les Saxons et les Suisses-Allemands, y sont extrêmement portés. Les Flamands y ont peu de tendance; les Slaves moins encore. Enfin, les pays latins (Italie, midi de la France, Espagne) et les pays celtiques atteignent le minimum. Et on ne doit pas dire que nous sommes en face d'observations si générales qu'on peut les accuser d'imprécision: les observations particulières, les exceptions vérifient cet­te règle, qui prend presque le caractère d'une loi. C'est ainsi que, dans le groupe des quatre peuples scandinaves, le Danemarck présente une ex­ception: elle est la même pour le divorce que pour le suicide. En Suisse, selon que l'on étudie les statistiques d'un canton allemand et protestant ou d'un canton catholique, les chiffres du divorce ou du suicide présen­tent des inégalités prodigieuses toujours parallèles».

«Je n'invente point le remède que je préconise et qui semble la seule médication efficace pour soulager des gens dont la sensibilité et la respo­sabilité sont atteintes. J'ai eu la surprise de constater que les savants dont le venais consulter l'expérience, étaient beaucoup plus sceptiques que moi sur les bons effets de l'hydrothérapie et autres remèdes exté­rieurs qu'il est d'usage d'appliquer aux névropathes. Tous, ils croient à la médication, à l'action morale pour guérir celui qui peut être guéri, pour soulager celui qui n'est pas dans un état désespéré. Eux, les hommes d'expérience, ils m'ont dit, avec une autorité qui manque à l'homme de dogme:

L'effondrement de la culture morale par en haut, des idées religieuses dans le peuple est une des grandes causes de l'aggravation des maux que nous voudrions guérir. Aux débauches de l'alcoolisme et aux autres elles opposaient une barrière qui n'existe plus. Vous n'affirmerez rien quisoit contraire à l'observation scientifique quand vous direz que la faiblesse irritable, l'incompatibilité d'humeur et le divorce, qui est leur consé­quence, sont des corollaires ou des effets d'un abaissement parallèle de la santé et de la morale publiques».

III. AUTRES PAYS

Belgique: la lutte. - Il faut toujours agir, s'unir, s'organiser et prendere l'initiative des réformes à faire.

Lord Aberdeen, s'adressant à M. Guizot, a dit un jour ce mot pro­fond:

«Ce qui fait notre force en Angleterre, c'est que les honnêtes gens y sont aussi hardis que les coquins».

Nous n'oserions pas affirmer que la Grande Bretagne justifie encore, au même titre, l'exactitude de cette appréciation; mais ce qui est mal­heureusement vrai, c'est que, sur le continent, l'énergie agressive des éléments de révoluion est loin d'être compensée par la vigueur défensive des éléments de conservation sociale.

Les partis conservateurs de la plupart des Etats Européens semblent plutôt avoir adopté pour tactique la résistance passive que le déploie­ment énergique, l'organisation militante de la vie publique.

Evidemment la force d'inertie est un élément sérieux dont une politi­que intelligente doit tenir compte; mais il est clair également que ce fac­teur est tout à fait insuffisant pour réaliser les progrès normaux de la ci­vilisation qui est tout à la fois évolution et action.

Où en serait-on en Belgique, si, à partir de 1863, les catholiques n'avaient pas fondé et organisé une véritable milice politique par le pays tout entier?

Où en serait-on si, après la loi de malheur de 1879, on s'était borné à d'éloquentes mais stériles protestations?

Les catholiques ont montré qu'ils savaient se servir du droit électoral, du droit de réunion, du droit d'association, de la liberté d'enseigne­ment, de la liberté de la presse, etc., tout au moins aussi bien que les mé­créants et les libéraux.

C'est à ces efforts qu'est due la renaissance catholique en Belgique et l'on peut se réjouir des fruits que l'on a obtenus.

Mais il ne faut pas oublier que l'évolution politique opérée par la révi­sion constitutionnelle de 1893 impose de nouveaux devoirs.

Le suffrage a été élargi, des éléments nouveaux sont entrés en scène. Le peuple a ses exigences et il est conscient de ses droits. Les catholiques ne garderont le pouvoir qu'à la condition d'être les plus dévoués aux vrais intérêts populaires, non seulement dans la vie privée, mais dans tous les domaines de l'activité politique et sociale. L'esprit de l'Evangile les y porte, l'Encyclique Rerum novarum leur trace le voie. Qu'ils ne se laissent pas arrêter par la routine ou par l'entêtement de quelques rétro­grades! Qu'ils allient le zèle à la prudence, pour garder la tête du mou­vement!

Bavière: les élections. - Les élections pour le Parlement bavarois ont eu lieu au milieu d'une grande agitation.

Les résultats connus confirment la défaite des libéraux et la victoire des catholiques et des socialistes.

Les libéraux ont perdu cinq sièges à Munich, qui sera représenté moi­tié par les catholiques, moitié par les socialistes.

Les résultats sont les mêmes dans les autres grandes villes.

Les catholiques et les socialistes ont fait alliance contre les libéraux. C'est un signe de l'esprit démocratique qui gagne toute l'Europe.

Il est vrai que les socialistes bavarois ne sont pas collectivistes. Ils de­mandent seulement des réformes sociales. Les catholiques auront plus tôt fait de gagner les socialistes en Bavière que de gagner les libéraux, qui sont protestants ou voltairiens.

Mexique. - Il y a une renaissance catholique bien accentuée au Me­xique. Les six provinces ecclésistiques du Mexique ont tenu dans ces dernières années des conciles particuliers préparatoires au grand concile sudaméricain qui vient de s'achever à Rome.

Pendant que les évêques délégués par leurs collègues prenaient part aux travaux du Concile de Rome, les pieuses populations du Mexique pèlerinaient à Notre-Dame de Guadalupe, pour prier Marie en faveur du concile. Guadalupe, c'est le Lourdes du Mexique. L'origine des deux pèlerinages a une grande analogie. Rappelons l'histoire de Guadalupe d'après une correspondance intéressante publiée par l'Univers.

En ce temps-là, en décembre 1531, un pauvre Indien, très pauvre et très malheureux, du nom de Jean Diègue, cheminait doucement, avec l'air indifférent de ceux de sa race et comme las de rêver, à travers les pentes rocheuses du Tépeyac, se meurtrissant les pieds aux cailloux cal­cinés et les mains aux buissons épineux.

C'était tout juste dix ans après la conquête. Le vieil empire mexicain n'était plus, la Nouvelle-Espagne n'était pas encore. Les deux aztèques s'en allaient vite cependant, saccagés par les conquérants, abandonnés de leurs fidèles et trop impuissants à se défendre contre l'envahisseur, dans leur débilité sénile.

Soudain, sur cette terre toujours moite de sang, la musique du ciel se fait entendre dans les airs; une harmonie suave, exquise au cœur et aux oreilles; une mélodie angélique qui vient réjouir l'exil de l'homme. C'est sublime, délicieux, enivrant dans l'âme du pauvre Aztèque. Jean Diè­gue s'arrête, hors de lui. Il se tourne éperdu vers le concert de paradis qui bourdonne à ses côtés.

Jamais pareille lyre n'était venue le secouer aussi profondément dans ses entrailles. Un arc-en-ciel aux nuances infinies se dessine suspendu à ses yeux éblouis. Une brume diaphane, blanche comme les neiges du Popocatepetl, se dévide avec la rapidité de l'éclair qui sillonne la nue. Dans cette brume fuyante, une belle dame, une dame d'une beauté inef­fable, avec un céleste sourire sur les lèvres et de très riches vêtements pour s'envelopper le corps. Jean Diègue s'avance: il n'a pas peur dans son âme d'Indien façonnée à toutes les peurs. La dame lui tend les bras.

Sa splendeur subjugue ses sens. «Je suis, dit-elle, la Mère de Dieu. je serai celle de ceux de ta race que je veux protéger contre l'avenir et con­tre eux-mêmes. Va dire à l'évêque que je demande qu'on m'élève un temple dans ces broussailles et qu'on y vienne en nombre infini, en ar­mées, autour de mes autels! Ma protection est à ce prix».

L'Indien est obéissant. Jean Diègue va trouver l'évêque qui se montre sceptique devant une âme si primitive, devant une conscience encore en friche. La dame étant indienne a des patiences admirables. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, elle apparaît dans l'éclat du paradis au misérable rejeton de la race conquise, et, de guerre lasse,, elle lui dit, dans la langue des siècles évanouis: «Cueille ces fleurs que tu vois sur les ronces et les épines et porte-les à l'évêque pour qu'il croie en ta parole».

