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Mois de Mars
Mois de la passion et de saint Joseph

Deux méditations pour la retraite du mois

I. Vie de sacrifice:

Le Carême

Christus dilexit nos et tradidit semetip­sum pro nobis oblationem et hostiam Deo in odorem suavitatis (Ad Eph., 5, 2).

Le Christ nous a aimés et il s'est livré pour nous à son Père comme victime et ho­stie en odeur de suavité (Aux Eph., 5, 2).

1er Prélude. Je verrai Jésus comme une victime innocente, comme un agneau immolé sur l'autel pour le salut des hommes.

2e Prélude. O Jésus, donnez-moi la grâce de comprendre votre vie de sacrifice, de la goûter et de m'y unir.

Ier POINT: Jésus, agneau immolé pendant sa vie mortelle. - Jésus est entré dans la vie comme victime. Il s'est offert à son Père dès son entrée en ce monde. Ce fut le premier cri de son cœur: «Mon Père, a-t-il dit, puisque vous ne voulez plus des victimes et des holocaustes de l'Ancienne Loi, me voici (pour les remplacer), je m'abandonne à votre volonté» (Aux Héb., 10).

Jésus était un holocauste vivant, une hostie parfaite d'adoration, de réparation, d'actions de grâces et d'amour. Il se consumait dans ces dispositions et faisait tout dans ces intentions saintes et pures. Il était le médiateur d'adoration et d'amour entre les créatures et son Père.

Il était surtout le médiateur de justice, la victime de réparation. Dieu avait mis sur ses épaules et sur son Cœur le poids de toutes nos iniquités (Isaïe, 53).

Il était victime dans l'anéantissement de son Incarnation; victime dans la pauvreté, dans l'obéissance, dans le travail; victime surtout dans les persécutions, dans l'agonie de Gethsémani, dans sa passion doulou­reuse et dans sa mort au Calvaire.

Comme symbole de sa vie, il nous a laissé sa croix.

Il a vécu dans le sacrifice, pour moi, pour nous, pour mes péchés, pour mes frères. Comment ne l'aimerais- Je pas! Comment ne m'unirais­je pas à son holocauste, à son sacrifice?

IIe POINT: Jésus immolé dans l'Eucharistie et au ciel. - Jésus a voulu de­meurer victime et hostie. C'est pour cela qu'il s'offre sur l'autel et qu'il séjourne dans l'Eucharistie.

Il est victime, là, par une sorte d'anéantissement, par un acte de su­prême humilité. Il est immolé par un glaive mystique. Il s'expose à tous les outrages.

Je le reçois en mon cœur, c'est pour m'unir à son immolation, à sa vie d'hostie.

«Pour nous conformer à l'état d'abandon de Notre-Seigneur au Saint Sacrement, disait Marguerite Marie, il faut nous offrir à son Sacre­Cœur comme une hostie d'immolation, laquelle n'a d'autre désir que de se sacrifier à tous ses desseins. - Que nos sécheresses et nos délaisse­ments intérieurs soient pour honorer les délaissements qu'il a à subir de ses créatures. Nos peines et nos mortifications seront pour réparer les outrages qu'il reçoit dans la sainte Hostie. La faim sera pour honorer celle qu'il a de notre salut et d'être aimé dans cet adorable Sacrement».

Au ciel même, Jésus reste l'Agneau immolé. C'est dans cette attitude que saint Jean l'a vu sur l'autel aux pieds de son Père. Il garde les stig­mates de sa Passion. Sans être sujet à la souffrance, il reste victime en présentant sans cesse à son Père les immolations de sa vie mortelle et cel­les de sa vie eucharistique.

Nous ne ressemblerons à Jésus et nous ne participerons à sa grâce que dans la mesure de notre immolation.

IIIe POINT: Jésus immolé dans ses membres. - Nous sommes baptisés dans la croix. Nous devons mourir avec Jésus pour ressusciter avec lui (Aux Rom., 8, 17).

Membres de Jésus-Christ, nous devons avoir le même sort que notre Chef. Lui ressembler, c'est notre gloire.

Il nous a indiqué la voie du salut, il faut la suivre.

«Je vous en supplie, disait saint Paul, faites de vos corps une hostie vi­vante, sainte et agréable à Dieu» (Aux Rom., 12, 1).

La croix, dit l'Imitation, c'est le salut, c'est la vie, c'est la source des douceurs célestes.

Le temps du carême est particulièrement le temps du sacrifice, que ferai- Je pendant ce mois pour m'unir à la divine victime? Quelle péni­tence m'imposerai- Je? Quels sacrifices me demande la grâce divine? N'ai- Je pas des soins excessifs pour mon corps? Dans le sommeil, dans les repas, dans les délassements, n'ai- Je rien à retrancher? «Ceux qui sont à Jésus-Christ, dit saint Paul, ont crucifié leur corps avec ses con­voitises» (Aux Galates, 5, 24). Je dois me proposer quelque pratique de mortification intérieure et extérieure.

Je dois aussi m'abandonner à la volonté divine et accepter les croix que la divine Providence m'enverra.

«Que celui qui veut me suivre (et m'aimer), a dit le bon Maître, se re­nonce à soi-même et prenne sa croix».

Résolution. - Avec Marguerite-Marie, je m'offre au Cœur de Jésus pour être en sa présence un de ces cierges allumés qu'on brûle en son honneur et qui se consument en servant à la gloire de Dieu» (Ses écrits, p. 217).

Colloque avec Jésus crucifié.

II. La mort de saint Joseph

Et descendit cum eis et venit Nazareth: Jésus descendit à Nazareth avec Marie et erat subditus illis (Luc, 2, 51). et Joseph et il leur était soumis (Luc, 2, 51).

ler Prélude. Je me représente saint Joseph mourant entre les bras de Jésus et sous les yeux de Marie. Son dernier regard est un appel à la bonté du cœur de Jésus.

2e Prélude. Je demande la grâce d'une bonne mort, semblable à celle de saint Joseph.

Ier POINT: Saint Joseph, patron de la bonne mort. - Saint Joseph a tou­jours été reconnu comme le modèle et le patron de la bonne mort, parce que, étant mort entre les bras de Jésus et sous les yeux de Marie, il a eu la mort la plus douce et la plus sainte.

Saint Joseph venait de mourir sans doute quand Jésus, à l'âge de tren­te ans, commença sa vie publique. L'Evangile le laisse entendre. Jésus prêche à Nazareth et ses concitoyens disent: «Mais c'est le charpentier, le fils de Joseph et de Marie». Ainsi parlent saint Luc et saint Jean. Mais dans saint Mathieu et saint Marc on lit seulement: «C'est le fils de Ma­rie. - Sa mère et ses frères sont ici; sa mère s'appelle Marie, et ses frè­res, Jacques, Joseph, etc.». Il n'y avait donc plus que Marie qui était là. On avait connu aussi Joseph, son père, mais il n'était plus de ce monde! Joseph était mort entre les bras de Jésus. Il avait reçu de Jésus les soins d'un fils, et de Marie les soins d'une sœur et d'une épouse. Oh! la belle et sainte mort, comme elle est enviable! Joseph répétait ses derniers adieux: «Jésus, Marie! Jésus, Marie!». Et l'Eglise a gardé ces adieux ou ces invocations comme l'idéal des derniers sentiments d'un mourant.

IIe POINT: Les conditions d'une bonne mort réalisées par saint Joseph. Première condition: l'humilité et la prière. - Comme il était humble de­vant Dieu et devant les hommes, notre grand saint! Il disparaît, dans l'Evangile. Il ne se montre nulle part. Il aime la vie cachée, le recueille­ment, la prière. Mais Dieu a promis de relever les humbles et de leur donner ses grâces. - Nous qui craignons que nos péchés nous condui­sent à notre perte, humilions-nous. Allons nous confesser après nos fau­tes, acceptons les humiliations que la Providence nous envoie.

Prions. Récitons le miserere, les psaumes de la pénitence. Faisons le chemin de la croix. Allons prier aux autels de Marie.

Deuxième condition: l'amour de la parole de Dieu et des pieuses lectures. - Saint Joseph lisait sûrement la Sainte Ecriture avec Jésus et Marie. Il allait avec eux à la synagogue et au temple. - Nous qui avons peut-être négligé jusqu'ici bien des pratiques de piété ou qui les avons mal faites, cherchons à entendre des instructions solides et lisons quelques bons li­vres. Saint Augustin et tant d'autres ont trouvé là l'occasion de leur con­version et le principe de leur salut.

Troisième condition: l'amour de Notre-Seigneur. - Saint Joseph était tout enivré de l'amour de Jésus. Il le transporte en Egypte pour le sau­ver. Il le pleure au temple quand il l'a perdu. Il dépense toute sa vie à travailler pour lui. - Nous, nous n'avons pas Jésus visible auprès de nous, mais nous avons l'Eucharistie. Et Jésus, a promis la vie éternelle à ceux qui la reçoivent. Oh! si faibles et imparfaits que nous soyons, allons à Jésus Recevons le après nous être confessés, même si nous n'y trou­vons pas de consolations ou de ferveur sensible. Persévérons dans l'habi­tude de la communion, elle nous sauvera.

IIIe POINT: Suite du même sujet.

Quatrième condition. le souvenir des souffrances de Jésus et la patience dans les peines. - Pour nous, les souffrances de Jésus sont résumées et symbolisées dans le crucifix. Saint Joseph n'était pas au Calvaire, mais il avait vu Jésus dans le dénuement de Bethléem, dans les souffrances de l'exil dans les labeurs de l'atelier, et c'est auprès de lui et avec lui qu'il avait travaillé et souffert. - Contemplons le crucifix, embrassons-le et souffrons patiemment nos peines.

Cinquième condition: la charité pour le prochain. - Bienheureux ceux qui font miséricorde, parce qu'ils recevront miséricorde à leur tour. - Saint Joseph est bon et dévoué. Il s'use dans un travail obscur pour nourrir Jésus et Marie et pour aider les plus pauvres qu'eux. - Faisons quelques œuvres de miséricorde, surtout celles qui nous coûtent.

Sixième condition: le désir et le soin de la pureté de conscience. - Saint Joseph était juste, dit l'Evangile. Il avait été figuré par Joseph, fils de Ja­cob, modèle d'innocence et de pureté. Une sainte mort devait couronner sa sainte vie. - Nous qui tombons trop souvent dans le péché, évitons au moins les péchés prémédités. Désirons de rester purs. Il nous échap­pera des péchés de faiblesse, par une surprise du moment; mais ces fautes-là sont bien plus facilement pardonnées. Le regret les suit immé­diatement.

Septième condition: la dévotion à Marie. Notre bien-aimée corédemptri­ce nous suit jusqu'à la mort. Notre salut est un triomphe pour son Fils. Elle est notre protectrice contre le démon, particulièrement à la mort. Elle est notre avocate au jugement. Elle vient chercher elle-même ses amis, ses dévots serviteurs. Comment n'aurait-elle pas assisté à sa mort et recommandé au Cœur de Jésus le bon saint Joseph, qui lui avait été si dévoué? Prenons-la pour mère et consacrons lui toutes nos actions.

Résolution. - O saint Joseph, c'est vous qui me sauverez. Je vous re­commande ma vie et ma mort. Je suivrai vos traces pour sauver mon âme et au moment de ma mort vous ferez appel pour moi à la miséricor­de du Cœur de Jésus.

Colloque avec saint Joseph mourant.

1er Mars
La dévotion a saint Joseph

Videntes admirati sunt; et dixit mater ejus ad illum: Fili, quid fecisti nobis sic? Ecce pater tuus et ego dolentes quaereba­mus te… et descendit cum eis, et venit Nazareth: et erat subditus illis (S. Luc, 2, 48).

Le voyant, ils l'admirèrent et sa mère lui dit: «Mon Fils pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous? Votre père et moi vous cherchions en pleurant… » et il descendit avec eux à Nazareth, et il leur était sou­mis (S. Luc, 2, 48).

1er Prélude. Saint Joseph est pour Jésus le père aimant, dévoué, soucieux du règne de Marie.

2e Prélude. Grand saint, apprenez-moi à contempler Jésus, à l'admirer, à pleurer quand je le perds, à désirer son règne.

Ier POINT: Saint Joseph est notre modèle. - Saint Joseph est pour nous un modèle et un protecteur. Sa pureté, son innocence, son humilité sont des modèles offerts aux âmes qui aspirent à la piété. Par sa pureté, il a été jugé digne d'être l'époux de Marie. Par son humilité, il a mérité la gloire d'être le père adoptif de Jésus. Par son innocence, il s'est rendu di­gne de l'union et de l'intimité qu'il devait avoir avec Jésus et sa mère à Nazareth.

En méditant ses vertus, les prêtres apprendront avec quel respect plein d'amour on doit en user avec Jésus à l'autel. Les fidèles appren­dront à communier pieusement.

Comme saint Joseph tenait Jésus dans ses bras, le pressait sur son cœur, le prêtre le tient à l'autel dans ses mains. Le prêtre et le fidèle le reçoivent non pas sur leur poitrine, mais dans leur cœur.

Saint Joseph l'habillait, le conduisait, le gardait; apprenons de lui à le traiter avec une pieuse tendresse à l'autel et au banc de communion. La douce et aimante familiarité avec laquelle Joseph vivait auprès de Jésus en Egypte et à Nazareth, est un exemple de l'intimité dans laquelle Notre-Seigneur voudrait vivre avec nous. Joseph conversait avec Jésus amicalement; Jésus était toujours l'objet de sa pensée; au travail, au re­pas, ils étaient unis.

Le souci de Joseph était de contenter Jésus et il savait qu'il le faisait en l'entretenant du règne de son Père et de sa bonté.

Adressons-nous à saint Joseph pour obtenir les grâces précieuses qui nous apprendront à converser avec Jésus enfant.

IIe POINT: Saint Joseph est notre protecteur. - Les privilèges de saint Joseph n'ont pas été amoindris par son entrée au ciel. Plus que jamais il a cet empire plein de douceur et d'humilité que Notre-Seigneur lui a don­né d'exercer sur lui pendant sa vie mortelle. Il est donc bien puissant pour nous protéger et pour nous obtenir les grandes grâces nécessaires pour notre vocation d'âmes vouées au Sacré-Cœur.

Que l'on songe à l'amour de saint Joseph pour Jésus et l'on compren­dra que son cœur aspire après le moment où Jésus sera aimé comme il veut l'être. Ses vœux s'unissent à ceux de Marie pour la prompte réali­sation de ce désir du Sacré-Cœur.

Il est le patron et le modèle de cette vie intérieure que le Sacré-Cœur demande. Comme Dieu le Père l'avait institué le maître et le protecteur de ce qu'il avait de plus cher sur la terre; de même, Notre-Seigneur l'in­stitue le protecteur bienveillant de ses prêtres, des âmes vouées à son Cœur, des amis avec lesquels il veut vivre dans l'intimité.

Allons donc à lui, invoquons-le avec persévérance. Jésus ne peut rési­ster aux instances si humbles et si douces de celui qui lui a prodigué tant d'amour et qui a si généreusement voué sa vie à la protection de son en­fance et à celle de sa Mère. Il demande si bien et il a tant de titres aux fa­veurs de Jésus! Ses prières sont comme des ordres. Il est tout puissant sur le Cœur de Jésus.

Il a aussi un grand crédit auprès de Dieu le Père et du Saint-Esprit. L'Esprit-Saint aime le chaste gardien de son Epouse immaculée. Dieu le Père aime tendrement le nourricier de son Fils. Jésus aime en lui tout à la fois son protecteur et celui de sa Mère. Il lui a donné sans retour le nom de Père, et n'est-il pas le plus aimant, le plus reconnaissant, le plus généreux des fils?

Marie est la plus fidèle, la plus aimante des épouses; aussi elle s'unit aux prières de saint Joseph, elle désire les voir exaucées. En accordant à saint Joseph ce qu'il demande, Jésus réjouit également sa Mère. C'est encore pour lui un motif déterminant pour exaucer les prières de saint Joseph. Nous n'avons pas après Marie d'intercesseur plus puissant.

IIIe POINT: Saint Joseph est le protecteur spécial des enfants et de leurs éduca­teurs. - Les prêtres ou les autres personnes vouées à l'éducation de l'en­fance ont un motif de plus pour être dévoués à saint Joseph. Saint Joseph est le protecteur spécial des enfants que l'on veut élever dans la piété. Comme ces enfants sont chers à Notre-Seigneur et deviennent ses petits frères préférés, saint Joseph les adopte et prend un soin extrême de leur éducation. Les maîtres doivent donc être unis à saint Joseph. Ils doivent apprendre de lui à aimer Jésus enfant. Leur but est de former Jésus en­fant dans le cœur des enfants; comment y arriveront-ils, s'ils ne médi­tent pas chaque jour sur les mystères de Nazareth, s'ils ne demandent pas à saint Joseph quels étaient ses soins pour Jésus?

C'est à saint Joseph, après Marie, qu'ils doivent demander la grâce de comprendre et de goûter l'enfance de Jésus, pour en faire régner les ver­tus dans le cœur de leurs enfants.

Saint Joseph est donc un protecteur tout spécial pour les maisons vouées à l'éducation chrétienne des enfants. Mais les familles chrétien­nes doivent aussi se guider sur l'idéal de Nazareth et recourir à la protec­tion de saint Joseph pour l'éducation chrétienne des enfants.

Allez à Joseph et faites tout ce qu'il vous dira, disait Pharaon à son peuple. C'est à juste titre que l'Eglise voit là une figure et un symbole de la puissance et de la protection de notre saint Joseph, époux de Marie et Père nourricier de Jésus.

Résolution. - Saint Joseph, ami tout spécial du Cœur de Jésus, aidez­moi, priez pour moi. Je veux m'unir à vous particulièrement chaque matin, pour suivre la trace de vos vertus et spécialement de votre pureté, de votre innocence, de votre humilité. Protégez les enfants que nous éle­vons; aidez-nous à former en eux Jésus enfant.

