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CHRONIQUE (Janvier 1902)

I. ROME

Un effort national. - Oui, c'est vraiment un effort national que la parole du Pape a provoqué chez les catholiques d'Italie en faveur de l'ac­tion sociale populaire.

Depuis le mois de février dernier, après la publication de l'Encycli­que, Graves de communi, on peut dire que c'est une fièvre d'action démo­cratique et populaire qui agite toute l'Italie. «Les Associations de propa­gande, nettement démocratiques-chrétiennes, disait la Cultura Sociale du 16 novembre, sont déjà au nombre de cent cinquante, presque toutes fondées depuis le mois de février, et elles s'accroissent dans la mesure de trois à cinq par semaine en moyenne».

L'ancienne œuvre des Congrès et Comités a docilement accepté, sur les conseils du Pape, l'alliance avec les jeunes comités d'action populai­re. C'est un mariage de raison qui rajeunit toute l'action catholique.

Mais l'œuvre d'action populaire ou démocratique garde son autono­mie, tout en prêtant son concours aux œuvres anciennes. Ainsi l'a voulu le Pape. Elle a son comité central à Rome où Don Murri a su réunir des jeunes gens admirables de foi et de dévouement.

C'est vraiment un comité de propagande, qui dirige huit grands comi­tés régionaux pour les provinces de Sicile, Italie inférieure, Abruzes, La­tium, Marches, Romagne, Toscane et Gênes, avec cent cinquante comi­tés locaux déjà constitués.

Le comité de Rome a des conférenciers infatigables qui parcourent l'Italie; il a une Revue bi-mensuelle, la Cultura Sociale, un journal popu­laire, le Domani d'Italia, qui est hebdomadaire avec un tirage de 15.000 et qui va bientôt devenir quotidien, et tout un ensemble de brochures et de tracts.

Le comité de Rome, outre ses cent cinquante comités locaux, qui vont se multipliant, est aussi en rapports et en communauté de sentiments avec cent cinquante autres associations, cercles de jeunes gens, sociétés économiques, etc.

L'action épiscopale repond admirablement aux intentions du Pape. A Milan, c'est au palais archiépiscopal que se tiennent les réunions d'études sociales. Les séminaristes y assistent avec la jeunesse catholique de la ville. (Oh! sainte franc-maçonnerie!).

Son Em. le cardinal Ferrari, qui pourvoit avec un zèle si prévoyant à la formation apostolique de son clergé, vient d'établir en son diocèse une fondation nouvelle bien adaptée aux nécessités du temps présent. - Quatre ecclésiastiques, déchargés de toute autre fonction, ont reçu la mission spéciale de promouvoir les œuvres sociales dans le diocèse. Le supérieur de ces missionnaires du peuple a autorité de vicaire général. Il est facile de voir quelle vive impulsion va être donnée à l'action populai­re catholique dans toute la contrée.

La nouvelle création de S. Em. le cardinal Ferrari n'a point pour but de dispenser le clergé paroissial de l'apostolat social. Elle a été amenée au contraire par l'intensité qu'a prise cet apostolat dans un grand nom­bre de localités. Cette institution spéciale correspond à un effort d'en­semble que S. Em. le cardinal se propose de susciter pour introduire les œuvres sociales dans toutes les paroisses de son diocèse.

On sait avec quelle vaillance l'Osservatore Catiolico de Milan, l'Univers de l'Italie, concourt à tout ce mouvement populaire dans l'Italie du nord. Bergame rivalise avec Milan. Elle a aussi une admirable organisation catholique populaire, avec des œuvres sans nombre et un journal sans peur et sans reproche, l'Eco di Bergamo.

Florence, naguère si endormie, a ses comités et son vaillant journal po­pulaire, la Bandiera del popolo, qui tire à 7.000 exemplaires, et qui con­tient chaque semaine une riche et suggestive chronique du mouvement social catholique.

Bénévent avait tout récemment son Congrés régional sacerdotal, présidé par le cardinal archevêque. Toutes les œuvres sociales y étaient exposées: caisses rurales, coopératives de consommation, unions professionnelles, mutualités, etc. Le vénéré cardinal exhortait les prêtres à entrer en con­tact immédiat avec le peuple et à commencer par l'une ou l'autre de ces œuvres, suivant les opportunités locales.

A Savone, autre congrès sacerdotal, avec cent soixante prêtres des dio­cèses de Savone et de Noli: organisation d'un bureau diocésain du tra­vail, création d'un journal populaire, Il Lavoro, sous la direction d'un prêtre; étude des œuvres et résolutions pratiques.

Congrès régional à Viterbe Mgr l'évêque avait appelé les propagan­distes de Rome.

Assemblée régionale à Livourne.

Conférence au théâtre d'Imola et constitution du comité régional. Congrès des Marches à Fabriano, sous la présidence du cardinal arche­vêque d'Ancône. Les Marches ont, comme la Lombardie, un organe ar­dent d'action catholique et sociale, le journal La Patria.

La Sicile a ses comités et son mouvement d'œuvres aussi. A Girgenti (Agrigente), un prêtre, Don Sclofani, ardent propagateur de la démo­cratie chrétienne vient d'être élu au conseil communal à une grande ma­jorité.

C'est donc bien un effort national, qui s'étend de Tarente à Savone et de Palerme à Venise.

Quel bel exemple de docilité au Pape! et quels fruits n'en peut-on pas attendre pour l'Italie!

L'action sociale réunira les catholiques et leur refera un tempérament social, qui préparera la solution du problème italien pour le temps la Providence voudra intervenir.

II. FRANCE

Il faut agir. - En France aussi, il nous faudrait un effort vraiment national, ou plutôt il en faudrait deux, comme en Belgique, un effort so­cial et un effort politique.

Il faut un effort social, pour réaliser toutes les œuvres de justice et de charité chrétiennes que l'on comprend sous les noms génériques d'action populaire ou de démocratie chrétienne. Il faut aussi un effort politique pour conquérir la majorité au Parlement.

En Italie, les catholiques n'ont pas d'action politique à exercer, parce que le Pape ne les juge pas mûrs pour entamer la lutte sur ce terrain. Ils ont l'action sociale, et comme c'est là une pure application de l'Evangi­le, tout l'épiscopat et le clergé en prennent l'initiative.

En Belgique et en France, il y a l'action politique et l'action sociale. Dans ces deux pays, le clergé ne doit prendre qu'une part fort restreinte à l'action politique proprement dite; non pas que le prêtre soit moins ap­te à faire de la politique sensée que le médecin, l'avocat ou le vétérinaire, mais parce que l'opinion actuelle est opposée à cette action légitime du clergé.

Les laïques catholiques y suffiront d'ailleurs. Ils y réussissent en Belgi­que et ils doivent y réussir en France, s'ils veulent se mettre à l'œuvre avec ardeur.

Qu'ils s'organisent! il est plus que temps. Qu'ils s'allient avec les demi-catholiques si nombreux en France, et qu'ils luttent comme des lions contre le parti hébraïsant et anti-national!

Mais pour l'action sociale, le clergé ne saurait rester en arrière. Il a le premier rôle à jouer dans l'application pratique des principes évangéli­ques de justice et de charité, tout en s'aidant des bataillons laïques et surtout de la jeunesse.

Il faut qu'il marche sur les traces du clergé d'Italie et de celui de Belgi­que; qu'il ait ses réunions, ses comités de propagande et d'action, ses chaires de justice sociale dans les séminaires, son action intense par la presse et par toutes les œuvres.

Tel est manifestement le devoir actuel.

Puissions-nous le comprendre! Sinon préparons-nous à enregistrer la fin de la France catholique.

III. AUTRES PAYS

Le Patriarche Chaldéen. - Le gouvernement français a demandé à la Sublime-Porte la reconnaissance du patriarche chaldéen-uni.

Voici quelle situation occupe ce prélat dans les Eglises d'Orient: Les Chaldéens-unis de Turquie et de Perse appartiennent à une Eglise orientale qui, avec les catholiques latins, les Maronites, les Syriens-unis, les Melkhites et les Arméniens-unis, se réclame du protectorat tradition­nel de la France sur les institutions catholiques de l'Orient.

Les Chaldéens-unis constituent une branche de l'Eglise nestorienne, qui a longtemps prédominé dans les territoires asiatiques formant les provinces orientales de la Turquie d'Asie et les provinces occidentales de la Perse.

Nestorius, le fondateur de cette Eglise, était en 428 patriarche de Con­stantinople. Il combattit avec énergie la doctrine d'Arius, mais il adopta, en matière de dogme, la double personnalité de Jésus-Christ.

Le concile d'Ephèse, en 431, se prononça contre Nestorius, qui dut abandonner son patriarcat. Mais il eut à Antioche, où il se réfugia, puis en Syrie, des adeptes qui propagèrent sa doctrine. De là, le nom de chré­tiens assyriens ou chaldéens donné souvent aux nestoriens.

Persécutés par les empereurs de Constantinople, les nestoriens se réfu­gièrent en Perse, dont les souverains se montrèrent plus accueillants en raison de leur haine séculaire contre les Grecs.

Malgré l'Islam, le nestorianisme a survécu surtout chez les humbles de la Mésopotamie. La langue liturgique de l'Eglise nestorienne est le chaldéen c'est-à-dire le vieux dialecte du pays.

A l'heure actuelle, on évalue à 400,000 le nombre des nestoriens qui se trouvent dans les provinces turques de Bagdad, d'Arménie, du Kur­distan, de Syrie et de Perse. Le patriarche de l'église nationale chaldéen­ne réside à Mossoul.

Au seizième siècle, quelques nestoriens, sous la conduite de Jean Sou­laka, se séparèrent de l'Eglise nationale chaldéenne et se rapprochèrent de la Papauté. Jean Soulaka, qui fut le premier patriarche chaldéen­latin, résida à Amid, dans le Kurdistan. Ses successeurs, dont l'élection fut toujours confirmée par le Saint-Siège, quittèrent Amid en 1826 pour aller à Mossoul, sur le Tigre, où se trouve le groupe le plus important des nestoriens latins. De sorte que, à l'heure actuelle, il y a à Mossoul deux patriarches chaldéens: celui de l'Eglise nationale et celui de l'Eglise qui accepte l'autorité papale.

C'est Jean Hormuz qui fut le premier patriarche chaldéen-latin rési­dant à Mossoul.

Les Chaldéens latins ou Chaldéens-unis sont au nombre d'environ 80,000, Il y en a 24,000 dans la province de Mossoul, 3,000 dans la pro­vince de Bagdad, 3,000 dans la province de Bassorah, 7,000 à Kerkouk, 5,200 à Djezireh, 5,000 à Séerth, 3,500 à Zakho, 3,000 à Amadia, 1,000 à Akra-Zebhar, soit 55,000 en Mésopotamie. Ou en rencontre 16,000 en Perse, soit 10,000 à Salamas et 6,000 à Ourmiah. Les Chaldéens-unis de Syrie ne sont que quelques centaines.

Le patriarche-uni de Mossoul est assisté de deux archevêques résidant l'un à Diarbekir et l'autre à Kerkouk. Il y a d'autres archevêques et évê­ques à Amadia, Gesirah, Mardine, Mossoul, Galmas, Seerth, Senia et Urmia Zaker.

Après la mort du patriarche Joseph Thomas, l'an dernier, les archevê­ques chaldéens-unis se réunirent à Mossoul sous la présidence de l'ar­chevêque latin de Bagdad, Mgr Altmayer, qui remplit les fonctions de délégué apostolique pour la Mésopotamie, le Kurdistan et l'Arménie. Ils élirent comme patriarche Mgr Emmanuel.

Mais le sultan n'avait pas voulu, jusqu'à présent, délivrer le bérat d'investiture. C'est pourquoi le gouvernement français, dans l'exercice de ses droits de protectorat religieux, demande à la Porte la reconnais­sance du patriarche chaldéen-uni Emmanuel, comme il l'a fait, il y a quelques temps, pour Mgr Djeradjiry, patriarche d'Antioche, d'Alexan­drie et de Damas, pour l'Eglise melkhite ou grecque-unie.

Italie: la démocratie chrétienne au tribunal. - Un joli trait: le Président des jeunes catholiques sociaux de Lecco avait parlé un peu vi­vement d'un député du lieu, un sieur Gavazzi qui, au Parlement, assi­milait les démocrates chrétiens aux socialistes. Gavazzi se tenant pour offensé en appela au tribunal. Le jeune président, l'avocat Figini y fit cette noble profession de foi.

Le juge. - Vous êtes le Président du Cercle Beato Pagano?

Figini. - Oui, monsieur, je le suis depuis plusieurs années. C'est une institution qui a dans son règlement le devoir d'être franchement catho­lique, et précisément pour cela, afin d'obéir aux derniers enseignements du Pape, ses membres s'étaient adonnés depuis quelque temps au déve­loppement du mouvement social chrétien, plus communément connu sous le nom de mouvement démocratique chrétien. Forts de la bonté d'une telle cause, qui a pour but de venir en aide aux classes ouvrières, nous nous sommes efforcés d'organiser les masses des travailleurs sui­vant les lois catholiques du travail, leur montrant la différence énorme qui existe entre nos associations catholiques et celles des socialistes. En effet, dans notre organisation, non contents de conserver à la société ce que nous avons de plus cher, la foi de nos pères, nous tâchons d'amélio­rer sa situation économique, sans léser les droits de qui que ce soit, sans user de violence et sans recourir à la lutte des classes comme font les so­cialistes, mais bien plutôt par la paix et l'harmonie, en mettant à la base de la nouvelle organisation économique et sociale, des lois basées sur la justice et la charité chrétienne.

Ces choses nous les avons toujours dites dans nos réunions publiques et privées, nous les avons continuellement publiées dans nos journaux, et nous les avons plusieurs fois soutenues courageusement dans des séan­ces contradictoires publiques en face des socialistes eux-mêmes; etie suis heureux de pouvoir constater que nos efforts avaient rencontré la sym­pathie des catholiques en général, et même celle de beaucoup d'autres militants d'un parti différent, si bien qu'en peu de mois nous avons pu établir plusieurs associations, parmi lesquelles il faut compter celle de Lecco.

L'illustre Tribunal comprendra donc notre amère surprise, lorsque le matin du 21 juin, l'Agence Stefani nous communiqua, au moyen des jour­naux de tous les partis, un grand compte-rendu du discours que M. Ga­vazzi avait prononcé le jour précédent à la Chambre des députés, et dans lequel il assimile le programme catholique au programme socialiste.

Ah! il m'est impossible d'exprimer la douleur que m'ont causée ces expressions qui nous comparaient aux socialistes, après tant de sacrifi­ces, tant de luttes soutenues contre eux pour défendre nos principes! Et pour nous, l'indignation était d'autant plus justifiée que ces accusations nous venaient d'un concitoyen, du représentant de notre Collège électo­ral, qui dans ce pays de foi se donne comme catholique pour gagner les électeurs…

Le juge comprit que les choses tournaient assez mal pour le député Gavazzi. Il lui conseilla la conciliation, elle se fit et mit fin au procès.

La médaille de saint Benoît. - Une longue expérience des grâces que la célèbre médaille de saint Benoît a procurées aux fidèles qui s'en sont servis avec foi, l'a rendue chère à la piété catholique. Cette médail­le, connue depuis plus de deux siècles et favorisée d'un Bref de Benoît XIV, représente d'un côté la figure de la Croix, et de l'autre l'effigie de saint Benoît, patriarche des moines d'Occident. Elle est particulière­ment en usage pour repousser les embûches du démon, pour surmonter les tentations, spécialement contre la pureté. Elle est un préservatif et un antidote contre le poison, la peste, le choléra. Elle protège contre la fou­dre et la tempête. Elle est un remède contre les maladies nerveuses, les pertes de sang, la fièvre, les maux de gorges et les maux de tête.

Nous lui attribuons la guérison d'un de nos jeunes étudiants, qui était sujet à de violentes crises de nerfs. Du jour où nous lui avons donné la médaille, les crises ont disparu. Nous en remercions le vénérable patriar­che, saint Benoît.

CHRONIQUE (Février 1902)

I. ROME

Le Pape. - Nous avons eu, il y a quelques jours, la joie de voir le Saint Père en audience particulière. Il était tout rayonnant de santé, de vivacité, tout pétillant d'intelligence, et combien bon et paternel!

Il nous a entretenu de la démocratie chrétienne, en nous encourageant à continuer de propager ses enseignements sociaux. Les encycliques Rerum novarum et Graves de communi en forment la base, nous a-t-il dit, mais il est obligé d'intervenir encore une fois pour faire cesser les divisions qui sub­sistent entre les catholiques.

Deux impressions le dominent, celles qu'il a manifestées dans son al­locution de décembre: une tristesse profonde à cause de la situation gé­nérale de l'Eglise et un grand désir de voir l'union des catholiques.

«L'Eglise de Dieu, disait-il, à la veille de Noël, est troublée par des épreuves et des persécutions comparables aux plus cruelles qu'elle ait ja­mais souffertes!».

Ces reproches du meilleur des pères ne feront pas ouvrir les yeux à nos Barberousse d'occasion. Ils continueront fièrement leur besogne. Mais le jour viendra où leur nom s'ajoutera à la liste des persécuteurs humi­liés.

La désunion des catholiques n'est pas moins sensible au cœur du Saint Père.

Il se plaint de la désobéissance de quelques-uns, qui résistent toujours à ses directions tout en prétendant, mais sans bonne foi, qu'ils y sont très fidèles.

Il ne s'étonne pas qu'il y ait sur quelques points des divergences d'opi­nion, mais il est attristé de voir qu'il en résulte des polémiques acerbes, des dissensions, des critiques insolentes.

Il demande le concours unanime de toutes les bonnes volontés.

«Venez, jeunes gens, dit-il, nous avons besoin de votre activité énergi­que et ardente; venez aussi, hommes d'œuvres plus âgés, apportez à l'action catholique le secours de la pondération et du bon sens qui sont le fruit de l'expérience… et s'il y a quelque différence de vue dans vos con­seils, gardez entre vous la courtoisie, la charité et au besoin la patience».

Puissent tous les catholiques donner cette consolation à notre père bien-aimé, qui a déjà assez à souffrir de la part des persécuteurs!

Le mouvement social en Italie. - C'est toujours la même activité. Au moment où nous écrivons, deux congrès s'organisent à Milan: Réu­nion de la démocratie chrétienne et congrès professionnel du Nord de l'Italie. Ils vont s'ouvrir le 25 et le 26 janvier.

Le premier congrès a été convoqué par cette circulaire:

«Le développement consolant du mouvement démocratique chrétien dans ces derniers mois et le besoin senti de coordonner sérieusement le travail de nos associations et d'unir entre eux tous ceux qui se dévouent à la propagande et à l'application du programme catholique social, ont poussé le groupe démocratique de Milan (il Fascio Democratico Cristiano) à promouvoir un congrès de représentants des groupes et des cercles dé­mocratiques.

Jeter les bases d'une solide organisation et s'entendre pour rendre plus intense la propagande de la démocratie chrétienne, tel est le but du congrès.

L'excellent résultat du premier congrès démocratique lombard tenu à Milan en avril dernier et la part très large qu'y ont prise les amis des ré­gions voisines, ont décidé les promoteurs du prochain congrès à l'éten­dre aux représentants des démocrates chrétiens de l'Italie septentrionale; de cette manière les délibérations seront plus efficaces et plus homogènes et l'application en sera plus prompte.

Ordre du jour:

1. Fondation d'associations démocratiques chrétiennes d'étude et de propagande.

2. Fédérations provinciales et régionales, et comité national de la dé­mocratie chrétienne italienne; leurs rapports et coordination.

3. La presse: délibération au sujet du journal démocratique quoti­dien.

4. Conduite des démocrates chrétiens dans les élections politiques et administratives».

- La circulaire se terminait ainsi: «La gravité des problèmes qui s'agitent aujourd'hui en Italie et la nécessité pour les démocrates chré­tiens de s'entendre entre eux, vous détermineront sûrement à nous don­ner votre adhésion pour assurer au prochain congrès un succès qui nous permette de marcher plus confiants et plus unis à la conquête de l'ave­nir».

Le congrès professionnel fera suite à celui de la démocratie. Nous en don­nons également l'invitation et le programme:

«Aucune place d'Italie, spécialement dans le Nord, n'a été exempte cette année des agitations du prolétariat agricole et industriel, presque toujours suivies par la formation de ligues et d'unions du travail, dont le but est de réunir les masses laborieuses pour les guider dans l'acquisition d'une amélioration économique unie à un relèvement moral.

Ces associations se sont développées séparément parce que le temps a manqué pour se réunir et s'entendre. Il est temps de sortir de l'incertitu­de et de mettre la main à une organisation de ces associations pour que le désordre et le découragement ne pénètrent pas dans nos rangs. Dans cet­te vue, le Fascio Democratico Cristiano de Milan qui a eu tant de part dans le travail d'organisation et de propagande, appelle à lui les représentants du prolétariat chrétien de l'Italie septentrionale pour réaliser cette en­tente commune qui est indispensable pour une action sérieuse et effi­cace.