Ainsi dit, ainsi fait, Jean Diègue remplit son tablier, tissé de fibres d'agave, des roses qu'il coupe de sa main tremblante; et il s'en va à pas rapides, joyeux comme l'homme qui trouve un trésor caché sous terre, au palais épiscopal.

On était à l'époque où il fait grand froid aux environs de Mexico et où il n'y a ni papillons dans les bois ni roses sur les épines.

L'évêque Zumarraga reçoit l'Indien, remué jusqu'au fond de lui-même. Jean Diègue, aux anges, ouvre son tablier et laisse tomber les ro­ses cueillies de sa main sur le rocher désert. O surprise! miracle! O my­stère! La dame a gravé son image sur la toile d'agave. Il n'y a plus à le nier: c'est elle, c'est la Mère de Dieu, c'est la mère des Mexicains.

L'évêque tombe à genoux de reconnaissance et d'épouvante et, défé­rant au désir de la dame, quelques jours après il bénit la première pierre de la première basilique.

Rien de plus simple que tout cela; rien aussi de plus profond; simple, comme l'Evangile, profond comme un mystère.

Le 12 octobre 1895, la Vierge de Jean Diègue reçut les honneurs du couronnement liturgique, dans sa basilique restaurée. Il vint quarante évêques, plus de mille prêtres, près de cent mille laïques au pied de son autel. Ce fut un jour inoubliable, tout en joies et en actions de grâces. Un prélat d'origine française, Mgr Chapelle, archevêque actuel de la Nouvelle-Orléans, dans un discours plein d'enthousiasme et de foi, de­manda qu'on posât sur la tête de la Vierge mexicaine, outre la couronne d'or et de pierreries, le titre de patronne des Amériques, de reine du Nouveau-Monde.

Puisse du haut du ciel, le P. Plancarte obtenir ce couronnement de son œuvre! Puisse le concile plénier de l'Amérique latine en prendre l'initiative!

CHRONIQUE (Octobre 1899)

I. ROME

Le triomphe du Sacré-Cœur. - Léon XIII ne se lasse pas de glori­fier le Sacré-Cœur. Après l'acte universel d'hommage au Sacré-Cœur qu'il avait demandé pour le 11 juin, il a écrit à Mgr l'évêque de Marseil­le pour le féliciter de ce qu'on a fait dans son diocèse et dans toute la France à l'occasion de cet acte d'hommage. «C'est avec une grande joie, lui dit-il; que nous avons reçu ces nouvelles, car il ne peut rien se faire de plus saint ni de plus conforme au salut».

Plus récemment, sur l'ordre du Saint-Père, la Congrégation des Rites a envoyé à tous les évêques du monde une lettere circulaire pour les en­gager à propager de plus en plus le culte du Sacré-Cœur. Les évêques devront exciter le clergé des paroisses à célébrer le 1er vendredi du mois et à former des associations d'hommes et de jeunes gens voués au Sacré­Cœur, avec des réunions hebdomadaires.

Les évêques d'Italie se sont déjà mis à l'œuvre. Ceux de France com­mencent.

Avec quelle grande joie et quelle reconnaissance pour Léon XIII nous applaudissons à cette extension triomphante du culte du Sacré-Cœur!

Preparation au jubilé. - Le Pape veut que l'on se prépare au jubi­lé par la prière et la retraite. Il l'a demandé particulièrement au clergé de Rome.

Les retraites spirituelles du clergé de Rome en préparation à l'année jubilaire auront lieu de la fin septembre à la mi-novembre, c'est-à-dire pendant les vacances annuelles des Congrégations Romaines.

On sait le vif intérêt que le Saint-Père a témoigné à cet égard et l'espoir fondé qu'il a manifesté, comme il l'a dit à la réception de la Saint-Joachim, d'en voir résulter des fruits abondants de salut. Aussi les prélats et personnages de la Famille pontificale et les EEmes cardinaux eux-mêmes tiennent-ils tous à donner les premiers l'exemple.

Ils ont demandé à cet effet qu'un cours d'exercices spirituels en vue du Jubilé soit prêché pour eux dans la chapelle Pauline au Vatican. Comme préparation aussi aux grâces du Jubilé, un autre moyen, par­ticulièrement cher au Souverain-Pontife, consiste à donner plein essor à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus.

A cet effet, plusieurs évêques d'Italie viennent de publier de chaleu­reuses lettres pastorales, signalées par l'Osservatore Romano, dans le but notamment de favoriser l'institution de pieuses Unions de zélateurs et de zélatrices du culte du très saint Cœur de Jésus.

Le progrès des études ecclésiastiques. - Le Pape ne se lasse pas de fonder des universités catholiques et des séminaires nationaux à Rome pour que le clergé de toutes les nations puise là l'unité de doctrine qui fe­ra sa force.

C'est le tour du Portugal.

La Voce delta Verità annonce qu'un séminaire portugais sera très pro­chainement institué à Rome, à la suite de longues négociations. Nous sa­luons avec joie cette nouvelle fondation. Cette nation, qualifiée de catho­lique, avait un besoin extrême de se rattacher de cette façon au Siège apostolique.

On sait que le Portugal est infecté depuis plus d'un siècle d'un «Josephisme» trop conforme à l'idéal de l'autrichien Joseph II, de triste mé­moire. Là aussi, la vérité chrétienne intégrale va reprendre peu à peu son empire.

L'autorité doctrinale du Saint-Siège. - La condamnation de cer­taines erreurs qu'on a réunies sous le nom d'Américanisme a manifesté l'autorité incontestée du Saint-Siège dans les matières doctrinales. Le clergé d'Amérique a donné tout entier et promptement son adhésion aux enseignements du Pape. Les diverses provinces ecclésiastiques des Etats­Unis ont exprimé leur soumission l'une après l'autre.

La Civiltà Cattolica, dans son numéro du 5 août, publie la lettre collective par laquelle les archevêques et évêques de la province de Cincinnati remer­cient le Pape de la lettre apostolique Testem Benevolentiae, adressée au cardi­nal Gibbons et, en sa personne, à tous les évêques des Etats-Unis.

«Les erreurs que vous avez condamnées par cette lettre, y est-il dit, étaient propres à causer aux âmes un grand dommage. Mais nous avons confiance que Votre lettre, où est si clairement exposée la vérité catholi­que, mettra fin à toute discussion future. «Rome a parlé, la cause est fi­nie». Nos troupeaux, très dévoués, raffermis par la foi, seront toujours fidèles au Saint-Siège.

C'est pourquoi, en notre nom comme en celui du clergé et des fidèles, de tout notre cœur, nous affirmons approuver ce qu'approuve Votre Sainteté, condamner ce qu'Elle condamne.

Faisant donc nôtre ce que Vous avez communiqué par Votre lettre Te­stem Benevolentiae, nous l'acceptons dans le sens ou Votre Sainteté veut qu'elle soit reçue.

Certes, nous nous glorifions de notre patrie et de sa Constitution civi­le, mais nous professons que notre foi, notre religion, nos mœurs, le progrès spirituel, dépendent absolument du gouvernement infaillible .de celui à qui il fut dit: «Pais mes agneaux; pais mes brebis». Et nous re­connaissons que nous serons d'autant meilleurs Américains que nous se­rons meilleurs catholiques.

Enfin, nous Vous rendons grâces, Très Saint-Père, Vous qui veillez avec tant de sollicitude à notre progrès spirituel, et qui, avec tant de vigi­lance, gardez la foi dans cette fédération des Etats-Unis, et nous prions Dieu qu'il Vous rende Votre pleine santé avec toutes Vos forces pour l'avantage de l'Eglise tout entière.

Prosternés aux pieds de Votre Sainteté, nous sollicitons Votre béné­diction apostolique pour nous, pour notre clergé, pour les familles reli­gieuses et tous les fidèles confiés à nos soins…».

Italie: La petite propriété dévorée par le fisc. - D'après une stati­stique, dont il vient d'être donné communication à la Chambre italien­ne, le total des biens dévolus au Domaine pour des contributions mini­mes resteés impayées est de 59.056 biens-fonds et immeubles, pour un total de 3,707,060,47, soit pour une valeur moyenne de 63 francs.