Colloque avec saint Joseph.

2 Mars
Sur les douleurs du cœur de Jésus
dans sa passion

Unus autem de his qui pendebant, la­tronibus, blasphemabat eum dicens: Si tu es Christus, salvum fac teipsum et nos. Respondens autem alter increpabat eum dicens: Neque tu times Deum, quod in eadem damnatione es? Et nos quidem ju­ste, nam digna factis recipimus: hic vero nihil mali gessit (S. Luc, 23, 39).

Or l'un des voleurs qui étaient crucifiés blasphémait en disant: Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même et nous aussi. Mais l'autre, le reprenant lui disait: N'as-tu pas de crainte de Dieu, toi qui es aussi condamné? Et nous, c'est avec justice et pour expier nos crimes: mais celui-ci n'a fait aucun mal (S. Luc, 23, 39).

1er Prélude. Si la vue des souffrances physiques de Jésus excite une vive compassion, quelle impression poignante ne doit pas produire le sentiment des douleurs de son Cœur!

2e Prélude. Donnez-moi Seigneur, une tendre compassion pour vos souffrances.

Ier POINT: Jésus nous a révélé les souffrances mystiques de son Cœur. - Nous consacrons ce mois de mars à la méditation des souffrances de Notre-Seigneur. C'est la meilleure préparation à la résurrection spiri­tuelle des grands jours de Pâques.

La méditation des souffrances de Notre-Seigneur dans sa Passion ex­cite dans les âmes aimantes une tendre compassion. La vue de son corps meurtri, de son visage empreint d'une douleur indicible étreint leur cœur, et elles ne peuvent retenir leurs larmes. Notre-Seigneur est très sensible à ces affectueux élans du cœur; ils le touchent profondément, et il rend en échange des grâces d'amour.

Mais si la vue des souffrances de son corps excite à ce point la compas­sion des âmes tendres, quelle impression poignante ne doit pas produire en elles le sentiment des douleurs de son Cœur? Si intenses qu'aient été les souffrances de son corps déchiré et défiguré, elles sont peu de chose auprès des peines de son Cœur.

Ces peines sont indicibles, un cœur humain ne pourrait y participer sans en mourir. Ces douleurs du Cœur de Jésus n'ont pas cessé, quoiqu'il soit inaccessible aux souffrances physiques. Elles continuent d'une manière mystérieuse et que l'homme ne peut pas comprendre. C'est pour ces douleurs qu'il désire une consolation. Les bourreaux du Calvaire ne l'ont crucifié qu'une fois, ils ont épuisé leur rage. D'autres bourreaux, plus cruels que ceux-là, parce qu'ils connaissent Notre­-Seigneur et qu'il les a traités en amis, s'acharnent à torturer son cœur.

IIe POINT: Sa douleur est accrue par notre ingratitude. - Pendant que son corps était cloué à la croix, il voyait l'inutilité de son sacrifice pour un grand nombre d'âmes, et cette vue causait à son Cœur des angoisses inexprimables. Il voyait que cette folie d'amour, dont il donnait des preuves si éclatantes, serait incomprise. Il voyait l'abus sacrilège que tant d'âmes devaient faire de son sang si généreusement versé pour elles. Mais ce qui le peinait le plus, l'angoisse qui rendait son agonie si dou­loureuse et si poignante, c'était la vue d'âmes consacrées, à qui il réser­vait tant de privilèges d'amour et qui devaient se servir de ces privilèges eux-mêmes pour renouveler les tortures de son Cœur. Il voyait de ces âmes, préposées par lui à la garde de ses brebis, enrichies par lui des plus insignes faveurs, retourner contre lui tout ce qu'il a fait pour elles.

Et cependant que leur a-t-il fait pour exciter à ce point leur acharne­ment contre lui?

En quoi les a-t-il contristées? Popule meus, quid feci tibi, aut in quo contri­stavi te? Il n'a eu pour elles que des préférences, des attentions délicates; il les a choisies, séparées du commun pour leur faire porter des fruits de grâces. Il s'est donné à elles tout entier.

Si ce sont des prêtres, il leur a donné le pouvoir de le reproduire sur l'autel, de tenir dans leurs mains sa chair sacrée, il les a faits distribu­teurs des grâces achetées au prix de son sang. En échange de cette mis­sion de choix, il a hâte de leur distribuer les trésors d'affection de son Cœur.

Le Cœur de Jésus déborde d'amour, il veut à tout prix épancher cet amour dans des cœurs bien préparés. Quelle cruelle déception il éprou­ve souvent! Les ingrats d'aujourd'hui peuvent-ils, comme les bourreaux du calvaire, bénéficier de cette excuse qu'ils ne savent pas ce qu'ils font? Leurs coups au contraire sont d'autant plus cruels pour le cœur de Jésus qu'ils lui viennent de ceux en qui il avait le droit de prétendre trouver des amis.

IIIe POINT: Jésus éprouve aujourd'hui une tristesse mystique dont nous devons tenir compte. - Les souffrances du cœur, Jésus les a endurées pendant sa douloureuse passion et c'est là ce qui la lui a rendue si amère. Le mépris de l'amour de son Père et du sien, voilà ce qu'il ne peut supporter. C'est en vain que quelques-uns croient s'excuser du reproche de lui torturer le Cœur par cette pensée que sa passion étant accomplie depuis dix-neuf siècles, il est maintenant impassible dans la gloire. Il n'est pas une statue inerte, une matière dépourvue de sensibilité. Il n'a plus de souffrances physiques, mais il voit, il sent, il aime. Ses impressions sont telles qu'el­les le feraient souffrir s'il pouvait encore éprouver des souffrances physi­ques, cela doit nous suffire.

Non seulement les pauvres ingrats perdent leur âme, parce qu'ils transgressent la loi divine, parce qu'ils foulent aux pieds le sang divin, mais ils irritent Dieu le Père, qui est un Dieu jaloux, qui punit les con­tempteurs de l'amour de son fils et du sien, les profanateurs des dons de l'Esprit Saint: Deus ultionum - Deus non irridetur. Ils irritent et font souf­frir le cœur de Jésus, parce que rien ne fait souffrir un cœur aimant comme de recueillir l'outrage là où il a semé l'amour et l'amour plein de prévenances et de délicatesses.

Notre-Seigneur l'a dit à Marguerite-Marie, c'est pour cela surtout qu'il demande réparation. Il demande qu'on le dédommage par un surcroît d'amour. Il ne peut plus retenir sa colère, si on n'aide pas ces âmes à se convertir en expiant et réparant pour elles.

Résolutions. - Seigneur, je vous offre les résolutions de Marguerite-Marie: je veux vous aimer et réparer pour ces âmes. Hélas! je suis moi-même coupable, au moins de tiédeur. Pardonnez-moi. Je veux être dé­sormais fidèle à tous mes devoirs et les remplir par amour pour vous, pour consoler votre divin Cœur.

Colloque avec le Cœur souffrant de Jésus.

2 Mars
La lance et les clous

Dixerunt ergo ei alii discipuli: Vidimus Dominum. Ille autem dixit eis: Nisi vide­ro in manibus ejus fixuram clavorum et mittam digitum meum in locum clavo­rum, et mittam manum meam in latus ejus non credam (S. Jean, 20, 25).

Les autres disciples dirent: Nous avons vu le Seigneur. Thomas leur dit: Si je ne vois dans ses mains la trace des clous et si je ne mets pas mon doigt dans la plaie de ses clous et ma main dans son côté, je ne croirai pas (S. Jean, 20, 25).

1er Prélude. Vos plaies, ô Jésus, sont la grande leçon de la pénitence et de l'amour. Je les baise avec piété et reconnaissance.

2e Prélude. Formez en mon cœur, ô Jésus, des sentiments durables d'amour et de ré­paration.

Ier POINT: Jésus cloué à la croix. - Considérons la croix étendue par terre au Calvaire. Les soldats y couchent violemment le Sauveur. Jésus se livre à eux, silencieux et doux, les yeux fixés au ciel, mais en son Cœur, c'est à son Père qu'il s'abandonne, à sa majesté, à sa justice, à son amour; c'est aussi à nous qu'il donne le mérite de ce cruel crucifie­ment.

Les bourreaux prennent sa main droite d'abord, celle qui a béni tant d'infortunés et opéré tant de miracles. Ils la fixent au bras de la croix par un long clou de fer. Les chairs se déchirent, les muscles et les nerfs se rompent, les veines s'ouvrent.

Puis c'est le tour de la main gauche, violemment tirée et clouée à son tour. Les pieds paraissent avoir été réunis par une même blessure. quelle douleur, quand ces clous s'enfoncent à travers les mains et les pieds, bri­sant les os et déchirant les nerfs les plus sensibles!

Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il voulu tout cela? C'est que nos mains avaient commis tant de crimes; c'est que nos pieds avaient servi à tant de démarches coupables.

Ces clous ont été les instruments de la réparation. Ils sont devenus vé­nérables comme la croix. Les saints auraient voulu prendre ces clous pour en délivrer Jésus. Saint Paul disait: Je porte les stigmates du Christ en mon corps. Saint François eut la grâce de partager la douleur des stig­mates de Jésus.

Indigne d'une telle faveur, je me contente d'embrasser les clous de mon crucifix et d'accepter généreusement les petites souffrances que la Providence m'enverra.

IIe POINT: Jésus suspendu sur ces clous. - Pendant trois heures, le cru­cifié ne sera maintenu sur la croix que par ses quatre plaies, qui porte­ront le poids de son corps. N'est-ce pas là une agonie intolérable et supé­rieure aux forces humaines?

Ce sont ces clous qui nous le présentent maintenant, et combien il est digne d'amour et de compassion. Il avait dit: «Lorsque je serai élevé en­tre le ciel et la terre, j'attirerai tout à moi» (S. Jean, 12, 32). C'est sur ces clous qu'il est maintenant élevé et suspendu, et il attire tout à lui par la pitié et par l'amour.

Il souffre beaucoup physiquement. S'il s'appuie sur ses pieds pour soulager ses mains, la douleur de ses pieds se multiplie. S'il fait porter son poids par les clous de ses mains, ce sont ses mains qui se déchirent davantage, et cela dure trois heures!

Il souffre beaucoup plus moralement, car il pense à tous les forfaits de nos actes et de nos démarches, dont il a accepté la responsabilité devant son Père et qu'il doit expier par le moyen de ces horribles clous. Comme il a aimé la croix, il en arrive à aimer ces clous qui le déchirent, mais qui en le déchirant nous purifient et nous sauvent. Et voilà pourquoi l'Eglise honore ces clous et leur fait fête, c'est parce que Notre-Seigneur les a ai­més, comme il aimait sa croix; c'est parce qu'ils sont, comme la croix, les instruments de notre salut.

Nous rencontrons bien des clous, nous aussi, dans la vie; ce sont les peines, les fatigues, les contradictions, les travaux quotidiens. Nous en pouvons faire aussi des instruments de réparation et de salut pour nous et pour les âmes.

Quand saurons-nous accepter et même goûter les clous de chaque jour pour l'amour de Notre-Seigneur et pour le salut des âmes?

IIIe POINT: La lance. - «Un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance». Tout est mystère dans la vie et dans la mort de Jésus. Son Cœur a souffert pendant toute sa vie et spécialement dans son agonie, pour ex­pier tous les péchés de notre cœur, toutes nos affections mauvaises, tous nos désirs mauvais. quand son cœur est ouvert, il ne souffre plus physi­quement, cependant c'est encore un outrage qui lui est fait pour complé­ter l'expiation. Mais le secret de cette blessure, c'est l'ouverture mysté­rieuse de la poitrine et du cœur de Jésus; l'ouverture de la poitrine qui met son Cœur à jour, l'ouverture de ce Cœur, qui symbolise l'effusion de l'amour.

C'est désormais un Cœur ouvert pour répandre son amour et ses bienfaits. C'est le prélude lointain de la dévotion au Sacré-Cœur. Oh! comme cette lance cruelle a un aspect aimable! Elle nous a ouvert le Cœur de Jésus. Jésus a aimé la lance, comme il a aimé et béni la croix et les clous.

J'envie le sort de cette lance qui a pénétré le Cœur de Jésus. Je veux le sonder moi, non pas comme l'apôtre Thomas avec un sentiment de dou­te et de curiosité; je veux le sonder dans une contemplation aimante; j'en veux scruter les abîmes, les dispositions d'humilité, de douceur, d'amour, de sacrifice.

Toute ma vie n'y suffira pas. Eternellement je sonderai ce Cœur ou­vert par la lance et je trouverai toujours dans ses abîmes de nouveaux motifs de le louer et de l'aimer.

Résolutions. - Je baise les clous et la lance, et je pénètre dans ces bles­sures bénies qui sont autant de sources de grâce et de charité. Je veux boire à ces sources l'esprit d'amour et de réparation, et dès aujourd'hui je veux offrir toutes mes actions dans cet esprit, mieux que je ne l'ai fait jusqu'ici.

Colloque avec Jésus cloué à la croix.

3 Mars
Deuxième méditation
sur les douleurs du Cœur de Jésus

Si inimicus meus maledixisset mihi, su­stinuissem utique; tu vero, homo unani­mis, dux meus et notus meus; qui simul mecum dulces capiebas cibos: in domo Dei ambulavimus cum consensu (Ps., 54, 13).

Si un ennemi m'avait maudit, je l'au­rais supporté facilement; mais toi, un ami, un lieutenant et un compagnon, qui partageais mes repas de fête: nous vivions d'accord dans la maison de Dieu (Ps., 54, 13).

1er Prélude. Les offenses des amis causent bien plus de peine que celles des étrangers.

2e Prélude. Seigneur, si je dois vous aider à étendre le règne de votre Cœur, venez d'abord régner sans partage dans mon cœur.

Ier POINT: Les fautes des âmes privilégiées sont plus sensibles au Cœur de Jésus que celles des âmes communes. - Les péchés des gens qui ne connaissent pas Notre-Seigneur ou qui le connaissent peu sont loin d'appeler la colè­re de son Père et la sienne comme ceux des malheureux qui ont abusé des grâces de choix. Cependant, malgré l'offense faite à son Père, mal­gré le mépris qui l'atteint au Cœur, il les aime ces malheureux, il vou­drait les sauver. Oui, malgré les tortures qu'ils infligent à son cœur, il voudrait les ramener à lui: Nolo mortem peccatoris sed ut magis convertatur et vivat. Il ne veut pas leur mort, mais qu'ils se convertissent. Pour cela il faut fléchir son Père irrité, il faut apaiser sa justice qui est en lutte avec la miséricorde du Cœur de Jésus.

Des prêtres simplement corrects, des fidèles simplement exacts à leurs devoirs peuvent obtenir pour eux-mêmes les grâces nécessaires et sauver leur âme, mais ils sont impuissants à donner à Notre-Seigneur la com­pensation dont son cœur a soif pour effacer l'ingratitude des autres. Son regard s'arrête sur eux avec satisfaction, mais il ne trouve pas dans leurs œuvres le dédommagement qu'il cherche pour les offenses qui lui sont le plus sensibles.

IIe POINT: Notre-Seigneur attend des consolateurs généreux. - Il voudrait qu'à côté de l'abîme d'amertumes dans lequel certaines ingratitudes plongent son Cœur, des âmes généreuses formassent un troupeau d'élection où son Cœur trouverait une surabondance d'amour. Outre que cet amour consolerait son cœur, il y attacherait des grâces de salut pour les ingrats. Lorsqu'on se donne à lui avec amour, lorsqu'on consa­cre spécialement sa vie à l'aimer, on devient entre ses mains un instru­ment de grâces.

On glorifie son Père, on apaise sa colère, on le console en procurant des joies à son Cœur. On travaille aussi au salut de ses frères, parce qu'on devient un canal par où il se plaît à faire écouler ses grâces. L'Eglise tout entière en profite.

Si les mauvais obstruent le canal par où doivent s'écouler les dons de Notre-Seigneur, ceux qui sont simplement fidèles ne peuvent pas y sup­pléer. Ils font ce qu'il faut pour eux-mêmes, ils ne reçoivent pas la sura­bondance qui serait nécessaire pour suppléer aux autres. C'est pour cela que Notre-Seigneur demande des cœurs qui l'aiment généreusement et qui fassent de son amour le but même de leur vie.

Il veut établir le règne de son amour pour le salut de son peuple. Mais pour que son Cœur règne sur la masse des fidèles, il faut d'abord qu'il règne sur leurs conducteurs, les prêtres, les âmes consacrées, les éduca­teurs, les hommes d'œuvres.

Il demande un groupe d'amis qui le consolent et qui l'ayant placé dans leur cœur le communiquent ensuite aux autres.

IIIe POINT: Les apôtres du Sacré-Cœur. - A qui s'adressera-t-il d'abord, sinon à ses prêtres et à toutes les âmes apostoliques? N'est-il pas juste que, dévoré du besoin d'être aimé, pressé du désir d'être con­solé de tant d'amertumes, il s'adresse d'abord à ceux à qui il a le plus donné? Que ceux de ses apôtres dont le cœur n'est pas desséché com­prennent enfin son appel, qu'ils se rendent compte des douleurs dont l'accablent beaucoup de leurs frères qui dans sa soif lui donnent du vi­naigre: In siti mea potaverunt me aceto.

Que ces cœurs encore sensibles à un sentiment d'affection pour Notre-Seigneur aillent à lui dans leur simplicité, en se donnant tout en­tiers: In simplicitate cordis met obtuli universa. Se donner à Notre-Seigneur comme il s'est donné à son Père pour tous, comme il se donne à tous dans le sacrement de l'autel, telle est la première condition à remplir pour entrer dans la voie d'amour.