Le premier congrès professionnel catholique de l'Italie du Nord doit être une solennelle affirmation des ouvriers et des paysans catholiques sérieusement organisés; à vous, à tous les compagnons revient le soin de concourir au succès.

Ordre du jour:

1. Projet de Statut unique pour les Unions rurales et les Ligues du travail.

2. Fédérations provinciales et régionales; leur coordination et leurs rapports; fondation des Fédérations d'Arts et métiers.

3. Institutions complémentaires des associations professionnelles ca­tholiques (Caisses rurales; Laiteries et cantines sociales; Caisses de se­cours mutuels; Caisses de chômage; Coopératives de consommation, etc.).

Divers orateurs parleront sur la réforme du pacte colonial, sur l'orga­nisation ouvrière et sur la démocratie chrétienne…».

On le voit, les catholiques italiens agissent. Ils ont déjà 1200 caisses rurales qui réunissent environ 150,000 paysans. Ils multiplient les patro­nages, les écoles du soir.

Le culte du Dolce far niente, autrefois si populaire en Italie, paraît avoir passé les Alpes.

II. FRANCE

Tristesses. - Pour écrire une chronique de France dans ce temps-ci, il faudrait des larmes plutôt que de l'encre.

Les judéos-maçons nous piétinent et nous nous laissons faire. Nous re­nouvelons les faiblesses de Bysance. Nous nous querellons et nous divi­sons.

Les élections se préparent. L'Action libérale aura sa liste et sa caisse. Le Nationalisme aura aussi ses candidats et le petit groupe royaliste veut aussi avoir les siens, quoiqu'il sache bien qu'il n'aura pas vingt élus sur six cents. Nous avons un ennemi réel, la duplice radicale-socialiste (en réalité, la conspiration judéo-maçonnique) et nous allons en guerre les uns contre les autres.

Si la Belgique avait fait cela, au lieu d'avoir depuis dix-sept ans un mi­nistère de droite, elle serait devenue la proie des solidaires et des sociali­stes.

Ce qu'il nous faudrait, c'est une entente entre les trois groupes de droite: l'Action libérale de M. Piou, les Progressistes de M. Méline et les Nationalistes de M. Jules Lemaitre.

Mais allez parler d'entente aux Gaulois que César trouvait déjà si en­clins aux querelles intestines!

Le Saint Père, le meilleur ami de la France, nous rappelle sans cesse la nécessité de cette union, mais nous sommes sourds à sa voix.

Nos plus graves intérêts sont en question: la liberté religieuse, la liber­té d'enseignement, l'accord de l'Eglise et de l'Etat. Faudra-t-il que nous revenions aux temps désastreux de la Convention et du Directoire pour comprendre l'urgence de l'union? Peut-être.

Le salut présent est dans cette union. Le salut de l'avenir est dans l'or­ganisation démocratique chrétienne.

Le XIXe siècle a été le siècle de la bourgeoisie. Le XXe sera, que nous le voulions ou non, celui de la démocratie.

Il y avait deux bourgeoisies; la première, vouée au scepticisme, à la sensualité et à l'appât de l'or, (celle d'Eugène Sue, du Nabab, de Roth­schild;) la seconde, vouée aux œuvres de foi, de justice et de charité (cel­le d'Ozanam, de Veuillot, de Maurice Maignen…); nous avons laissé dominer la première, elle a amené les châtiments providentiels de 1871 et d'aujourd'hui.

Il y a aussi deux démocraties: celle du socialisme et celle des œuvres sociales chrétiennes; si l'apathie du clergé et des laïques influents laisse dominer celle-là, nous verrons des temps auprès desquels les horreurs de 93 ne seraient que des jeux d'enfants.

III. AUTRES PAYS

L'action de la jeunesse catholique au Mexique. - L'Amérique la­tine entre dans le mouvement des œuvres.

L'activité du cercle catholique de Puebla se manifesta en 1900 par une multitude d'œuvres de religion et de piété vraiment édifiantes, non moins que par d'autres œuvres importantes de propagande et de sociologie.

Parmi les œuvres de piété et de religion, il faut signaler la célébration de la Semaine sainte, de la fête du Sacré-Cœur, de la fête en l'honneur de Notre-Dame de Guadeloupe, les cérémonies spéciales et les pèlerinages de la fin du siècle. Les membres travaillèrent avec ardeur à la propagande reli­gieuse, en distribuant des feuilles volantes et en suscitant la fondation de cercles catholiques. Parmi les œuvres sociales, la plus remarquable de tou­tes, fut l'Exposition des beaux-arts. Elle obtint un résultat inespéré. On en­voya à l'Expositiou 268 tableaux, 22 collections de photographies, 7 collec­tions de dessins d'architecture, 6 œuvres de sculptures. L'Exposition fut ouverte du 15 avril au 27 mai et visitée par 6 à 7 mille personnes. Pendant cette période de temps, il y eut de magnifiques concerts musicaux.

Le résultat cependant au point de vue financier, ne fut pas aussi heureux qu'au point de vue moral, mais les excellents membres du cercle de Puebla surent vite y suppléer en organisant une série de séances dramatiques, qui servirent en même temps à offrir un divertissement moral au public.

Il faut noter aussi que le cercle de Puebla comme celui de Buenos­Aires, s'est construit un local spécial pour ses réunions.

Société de la jeunesse catholique â Bethléem. - A Bethléem, en Terre-Sainte, on a constitué la Société de la jeunesse catholique avec des statuts et des Règlements semblables à ceux d'Italie. Elle a été inaugurée le 8 décembre, fête de l'Immaculée-Conception. Le premier cercle fondé à Bethléem, s'est mis sous la protection de saint Joseph. On en fondera d'autres en Palestine.

Le Saint Père a daigné déclarer qu'ils pouvaient être aggrégés à la So­ciété de la jeunesse catholique italienne.

Les confession religieuses en Prusse. - D'après le dernier recense­ment, la population de l'Empire germanique s'élève à 56 millions d'ha­bitants; celle du royaume de Prusse à 34 millions.

En chiffres ronds, on compte en Prusse 12 millions de catholiques, 22 millions de protestants et 400 mille juifs.

Les provinces où les catholiques sont en majorité sont:

Prusse rhénane:catholiques 4.021.000
protestants 1.685.000
juifs 52.000
Silésie:catholiques 2.570.000
protestants 2.051.000
juifs 48.000
Westphalie:catholiques 1.616.000
protestants 1.550.000
juifs 21.000
Posen:catholiques 1.280.000
protestants 570.000
juifs, \\ 35.000
Prusse occidentale:catholiques 800.000
protestants 744.000
juifs 18.000
Hohenzollern: catholiques 63.000
protestants 3.000
juifs 1.000

Les protestants sont en majorité dans le district de Berlin:

catholiques 188.000
protestants 1.604.000
juifs \\ 92.000

et dans les provinces de Hesse-Nassau, Prusse orientale, Hanovre, Saxe, Brandebourg, Poméranie et Slesvig.

CHRONIQUE (Mars 1902)

I. ROME ET L’ITALIE

PROGRES DE L’ACTION SOCIALE CHRETIENNE EN ITALIE

Milan. - Congrès professionnel catholique de l'Italie septentrionale.

4,000 personnes présentes, représentant 107 associations et 103,000 ouvriers industriels ou agricoles. Grand enthousiasme. Constitution de la fédération catholique des travailleurs. La démocratie chrétienne est accla­mée. L'assemblée envoie au ministre de l'Intérieur cette dépêche: «4,000 ouvriers réunis à Milan au théâtre Fossati protestent unanime­ment contre le projet de loi sur le divorce et réclament des réformes légi­slatives sur le travail des femmes et des enfants, sur l'assurance contre les accidents, le repos dominical, les prud'hommes, l'agriculture, les employés de commerce, les portefaix et demandent l'admission de repré­sentants catholiques à l'Office national du travail».

Le Congrès a reçu cette dépêche du Pape: «Le Saint-Père, touché de votre pleine obéissance aux directions pontificales, bénit de cœur les promoteurs du Congrès démocratique chrétien et professionel».

Viterbe. - Première réunion provinciale de la démocratie chrétien­ne. Mgr l'archevêque et les six évêques de la province y assistent. Ils encou­ragent cette assemblée dont ils espèrent les meilleurs résultats.

Programme de l'assemblée: 1° l'action sociale chrétienne dans le temps présent; 2° définition de la vraie démocratie chrétienne; 3° moyens de propagande; 4° de l'éducation sociale du clergé; 5° la presse; 6° les cais­ses rurales; 7° les organisations professionnelles; 8° la question agri­cole, etc.

L'assemblée constate que le mouvement populaire catholique se déve­loppe rapidement dans la région. Partout s'éveillent des énergies nouvelles et puissantes pour concourir à l'organisation chrétienne du prolé­tariat.

Prêtres et laïques, jeunes gens et hommes d'expérience se donnent la main pour arriver au but.

Le P. Bonaventure Stili, des Frères Mineurs, a parlé avec enthousia­sme de l'action démocratique de saint François.

Une belle assemblée générale avec la présence des sept évêques a cou­ronné le Congrès dans la grande salle du Conclave, qui a été au moyen­âge témoin de l'élection de plusieurs Papes.

Asimo. - Inauguration d'un groupe démocratique chrétien, et d'un cercle d'études sociales. Conférence sur le salaire en présence de Mgr l'évêque et d'une foule enthousiaste.

Ravenne. - Grande fête présidée par Son Em. le Cardinal pour la distribution des récompenses aux enfants des patronages.

Trivento (Abruzzes). - Notre vénérable évêque a établi une chaire d'économie sociale au séminaire.

Molfetta (dans la Pouille). - Mgr l'évêque a réuni à l'évêché tout le clergé de la ville pour lui expliquer la nécessité de l'action sociale du clergé à l'heure présente. Il a recommandé l'union et a engagé ses prêtres à sou­scrire des actions pour la coopérative catholique de crédit. La souscrip­tion a été ouverte immédiatement et la coopérative commence avec un capital initial de 5,000 francs. A la suite de cette même réunion on a fon­dé à Molfetta un cercle d'études sociales pour les jeunes gens et un comi­té d'action électorale sur la base du programme communal catholique.

Vicence. - Avec le concours de l'autorité ecclésiastique, nous avons fondé une Ligue démocratique chretienne. Nous sommes en pleine activité depuis trois mois. La jeunesse de Vicence goûte le programme démocra­tique chrétien, elle est prête au travail et au sacrifice pour le réaliser.

Turin. - Réélection annuelle du bureau à l' Union démocratique chré­tienne. Tournée de conférences dans la province, à Biella, Magliano, etc. Milan. - Formation de nouvelles sections de la Ligue catholique du tra­vail, à la suite de conférences données par les propagandistes du groupe dé­mocratique chrétien. Inauguration d'un groupe démocratique de femmes.

Crémone. - L'action démocratique chrétienne grandit chaque jour, grâce à nos associations; Office du travail, cercle d'études, faisceau dé­mocratique.

Brescia. - Réunion générale des Unions catholiques du travail de la province. Envoi au ministère d'une protestation de 2,500 jeunes gens contre le divorce.

Palazzolo. - Dans cette commune de 7,000 habitants l'Union ca­tholique du travail compte 1,400 inscrits.

Monza. - Grande activité à la Ligue catholique du travail, à la ligue des femmes, au cercle d'études, au groupe démocratique.

Chiavari. - Organisation d'un groupe de conférenciers pour la pro­pagande démocratique chrétienne dans les campagnes.

Voltri. - Assemblée générale de la Ligue catholique du travail; réunion de la Chambre du travail pour promouvoir le repos du dimanche. Bologne. - Réunion des associations catholiques pour adhérer à la protestation de l'épiscopat contre la loi du divorce.

Livourne. - Conversion retentissante d'un socialiste. Il publie cette protestation dans les journaux: «Ayant reconnu que la Démocratie chrétienne peut seule réaliser pacifiquement le règne de la justice, de la liberté et de la paix sociale à l'avantage des classes laborieuses, je quitte les rangs du socia­lisme pour passer dans ceux de la démocratie chrétienne, bien déterminé à faire à l'avenir tout mon devoir comme démocrate chrétien».

FRANCESCO ULISSI

Bibbiena. - Conférence au théâtre devant 600 auditeurs sur la démo­cratie chrétienne.

Florence. - Tournée de conférences pour la propagande. Naples. - Conférence sur l'organisation professionnelle.

Pise. - Création au Séminaire d'un cours hebdomadaire d'économie chrétienne par le professeur Toniolo.

- Je suis obligé d'ajouter: etc. Il me faudrait encore dix pages. Pour terminer je signalerai seulement les progrès de la presse démocrati­que chrétienne.

A Crémone, le Cittadino agrandit son format et mène vigoureusement la campagne de propagande.

A Alcamo (Sicile), le Granellino democratico cri stiano gagne chaque jour des sympathies. Mgr l'évêque lui a envoyé une belle souscription.

A Bitonto, sous les auspices de Mgr Berardi a été fondé le journal De­mocrazia cristiana.

Turin, la Voce dell'operaio mène une brillante campagne. On y étudie particulièrement les droits et les devoirs des assemblées communales. Dans les Marches, nouveau journal professionnel La Pesca.

A Pistoia, le journal populaire La Difesa a mis en sous-titre: périodi­que démocratique chrétien.

J'arrête ici cette énumération qui pourrait remplir encore quelques pages.

Qu'en pensez-vous, chers lecteurs? Il me semble que si nous faisions seulement la moitié de cela en France, les choses ne tarderaient pas à al­ler mieux.

II. FRANCE

Directions pontificales. - Voilà dix ans que notre bien-aimé Ponti­fe souffre et se plaint de la désobéissances des catholiques réfractaires de France.

A peine avait-il tracé le devoir formel de l'acceptation de la Républi­que par son encyclique Au milieu des sollicitudes, du 16 février 1892, qu'il avait à gémir de la résistance désastreuse de quelques-uns. Il s'en plai­gnait amèrement trois mois plus tard dans sa lettre aux Cardinaux fran­çais. Il dut hélas! souvent renouveler ses plaintes, soit dans des audien­ces privées, soit dans des lettres publiques, comme celle au cardinal Per­raud en 1893 et celle à Mgr Mathieu, archevêque de Toulouse, en 1897.

Aujourd'hui après tant de désastres causés par les réfractaires qui ont empêché l'union des catholiques avec les républicains modérés, par la­quelle on aurait pu barrer la route du pouvoir aux radicaux et aux socia­listes, Léon XIII adresse encore un appel suprême à ces désobéissants. C'est dans une lettre à Mgr l'archevêque de Bourges, calomnié des ré­fractaires, qu'il exprime cette fois sa tristesse et ses derniers avis.

«Nous sommes persuadé, dit-il, que beaucoup d'amertumes nous eus­sent été épargnées à nous-mêmes, beaucoup de calamités évitées à votre pays, si tous ceux qui, en France, portent le nom de catholiques s'étaient montrés dociles et avaient obéi à notre voix» et il ajoute: «Nous l'avouons avec douleur, il y a encore plusieurs journalistes qui, d'une manière ouver­te ou dissimulée, continuent à contrecarrer nos enseignements et nos exhor­tations…» et enfin: «Il nous reste à prier Dieu, qui fait miséricorde, d'éloi­gner ces malheurs qui n'ont pas été causés seulement par l'injustice des ad­versaires, mais peut-être même par l'imprudence des bons».

Il y a donc des catholiques qui depuis dix ans par leur obstination et leur désobeissance font souffrir notre père bien-aimé. Il y a des catholiques qui depuis dix ans résistent non seulement aux exhortations, mais aux enseignements du vicaire de Jésus-Christ. Il y a des catholiques français qui depuis dix ans ont abreuvé d'amertumes notre grand Pontife et attiré sur leur patrie bien des calamités. Et parmi ces catholiques, ceux qui ont la plus grande part de responsabilité, ce sont quelques journalistes.

Faut-il laisser cette parole du Pape dans le vague ou en chercher l'ex­plication? Si nous mettons les points sur les i, nous causerons de la peine à quelques personnes, mais ne rendrons-nous pas un immense service à beaucoup d'âmes de bonne volonté qui suivent aveuglément ces journa­listes? N'aiderons-nous pas au salut de la France catholique? Oui, le bien général doit passer avant la satisfaction de quelques-uns.

Il y a donc deux classes d'écrivains catholiques qui ont mené cette in­terminable campagne réfractaire: ceux qui parlaient d'une manière ouverte et ceux qui parlaient d'une manière dissimulée, en d'autres termes, ceux qui se laissaient aller au sarcasme et à la désobéissance brutale, et ceux qui agissaient sous la forme d'une résistance oblique.

Les premiers sont connus de tout le monde, ce sont les écrivains de l'Autorité et de la Libre Parole. C'est à leur sujet que le Saint-Père se plai­gnait douloureusement dans sa lettre au cardinal Perraud de ne pas rece­voir le respect et la Piété filiale qu'il était en droit d'attendre d'écrivains ca­tholiques. Pour le moment, ils acceptent un certain ralliement en vue des élections, c'est mieux que rien.

Quels sont les autres, ceux qui contrecarrent les directions pontificales d'une manière dissimulée? Le Saint-Père les a suffisamment désignés à plu­sieurs reprises pour que nous puissions les nommer sans encourir le re­proche de témérité. Il y a d'abord le journal la Vérité française, qui a été deux fois blâmé publiquement par le Pape. Il y a ensuite et sur le même rang la Semaine Religieuse de Cambrai, qui vient de recevoir un bien sévè­re avertissement. On sait que dernièrement le Saint-Père a fait savoir à M. le chanoine Delassus, par l'entremise de son archevêque, qu'il ait à cesser enfin sa trop longue campagne réfractaire et ses polémiques vio­lentes.

Derrière la Vérité française se rangent quelques journaux de province qui, sous les noms de Nouvelliste, d'Express, de Soleil ou d'Éclair gravitent dans son orbite. Derrière M. Delassus marchent aussi quelques Semaines Religieuses, qui le copient humblement.

A la Vérité française le plus compromis est évidemment M. Charles Maignen, parce qu'il avait reçu déjà, il y a dix ans, une sévère leçon du cardinal Richard; parce que son caractère l'obligeait à plus de retenue, parce que son exemple pouvait servir de prétexte et d'excuse à ses colla­borateurs laïques et enfin parce qu'il reproduisait et délayait ses articles dans de lourds volumes, où la passion est beaucooup moins excusable que dans des articles de polémique quotidienne.

Il faudrait aussi un volume pour relever tout ce qu'il y a d'erreurs, de subtilités, de sophismes, de malveillance dans ces publications de M. Charles Maignen. Il y a dans ses livres en apparence un grand zèle pour la défense de la vérité; mais, au fond, il y a surtout une passion politique violente contre les ralliés et les démocrates chrétiens, c'est-à-dire contre ceux qui suivent les directions pontificales.

Il y avait quelque chose à faire contre certaines tendances d'esprit américaines. Plusieurs passages de la vie du P. Hecker étaient à repren­dre. Quelques pages auraient suffi pour signaler ces déviations de doctri­nes. Mais comme M. Maignen a cru voir quelque parenté entre l'améri­canisme et les doctrines du ralliement et de la démocratie chrétienne qu'il abhorrait, il s'est étendu sans mesure contre l'américanisme dans ses volumes où l'on chercherait en vain quelque grain de charité. Il veut à tout prix que toute l'Eglise des Etats-Unis ait été atteinte par l'améri­canisme. Comme plusieurs évêques ont déclaré que les doctrines conda­mnées n'éxistaient pas à leur connaissance en Amérique, «cela prouverait, dit M. Maignen, que ces prélats ne sont pas exempts des erreurs conda­mnées par le Saint-Père et que, par conséquent, le mal est plus grand qu'on ne saurait le dire». (Nouveau catholicisme, page 103). C'est chari­table pour ces évêques.

Il ne suffisait pas à M. Maignen et à M. Delassus d'exagérer l'améri­canisme, il fallait en faire un bloc avec toutes les erreurs contemporai­nes, il fallait surtout y englober à toute force les ralliés et les démocrates chrétiens. On cherchait quelque phrase téméraire ou erronée d'un dé­mocrate chrétien pour les compromettre tous. On en faisait des américa­nistes, puis on mettait tout cela dans le même sac avec l'apostat Char­bonnel, avec «les déserteurs», avec le protestant Sabatier. C'est odieux, mais la passion politique ne connaît point de mesure.

M. Delassus, lui, a la main encore plus lourde. Avec quelques phra­ses, souvent faussées, tronquées, mal interprétées, il compromet les ral­liés et les démocrates chrétiens, puis en les mêlant, comme fait M. Mai­gnen, avec les américanistes, avec les défroqués et les protestants, il fait de tout cela des suppôts du diable, des francs-maçons, des précurseurs de l'Antéchrist. (L'américanisme et la conjuration antichrétienne).