Ainsi donc, pendant que tant de petits propriétaires sont dépossédés, la plus grande partie des biens qui leur ont été enlevés ne profite à per­sonne.

Les propriétaires perdent tout, et l'Etat ne gagne rien, et même il perd lui aussi, car les frais d'exécution lui incombent.

Et l'on parle en haut lieu d'une politique favorable à la petite proprié­té, aux petits cultivateurs!

De ces immeubles, le domaine n'a pu en utiliser que 4,694, dont il a tiré un loyer de 14,847 fr., soit 3 fr. 17 en moyenne pour chacun.

Le Domaine est resté avec 54,362 biens fonds et immeubles dont le Trésor public n'a pu tirer et ne tire aucun avantage.

La politique sectaire suivie depuis 1870 n'a pas profité à la pauvre Italie.

II. FRANCE

Les congrès et le Sacré-Cœur. - Nous avons eu de beaux congrès depuis deux mois, notamment le congrès eucharistique à Lourdes et le congrès franciscain à Toulouse, et le Sacré-Cœur y a été glorifié.

Une lutte courtoise s'est engagée à Lourdes sur la question de savoir qui était le plus grand de l'Eucharistie et du Sacré-Cœur. Le P. Lem­mius l'emporta facilement dans ce tournoi en montrant que le culte du Sacré-Cœur a plus d'étendue que celui de l'Eucharistie. C'est le Sacré­Cœur qui a donné l'Eucharistie. Il a donné aussi les grâces rédemptrices de la crèche et du Calvaire, les Sacrements et tout le reste. Le Sacré­Cœur n'est pas seulement dans l'Eucharistie, il est aussi au ciel. L'Eu­charistie passera et le Sacré-Cœur restera.

Le drapeau du Sacré-Cœur fut porté à Lourdes au-devant du Cardinal-légat et dans les processions par M. Doal président de la Jeu­nesse catholique du Pas-de-Calais, entouré d'un beau groupe de jeunes gens.

A Toulouse aussi le drapeau du Sacré-Cœur présida à toutes les réu­nions et reçut plus d'une chaleureuse ovation.

Le cher drapeau se propage rapidement. Dans le Nord et le Pas-de­Calais, une foule d'associations de jeunes gens se sont formées, et c'est toujours la bénédiction du drapeau qui est le premier acte de leur consti­tution.

C'est là pour la France un grand signe d'espérance. On l'a dit avec ju­stesse, il faut que le drapeau du Sacré-Cœur devienne populaire avant qu'il devienne national. Il est en passe de devenir populaire, et si quel­que crise douleureuse vient éprouver la nation, on songera facilement à arborer cet étendard du salut.

III. AUTRES PAYS

Le calendrier grégorien en Russie. - Le gouvernement russe vient de décider l'adoption du calendrier grégorien, à la place du calendrier Julien, qui était une cause de difficultés pour les Russes commerçant à l'étranger et pour les étrangers commerçant en Russie.

La Socieété astronomique de Saint-Pétersbourg avec le concours des ministres d'Etat, a institué une Commission de seize personnes, chargée de régler les détails de cette réforme dont la réalisation aura lieu le ter janvier 1901, c'est-à-dire le premier jour du XXe siècle.

M. Faye, président du bureau des longitudes et vrai catholique, a fait constater l'influence de cette uniformité sur les lois et les mœurs des peuples civilisés.

Cette réforme est considérable au point de vue religieux, en pla­çant les fêtes de Pâques et autres aux mêmes dates pour l'Eglise orthodo­xe et pour l'Eglise catholique.

La décision de la Russie de passer outre à l'opposition religieuse qui empêchait, depuis trois siècles, d'adopter le calendrier grégorien et pa­pal, est un fait capital.

L'Allemagne protestante, la Suisse, la Hollande et le Danemark ont résisté 118 ans, de 1582 à 1700, et c'est aussi à un changement de siècle qu'on a décidé la réforme.

L'Angleterre consentit en 1752, après 170 ans, et la Suède céda l'an­née suivante, en 1753.

Pour la Russie, ce qui faisait douter que la bonne volonté du Czar pût aboutir, c'était la nécessité d'avoir le consentement de l'Eglise orthodo­xe, laquelle est liée au Phanar de Constantinople. Bien que cette juridic­tion du Phanar soit purement nominale, c'est cependant sur la fiction d'un Pape à Constantinople et d'un centre de la liturgie en cette ville qu'on reste séparé de Rome. En pareil cas, prendre un calendrier ro­main paraissait donc impossible; c'était, en effet, célébrer Pâques et tou­tes les fêtes mobiles aux mêmes jours que l'Eglise romaine. N'était-ce pas reconnaître la prépondérance à l' Eglise rivale?

Eh bien, il paraît que cet inconvénient est vaincu, et en tout cas, il le sera, car la décision de la Russie étant ferme, le Phanar ne résistera pas longtemps.

Et dès lors, la difficulté à l'union avec les Eglises dissidentes s'aplanit dans tout l'Orient et jusqu'en Abyssinie, puisqu'en ce moment, quand un schismatique veut revenir à l'Eglise romaine, il peut et doit conserver son rite, mais il doit perdre le calendrier.

Il y aura unité à ce point de vue entre Orientaux unis et schismasti­ques; c'est un rapprochement extérieur, qui a une grande importance pour les populations.

Angleterre: la crise religieuse. - On a pu lire dans la presse catholi­que une lettre du cardinal Vaughan, archevêque de Westminster, au cardinal Perraud, évêque d'Autun. Le cardinal disait:

«L'Angleterre traverse pour le moment une crise religieuse des plus vives. Un grand nombre de ministres anglicans et de laïques essaient de rétablir les exercices religieux de l'Eglise en faisant profession de certai­nes doctrines catholiques…»

«L'unique germe de protestantisme qui leur reste, c'est leur refus ab­solu de reconnaître l'autorité du Chef de l'Eglise et d'écouter sa voix». «Ce n'est pas à nous de lutter avec eux, de faire de la controverse; ce qu'il faut, c'est une inondation de la grâce divine, et ceci nous ne pour­rons l'obtenir que par la prière…».

Le cardinal Vaughan demande les prières des fidèles pour la conver­sion de l'Angleterre; il rappelle une lettre circulaire du cardinal Wise­man aux évêques de France à cette fin, et il dit: «Au moment de la con­version de Newman et de ses disciples, toute l'Eglise de France se trou­vait en prières pour l'Angleterre… Il est bien connu que le docteur Pu­sey lui-même attribua la conversion de Newman aux prières de la Fran­ce catholique».

A l'appui de ce qui précède et du mouvement de retour vers Rome, voici quelques réponses que nous tirons d'un catéchisme publié sous les auspices d'une Mission anglicane patronnée par les Evêques anglicans d'Ely et de Lincoln.

«1. Qui vous a créé? - C'est Dieu qui m'a créé.

2. Pourquoi Dieu vous a-t-il créé? - Dieu m'a créé pour le connaî­tre, le louer et le servir sur cette terre, et pour être heureux avec Lui à ja­mais dans le ciel.

3. A l'image et à la ressemblance de qui Dieu vous a-t-il créé? - Dieu m'a créé à son image et à sa propre ressemblance».

Passons au sujet si intéressant de la pénitence:

«La pénitence est le sacrement par lequel les péchés commis après le baptême sont pardonnés.

Avant de recevoir le pardon, nous devons nous repentir. - Les trois parties de la pénitence sont la contrition, la confession et l'amendement. - La confession consiste à nous accuser nous-mêmes de nos fautes de­vant un prêtre.

Le précepte principal de l'Eglise est…, d'aller à confesse quand nous avons besoin d'absolution. - Nous devons user fréquemment du sacre­ment de pénitence et de la sainte eucharistie. - Nous confessons nos pé­chés au prêtre, parce que Dieu lui a donné le pouvoir de pardonner les péchés8).

Il y a sept sacrements: le baptême, la confirmation, la sainte euchari­stie, la pénitence, les saints ordres, le mariage et la sainte onction». La doctrine de l'Eucharistie ne se rapproche pas moins de l'enseigne­ment de l'Eglise catholique.

«Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme Dieu, est partout, comme Dieu et homme il est au ciel et dans le saint Sacrement de l'autel. Le Christ s'offre à Dieu pour nous au ciel et dans le saint Sacrement de l'au­tel…

Le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ, lorsque le prêtre prononce sur eux les paroles de la consécration, dans la sainte eucharistie9)

Nous offrons Jésus-Christ à Dieu dans la saint eucharistie». Que penser du purgatoire?