L'amour ne peut se développer dans les cœurs égoïstes et froids. La générosité est la condition de l'amour véritable. Rappelons-nous les pa­roles de Notre-Seigneur à Marguerite-Marie. Il lui disait: «Participe aux amertumes de mon Cœur, verse des larmes sur l'insensibilité de ces cœurs que j'avais choisis pour les consacrer à mon amour. Je viens dans le cœur que je t'ai donné, afin que par son ardeur tu répares les injures que j'ai reçues de ces cœurs tièdes et lâches qui me déshonorent. Cette âme que je t'ai donnée, tu l'offriras à Dieu mon Père, pour détourner les peines que ces âmes infidèles ont méritées… Tu feras cela pour mon peuple choisi».

Tenons pour dit à nous-mêmes ce que Notre-Seigneur disait encore à Marguerite-Marie de l'apostolat de son amour:

«Je veux que tu me serves d'instrument pour attirer tous les cœurs à mon amour».

Voilà l'idéal de notre vie: réparer beaucoup, beaucoup, afin que cela suffise pour notre âme et pour d'autres âmes que Notre-Seigneur veut sauver par notre moyen; aimer beaucoup aussi pour que notre amour nous donne prise sur le Cœur de Jésus et pour qu'il inspire notre zèle dans l'apostolat que nous avons à exercer.

Résolution. - Seigneur, à qui vous adressez-vous? à un pécheur dont l'indignité est capable d'empêcher l'accomplissement de vos desseins! Suppléez à tout ce qui me manque; brûlez mon cœur de vos saintes ar­deurs. Je renonce à toutes les affections qui ne sont pas dans l'amour et l'affection de votre Cœur.

Colloque avec le Cœur offensé de Jésus.

4 Mars
Sur la joie dans le sacrifice

Tunc venit ad discipulos suos et dicit il­lis: Dormite jam et requiescite; ecce ap­propinquavit hora, et Filius hominis tra­detur in manus peccatorum. Surgite, ea­mus, ecce appropinquavit qui me tradet (S. Mat., 26, 45).

Alors Jésus vint trouver ses disciples et leur dit: Dormez maintenant et reposez­-vous; voici l'heure qui approche et le fils de l'homme va être livré entre les mains des pécheurs. Levez-vous, allons, celui qui doit me trahir s'approche (S. Mat., 26, 45).

1er Prélude. Jésus se lève et s'avance très généreusement vers le traître, quel exemple de courage dans le sacrifice!

2e Prélude. Votre douce Providence, ô mon bon Maître, ne me demandera jamais de sacrifices au-dessus de mes forces, faites que j'accepte généreusement ceux que vous m'imposez.

Ier POINT: Notre-Seigneur allait avec joie au Calvaire pour la gloire de son Père et le salut de nos âmes. - Notre-Seigneur a voulu passer un moment par les craintes et les troubles de l'agonie, pour souffrir tout ce que nous souf­frons et pour nous enseigner la résignation et l'abandon dans les difficul­tés dont la vie est toujours semée. Il voulait aussi souffrir en toutes ses fa­cultés, afin d'expier les fautes commises par toutes les puissances de no­tre âme et de notre corps.

En ces peines extrêmes, il exprime sa résignation à la volonté de son Père, mais il revient bientôt à sa disposition habituelle de joie dans le sa­crifice: Surgite, eamus. Levez-vous et marchons, disait-il à ses apôtres et il allait au-devant du traître. Il allait au-devant du calice d'amertume qu'il avait désiré boire et du baptême de sang dont il avait hâte d'être baptisé par amour pour son Père et pour nous.

L'ensemble des mystères de sa Passion, c'était notre salut, notre ré­demption. C'était le prélude nécessaire de la Résurrection, de l'ouvertu­re de son Cœur, de la naissance de l'Eglise, de la descente du Saint­-Esprit et de toutes les grâces attendues et préparées depuis l'origine du monde. C'était la victoire sur le démon et sur le péché.

Il avait souvent exprimé son désir de la croix, c'était pour lui une an­goisse d'attendre: Baptismo habeo baptizari et quomodo coarctor usque dum per­ficiatur.

Les prophètes avaient annoncé cette spontanéité de son sacrifice: Il s'est offert parce qu'il l'a voulu (Is., 53). Aussi quand Pierre et les autres voudront arrêter le traître et ses complices, Notre-Seigneur réprimera leur ardeur trop naturelle: Ne boirai- Je pas le calice que mon Père m'a donné? (S. Jean, 18, 11).

IIe POINT: Son amour pour nous lui rendait la croix légère. - Saint Paul nous donne l'amour de Notre-Seigneur pour la croix comme un exemple et un encouragement dans nos épreuves: Notre-Seigneur prit la croix avec joie (proposito sibi gaudio), en méprisant les humiliations (Aux Héb., 12). Il portait la croix en considérant les motifs qui pouvaient l'autoriser à y trouver de la joie. Ces motifs c'était, avec la gloire qui en revenait à son Père, l'avancement de l'œuvre de notre rédemption. Chaque pas qu'il faisait sur le chemin du calvaire, payait une partie de notre dette et brisait un anneau de notre chaîne. Comment ne se serait-il pas réjoui puisqu'il nous aimait? C'est sur la croix seulement qu'il devait avoir fini de payer notre dette. C'est là qu'il devait déchirer et clouer la cédule de nos engagements (Aux Coloss., 2, 14).

A chaque pas qu'il faisait dans ce chemin, les puissances des ténèbres reculaient. Il s'avançait vers la victoire définitive du Calvaire, comment n'aurait-il pas été joyeux et triomphant? «Il s'avance avec confiance, dit saint Paul, triomphant en lui-même, parce qu'il dépouille les principau­tés et les puissances de l'enfer» (Aux Coloss., 2, 15).

Si nous l'aimons, si nous désirons avancer le règne de son Cœur, si nous voulons faire reculer le démon, effacer nos péchés, nous enrichir de grâces et contribuer au salut des âmes, à la délivrance des défunts qui ex­pient, portons généreusement notre croix quotidienne. Notre croix, c'est celle de Notre-Seigneur dont il nous a laissé une petite part, pour que nous puissions lui prouver notre amour et partager sa gloire: «J'accom­plis ce qui manque à la Passion du Christ», dit saint Paul (Aux Coloss., 1, 24).

Réjouissez-vous donc dans le Seigneur, même au temps de l'épreuve et de la souffrance. Car ce sont là de vraies causes d'une véritable et sainte joie. Les sacrifices et les souffrances sont autant de pas qui nous conduisent à notre but, qui nous rendent semblables à Notre-Seigneur et qui nous rapprochent de son Cœur.

IIIe POINT: La joie dans le sacrifice est la caractéristique des âmes vouées au Sacré-Cœur. - Les épreuves sont inévitables, indispensables, elles avan­cent le règne du Sacré-Cœur et préparent avec lui de grandes grâces, de grandes faveurs, comment n'apporteraient-elles pas la joie? Plus on sur­monte d'obstacles, plus on se rapproche du but.

La patience, la générosité, l'amour pour la souffrance et pour le sacrifice sont les vertus qui doivent caractériser les âmes vouées au Sacré­-Cœur.

Persévérons dans la prière, la louange, l'action de grâces envers Dieu, mais surtout dans la paix de Dieu, cette paix qui surpasse toute concep­tion, qui est un fruit de la croix, du renoncement à soi-même, de l'abné­gation et du sacrifice; cette paix que le monde ne peut pas donner, qu'il ne connaît pas, précisément parce qu'il ne veut pas connaître et aimer la croix. Par suite, il ne connaît pas non plus la douceur, la paix, la félicité qui est contenue dans la croix et qui en ressort.

En portant joyeusement la croix, nous rassasierons la soif d'amour gé­néreux et dévoué de Notre-Seigneur, nous répondrons aux demandes pressantes qu'il a adressées à Marguerite-Marie; nous suivrons les traces de cette âme privilégiée et des autres saints les plus chers au Sacré-Cœur et nous hâterons l'effusion des grandes grâces que le règne du Sacré-­Cœur doit apporter à l'Eglise.

Résolution. - Seigneur Jésus, je veux m'appliquer à porter désormais ma croix avec joie. Je veux imiter les dispositions de votre Cœur dans toutes les épreuves et les souffrances de la vie: la patience, la générosité, l'amour pour la souffrance et pour le sacrifice.

Colloque avec Jésus souffrant.

4 Mars
Deuxième dimanche de Carême:

La Transfiguration

Assumpsit Petrum et Jacobum et Joan­nem, et ascendit in montera ut oraret. Et facta est, dura oraret, species vultus ejus altera: et vestitus ejus albus et refulgens. Et ecce duo viri loquebantur cum illo. Erant auteur Moyses et Elias (S. Luc, 9, 28).

Il prit Pierre, Jacques et Jean, et monta sur une montagne pour prier. Et pendant qu'il priait, son visage se transfigura. Ses vêtements devinrent blancs et brillants. Deux hommes s'entretenaient avec lui, c'étaient Moïse et Elie (S. Luc, 9, 28).

1er Prélude. O Jésus, vous vous êtes de nouveau offert à votre Père, il vous glorifie et confirme votre mission.

2e Prélude. Seigneur, augmentez ma foi, ma reconnaissance, mon amour pour vous.

Ier POINT: La prière de Jésus. - Jésus prend ses trois préférés, il veut fortifier leur foi, avant de les exposer au scandale de son agonie. Arrivé au sommet du Thabor, il se retire à l'écart pour prier. Quel fut l'objet de sa prière? Sans doute ses épreuves prochaines et sa passion, qui furent aussi l'objet de son entretien avec Moïse et Elie. Il s'offrit de nouveau à son Père comme victime pour le salut des hommes. Il redit son Ecce venio. Et comme son offrande glorifiait son Père, son Père le glorifia à son tour. La gloire de sa transfiguration fut la récompense de son humiliation, de son oblation volontaire; c'est ainsi qu'il avait été glorifié par son Père, lorsqu'il s'humilia sous la main de Jean-Baptiste au jour de son baptê­me.

C'est pendant qu'il priait, que le changement se manifesta dans son extérieur. Son visage resplendit comme le soleil; ses vêtements parurent éclatants de lumière et blancs comme la neige. C'étaient la joie et le bon­heur de son Cœur qui rejaillissaient à l'extérieur. Il exultait de joie par­ce que l'année du sacrifice allait s'ouvrir.

Quelle leçon pour moi! Je n'aurais pas cette gloire merveilleuse, mais j'aurais au moins une joie profonde et la paix surnaturelle qui surpasse tout sentiment, si je priais bien, si je m'offrais généreusement au Cœur de Jésus comme victime d'amour et de réparation.

IIe POINT: La conversation avec Moise et Elie. - Cependant Pierre et ses deux compagnons, fatigués de la route, avaient succombé au sommeil, lorsque, se réveillant tout-à-coup, ils virent Jésus dans sa gloire, entre deux hommes, Moïse et Elie, qui conversaient avec Lui.

Moïse et Elie, représentant la loi et les prophètes, venaient rendre hommage à Jésus-Christ, en qui se réalisaient toutes les figures et toutes les promesses de l'Ancien Testament. Ils venaient reconnaître en lui le Messie qu'ils avaient annoncé et attendu.

Et de quoi s'entretenaient-ils ensemble? Ils parlaient, dit saint Luc, de sa sortie du monde, qui devait s'accomplir à Jérusalem. Ils s'entrete­naient du grand mystère de la rédemption des hommes par le sacrifice de Jésus-Christ. Jésus expliquait à Moïse et à Elie tout le sens des figures de l'ancienne loi: la délivrance de l'Egypte, symbole de la rédemption; l'immolation de l'agneau, figure de la mort de Jésus; le salut des fils d'Israël par le sang de l'agneau, symbole de la rédemption des hommes par le sang du Cœur de Jésus.

Jésus disait aux deux prophètes sa joie de voir venir le jour du sacri­fice.

Oh! comme son amour pour nous se manifeste sans arrêt!

Les apôtres, à la vue de ce spectacle, sont plongés dans une sorte d'ex­tase. Ils se croient transportés au ciel. Saint Pierre, toujours ardent, ma­nifeste le premier son sentiment: Seigneur, dit-il, il fait bon ici, faisons y trois tentes, une pour vous, une pour Moïse, une pour Elie. Saint Pierre est humble et désintéressé; il s'oublie, lui, et ne pense pas à se faire une tente. Il ne veut être que le serviteur de Jésus. Mais cela est encore trop. Il n'a pas compris qu'il faut acheter la récompense par les épreuves. La gloire définitive ne viendra qu'après la croix et le sacrifice. Travaillons, soyons généreux. La récompense viendra quand il plaira à Dieu.

Saint Pierre reconnut plus tard qu'il ne savait pas ce qu'il disait ce jour-là, et il le fit noter par son évangéliste, saint Marc.

IIIe POINT: La mission de Jésus. - Saint Pierre parlait encore, quand une nuée lumineuse, symbole de la présence et de la Majesté divine, en­veloppa Jésus et les prophètes. Les apôtres furent saisis de crainte en voyant Moïse et Elie entrer dans la nuée, et de celle-ci sortit une voix qui disait: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toutes mes com­plaisances, écoutez-le».

C'était la voix de Dieu le Père, qui affirmait de nouveau la mission messianique de Jésus, comme elle l'avait fait déjà au bord du Jourdain. - C'est mon fils, écoutez-le, c'est-à-dire: je proclame aujourd'hui de­vant vous qu'il est le souverain législateur et prophète, parlant aux hom­mes avec l'autorité d'un Dieu, et à qui vous devez foi et obéissance. Ecoutez-le. Il promulguera la loi nouvelle; il fondera l'Eglise pour succéder à la synagogue; il donnera les règles de la foi et de la vie morale et ascétique, écoutez-le.

Les trois apôtres effrayés s'étaient prosternés la face contre terre. Mais Jésus s'approcha, il les toucha et leur dit: Levez-vous, ne craignez point. - Et eux ranimés par la douce voix de leur divin Maître, levèrent les yeux et ne virent plus que Jésus seul.

Ecoutez-le. C'est tout le fruit de ce mystère. Comme les trois apôtres en restèrent pénétrés! Et moi, est-ce que j'écoute le divin Maître? Est-ce que je l'écoute pratiquement? Il me parle par l'Eglise, par la tradition, par la grâce, par mes supérieurs et directeurs.

Suis- Je toujours dans la disposition de l'écouter?

Résolution. - Oui. Seigneur, je veux désormais vous écouter. Parlez, Seigneur, je veux désormais vous écouter. Parlez, Seigneur, votre servi­teur écoute. Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Votre volonté sera ma loi, comme la volonté de votre Père était la loi de votre cœur. Pour chacune de mes actions, je ferai ce que vous voudrez. Je vous consulterai avant d'agir. Parlez, Seigneur.

Colloque avec Jésus au Thabor.

5 Mars
Sur l'abandon et sur l'union aux souffrances de Notre-Seigneur

Interea rogabant eum discipuli dicen­tes: Rabbi, manduca. Ille autem dicit eis: Ego cibum habeo manducare quem vos nescitis… Meus cibus est ut faciam volun­tatem ejus qui misit me, ut perficiam opus ejus (S. Joan, 4, 31).

Cependant ses disciples le priaient en lui disant: Rabbi, mangez. Il leur dit: J'ai une nourriture à prendre que vous ne connaissez pas… Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre (S. Jean, 4, 31).

1er Prélude. Jésus est toujours à la disposition de son Père, il s'en remet à lui en tout et pour tout.

2e Prélude. Seigneur, l'abandon amoureux et confiant est la disposition que vous ai­mez, faites-la régner dans mon cœur, comme elle régnait dans le vôtre.

Ier POINT: Dans le véritable amour on s'abandonne à celui que l'on aime. - Dans l'amour vrai, on ne se résigne pas seulement, on fait plus: on est joyeux d'être à la disposition de la personne aimée, on s'en remet à elle en tout et pour tout; car l'union serait incomplète, elle n'existerait pas totalement, si on ne laissait absorber sa volonté par celui qu'on aime. Notre-Seigneur ne s'est pas borné à se résigner à la volonté de son Père, il a adhéré à cette volonté avec joie, même quand est venue l'heure de prendre la croix et de monter au Calvaire.

En Egypte, à Nazareth, Notre-Seigneur ne s'est pas seulement résigné à la volonté de sa Mère ou à celle de saint Joseph, il a toujours joyeuse­ment voulu ce qu'ils voulaient; il a fait plus, il a voulu ce qu'ils dési­raient.

Comme nous sommes encore loin de l'aimer comme il veut l'être! Il laisse à ses amants une volonté, celle d'être unis à lui, mais il ne peut leur laisser la volonté de choisir entre telle ou telle forme d'union. C'est lui qui est le maître.

Ne confondons pas l'abandon joyeux de l'amour avec la résignation simple. Jésus récompense aussi la résignation à sa volonté, parce qu'elle est méritoire, mais l'amertume de la résignation est incompatible avec l'amour, dont elle blesse la délicatesse. La préoccupation d'un cœur ai­mant n'est pas la récompense, il n'y pense pas; son idéal, c'est de s'unir à Jésus, c'est de provoquer les épanchements du cœur de Jésus par les épanchements du sien. Il se donne à Jésus entièrement, il s'oublie, il se perd en lui comme une goutte d'eau dans l'Océan.

IIe POINT: L'abandon amoureux et confiant est ce qui plaît à Notre-Seigneur. - La méditation affectueuse de sa vie d'enfant apprendra à se remettre entre ses mains avec une confiance d'enfant. C'est le fruit qu'on doit re­tirer des affections à sa sainte enfance. Il faut le laisser faire, s'abandon­ner à lui. Se résigner et faire quelques sacrifices ne suffit pas; ce qu'il veut, c'est qu'on l'aime et qu'on s'abandonne avec confiance à son amour.