Après la campagne contre l'américanisme, dans laquelle ces messieurs se sont attribué une trop grande part de la victoire, ils ont mené bruyam­ment d'autres campagnes, contre la démocratie chrétienne, contre le Congrès de Bourges, contre les séminaristes sociaux. Mais le succès n'a plus été le mê­me. Le Pape a répondu à la campagne contre la démocratie chrétienne par l'Encyclique Graves de communi, qui exaltait cette démocratie chré­tienne et qui en faisait un devoir à tous les catholiques. Il a répondu à la campagne contre le Congrès de Bourges en condamnant Mgr l'évêque d'Annecy à faire des excuses et en témoignant une bienveillance particu­lière à Mgr l'archevêque de Bourges. Il a répondu à la campagne contre les séminaristes sociaux en instituant un cours de sociologie dans le sémi­naire Léonin qu'il a fondé et en encourageant les évêques d'Italie à faire de même.

Mais en revanche il a condamné à nouveau les réfractaires et il l'a fait dans une lettre à Mgr l'archevêque de Bourges. Il a condamné nommé­ment M. Delassus par une lettre à Mgr l'archevêque de Cambrai, com­me il avait condamné à plusieurs reprises les campagnes réfractaires de la Vérité1).

Tout mauvais cas est niable. M. Delassus, qui s'attribuait avec M. Maignen le rôle de grand inquisiteur de France voudrait bien échapper à la censure pontificale. Il se défend et se débat: «Le Pape n'a pas écrit à mon archevêque», dit-il. C'est vrai, le Pape n'a pas écrit, il a seulement dicté la lettre, le vénérable archevêque de Cambrai l'a reçue et en a accusé réception.

Ces dénégations étranges de M. Delassus feraient penser que chez lui ces manières dissimulées, signalées par le Pape, sont affaire de tempera­ment.

Ces messieurs se soumettront maintenant humblement au Pape. Ils demanderont à Rome une direction nouvelle. Mais nous ne serions pas étonnés qu'après dix ans d'une persévérance passionnée dans leur déso­béissance douloureuse pour le Pape et dans leur imprudence désastreuse pour la France, on leur conseillât tout simplement de déposer leur plume et de laisser à d'autres le soin de guider les âmes de bonne volonté.

III. AUTRES PAYS

Missions. - Un glorieux nécrologe est celui des missionnaires morts sous toutes les latitudes en travaillant à étendre le règne de Dieu.

La liste de l'armé 1900, que viennent de publier les missions catholi­ques, est particulièrement longue et chargée; elle ne comprend pas moins de 171 noms, dont 9 évêques et 162 prêtres.

Quatre des évêques étaient français, trois italiens, un canadien et un hollandais.

Les 162 missionnaires se répartissent comme suit, au point de vue des nationalités: 83 français (plus de la moitié du chiffre total); 8 alsaciens; 17 italiens; 14 belges; 10 hollandais; 5 espagnols; 5 irlandais; 4 alle­mands, etc.

40 d'entre eux appartenaient à la société des Missions Etrangères de Paris; 18 à la Congrégation du Saint-Esprit; 14 à la Compagnie de Jésus; 8 étaient Lazaristes; 5 étaient de la Société des Pères blancs.

39 sont morts tragiquement, parmi lesquels 15 français, 8 italiens, 2 alsaciens et 2 belges ont été massacrés par les chinois.

Les mérites de ces saints missionnaires pèseront devant Dieu pour le salut des nations d'Europe.

Le socialisme en Espagne. - Les progrès que le socialisme fait en Espagne sont énormes; quelques chiffres montreront le développement extrordinaire pris depuis onze ans par une Association collectiviste, l'Union générale des Travailleurs, malgré les difficultés de tout ordre que rencontrent les ouvriers pour s'associer.

A la fin de l'année 1889, il y avait 27 groupes unis qui comptaient 3,355 membres; aujourd'hui, il y en a 172 avec 29,383 associés. Madrid figure dans l'Union générale avec 30 groupes comprenant 10,112 personnes.

Par suite du développement de l'organisation des ouvriers en associa­tions nombreuses, leurs prétentions augmentent de jour en jour et on peut craindre que, dans un avenir assez prochain, des conflits de plus en plus sérieux viennent à se produire.

De leur côté, les patrons cherchent à s'unir pour résister plus efficace­ment à ces prétentions.

Les progrès réalisés depuis quelques temps en Espagne par les sociali­stes se sont surtout manifestés dans les grèves récentes, à Barcelone, à Valence, etc.

L'Espagne n'ayant plus ses colonies n'a plus de débouchés pour ses produits industriels. Son marché même est envahi par les produits fabri­qués à meilleur compte en Angleterre et en Allemagne. Ses belles années sont passées. Elle devra se mettre à un travail intense et il est à craindre que la crise économique ne se complique chez elle d'une crise politique et sociale.

CHRONIQUE (Avril 1902)

I. ROME

Le Pape du Sacré-Cœur. - A l'occasion du jubilé pontifical de no­tre bien-aimé Père et Pontife Léon XIII, les louanges de ce grand pape retentissent jusqu'aux extrémités du monde. Les uns exaltent sa science merveilleuse et les autres son grand discernement politique. Pour nous, tout en nous unissant à tout ce qu'on peut dire à sa gloire, nous voulons surtout saluer et honorer en lui le Pape du Sacré-Cœur.

Oui, il a été le Pape du Sacré-Cœur, au point qu'il pourrait dire: «Que pourrai-je faire que je n'aie pas fait pour la gloire du Sacré-Cœur?». Que restait-il à faire pour la gloire du Sacré-Cœur, quand Léon XIII est monté sur le trône pontifical?

Les amis les plus enthousiastes de cette dévotion désiraient encore deux choses: que la fête du Sacré-Cœur fût élevée au rang de première classe et que l'Eglise entière fût consacrée au Sacré-Cœur.

Des pétitions innombrables avaient été présentées à Pie IX dans ce sens. Il était resté hésitant et avait craint d'innover. Léon XIII a épuisé tout ce qu'il pouvait faire pour la gloire du Sacré-Cœur. Il nous le dit dans sa belle encyclique du 25 mai 1899: «Maintes fois nous nous som­mes efforcés d'entretenir et d'accroître la belle dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Nous l'avons fait spécialement par notre décret du 28 juin 1899, en élevant au rite de première classe la fête du Sacré-Cœur. Mais nous voulons maintenant lui offrir une forme de vénération plus impo­sante encore, qui puisse être en quelque sorte la plénitude et la perfection de tous les hommages que l'on a coutume de rendre au Sacré-Cœur de Jésus».

Ainsi donc Léon XIII ne veut rien omettre de ce qui est possible pour la gloire du Sacré-Cœur, il veut aller jusqu'à la limite des hommages qu'on peut lui rendre.

Que restait-ii à faire? lui consacrer l'Eglise? C'est ce qu'avaient de­mandé les évêques et les fidèles. Léon XIII trouva mieux encore. Il vou­lut qu'on offrit au Cœur de Jésus non seulement l'Eglise, mais toute l'humanité, en proclamant la royauté universelle du Christ.

Son empire, dit-il, ne s'étend pas seulement aux nations catholiques. L'universalité du genre humain est réellement soumise en droit à son pouvoir. Il est le roi de tous les hommes par la création. Il l'est aussi par la rédemption, car il a offert son sang pour tous.

Nous, catholiques, nous reconnaîtrons cette royauté universelle du Christ, et pour ce qui nous concerne, nous y ajouterons une consécration volontaire, une consécration toute d'amour et de dévouement.

Nous lui consacrerons les hérétiques et les païens, afin qu'il les gagne par sa grâce.

Nous lui consacrerons les sociétés civiles, afin qu'il les ramène à la loi évangélique, source de toute prospérité.

Cet hommage universel, nous l'offrirons au Cœur de Jésus qui est le nouveau labarum et l'emblème de l'amour divin.

Léon XIII nous révélait à la fin de cette encyclique l'intime de son cœur. «Nous avons été guéri récemment, disait-il, et nous voulons que cet hommage au Sacré-Cœur, soit aussi un témoignage de reconnais­sance». C'est donc au Sacré-Cœur de Jésus que Léon XIII avait adressé sa prière dans ses souffrances. C'est sa dévotion préférée.

Eh bien! puisqu'il en est ainsi, à l'occasion du jubilé pontifical de Léon XIII, nous ne pouvons pas offrir pour lui une prière mieux choisie que la belle consécration au Sacré-Cœur qu'il nous a proposée. Nous la reproduisons donc ici en invitant tous nos lecteurs à la dire à genoux pour le Pape du Sacré-Cœur.

FORMULE DE CONSECRATION AU SACRE-CŒUR DE JÉSUS

Très doux Jésus, Rédempteur du genre humain, jetez un regard favo­rable sur nous, qui très humblement sommes prosternés au pied de votre autel. Nous sommes et nous voulons être vôtres; mais pour que nous puissions vous être unis par des liens plus solides, voici qu'en ce jour, chacun se consacre spontanément à votre très Sacré-Cœur.

Beaucoup d'hommes ne vous ont jamais connu, beaucoup vous ont méprisé en transgressant vos ordres; ayez pitié des uns et des autres, ô très bon Jésus, et entraînez-les tous vers votre saint Cœur. Soyez, ô Sei­gneur, le roi non seulement des fidèles qui ne se sont jamais éloignés de vous, mais aussi des enfants prodigues qui vous ont abandonné. Faites que ceux-ci regagnent vite la maison paternelle, pour ne pas périr de mi­sère et de faim.

Soyez le roi de ceux que des opinions erronées ont trompés ou qui sont séparés de l'Eglise à la suite d'un désaccord; ramenez-les au port de la vérité et à l'unité de la foi, afin qu'il n'y ait bientôt qu'un troupeau et qu'un pasteur.

Soyez enfin le roi de tous ceux qui sont plongés dans les antiques su­perstitions des gentils et ne refusez pas de les arracher aux ténèbres pour les conduire à la lumière et au royaume de Dieu.

Accordez, Seigneur, à votre Eglise une liberté sûre et sans entraves; accordez à tous les peuples l'ordre et la paix; faites que, d'un pôle du monde à l'autre, un seul cri retentisse:

«Loué soit le divin Cœur qui nous a acquis le salut; à lui gloire et hon­neur dans tous les siècles». Ainsi soit-il.

II FRANCE

Directions pontificales. - Il y a démocratie et démocratie. En nous présentant la démocratie chrétienne comme sortant des entrailles de l'Evangile, le pape nous dit qu'il ne s'agit pas ici de la démocratie politi­que; qu'est-ce que cela veut dire? Il y a donc aujourd'hui deux sens du mot démocratie: il y a la démocratie politique et la démocratie économi­que. La première est une forme de gouvernement dans laquelle l'élé­ment populaire exerce par ses délégués une part plus ou moins grande du pouvoir; la seconde est une organisation sociale où les diverses autori­tés, gouvernement et patronat, portent leurs efforts vers l'amélioration économique du sort des travailleurs.

La démocratie économique est dans l'esprit de l'Evangile. Il est juste que les classes les plus déshéritées soient l'objet d'une sollicitude spécia­le. Il faut que la justice distributive, aussi bien que la justice commutati­ve, soit exercée d'une manière délicate à leur égard. La charité doit ap­porter son concours là où la justice laisse encore après elle des souffran­ces.

Cette démocratie économique peut s'appeler la démocratie chrétienne, parce qu'elle s'impose à tous les chrétiens de tous les temps et de tous les lieux, sous quelque régime qu'ils aient à vivre.

Mais l'autre, la démocratie politique, est-elle donc antichrétienne? Est-elle condamnable et condamnée par le pape? Nullement. Le pape la met en dehors de la démocratie chrétienne, parce qu'elle ne s'impose pas à tous les chrétiens. C'est une forme de gouvernement qui a, comme les autres, ses avantages et ses inconvénients. On peut l'aimer, on peut la préférer aux autres.

«Préférer pour l'Etat une constitution tempérée par l'élément démo­cratique, dit le pape, n'est pas en soi contre le devoir, à condition qu'on respecte la doctrine catholique sur l'origine et l'exercice du pouvoir pu­blic» (Enc. Libertas praestantissimum).

«Toutes les formes du gouvernement sont bonnes, dit-il ailleurs, pour­vu qu'elles tendent au bien commun, qui est le but de la société» (En­cycl. au clergé de France, 16 fév. 1892).

«Chaque forme, dit-il encore, a ses avantages relatifs, cela dépend du caractère, des mœurs de chaque nation, et des circonstances historiques dans lesquelles le gouvernement est établi» (Ibid).

Au fait, il n'y a plus en Europe que les gouvernements de la Russie et de la Turquie qui n'aient aucune compromission démocratique. Partout ail­leurs, la démocratie prend quelque part au gouvernement par ses délégués.

Si nous allons au fond des choses, l'Evangile a-t-il une tendance dé­mocratique même en politique? Evidemment. Puisque le christianisme favorise l'ascension économique du peuple par la démocratie économi­que, puisqu'il est favorable à la diffusion de l'instruction et de l'éduca­tion, il prépare infailliblement les masses à leur ascension politique.

Le peuple des travailleurs étant plus à l'aise et plus instruit, s'organi­sera dans ses comices professionnels. Il sera ensuite appelé à prendre part à l'administration communale, comme cela a eu lieu dans tout le moyen-âge chrétien; et enfin il s'élèvera jusqu'à participer aux conseils de l'Etat, comme cela s'est réalisé même dans l'ancien régime par l'insti­tution des Etats généraux, et dans l'organisation sociale contemporaine par les régimes représentatif et parlementaire.

Et alors, pourquoi le pape établit-il cette différence, en faisant une loi de la démocratie économique, à l'exclusion de la démocratie politique? C'est parce que la démocratie économique est un principe absolu, tou­jours et partout applicable; tandis que la démocratie politique est une conséquence plus ou moins éloignée, diversement applicable suivant les circonstances et d'après le caractère et les mœurs de chaque nation.

Il est toujours opportun que les autorités sociales favorisent les intérêts des classes laborieuses. C'est la démocratie économique et chrétienne.

Il arrivera facilement dans une nation chrétienne que l'élément démo­cratique obtienne une certaine participation au pouvoir social, comme cela s'est réalisé dans toute l'Europe occidentale, par l'extension du suf­frage populaire et par l'établissement du régime représentatif ou parle­mentaire. Il arrivera même dans un pays neuf comme l'Amérique ou même dans un pays ancien où le pouvoir monarchique et l'ordre aristo­cratique auront démérité que la démocratie pure gouvernera sous la for­me républicaine. Mais on ne peut pas dire que ce soit une conséquence rigoureuse de l'Evangile. On peut dire seulement que la pratique de l'Evangile prépare mieux que toute autre doctrine à une certaine ascen­sion même politique des classes populaires. Mais cette ascension politi­que est l'œuvre des siècles, elle varie d'une nation à l'autre, elle peut avoir des reculs, comment le pape aurait-il pu en faire une loi générale?

Il a donné cette distinction qui illumine toute la question: la démocra­tie économique est une loi du christianisme; la démocratie politique dé­pend de mille circonstances qui empêchent d'en faire une loi générale.

Ceci est pour la théorie, mais en pratique n'y a-t-il pas des cas où les catholiques doivent accepter sincèrement la démocratie et marcher avec elle? Evidemment. Cela a lieu quand la démocratie est devenue le gou­vernement légitime d'une nation. «Si l'on descend des abstractions sur le terrain des faits, dit encore le pape, tous les individus sont tenus d'accep­ter les gouvernements établis» (Ibid).

Voilà pourquoi en France, le pape nous fait une loi de la démocratie non seulement économique mais aussi politique, parce qu'elle est le gou­vernement établi et légitime.

C'est par une équivoque astucieuse que les réfractaires, s'appuyant sur l'Encyclique Graves de communi, veulent condamner en France la démocratie politique. Le pape ne la condamne nulle part. Il ne veut pas non plus l'im­poser partout, mais il dit aux Français: chez vous, elle est le gouvernement établi et légitime, acceptez-la donc et entrez-y pour la perfectionner, en ob­servant cette règle de l'Evangile et de toute la tradition catholique «qu'il faut accepter les gouvernements établis et légitimes».

Après cela, ceux qui dans leurs journaux ou brochures continuent à dire que la démocratie chrétienne a été condamnée par le pape, commet­tent ce que le journal officieux du Vatican, la Voce della verità appelle une infâme canaillerie.

Les juifs. - Ils sont nos maîtres, c'est entendu, les maîtres de la France et les maîtres du monde.

Ils l'ont voulu, ils y sont arrivés et ils commencent à le dire tout haut. Le Volksfreund, journal allemand, écrivait le 16 février dernier:

Il y a quelque temps, nous citions le nom d'un juif bien connu dans le monde financier, d'après lequel le ministère français, ainsi que la majo­rité des députés et sénateurs, n'étaient que de plats valets payés par la synagogue; ce qui du reste n'est un secret pour personne. A cela il peut être intéressant d'ajouter le trait suivant.

C'était au cercle parisien de la rue Royale: un des membres chrétiens de ce cercle, causant avec un des financiers juifs des plus renommés di­sait: «Laissera-t-on longtemps encore le champ libre à l'action désorga­nisatrice de Waldeck-Rousseau? Pourra-t-il s'attaquer toujours à nos prêtres et à nos religieux?».

Le juif de répondre aussitôt: «Ceci est notre affaire à nous. Waldeck continuera tant que nous voudrons. Il est notre homme. Lorsque nous jugerons opportun de faire volte-face, il lui suffira d'avoir un signe de no­tre part et il fera machine en arrière».

Le même journal cite à l'appui des faits de vénalité de plusieurs mini­stres.

Ce qu'ils disent de nous en Allemagne, chez nous ils le disent des au­tres nations.

Ils sont les maîtres du ministère en Italie et en Autriche.

«En Prusse, dit le pasteur Stœker, ils ont englouti la plus grosse part des millards venus de France, ils ont exproprié les paysans et absorbé l'industrie et le commerce. Par les journaux, ils sont les maîtres absolus de l'opinion publique…».

Comment faire à présent des lois restrictives à leur sujet? Ils sont les maîtres des parlements et de la presse; par leurs milliards ils sont à mê­me de faire le cours des valeurs et de tenir en tutelle tous les états qui ont toujours besoin d'emprunts.

Les moyens humains nous manquent, recourons aux moyens surnatu­rels. Prions pour eux.

Leur pouvoir touche à son apogée. Dieu interviendra pour qu'ils n'oppriment pas son Eglise.

Tous les bons citoyens doivent essayer de les contenir par la presse, par l'opinion et par la loi, mais pour les chrétiens fervents, il y a un autre devoir et un autre moyen, c'est de prier pour leur conversion. C'est ce qu'a fait le Sauveur au Calvaire: «Mon Père, pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font». C'est ce que faisait saint Etienne pen­dant qu'on le lapidait.

Léon XIII qui a l'intuition des opportunités a bien voulu récemment indulgencier une prière pour la conversion des juifs. Nous l'offrons à nos lecteurs.

PRIÈRE POUR LA CONVERSION DE JUIFS

Dieu de bonté et Père des miséricordes, nous vous supplions par le Cœur immaculé de Marie, et par l'intercession des Patriarches et des saints Apôtres, de jeter un regard de compassion sur les restes d'Israël, afin qu'ils arrivent à connaître notre unique Sauveur Jésus-Christ, et qu'ils soient rendus participants des grâces précieuses de la Rédemption. Ainsi soit-il.

«Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font».

III. AUTRES PAYS

L'arbitrage obligatoire en Nouvelle-Zélande. - Il n'est question partout que de grèves. Quel remède y apporter? L'arbitrage obligatoire a réussi en Nouvelle-Zélande. Ce sera peut-être le salut aussi en Europe. - Voici la loi des Zélandais:

1. Cette loi n'est applicable qu'aux industries dans lesquelles il y a des syndicats.

2. La loi n'exclut pas la conciliation ou l'arbitrage privé, elle l'encou­rage même, le considérant comme le meilleur système, et un article spé­cial donne des conseils sur la manière d'y procéder. Le tribunal ne peut s'occuper d'une cause que si l'un des deux partis au moins recourt à lui; en d'autres termes, quand l'un des deux partis fait appel au tribunal, l'autre est obligé d'y comparaître.

3. Avant de recourir à l'arbitrage forcé, il faut avoir épuisé tous les moyens pour arranger amicalement le différend. A cette fin il y a dans chaque district industriel un tribunal de conciliation, déjà assez ancien, dont les membres sont nommés d'un commun accord par les patrons et par les ouvriers. Ce tribunal peut étudier la question qui lui est propo­sée, il peut prononcer une sentence et chercher à la faire accepter par la persuasion, mais il ne peut pas la rendre obligatoire. Si le parti conda­mné refuse de se soumettre, l'autre recourt au tribunal arbitral.

Ce tribunal est composé de trois membres: L'Etat en choisit un dans

un groupe présenté par les ouvriers, un autre dans un groupe présenté par les patrons, le troisième est pris parmi les juges du tribunal suprême du pays. Tant que le tribunal n'a pas rendu sa sentence, le patron ne peut pas fermer l'atelier, les ouvriers ne peuvent pas suspendre le tra­vail. Ceux qui se révoltent contre ce pouvoir équitable du tribunal, peu­vent être punis de la prison; on ne peut faire aucun appel contre les sen­tences du tribunal et elles ne peuvent pas être cassées par un simple vice de forme.