«Après la mort les âmes de bien sont purifiées de leurs péchés. - Nous devons prier pour les vivants… et pour les âmes de ceux qui sont morts avec la foi».

Voici encore un trait de ressemblance:

«Nous faisons le signe de la croix, afin de nous rappeler la Sainte Tri­nité et la crucifixion».

Que les âmes généreuses n'oublient donc pas dans la prière leurs frè­res d'Angleterre, afin qu'ils arrivent à la pleine lumière de l'Evangile et rentrent au giron de l'Eglise catholique qui a donné à l'Ile des Saints ses premiers apôtres et a fait la joie et la gloire de ce beau pays pendant plus de mille ans.

Allemagne: le congrès des catholiques. - «C'est à Neisse, en Silé­sie, que le Congrès annuel des catholiques allemands a tenu cette année ses assises.

Le congrès a commencé sous les auspices du cardinal-prince-évêque Kopp, de Breslau. Neisse est une petite ville de 20,000 habitants et a une forte garnison. Le pays est exclusivement catholique et compte parmi les domaines les plus sûrs du parti du Centre.

Neisse est le chef-lieu de cette partie de la Silésie où l'élément polonais est actuellement dominant, bien que la ville même soit entièrement alle­mande. On compte en effet en Silésie un million d'habitants de nationa­lité polonaise.

Cette population polonaise était si considérablement représentée au congrès de Neisse qu'il a fallu aller à la recherche d'orateurs polonais, un grand nombre de Polonais de Silésie ne sachant pas du tout l'alle­mand. Les discours ont donc été prononcés dans les deux langues.

Le nombre des congressistes inscrits à la veille de l'ouverture du con­grès dépassait 2,000.

On remarquait parmi eux, à côté du cardinal Kopp, le président du Reichstag, comte Ballestrem, et la plupart des membres de l'aristocratie silésienne, ainsi qu'un très grand nombre de députés au Reichstag et à la Chambre prussienne.

Parmi les résolutions discutées et adoptées à la deuxième réunion pri­vée, il convient de noter celle qui exprime la reconnaissance des catholi­ques à l'égard du Souverain Pontife pour la consécration du genre hu­main au Sacré-Cœur de Jésus, et qui exhorte les catholiques à s'attacher de plus en plus au Christ, à son Cœur adorable, à la Croix. Présentée per le conseiller de légation de Kehler, la motion a été fortement ap­puyée par le R. P. Nix, jésuite de la rue Lafayette, ardent propagateur de la dévotion au Sacré-Cœur et auteur d'un savant ouvrage sur ce su­jet: Cultus S. S. Cordis Jesu (chez Herder à Fribourg-en-Brisgau).

A signaler d'autres résolutions qui recommandent l'association dite de Windthorst, l'association de la Sainte-Famille, les cercles ouvriers, les sociétés de tempérance contre les excès de l'alcoolisme, les missions alle­mandes dans les colonies, l'association du B. Canisius.

Une résolution très importante et neuve jusqu'à un certain point, pré­conise l'étude approfondie de la question sociale et des questions multi­ples s'y rattachant, dans les réunions ouvrières, moyennant des confé­rences faites par des hommes compétents, ecclésiastiques et laïques.

Le docteur Hille remarque, à ce sujet, qu'à Berlin se font depuis une année des cours spéciaux où les jeunes ecclésiastiques trouvent une ex­cellente occasion de se familiariser avec la question sociale.

M. Bachem donne lecture et provoque l'adoption de résolutions rela­tives à l'enseignement libre ou privé; à l'usage de la langue maternelle pour l'enseignement religieux dans toutes les écoles publiques du pays, y compris les provinces polonaises; à la diffusion de la bonne presse, de la littérature morale et saine, partant à l'exclusion absolue des productions littéraires irréligieuses, immorales et même neutres.

Tous ces points sont l'objet d'observations étendues de la part de di­vers assistants. Cela montre l'importance qu'on y attache dans le monde catholique allemand, avec grande raison.

A la seconde réunion publique, des discours importants ont été pro­noncés sur la question agraire, sur la littérature contemporaine telle qu'elle devrait être, enfin sur l'association de saint Boniface.

Le mercredi a eu lieu, la troisième réunion publique, consacrée cette fois tout entière à la grande œuvre du Volksverein, vaste association en­globant toute l'Allemagne catholique, comptant un peu moins de 200,000 membres, destinée à combattre l'armée socialiste et en même temps à poursuivre les réformes sociales par la parole, par les écrits et par l'initiative personnelle.

Les années précédentes, la réunion du Volksverein se tenait en quelque sorte à côté et en dehors du congrès, comme quelque chose de secondai­re. Mais par l'affluence qu'elle provoquait, elle faisait tort aux grandes réunions. Ce n'est donc que justice et sagesse qu'on lui ait donné une place d'honneur, car le Volksverein fait à lui seul plus de bien et plus de besogne que les autres associations ensemble.

Il compte en effet à son actif de 1898 le joli chiffre de cinq cents réu­nions, de plus de six millions et demi d'imprimés de toute sorte répandus jusque dans la plus misérable chaumière, sans parler des innombrables consultations gratuites données dans ses bureaux populaires.

Il ne suffit pas de montrer les torts des adversaires, de réfuter leurs théories et leurs principes, de prononcer de vigoureux discours, il faut aussi mettre pour ainsi dire la main à la pâte, agir, semer, bâtir, faire œuvre positive. Cela convainc l'homme du peuple plus que tout le reste.

C'est ce que font ressortir plusieurs orateurs, parmi lesquels nous nommerons le docteur Pieper, le député Trimborn, le député Grœber, aux applaudissements enthousiastes de ceux qui les écoutent.

Finalement, M. Trimborn a fait acclamer «l'Empereur social» et le «Pape social».

Le «socialisme» de Guillaume II paraît s'être un peu surmené. Il est au repos. (Univers)

A la quatrième réunion non publique, on a décidé l'organisation d'un grand pèlerinage national à Rome pour le printemps prochain.

La quatrième et dernière séance publique a été ouverte le jeudi matin à 10 heures.

M. l'abbé Werthamann, membre de l'officialité métropolitaine de Fribourg, a parlé des œuvres charitables et a recommandé l'œuvre cen­trale qui a son siège à Fribourg, et dont la revue Charilas est l'organe.

Le R. Rœssler a parlé du rôle et de la situation de la femme dans la société chrétienne: il a été très applaudi.

Le discours de clôture a été prononcé par M. Spahn, membre de la Chambre Impériale de Leipzig; M. Lieber, chef du centre devait pren­dre la parole, mais il a dû y renoncer à cause d'une indisposition dont il a été atteint la veille.

Après le discours de clôture très applaudi, S. Em. le cardinal Kopp, prince-évêque de Breslau, a adressé une courte allocution à l'assistance et lui a donné sa bénédiction.

Le Congrès s'est terminé par le chant du Te Deum.

Le prochain Congrès se réunira à Bonn, l'ancienne capitale des arche­vêques électeurs de Cologne; cette ville a eu le même honneur déjà en 1881; lors de la réunion du 28e Congrès catholique.

CHRONIQUE (Novembre 1899)

I. ROME

L'Encyclique aux Brésiliens. - Le Brésil, sous le gouvernement énervé de l'empereur Pédro II, et sous la prédominance néfaste de la franc-maçonnerie, était en pleine décadence; on pouvait même prévoir qu'il ne tarderait pas à disparaître du nombre des Etats libres, indépen­dants et forts.

Mais aujourd'hui ce pays est sur la voie d'un magnifique relèvement, sous l'adminitration sage et éclairée de son nouveau président, le doc­teur Campos Salles.

Il a su pacifier les esprits, sur le terrain religieux comme dans le do­maine politique, en donnant pleine liberté à l'Eglise et en établissant la paix entre les divers partis politiques. C'est ainsi qu'il a réussi à opérer cette concentration républicaine, chrétienne, conservatrice et patrioti­que qui, dans la grande République européenne, la France, n'est encore qu'un beau rêve.

Le Saint-Père a contribué beaucoup à ce relèvement du Brésil par l'action de ses délégués apostoliques et par les religieux qu'il a envoyés pour restaurer là-bas la vie monastique.