L'abandon amoureux, voilà ce qui lui plaît, ce qui fait tressaillir son cœur et lui donne les plus douces jouissances. Lorsqu'une âme s'aban­donne à son amour, il ne compte plus avec elle. Il en prend soin comme de lui-même. Il permet que ce cœur dévoué se fonde et se perde dans le sien. Comme Jésus ne fait qu'un avec son Père, l'âme dévouée ne fait qu'un avec lui. Elle est plus qu'un ami pour lui, elle est en quelque sorte un autre lui-même: «Comme vous êtes en moi, mon Père, et moi en vous, disait Notre-Seigneur, qu'ainsi ces disciples dévoués ne soient qu'un en nous: Sicut tu Pater in me et ego in te, ut et ipsi in nobis unum sint» (S. Jean, 17, 21).

IIIe POINT: L'amour pour Jésus transforme en joies les amertumes et les pei­nes. - C'est dans la méditation des souffrances de Notre-Seigneur qu'on puisera les forces nécessaires pour suivre les exemples d'abandon qu'il a donnés dans sa vie d'enfant. Le désir de s'unir à ses souffrances adoucit les peines que l'on peut rencontrer dans l'immolation de soi-même. Ces peines, on les unit à son immolation du Calvaire et c'est un moyen de s'associer à sa douloureuse Passion. Cette union d'intention lui est très agréable. L'amour avec lequel on la fait en augmente le prix à ses yeux.

Son amour est ainsi un moyen de supporter toutes les épreuves par où l'on peut passer, d'alléger et même de transformer en joies tout ce qui sans cela serait peine ou amertume.

On est flagellé avec lui, quand on lui offre amoureusement les mortifi­cations de la chair et les humiliations de l'orgueil. On est couronné d'épines, quand on unit amoureusement à ses souffrances toutes les con­trariétés que l'on éprouve. On marche avec lui dans la voie douloureuse du Calvaire, quand on suit, uni à lui par l'amour, les voies où il lui plaît de nous faire passer. On est cloué sur sa croix avec lui quand on unit à son crucifiement les situations pénibles ou douloureuses où il lui plaît de placer ses amis. On agonise avec lui sur la croix, quand on unit à ses pei­nes les angoisses d'une situation où il veut que l'on soit.

Quiconque l'aime passe par des épreuves. Ces épreuves il faut les su­bir avec lui, en union avec les souffrances de sa Passion. L'union d'amour identifie en quelque sorte nos souffrances avec celles de Jésus.

Mais il n'est pas nécessaire pour cela que nous éprouvions des douleurs identiques aux siennes. Elles leur sont toujours semblables quand elles sont généreusement acceptées et qu'elles lui sont offertes en union avec les siennes.

Mais cette union demande le recueillement habituel, le souvenir con­stant des bontés de Notre-Seigneur et de son amour et une douce intimi­té habituelle avec lui.

Notre-Seigneur parle de cette union qui lui est chère quand il dit: Ce­lui qui fait (par amour pour mon Père et pour moi) la volonté de mon Père céleste (et la mienne) celui-là est mon frère, et ma sœur et ma mère.

Résolutions. - Seigneur, je me confie, je me donne et m'abandonne avec confiance et avec amour à votre amoureuse Providence, comme vous vous êtes abandonné à votre Père dans votre enfance, dans toute votre vie et dans votre Passion. Puisque vous m'aimez, pourquoi ne me confierais- Je pas à votre Cœur: vous aurez plus de soin de moi que n'en aurait une mère.

Colloque avec Jésus souffrant.

6 Mars
Conseil des pharisiens contre Jésus
et pacte de Judas

Quaerebant principes sacerdotum et scribae quomodo Jesum interficerent: ti­mebant vero plebem. Intravit autem Sa­tanas in Judam, qui cognominabatur Iscariotes, unum de duodecim. Et abiit, et locutus est cum principibus sacerdotum et magistratibus, quomodo illum traderet eis (S. Luc, 22, 2).

Les princes des prêtres et les scribes cherchaient comment ils feraient mourir Jésus, mais ils craignaient le peuple. Mais Satan prit possession de Judas Iscariote, un des douze. Et il alla s'entretenir avec les princes des prêtres et les magistrats, pour le leur livrer (S. Luc, 22, 2).

1er Prélude. Quels odieux sentiments dirigent ces personnages: la haine et la jalousie chez les grands, l'avarice chez le traître.

2e Prélude. Seigneur, dégagez mon cœur de ces odieuses passions et agréez mes réparations.

­

Ier POINT: Le complot. - Depuis longtemps les Princes des prêtres et les docteurs de la loi cherchaient comment ils pourraient se défaire de Jésus et le perdre. Nous les avons vus essayer de lui tendre des pièges à plu­sieurs reprises. Jésus avait déjoué leurs ruses, qu'il avait fait tourner à leur confusion. La haine et la jalousie rongeaient leurs cœurs. Jésus était si aimé du peuple! Son éloquence divine remplissait le peuple d'admira­tion, il guérissait les malades, il témoignait à tous une extrême bonté.

Les chefs de la synagogue comprenaient que s'ils ne s'opposaient pas à cet enthousiasme populaire, c'en était fait de leur autorité et de leur ascendant. Ils étaient décidés à se débarrasser de Jésus à tout prix, mais ils ne savaient comment s'y prendre. Ils s'assemblèrent donc chez Caïphe, à sa maison de campagne. Tout le Sanhédrin y était: les Princes des prêtres, chefs des familles sacerdotales, les docteurs de la loi et les an­ciens.

Presque tous étaient remplis de haine, quelques-uns, comme Nicodè­me, hésitaient, mais ils manquaient d'énergie.

Ce mauvais conseil me trouble. N'ai- Je pas aussi trouvé quelquefois que Jésus était gênant avec sa morale austère et ses prescriptions oppo­sées aux coutumes du Monde? N'ai- Je pas été timide, comme Nicodème dans la défense du Christ? Je repasserai toutes mes faiblesses dans mon esprit et j'en ferai amende honorable et réparation au cœur de Jésus.

IIe POINT: Le dessein providentiel. - Ils étaient là réunis dans le palais, dans l'atrium de la villa de Caïphe. Satan les inspirait. Ils tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse, afin de le mettre à mort. Ils n'osaient employer la violence ouverte, car ils redoutaient le peuple, qui était por­té pour Jésus. Il fallait donc s'emparer de lui dans l'ombre et le juger promptement.

Ils disaient aussi: Il ne faut pas que cette exécution ait lieu pendant la fête de pâques, de peur qu'il ne se fasse une émeute.

Ordinairement les exécutions se faisaient aux jours de fêtes populai­res, on gardait les condamnés jusqu'à ces jours-là. C'était le moyen d'inspirer une frayeur salutaire à la foule rassemblée à Jérusalem.

Mais cette fois les Pharisiens craignaient une sédition de la part des partisans de Jésus, et le trouble qui en résulterait exciterait les Romains à se montrer plus rigoureux encore dans l'administration de la Judée.

Ils voulaient retarder l'exécution de leurs desseins jusqu'après les fêtes de pâques; mais la Providence en avait décidé autrement. Dieu voulait que l'Agneau divin fût immolé dans les jours de pâques, où l'on immo­lait l'agneau figuratif et où l'on rappelait la délivrance de l'Egypte.

Judas vint offrir l'occasion attendue. On la saisit sans plus réfléchir au mouvement populaire. La haine ne connaît pas la prudence.

Jésus voulait être l'Agneau de la vraie pâque, l'Agneau qui efface les péchés du monde et qui délivre de l'Egypte ou du règne de Satan. La haine d'un moment prépare toutes les horreurs de la Passion. Et moi, suis- Je avec Jésus ou contre lui? Ne l'ai- Je pas trahi? N'ai- Je pas blessé cruellement son Cœur? N'ai- Je pas scandalisé bien des âmes! N'ai- Je pas pris faiblement la défense du bon Maître? J'ai horreur de toutes mes fautes passées.

IIIe POINT: Le traître. - Satan avait pris possession de Judas, un apô­tre! Et il s'en alla trouver les princes des prêtes pour comploter sa trahi­son avec eux. Il leur dit: «Que voulez-vous me donner, et je vous le livre­rai?».

Il est introduit au Sanhédrin, on l'écoute avec joie, une joie digne de l'enfer. On discute le prix. On lui offre trente sicles d'argent. Il accepte, le pacte est conclu. Le sicle d'argent valait quatre drachmes attiques, en­viron cinq francs. Trente sicles, c'était le prix habituel d'un esclave. Voilà jusqu'où Jésus a voulu descendre pour nous racheter.

Judas engagea sa parole, et dès ce moment il cherchait l'occasion de leur livrer Jésus en le faisant arrêter en dehors des réunions populaires: spopondit et quaerebat opportunitatem ut traderet eum sine turbis (S. Luc, 22, 6).

Comment Judas en était-il arrivé là? C'était peu à peu et en cédant d'abord à quelques mouvements d'avarice.

Oh! que la pente du péché est glissante! Ne suis- Je pas en danger par ma tiédeur actuelle de tomber bien bas?

Après leur pacte criminel, Judas et les Pharisiens eurent encore plu­sieurs jours pour se repentir, mais en vain. L'endurcissement est un châ­timent du sacrilège. Comme je dois craindre d'aller jusque là!» Je traite souvent Notre-Seigneur avec si peu de respect dans mes communions empreintes de tiédeur et de routine! - Notre-Seigneur disait à l'évêque d'Ephèse: «Tu es déchu de ta ferveur, prends garde! si tu ne fais péni­tence, je viendrai, je renverserai ton candélabre et donnerai ta place à un autre» (Apoc., 2, 5).

Résolution. - Seigneur, je suis effrayé à la vue de ce pacte infernal. Sans me décourager pour mes fautes, je m'humilie et je fais amende ho­norable et réparation à votre divin Cœur méconnu et trahi; je veux re­prendre ma ferveur antérieure et m'y appliquer dès aujourd'hui. Aidez-­moi.

Colloque avec Jésus trahi.

7 Mars
Saint Thomas d'Aquin

In medio Ecclesiae aperiet os ejus, et implebit illum spiritu sapientiae et intel­lectus, et stola gloriae vestiet illum, jucun­ditatem et exultationem thesaurizabit su­per illum et nomine aeterno haereditabit illum (Eccl., 15, 5).

Il le fera parler au milieu de l'Eglise et le remplira de l'esprit de sagesse et d'in­telligence, et le revêtira de gloire. Il lui donnera un trésor de joie et d'allégresse et il donnera à son nom un héritage d'hon­neur (Eccl., 15, 5).

1er Prélude. L'Eglise emprunte ces belles paroles du livre de l'Ecclésiastique dans l'office des docteurs. Saint Thomas est un de ceux à qui elles s'appliquent le mieux.

2e Prélude. Seigneur, donnez moi l'esprit de pureté de S. Thomas et son amour pour la science sacrée et pour l'Eucharistie.

Ier POINT: L'enfance. - Dans ce chapitre du livre de l'Ecclésiastique que l'Eglise cite abondamment dans l'office des docteurs, le Saint-Esprit nous dit que Dieu donne la sagesse et la science à ceux qui le craignent, qui le servent et qui l'aiment. Les amis du monde peuvent avoir une science relative, brillante sur quelques points, incomplète et mêlée d'er­reurs, ils n'auront pas la science divine, la science surnaturelle, le don de science et de sagesse.

Saint Thomas d'Aquin dès sa petite enfance a mérité ces beaux titres d'âme juste et craignant Dieu. A cinq ans, sa piété encourage ses parents à confier son éducation aux bénédictins du Mont Cassin. Comme la sainte Vierge, il passe toute sa jeunesse au temple. Il y est heureux et édifiant. Sa régularité, son zèle pour l'étude font l'admiration de ses condisciples et de ses maîtres eux-mêmes.

Comme saint Jean-Baptiste, comme Jésus, il croissait en sagesse et en grâce en même temps qu'il grandissait en âge.

Il semblait fait pour la vie bénédictine, cependant la vocation divine le porta vers un ordre plus apostolique. Il se décida à entrer dans l'ordre dominicain, auquel il devait procurer tant d'éclat; mais le démon sem­blait soupçonner sa valeur et il lui opposa cent obstacles.

IIe POINT: La lutte. - La famille de saint Thomas était opposée à sa vocation. Ses frères venaient au noviciat de Naples le tourmenter pour le faire sortir. Ses maîtres le dirigèrent sur Paris pour le soustraire à cette pression impie; mais ses frères l'enlevèrent en chemin et l'enfermèrent dans un castel de campagne, où il eut à subir de leur part de nouvelles avanies. Ils furent même assez grossiers pour envoyer une femme le sol­liciter. Mais il résista à tout. Il chassa cette malheureuse avec un tison de la cheminée. Il fit une croix au mur avec ce tison, pria et vit dans l'extase un ange qui venait ceindre ses reins et éteindre en ses sens toute révolte de la chair.

Sollicité encore par ses sœurs de se donner à la vie séculière, il les ga­gna elles-mêmes à la piété, puis il s'échappa par la fenêtre pour aller re­trouver son couvent, et de là il alla étudier à Cologne sous Albert-le­Grand. Une autre épreuve l'attendait là. Son caractère grave et réfléchi, et son amour du silence firent croire à ses condisciples qu'il était peu in­telligent. Il était l'objet de leurs railleries. On le comparait volontiers à un boeuf.

Pour savoir à quoi s'en tenir, son maître Albert-le-Grand l'appela et l'interrogea. Il reconnut sa valeur et il dit aux autres jeunes gens: les mugissements de ce bœuf retentiront un jour par tout le monde.

Il avait donc prouvé successivement son amour héroïque de la pureté, de l'humilité, du travail et de la règle. Il devait ses victoires à la très sain­te Vierge qu'il aimait d'un amour vraiment filial.

Et moi, où en suis- Je de ces belles vertus? N'ai- Je pas à compter plus de défaites que de victoires? N'ai- Je pas négligé la dévotion filiale et ten­dre à Marie qui m'aurait protégé contre les assauts du démon et de la nature corrompue?

IIIe POINT: Le docteur et l'apôtre. - A vingt-cinq ans il enseigne la théologie à Paris. Ses succès troublent son humilité, mais il consacre ses temps libres à la prière et aux pieuses lectures.

C'est devant Dieu qu'il étudie. Toutes ses actions sont sanctifiées par les intentions les plus pures. Il rapporte tout à Notre-Seigneur.

Le bel office qu'il a écrit pour la fête du Saint-Sacrement, montre à la fois l'élévation de ses sentiments et la tendresse de son cœur dans le culte de l'Eucharistie.

Il prêche souvent, mais sans prétention, avec beaucoup de simplicité et d'onction. Sa parole édifie et impressionne ses auditeurs.

Sa conversation est toujours grave et pieuse. Il ne comprend pas qu'on puisse s'entretenir de sujets futiles. Il n'écoute pas les conversa­tions qui roulent sur des bagatelles.

La dévotion au Sacré-Cœur n'était pas encore révélée, mais saint Thomas avait quand même un ardent amour pour Notre-Seigneur. Il le lui témoignait en aimant la croix, l'Eucharistie et la très sainte Vierge Marie.

Il a gagné le Cœur de Jésus et, par une faveur extraordinaire, Notre­

Seigneur le lui a dit de son vivant. On rapporte qu'un jour qu'il priait longuement devant le crucifix, l'image du Christ s'anima, et Notre­-Seigneur dit à son pieux adorateur: «Thomas, tu as bien parlé de moi». C'était tout à la fois donner autorité aux écrits du docteur et louer la dé­votion du saint envers le divin Maître.

Résolution. - Quels beaux exemples d'amour de la pureté, de l'humi­lité, de la vie intérieure! A votre suite, grand saint, je veux aimer Notre­Seigneur, sa croix, son Eucharistie, sa sainte Mère. Ces dévotions me conduiront à celle du Sacré-Cœur, que Notre-Seigneur demande au­jourd'hui de nous.

Colloque avec saint Thomas.

8 Mars
La Paque legale

Prima autem die azymorum, accesse­runt discipuli ad Jesum dicentes: ubi vis paremus tibi comedere pascha? At Jésus dixit: Ite in civitatem ad quemdam et di­cite ei: Magister dicit: Tempus meum prope est, apud te facio pascha cum disci­pulis meis (S. Mat., 26, 17).

Le premier jour des azymes, les disci­ples de Jésus vinrent lui dire: Où voulez-­vous que nous vous préparions la pâque? Jésus dit: Allez à la ville chez un tel et dites-lui: Le Maître a dit: Mon temps est proche, je fais la pâque chez toi avec mes disciples (S. Mat., 26, 17).

1er Prélude. La dernière pâque du bon Maître à Jérusalem est remplie de mystères, elle prépare le double sacrifice de l'Eucharistie et du Calvaire.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, de mieux comprendre vos mystères d'amour et de sacrifice.

Ier POINT: Préparation de la Cène. - Notre-Seigneur va célébrer la pa­que annuelle, mais elle a cette fois pour lui et pour les apôtres un caractè­re bien exceptionnel. La pâque a toujours été la préparation et la figure des sacrifices de l'Eucharistie et du Calvaire; mais cette fois, la réalité va être unie à ses figures. L'institution du sacrifice eucharistique sera mêlée à la pâque elle-même; et le sacrifice du calvaire commencera au Cénacle par les avertissements que Notre-Seigneur donnera à Pierre et à Judas.

Une première leçon ressort pour nous de la préparation de cette pâ­que. Notre-Seigneur a voulu un grand cénacle, orné de tentures. Ce n'était pas en vue de la pâque traditionnelle, c'était pour l'institution de l'Eucharistie.