4. Il est laissé au discernement du tribunal de punir ou non celui qui n'observe pas les dispositions contenues dans la sentence. Règle généra­le, la désobéissance est punie par l'amende ou la prison. Ni les patrons ni les ouvriers ne peuvent éluder les décisions du tribunal: si durant le pro­cès ou après ils peuvent faire valoir de bonnes raisons, ceux-là pour fer­mer les ateliers, ceux-ci pour cesser le travail, on leur laisse la liberté de le faire; mais si ensuite ils veulent reprendre le travail, ils doivent se con­former à la sentence que le tribunal a prononcée.

L'efficacité de cette loi a été très grande, grâce à l'équité des juges qui l'appliquèrent. Aucune grève, comme acte de rebellion, n'a eu lieu après son application; il y eut quelque velléité de la part d'un petit nom­bre d'individus, mais la sévérité des juges réussit bien vite à faire avorter leurs projets.

CHRONIQUE (Mai 1902)

I. ROME

La nouvelle organisation de la démocratie chrétienne. - Est-ce vraiment « la dissolution de la démocratie chrétienne» que le Pape vient d'ordonner, et tel est-il l'objectif des documents communiques aux évê-ques d'Italie par S. Em. le cardinal Rampolla?

Jugez-en. - Par son encyclique Graves de communi et plus récemment par ses deux brefs fameux de Tarente, Léon XIII avait marqué sa volon­té d'insérer les organisations démocratiques dans l'œuvre des Congrès. Le nouveau statut, qui est accompagné de l'«Instruction de la S. Congré­gation des affaires ecclésiastiques extraordinaires», réalise pratiquement l'union organique des associations démocratiques chrétiennes dans l'œuvre des Congrès.

Il faut savoir que l'œuvre des Congrès possède cinq groupes: I. Organi­sation et action générale des catholiques; II. Action populaire chrétienne ou démocratie chrétienne; III. Education et instruction; IV. Presse; V. Art chrétien. - Le premier de ces groupes est le plus ancien. Il est, pour ainsi dire, le tronc sur lequel les autres ont poussé et se développeront. C'est à lui que se rapporte toute la hiérarchie des Comités paroissiaux, diocésains et régionaux.

Mais le 2e groupe a une action autrement importante. Et la décision actuelle du Pape vient de fixer ses destinées et son orientation avec une précision extrêmement heureuse.

Présidé par M. le comte Médolago-Albani, comptant parmi ses mem­bres M. Rezzara, le merveilleux organisateur de Bergame, M. Toniolo, l'illustre sociologue de Pise, et comprenant d'ailleurs d'autres collabora­teurs moins connus mais très intelligents et très dévoués, le 2e groupe a été le foyer de l'organisation sociale des catholiques italiens. Il a suscité un nombre considérable d'œuvres, de mutualités, d'institutions de cré­dit, d'associations professionnelles. A Vicence, il a pu, le 23 janvier der­nier, fédérer 236 sociétés de secours mutuels (43,000 associés); à Milan, le 27, plus de 200 ligues du travail (100,000 membres); à Parme, le 30,558 sociétés coopératives (70,000 associés).

Jusqu'en ces derniers temps, les œuvres et associations suscitées par le 2e groupe, n'étaient unies à l'«œuvre des Congrès» que par des liens relativement ténus.

En vertu du nouveau statut, ces «institutions» diverses se fédéreront aux différents étages de l'œuvre des Congrès. A côté du comité paroissial, mais subordonnées à ce comité, les associations d'action populaire ou de démocratie chrétienne formeront le 2e groupe du comité paroissial; il en ira de même au centre du diocèse et au centre de la région. Et cette série de 2e groupes formeront une filière, le long de laquelle les communications se feront, sans entraves, entre le 2e groupe central et chacun des «2e grou­pes» subordonnés.

Notez que 1° chaque association conserve son autonomie; que 2° au­cune limite n'est posée à la création d'institutions nouvelles. Remarquez aussi que le 2e groupe est toujours libre de se créer des «sections» spéciales s'il le juge nécessaire.

Le «nouveau statut» a pour but de régulariser la vie (operosità e unione), non de l'écraser par des réglementations; ces divers organismes se constitueront spontanément, au fur et à mesure qu'ils seront utiles.

L'aboutissant normal de cet élan ordonné qui doit résulter de cet acte pontifical, c'est l'extension à toute l'Italie de l'admirable organisation de Bergame.

Concluons donc par la dépêche que M. le commissaire Rezzara en­voyait, le soir du ler janvier, à S. Em. le cardinal Rampolla et qui vient d'être publiée:

«Les anciens et les jeunes du mouvement catholique bergamasque ap­partenant aux administrations publiques notez que les catholiques ber­gamasques l'emportent toujours haut la main dans les élections admini­stratives, au second groupe de l'œuvre des Congrès catholiques, au Co­mité diocésain, à la Jeunesse catholique, au Cercle des étudiants univer­sitaires, au Cercle démocratique chrétien, réunis ce soir en une amicale assemblée, se réjouissent de constater que seule la concorde de tous et l'obéissance à l'autorité épiscopale ont assuré la vie des œuvres catholi­ques diocésaines: que les directions du Pape, passées, présentes et futu­res, sont et seront la règle constante des études et de l'action catholiques. C'est seulement dans l'union au Pape et à l'évêque du diocèse que

l'on s'entend et que l'on avance; que la bénédiction apostolique, humble­ment demandée, enflamme notre ardeur pour l'action, nous encourage au sacrifice pour le triomphe de la justice chrétienne, de la paix sociale. Vive Léon XIII!».

II. FRANCE

A propos de l'apologétique nouvelle. - Parmi les apologistes mo­dernes, qui se sont préoccupés de proposer à leurs contemporains des raisons de croire appropriées à l'état d'esprit de ces derniers, de «faire saisir à l'ombrageuse raison des penseurs contemporains l'harmonieuse proportion entre la philosophie et la foi», il faut surtout citer un des plus distingués professeurs de l'université, M. Georges Fonsegrive. Il a expo­sé les conditions de la nouvelle apologétique dans un livre devenu célè­bre: Le catholicisme et la vie de l'esprit.

Comme ce livre renferme quelques idées nouvelles, quelques métho­des pratiques peu usitées jusqu'alors, qui permettent d'établir un terrain commun d'idées et d'aspirations avec une certaine catégorie de penseurs modernes, on pouvait s'attendre à une violente attaque de la part de ceux qui veulent qu'on se tienne strictement aux preuves et à l'exposi­tion des arguments de saint Thomas, et comme confirmation de leur as­sertion nous citent l'encyclique Aeterni Patris, dans laquelle le Saint-Père excite tous les catholiques à l'étude de saint Thomas. Certes, cette ency­clique venait à propos pour enrayer les déplorables tendances des esprits modernes, même catholiques, vers une philosophie subjectiviste, qui conduit logiquement à nier les assises de la raison et de la foi. Le Pape a rappelé, comme le remarque fort bien le regretté M. Ollé-Laprune, dans un article publié dans la Quinzaine (15 avril 1895) ce qu'il y a de substan­tiel et de fécond dans la philosophie de saint Thomas d'Aquin… L'ency­clique était libératrice… Elle veut qu'on refasse en ce siècle ce qu'a fait saint Thomas dans le sien; non pas qu'on répète saint Tomas purement et simplement, qu'on le copie, qu'on l'abrège ou le surcharge, enfin qu'on le réduise en formules aisées à retenir mais mortes, et qu'un psittacisme tho­miste remplace un autre psittacisme; mais bien qu'on l'étudie à fond, qu'on se nourrisse de sa mœlle et se pénètre de ses principes, et qu'alors on essaye, avec l'aide de nos sciences qui n'existaient pas de son temps, une encyclopédie nouvelle, une philophie chrétienne où se trouvent conci­liées la raison et la foi dans une lumineuse et puissante synthèse.

Tout récemment encore le livre de M. Fonsegrive a été attaqué par une brochure, publiée sous ce titre: Les périls de la foi et de la discipline dans l'Eglise de France à l'heure présente. je n'ai pas la prétention de discuter ici cet opuscule. je veux seulement citer le témoignage et l'appréciation d'un savant jésuite allemand, le P. Christian Pesch, frère du célèbre phi­losophe Tillmann Pesch.

Dans un numéro supplémentaire aux «Stimmen aus Maria Laach 76» le distingué jésuite publie un article, qui a pour titre: L'apologétique ancienne et l'apologétique nouvelle. Dans la première partie de cet article, le P. Pesch prouve, à l'aide de solides arguments, que l'apologétique moderne ne sau­rait remplacer entièrement l'apologétique traditionnelle. Enfin il vient aux méthodes nouvelles de traiter l'apologétique: «L'apologétique peut-elle être perfectionnée par de nouvelles méthodes et par les résultats scientifiques modernes? Sans doute. Dire que l'apologétique ancienne est morte, la pro­clamer inutile et surannée, et déclarer qu'il faut marcher de pair avec le temps et le progrès moderne, sont deux choses tout à fait différentes. Plus un apologiste traite sa matière d'une manière complète, profonde et adap­tée aux temps actuels, mieux cela vaudra» (L. 78).

Dans la deuxième partie de son article, il passe donc en revue les diffé­rentes méthodes apologétiques. D'abord il examine la méthode scientifi­que, qui défend la religion catholique, en se mettant sur le terrain des scien­ces naturelles; puis le Révérend Père arrive à une seconde méthode, qui est précisément celle que préconise M. Fonsegrive dans le livre cité plus haut. Cette méthode consiste à montrer, «que la vie ne peut être vécue sans une doctrine de la vie, puis que cette doctrine de la vie, le christianisme et spé­cialement le catholicisme, est, seul, capable de la fournir…, que seul le chri­stianisme peut satisfaire tous les besoins, toutes les aspirations de l'homme» (Le Catholicisme et la vie de l'esprit. L. 10, 11).

Voici ce qu'en dit le P. Pesch: «On ne peut nier, qu'aujourd'hui il ne soit d'une grande utilité, de viser spécialement en apologétique la vie psy­chologique de l'homme. Si l'on veut défendre le christianisme vis-à-vis des adversaires, qui par leur disposition subjective ayant contre la métaphysi­que objective et démonstrative tous les préjugés accumulés à la fois par les disciples de Comte et de Kant2), ne sont pas préparés aux arguments extrinsèques, alors la prudence exige, de chercher un moyen apte et efficace à écarter cet ob­stacle. L'obstacle est dans la méthode d'immanence et les principes sub­jectivistes qu'ils admettent seuls, c'est là qu'il faut commencer. Il n'y a pas d'homme si corrompu soit-il, qui ne puisse être touché par des considérations religieuses et morales. Découvrons donc le point de con­tact avec les âmes des incroyants et ainsi nous pourrons arriver à une en­tente avec eux».

«Voilà la tâche que se sont proposés plusieurs laïques foncièrement catho­liques de la classe intellectuelle en France, et c'est un grand mérite pour eux d'avoir résolu ce probléme. Il suffit de nommer Olle-Laprune et Fonsegrive» (L. 101, Pesch).

Il me semble, que ceux qui osent attaquer un homme, qui s'est tant dévoué pour la cause catholique en France, qui, par ses livres, a préparé le mouvement de conversions dans la classe intellectuelle, feraient bien de lire et de relire ces quelques lignes, tombées de la plume d'un étran­ger, qui, lui, reconnaît les mérites de l'éminent professeur.

Plus loin, le savant jésuite dit: «Fonsegrive, lui-même, affirme positive­ment, qu'il ne rejette pas les principes métaphysiques et l'apologétique traditionnelle, mais qu'il les laisse pour le moment de côté, pour pouvoir se rapprocher des esprits volatilisés par le kantisme» (L. 105).

Telles sont les paroles du P. Pesch, qui, lui, a su comprendre par la lecture du livre de M. Fonsegrive, que l'éminent professeur de l'univer­sité n'admet nullement le subjectivisme kantien. On s'étonne donc avec raison de ce que des écrivains français et catholiques affirment que M. Fonsegrive est « de disciple de l'athée de Kœnigsberg» , qu'il anéantit «toute la métaphysique chrétienne, la métaphysique dont saint Thomas est le représentant le plus profond et le plus autorisé».

Ce sont là les propres termes de M. l'abbé Goujon, qui, dans un livre, d'ailleurs excellent, intitulé: Kant et Kantistes, où il expose méthodique­ment et clairement le kantisme et en montre les funestes conséquences pour l'enseignement philosophique en France, ose reprocher à M. Fon­segrive, de se mettre, comme dit le Pape dans sa lettre au clergé français, «à la remorque de la philosophie kantienne».

Il me semble, que M. l'abbé Goujon et l'auteur des Périls n'ont pas parcouru sérieusement le livre de M. Fonsegrive. En effet, à la page 8, on peut lire le passage suivant: «De ce que, pour obéir aux nécessités d'une tactique nouvelle, on laisse pour le moment un terrain inoccupé, il ne s'ensuit pas qu'on l'abandonne. Les miracles sont contestés, le principe de causalité est contesté, nous consentons donc à n'en pas parler d'abord, à ne les faire entrer en ligne de compte dans nos arguments que lorsque l'adversaire sera disposé à les accepter, mais cela ne veut pas di­re que nous les abandonnions pour notre compte et, qu'obligés d'accepter le terrain étroit des prémisses incontestées du kantisme pour discuter avec Kant, nous admettions par la même le kantisme. Ce ne sont pas des con­cessions que nous faisons à nos adversaires, c'est un premier terrain d'en­tente que nous cherchons, un premier anneau à accrocher nos conféren­ces et nos pour-parlers. Nous n'abandonnons ni la métaphysique ni les mira­cles, nous croyons toujours que la preuve classique du surnaturel conser­ve sa vérité et sa force démonstratives pour des intelligences qui ne sont pas encore faussées. Mais quoi! avant de proposer cette preuve à de tel­les intelligences, ne faut-il pas tout d'abord les redresser et pouvons-nous exiger des yeux malades qu'ils affrontent la lumière du plein midi?». Et plus loin à la page 58: «Tel est l'état de pensée de la plupart de nos con­temporains, (il parle de ceux qui sont imbus de doctrines de Kant). C'est l'état que nous avons appelé plus haut une «maladie». Mais qui dit «maladie» d'esprit, veut dire erreur.

On peut donc conclure logiquement, que le livre de M. Fonsegrive, ne conduit nullement au kantisme, mais il montre la nécessité de dépla­cer la base d'opérations en apologétique, et de chercher «dans le peu de raison qui reste, le terrain solide, les idées communes nécessaires pour établir le minimum indispensable d'entente, les prémisses nécessaires aux pour-parlers». Donc loin de reprocher à M. Fonsegrive son ingéren­ce dans les questions apologétiques, nous devons le remercier d'avoir ex­posé une méthode juste adaptée à la mentalité d'un certain nombre de nos contemporains, et la lecture de ce livre est à recommander chaude­ment à tous ceux qui s'intéressent à la défense de la religion.

III. AUTRES PAYS

L'Espagne et les ordres religieux. - L'Espagne s'obstine à copier la persécution impie qui sévit en France. C'est le résultat d'un mot d'or­dre général de la franc-maçonnerie. C'est contraire au bon sens, à la li­berté, à l'intérêt général, mais la franc-maçonnerie se soucie de tout cela comme d'une guigne.

Rappelons le langage du bon sens exprimé par Taine dans son livre sur les origines de la France contemporaine.

«Les corps ecclésiastiques (ordres religieux) sont des organes précieux et non des excroissances maladives.

En premier lieu, par leur institution, un grand service public, le culte, la recherche scientifique, l'enseignement supérieur ou primaire, l'assi­stance des pauvres, le soin des malades, est assuré sans charges pour le bud­get, mis à part, et à l'abri des retranchements que pourrait suggérer l'embarras des finances publiques; défrayé par la générosité privé qui, trouvant un réservoir prêt, vient, de siècle en siècle, y rassembler ses mille sources éparses.

En second lieu, par leur institution, l'omnipotence de l'Etat trouve un obstacle, leur enceinte est une protection contre le niveau de la monarchie absolue ou de la démocratie pure. Un homme peut s'y développer avec indépendance sans endosser la livrée du courtisan ou du démagogue… Il ne faut pas que les servi­teurs du public soient tous des commis du gouvernement, et, dans un pays où l'aristocratie a péri, les corps sont le dernier asile.

«En troisième lieu, par leur institution, il se forme, au milieu du grand monde banal, de petits mondes originaux et distincts, où beaucoup d'âmes trouvent la seule vie qui leur convient.

Devant de tels instituts, évidemment, pour peu qu'on ait souci de l'inté­rêt public et de la justice, IL FAUT s'ARRÊTER. D'autant plus qu'il est inutile de sévir; en vain la main rude du législateur essaiera de les écraser; ils re­pousseront d'eux-mêmes parce qu'ils sont dans le sang de toute la nation catho­lique. Au lieu de 37.000 religieuses, il y en a maintenant en France 86,000 c'est-à-dire sur 100,000 femmes, 49 au lieu de 28 avant 1789».

A propos de la vie religieuse, rappelons encore un touchant souvenir relatif à la Trappe d'Aiguebelle:

Sous le règne de Louis-Philippe, entra à la Trappe d'Aiguebelle un noble gentilhomme, d'un âge avancé, qui, pour se consacrer à Dieu, avait renon­cé à toutes les satisfactions de la vie, et à la plus grande de toute, celle de fi­nir au milieu de ses enfants et de ses petits-enfants. C'était le vicomte de Meaux. Comme vous le pensez bien, les oppositions qu'avait rencontrées son projet, de la part de sa famille et de ses amis, n'avaient pas cessé du jour où il avait franchi le seuil du monastère.

Souvent, dans sa solitude, il recevait des lettres, et même des visites, dont l'objet était de le détourner de cette vie de pénitences excessives dans la­quelle, lui disait-on, il s'était imprudemment engagé, où sa santé s'épuise­rait avant l'heure, où il enterrait des dons qu'il aurait pu faire valoir.

A bout de raisons que l'on faisait toujours mine de ne pas compren­dre, le spirituel vicomte finit un jour par répondre: «Que me parlez-vous de sortir de la Trappe? Je suis retenu ici par quatre gendarmes qui ne me permettent pas de mettre le pied dehors».

Et comme on s'étonnait - et à bon droit n'est-ce pas! - d'une pareil­le réflexion: «Eh oui, ajouta le saint religieux, les quatre fins dernières sont là qui me retiennent dans cette maison de pénitence et de prière, et m'empêchent de retourner au milieu du bien être et des vanités du mon­de. Je veux sauver mon âme, je veux assurer mon éternité; permettez­moi de mourir à la Trappe».

Voilà, en dehors de l'amour de Dieu, quelles raisons déterminent à se fixer irrévocablement, par vœu, dans une vie de pauvreté, de chasteté et d'obéissance.

Belgique: Bénédiction de la chapelle du Sacré-Cœur à Bruxelles. - Le mar­di 25 mars, a eu lieu la bénédiction de la chapelle que les Pères du Sacré­Cœur, établis provisoirement boulevard Militaire, 143, viennent d'édi­fier, non loin de là, rue Eugène Cattoir. C'est une petite église qui, en son style sobre, ne manque pas de cachet.

Mgr Jacobs, doyen émérite de Sainte-Gudule, a présidé à la cérémo­nie de la bénédiction, et la messe a été célébrée par le Rév. M. Van Dre­vœt, curé de la paroisse de Sainte-Croix, sur le territoire de laquelle se trouve la chapelle. Une dizaine de prêtres ont participé aux cérémonies liturgiques. La messe a été accompagnée de musique et de chants fort bien exécutés.

Le P. Soulié, des Servites de Marie, a prononcé une allocution chaleu­reuse. Il a rendu hommage au zèle apostolique des Pères du Sacré-Cœur et parlé, notamment, avec éloquence, de la belle œuvre dont la maison de Bruxelles a la direction, celle de la mission de Stanleyville. Il a, en passant, salué la présence, aux premiers rangs de l'assistance de M. le chev. de Cuvelier, secrétaire d'Etat du Congo.

Le soir, à quatre heures, un salut a été chanté et la bénédiction donnée par M. Van Goubergen, curé-doyen de Schaerbeek.

La nouvelle chapelle ne sera ouverte d'ici à six mois que les dimanches et jours de fêtes.

En semaine, les offices sont célébrés, comme précédemment, à l'ora­toire du boulevard Militaire.

Les Pères du Sacré-Cœur s'installeront en automne, dans la résidence que l'on construit à côté de la chapelle de la rue Cattoir.

CHRONIQUE (Juin 1902)

I. ROME

Sous ce titre, l'Osservatore romano fait connaître les mesures prises par la grande Œuvre des congrès d'Italie, sous l'impulsion du Pape, pour l'or­ganisation et le développement de la démocratie chrétienne en Italie.