Il vient encore de donner un vigoureux coup de barre au gouvernail de la grande république par son Encyclique du 18 septembre. Dans cette lettre, le Pape engage les évêques à multiplier les écoles catholiques et à relever les séminaires. Il recommande au peuple de choisir des députés capables de soutenir au Parlement les intérêts de l'Eglise.

Il faut noter dans cette Encyclique ce que dit le Saint-Père de la vie so­ciale du clergé. C'est la réfutation des gallicans, des réfractaires et des ti­mides. Citons deux paragraphes:

«Nous ne souhaitons pas moins vivement, comme Nous l'avons dé­claré ailleurs, de vous voir consacrer, avec mesure et prudence toutefois, de zélés efforts à la rédaction et à la diffusion des journaux catholiques. En effet, étant donné les habitudes de notre époque, c'est à peine si la foule puise autre part que dans ces lectures quotidiennes, ses opinions et la règle de ses mœurs. Il est pénible de voir les gens de bien délaisser ces armes qui, maniées par les impies avec un charme trompeur, préparent une ruine déplorable de la foi et des mœurs. Vous devez donc aiguiser votre plume et faire appel à votre culture littéraire, pour que le menson­ge recule devant la vérité, et pour que les esprits prévenus obéissent peu à peu à la voix de la raison et de la justice.

«A ce devoir s'en rattache étroitement un autre qui dérive de l'accès des catholiques aux affaires publiques, et de leur élection à l'assemblée lé­gislative. Les meilleures causes, en effet, peuvent être servies par la parole non moins que par la plume, par l'influence et par l'autorité morale aussi bien que par le talent littéraire. Il ne Nous semble pas inopportun que parfois des hommes revêtus des ordres sacrés soient admis au sein de ces assemblées; bien plus, il est permis à ces soldats et pour ainsi dire à ces sentinelles de la religion d'y défendre avec succès les droits de l'Eglise».

L'Encyclique aux Français. - Cette lettre merveilleuse redit une fois de plus la tendre affection de Léon XIII pour la fille aînée de l'Egli­se. Elle appelle l'attention du clergé sur les périls qu'il peut courir dans la direction des études contemporaines, spécialement dans la philosophie et l'exégèse.

La méthode cartésienne, qui prétend édifier la doctrine philosophique sur la table rase de la raison, conduit au scepticisme ou bien à un subjecti­visme étroit. Il faut revenir à la méthode traditionnelle qui reconnaît dans la raison un fond de vérités et de principes indiscutables. Pour l'exégèse, il faut se garder des hardiesses modernes et s'armer des règles données par l'Eglise soit par son enseignement traditionnel, soit par le Concile du Vatican et l'Encyclique Providentissimus Deus.

Mais c'est surtout sur la participation du clergé au mouvement démo­cratique contemporain que l'Encyclique papale contient des indications et des admonitions extrêmement précieuses.

Il résulte tout d'abord et très clairement des instructions pontificales que l'ascension économique et même politique de prolétariat contempo­rain peut être très utilement stimulée et servie par la propagande sacer­dotale.

En s'associant aux œuvres qui ont cette ascension pour but, le clergé demeure fidèle aux traditions séculaires de l'Eglise et montre qu'il a l'in­telligence des temps actuels. Il imprime, d'ailleurs, par sa coopération et par ses conseils aux entreprises nées de l'initiative populaire, un caractè­re religieux et par là même conservateur, qui les empêche de dévier vers la révolution et de tourner contre la société un mouvement qui peut at­teindre sa fin légitime dans la société.

Un prêtre, et à plus forte raison un laïque, peuvent donc se proclamer et beaucoup plus encore se montrer démocrates dans le bon sens du mot et patroner, encourager, promouvoir les associations, les gildes, les li­gues qui cherchent à améliorer la condition morale et matérielle des clas­ses laborieuses. Ne nous offusquons donc pas des appellations et des mots lorsque l'esprit est bon et que les œuvres sont bonnes!

Il importe cependant de ne pas oublier que la propagande sur ce terrain, souvent brûlant et parsemé de fondrières, doit être, surtout de la part du clergé, toujours subordonnée aux règles de la prudence sacerdotale et, par con­séquent et avant tout, au respect de l'autorité épiscopale. Le bien qu'on croirait faire en dehors de ces conditions ne serait plus un bien et ne pourrait, par conséquent, que tourner au détriment de la religion et de la société.

Après cette nouvelle et pressante exhortation du Saint-Père, les évê­ques vont eux-mêmes prendre en mains cette action sociale chrétienne et nous n'aurons qu'à leur prêter un concours ardent et dévoué.

II. FRANCE

Le pèlerinage de la démocratie chrétienne à Rome. - Le Saint­-Père s'est montré encore bien paternel pour nos pèlerins ouvriers. Il a rappelé son désir cent fois exprimé de contribuer au relèvement moral et matériel des travailleurs. Il a témoigné une tendresse particulière au bon père, M. Léon Harmel, l'apôtre des ouvriers. Enfin, il a de nouveau supplié les catholiques français de consoler sa vieillesse par leur union dans la lutte contre les sectes impies.

A l'occasion de ce pèlerinage, on a pu voir que le terme de démocratie chrétienne est entré dans le langage courant de l'Eglise. Les cardinaux qui ont assisté aux réunions des pèlerins ont tous salué en eux les repré­sentants de la démocratie chrétienne.

Le cardinal Jacobini a conclu son discours par ces paroles:

«Chers amis, rentrez en France comme les champions de la vérité et les prêcheurs de la démocratie chrétienne qui doit conduire peuples et na­tions au degré auquel les avait déjà élevés le christianisme».

Le cardinal Ferrata a dit à son tour: «Mes chers amis, en me séparant avec regret de vous, je prie Dieu de rendre votre pèlerinage à Rome lar­gement fécond pour vous et pour vos concitoyens et il en sera ainsi si a votre retour vous montrez à tout le monde par vos paroles, par vos actes et par votre conduite, que vous êtes des ouvriers vraiment chrétiens. N'oubliez jamais que la caractéristique nécessaire d'une démocratie, son élément indispensable de fondation et de prospérité c'est la vertu».

S. Em. le cardinal Cretoni a prononcé un discours qui peut être consi­déré comme un programme de la démocratie chrétienne.

«Je suis heureux, a-t-il dit, de saluer ces modèles accomplis de la véri­table démocratie chrétienne, qui avec un esprit d'abnégation et de sacri­fice au-dessus de tout éloge, avec un zèle aussi actif qu'intelligent et avec une persévérance que rien ne lasse, continuent à réaliser ces pieuses croi­sades des travailleurs… Les Saint-Père a proclamé vos devoirs, mais en même temps vos droits, et a songé à vos besoins… En effet ce n'est que dans les enseignements de l'Evangile; dans les traditions chrétiennes et la saine raison, qu'on peut puiser les principes d'une harmonie parfaite, d'une alliance durable entre les riches et les pauvres, entre les patrons et les ouvriers, entre le capital et le travail».

«Le libéralisme économique n'a fait que produire des effets contrai­res; l'indifférence, l'égoïsme, les rébellions, les haines, les misères. L'immortelle Encyclique, qui indique les moyens de remédier au désor­dre économique est la grande charte de la société moderne. Le jour où les cœurs de tous seront pénétrés d'amour pour le Sacré-Cœur, sera le signal de la solution de la question sociale».

A propos des congrégations. - Les congégations religieuses sont généralement considérées comme inutiles par les feuilles sectaires qui se demandent à quoi peuvent bien servir ces légions d'hommes et de fem­mes vivant selon les conseils de l'Evangile.

Voici la réponse que fournit une récente statistique à ces attaques im­méritées.

Il existe en France plus de douze cents congrégations.

Ces congrégations distribuent l'instruction à deux millions d'enfants sans qu'il en coûte un sou au budget. Au taux actuel de l'instruction publi­que, on devine quelle somme énorme le gouvernement demanderait aux contribuables pour se charger de ces deux millions d'enfants. De ce seul fait, le budget ferait un bond prodigieux.

Au point de vue charitable, les congégations donnent asile à plus de cent mille vieillards, dont vingt-huit mille chez les Petites Sœurs des Pau­vres.

Elles élèvent soixante mille orphelins.

Elles ont des asiles, des refuges, des hôpitaux, et l'on peut évaluer à deux cent cinquante mille le nombre des déshérités qu'elles recueillent et as­sistent.