Cette mise en scène extérieure a un double sens spirituel. Notre­-Seigneur indiquait par là que nos églises n'auraient rien de trop beau pour le culte de l'Eucharistie; mais aussi il voulait signifier que nos âmes devaient être purifiées et ornées pour le recevoir.

La communion, c'est la visite de Jésus, la visite du Bien-aimé; ce sont comme des épousailles avec lui; c'est le festin nuptial. Il faut s'y présen­ter avec la robe nuptiale de la pureté, avec les riches vêtements de toutes les vertus et surtout de la charité.

IIe POINT La pâque, figure du sacrifice rédempteur. - L'ancienne loi avait eu son sang rédempteur, le sang des agneaux immolés en Egypte pour préserver les maisons des Israélites, lors du passage de l'ange exter­minateur.

Et c'est cette préservation, figuré de la rédemption du monde par le sang de l'Agneau divin, qui était rappelée chaque année par tous les dé­tails de la cérémonie de la pâque. Tous les ans Notre-Seigneur avait ain­si pris part à la représentation de sa propre mort. Mais cette année, com­bien tous ces rites doivent l'émouvoir et lui aller au cœur. On a préparé l'agneau à immoler, on le transperce par deux broches en forme de croix; on le fait griller. On n'en laissera rien subsister. Son sang est versé au pied de l'autel.

On mange des herbes amères et un mets de couleur brune, qui rappel­lent l'Egypte et le péché. On boit une coupe de vin qui représente le sang de l'agneau. En buvant cette coupe on prononce ces paroles mystérieu­ses: «Ceci est le signe de notre liberté, et le mémorial de la sortie d'Egyp­te …».

Notre-Seigneur voyait dans cette coupe la figure de son sang. Cinq fois, pendant le repas symbolique, on buvait ainsi tour à tour à la coupe figurative.

O récitait les psaumes 143 et 114 qui ont trait à la délivrance de l'Egypte.

On mangeait l'agneau hâtivement, et on brûlait ce qui en restait. Toute cette mise en scène était bien crucifiante pour Notre-Seigneur. C'était comme la répétition du grand drame du calvaire qui allait com­mencer le soir-même.

Notre-Seigneur en est tout pénétré. Il avertit saint Pierre de son renie­ment et Judas de sa trahison.

A cette vue, ne sentirai je pas s'accroître dans mon cœur mes senti­ments d'amour et de réparation pour le Cœur de Jésus?

IIIe POINT: La pâque, figure de l'Eucharistie. - La pâque figurait le sa­crifice de l'Eucharistie autant que celui du calvaire. Notre-Seigneur est également tout rempli de cette pensée. Il l'exprime dès le commence­ment du repas symbolique: «J'ai désiré d'un grand désir, dit-il, manger cette pâque avec vous, avant de souffrir (il dit cela principalement de l'Eucharistie qu'il va instituer); car, ajoute-t-il, je ne la mangerai plus jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans le royaume de Dieu» (dans l'Egli­se), où la victime qui va bientôt être immolée, et qui est moi-même, de­viendra la pâque du peuple nouveau, où le festin eucharistique succède­ra à la pâque figurative et en sera l'accomplissement.

Puis la cérémonie se déroule: c'est le pain azyme, bénit, partagé et di­stribué, c'est l'agneau que l'on mange, c'est la coupe de l'action de grâ­ces.

On récite les psaumes d'action de grâces, 117-120-137.

C'est une communion symbolique, à laquelle va se mêler l'institution de l'Eucharistie et la communion réelle. Aucune heure de sa vie n'a été pour Notre-Seigneur plus impressionnante, plus chargée d'émotions. Il institue l'Eucharistie, il commence sa Passion, il met fin aux figures, il inaugure les sacrifices nouveaux. quoi d'étonnant qu'il ait dit: «J'ai dési­ré manger cette pâque avec vous?». Quoi d'étonnant que saint Jean ait dit de cette heure: «Ayant aimé les siens, il les aima surtout à la fin?». L'heure approche où il pourra dire: «J'ai tout donné, j'ai tout consom­mé».

Résolution. - O Jésus, vous m'avez aimé sans mesure et vous vous êtes sacrifié sans mesure dans ces dernières heures de votre vie. que vous rendrai- Je, Seigneur? Je prendrai, moi aussi, le calice de la réparation et de l'amour, et je vous témoignerai mon amour, en me dévouant à votre divin Cœur dans chacune de mes actions.

Colloque avec Jésus au Cénacle.

9 Mars
Jésus lave les pieds a ses disciples

Sciens quia omnia dedit ei Pater in ma­nus, et quia a Deo exivit, et ad Deum va­dit; surgit a Coena, et ponit vestimenta sua, et cum accepisset linteum praecingit se: Deinde mittit aquam in pelvim et coe­pit lavare pedes discipulorum et exterge­re linteo quo erat praecinctus (S. Joan. 13, 3).

Sachant que le Père avait tout remis en­tre ses mains, et que sorti de Dieu il allait retourner à Dieu, il se leva de table, ôta son manteau et ceignant ses reins d'un linge, il mit de l'eau dans un bassin et commença de laver les pieds de ses disci­ples en les essuyant avec le linge dont il s'était ceint (S. Jean, 13, 3).

1er Prélude. Avant, pendant et après la pâque, on se lavait les mains; Jésus fit plus, il s'humilia jusqu'à laver les pieds de ses disciples.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi abondamment les fruits de cette leçon: l'humilité et la pureté.

Ier POINT: La préparation à la communion. - La dernière pâque, qui devait mettre fin à l'ancienne Alliance était terminée; une pâque nouvel­le devait succéder à la pâque ancienne et inaugurer une nouvelle allian­ce; la réalité devait succéder à la figure, et le véritable Agneau pascal de­vait être la nourriture de nos âmes. Mais Jésus voulait préparer ses Apô­tres à l'institution de la sainte Eucharistie et à sa réception par une céré­monie sensationnelle, symbole de la purification intérieure, qui était re­quise pour participer dignement au festin de l'Agneau.

Jésus donc, comme il avait aimé les siens qui étaient en ce monde, les aima jusqu'à la fin, et il se prépara à leur donner une marque suprême de la tendresse de son cœur, l'Eucharistie. Mais prenant pour un mo­ment les fonctions d'un esclave, il se mit à leur laver les pieds. Saint Pierre se révolta, mais Jésus lui dit: Si je ne les lave pas, tu n'auras point de part avec moi, parce que ton âme ne sera pas bien disposée pour rece­voir l'Eucharistie.

Notre-Seigneur voulait nous enseigner qu'il faut purifier nos âmes aussi parfaitement que possible pour recevoir l'Eucharistie. Il dit à Pier­re: Celui qui est déjà lavé n'a plus besoin que de laver la poussière de ses pieds pour être entièrement pur: c'est-à-dire, dans le sens spirituel, celui qui, comme vous, est déjà en état de grâce, n'a plus besoin que de se pu­rifier des taches légères qui défigurent son âme, et c'est ce que je vais fai­re à votre égard par cette action symbolique qui vous purifiera notam­ment d'un reste de vanité et d'amour-propre que vous avez encore ma­nifesté tout à l'heure.

Quelle leçon pour moi, qui me prépare si négligemment à la sainte communion!

IIe POINT: L'humilité. - Les apôtres venaient encore d'avoir une contestation entre eux relativement aux honneurs qu'ils espéraient dans le nouveau royaume, qu'ils croyaient devoir être temporel. Notre-­Seigneur les reprit: Laissez, leur dit-il, ces vaines prétentions aux grands du monde. Ils aiment les titres d'honneur. Chez vous, que le premier se fasse le serviteur des autres.

Puis le bon Maître voulut appuyer cet enseignement par une leçon de choses: Qui est le plus grand, leur dit-il, de celui qui est servi, ou de celui qui sert? C'est celui qui est servi. Eh bien! voyez, moi je me fais votre serviteur. Et il prit une serviette, comme un esclave, et il versa de l'eau et il leur lava les pieds. Quelle leçon d'humilité!

«Vous m'appelez Maître et Seigneur, leur dit-il, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, si je me suis humilié jusqu'à remplir à votre égard l'office d'un esclave, moi qui suis votre Seigneur et votre Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres, c'est-à-dire vous devez vous rendre les services les plus hum­bles…».

Il ne voulait pas pour cela exclure la hiérarchie, car il ajoutait: «Com­me mon Père m'a préparé un trône, j'ai aussi préparé le vôtre; et toi Pierre, j'ai prié pour que ta foi ne défaille pas et tu confirmeras tes frè­res» (S. Luc, 22, 32).

«Vous serez des apôtres, mais vous devez être humbles quand même, puisque moi, qui suis votre Maître, je fais acte d'humilité. L'apôtre n'est pas plus grand que celui qui l'a envoyé» (S. Jean, 13, 16).

Quelles sont mes dispositions d'humilité? Suis- Je vraiment le serviteur de mes frères par ma charité et par mon zèle?

IIIe POINT: Même Judas. - Jésus voulut laver les pieds même à Judas. Il lui en coûta beaucoup, et il le fit sentir.

«Vous êtes purs, leur dit-il, mais vous ne l'êtes pas tous. Il savait en effet qui devait le trahir; c'est pourquoi il disait: Vous êtes purs, mais vous ne l'êtes pas tous».

Il ne lui en coûtait pas de laver les pieds à ceux qui étaient purs ou qui n'avaient que des fautes vénielles. Mais celui-là! Il avait déjà conclu avec les Pharisiens le pacte de trahison. Jésus s'avança cependant pour lui laver les pieds, et probablement Jésus humecta ces pieds de ses lar­mes! Mais lui, le traître, est insensible. Il n'a même pas, comme saint Pierre, une révolte d'humilité! Il ne trouve pas étrange que Jésus lui lave les pieds. Oh! que l'endurcissement de l'âme est terrible! Que d'émo­tions pour le Cœur de Jésus, ce soir-là! Il en sera déjà épuisé quand il commencera son agonie.

Ne vais- Je pas enfin humilier mon orgueil? Ne serai- Je pas plus hum­ble dans mes confessions, dans la direction spirituelle?

Je voudrais, Seigneur, réparer cet orgueil de Judas et consoler votre cœur. Le meilleur moyen est de faire des actes d'humilité vraie et sincè­re.

Aidez-moi, je suis si faible et si rempli de moi-même.

Résolutions. - Les leçons de cette méditation sont des leçons de pureté et d'humilité pour prendre part dignement aux mystères eucharistiques. Aidez-moi, ô mon bon Maître!

Comme saint Pierre, je suis profondément impressionné par l'acte d'humilité que votre divin Cœur a choisi et accompli. Je prends la réso­lution de me préparer humblement à mes communions.

Colloque avec Jésus au lavement des pieds.

9 Mars
Le saint suaire

Joseph autem mercatus sindonem, et deponens eum involvit sindone et posuit eum in monumento, quod erat excisum de petra, et advolvit lapidem ad ostium monumenti. Maria autem Magdalene, et Maria Joseph aspiciebant ubi poneretur (S. Marc, 15, 46).

Joseph ayant acheté un suaire, déposa Jésus et l'enveloppa du suaire et le mit dans un sépulcre neuf taillé dans la pierre et il fit rouler une pierre à la porte du mo­nument. Marie-Madeleine et Marie, mè­re de Joseph, regardaient où on le mettait (S. Marc, 15, 46).

1er Prélude. Je vois là des disciples dévoués qui ne comptent pas leurs soins, ils appor­tent suaires et parfums.

2e Prélude. Que de leçons de dévouement et d'amour je rencontre là! Aidez-moi, Sei­gneur, à les imiter.

Ier POINT: Le dévouement des disciples. - Or le soir étant venu, voici qu'un homme riche, Joseph d'Arimathie, ou de Rama en Judée, mem­bre du grand conseil, homme bon et juste qui n'avait consenti ni aux desseins ni aux actes des autres, et qui attendait lui aussi le royaume de Dieu et qui était au fond de son cœur disciple de Jésus-Christ, vint har­diment trouver Pilate et lui demanda le corps de Jésus. - Pilate s'éton­nait qu'il fût mort si tôt: il fit venir le centurion et lui demanda s'il était déjà mort. Sur la réponse affirmative du centurion, il donna le corps à Joseph. Nicodème vint aussi se joindre à lui, le même qui, au commen­cement, était allé trouver Jésus la nuit: il apportait, pour embaumer le corps de Jésus, une composition de myrrhe et d'aloès, d'environ cent li­vres.

Joseph, ayant acheté un linceul, détacha Jésus de la croix, et l'enve­loppa dans le suaire qu'il venait d'acheter. Nicodème et lui l'entourèrent ensuite de bandelettes avec des aromates, comme les juifs ont coutume d'ensevelir leurs morts.

Voilà le récit évangélique dans toute sa simplicité. Il y a là deux hom­mes admirables de dévouement, de compassion, de soins. Ils n'ont pas de respect humain. Ils bravent la cour, la synagogue et le peuple.

Ils enveloppent Jésus avec un fin suaire et des parfums.

Quels sont mes soins pour Jésus, dans le sanctuaire qui est son tom­beau, dans les pauvres et les souffrants qui sont ses membres? Quel est mon zèle, mon dévouement pour le culte eucharistique?

IIe POINT: Les douleurs de Marie et des saintes femmes. - Marie est là avec saint Jean, et puis les saintes femmes qui ne s'étaient pas éloignées du calvaire. Elles assistent à l'ensevelissement, mais avec discrétion, laissant Joseph et Nicodème procéder à un embaumement rapide.

Il y avait près de la croix, dit saint Jean, Marie, mère de Jésus et sa soeur Marie de Cleophas et Marie-Madeleine.

Marie reçut un moment dans ses bras son Jésus enveloppé dans le lin­ceul. Qui pourra décrire la douleur de Marie? Elle sait que cette mort était nécessaire et qu'elle est rédemptrice. Mais néanmoins, c'est son Jésus. Il a été le plus beau des enfants des hommes; et maintenant il n'a plus figure d'homme, tant il est blessé, déchiré, défiguré: Non est ei species neque décor.

Rien n'égale l'amour d'une mère pour son fils. Mais Marie était une mère si parfaite, et Jésus était infiniment aimable! Pourquoi l'ont-ils mis à mort si cruellement? Pourquoi ont-ils déchiré son corps avec tant de barbarie? Ils ont enfoncé le glaive jusqu'à son cœur. Le suaire reproduit toutes ces plaies qui le tachent de leur sang.

Il était cependant innocent! Il était sans péché. Il a répandu ses bien­faits sur tout ce peuple cruel, il a guéri leurs malades et secouru toutes leurs misères. Oh! les ingrats!

Mais Marie sait qu'il est mort pour les péchés de tous les hommes. elle souffre aussi pour les miens et les déplore. Ils ont contribué à faire souf­frir Jésus et à le mettre à mort. Oh! comme ces péchés me pèsent! Com­me je les regrette! Comme je les déplore! Me pardonnerez-vous, ô Ma­rie? Je me jette à vos pieds, je me voile la face. Ah! dites-moi une parole de miséricorde. Dites comme Jésus: Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font.

Je m'unis à vous, ô Marie, et avec saint Jean et les saintes femmes, je vous offre tout ce que je peux produire d'actes de compassion, d'amende honorable, de réparation. Je baise pieusement ce suaire qui cache mon Jésus.

IIIe POINT: Le tombeau. - Jésus est mis au sépulcre. Bientôt il en sor­tira glorieux et il y laissera son suaire comme un témoignage de sa résur­rection. Marie retrouvera ce suaire marqué de sang.

Oh! ce tombeau! je le retrouve dans le Tabernacle; je le retrouve dans mon cœur après la communion.

L'Evangile affecte de répéter que c'était un sépulcre neuf, bien taillé dans le roc et où personne n'avait encore été déposé. Pourquoi tous ces détails? Ils ont un sens. Mon cœur doit donc être aussi tout neuf et sans tache de mort pour recevoir Jésus. Jésus ne s'y plairait pas s'il était souillé si la mort du péché y avait passé.

Jésus était là enveloppé dans un fin linceul tout parfumé. Il veut être en mon cœur, enveloppé dans le linceul du recueillement, avec tous les parfums des vertus de pureté, de louange, d'amour et de réparation.

Il veut un sépulcre de pierre, un cœur ferme et résistant aux tenta­tions.

Il veut un sépulcre fermé et scellé; fermons notre cœur à tout ce qui nous dissipe, à tout ce qui nous trouble et nous expose au péché. Mettons-y le sceau de la vigilance et de la grâce divine.

Le souvenir de la Passion et de la mort du Christ sera notre force. «Au souvenir de la croix, disait Origène, la concupiscence et la passion s'effa­cent, toute la puissance de la chair et du péché est brisée».

Résolution. - Le saint Suaire me rappelle tout l'amour de Notre­-Seigneur et son suprême sacrifice. J'y vois les traces de la plaie de son Cœur. Comment aimerai- Je le bon Maître à mon tour? Quel sacrifice ferai- Je pour lui et pour les âmes? Je ferai mieux toutes choses selon ma vocation, selon la volonté divine.

Colloque avec Jésus au tombeau.

10 Mars
Jésus se rend a Gethsémani

Et egressus ibat secundum consuetudi­nem in Montera Olivarum. Secuti sunt autem illum et discipuli. Et cum pervenis­set ad locum, dixit illis: Orate ne intretis in tentationem (S. Luc, 22, 39).

Etant sorti, il alla selon sa coutume au Mont des Olives. Et ses apôtres le suivi­rent. Et quand il fut arrivé là, il leur dit: Priez afin que vous n'entriez pas en tenta­tion (S. Luc, 22, 39).

1er Prélude. Notre-Seigneur se rend là où il sait que le traître le trouvera. Il va prier pour l'attendre.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, l'amour de la volonté divine, même quand elle exige des sacrifices.