La Présidence du second groupe de l'Œuvre des congrès, désigné par le Pape pour prendre la tête du mouvement démocratique, a envoyé à toutes les œuvres une circulaire importante qui se termine par ces dispo­sitions et avis pratiques:

«Les institutions d'Action populaire ou démocratique-chrétienne peu­vent se classer sous les titres suivants:

1. Mutualités ouvrières.

2. Banques de prêts et d'escompte.

3. Caisses rurales et ouvrières de crédit.

4. Coopératives d'assurances, de production ou de consommation.

5. Unions agricoles.

6. Unions professionnelles et Ligues du travail.

7. Cercles et groupes démocratiques chrétiens.

8. Secrétariats du peuple.

Nous prions les Présidences des œuvres et institutions sus-énoncées de nous transmettre de suite leurs statuts et règlements; la liste de leurs dignitaires et le nombre de leurs membres; le budget de leurs ressources et de leurs dépenses.

Il sera bon d'y ajouter une notice sur les études déjà faites, sur les ré­sultats obtenus et sur les projets d'avenir».

Nous inclinons à penser que M. Decurtins, le vaillant démocrate chré­tien de la Suisse, avait raison d'écrire dernièrement aux Italiens: «Vous commencez tard le mouvement démocratique, mais vous irez plus vite que nous».

Les catholiques italiens sont dociles au Pape, ce sera leur salut.

A quand notre organisation démocratique chrétienne en France? L'Œuvre des Cercles a un programme trop étroit. L'ancienne Union des œuvres ouvrières a eu de belles années sous la direction de Mgr de Ségur et du P. Bailly. A un mouvement nouveau, il faudrait une organisation nouvelle. Prions, cherchons et espérons.

II. FRANCE

A propos des vertus naturelles. - Le pieux P. Hecker, fondateur des Paulistes, n'avait pas dans ses expressions une parfaite exactitude scolastique. On sait qu'il avait dû, à cause de son état de santé, se con­tenter d'études théologiques fort sommaires. Ses écrits avaient besoin d'être interprêtés avec bienveillance et charité. C'est ce qu'a oublié de faire M. Maignen dans son volume de critique.

Donc, le zélé missionnaire disait souvent: «Nous ne prêchons pas as­sez les vertus naturelles à nos populations catholiques». Les critiques poin­tilleux se sont scandalisés. «Comment, ont-ils dit, voilà un religieux qui recommande la pratique des vertus naturelles, mais c'est bon pour les païens, cela! Les chrétiens doivent toujours vivre de la vie surnaturelle, et tous leurs actes doivent être inspirés par la grâce divine».

Si le bon P. Hecker vivait encore, il leur répondrait: «Mes bons mes­sieurs, vous avez raison, il faut vivre de l'esprit surnaturel; mais vous ne m'avez pas compris. J'ai recommandé aux catholiques la pratique des vertus naturelles, comme la justice, la tempérance, etc. Je n'avais pas besoin d'ajouter qu'ils devaient les pratiquer en chrétiens et non en païens, cela va de soi; et personne d'ailleurs n'enseignait plus que moi à vivre sous l'action de la grâce et de l'Esprit saint».

Ce que voulait dire le P. Hecker, c'est que la dévotion ne dispense pas du décalogue. C'est ce qu'enseignait Notre-Seigneur, quand il disait: <Je ne suis pas venu détruire la loi, mais la compléter».

Le P. Hecker travaillait à la conversion des protestants, et il se heurtait à une objection qui hante tous leurs esprits et qui n'est pas sans fonde­ment. Ils disent: «Beaucoup de catholiques ont des pratiques extérieures de dévotion et manquent de certaines vertus naturelles et fondamentales, le culte catholique n'est donc pas la véritable religion évangélique».

Qui ne sait que pour un Anglais, l'obstacle à la conversion, c'est l'Ir­landais, qui aime trop le gin et qui est souvent paresseux et vulgaire.

De même, le grand obstacle à la conversion du Russe, c'est le catholi­que polonais qui est souvent intempérant et brouillon.

Anglais et Américains visitent souvent l'Italie. Qu'y voient-ils, à côté d'une dévotion très démonstrative? Un grand amour du dolce far niente, le culte de la vendetta, le règne du brigandage et de la camorra, et peu de re­spect pour le porte-monnaie de son voisin. Rome vend des cartes posta­les où le gamin qui s'apprête à frapper son camarade d'une coltellata ou à faire le mouchoir du monsieur qui passe, porte au cou un scapulaire.

Le P. Hecker observait l'état d'âme des protestants qu'il voulait con­vertir, et il disait aux catholiques: «Prier la Madone ne suffit pas, prati­quez les vertus naturelles». N'avait-il pas cent fois raison?

Pendant que certains théologiens pointilleux épiloguent sur la vie na­turelle et la vie surnaturelle, le mal se continue et il est désastreux. Les missions protestantes à Rome, à Milan, et dans la Bretagne française font valoir leur grand argument: «Les catholiques n'observent pas les vertus naturelles», et ils ont des succès.

Je passais hier à Milan, j'achetai le Secolo, journal d'opposition, le mieux informé d'Italie, et j'y lus, sous le titre: «L'Alcoolisme et les Evan­gélistes», cette correspondance parisienne d'inspiration protestante:

«Les effets funestes de l'alcool sont connus et ont été souvent décrits. La science attribue à l'alcool la dégénération de la race, qui en France se mani­feste chez les conscrits parmi lesquels on trouve un nombre toujours crois­sant de rachitiques et d'invalides. Dans les départements du Nord et de l'Ouest, les cabarets se multiplient. A Paris, ils sont innombrables.

Henri Bauer dans le Figaro, s'occupe de la grave question de l'abus de l'alcool et parle de paysans bretons qui vivent de pain et d'eau-de-vie. Dans le département du Finistère, il y a un cabaret par soixante habi­tants et la consommation de l'alcool y est quintuplée depuis quarante ans. Ses effets sont le rachitisme, la tuberculose et les scrofules.

La semaine passée, dit cet Henri Bauer, je me trouvais dans le Finistè­re avec un médecin de mes amis, qui me conduisit à un petit port de pê­cheurs dans les environs de Pont-l'Abbé. Chemin faisant, nous rencon­trâmes un cycliste vêtu à la mode du pays, avec un chapeau de feutre à larges bords.

- C'est Sarocco, me dit le docteur, un ouvrier tailleur, qui remplit une mission évangélique.

- Une mission évangélique?

- Oui, répond le docteur. Depuis cinq ans un Anglais, frère du pa­steur protestant de Quimper, s'est établi à Pont-l'Abbé, où il donne des conférences sur l'Evangile. Ses plus fidèles auditeurs ont été les tailleurs, qu'il a convertis au protestantisme. Il faut que vous sachiez qu'une tra­dition locale tient en médiocre estime les hommes qui manient l'aiguille et à cause de cela les tailleurs vivent à part. Les jours de repos ces tail­leurs, avec un grand zèle et un désintéressement absolu (?), portent leurs doctrines parmi les paysans et les pêcheurs.

- Et ils trouvent des adhérents?

- Oui, et en assez grand nombre. Le clergé de Bretagne a le tort de se limiter aux pratiques de la religion et aux prédications faites en bre­ton, sans chercher à retirer leurs paroissiens des coutumes grossières, de l'ivrognerie et de la malpropreté tandis que les pasteurs protestants s'oc­cupent de réveiller les consciences et de les ramener à l'ordre, à la pro­preté et à la sobriété.

Le docteur conduisit Henri Bauer dans une petite maison habitée par une famille ainsi convertie. La grande armoire aux clous de cuivre bril­lants, la table, le dressoir, le lit de bois, tout faisait plaisir à voir et lais­sait une impression de propreté et d'aisance peu commune dans cette ré­gion. Même à Paris, les servantes qui viennent de la Bretagne sont re­nommées pour leur malpropreté.

Le docteur et son compagnon rencontrèrent aussi un certain Nicolas, un évangéliste, un homme sur les trente ans, d'une physionomie intelli­gente et douce. Félicité sur les bons résultats obtenus, il répondit:

- J'ai trouvé dans l'Evangile les lois morales pour régler ma vie. J'avais aussi l'habitude de boire et j'étais devenu, comme une brute, mais un homme providentiel a réveillé ma raison. J'ai appris de lui la di­gnité de l'homme, je me suis abstenu d'alcool, et maintenant à mon tour j'enseigne les autres en leur disant que pour se corriger d'un vice, il suf­fit de vouloir. Visitez les maisons des abstenants, et vous y verrez la pro­preté et l'ordre, effets des lois morales et du respect de soi-même. C'est fini des saoûleries du samedi au cabaret, qui dévoraient les salaires de la semaine et engendraient la misère, le désordre et la maladie».

Que dites-vous de cette propagande protestante qui influe peu à peu sur l'état d'âme des catholiques d'Occident et qui profite habilement de la grande publicité du Figaro et du Secolo?

Au lieu d'interpréter maladroitement les intentions du P. Hecker sur ce point-là, n'aurions-nous pas mieux fait de lui faire tous écho et de dire à nos populations catholiques: «Réciter des prières ne suffit pas, il faut pratiquer le décalogue et les lois morales», comme disait Notre-Seigneur: «Ce n'est pas tout de dire: Seigneur! Seigneur ! Seigneur! pour mériter le ciel, il faut enco­re observer la loi».

Le scapulaire du Sacré-Cœur. - On nous signale diverses faveurs obtenues par la «sauvegarde», scapulaire du Sacré-Cœur, avec l'invo­cation à la bienheureuse Marguerite-Marie; le scapulaire avait été tou­ché aux reliques à Paray-le-Monial.

Dans la semaine de la Passion, un missionnaire diocésain n'obtenant par ses prédications aucun retour apparent à la pratique des pâques, eut l'idée d'offrir la sauvegarde dans un ménage où l'homme et la femme se plaignaient de douleurs pénibles; le dimanche suivant, qui était le di­manche des Rameaux, l'un et l'autre sans y avoir été exhortés prenaient le train pour le pèlerinage de Notre-Dame de Liesse où ils se confessè­rent et communièrent.

Une malade qui avait grande peur de mourir et à qui on n'osait parler des sacrements à cause de cet effroi de la mort, ayant accepté le même scapulaire demanda d'elle-même à faire ses pâques; elle va mieux depuis lors, et se trouve fort consolée de son retour à Dieu après un éloignement de trente années.

III. AUTRES PAYS

Le royaume d'Onitsha. - Il y a certainement des royaumes plus connus que celui-là; mais devant Dieu, il n'est peut-être pas le dernier. Le roi d'Onitsha est un bon nègre qui gouverne une petite province d'hommes de sa couleur dans la colonie anglaise du Bas-Niger. Il s'est laissé convertir à la foi catholique par les missionnaires. Son petit peuple l'a suivi en grande partie, et même ses vassaux, barons assez modestes du royaume d'Onitsha.

Le bon roi a écrit à Léon XIII, à l'occasion de son jubilé, une lettre ra­vissante. Il se dit tout dévoué à l'Eglise, très attaché à son chef vénéré, et très en garde contre les pasteurs protestants, qui sont des semeurs d'ivraie.

Les Anglais eussent mieux aimé protestantiser le Bas-Niger, et ils y ont fait mille misères au roi d'Onitsha et à ses fidèles sujets, comme ils ont fait aux catholiques de l'Ouganda. Mais le roi d'Onitsha et son petit peuple ont tenu bon et ne paraissent pas inclinés à passer à l'anglicanisme.

Donc, nos félicitations aux missionnaires et… Vive le roi… d'Onit­sha.

CHRONIQUE (Juillet 1902)

I. ROME

Le Saint-Père est toujours préoccupé des souffrances de nos sociétés contemporaines. Il les voit toutes inquiètes et agitées. A plusieurs repri­ses il leur a dit déjà: «Il vous manque le Christ. Il vous manque l'esprit de justice et de charité qui émane de l'Evangile».

Aujourd'hui il leur dit: «Il vous manque l'Eucharistie. Elle a été le fer­ment de la civilisation chrétienne. Vous avez perdu la paix sociale en vous éloignant du Christ. Vous avez un désir enfiévré des biens terre­stres. L'Eucharistie vous ferait goûter les biens célestes.

Vous aspirez à une certaine égalité, qu'est-ce qui la favorisera mieux que l'Eucharistie? N'est-ce pas le plus bel et le plus doux exemple de fra­ternité chrétienne et d'égalité sociale que cette confusion dans laquelle se groupent au pied des autels le patricien et l'homme du peuple, le riche et le pauvre, le docte et l'ignorant, tous participant également au même fe­stin céleste?

L'heure est à la fondation d'œuvres et d'institutions de tous genres pour aider les classes déshéritées, mais n'est-ce pas à la source divine de l'Eucharistie que les hommes apostoliques ont puisé de tous temps la for­ce et la charité qui ont inspiré leurs œuvres, et n'est-ce pas de cette mê­me source que sont nées les institutions catholiques, si nombreuses et si variées, qui rendent les plus grands services à la famille humaine?

N'est-ce pas enfin en présentant à Dieu la victime immolée sur l'autel, que nous pourrons apaiser sa justice irritée par ce déluge de turpitudes qui se répandent de toutes parts?

A tous ces points de vue le salut social est dans l'Eucharistie. Il faut que les pasteurs y convoquent les fidèles avec un nouveau zèle, et il faut que les âmes pieuses redoublent de ferveur pour développer les œuvres d'adoration et de communion réparatrice».

Ces nouveaux enseignements de Léon XIII viennent confirmer et en­courager l'action de notre modeste Revue qui travaille sans répit au rè­gne social de Jésus-Christ par l'Eucharistie et le Sacré-Cœur.

Une réparation. - M. Harmel a été attaqué fort injustement dans ces derniers mois par une brochure et quelques articles de journaux. Nous étions à Rome, et nous savions que le Saint-Père en était peiné et fâché. Il eut de suite la pensée de justifier son fidèle serviteur. Il dit ce­pendant: «Nous ne ferons aucun acte public à ce sujet pour le moment». Sa pensée était qu'il fallait laisser les Français à la seule préoccupation du devoir électoral. Mais à peine le scrutin du ballottage était-il terminé, que le Saint-Père parlait, et sa parole était une pleine réparation et une touchante consolation pour M. Harmel.

Voici les dépêches échangées à la date du 16 mai.

Dépêche de M. Léon Harmel au Saint-Père, à l'occasion de l'anniversaire de l'Encyclique Rerum Novarum (15 mai 1891).

Val-des-Bois Warmeriville, 15 mai 1902

A SA SAINTETE LEON XIII

Rome

TRÈS SAINT-PÈRE,

En ce onzième anniversaire de l'encyclique Rerum Novarum, fiers de ce qu'entre tous les souverains et tous les gouvernements le Pape ait, avec le plus de plénitude, compris le mouvement décisif de notre temps, défi­ni les obligations réciproques des membres du corps social, affirmé la di­gnité et les droits des travailleurs, nous adressons à Votre Sainteté l'hommage de notre gratitude, de notre admiration et de notre obéissan­ce. Dans l'organisation des usines et dans les œuvres fondées pour le bien moral et matériel des ouvriers nous n'avons eu d'autre but que d'appliquer dans la modeste mesure de notre pouvoir les enseignements de votre Sainteté. Guidés par les enseignements et directions du Saint­Siège, éclairés par la magistrale synthèse contenue dans la dernière en­cyclique, nous redoublerons d'efforts pour travailler à l'œuvre de frater­nité chrétienne, de justice sociale et de paix civique à laquelle Votre Sainteté ne cesse de convier les catholiques.

L. HARMEL, sa famille et ses collaborateurs ouvriers.

Réponse de Sa Sainteté

Pour Warmereville, de Rome 16 mai 1902

Commandeur LÉON HARMEL,

Val-des-Bois, Warmereville (Marne)

Le Saint-Père a beaucoup agréé votre hommage filial et voulant vous encourager dans le zèle par lequel depuis longtemps vous travaillez à l'organisation de l'usine et au bien moral et matériel des ouvriers, re­nouvelle ses bénédictions à vous, à votre famille, à vos collaborateurs ou­vriers.

M. cardinal RAMPOLLA

On le voit, la réponse est complète. On avait mis en doute la bonne organisation de l'usine chrétienne, le bien moral accompli et même le bien matériel. Le Pape a tout relevé, et il est renseigné.

Ceux qui s'étaient trompés voudront sûrement donner bientôt la ré­tractation qui s'impose.

II. FRANCE

Exilées. - Autrefois Néron et Dioclétien envoyaient les patriciennes qui adoraient le Christ souffrir les privations et les tristesses de l'exil dans les îles de la Méditerranée ou jusque sur les plages de la Chersonè­se. Aujourd'hui un ministère et un parlement, qui se piquent d'être la France, agitent devant d'inoffensives religieuses le spectre de la confisca­tion, de la dissolution, de la sécularisation forcée; et ces humbles filles, victimes d'un martyre moral, s'enfuient comme des colombes éperdues.

Cent communautés ont quitté la patrie à la date fatidique du premier octobre dernier. Elles se sont hâtées de mettre la frontière entre elles et les persécuteurs. Elle sont parties pour s'abriter au moins provisoire­ment dans quelque maison hâtivement louée et mal adaptée à leur vie commune.

Telle communauté n'avait pas même un refuge assuré; comme ces car­mélites, qui avaient loué par correspondance un quartier de maison à Tivo­li et qui trouvèrent en arrivant un propriétaire récalcitrant et une maison fermée. Le Pape logea provisoirement ces pauvres hirondelles errantes à l'hôtellerie des pèlerins. Elles passèrent là des semaines, en attendant qu'une communauté de Rome leur prêtât une aile de son couvent.

Vous voyez d'ici ces carmélites dont plusieurs vivaient dans le cloître depuis trente ans, habituées à la solitude, à la prière, au silence, timides comme des colombes, jetées sur les grands chemins du monde.

Comme cela donne une haute idée à l'étranger de la politesse et de la délicatesse françaises!

Je revenais de Rome, écœuré de ce spectacle, je m'arrête en quelques villes de Belgique. A Mons, je rencontre les pieuses Clarisses de Bordeaux-Talence. Elles ont fui sous la même pression. On les a accueil­les avec un peu de réserve en Belgique, où les catholiques, d'ailleurs ex­cellents, n'aiment pas trop les œuvres étrangères.

Elles occupent une maison trop petite où leur vie de communauté est fort entravée. Mal organisées dans leur dortoir, elles ont failli périr tou­tes une nuit par l'asphyxie causée par une mauvaise cheminée. Une douzaine d'entre elles étaient déjà tombées en syncope. Le lever de nuit pour l'office les a sauvées, sans cela on n'aurait retrouvé le lendemain que des cadavres. Et pendant ce temps-là, le fisc veut s'emparer de leur couvent de Bordeaux qui est cependant la propriété toute personnelle d'une bienfaitrice.

Tous les gouvernements européens se mettent en branle pour protéger la liberté religieuse en Chine, au Maroc et ailleurs. Ils n'auraient pas be­soin d'aller si loin pour constater des actes de sauvagerie.

Après Mons, j'avais à faire à Bergen-op-zoom. je trouve là le Carmel de Chartres. Un gouvernement protestant leur a fait un accueil hospita­lier. Elles ont loué une maison trop étroite, sur la place du Marché. Avec quelques planches, elles ont établi dans le passage de la porte cochère un petit parloir étroit où l'on voit clair en plein midi avec une lampe fumeu­se au pétrole. Le pays parle la langue hollandaise. Il y a dans ce Carmel de vénérables religieuses de grand nom, qui n'avaient pas été troublées dans leurs cloîtres depuis quarante ans. On peut penser ce qu'elles ont versé de larmes! Elles me prient de leur adresser une allocution. - Ce sera si bon, disent-elles, d'entendre une voix de France. - Elles me de­mandent si le résultat des élections leur permet d'espérer qu'elles pour­ront bientôt rentrer à Chartres. Hélas! que puis-je leur dire?

Quelques jours après, je passe à Namur. je rencontre les religieuses Victimes du Cœur de Jésus. Elles avaient trois maisons en France. Elles ont cherché un refuge dans un faubourg de Namur. Elles ont quitté avant la date compromettante du premier octobre. Pensez-vous qu'on va les laisser prier et pleurer en paix là-bas? Ah! bien oui. On les cite au tribunal pour s'emparer de leurs biens qui sont des propriétés privées.

Bien mieux, on va rechercher quelques meubles chez des particuliers à qui elles les ont donnés avant de partir. Autrefois en fait de meubles, la possession valait titre, mais y a-t-il encore des lois quand il s'agit de moines et de religieuses? Les seules lois sont les décrets de là franc-maçonnerie. J'ai vu ces trois communautés, et il y en a cent dans le même cas. Ces saintes filles offrent à Dieu leurs épreuves pour le salut de la France.

III. AUTRES PAYS

La dépopulation. - Le mal français gagne, hélas! toute l'Europe. Il régnait dans toute son ampleur à Saint-Pierre de la Martinique. L'Angleterre, la Hollande et l'Allemagne ont même une ligue malthu­sienne.

Le néo-malthusianisme est la doctrine - s'il est permis de prostituer en quelque sorte ce mot - de l'anglais Thomas-Robert Malthus, mise au point des exigences de la société contemporaine. Il prit naissance dans la Grande-Bretagne en 1873 sous l'impulsion du satanique athée Bradlaugh et d'Anny Besant-Wood qui, après s'être convertie au catho­licisme, épousa un pasteur protestant, mariage que le divorce vint bien­tôt couronner. Elle fut poursuivie pour avoir édité l'ouvrage Fruits of phi­losophy du Dr Knowiston, fonda en 1873 la Malthusian league, créa le jour­nal The Malthusian, organisa partout des conférences et publia tracts sur tracts, entre autres la Loi de la population dont 250,000 exemplaires furent vendus en l'espace de deux mois et qui a été traduite dans toutes les lan­gues.