Le jour où l'Etat devrait prendre à sa charge toute cette multitude in­digente, il serait obligé, d'après les dépenses des hôpitaux laïcisés, d'y consacrer une somme annuelle de près de cent millions ce qui représente un capital de trois milliards.

Cela n'empêchera pas la campagne que vont organiser les francs­maçons et la presse israélite pour se venger de leur défaite dans l'affaire Dreyfus. Espérons que Dieu déjouera leurs combinaisons.

III. AUTRES PAYS

Angleterre: Les bénédictins. - L'apostolat en Angleterre est parta­gé à peu près également entre les religieux et les prêtres séculiers. Les bénédictins y sont nombreux. Ils se divisent en trois branches principa­les: la congrégation anglo-bénédictine, celle de Subiaco, dont le centre anglais est à Ramsgate et celle de Beuron dont la Maison principale en Angleterre est à Erdington.

Deux nouvelles abbayes de cette congrégation de Beuron se sont vues récemment pourvues d'abbés.

Le monastère d'Erdington, fondé grâce à la générosité d'un prêtre sé­culier du diocèse de Birmingham, est resté longtemps à l'état de prieuré. Il y a deux ans, il a été élevé au rang d'abbaye. Ce monastère a compté parmi ses membres l'archi-abbé de la congrégation de Beuron, l'abbé primat de l'ordre de Saint-Benoît qui est aussi abbé de Maredsous. Par un privilège émanant du Saint-Siège, c'est à l'archi-abbé de l'ordre que reste le pouvoir de nommer l'abbé d'Erdington et il a usé de ce droit en nommant à la charge abbatiale Dom Hôckelmann.

C'est Mgr l'évêque de Birmingham qui, entouré de l'évêque d'Hex­ham, d'un grand nombre de religieux de l'ordre et de membres du cler­gé séculier et régulier, a procédé à la consécration du nouvel abbé.

Depuis plusieurs jours une grande activité régnait à l'Abbaye, que les moines ornaient d'étendards et de guirlandes, rehaussés par les écussons de l'Eglise, de l'Angleterre et de l'ordre de Saint-Benoît. La veille, le drapeau de Saint-George fut hissé à la tour principale et un joyeux caril­lon annonçait aux habitants les événements qui se préparaient pour le lendemain. De bonne heure les fidèles avaient pris leurs places dans l'église, et c'est avec peine que la procession parvint au Sanctuaire. Après le vœu d'obéissance au Saint-Siège l'on procéda avec grande so­lennité aux cérémonies de la Consécration, qui furent interrompues par un sermon fort éloquent prêché par l'abbé mitré de Ramsgate.

C'est une grande consolation pour les catholiques de l'Angleterre de voir les religieux des différents ordres revenir s'établir dans «l'île des Saints».

La nouvelle abbaye compte déjà parmi ses membres plusieurs moines dont la conversion au catholicisme a fait grand bruit il y a quelques an­nées en Angleterre.

Italie: esprit ancien et nouveau. - La popularité du régime nou­veau et de la dynastie savoisienne est en baisse en Italie. Dernièrement deux solennités populaires avaient lieu en même temps: l'inauguration d'une statue colossale de Victor-Emmanuel à Turin et le pèlerinage annuel de la sainte Vierge à Naples. Voici comment un jour­nal peu clérical, l'Italia, raconte le fiasco des fêtes de Turin:

«Deux trains étaient organisés à Rome, l'un pour Naples, l'autre pour Turin. On offrait le rabais ordinaire à ceux qui voulaient assister aux festivités de Piedigrotta à Naples; quant aux «patriotes» désireux de prendre part à l'inauguration du monument érigé à Victor­Emmanuel à Turin, il leur était offert un rabais exceptionnel de 75 p. c. Ceux qui en avaient besoin devaient trouver à Turin le vivre et le loge­ment gratis».

«Et avec cela, sur 4,200 voyageurs, 400 seulement ont pris le chemin de Turin, tandis que 3,800 partaient pour Naples».

«Piedigrotta a enfoncé le monument!». «Le Patriotisme est en baisse!»

Belgique: démocratie chrétienne. - L'apaisement se fait en Belgique entre les conservateurs traditionnels et les vrais démocrates chrétiens.

Ces deux groupes peuvent avoir des vues différentes sur quelques points, mais ils ont tous le plus pur amour de la religion et de la patrie. L'épiscopat belge les bénit également. Son Eminence le cardinal de Ma­lines s'est fait représenter dernièrement au congrès de la démocratie chrétienne par M. le doyen de Sainte-Gudule.

Les deux groupes se sont entendus dans une réunion spéciale à Bru­xelles pour unir leurs efforts dans la lutte électorale.

Puissions-nous arriver bientôt en France à la même entente sous la di­rection de nos évêques.

Suisse: une République croyante. - Le dimanche, 17 septembre, le peuple suisse célébrait le service spécial annuel pour demander la bé­nédiction divine pour toute la nation et pour remercier la divine Provi­dence de ses bienfaits passés.

A Lucerne, comme dans tous les chefs-lieux des cantons, les autorités constituées ont assisté en corps à l'office solennel. Cela a été, pour les nombreux étrangers, un spectacle touchant que de voir les membres du gouvernement, ayant à leur tête l'avoyer régnant, se rendre à la collégia­le de Saint-Léger, précédés et suivis des massiers du gouvernement, re­vêtus de leur antique et pittoresque costume officiel.

Le Vaderland de Lucerne consacre à cette solennité religieuse annuelle, un article où il dit entre autres bonnes choses, ce qui suit:

«Le peuple suisse, en prenant part à cette solennité annuelle, recon­naît publiquement sa dépendance de Dieu tout-puissant et tout miséri­cordieux, et le remercie des fruits de la terre, des bienfaits de la paix, de son salut temporel et surtout des biens élevés et éternels, que lui assure son caractère de peuple chrétien».

«Notre solennité religieuse annuelle est le témoignage qu'un peuple libre est sujet du suprême législateur au ciel et doit obéissance entière et absolue aux lois divines, car toute désobéissance envers Dieu provoque ses justes punitions contre les individus et des peuples entiers».

«Les peuples doivent à Dieu et à leur propre salut de s'adresser à sa miséricorde pour obtenir le pardon de leurs péchés et la réconciliation, base de leur avenir».


Mme Julie-Joséphine-Adèle-Delphine Mainfroy, en religion Sœur Saint-Quentin, décédée à l'Hôtel-Dieu de Saint-Quentin (Aisne), le 10 octobre 1899, dans sa 71e année et dans sa 51e année de vie religieuse.

Nous partageons bien sincèrement la douleur de Madame la Baronne de Tascher de la Pagerie, séparée en attendant le rendez-vous des élus, de son admirable Mère, notre insigne bienfaitrice, Madame la Marquise Amelot de Chaillon.

Envisagée du côté de Dieu ou du côté de ses semblables, cette âme ne fut point ordinaire. On en rencontre rarement d'aussi élevées en grâce et d'aussi vertueuses.

Ses rapports avec Notre-Seigneur, je ne fais que les effleurer, de peur d'en déflorer la beauté et d'empiéter sur un terrain réservé du Ciel. Mais, que tous le sachent, elle vécut constamment jusqu'au prompt cou­chant de sa carrière, au degré de la plus étroite et de la plus exquise fami­liarité avec cet Epoux intérieur. Les plus vives lumières, les plus encou­rageants colloques, les plus suaves infusions, Dieu vu, entendu, com­pris, comme si le divin Sacrement lui fût par privilège dévoilé, tel fut son pain quotidien. Ce n'est pas sans un profit immense pour sa sanctifica­tion et l'exaltation du dogme capital de la Présence réelle, que feu Mgr l'Evêque d'Orléans lui concéda l'étonnante faveur de conserver l'adora­ble Corps de Jésus-Christ en sa Chapelle domestique: «Il me semble qu'au Paradis, exprimait-elle avec l'accent précis de la foi évoluant déjà en l'imperturbable vision des siècles, je ne ferai que continuer à contem­pler, adorer et goûter ce grand Dieu ici anéanti sur l'autel. «C'est cette phalange vénérable des apologistes inconscients de la divine Eucharistie que l'auteur de l'Imitation place au rang des auxiliaires gratuits de la sa­crée Théologie: «O la vraie ardente foi que celle de ces fidèles si puis­samment aimantés par une affection toute attractive, qu'ils fournissent ainsi un argument démonstratif de plus à l'honneur de votre présence sacramentelle10) ! ».