Ier POINT: Habitude de la prière. - Lorsque Jésus eut terminé son der­nier entretien avec ses disciples, il quitta le cénacle, descendit dans la vallée du Cédron, traversa le torrent avec ses disciples et se dirigea selon sa coutume vers le Mont des Oliviers.

Le Cédron, c'est le torrent noir, qui recevait le sang de toutes les victi­mes du Temple.

C'est là qu'Elie avait été martyrisé sous le roi Mariasses. C'est là qu'on immolait chaque année la vache rousse pour l'expiation des pé­chés du peuple. C'est de là aussi qu'on lançait le bouc émissaire qui al­lait mourir au désert.

Il y avait là une métairie ou villa dont le maître était sans doute en re­lation avec le Sauveur. Le jardin s'appelait Gethsémani, ou pressoir d'huile. Il y avait de beaux oliviers, sous lesquels le Sauveur allait prier tous les soirs dans le calme et le silence. Il laissa ses apôtres à l'entrée en leur disant: Asseyez-vous là pendant que je vais prier plus loin. Il prit seulement avec lui Pierre, Jacques et Jean et les invita à prier non loin de lui. Il ne demanda pas à tous la même somme de prière. Il tint compte de la formation des âmes, de leur zèle, de leur vocation spéciale.

C'était son habitude tous les soirs, après avoir enseigné le peuple et guéri les malades, de se retirer dans la solitude pour prier. Est-ce que je me réserve suffisamment le temps pour mes exercices de piété? Est-ce que je les fais courageusement le soir même après une journée de fati­gue? Est-ce que par l'habitude ils sont devenus pour moi comme une se­conde nature?

IIe POINT: Conformité à la volonté divine. - Notre-Seigneur sait que Judas le cherchera là, il ne change pas pour cela ses habitudes. Il va prier là comme tous les soirs. C'est la disposition habituelle de son cœur d'ac­complir toutes les volontés de son Père: «Pour que le monde connaisse, dit-il, que j'aime mon Père et que je fais tout ce qu'il m'a ordonné» (S. Jean, 14, 31).

Il y a des figures à réaliser. C'est par là que David est sorti de Jérusa­lem, suivi par ses ennemis, Absalon et ses complices. David s'en allait avec quelques serviteurs, et il passa à pied le Cédron, pleurant à haute voix (2e liv. des Rois, 15-16). Suivons aussi le Sauveur avec des larmes compatissantes.

Jésus va prier seul et longuement, c'est le grand sacrifice qui commen­ce. C'est la prière du prêtre qui se prépare à offrir le sacrifice. Notre­-Seigneur ne pouvait pas l'omettre. Et comme cette prière doit être parti­culièrement intense quand c'est le sacrifice de sa propre vie que le prêtre va offrir!

Notre-Seigneur prend seulement avec lui trois disciples, qui sont com­me les ministres auxiliaires du sacrifice. Prendre part aux souffrances de Jésus-Christ est une faveur réservée aux âmes privilégiées. C'est une grande grâce de recevoir l'esprit de sacrifice et d'immolation en union avec Jésus.

Notre-Seigneur voulait nous montrer que les amis fidèles dans l'afflic­tion sont rares. Il y a là pour nous une double leçon. La première est qu'il faut savoir nous passer des secours humains, quand nous sommes sûrs de faire la volonté de Dieu. La seconde est qu'il faut aimer assez Jésus pour qu'il nous tienne pour les amis privilégiés de son Cœur et qu'il nous admette, comme Pierre, Jacques et Jean, à prendre quelque part à ses souffrances, par notre compassion envers lui et par nos propres épreuves généreusement supportées.

IIIe POINT: Le jardin de Gethsémani. - Il y avait là un jardin, saint Jean le signale: ubi erat hortus. Tout est mystère dans l'Evangile. C'est au premier jardin de l'Eden que l'homme a encouru la déchéance. C'est dans un jardin que va commencer le grand sacrifice réparateur. Celui-là était tout orné de fleurs ensoleillées, celui-ci n'a que de sombres oliviers dans un ravin sinistre, c'est le jardin du pressoir.

Combien Jésus nous a aimé en devenant le second Adam, pour nous rendre ce que le premier avait perdu et plus encore!

Le premier jardin est le paradis joyeux: paradisus voluptatis; le second est le jardin des larmes et de l'agonie.

Mais il y a là de beaux oliviers, et l'olivier est le symbole de la paix et de la réconciliation. La branche d'olivier apportée à Noé par la colombe vint lui annoncer la fin du déluge. Le monde païen mériterait bien un se­cond déluge, mais Dieu va se contenter du déluge de. sang, de sueur et de larmes qui va inonder les membres de Jésus au pied des oliviers, et l'ar­bre symbolique sera de nouveau le témoin de la réconciliation.

C'est là quelques jours plus tard que Notre-Seigneur fera ses derniers adieux à ses disciples en leur laissant la paix avec son Père, qu'il ira nous concilier en lui présentant son sang, ses stigmates et tous les mérites de sa Passion.

Répondons par notre amour à l'amour du Cœur de Jésus qui s'offre en sacrifice pour nous: Dilexit me et tradidit semetipsum pro me (Gal., 2, 2).

Résolution. - Je veux aller aussi à Gethsémani pour prier. J'y vais en esprit. J'ai besoin de beaucoup prier, pour obtenir mon pardon, pour me préparer aux sacrifices journaliers de cette vie, pour le salut de mes frères. Seigneur, donnez-moi l'esprit de prière, unissez-moi à la prière et aux réparations de votre Sacré-Cœur.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

11 Mars
La priere et l'agonie a Gethsémani

Assumpsit Petrum et Jacobum et Joan­nem secum: et coepit pavere et taedere. Et ait illis: Tristis est anima mea usque ad mortem; sustinete hic et vigilate. Et cum processisset paululum procidit super ter­ram et orabat, ut si fieri posset transiret ab eo hora (S. Mars, 14, 33).

Il prit Pierre, Jacques et Jean avec lui: et il commença à craindre et à souffrir. Et il leur dit: Mon âme est triste jusqu'à la mort; attendez ici et veillez. Et s'avançant un peu, il se prosterna à terre et priait pour que cette heure s'éloignât, si c'était possible (S. Marc, 14, 33).

1er Prélude. O sainte tristesse, causée surtout par nos fautes, vous nous avez rachetés.

2e Prélude. Seigneur Jésus, enseignez-moi la prière, la contrition, le courage dans le sacrifice.

Ier POINT: La tristesse. - Cette tristesse, Jésus l'a voulue. Il est de­scendu volontairement au jardin de Gethsémani où devait commencer sa Passion. Il savait que ce serait là surtout la passion du cœur, en atten­dant celle du corps, qui viendrait le lendemain. Il voulait subir ces an­goisses qui auraient leur part d'efficacité dans notre rédemption.

Il est saisi par cette tristesse, dès qu'il s'est agenouillé. Elle est profon­de, intense, infinie. Quel spectacle de voir un Dieu trembler, frémir, lut­ter contre une oppression mortelle! Mais il voulait prendre sur lui toutes les faiblesses et les souffrances de notre nature.

D'où vient cette frayeur, cet accablement? Il y a les souffrances horri­bles de la Passion qui vont commencer; mais il y a surtout le poids et la responsabilité de nos péchés; il y a la froideur de ses apôtres, notre ingra­titude, l'endurcissement des juifs, la trahison de Judas, et l'enfer qui subsisterait encore pour beaucoup d'âmes rebelles à la grâce.

Il voulait aussi expier tous nos découragements et toutes nos faibles­ses.

C'est une agonie d'amour pour son Père et d'amour pour nous. Il souffre de voir son Père offensé et de voir nos âmes souillées et exposées à l'enfer.

C'est la Passion de son cœur, en attendant celle de son corps.

IIe POINT: La prière. - En apparence, Jésus prie pour lui-même. En réalité, il prie pour nous, pour nous donner l'exemple de la prière et pour nous obtenir le pardon, la rédemption et toutes les grâces de sancti­fication.

«Ce n'est pas un malade qui prie pour lui-même, dit saint Augustin, c'est un médecin qui prie pour nous, ses malades. Ce n'est pas un mal­ heureux qui supplie, c'est un miséricordieux qui prie pour les malheu­reux».

Notre-Seigneur veut nous enseigner que c'est dans la prière qu'il faut chercher la consolation dans les jours de tristesse et d'angoisses. Il nous apprend que pour bien prier, il faut se retirer dans la solitude et s'éloi­gner du tumulte des hommes et de leur commerce; que notre prière doit être faite dans une attitude respectueuse et dans un profond sentiment d'humilité et d'anéantissement devant la Majesté divine: procidit in faciem suam.

Il nous enseigne encore par son exemple que nous devons en priant donner à Dieu le doux nom de Père pour toucher son cœur; que nous devons aussi prier avec une entière soumission aux desseins de Dieu, en subordonnant pleinement notre volonté à la sienne: «Mon Dieu, que vo­tre volonté se fasse et non la mienne».

Il répète la même prière jusqu'à trois fois, pour nous faire comprendre que Dieu veut être prié avec insistance et avec persévérance.

C'est tout un code de la prière. Combien cet exemple a déjà soutenu d'âmes éprouvées; combien il en a sauvées du découragement!

O Jésus! permettez que je contemple longuement et pieusement votre prière. Vous vous agenouillez. Vous regardez le ciel en demandant grâ­ce, vous vous prosternez en prononçant le fiat. Vous fondez en larmes en considérant nos péchés, nos ingratitudes et l'enfer qui nous menace.

Que sont mes prières en regard de vos prières divines? Ne sont-elles pas quelquefois un outrage à Dieu par leur tiédeur? Oh! pardon, Seigneur! Que ferai- Je pour réparer? j'offrirai vos prières mêmes et les sup­plications de votre Cœur à votre Père, puisque vous vouliez bien les fai­re pour moi et en réparation des miennes.

IIIe POINT: Les reproches. - Les apôtres privilégiés eux-mêmes ont succombé au sommeil. Ils n'arrivaient pas à comprendre la gravité du moment où ils se trouvaient.

Notre-Seigneur s'adresse d'abord à saint Pierre: «Simon, tu dors, tu n'as pu veiller une heure avec moi?». Le bon Maître ajoutait: «Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas en tentation».

Après une longue prière. Notre-Seigneur revient et les trouve encore endormis. Il ne dit rien cette fois, il voit que c'est inutile.

Une troisième fois il revient. Il leur parle d'abord ironiquement: «Dormez maintenant», leur dit-il, puis il se reprend et il leur dit: «Levez-vous et allons, voici venir le traître!».

Les reproches du bon Maître sont charitables, répétés, pressants. C'est l'attitude d'un bon supérieur.

Mais combien Jésus souffre de cette apathie de ses amis. Il en prévoit les conséquences. Les grandes épreuves vont venir, ils ne seront pas prêts, ils seront sans force pour y résister. Tous s'enfuiront. Saint Pierre reviendra, mais pour renier son Maître.

Seigneur, combien de fois j'ai attristé votre Cœur aussi en ne priant pas ou en priant mal! Vous en considériez les conséquences. J'allais me trouver sans force en face de graves dangers.

Oh! je le comprends aujourd'hui, toutes mes fautes ont été causées par l'insuffisance de mes prières.

Pardon, ô mon bon Maître, réveillez-moi aujourd'hui définitivement!

Résolution. - Deux grandes leçons ressortent de cette contemplation, j'ai un besoin infini de prière, de prière fervente, recueillie, ardente; j'ai aussi un besoin infini de larmes, de repentir, de contrition aimante. Jé­sus pleurait les péchés des hommes ses frères. Je veux pleurer d'abord les miens et exprimer aussi quelque réparation au Cœur de Jésus pour tous les outrages qui lui sont faits.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

11 Mars
Le 3e dimanche de carême

======Des moyens de se fortifier contre les passions et contre les embuches de l’ennemi

Cum fortis armatus custodit atrium suum, in pace sunt ea quae possidet, si autem fortior eo superveniens vicerit eum, universa arma ejus auferet in qui­bus confidebat et spolia ejus distribuet. Qui non est mecum contra me est et qui non colligit mecum dispergit (S. Luc, 11, 21).

Lorsqu'un homme fort et armé garde sa maison, tout ce qu'il possède est en sû­reté. Mais s'il en survient un autre plus fort que lui, qui le surmonte, il lui enlève­ra toutes ses armes dans lesquelles il se confiait et il partagera ses dépouilles. Ce­lui qui n'est point avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille point avec moi, dissipe (S. Luc, 11, 21).

1er Prélude. Notre-Seigneur a chassé le démon muet et il nous enseigne comment nous garderons notre âme en sûreté.

2e Prélude. C'est dans l'union avec vous, Seigneur, que sera ma force, confirmez-moi dans cette union.

­

Ier POINT: La force de l'âme dans la lutte dépend de la force même de ses inten­tions. - L'Evangile de ce jour est un reproche adressé par Notre­ Seigneur à l'incrédulité des juifs. Il leur fait voir que ses œuvres prou­vent assez qu'il vient de Dieu et réfute l'opinion répandue malicieuse­ment par les Pharisiens et qui expliquait son pouvoir sur les possédés par l'action même d'un prince de l'enfer. Il guérit le possédé muet, mais à cette occasion, il enseigne que l'âme guérie de ses mauvaises habitudes doit veiller sur elle-même parce que le démon tentera de reprendre son empire.

Il faut se représenter le cœur humain comme une place assiégée par deux puissants ennemis: la concupiscence mauvaise, effet du péché, et la malice de l'enfer. Garder son âme entre ces deux ennemis, dont les atta­ques sont incessantes, tel est le combat à soutenir pendant la vie d'épreu­ve. Ces ennemis, on les combat par la vertu, mais comment affermir la vertu pour qu'elle puisse résister à tant d'attaques. Cette fermeté dé­pend de la solidité de nos intentions et résolutions.

Le fort armé qui veille sur ses possessions, est l'âme chrétienne armée des intentions surnaturelles qui soutiennent la vertu. Il est nécessaire que la force soit puisée dans des intentions surnaturelles, car «Celui qui n'est pas avec moi, dit Notre-Seigneur, est contre moi». Ce sont les in­tentions directrices des actions humaines qui supportent tous les com­bats, toutes les luttes intérieures.

Le calme temporaire dans lequel peut se trouver une âme pourrait fai­re naître une sécurité dangereuse, si l'on n'était attentif à nourrir avec soin ces intentions dans lesquelles réside toute la force de résistance d'une âme.

Les vertus purement naturelles n'ont aucune solidité, parce que la na­ture est corrompue. «Celui qui n'amasse pas avec moi dissipe», dit Notre-Seigneur. L'âme unie au Cœur de Jésus sera la plus forte.

IIe POINT: Le meilleur moyen d'acquérir une force supérieure à celle des tenta­tions est de s'unir et de s'abandonner entièrement à Notre-Seigneur et à son divin Cœur. - Les motifs surnaturels sont les seules armes dans lesquelles une âme soucieuse de ses intérêts éternels puisse mettre sa confiance. Et par­mi ces motifs, les plus puissants sont ceux qui excitent le plus Notre­-Seigneur à prendre part au combat et qui nous apportent ainsi le secours d'une grâce plus abondante.

Notre-Seigneur offre sa grâce à tous, mais bien que sa grâce soit gra­tuite, il ne la distribue ordinairement que proportionnellement aux ga­ges qu'il reçoit. Il faut donc juger les sentiments qu'il éprouve envers les âmes dans cette distribution des grâces d'après ceux d'un bon père de fa­mille envers les gens de sa maison. Un bon père de famille aidera et défendra toujours tous les siens; mais dans les dangers pressants, il prêtera un secours plus prompt et plus puissant à son épouse, à ses enfants, qu'à ses serviteurs. Parmi ces derniers, il protégera avec plus d'empressement et plus efficacement ceux qui se sont rendus plus chers à son cœur par leur affectueux dévouement et par leurs soins. En dernier lieu, viendront les esclaves, qui ne se montrent fidèles et exacts que par peur du châti­ment.

Dans quelle catégorie nous placerons-nous? Il ne dépend de personne de devenir une épouse, ce choix est réservé au Maître. Mais il dépend de nous de devenir ses enfants affectueux. La seule condition à remplir, c'est de s'abandonner tout entier à Notre-Seigneur et de se confier à son divin Cœur, comme un petit enfant s'abandonne à sa mère, de se don­ner généreusement à lui, avec amour, dans le seul but de lui plaire, et de lui prouver son amour comme il lui plaira de le demander.

Lorsque la générosité ne va pas jusqu'à l'abandon, lorsque le souci des droits qu'on veut avoir sur son maître, fait qu'on laisse dominer en soi, malgré une affection réelle, la préoccupation de la récompense atta­chée à ses services, on se classe parmi les serviteurs. Et si l'intérêt domi­ne l'affection, on descend au rang de mercenaire et d'esclave.

IIIe POINT: La sécurité contre les attaques de l'ennemi sera donc en proportion directe des dispositions du cœur. - Lorsqu'il n'y a rien dans un cœur, qui ne soit totalement à Notre-Seigneur, parce que ce cœur lui-même s'est donné avec ses affections et ses désirs. Notre-Seigneur est lui-même le Fort armé, qui garde son bien avec un soin jaloux.

En résumé, il faut voir dans cet Evangile une invitation à veiller aux intérêts de notre âme. Il faut le faire avec sollicitude, en s'armant d'ar­mes si puissantes qu'aucune autre n'en puisse triompher. Il ne faut donc pas mettre sa confiance en sa vertu passée, en son énergie propre. La concupiscence et le démon ont facilement raison de ces armes qui déri­vent de la confiance en soi-même et de l'orgueil. La grâce est le rempart inexpugnable entre tous et on n'entre dans la place forte que par les in­tentions surnaturelles et la vie en Notre-Seigneur, dans la soumission à nos supérieurs, à nos règles, à toute volonté divine. L'union à Notre-­Seigneur s'accroît par le lien d'affection. quand une âme s'est donnée sans réserve au Cœur de Jésus, sa cause devient celle de Notre­-Seigneur. Plus de don de soi-même est complet et généreux, plus il assu­re ce secours puissant contre lequel viennent se briser les passions et les embûches de l'ennemi.