Le néo-mathusianisme porte en lui le germe de la décadence de l'hu­manité et a déjà causé d'épouvantables ravages ainsi que la statistique l'a péremptoirement établi.

La propagande néo-malthusienne aux Pays-Bas remonte à 1880 et la ligue néo-malthusienne néerlandaise a été approuvée par arrêté royal du 27 février 1895, rendu sur la proposition du ministre Van Houten.

Relevons ces deux dates et donnons maintenant la parole à la statisti­que.

En 1889, pour tout le royaume, il y avait 35 naissances par 1,000 ha­bitants; en 1890 ce chiffre tombe à 31.

Les provinces chrétiennes et catholiques tiennent la tête de la natalité. La statistique donne en effet pour 1,000 familles, en 1889, au Brabant Septentrional 325 naissances, à la province de Linbourg 317, alors que la Hollande du Nord et Groningue, ces deux boulevards de l'irréligion et du socialisme, ne viennent respectivement qu'avec 274 et 250 naissan­ces.

Nous laissons au lecteur le soin de conclure.

A partir de 1897, deux années après cette étrange approbation royale de la ligue néo-malthusienne néerlandaise, la natalité générale du royau­me suit une marche descendante.

Groningue, notamment, ne donne plus que 239 naissances pour 1,000 familles.

En Allemagne où le néo-malthusianisme a pénétré en 1879, on a con­staté la même décadence: Berlin, notamment, qui en 1885 donnait 230 naissances par 1,000 familles, en 1890 tombe à 220 et en 1898 à 188!

L'Angleterre est plus malade encore. La diminution des naissances y devient troublante depuis dix ans.

C'est là une nouvelle faillite des mœurs anti-chrétiennes. Puissent nos persécuteurs le comprendre avant que Dieu ne frappe ces peuples qui oublient les lois primordiales de l'humanité!

En Belgique: après les élections. - Le scrutin du 25 mai peut pre­sque se passer de commentaires: la réélection de tous les députés catholi­ques sortants, la conquête de dix nouveaux sièges; l'accroissement consi­dérable des suffrages accordés aux catholiques, dans toute l'étendue du pays, le recul infligé au parti libéral, et surtout au parti socialiste, sont des faits sur la portée desquels personne ne saurait se méprendre. Le parti catholique a recueilli 76,000 voix de plus qu'aux élections de 1900, tandis que les libéraux, les socialistes et les dissidents piétinent sur place, s'ils ne perdent pas de voix. Voilà, à gros traits, le résultat de la journée.

Le triomphe des catholiques est le fruit, non seulement de leur travail persévérant, et des services que dix-huit années de gouvernement catho­lique ont rendus au pays, en lui procurant une prospérité matérielle in­connue jusque-là, et des bienfaits d'ordre moral tout aussi nombreux, mais encore de leur sagesse et de la fermeté avec laquelle, dans le récen­tes circonstances, ils ont su maintenir et sauvegarder le libre fonctionne­ment des institutions nationales.

Maintenant que le combat est terminé, c'est plaisir de voir les catholi­ques belges se remettre de suite à l'œuvre pour affermir leur victoire et en préparer d'autres.

«Et maintenant à l'œuvre, dit le correspondant belge de l'Univers; à l'œuvre, pour préparer les batailles, les victoires prochaines! Ce n'est pas l'œuvre seulement des comités électoraux, mais aussi celle de nos mandataires députés, sénateurs et ministres.

C'est grâce à l'accomplissement des articles du programme catholi­que, que nous devons d'avoir gardé et consolidé notre prépondérance pendant ces dix-huit années, en attendant les années qui vont suivre. Il reste encore beaucoup à faire, faisons-le! Parmi les préoccupations les plus en vue, je cite: la loi sur les accidents du travail, tant retardée par les troubles socialistes, la réforme des impôts, qui intéresse surtout la classe moyenne, la lutte contre l'alcoolisme, à propos de laquelle il faut rappeler la loi sur les distilleries, une des dernières votées à la fin de la session passée».

C'est bien parler: compléter les lois sociales, les lois favorables au relè­vement des travailleurs, c'est ôter au socialisme sa force et sa raison d'être.

CHRONIQUE (Août 1902)

I. ROME

La démocratie chrétienne aux élections communales. - Pour la première fois en Italie le groupe démocratique chrétien a pris une part active aux élections municipales. Il n'a obtenu qu'un succès relatif et li­mité à quelques villes et bourgades. Mais, c'est un commencement, et un grand effet moral en résulte. Il est acquis désormais que beaucoup de catholiques en Italie se mettent enfin sérieusement à cette action populaire, que le Pape recommande depuis dix ans. Les doctrines de l'Encyclique Rerum Novarum entrent enfin dans les mœurs. La liste du Comité catholi­que à Rome a dû ouvrir ses rangs à deux ouvriers.

Des conférences ont été tenues au local des œuvres de propagande dé­mocratique, et l'abbé Murri y a fait applaudir le programme de la démo­cratie chrétienne de Rome. Un programme communal a toujours quel­que saveur locale et on ne peut pas le copier partout, mais il marque ce­pendant un esprit et des tendances dont on peut s'inspirer.

Don Murri a proposé les points suivants: 1° développement de l'en­seignement professionnel; fondation d'une école de commerce avec des bourses; 2° fondation d'un office et d'un conseil du travail, pour prépa­rer par des enquêtes et des travaux de statistique la nouvelle activité so­ciale de la commune; 3° dénonciation en temps opportun des traités pas­sés avec la Société des tramways et avec celle de l'éclairage pour que ces services puissent être municipalisés; études pour favoriser la distribution de l'énergie motrice et de l'eau; 4° mesures pour favoriser les coopérati­ves de production et les organisations professionnelles; 5° assistance des quartiers pauvres par diverses institutions municipales et notamment par la soupe scolaire; 6° révision des taxes de famille pour les revenus su­périeurs à 10,000 francs.

On voit l'esprit de ce programme. Il tend à la protection toute spéciale

des intérêts du travail. Il vise à la reconstitution d'un patrimoine ou­vrier, par les profits éventuels des grands services municipaux qui sont aujourd'hui aux mains des capitalistes. Il aspire au développement de la vie industrielle et commerciale.

Il est temps que le peuple sache mettre une distinction entre les catho­liques et le capitalisme.

Montrons-lui que nous sommes vraiment les disciples de l'Evangile, c'est-à-dire les amis des humbles et des travailleurs.

II. FRANCE

La dévotion des hommes au Sacré-Cœur. - Ces réflexions nous sont inspirées par un article de M. François Veuillot dans l'Ami du clergé. La dévotion pour le Sacré-Cœur offre un caractère essentiellement ci­vique et social. Le Cœur de Jésus ne veut pas seulement régner sur les individus; sous son sceptre d'amour, il aspire à ranger les nations, la so­ciété tout entière. Pour arriver à cela, une action des hommes, une pro­pagande virile, une campagne organisée par les citoyens est absolument nécessaire.

Dès longtemps, on a vu se former des confréries du Sacré-Cœur; en 1765, on en présentait déjà près de 1100, dont beaucoup de françaises, au Souverain Pontife. Aujourd'hui la fécondité du sol catholique en a produit de toutes parts, et le vœu national, en les suscitant dans nombre de paroisses, en les rassemblant toutes, anciennes et nouvelles, autour de l'archiconfrérie, a puissamment contribué à cet épanouissement. Mais le «groupe d'hommes» est né d'une autre conception. Sans que l'on cessât d'estimer très haut la confrérie, qui souvent même est le premier point d'appui du groupe d'hommes, on a pensé que, pour utiliser les immen­ses ressources et le puissant levier de la piété virile, au sein de l'organisa­tion présente, au profit du relèvement national et pour l'établissement du règne de Jésus-Christ sur le peuple et sur la société, il était nécessaire de créer une œuvre nouvelle.

On a donc voulu grouper, condenser vigoureusement toute cette for­ce, à l'état diffus dans l'océan des fidèles. Il y avait là, pour ainsi dire «en puissance», une armée pacifique et féconde, dont on a essayé de fai­re une armée «en acte». Les associés masculins de l'archiconfrérie du vœu national étaient un peu, pour employer une expression de la théo­rie militaire, en ordre dispersé; on a rêvé de les mettre en formation de combat. Par ce moyen, l'on entraînait les hommes à jouer sérieusement leur rôle, à tenir efficacement l'emploi qui leur est réservé dans la dévo­tion pour le Sacré-Cœur et dans la propagation de son culte au sein des foules, au sein de la patrie…

Or, au mois d'octobre 1898, un grand pèlerinage amena plusieurs milliers d'hommes à Combreux, dans le Loiret. Combreux est un village où une grotte de Lourdes, érigée par la famille de la Rochefoucauld d'Estissac, il y a plus d'un quart de siècle, est devenue très vite un san­tuaire aimé de tout l'Orléanais. Ce jour-là le R. P. Lemius avait mission de porter la parole, et le supérieur du Vœu national, apercevant dans la prairie les curés du diocèse encadrés chacun de quelques hommes, eut là comme une vision de ces groupes auxquels il pensait toujours; alors, d'un accent de flamme, il en jeta l'idée par les rangs de cette foule. Un élan d'enthousiasme accueillit son discours et, immédiatement répondit à son appel; une distribution de drapeaux du Sacré-Cœur aux paroisses présentes affirma la création des groupes… Aujourd'hui, grâce à l'appui de Mgr Touchet, évêque d'Orléans, ce diocèse est l'un de ceux qui ont enrôlé le plus d'hommes autour des cures, en union avec Montmartre…

A quelque temps de là, cinquante mille hommes étaient réunis à Lourdes et déjà nombre de paroisses avaient adopté, pour se rendre au grand pèlerinage, la formation que l'on projetait, sans l'avoir encore in­stituée ni définie. Cette admirable mobilisation des chrétiens de France imprima aux groupes d'hommes une impulsion décisive. De ceux qui n'avaient pas encore entendu parler de cette œuvre, un bon nombre ap­prit, dans les entretiens, qu'on la préparait; beaucoup d'autres, à la vue de ces masses viriles où bouillonnaient la prière et l'énergie, comprirent spontanément tout le parti qu'on en pouvait tirer.

Après Orléans, voyons Nancy. L'impulsion, partie l'an dernier de la cathédrale de cette ville, où cinq cents hommes écoutaient le P. Lemius et, à sa voix, se groupaient en faisceau, a gagné maintenant, grâce au généreux élan de la «Milice du Sacré-Cœur» - une association de jeu­nes gens lorrains, - la cité tout entière et le département lui-même. Deux mille hommes enrôlés dans les paroisses de Nancy et de ses alen­tours, l'adoration nocturne élevant au double en peu de mois le total de ses habitués, des messes d'hommes établies avec succès; le drapeau du Sacré-Cœur volant au loin, de paroisse en paroisse, et semant en che­min de nouveaux groupes; un pèlerinage de tout le diocèse entraînant quinze mille hommes à Notre-Dame de Sion, - tels sont quelques-uns des fruits obtenus.

Grenoble est animé de la même ardeur. On y a vu l'adoration noctur­ne, organisée trois fois par mois, grouper l'an dernier plus de sept cents hommes et provoquer aux environs, comme à Saint-Pierre de Voiron, comme à Bourgoin, d'ardents imitateurs parmi la jeunesse catholique et les ouvriers chrétiens.

Et la région du nord, si fidèle à Montmartre, avec quel empressement n'a-t-elle pas suscité ces groupements virils! Il est tel arrondissement, notamment celui de Valenciennes, où la jeunesse a couru le pays, fanfa­re en tête et drapeau du Sacré-Cœur au vent, semant la bonne parole et moissonnant les bonnes volontés.

Saint-Omer et Arras ont des groupes analogues.

L'élan n'est pas moins vif aux diocèses du Mans et de Bayeux. Mettons-nous à l'œuvre partout. Chaque ville, chaque paroisse peut avoir un groupe d'Hommes du Sacré-Cœur, qui se dévoueront dans la me­sure du possible au progrès des œuvres et à l'action sociale chrétienne. La brochure de M. François Veuillot peut servir de stimulant et de guide. Elle se vend au bureau du Vœu national, 31 rue de la Barre: 30 centimes l'exemplaire, 3 francs la douzaine, 12 francs le cent. Le tout, franco.

Le mouvement syndical. - M. Max Turmann émettait dernièrement de sages réflexions dans l'Univers à propos d'un livre de M. Léon de Seilhac sur les syndicats.

Ce livre vient à son heure, car, dans presque tous les milieux, - mais pour des raisons différentes -, les associations syndicales obtiennent au­jourd'hui une manifeste faveur. Il n'est pas jusqu'aux conservateurs les plus obstinés qui, depuis la création des «syndicats jaunes», ne se de­partent de leur opposition systématique -, de cette opposition contre la­quelle le comte de Mun et les députés catholiques sociaux eurent si fort à lutter, il y a quelque vingt ans.

Le moment est donc propice pour étudier, dans son développement et dans son ensemble, notre mouvement syndical.

Ce mouvement qui avait été quelque peu lent à se dessiner, est en pleine prospérité. En 1890, il y avait 1,000 syndicats ouvriers avec 139,000 participants; au le, janvier 1901, on en comptait 3,287 avec 588,000 adhérents: ainsi donc, en dix ans, le nombre des syndiqués a plus que quadruplé.

Malgré ces progrès, rapides et considérables, il est néanmoins incon­testable que les syndicats n'englobent qu'une très faible partie des mem­bres des corps de métiers, et de plus, la plupart de nos associations syndi­cales ne sont pas encore constituées bien solidement.

Cela est dû en partie à l'action patronale, qui s'efforce d'empêcher les syndicats de se former, parce que les patrons croient y voir un stimulant pour les grèves. C'est une erreur que les statistiques ont mise en relief. «Dans la moitié des grèves qui se sont produites, dit M. de Seilhac, on a constaté qu'il n'existait pas de syndicats dans la profession des grévistes, et qu'à Tourcoing, notamment, sur 57 grèves qui ont éclaté en 1896, 5 seulement comprenaient des ouvriers syndiqués».

Il est aussi une autre constatation que très opportunément, relève no­tre auteur, si renseigné sur toutes les choses du monde du travail: on ne saurait, à notre avis, la mettre en trop éclatante lumière.

Cette constatation - chacun peut la vérifier autour de lui - se résu­me en ces quelques mots: les syndicats sont agressifs et remuants à leur début, tant qu'ils sont faibles et insuffisamment organisés. Peu à peu, à mesure qu'ils prennent de la force, ils s'assagissent et se préoccupent beaucoup moins d'agacer le patron que d'augmenter les salaires et d'amé­liorer la situation économique des ouvriers.

A l'appui de cette affirmation, M. de Seilhac cite l'exemple des tra­vailleurs anglais: Ils ont été turbulents et révolutionnaires pendant toute la période de fondation du trade-unionisme (c'est-à-dire de 1820 à 1842). Ce mouve­ment d'effervescence anarchiste, né sous l'influence des idées communi­stes de Robert Owen, atteignit son maximum d'intensité en 1833-1834. Le prolétariat anglais réclamait alors tout simplement la journée de huit heures, la suppression du patronat et la nationalisation de la terre, et menaçait de déclarer la grève générale (déjà!) pour réaliser ces aspira­tions. Pendant la première moitié du XIXe siècle, l'histoire du travail est caractérisée par les meurtres, les incendies, les pillages, les bris de mé­tiers et les plus graves désordres. Cette période barbare correspond chez nos voisins à l'état que l'on peut appeler chaotique des classes ouvrières. L'industrie ne commence à bénéficier des bienfaits de la civilisation que le jour où les Trades'Unions reconnus et solidement établis, organisent les forces et la représentation du travail. Ce jour là, MM. Kettle et Mundella n'hésitent pas à accepter cette représentation du travail, pour l'appliquer à la solution pacifique des conflits collectifs entre patrons et ouvriers, par l'institution des comités libres et permanents de concilia­tion et d'arbitrage.

Ce n'est pas seulement en Angleterre que l'on peut observer cette évo­lution: «Il ne manque pas d'exemples en France même, déclare M. de Seilhac, de syndicats, révolutionnaires d'abord, lorsqu'ils étaient faibles et impuissants, devenus pacifiques quand ils ont vu que les grèves inces­santes et inconsidérées étaient de dangereux moyens d'action, dont le patron avait à souffrir, mais dont l'ouvrier souffrait parfois davantage. De plus en plus, la devise des syndicats bien organisés est devenue celle­ci: Si vis pacem, para bellum. Il n'est plus question de faire une guerre sans merci dont les deux adversaires ont toujours à souffrir, même dans la victoire; il n'est plus question que d'une paix armée, qui impose le re­spect et la crainte au patron, qu'il se gardera bien de troubler par des ve­xations inutiles ou des résistances injustifiées, et que le syndicat ouvrier respectera non moins facilement, parce qu'il n'a nulle envie de dilapider sa caisse dans un but hasardeux».

Ces constatations devraient amener les patrons à favoriser de plus en plus le mouvement syndical: l'action d'ouvriers, groupés en une associa­tion qui possède un patrimoine et gère des institutions de prévoyance, n'est pas à redouter comme les violences et l'exaspération irraisonnée d'une foule inorganisée, obéissant aveuglément à quelques beaux par­leurs révolutionnaires. Les premiers pourront faire preuve d'énergie dans la défense de leurs revendications. C'est assurément leur droit. Mais ils ne se laisseront pas entraîner, comme les seconds, à toutes les fo­lies et à toutes les brutalités. Ils seront d'autant plus calmes et raisonna­bles - l'expérience l'a maintes fois prouvé - que leur association sera plus nombreuse et plus riche.

C'est en favorisant la légitime ascension des classes populaires et en donnant satisfaction à ce qu'il y a de juste dans les aspirations de la dé­mocratie que les catholiques pourront seulement recouvrer les nécessai­res sympathies des travailleurs. Ce n'est probablement pas l'avis de M. Paul Bourget, mais aux théories distinguées et déprimantes de l'auteur de l'Etape, on nous permettra de préférer les conclusions de l'archevêque de Sydney: elles sont génératrices de vie et de dévouement; elles repo­sent d'ailleurs sur l'expérience, sur la réalité, et non pas seulement sur des affirmations à priori. Et pour nous autres, enfants de l'Eglise, elles ont de plus le mérite d'être d'accord avec les conseils et les enseigne­ments de Léon XIII.

Donc, tout en rendant un sincère hommage au talent de M. Bourget, ne cédons pas aux décourageantes suggessions du romancier mondain: allons au peuple, sans arrière pensée, de bonne humeur, - et pour nous borner au point plus précis que nous avons examiné aujourd'hui - n'hésitons pas à soutenir effectivement les syndicats, qui présentent un ca­ractère et se proposent un but nettement professionnel.

En agissant ainsi,nous aurons travaillé à la paix sociale - et, par sur­croît, nous aurons contribué, selon nos forces, à rapprocher le catholici­sme de la classe ouvrière.

III. AUTRES PAYS

Les progrès de l'Eglise en Australie. - Le cardinal Mauran donnait dernièrement à Rome des renseignements très intéressants à ce sujet. Dans notre société, disait-il, dont la constitution est toute démocrati­que et libérale, le catholicisme se développe d'une manière continue. Ainsi, pour ne parler que de la «Nouvelle-Galles du Sud», les catholi­ques s'élèvent aujourd'hui au chiffre de 347,000; ils étaient 286,000 seu­lement en 1891; dans le diocèse de Sydney, je trouvai, en y arrivant comme archevêque en 1884, 90,000 catholiques; il y en a maintenant 163,000. Ces résultats sont d'autant plus remarquables, qu'au cours de ces dix dernières années un grand nombre de catholiques ont quitté la Nouvelle-Galles du Sud, pour se rendre aux mines d'or de l'Australie occidentale et de l'Afrique du Sud.

Mais si vous me demandez quelle est la raison principale de cette con­solante prospérité - car il s'agit de catholiques effectifs et pratiquants - je vous dirai qu'elle est due, par-dessus tout, à l'union intime, étroite du clergé et du peuple. Notez que l'Etat nous donne uniquement la liberté, et que toute l'organisation du culte, toute la subsistance du clergé, toutes les œuvres d'enseignement ou d'assistance incombent à nos fidèles: l'Eglise vit de leurs oblations volontaires.

Or, pour ne parler que de Sydney, le nombre des paroisses s'y est éle­vée, depuis mon arrivée, de 41 à 68. Cent dix églises ont été construites ou agrandies depuis ce même temps; il a fallu bâtir aussi plus de trois cents écoles ou presbytères, ou institutions de charité et de bienfaisance.

Si vous tenez compte de ce fait que nos catholiques n'appartiennent guè­re, en général, aux classes les plus fortunées, vous comprendrez à quel point ces sacrifices multipliés supposent de générosité et d'esprit de foi chez nos excellents Australiens.