Toutefois c'étaient autant de signes d'une exubérante richesse de dons surnaturels, mais, en aucune manière, de la sainteté de ses mérites. Il lui manquait la ressemblance avec Jésus-Christ par la Croix, essence et per­fection de toute vie chrétienne. Pour une servante d'élite surtout, il pa­raissait anormal que ce caractère distinctif et achevé fit totalement dé­faut, soit au début, soit à l'apogée, soit, par intermittence, au jour le jour de sa carrière: c'est que le divin Artiste le réservait pour le coup de grâce, sans apprentissage, d'emblée et par un de ces soubresauts qu'il ose à l'égard des vertus d'acier et des cœurs de feu. Voilà pourquoi, au contact de toutes les plus amères et les plus désolantes peines de l'esprit, à l'encontre de toutes les plus infâmes machinations de Satan, cette trempe d'âme accoutumée aux délices spirituelles sans nuage, brusque­ment capturée par le cortège complet des tortures intérieures sans trêve ni mélange, n'eut qu'à porter jusqu'au comble, si opposée qu'en fût la manifestation, la «passivité» merveilleusement malléable et modelable au gré de Jésus, c'est-à-dire du Dieu crucifié. Ainsi tout le plan devenait­il «consommé» à mesure que le corps envahi par la langueur, ajoutait à ces inénarrables souffrances, la complicité de ses excessives impressions. Redire l'horreur que lui inspirait l'idée de la mort, l'enfer que lui valait ce duel entre la partie raisonnable et cette anarchie d'une conscience tra­hie par la maladie serait entrer dans l'analyse d'une mort qui nous sem­ble, pour ne rien omettre sans pécher par indiscrétion, un bien proche commentaire et un bien limpide reflet de ce qui se passa au Cœur sacré et dans la Chair adorable de notre infiniment bon et aimable Seigneur agonisant sur le Calvaire. Nous le remercions d'avoir employé cette héroïne de son amour à «compléter en son corps, pour le Corps mysti­que total, l'Eglise, sa Passion rédemptrice11)».

Je tais ici sa charité envers le prochain; tous ceux qui ont eu, à titre de parenté d'amitié, ou de relations d'affaires, le bénéfice des attentions dé­licates de son cœur d'or, l'ont estimée incomparable, débordante, im­partiale, plus évangélique que naturelle, sans acception de personnes, toute céleste et à peine humaine.

Sainte Vierge Marie, c'est pur une bienheureuse fin qu'il vous a plu la retirer de cette vallée de larmes le jour de la fête de votre T. S. Rosai­re; vous avez sans doute signifié par là qu'elle méritait, pour l'avoir réci­té sans relâche tous les jours de cette vie, d'entrer en l'éternelle, en plein concert de «Salutations angéliques».

CHRONIQUE (Décembre 1899)

I. ROME

L'Anno Santo. - On ne parle déjà à Rome que de l'année sainte, Anno Santo. Toutes les imaginations travaillent. Le Saint-Père est heu­reux de penser qu'un grand nombre de ses enfants, les catholiques de toute l'Europe et même de plus loin viendront recevoir les grâces du ju­bilé. Ce sera une rénovation spirituelle pour le monde catholique. L'at­tachement à Rome grandira. On priera beaucoup. Dieu sera content de ses enfants et il aura pitié de l'Eglise et des nations.

Le peuple dévot des vieux Romains se réjouit à la pensée qu'il y aura de belles solennités et d'innombrables pèlerins. Les hôteliers et les mar­chands d'objets de dévotion s'attendent à voir couler des fleuves d'or. Anno Santo! Anno Santo!

On peut espérer, dit-on, trois millions, quatre millions de pèlerins. Rome n'aura pas vu d'aussi beaux jours depuis longtemps. Des comités se constituent partout, à Naples, à Bologne, à Milan, pour organiser des pèlerinages. Ici, on compte sur 30,000 pèlerins, là sur 40,000, là sur 50,000. La France, la Suisse, l'Angleterre, la Belgique auront leurs pèle­rinages nationaux.

Nous espérons beaucoup de ce jubilé. Après l'Année Sainte de Rome en 1900, il y aura l'Année Sainte universelle en 1901. Que de prières se­ront faites partout! Que de missions données! Que de consciences puri­fiées! Ce ne sera pas encore la perfection universelle, elle n'est pas réali­sable. Mais il y aura plus que les dix justes de Sodome.

Ayons donc confiance en la miséricorde divine. D'ailleurs la désespé­rance n'est bonne à rien qu'à paralyser les âmes et à énerver les vo­lontés.

II. FRANCE

Les trois conditions du salut imposées par le Sacré-Cœur. - Il y a deux cent dix ans, Notre-Seigneur demandait à la France de rendre hommage à son Sacré-Cœur, de lui élever un temple votif et de marquer le signe divin sur son drapeau. Il s'adressait à son humble servante Marguerite-Marie, dont l'Eglise célèbre la fête au jour de sa sainte mort le 17 octobre. C'est dans cette fête, le mois dernier, que le temple de­mandé par Notre-Seigneur a reçu son couronnement.

La France y a mis le temps. Les rois et les empereurs n'avaient pas su s'en occuper. C'est le peuple, nouveau roi de France, souverain effectif, qui a réalisé le programme divin.

Nous avons rappelé souvent comment du vœu national fait par deux chrétiens de Paris en 1870, au plus fort de nos malheurs, sortit en 1873 la loi qui décrétait l'érection de l'église du Sacré-Cœur, et comment la pre­mière pierre en fut posée en 1875. La dernière, qui est la croix du dôme vient d'être placée et bénite par le cardinal Richard.

Malgré ses 80 ans et les fatigues d'une telle ascension, le vénérable ar­chevêque de Paris a voulu bénir lui-même la pierre au sommet du dôme. Il a été transporté sur une chaise à porteurs par deux ouvriers vigoureux, et là, entouré du clergé et des membres du comité de l'œuvre, il a assisté à la pose de la croix et il l'a bénite.

Le cortège est ensuite descendu sur la plate-forme du dôme. Là, plu­sieurs discours émus et pieux ont été prononcés. M. Rauline, l'architec­te du monument, successeur du regretté M. Abadie, a remis officielle­ment la basilique, achevée dans son gros œuvre, à son Em. le cardinal, en faisant un court historique de l'œuvre.

Après lui, M. Rohault de Fleury, président du comité du vœu natio­nal, a célébré l'œuvre accomplie et montré qu'elle avait été vraiment nationale, tant par l'universalité des souscripteurs que par le vote des Chambres en 1875.

Le vénéré cardinal, très ému, a repris les différentes pensées formu­lées par ces discours, en louant tour à tour les instigateurs du projet, les donateurs, les architectes et les ouvriers, et en exprimant l'espoir que le monument, si heureusement terminé, du vœu national au Sacré-Cœur, serait, malgré toutes les épreuves passées et toutes les craintes actuelles, un gage de salut pour la France.

La foule des fidèles qui remplissait l'intérieur de la basilique a enten­du un excellent discours de R. P. Augier, des Oblats de Marie, sur l'œuvre du vœu national et assisté au salut solennel du Saint-Sacrement, suivi du chant du Te Deum.

Voilà donc réalisée l'une des conditions que Notre-Seigneur imposait à la France le 17 juin 1689.

Et l'acte d'hommage? et le drapeau?

L'hommage populaire est bien complet lui aussi. Tous les diocèses ont été consacrés au Sacré-Cœur. Toutes les paroisses ont accompli l'acte d'hommage le 11 juin dernier. Mais Dieu attend sans doute l'hommage des pouvoirs publics. Ce sera plus difficile. Il y a bien eu 70 membres du parlement qui l'ont fait à Paray-le-Monial en 1873. On trouverait à pei­ne aujourd'hui dans les Chambres 70 membres capables de cet acte de foi. Et les autres? Travaillons et attendons l'heure de la Providence. Ce­la peut venir par l'effort des catholiques dociles au Pape. Sinon, cela nous sera arraché par quelques épreuves comme celle de 1870.

Et le drapeau? Il devient populaire. Le progrès est immense depuis deux ans. Toutes les sociétés de jeunesse catholique l'arborent. Il péné­trera dans toutes les familles chrétiennes et en un jour d'angoisses pa­triotiques il sera arboré par nos officiers. La juiverie et les loges prépa­rent cela en rapprochant aujourd'hui l'armée et le clergé.