«Celui qui n'est pas avec moi est contre moi et celui qui ne recueille pas avec moi, dissipe».

Résolution. - Le fort armé, c'est l'âme chrétienne soutenue par les in­tentions surnaturelles, sa force réside dans ces intentions. Cette force est d'autant plus grande que l'âme est plus unie au cœur de Jésus. Je veux donc resserrer de plus en plus cette union en élevant aujourd'hui à un degré plus haut mes intentions habituelles, en me montrant plus attentif, plus soigneux, plus délicat à bien faire toutes choses et à les offrir à Notre-Seigneur comme des gages d'amour.

Colloque avec Notre-Seigneur.

12 Mars
L'arrestation:
Jésus et Judas

Adhuc eo loquente, ecce Judas unus de duodecim venit, et cum eo turba multa, cum gladiis et fustibus, missi a principi­bus sacerdotum et senioribus populi. Qui autem tradidit eum dedit illis signum di­cens: Quemcumque osculatus fuero, ipse est, tenete eum (S. Mat., 26, 47).

Il parlait encore et Judas, un des douze vint, avec une foule de gens armés de glai­ves et de bâtons, envoyés par les princes des prêtres et les anciens du peuple. Le traître avait donné ce signe: Celui que j'embrasserai, c'est lui, saisissez-le (S. Mat., 26, 47).

1er Prélude. Quelle scène pénible! Judas vient trahir le Fils de Dieu par un baiser!

2e Prélude. Pardon, Seigneur, pour toutes mes trahisons. Donnez-moi la grâce de vous consoler désormais par ma conversion.

Ier POINT: Judas et son Hypocrisie. - Les derniers mots de Jésus avaient été: «Voici que l'heure approche où le Fils de l'homme sera livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons; celui qui doit me trahir ar­rive».

Il parlait encore et Judas parut.

Il avait pris un détachement de la cohorte romaine préposée à l'ordre dans les jours de fêtes, et les satellites des grands prêtres, avec une foule tumultueuse armée d'épées et de bâtons, et munie de flambeaux et de lanternes. Quel déploiement de forces! Ces gens avaient besoin de se sentir nombreux pour être plus audacieux et plus féroces.

Judas avait dit: «Celui que j'embrasserai, c'est lui, saisissez-le et emmenez-le avec précaution». Quelle stupidité! Il avait vu tant de mira­cles! Il devait savoir que si Jésus voulait user de sa puissance miraculeu­se, ce ne sont pas cinq cents hommes qui l'arrêteraient.

Judas marchait en avant. Il s'avança rapidement vers Jésus et lui dit impudemment: «Maître, je vous salue», et il l'embrassa.

Il n'y avait plus en lui ni honte, ni remords, et Satan était entièrement le maître de son cœur.

Quel horrible personnage! Et dire que je lui ressemble en quelque chose quand je pèche, surtout quand je montre quelque hypocrisie et quand je communie sans les dispositions voulues.

L'acte de Judas est un sacrilège. Ai- Je toujours respecté tout ce qui est sacré, personnes et choses?…

IIe POINT: Jésus et la générosité de son Cœur. - Combien Jésus est doux et bon dans cette circonstance! Il ne refuse pas le baiser sacrilège, qui profane son visage divin. Il dit à Judas avec une émotion profonde et une douceur céleste: «Mon ami, pourquoi es-tu venu?». Quel crime abo­minable tu viens accomplir! «Judas, tu trahis le Fils de l'homme par un baiser!». Chacun de ces mots devait retentir comme un coup de foudre dans le cœur de Judas.

Quel contraste! d'un côté, toute la patience et la bonté d'un Dieu; de l'autre, toute la dureté de cœur d'un traître et d'un sacrilège.

La troupe ignoble qui suivait Judas hésite un moment, Mais Jésus s'avance vers elle: «Qui cherchez-vous, dit-il. - Jésus de Nazareth? - C'est moi». Ils tombent comme frappés de la foudre. Jésus leur dit de se relever. «Saisissez-moi, leur dit-il, mais laissez aller mes disciples».

C'est toujours la bonté de son Cœur qui se manifeste. Il sauve ses apôtres, qu'il destine à fonder l'Eglise. Il avait dit dans sa prière à son Père: «De ceux que vous m'avez donnés, je n'en ai perdu aucun, sauf le fils de perdition».

Simon-Pierre frappe un serviteur du grand prêtre. Jésus arrête cette lutte et il guérit le blessé.

«Ne faut-il pas, dit-il à saint Pierre, que la volonté de mon Père s'exé­cute, et que je boive le calice que mon Père me donne? Si je priais mon Père pour échapper à cette violence, ne croyez-vous pas qu'au lieu de douze apôtres faibles et craintifs, il m'enverrait douze légions d'anges? Mais comment alors s'accompliraient les Ecritures, qui ont prédit qu'il en devait être ainsi?».

Jésus veut tout accomplir, tout ce qui importe à notre salut. Il le veut, il le désire vivement, il a hâte d'y arriver. Aussi se livre-t-il volontiers à cette tourbe qui vient l'arrêter.

O merveille incompréhensible de la bonté divine! Le Cœur de Jésus est tout amour.

IIIe POINT: Le désespoir. - La passion dominante de Judas, ce qui l'avait porté à son crime, c'était une basse avarice, un attachement vio­lent aux biens de la terre. Il s'était d'abord attaché à Jésus dans l'espé­rance de voir se former un royaume terrestre où il aurait un poste lucra­tif. Puis voyant que les choses prenaient une autre tournure, il avait fait ses réserves en volant à la caisse commune. Enfin croyant la cause de Jésus perdue, pour se faire des amis dans l'autre camp, il a vendu son maître. Il ne croyait pas cependant que les choses iraient jusqu'à une condamnation à mort et quand on en vint là, il eut regret, il se découra­gea. Il aurait voulu rompre son marché, mais les pharisiens ne s'y prêtè­rent pas. Il se livra au désespoir.

Ah! s'il s'était repenti! Jésus lui aurait pardonné. S'il avait pleuré comme saint Pierre, il aurait retrouvé son rang d'apôtre et ses prorogati­ves. Le Cœur de Jésus est si bon! O tendresse ineffable de notre Sau­veur! s'écrie saint Augustin. O nomen, sub quo nemini desperandum! O nom de miséricorde, Jésus-Sauveur, nom sous la protection duquel il y a tou­jours lieu d'espérer!

Que de fois je pêche par manque de confiance. Je ne vais pas jusqu'aux extrémités où s'est porté Judas, mais je n'ai pas la confiance simple et fidèle qui obtient le repentir et le relèvement. Je ne vais pas au Cœur de Jésus, j'essaie de me relever de moi-même et je me traîne de chute en chute, sans joie et sans espérance.

Résolution. - En voyant le péril où peut conduire un défaut entretenu secrètement, je renouvelle aujourd'hui ma résolution de bien faire mes confessions et mon examen particulier quotidien. Je resterai toujours dans la crainte vive d'offenser mon Sauveur et de le trahir. Je renouvelle mon amende honorable au Sacré-Cœur de Jésus pour les crimes de tous les Judas.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

13 Mars
L'arrestation:
les soldats et les pharisiens

Jésus itaque sciens omnia quae ventura erant super eum, processit et dixit eis: Quem quaeritis? - Responderunt ei: je­sum Nazarenum. - Dixit eis Jésus: Ego sum. - Ut ergo dixit eis; Ego sum, abie­runt retrorsum, et ceciderunt in terram (S. Joan, 18, 4).

Jésus sachant tout ce qui doit lui arriver s'avança et leur dit: Qui cherchez-vous? - Ils répondirent: Jésus de Nazareth. - Jésus leur dit: C'est moi. - Dès qu'il leur eut dit: c'est moi, ils reculèrent et ils tom­bèrent à terre (S. Jean, 18, 4).

1er Prélude. Jésus pouvait tout arrêter, il ne le veut pas. Il va au devant de la mort par amour pour nous.

2e Prélude. Seigneur, je ne saurais trop méditer sur la miséricorde de votre Cœur. Augmentez en mon cœur la foi et la charité.

Ier POINT: Les ennemis. - Qu'y a-t-il dans cette troupe qui s'avance contre Jésus-Christ? - Il y a d'abord des soldats romains, des archers. Ils obéissent aveuglément et brutalement aux ordres qui leur sont don­nés. Ils n'en comprennent pas tout le caractère odieux et n'en prévoient pas les conséquences.

Ils sont impressionnés du caractère insolite de cette arrestation.

Il y a les valets des pharisiens, excités par leurs maîtres et qui mar­chent pour un salaire. Il y a aussi quelques bandits à tout faire, recrutés par les sectaires.

Derrière eux, marchent honteusement quelques prêtres et pharisiens, les plus haineux, les meneurs, qui sont là pour encourager et soutenir toute la bande.

Jésus-Christ rencontre toujours les mêmes ennemis: la haine sectaire, les inconscients et la tourbe immorale.

Le Cœur de Jésus est miséricordieux quand même pour tout ce mon­de. Il veut laisser dans leur cœur une semence de conversion.

Il renverse les soldats, mais il les relève et les empêche de faire violen­ce aux apôtres. Il défend à ceux-ci de se servir de leurs armes et il guérit Malchus.

Ce n'est pas aux soldats qu'il fait des reproches, c'est aux meneurs, aux prêtres, aux pharisiens.

Il se livre aux mains des soldats et des gardes, comme un agneau sans défense. Sa douceur devrait les désarmer. Ils s'en souviendront plus tard et quelques-uns sans doute seront parmi les convertis, comme le centu­rion du calvaire.

IIe POINT: Les reproches aux pharisiens. - Jésus reproche aux juifs avec fermeté mais aussi avec douceur leur conduite injuste et révoltante à son égard.

Vous venez à moi, leur dit-il, comme si j'étais un voleur. Vous ame­nez toute une troupe de soldats et de valets, armés de glaives et de bâ­tons. Mais je suis ici désarmé et occupé à prier. Si vous trouviez ma doc­trine opposée à la loi divine, il fallait m'arrêter sur le fait. J'enseignais chaque jour au temple. Je ne me cachais pas. Je m'asseyais au milieu de vous et je parlais clairement et loyalement. Vous ne m'avez rien repro­ché. Pourquoi me traiter maintenant comme un voleur?

Il ajoute quelques paroles sévères, capables de les faire réfléchir.

Je pourrais, dit-il, braver votre impuissance. Vous l'avez vu, tout à l'heure, par la chute de vos soldats. Mais je vous laisserai faire. C'est vo­tre heure, l'heure de la puissance des ténèbres et de l'enfer dont vous n'êtes que les aveugles instruments. En obéissant à son inspiration, vous n'êtes, après tout, que les exécuteurs d'une volonté supérieure. Vous réalisez les prophéties en préparant la mort du juste, dont le sacrifice doit sauver les âmes de bonne volonté: Hoc factum est, ut adimplerentur Scripturae prophetarum.

Même en ce moment d'angoisse Jésus enseigne ses ennemis. Il veut réveiller leur foi et préparer leur repentir.

Pour le moment, ils ne sont accessibles à aucun bon sentiment, mais plus tard quelques-uns réfléchiront.

Une tristesse profonde attendait encore là le Cœur de Jésus. Les apo­tres s'enfuirent. Ils sont troublés, ébranlés dans leur foi malgré tous les avertissements que Jésus leur a donnés. Ils ne songent plus qu'à mettre leurs personnes en sûreté.

Nous laissons trop souvent aussi faiblir notre foi en voyant les épreu­ves de l'Eglise. Laissons passer l'heure des ténèbres, l'Eglise a des pro­messes de victoire.

IIIe POINT: La volonté divine. - Jésus n'a qu'une ligne de conduite: faire la volonté de son Père; accomplir tout ce qui a été préparé pour le salut du monde. C'est l'unique loi de son Cœur sacré.

En se livrant aux soldats, il protège ses apôtres, parce qu'il avait an­noncé qu'il les préserverait de tout péril pendant sa vie: «Ceux que vous m'avez donnés, avait-il dit à son Père, je n'en laisserai perdre aucun» (S. Jean, 18, 9).

Saint Pierre veut lutter contre les agresseurs. Mais non, dit Notre-Seigneur, remets ton épée dans le fourreau; est-ce que je me refuserais à boire le calice que mon Père m'a préparé?

Il ajoute: «Tu peux bien penser que si je demandais à mon Père des légions d'anges pour me défendre, il me les enverrait. Mais alors com­ment s'accompliraient les prophéties?». Isaïe n'a-t-il pas dit que le ré­dempteur serait conduit à la mort comme un agneau et qu'il garderait le silence comme un mouton qui se laisse tondre? (Is., 53).

Il dit encore aux pharisiens: «Vous êtes venus me prendre avec vos gardes. Vous avez pu le faire, parce que c'est votre heure, l'heure où mon Père laisse agir la puissance des ténèbres, pour accomplir la pro­phétie de Jérémie, qui a dit: «Le Christ a été pris à cause de nos péchés» (Lament, 4, 20).

Notre-Seigneur veut accomplir toute la volonté de son Père et toutes les prophéties messianiques. Je veux aussi me consacrer tout entier à la volonté de Dieu.

Résolution. - Deux mots, Seigneur, caractérisent votre arrestation: l'amour de votre divin Cœur pour nous, et la conformité aux volontés de votre Père. Telles doivent être mes résolutions: bonté et charité pour tous, même pour les ennemis; conformité à la volonté divine, facilement connue.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

14 Mars
L'arrestation:
saint Pierre et les apôtres

Respondit Jésus: Dixi vobis quia ego sum: si ergo me quaeritis, sinite hos abi­re: Ut impleretur sermo quem dixit: quia quos dedisti mihi non perdidi ex eis quemquam (S. Joan, 18, 8).

Jésus répondit: Je vous ai dit que c'est moi: si c'est moi que vous cherchez, lais­sez aller ceux-là. Pour accomplir la parole qu'il avait dite à son Père: Ceux que vous m'avez donnés, je n'en ai perdu aucun (S. Jean, 18, 8).

1er Prélude. Notre-Seigneur se livre lui-même, mais il protège ses apôtres, il les dé­fend.

2e Prélude. Seigneur, votre bonté pour vos apôtres ne se dément pas un instant. C'est votre Cœur qui manifeste sans cesse sa charité.

Ier POINT: Saint Pierre. - Il a beaucoup aimé Jésus, mais avec les défauts de son caractère, la fougue et l'inconstance. Son dévouement et son amour pour Notre-Seigneur se manifestent vivement quand il voit les soldats romains et les juifs porter la main sur lui. Il a un glaive, il s'en sert. Il frappe à la tête le pauvre Malchus et lui coupe l'oreille.

Notre-Seigneur a permis cela. Il saisit l'occasion pour nous dire que ces moyens-là ne sont pas les siens. S'il voulait établir son royaume par la force, il n'aurait pas besoin de nous. Ses anges en auraient bientôt fini avec les récalcitrants. Mais son règne est celui de l'amour. C'est par la patience, la charité, la douceur que nous devons gagner les âmes.

Nous ne devons pas être des révolutionnaires. Nous devons respecter l'autorité et obéir tant qu'elle ne nous demande pas des actes injustes. «Remets ton glaive dans le fourreau, dit Notre-Seigneur à saint Pierre. Celui qui prendra les armes périra par les armes».

L'ardeur de saint Pierre devait être d'ailleurs bien éphémère. Il va s'enfuir avec les autres. Il reviendra, mais ce sera pour renier son bon Maître.

Aimons Jésus vivement mais fortement. Oublions-nous. Entretenons son amour par le souvenir des bontés de son Cœur, de ses souffrances, de ses bienfaits. Alimentons cet amour en nos cœurs par des actes, par des sacrifices.

IIe POINT: Jésus et ses disciples. - Que Notre-Seigneur est beau dans toute cette scène! Il proclame que son règne est un règne d'amour. «Faut-il frapper?» demandent les disciples. «Non, leur dit-il, arrêtez­ vous», et il guérit Malchus.

C'est en priant, en souffrant, en répandant des bienfaits que l'Eglise s'établira et se dilatera. Nous l'oublions trop souvent encore. Nous som­mes loin de la charité que Notre-Seigneur attend de nous et qui triom­pherait de tous les obstacles.

Obéissance et abandon à la volonté de Dieu. «Ne faut-il pas boire le calice que mon Père m'a préparé?».

Il veut boire ce calice parce que son Père le veut, mais il le désire aussi parce que c'est notre salut. Les missionnaires qui ont l'amour de la croix sont ceux qui gagnent les âmes.

Il s'abandonne entièrement à la volonté de son Père. Il pourrait tenter la lutte armée, comme les Macchabees. Il pourrait aussi appeler des lé­gions d'anges à son secours.

Mais il ne veut rien que la volonté de son Père. Il laisse son Père con­duire les événements pour l'accomplissement des prophéties. Et si son Père lui présente un calice amer, il l'accepte, il l'aime, parce qu'il y voit la volonté de son Père, la réparation envers son Père, le salut et la ré­demption des âmes.

Dans un moment si grave pour lui, il est encore tout occupé de former ses apôtres, de les instruire, de leur donner l'exemple. Il les aime tant! Il leur est si dévoué!

Où est ma confiance en Dieu et mon abandon à la Providence? Les événements me troublent. Je pense sans cesse aux moyens humains. J'oublie que la prière et le sacrifice sont les grands instruments du salut, et qu'il n'arrive rien que ce qui a été prévu et permis par Dieu.