Ces sacrifices sont d'ailleurs consentis très délibérément. Car, - et c'est ici que vous verrez jusqu'à quel point s'étend l'union intime du clergé et du peuple, - nous invitons notre peuple à étudier avec nous les différents projets qui nous paraissent s'imposer, en vue du bien religieux ou moral. La création d'une école nouvelle, par exemple, nous semble-t­elle désirable? Le curé annonce, le dimanche matin, au prône, à ses pa­roissiens, qu'une réunion se tiendra l'après-midi, à telle heure et dans tel local; il les invite à s'y rendre: là, chacun donne son avis sur le projet an­noncé, l'on discute en famille les conditions de son exécution, l'on sup­pute les frais qui en résulteront, et l'on établit de quelle manière on réu­nira les ressources nécessaires, etc.

Méthode hardie! direz-vous. Non, car il arrive ainsi que chacun est rattaché à l'Eglise par un sentiment très vif de solidarité chrétienne; l'ac­tion de l'Eglise ne se poursuit pas en marge de sa propre vie: membre vi­vant et actif de l'Eglise, il prend à cœur son développement, il a sa part de responsabilité dans ses succès et dans ses échecs…

Un fait montre bien l'esprit religieux des populations australiennes en général, la Chambre fédérale des députés à Melbourne a décidé, à l'una­nimité, d'ouvrir sa session par une prière.

CHRONIQUE (Septembre 1902)

I. ROME

Le Saint-Père. - Le Saint-Père est triste. Il voit la pauvre France, qui est la principale nation catholique, en proie à une crise de fièvre, à un accès de folie. La liberté du bien recule en France, au lieu d'avancer progressive­ment, comme on pourrait l'attendre d'un régime républicain.

Le Pape, comme il l'a manifesté plusieurs fois dans ses encycliques, a au cœur les sentiments de l'ancien guelfisme italien. Il goûte les libertés communales, les libertés provinciales, qui ont donné à l'Italie des siècles de gloire et un développement économique, littéraire et artistique in­comparable. Il voit régner en France la tyrannie d'une secte. Toutes les libertés naturelles y sont. violentées: celle de la famille, de la cité, de la re­ligion.

Il nous a dit: «essayez loyalement la république», parce qu'il a pensé qu'elle serait libérale. Si elle s'obstine à servir les Loges par une oppres­sion tyrannique des consciences, elle tombera d'elle-même. La violence est toujours passagère.

La défense républicaine est à exercer aujourd'hui, non pas contre les catholiques, mais contre le ministère et les Loges.

II. FRANCE

La persécution. - Plusieurs fois dans le cours des siècles l'Eglise de France a été ébranlée jusque dans ses fondements. Elle a subi la persécu­tion de Dioclétien, puis celle de julien l'apostat. Elle a vu passer les bar­bares comme un ouragan destructeur. Les Sarrasins sont montés jusqu'à Poitiers. Les Normands encore païens ont détruit les églises et, ravagé les monastères.

Les Albigeois ont saccagé tout le Midi. Les Huguenots ont profané et brûlé toutes les reliques et volé tous les vases sacrés.

Les jacobins ont exilé, proscrit, guillotiné prêtres et religieux et fermé toutes les églises.

M. Combes n'est pas à la hauteur de Dioclétien, de julien l'apostat, de Raymond de Toulouse, de Calvin, de Marat. Les caractères baissent, même dans le mal. M. Combes n'est d'ailleurs qu'un employé salarié au service des Loges.

Il est à plaindre et nous devons généreusement prier pour lui. Orate pro persequentibus vos. Son châtiment commence, il est déjà couvert d'ignomi­nie, même par des journaux sur lesquels il comptait. Il tombera honteu­sement, comme est tombé M. Ferry, le proscripteur de 1880. Puisse-t-il, comprendre l'avertissement de Dieu et revenir à la foi de son enfance.

En attendant, des milliers d'humbles religieuses souffrent héroïque­ment et offrent à Dieu leurs sacrifices pour le salut des âmes. Beaucoup d'honnêtes gens se réveillent et comprennent enfin tout l'odieux des intrigues maçonniques. Ils prennent les sectes en dégoût. je crois que finalement M. Combes aura travaillé pour nous.

III. AUTRES PAYS

Belgique. - La gracieuse chapelle des Pères du Sacré-Cœur au boule­vard Militaire à Bruxelles, a été témoin d'une touchante cérémonie le 25 juillet. Trente-cinq ordinands de la Congrégation du Sacré-Cœur y rece­vaient l'ordination des mains de Son Excellence le Nonce apostolique. Il y avait cinq prêtres, un diacre, onze sous-diacres, dix minorés et huit tonsurés.

Beaucoup de ces jeunes clercs sont destinés à porter au loin l'amour du Sacré-Cœur. Le Congo et le Brésil les attendent.

Le Nonce, Mgr di Belmonte, a officié avec autant de bonne grâce que de dignité.

Mgr jacobs était là, ainsi que M. le chevalier de Cuvelier, ministre du Congo. Les amis de l'œuvre remplissaient la chapelle. Des jeunes gens de bonne famille chantaient au jubé.

Une cérémonie a un charme particulier quand tout y est spontané et cordial, sans rien qui sente la routine ou l'intérêt.

Le lendemain, il y avait fête de famille au scolasticat de Louvain. Un des nouveaux prêtres disait la messe de communion, un autre chantait la messe, accompagné par plusieurs ordinands de grades inférieurs.

Le dimanche, le P. Léon Farinelle chantait sa première messe solen­nelle à la chapelle de Bruxelles. Le pieux auditoire savait qu'il va partir pour le Congo et bien des yeux se mouillèrent de larmes. Le sermon rap­pela les grandeurs du sacerdoce et montra l'apostolat chrétien, depuis la mort féconde du Rédempteur, conquérant successivement Rome, les Gaules, les Espagnes, la Germanie, l'Asie, l'Amérique, l'Océanie. C'est maintenant le tour du continent noir. Il faut qu'il ait ses confesseurs et ses martyrs, et la foi privée peut regarder comme martyrs ces jeunes prê­tres qui vont là-bas tout résignés à. donner en peu d'années une vie qui aurait pu être plus longue et plus douce sous un climat meilleur.

L'office s'accomplissait dans un cadre presque africain. Des familles amies avaient prêté, pour entourer l'autel, de majestueux palmiers, qui envoyaient leurs palmes gracieusement ondulées vers les voûtes de la chapelle gothique.

Que Dieu bénisse cette jeune lignée d'apôtres!

CHRONIQUE (Octobre 1902)

I. ROME

Le Pape et nos tristesses. - Le Pape aime toujours beaucoup notre France, qui est la principale nation catholique.

Les Grosjean de la presse réfractaire lui reprochent de ne pas agir avec éclat dans les circonstances présentes, mais le Pape n'a pas à suivre ces don Quichotte. Il déplore les folies de nos ministres, il l'a dit cent fois. Il ne peut pas, comme un journaliste, se répéter tous les jours. A l'occasion de sa fête, il a redit sa tristesse à toute la prélature romaine, sous la forme délicate d'un spirituel distique, écrit par lui et ajouté à une image de la grotte de Lourdes qu'il distribuait à ses invités:

Insana, heu! misere scindit discordia Gallos,

Jamque eadem gentes sors premit Ausonias,

Adsis, alma Parens, cumulans portenta salutis,

Tristia Lourdense crimina merge lacu.

«Hélas! une discorde insensée divise les Français, et le même sort me­nace la nation italienne; venez, puissante Mère, vous qui accumulez les miracles, submergez ces tristes crimes dans les eaux de Lourdes».

Le pape déplore nos divisions. Cette parole ne réprouve pas seulement les persécuteurs, mais aussi les réfractaires qui outragent si souvent le Pape lui-même et les évêques et qui donnent prétexte à la persécution en mêlant la religion à des projets chimériques de restauration monarchi­lue.

La grande masse populaire en France veut la République à tout prix. Elle ne rendra ses sympathies au clergé que s'il sait mettre hors de doute son ralliement au régime populaire. Le salut est dans l'action sociale chrétienne si instamment recommandée par le Pape.

La résistance aux lois. - L'attitude des paysans bretons et celle des offi­ciers qui ont refusé d'aller à l'assaut des couvents, fournissent aux libres­penseurs un prétexte pour dénoncer «l'esprit révolutionnaire des catho­liques». Selon eux, le nombre prévaut sur le droit, la force peut se met­tre au service de l'injustice, la morale, les biens, l'existence des individus sont soumis au libre caprice de la foule.

Ce sont là des doctrines dignes de la république des bêtes fauves. L'autorité n'appartient à l'Etat qu'en vue du bien de tous et pour as­surer le respect des intérêts légitimes de chacun.

La philosophie elle-même l'a proclamé par ses coryphées, tant anciens que modernes: Aristote, Cicéron, Stuart-Mill, Jouffroy, Jules Simon. «C'est une vérité constante, dit Grotius, que si les puissances civiles ordonnent quelque chose de contraire au droit naturel ou aux comman­dements de Dieu, il ne faut pas le faire».

«Les lois, dit saint Thomas, peuvent être injustes en s'opposant au bien divin, comme les édits des tyrans ordonnant l'idôlatrie ou tout au­tre chose contraire à la loi divine; de telles lois, il n'est aucunement per­mis de les observer; car, ainsi qu'il est dit aux actes des apôtres (chap. V): «On doit obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes».

En effet, devant l'autorité de ce suprême législateur, que peut valoir celle de l'homme qui oserait la contredire? C'est une vérité élémentaire de droit et de bon sens, qu'un chef inférieur ne peut ordonner contre la vérité connue et certaine d'un supérieur, surtout si ce supérieur est infi­niment sage, infiniment puissant, absolument souverain…

Sur ce point aussi Léon XIII a parlé clairement et en philosophe au­tant qu'en docteur suprême dans son encyclique Sapientiae Christianae: «Parfois les exigences de l'Etat envers le citoyen contredisent celles de la religion à l'égard du chrétien, et ces conflits viennent de ce que les chefs poli­tiques tiennent pour nulle la puissance sacrée de l'Eglise ou affectent la pré­tention de l'assujettir… Deux pouvoirs sont en présence qui donnent des or­dres contraires. Impossible d'obéir à tous les deux simultanément: nul ne peut servir deux maîtres. Plaire à l'un, ce serait mépriser l'autre. Auquel accordera-t-on la préférence? L'hésitation n'est pas permise.

Ce serait un crime, en effet, de vouloir se soustraire à l'obéissance due à Dieu pour plaire aux hommes, d'enfreindre les lois de Jésus-Christ pour obéir aux magistrats, de méconnaître les lois de l'Eglise sous pré­texte de respecter les droits de l'ordre civil. Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. Cette réponse que faisaient autrefois Pierre et les apôtres aux magistrats qui leur commandaient des choses illicites, il faut, en pareille circonstance, la redire toujours et sans hésiter.

Il n'est pas de meilleur citoyen, soit en paix, soit en guerre, que le chrétien fidèle à son devoir; mais ce chrétien doit être prêt à tout souf­frir, même la mort, plutôt que de déserter la cause de Dieu et de l'Eglise.

Aussi, c'est ne pas bien connaître la force et la nature des lois que de blâmer cette fermeté d'attitude dans le choix entre les devoirs contradic­toires et de la traiter de sédition… La loi n'est pas autre chose qu'un commandement de la droite raison porté par la puissance légitime en vue du bien général. Mais il n'y a de vraie et légitime puissance que celle qui émane de Dieu, souverain seigneur et maître de toutes choses, lequel seul peut investir l'homme d'une autorité de commandement sur les au­tres hommes…

Les chrétiens entourent donc d'un respect religieux la notion du pou­voir, dans lequel, même quand il réside dans un mandataire indigne, ils voient un reflet et comme une image de la divine Majesté. Ils se croient tenus de respecter les lois, non pas à cause de la sanction pénale dont el­les menacent les coupables, mais parce que c'est pour eux un devoir de conscience…

Mais si les lois de l'Etat sont en contradiction ouverte avec la loi divi­ne, si elles renferment des dispositions préjudiciables à l'Eglise, ou des prescriptions contraires aux devoirs imposés par la religion; si elles vio­lent dans le Pontife suprême l'autorité de Jésus-Christ, dans tous ces cas il y a obligation de résister, et obéir serait un crime dont les conséquences retomberaient sur l'Etat lui-même. Car l'Etat subit le contre-coup de toute offense faite à la religion…».

II. FRANCE

Que faut-il faire?. - Il faut parler et agir. Les circonstances sont bien graves. Le Parlement est sectaire et il a quatre ans devant lui pour faire un mal immense et achever de démoraliser la France.

Ne nous décourageons pas. Si nous agissons, Dieu nous aidera. Soyons unis. Gagnons les masses populaires en nous dévouant aux inté­rêts du peuple comme l'Evangile et l'Eglise nous le demandent. Ecar­tons tout soupçon d'arrière-pensée politique. Ce que nous voulons, c'est la liberté religieuse pour le bien du peuple lui-même.

Nous ne pouvons réussir qu'avec l'union de tous les catholiques dans une association puissante. L'union a fait la force des catholiques belges et allemands. Groupons-nous tous sous le drapeau de l'Action libérale populaire. Nous savons que le Pape bénit et encourage ce groupement catholique. C'est notre seule ressource humaine. Servons-nous-en, Dieu fera le reste.

III. AUTRES PAYS

Suisse. - Qui est-ce qui ne va pas dans la saison chaude respirer un peu, si ses moyens le lui permettent, l'air pur et oxigéné de la Suisse? Il y a là de si belles œuvres divines: un remous de la voûte terrestre, des sommets voilés de blanc comme la Vierge, des gorges aux murailles de granit, sombres comme la géhenne, des lacs frais et verts, des champs de fleurs simples mais captivantes, comme l'edelweis et l'alpenrose. Et puis ce peuple est hospitalier, il a du bon sens et un naturel profondément re­ligieux.

Le catholicisme gagne du terrain en Suisse et l'intolérance disparaît. Calvin ne reconnaîtrait plus Genève. Les catholiques y ont maintenant la majorité. Ils y ont cinq paroisses: le Sacré-Cœur, Saint Joseph, Saint­François, Saint-Antoine, et une église italienne, dédiée à Sainte­Marguerite de Cortone.

Dans les vieux cantons catholiques, le culte du Sacré-Cœur est inten­se. On le trouve partout. Chaque église a son autel du Sacré-Cœur. La garde d'honneur y a des confréries florissantes. A l'ancienne collégiale de Naters j'ai remarqué sur les stalles une image sculptée du Cœur bles­sé de Jésus datant de 1665. C'est antérieur aux révélations de Marguerite-Marie.

Au Riffelalp, à 2000 mètres d'élévation, on a bâti près des hôtels une chapelle du Sacré-Cœur.

J'aime ces populations catholiques du Valais. Elles sont probes, mo­destes, serviables. Elles n'ont pas l'air maussade des puritains de Berne et du canton de Vaud.

Le peuple suisse a une bonne attitude au sujet de nos querelles reli­gieuses. Le journal de Genève, qui est protestant, se montre sincèrement libéral. Il donne la vraie note sur les libertés nécessaires. «Nous tenons le droit de s'associer, dit-il, comme devant rester absolument libre de toute contrainte et de toute intervention de l'Etat, aussi longtemps qu'il s'agit de questions purement spéculatives. Quand l'association s'applique à un but pratique, se traduisant par des fondations, nous admettons que l'Etat a le droit d'intervenir, non pour confisquer, mais pour exercer une surveillance au point de vue de l'ordre public et des bonnes mœurs; s'il s'agit d'enseignement, il a le droit de savoir en quoi il consiste et s'il n'offense ni la morale publique ou privée ni les lois de l'Etat.

Hors de ces points où sa responsabilité est engagée et qui font partie de ses droits régaliens, il n'a pas à intervenir.

Il est vrai que le Conseil fédéral a invité les congrégations françaises transportées en Suisse à se mettre en règle avec la loi. Espérons que l'au­torisation qu'elles demanderont leur sera accordée. Cela répondrait sû­rement à l'opinion populaire en Suisse, même chez les protestants.

Italie. - L'Italie se montre hospitalière jusqu'à présent pour nos re­ligieux. Les Marianites ont fondé un beau collège dans un site délicieux à Pallanza, aux bords du Lac Majeur. D'autres communautés se sont établies dans la vallée d'Aoste et dans plusieurs villes du Piémont.

On peut trouver là des pays tolérants et des vocations, mais il y fau­drait porter des ressources abondantes parce que l'Italie est pauvre et plus disposée à solliciter des secours qu'à en offrir.

CHRONIQUE (Novembre 1902)

I. ROME

Action populaire. - Le Pape encourage toujours l'action populaire. Tout l'avenir de l'Eglise en dépend. Quelles que soient dans l'avenir les formes de gouvernement, l'influence démocratique sera toujours consi­dérable. Les monarchies modernes sont constitutionnelles et donnent au peuple une part d'action presque aussi grande que les républiques.

Il faut donc aller au peuple, se dévouer à ses intérêts, le grouper dans des œuvres et associations, si on ne veut pas que la religion soit rejetée hors de la société.

Le Pape le rappelait récemment à l'occasion de quelques écarts de lan­gage d'un jeune prêtre italien. Par l'entremise du cardinal Vicaire, il louait le zèle et l'activité de la seconde section de l'œuvre des Congrès, section toute vouée aux œuvres démocratiques et populaires. Il rappe­lait les directions données par le Saint-Siège en janvier dernier au sujet de ces œuvres démocratiques et il ajoutait: «Ces documents sont la splendide confirmation des joyeuses espérances qu'inspire au Saint­-Siège la véritable démocratie chrétienne à laquelle il témoigne sans cesse une paternelle sollicitude».

II. FRANCE

L'heure des ténèbres. - Les prophètes des l'ancienne Loi, tels que Joël et Sophonie, ont parlé plusieurs fois, dans les mauvais jours, de l'heure des ténèbres et de la désolation: Hora tenebrarum et desolationis.

Notre pauvre France en est là. Sans s'être donné le mot, nos évêques, à l'occasion des prières du Rosaire, répètent les gémissements des pro­phètes.

«Fut-il jamais, dit le cardinal de Bordeaux, un temps où les angoisses étreignirent davantage le cœur du peuple chrétien et réduisirent tous les enfants de l'Eglise à des anxiétés plus poignantes?».

«Nous voudrions, dit le cardinal de Lyon, dans l'angoisse de cette heure de ténèbres et de désolation, pouvoir frapper à toutes les portes, réveiller tous ceux qui dorment, relever tous les courages et grouper tou­tes les âmes dans une ardente et nécessaire supplication».

«Dans les circonstances douloureuses que traverse en ce moment l'Eglise de France, dit Mgr l'évêque de Saint-Claude, devant l'immi­nence des dangers qui menacent notre foi et nos libertés religieuses, il est nécessaire que les supplications s'élèvent cette année plus nombreuses et plus ferventes que jamais vers la Reine du ciel.

La dévotion au saint Rosaire a pris naissance à un moment de l'histoi­re où tout semblait menacé de ruine et qui jetait l'angoisse dans toutes les âmes chrétiennes. C'est Marie elle-même qui la fit connaître à l'un de ses plus grands serviteurs à une époque très hostile au nom catholique et assez peu différente de la nôtre; elle la mit entre ses mains comme un instrument de guerre tout-puissant pour combattre les ennemis de la foi (Encyclique Octobri mense adaentante, 22 septembre 1891).

Aux mêmes maux il convient d'opposer les mêmes remèdes. Le saint Rosaire qui a converti les hérétiques au moyen-âge et, dans les siècles suivants, sauvé l'Eglise des attaques de l'islamisme, aura encore la mê­me vertu contre les ennemis modernes de notre sainte religion».

«Vous savez aussi bien que nous, dit Mgr l'évêque d'Angoulême, s'il fut jamais plus opportun qu'aujourd'hui de prier Notre-Dame du Rosai­re. Elle a vaincu, vers la fin du XIIe siècle, les Albigeois sensuels et cor­rompus; elle a brisé, au XVIe siècle, la puissance des Turcs qui médi­taient d'imposer le joug de la superstition et de la barbarie à toute l'Eu­rope; elle a triomphé des ennemis de l'Eglise au XVIIIe siècle, par des victoires qui coïncidaient avec des prières publiques adressées à Notre­Dame du Rosaire.

Hélas! ces ennemis de l'Eglise vivent toujours; les Albigeois et les Turcs se continuent dans ceux qui ont repris leur œuvre néfaste, et l'on a le droit de se demander si les hérétiques qui, au XIIe siècle, infestaient le midi de la France, ou si les Turcs qui, au XVIe, menaçaient de cour­ber sous leur cimeterre l'Europe entière, constituaient pour l'Eglise un danger plus grand que celui qui menace à l'heure actuelle la sainte épou­se de Jésus-Christ».

Nous pourrions en citer bien d'autres.

Tous nos pieux évêques ont recommandé la prière à Marie dans les angoisses présentes et pendant tout le mois du Rosaire la prière s'est éle­vée, ardente, de toutes les paroisses de France, vers la Mère de miséri­corde.