Prions et agissons, Prier ne suffit pas, Dieu veut notre concours.

L'agonie du gallicanisme. - Elle sera longue et violente. Le gallica­nisme est au fond de toutes les difficultés actuelles et de toutes les divi­sions des catholiques. Les causes premières des tristesses qui nous op­pressent en ce siècle finissant datent bien du XVIIe siècle. L'esprit de Louis XIV domine encore la société contemporaine. Nous souffrons du césarisme et du gallicanisme. Nous sommes des demi-protestants.

Au point de vue religieux, nous avons conservé la notion restreinte du christianisme esclave du pouvoir civil.

Au point de vue politique, nous avons la domination excessive du pouvoir gouvernemental sur tous les autres éléments de la vie nationale. Au point de vue social, nous avons la peur et la haine de la liberté d'asso­ciation. Rappelons-nous aussi le dédain des maîtres païens vis-à-vis de leurs ouvriers esclaves…

Le malheur pour la France, pendant le siècle qui va finir, a été, dans tous ses efforts pour arriver au salut, de ne jamais songer à autre chose qu'à redevenir ce qu'elle était au XVIIe siècle. L'idéal était faux, il n'était ni juste ni chrétien, il ne pouvait pas nous conduire à une vérita­ble restauration sociale.

Le gallicanisme, la grande erreur qui, depuis Louis XIV, ne cesse de corrompre l'idéal chrétien parmi nous, procède du même principe que le protestantisme. C'est un protestantisme mitigé. Il ne conserve rien de la sève puissante que le catholicisme véritable sut infuser à la France d'au­trefois; et si notre patrie ne conservait en beaucoup d'âmes une notion instinctive du vrai catholicisme qui l'a faite, elle redeviendrait païenne ou bien elle échouerait dans l'athéisme.

Ce qui donne la note caractéristique du catholicisme, c'est l'accepta­tion de l'autorité du Pape, et l'obéissance filiale à ses directions. Les pro­testants n'en veulent pas, tandis que les catholiques les acceptent avec amour. Les gallicans les acceptent en principe ou du moins en paroles, mais ils les discutent et au fond n'en prennent que ce qu'ils veulent.

Tant que nous n'en viendrons pas à l'acceptation affectueuse et com­plète des directions du Pape, nous ne serons pas de vrais catholiques, nous resterons des gallicans, nous marcherons contre le principe vital de notre pays et dès lors tous nos efforts seront frappés de stérilité.

Louis XIV ne se contenta pas d'empiéter sur la légitime autorité du Pape dans les matières religieuses; il prétendit absorber plus ou moins toutes les autorités politiques et sociales. Son fameux mot, «l'Etat, c'est moi», résume l'accaparement désastreux qui se fit des autorités secon­daires par le pouvoir central. Au fond, c'est le socialisme d'Etat, non seulement en germe, mais dans une grande partie de ses applications.

Notre République actuelle a pris la même direction. La forme de gou­vernement a changé, mais les principes sont les mêmes. Nous vivons dans le socialisme d'Etat depuis la Révolution de 1789, mais ce sociali­sme n'est que la suite et l'application de celui de Louis XIV et de Louis XV.

Voilà ce qui nous explique la stérilité des efforts qui ont été faits pour combattre le socialisme en France. Tous les partis sont gangrenés de so­cialisme. Les royalistes et les bonapartistes voudraient nous ramener au socialisme de Louis XIV ou de Napoléon 1er, c'est-à-dire à l'accapare­ment plus ou moins grand des libertés et même des fortunes, par le mo­narque régnant ou par ses représentants. Les républicains veulent conti­nuer cet accaparement par le Parlement. Personne ne consent à voir la source première du mal qui nous ronge, ou ceux qui l'entrevoient, re­connaissant leur insuffisance à la combattre, entrent dans l'armée des bras croisés, quand ils n'en viennent pas même à hurler avec les loups.

Les plus rapprochés de la vérité sont ceux qui forment le groupe des démocrates chrétiens. Ceux-là revendiquent pleinement la liberté religieuse, la liberté d'association, la décentralisation, la vie communale et provin­ciale, la vie corporative. Aussi sont-ils honnis des gallicans à tous les de­grés. Ils sont redoutés des socialistes, ils sont des trouble-fête pour les cé­sariens et pour tous ceux qui profitent de l'usure moderne.

«Ne craignez pas, petit troupeau», c'est vous qui vaincrez. Le monde tout entier était plongé dans une sorte de socialisme quand Jésus-Christ vint le délivrer. Partout l'autorité gouvernementale, quelle qu'en fût la forme, accaparait les libertés et les fortunes individuelles. Comment ce socialisme, bien autrement redoutable que le nôtre, a-t-il fini par dispa­raître? par la puissance de l'Evangile, de son enseignement, de sa prati­que. C'est là que se trouve l'antidote, aussi certainement indispensable, qu'il sera certainement efficace.

Revenons à l'Evangile, à son esprit et à ses œuvres, sous la direction du successeur de Saint-Pierre, si nous voulons nous relever du marasme actuel et retrouver avec une vie sociale prospère l'espérance du ciel.

III. AUTRES PAYS

Italie: congrès de Fermo. - Soyons pratiques, tel fut le mot d'ordre de ce beau congrès. Ce fut la conclusion de Mgr Radim-Tedeschi et du marquis Paganuzzi, deux des principaux chefs du mouvement catholi­que italien.

Soyons pratiques. L'étude des théories sociales est excellente, mais el­le serait stérile sans les œuvres. Ce sont nos caisses rurales, nos associa­tions agricoles, nos secrétariats du peuple, nos coopératives, nos ban­ques de crédit qui préparent le relèvement populaire et la réorganisation corporative. Soyons pratiques. A l'œuvre! à l'œuvre! les associations peuvent être fondées partout. Chaque paroisse peut les organiser, pen­dant que des groupes d'élite étudient les théories sociales.

Le congrès de Fermo n'a pas parlé de la France, mais n'y a-t-il pas un sous-entendu dans son mot d'ordre: Soyons pratiques? La France est ri­che en orateurs, mais elle va lentement dans la fondation des œuvres! Soyons pratiques.

Belgique: la représentation proportionnelle. - La réforme électo­rale est un cauchemar pour nos excellents amis et confrères les catholi­ques belges. L'entente a été difficile. Les intérêts privés entravaient l'étude consciencieuse du problème. L'union va se faire sur la représen­tation proportionnelle des électeurs dans les élections législatives. L'im­portant est que l'union se fasse.

La représentation proportionnelle était inscrite dans les programmes démocratiques en Belgique et en France. Nous pensons qu'elle répond à la justice et à la loyauté dans les luttes électorales.

Puissent nos amis de Belgique se ressaisir après ces discussions péni­bles et reprendre leur marche en avant dans l'organisation sociale chré­tienne!


1)
Un journal de la haute Eglise, le Church Times, annonçait avec satisfaction, le 20 mai 1898, que l’évêque anglican de Chicago venait de rétablir dans son diocèse l’usage de l’onction pour les malades.
2)
L’archevêque d’York disait, en 1897, au congrès de Shrewsbury, «qu’il y avait beaucoup plus d’ac­cord que de différence entre le catéchisme de l’Eglise d’Angleterre et celui du Concile de Trente».
3)
Lectures on anglican difficulties.
4)
England and Christendom.
5)
M. le chanoine Marceille, aumônier militaire, chevalier de la légion d’honneur, présent à la cérémonie.
6)
M. l’abbé Boucher, du diocèse de Beauvais, chevalier du Saint-Sépulcre.
7)
Cf. Réforme Sociale (16 avril 1899, p. 651). M. G. Blondel dont la compétence pour tout ce qui touche à l’Allemagne est incontestée, et qui tout récemment a publié un livre plein de faits, sur l’essor industriel et commercial du peuple allemand, donne depuis quelque temps, tous les deux mois, dans la Réforme Sociale, une fort intéressante re­vue des «faits économiques et du mouvement social» dans les pays germaniques.
8)
Oui, si c’est un vrai prêtre et non un ministre qui n’en a que les apparences.
9)
Même remarque que dans la note précédente.
10)
Texte très important, au livre IV, chapitre XIV, verset 1er in fine et 2, § 1 et 2.
11)
S. Paul: épitre aux Colossiens, chap. 1er, verset 24.
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