Le devoir de la prière reste tout aussi urgent après ce beau mois. Conti­nuons à prier Marie. Mais la prière ne suffit pas, il faut la pénitence, la ré­paration. Offrons chaque jour à Notre-Seigneur la réparation du cœur, l'acte d'amende honorable. Offrons-lui aussi quelques pénitences, quelques sacrifices: aumônes, privations et surtout abstention des fêtes mondaines.

L'humilité, le repentir et la réparation valent plus que la prière pour apaiser la justice de Dieu.

Faisons pénitence pour nos propres fautes, et aussi pour obtenir la conversion de nos persécuteurs.

III. AUTRES PAYS

L'exposition des primitifs flamands à Bruges. - Ce fut une heu­reuse pensée d'organiser à Bruges une exposition des primitifs flamands. Dans notre siècle sceptique et sensuel, qui méprise la religion et l'éloigne de toute la vie sociale, il était bon de montrer comment ces deux manife­stations les plus élevées de la vie humaine, la religion et l'art, étaient ja­dis fraternellement unies.

On ne pouvait rêver plus beau cadre, ni milieu mieux approprié à cet­te exposition que la ville de Bruges.

Il n'est pas une ville en Belgique, il est peu de villes en Europe qui évoquent plus puissamment ces XIVe et XVIe siècles, époque du plein épanouissement, de la superbe efflorescence de cet art à la fois naïf et sa­vant, élevé et populaire.

C'est d'ailleurs à Bruges que cet art atteignit son apogée, à l'époque où Enéas Sylvius mettait cette ville parmi les trois plus belles du monde. «Car, si Bruges n'a pas été la patrie de ces artistes illustres, elle fut pour eux, au XVe siècle, comme une seconde mère. Brœderlain s'y fixe, puis, dès 1425, Jean Van Eyck; le peintre bruxellois, Henri Bellechose, y travaille à son tour; mais c'est Memling qui, plus que tous ses confrères, y fe­ra rayonner l'immortelle beauté. Né aux environs de 1430, fixé à Bruges vers 1470, il s'y marie; puis il y compose ses principaux chefs-d'œuvre, et il y crée une école admirable dont les ateliers de Gand, de Louvain et de Bru­xelles n'offrent l'équivalent, ni comme nombre, ni comme qualité».

L'école hollandaise, les écoles rhénanes, italiennes et espagnoles fu­rent vivifiées par le rayonnement de l'école brugeoise.

Aussi bien est-il naturel que ces œuvres, réunies, au prix de tant d'ef­forts, par les organisateurs de l'exposition des primitifs flamands, soient exposées dans cette ville qui, pour nombre d'entre elles, est leur cité d'origine, et, pour la plupart, leur patrie esthétique.

Bruxelles, Louvain, Gand, Anvers, qui eurent respectivement comme chef d'école Roger Van der Weyden, Thierry Bouts, Hubert Van Eyck, Quentin Matsys furent, vers la même époque, des centres artistiques im­portants; mais, l'école brugeoise brilla manifestement d'un éclat supé­rieur et cet éclat elle le projeta au loin.

L'impression générale du Salon des Primitifs est excellente: il est atta­chant et d'une reposante intimité.

Ce qui frappe, c'est non seulement la naïveté, la fraîcheur de senti­ment qui se dégagent de toutes ces productions, mais encore l'admirable conservation, le brillant coloris de la plupart de ces œuvres, qui ont cinq, six siècles d'existence.

Nous ne pouvons pas évidemment passer ici tout le salon en revue. Ce que nous y avons cherché surtout, c'est le témoignage de cet art, si péné­tré de l'esprit et des traditions de l'Eglise, en faveur de la royauté du Christ, de la royauté de l'Agneau divin et de la foi implicite de nos pères dans la médiation du Cœur de Jésus comme source et canal de toutes les grâces.

Les Primitifs flamands comme ceux d'Italie, descendent naturelle­ment et chronologiquement des tailleurs d'ymaiges et des enlumineurs, qui coloraient les figures sculptées et illustraient les livres précieux du haut moyen-âge; ils en conservent la foi et les traditions.

Malheureusement, il manque à cette exposition l'œuvre qui devait en occuper la place d'honneur, le triptyque du Règne de l'Agneau, par les frè­res Van Eyck. La cathédrale de Gand qui en possède la partie principale n'a pas voulu s'en dessaisir.

Le Règne de l'Agneau, c'est toute l'épopée chrétienne, dont le Cœur du Christ est le centre et le nœud. Tout l'ancien Testament attendait et fi­gurait l'Agneau divin qui devait nous racheter par le sang de son Cœur; tout le nouveau Testament est l'application des grâces sorties de ce divin Cœur.

C'est ce qu'exprime cette œuvre capitale de l'art chrétien.

Les volets fermés représentent la préparation de la rédemption, les prophètes et les sibylles qui ont annoncé la venue du Sauveur, et au mi­lieu l'ange Gabriel saluant la Vierge.

Les volets étant ouverts, apparaît l'accomplissement de la rédemp­tion, figurée d'une manière symbolique par l'adoration de l'Agneau im­molé et la fontaine de vie. Les cieux se sont ouverts; Dieu le Père, sous les traits d'un homme plus grand que nature et vêtu de splendides habits pontificaux, bénit l'assemblée; à sa droite est assise la Vierge, vêtue de la robe bleue traditionnelle, ses cheveux blonds pris sous un diadème et flottant sur ses épaules, tandis qu'elle lit dans le livre de la Vérité; à gau­che, saint Jean-Baptiste, la barbe et les cheveux longs, l'air sévère, mais aux formes magnifiques et portant un manteau vert sur son vêtement de poils de chameau. Des deux côtés est représentée la joie du ciel figurée par sainte Cécile faisant de la musique et des chœurs d'anges où l'on peut reconnaître, les dessus, les ténors et les basses. Les figures aux an­gles, Adam et Eve après leur chute, ainsi que Caïn et Abel (dans le haut, en camaïeu), nous rappellent que la rédemption a été rendue nécessaire par le péché.

Enfin les compositions du bas nous montrent comment le sacrifice de l'Agneau s'accomplit sous les yeux de Dieu pour le salut du monde, en présence des armées célestes. L'agneau mystique est sur l'autel, où il ré­pand son sang, le sang de son cœur. Tous les élus assistent à ce sacrifice rédempteur. Autour de l'autel se tiennent les anges, les saints et les mar­tyrs; puis les papes et les évêques, les saintes, les ermites, les pèlerins, les croisés et les héros des premières légendes chrétiennes, s'avançant tous pour adorer l'Agneau, convergeant tous vers la source de vie, à travers des paysages variés, les uns à pied, s'appuyant sur des bâtons, les autres à cheval, en simple tunique ou couverts d'armures.

La fontaine de vie a sa source au pied de l'autel. Le sang sorti du cœur de l'Agneau n'est-il pas la source de toute vie surnaturelle, de tou­te grâce et de toute gloire céleste?

Jean Van Eyck, tout rempli de son sujet, le reproduisit une autre fois, du moins en partie. C'était pour la cathédrale de Palencia en Espagne. L'original a disparu, mais le musée de Madrid en possède une bonne co­pie. C'est la source de vie. Cette composition est encadrée dans le plan d'un rétable gothique. Dieu le Père est sur son trône et l'Agneau victime à ses pieds sur un autel. A droite la Vierge lit; à gauche saint Jean écrit l'apocalypse. Des anges accompagnent sur leurs instruments le cantique chanté par des chœurs célestes répartis dans les deux tourelles. Une ban­derole indique les paroles du chant: Fons hortorum, puteus aquarum viven­tium, Fontaine des jardins, source de vie. C'est un texte du cantique des cantiques. La source mystique, qui coule de l'autel où est l'agneau ali­mente une belle fontaine ogivale qui roule des hosties. A gauche de la fontaine est représentée la synagogue avec des personnages qui expri­ment l'aveuglement, la défaillance, le mépris ou la colère; à droite, un groupe de fidèles de tous les rangs de la société puise à la source du salut. C'est toujours le symbolisme du Sacré-Cœur.

Mais, à propos de l'exposition de Bruges, je n'ai encore décrit que deux tableaux de Van Eyck qui n'y sont pas. Le règne de l'Agneau est cependant représenté par deux volets où l'on voit Adam et Eve dans une attitude plus réaliste qu'édifiante.

Hans Memling égale ou surpasse même Jean Van Eyck. Ce sont les coryphées de l'école flamande primitive.

Parmi les Memling de l'exposition, je m'arrête particulièrement de­vant le tableau de la Royauté du Christ. C'est un triptyque du musée d'An­vers. Au milieu du panneau central, le Christ est assis revêtu d'une cha­pe retenue sur la poitrine par une large agrafe. Il porte une couronne im­périale, dont les fanons retombent sur les épaules. La main gauche repo­se sur un globe surmonté d'une croix. C'est bien le roi du monde. Sur les côtés et sur les volets, des anges chantent les louanges du roi et jouent de gracieux instruments: flûte, trompette, monocorde, luth et psalté­rion, harpe, vielle et orguette. Avec eux saluons notre roi.

Deux tableaux sans nom d'auteur, prêtés par l'église Saint-Sauveur de Bruges offrent encore un grand intérêt au point de vue du Sacré­Cœur.

L'un représente le Christ en croix, avec sainte Catherine et sainte Barbe. La sainte Vierge est au pied de la croix avec saint Jean, les sain­tes femmes, le centurion et quelques autres personnages. - Trois anges, comme on le voit souvent au moyen-âge, recueillent dans des calices le sang qui jaillit du cœur et des plaies du Sauveur.

L'autre représente encore le Christ en croix entouré d'anges, avec la sainte Vierge et le donateur. Mais ici le sang qui jaillit des cinq plaies du Sauveur se projette en entier sur la sainte Vierge, pour signifier, qu'elle en est la trésorière et la dispensatrice. C'est le mystère de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Les inscriptions marquées sur les banderoles des anges confirment cette interprétation. Celle-ci par exemple: O superexcelsa del­tas, o fons pietatis, propitiare tuis, Matris amore tuae, O divinité suprême, ô source de miséricorde, ayez pitié de vos enfants, pour l'amour de votre Mère.

Plusieurs Vierges, enfin, portent à la main le fruit de vie ou une grap­pe de raisin, symboles gracieux du Sacré-Cœur, d'où est sorti le vrai fruit de vie, l'eucharistie et le vin de la rédemption.

Telle est la vierge de Gérard David, prêtée par le musée de Rouen. C'est une des perles de l'exposition. La Vierge est entourée d'anges et de plusieurs saintes avec leurs attributs caractéristiques. Elle est assise sur un trône recouvert d'une draperie qui se prolonge sous ses pieds. El­le soutient de la main gauche l'enfant Jésus assis sur ses genoux, vêtu d'une tunique blanche. Il prend des deux mains une grappe de raisin que lui présente sa Mère. Le Sauveur foulera ce raisin symbole de son Cœur et de tout son corps pour en faire jaillir le sang de la rédemption: Torcular calcavi solus (Is. 63).

Une belle vierge de Quentin Metsys, prêtée par le baron Oppenheim de Cologne, a la même attitude. Elle présente aussi au divin enfant une grappe symbolique.

Sur les sculptures chrétiennes des premiers siècles, comme on le voit au musée de Latran, le Christ ou la Vierge Mère étaient souvent repré­sentés entre un arbre et une fontaine, symboles de l'arbre de vie et de la source-mère du paradis terrestre, symbole aussi du véritable arbre de vie, de son fruit, et de la source vivifiante du nouveau Testament, Jésus, son Cœur, sa grâce et son sang.

La même pensée guida sans doute les pieux artistes du moyen-âge, quand ils représentaient la Vierge Mère auprès d'un arbre et d'une fontaine, comme fit le sympathique peintre de Maubeuge, Jean Gossart, dans le beau tableau prêté par le musée de Glasgow.

je veux signaler encore une représentation de la messe grégorienne par un inconnu. Le Christ apparaît sur l'autel montrant ses plaies au pape agenouillé. Le sang jaillit du cœur de Jésus dans le calice, pour montrer que l'indulgence des messes grégoriennes est un don du Cœur de Jésus.

Outre son exposition de peintures, la ville de Bruges a eu l'heureuse pensée de réunir à son vieil hôtel Gruthuse de vieilles choses artistiques du temps passé, des coffrets, des statuettes, des châsses, des livre d'heu­res, un vrai musée de Cluny. Et là aussi j'ai trouvé les mêmes symboles de la royauté du Christ et de son Cœur, notamment dans les délicieuses miniatures françaises du livre d'heures de Charles V, où Jean Van Eyck a pris l'inspiration de ses personnages de l'Agneau mystique.

Christus heri et hodie et in saecula (Heb. 13). Le Christ était hier, il est au­jourd'hui et il sera toujours. Et toujours il sera le rédempteur, l'arbre et la source de vie par le sang de son divin Cœur.

CHRONIQUE (Décembre 1902)

I. ROME

Il faut éclairer l'opinion. - Qui a dit ces mots? c'est le Pape. Dans sa lettre au cardinal Richard touchant les Congrégations, il disait: «L'œuvre qui s'impose aux évêques français, c'est de travailler dans une parfaite harmonie de vues et d'action à éclairer les esprits pour sauver les droits et les intérêts des congrégations religieuses que nous aimons de tout notre cœur paternel et dont l'existence, la liberté, la prospérité im­portent à l'Eglise catholique, à la France et à l'humanité».

C'était là un devoir, une œuvre qui s'imposait à tout l'épiscopat fran­çais. Les évêques devaient agir pour éclairer l'opinion. Ils devaient le faire en commun, dans une parfaite harmonie de vues.

Quelques-uns ont pris l'initiative de cette action. Ils ont préparé la pé­tition destinée à éclairer les esprits. Ils ont demandé les signatures de leurs collègues, et le grand acte a été accompli.

Le Pape n'agit pas, disent les esprits grincheux. Il a fait plus que d'agir, il a déterminé à l'action tout l'épiscopat de France, et les persécu­teurs en ont été profondément troublés.

C'est bien ce document papal qui a inspiré nos évêques. Il retentit encore à leurs oreilles. Mgr l'évêque d'Orléans poursuit son acte d'obéissance par le Mémoire public qu'il a adressé au Conseil d'Etat, et il donne pour exer­gue à ce Mémoire les mots du Pape: «Il faut éclairer l'opinion».

Eclairer l'opinion, c'est là une action qui n'a pas son effet immédiat. Mais c'est le vrai procédé apostolique: «Allez, enseignez les nations». Saint Paul le disait aux Romains: «Comment les peuples croiront-ils à la vérité, si on ne la leur enseigne pas?».

Aidons nos évêques, propageons leur admirable Pétition. Avec eux, obéissons au Pape. La lumière se fera et après l'orage reviendront les jours paisibles et sereins.

II. FRANCE

La lutte. - C'est le duel décisif entre la société chrétienne et la con­juration impie de tous les ennemis du Christ, francs-maçons, juifs et ma­térialistes.

Cette alliance hybride durera tant qu'il y aura quelque place forte à prendre au catholicisme. Après les couvents et les écoles, ce sera l'ensei­gnement secondaire, puis l'enseignement supérieur, puis le budget des cultes, puis les églises elles-mêmes et la soutane.

Tout le programme de la Convention y passera. Les juifs et les francs­maçons ne demandent pas autre chose. Ils ont italiques les socialistes pour cette besogne.

Mais dans un an ou deux ce beau programme sera rempli, et alors?… Il y aura en bas les exigences des prolétaires socialistes et en haut l'âpre compétition de toutes les ambitions; en bas, l'émeute pour la réalisation de l'utopie égalitaire; en haut, l'intrigue, la concussion, la curée de l'or­gueil et de la convoitise.

On reverra tout ce qu'on a vu sous la Convention: l'agitation des Ba­bouvistes, la révolte des Girondins, puis les groupes des jacobins se ren­versant tour à tour du pouvoir, Carnot contre Robespierre, Barras con­tre Fouquier-Tinville et Billaud-Varennes, etc.

Cela finira sans doute par un 18 brumaire, un César et un concordat. L'histoire se recommence sans cesse.

L'Eglise souffrira, mais elle est immortelle. Comme le chêne après l'hiver, elle reprendra ses feuilles et sa fraîcheur.

III. AUTRES PAYS

Les progrès de la foi dans le Nord de l'Europe. - Au dernier con­grès des Jurisconsultes catholiques, des rapports intéressants et bien do­cumentés ont été lus sur la situation de l'Eglise catholique dans les pays protestants du Nord de l'Europe.

En Norvège, depuis 1846, époque à laquelle a été fondée la première chapelle catholique à Christiania, le culte catholique s'est progressive­ment développé; une loi de 1898 a autorisé l'existence des communautés religieuses; en ce pays existe également la liberté d'enseignement, il suf­fit d'une simple déclaration pour l'ouverture d'une école; les écoles ca­tholiques ne sont pas subventionnées par le gouvernement, elles puisent leurs ressources dans des dons volontaires.

Le catholicisme ne pénétra pas sans difficulté en Suède, mais il est assez prospère aujourd'hui; l'enseignement y est libre sous l'inspection bienveil­lante du gouvernement. Le droit d'association y est largement ouvert, tou­tefois les congrégations religieuses n'y sont point encore admises.

Depuis 1850, la religion catholique s'est largement étendue en Dane­mark, on y trouve la liberté d'association et la liberté d'enseignement aussi bien secondaire que primaire; deux collèges de jésuites y prospè­rent; l'Etat ne subventionne pas les écoles libres, elles vivent des dons particuliers et des subsides de la Propagation de la foi.

La Hollande a été érigée en. 1853 en province ecclésiastique. Le culte s'y exerce librement et, pendant que dans les pays latins la religion est persécutée, on voit dans ces pays dissidents se développer sur les voies publiques la pompe des cérémonies religieuses. Le catholicisme gagne un peu de terrain en Hollande, surtout par la fécondité des familles.

La liberté religieuse s'est développée par étapes en Angleterre. Au­jourd'hui les catholiques y sont honorés, beaucoup y remplissent des charges publiques.

La liberté d'association y est absolue, les Congrégations religieuses y jouissent d'une entière liberté. Le Bill sur l'éducation va prochainement y confirmer la liberté d'enseignement.

Jusqu'aujourd'hui, il y a en Angleterre des écoles publiques qui sont neutres et des écoles privées qui sont subventionnées par l'Etat. C'était déjà supérieur à ce que nous avons en France.

Le ministère Balfour propose de supprimer la distinction actuelle des écoles; l'Etat et les communes construiront, et subventionneront indi­stinctement et également toutes les écoles, quelles qu'elles soient, aussi­tôt qu'un groupe de chefs de familles déterminé en fera la demande.

C'est ce groupe, dont la loi prévoit la constitution et les attributions, qui choisira et règlera lui-même le caractère confessionnel de l'école.

Ce bill va passer avec une forte majorité.

Il a pour lui toute la force d'opinion de l'Eglise établie et des sectes conformistes. Il s'adapte mieux aussi que l'ancienne loi aux droits et aux intérêts des catholiques. On conçoit quels avantages ils retireront de ce bill; obligés jusqu'ici d'entretenir leurs propres établissements scolaires, ils seront désormais déchargés de ce, soin par l'Etat et les communes, sans rien sacrifier des prescriptions de leurs consciences.

C'est même uniquement à cause du profit que vont retirer les catholi­ques de la loi Balfour, que les non conformistes, méthodistes, wesleyens, etc., mènent campagne contre son adoption. La plupart de ces sectes sont en effet le plus souvent assez nombreuses pour réunir le nombre de chefs de famille requis par la loi. Donc elles n'en souffriront pas elles­mêmes; mais elles s'affectent à la pensée que les catholiques en profite­ront surtout.

Leur campagne n'a point de chance de succès, même si, outre les pas­sions confessionnelles, on suppute la force des manœuvres politiques et les intérêts des partis.

En supposant que tous les Irlandais votent avec le parti radical, le mi­nistère Balfour aurait encore une majorité de 150 voix.

«Or, cette supposition même ne tient pas debout, disait un membre du Parlement, sir Esmonde: le devoir des catholiques est clair, et les combinaisons, intérêts et alliances politiques passeront après».

Sans doute, l'accomplissement du devoir ne laissera pas de leur coû­ter: il s'agira pour les Irlandais de donner l'appui de leurs votes à un parti qui n'a rien cédé de son intransigeance tyrannique devant les re­vendications les plus légitimes de l'Irlande.

Il y a même, dans cette situation, une occasion dont un parti politique habile pourrait se servir pour se fortifier au pouvoir: les conservateurs anglais devraient profiter du vote auquel la conscience va obliger les dé­putés catholiques de l'Irlande pour opérer un virement de bord de leur côté et rendre quelques «justices» de plus au peuple irlandais: l'opposi­tion radicale en serait affaiblie profondément et pour longtemps.

L'une de ces concessions serait en première ligne l'Université catholi­que de Dublin.

Les catholiques irlandais vont probablement conquérir ce droit que les catholiques français sont exposés à perdre.


1)
Nous félicitons la «Vérité» de prêter son concours actuellement à la campagne de «l’Action libérale».
2)
Fonsegrive: Préface.
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  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
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