Notre-Seigneur nous enseigne encore là à rendre le bien pour le mal. Il guérit ce juif grossier qui venait l'arrêter.

Le Cœur de Jésus est tout charité. Et le mien?

IIIe POINT: Contraste. - Autant Jésus est bon pour ses disciples, au­tant ils sont ingrats pour lui.

Il pense plus à eux qu'à lui-même. Les soldats romains qui ne le con­naissaient pas auraient pu s'attaquer aux apôtres. Mais lui s'avance au premier rang et leur dit: «Qui cherchez-vous? - C'est moi». Processit et dixit eis: Quem quoeritis? Il reprend: «C'est moi, je vous le répète; si c'est moi que vous cherchez, prenez-moi, mais laissez ceux-là s'en aller en paix».

Les apôtres avaient eu un moment de courage. Ils voulaient imiter saint Pierre et ils dirent: «Maître, faut il frapper?». Feu de paille. Un moment après, ils s'enfuirent tous. Saint Jean seulement suivit de loin. Ils auraient pu faire tous comme saint Jean.

Il n'y a pas longtemps que Thomas disait aux autres: «Allons en Judée avec lui et mourons pour lui». Tous ces beaux serments sont oubliés. Quel contraste! Du côté de Jésus, il n'y a rien que fidélité, amour, dé­vouement; du côté des apôtres, il y a bien un mouvement de bonne vo­lonté, mais il est bientôt suivi de l'inconstance, de la peur, de l'amour-­propre, de l'ingratitude.

Ils n'avaient pas encore reçu la force et l'amour du Saint-Esprit. Moi, j'ai reçu toutes les grâces possibles et je n'en suis pas moins lâche et ingrat. C'est que je ne cultive pas ces grâces, je n'en profite pas, je re­tombe toujours dans la vie naturelle et lâche.

Résolution. - Jésus est charité. quand le comprendrai- Je? Quand répondrai- Je à ses avances? O Jésus, prenez mon pauvre cœur et réchauffez-le dans le vôtre. La charité doit être entretenue. Il faut que je vive en votre présence, en union avec votre Cœur sacré et dans la médi­tation de vos mystères.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

15 Mars
Jésus chez Anne

Cohors ergo et tribunus et ministri ju­daeorum comprehenderuntjesum et liga­verunt cum. Et adduxerunt eum ad An­nam primum: erat enim socer Caïphae qui erat pontifex anni illius (S. Joan, 18, 12).

La cohorte et son tribun et les valets des juifs prirent Jésus et le garrottèrent. Et ils le conduisirent d'abord chez Anne. C'était le beau-père de Caïphe, grand­prêtre de cette année-là (S. Jean, 18, 12).

1er Prélude. O divin Maître, vous avez subi là un odieux soufflet qui vous rappela tous nos péchés. Pardonnez-nous!

2e Prélude. Seigneur, mettez en m on cœur un profond repentir et agréez l'amende honorable que je veux offrir aujourd'hui à votre Cœur sacré.

Ier POINT: Les pontifes. - Anne avait été grand prêtre; après lui, ce furent ses fils, puis son gendre. Les Romains l'avaient déposé, mais de fait il continuait à diriger le Sanhédrin sous ses successeurs. Il avait donc eu la plus grande part dans tout ce qui arrivait. C'est lui qui excitait les envieux contre Jésus.

Caïphe de son côté, haineux et cruel, avait depuis longtemps médité la mort de Jésus. C'est lui qui avait donné ce conseil aux juifs, «qu'il est ex­pédient qu'un homme meure pour le peuple». Il avait fait une prophétie sans en comprendre le sens (S. Jean, 18, 14).

Anne habitait près de Caïphe, et on conduisit Jésus chez lui, pendant que le Sanhédrin se préparait chez Caïphe.

Voilà les juges de Notre-Seigneur, des hommes ambitieux et avares, obséquieux pour les païens, et désireux surtout de rester aux honneurs pour en avoir les profits. Un prophète ne peut que les gêner, ils ont be­soin de la protection de Pilate et ils sont prêts à tout sacrifier pour la con­server.

Notre-Seigneur s'humilie jusqu'à accepter ce jugement. Il est là seul, sans amis. Saint Jean seulement l'a suivi de loin.

Quelle leçon de générosité, de dévouement, de soumission à la volonté de son Père!

IIe POINT: L'interrogatoire. - Anne s'arrogea le droit de faire subir un interrogatoire préliminaire à Notre-Seigneur pendant qu'on préparait le Sanhédrin.

Il interrogea donc Jésus touchant ses disciples et sa doctrine. Il espé­rait par ses questions captieuses arracher à Notre-Seigneur des réponses compromettantes, pour s'en prévaloir devant le Sanhédrin.

Mais Jésus déjoua ses ruses. Il sait que cet interrogatoire n'est pas conforme au droit national, il ne répond pas aux questions du pontife. Il les élude. «J'ai toujours parlé en public, dit-il; j'ai enseigné dans les sy­nagogues et le temple où tous les juifs s'assemblent. Je n'ai rien dit en se­cret. Interrogez ceux qui m'ont entendu, ils savent ce que j'ai dit».

Anne aurait voulu obtenir l'aveu de quelque projet de réforme reli­gieuse, l'énoncé d'une doctrine nouvelle, ou des plaintes contre les chefs religieux du peuple, contre les usages des pharisiens. Il est bien déçu. Il ne saura rien.

Notre-Seigneur ne veut pas que nous résistions à la justice de notre pays, mais il ne veut pas non plus que nous nous prêtions aux caprices des tyrans qui agissent en dehors de la légalité. Il faut concilier le devoir et la dignité.

Quelle heure pénible pour Notre-Seigneur! Il est là, abandonné de tous, devant un prêtre indigne, devant un prétendu juge, qui agit contre le droit, et qui n'a au cœur que haine et fiel.

Le juge des vivants et des morts s'humilie jusqu'à supporter cet inter­rogatoire.

Ne devait-il pas se soumettre lui et sa doctrine au jugement des siècles à venir? Tous les critiques, tous les impies, tous les orgueilleux jouent le même rôle que ce pontife. Notre-Seigneur supporte toujours cet orgueil. Il me demande aujourd'hui docilité, confiance, amende honorable.

Seigneur, pardonnez-moi mes doutes et mes critiques. Je veux les ré­parer par un redoublement de confiance et de piété filiale.

IIIe POINT: Le soufflet. - Sur cette réponse de Jésus au pontife, qu'il ne trouvait pas assez respectueuse pour celui à qui elle s'adressait, l'un des satellites ou des serviteurs qui étaient là, donna brutalement un souf­flet à Jésus, en s'écriant: «Est-ce ainsi que tu réponds au grand prêtre?». Il savait que sa grossièreté plairait au pontife.

La loi juive interdisait ces offenses et les punissait, mais il n'y avait plus de loi dans ce milieu de haine et de colère.

Jésus supporta tout comme un agneau, en disant avec calme: «J'ai répondu selon mon droit et selon la vérité, pourquoi me frappez-vous?». O Jésus, je me jette à vos pieds pour réparer cet affront. Je voudrais recevoir ce soufflet à votre place. Moi, j'en mérite des milliers.

Mais hélas! ne suis- Je pas moi-même l'auteur de ce soufflet? Ce valet est moins coupable que moi. Chacun de mes péchés a été un soufflet pour vous. Et moi, je sais qui vous êtes, je sais ce que je fais. Mes fautes sont plus graves que celle de ce valet que je trouve cependant si odieuse. C'est vraiment pour moi aujourd'hui un jour de deuil, de tristesse, de repentir; la méditation de ce soufflet m'impressionne profondément. Qu'ai- Je fait, Seigneur, quand je vous ai offensé tant de fois? Comment ferez-vous pour me pardonner? Vous ne pourrez pas dire à votre Père que je ne savais pas ce que je faisais.

J'ai confiance cependant, parce que vous avez souffert ce soufflet pour expier tous ceux que vous receviez de moi. Pardonnez-moi.

Résolution. - Pardon, Seigneur, pour tous mes péchés passés. Impri­mez profondément dans mon cœur la haine du péché. Donnez-moi la grâce d'offrir aujourd'hui et tous les jours de ma vie à votre divin Cœur une amende honorable bien sincère et bien cordiale.

Colloque avec Jésus chez le pontife.

16 Mars
Jésus devant Caïphe

Et adduxerunt Jesum ad summum sa­cerdotem: et convenerunt omnes sacerdo­tes, et scribae et seniores… Summi vero sacerdotes, et omne consilium, quaere­bant adversus Jesum testimonium, ut eum morti traderent et non inveniebant (S. Marc, 14, 53).

Ils amenèrent Jésus au grand-prêtre, et on réunit les prêtres, les scribes et les an­ciens… Les grands-prêtres et tout le con­seil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le condamner à mort et ils n'en trouvaient pas (S. Marc, 14, 53).

1er Prélude. Des juges iniques, des faux témoins, des valets grossiers, voilà tout ce que Jésus a voulu subir pour nous.

2e Prélude. Je sens bien, ô Jésus, que mes péchés sont cause de tout cela; donnez-moi l'esprit de réparation envers votre Cœur sacré, peiné et outragé.

Ier POINT: L'interrogatoire. - Contre toutes les règles, le procès se dé­roule au milieu de la nuit. Tout le Sanhédrin est là, saturé de haine. Ils sont bien décidés à prononcer la condamnation à mort. Ils ont préparé de faux témoins. Ils avaient envoyé les jours précédents des espions assi­ster aux prédications de Jésus.

Les témoins défilent et ne tombent pas d'accord. Cependant en voilà deux qui disent quelque chose d'approchant. «Nous lui avons ouï dire, atteste le premier: Je puis détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours». - «Cet homme a dit, atteste le second: Je détruirai ce temple bâ­ti de la main des hommes et en trois jours j'en rebâtirai un autre». Ce n'était ni exact, ni concordant. Jésus avait dit de son propre corps: «Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours». Cependant le grand­-prêtre veut voir là un mépris du temple et une prétention à un pouvoir magique. Il dit à Jésus avec colère: «Tu ne réponds rien à ces accusa­tions?». Et Jésus se taisait. Admirable silence, magnifique témoignage de patience, de douceur, d'abandon à la volonté de Dieu!

Jésus n'avait rien à répondre à de pareils témoins. Leurs témoignages sont faux et ne concordent pas. Les juges le sentent bien. Jésus se tait. Il ne veut pas s'opposer à la condamnation. Il a soif d'être jugé, condamné et mis à mort à notre place.

IIe POINT: Le Christ, fils de Dieu. - Ce silence accusateur de Jésus, plus éloquent que tout ce qu'il aurait pu dire, troublait et inquiétait la conscience des juges. Caïphe voulut le rompre à tout prix. Les accusa­tions des témoins le confirmaient dans la pensée que Jésus se donnait pour le Messie. Il voulut le contraindre à en faire l'aveu. Il lui dit donc solennellement: «Je t'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, Fils de Dieu». Jésus sait que sa réponse affirmative entraînera un arrêt de mort; mais il ne veut pas se soustraire à une sommation juridi­que. Il répond dignement: «Tu l'as dit, je le suis». C'est comme s'il di­sait: «Je suis bien le Messie attendu, celui que les prophètes vous ont an­noncé. Vous devriez le reconnaître et le proclamer. Au lieu de cela, vous allez me condamner à mort, mais cette mort même me fera entrer dans ma gloire, et je vous jugerai à mon tour».

Et il ajoutait: «Vous verrez donc un jour le fils de l'homme, assis à la droite du Dieu tout-puissant, et venant sur les nuées du ciel, pour juger les vivants et les morts».

A ces mots, le grand prêtre, feignant de surprendre le Sauveur en fla­grant délit de blasphème, déchira son vêtement et s'écria: «Il a blas­phémé, que vous en semble? Qu'avons-nous encore besoin de témoins?». Tous se levèrent et s'écrièrent, comme autant de possédés: «Il est digne de mort».

Mais Jésus n'a-t-il pas prouvé sa mission par ses miracles? C'est cela qu'ils devraient examiner et ils n'y songent pas.

O mon bon Maître, oui, je le crois, vous êtes le Christ, Fils de Dieu. Je le reconnais, je vous adore, je vous fais amende honorable pour ces outrages qui vous sont prodigués chez Caïphe. Hélas! ma vie a été sou­vent une négation de votre autorité. Pardonnez-moi, je me prosterne à vos pieds et je les embrasse.

IIIe POINT: Les impropères. - Les gardes et valets qui étaient là n'ont plus de retenue, quand ils voient que Jésus est condamné comme blasphémateur. Ils se livrent contre lui aux violences les plus grossières. «Ils lui crachent au visage; et ceux qui le tenaient, le frappent en le rail­lant, ils lui voilent la face, le soufflettent et le meurtrissent en lui disant: Christ, prophétise et dis-nous qui t'a frappé; et ils proféraient contre lui d'autres blasphèmes».

Tout cela était l'accomplissement de ce qui avait été prédit par le pro­phète Isaïe: «Je tendis mon dos à ceux qui me battaient et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe; je n'ai point détourné mon visage des outrages et des crachats de l'ignominie; je suis resté en leur présence, ferme comme le rocher; je sais que je ne périrai point» (Is., 50, 6).

O mon bon Maître, c'est moi qui ai mérité tout cela. C'est pour ex­pier mes fautes que vous le subissez. Permettez que je vous soulage de mon mieux par mes témoignages d'amour. Pour chaque outrage, je voudrais vous rendre cent marques de dévouement, de fidélité et d'affec­tion.

Je voudrais me mettre entre vous et vos insulteurs et recevoir à votre place les outrages qu'ils vous prodiguent.

Acceptez dans cette intention tous les actes de sacrifice et d'amour que je pourrai faire aujourd'hui.

Résolution. - Votre silence, ô mon bon Maître, me donne une leçon de patience et d'abandon. L'affirmation de votre mission me jette à vos pieds. Oui, vous êtes mon Dieu et mon tout. Mais les outrages que vous recevez me vont particulièrement au cœur. J'en suis responsable pour une si grande part! Pardonnez-moi et acceptez les faibles réparations que j'offre à votre divin Cœur.

Colloque avec le bon Maître.

16 Mars
Les cinq plaies

Venit Jésus, januis clausis, et stetit in medio et dixit: Pax vobis. Deinde dicit Thomae: Infer digitum tuum huc, et vide manus meas, et affer manum tuam et mit­te in latus meum, et noli esse incredulus sed fidelis (S. Joan, 20, 26).

Jésus vint, les portes étant fermées, il se tint au milieu d'eux et dit: La paix soit avec vous. Puis il dit à Thomas: Mets ton doigt ici et vois mes mains, et approche ta main et mets-la dans mon côté, et ne sois plus incrédule, mais fidèle (S. Jean, 20, 26).

1er Prélude. Le doute de Thomas vous a peiné, ô Jésus. Avec l'Eglise, je vénère et je baise vos cinq plaies.

2e Prélude. Permettez, Seigneur, que de la méditation de ce mystère, je tire un ac­croissement d'esprit d'amour, de pénitence, de réparation.

Ier POINT: Le doute de saint Thomas. - Saint Thomas a déjà reçu bien des témoignages de la résurrection de Jésus. Il a entendu les saintes fem­mes, puis saint Pierre, puis tout le groupe des apôtres qui ont déjà reçu une fois sans lui la visite du Sauveur.

C'est assez, il devrait croire. Son doute est blessant pour Notre-­Seigneur. Il exprime son doute d'une manière très sceptique; «Si je ne vois dans ses mains la trace des clous, dit-il, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas». Hélas! que de chrétiens font la même injure à Notre-Seigneur! Il y en a des millions. Ils ont assez d'éléments pour croire raisonnablement, mais ils attendent je ne sais quelle preuve surabondante, et en attendant ils ne font rien pour Notre-Seigneur. Ils semblent l'ignorer. Quelle immense injure pour Notre-Seigneur! Quelle peine profonde pour son Cœur aimant!

Et moi-même, j'ai assez de motifs de foi pour être saint, pour vivre dans la ferveur, dans l'union avec Notre-Seigneur, dans la pratique des conseils de perfection. Mais, je n'en fais rien, qu'est-ce que j'attends? Quand me déciderai- Je? J'offense chaque jour Notre-Seigneur. Attendra-t-il le réveil de ma foi?

Pardon, Seigneur, pour tant d'indifférence, de lâcheté et de tiédeur. Je crois, mais augmentez ma foi.

IIe POINT: La condescendance du bon Maître. - Soudain Jésus apparaît au milieu des apôtres, dans sa majesté et sa bonté. Il intervient pour gué­rir Thomas de ses doutes. Pax vobis! La paix soit avec vous! dit-il. C'est le salut habituel de Jésus à ses amis, salut affectueux et vraiment effica­ce. Thomas ose à peine en croire ses yeux. Il est troublé.

C'est surtout pour lui que Jésus apparaît aujourd'hui. Il vient accom­plir un miracle moral, le changement des dispositions de Thomas, et c'est par ses cinq plaies que Jésus veut faire ce miracle. Il s'adresse de suite à Thomas: «Viens, lui dit-il, mets ton doigt là, vois mes mains; ap­proche ta main et mets-la dans mon côté», dans ce côté ouvert par la lan­ce et où l'on sent battre le plus aimant des cœurs, - «et ne sois plus in­crédule mais fidèle».

Les apôtres regardent et attendent. Thomas va-t-il pousser plus loin l'incrédulité et toucher les plaies du Sauveur? Non, il s'est jeté à genoux, et il s'écrie: «Mon Seigneur et mon Dieu!». Notre Seigneur avait répon­du directement aux paroles de doute qu'il avait formulées. rien ne pou­vait l'impressionner davantage.

C'est là le commencement de la dévotion aux cinq plaies, qui a prélu­de à celle du Sacré-Cœur. Notre-Seigneur avait voulu nous montrer l'efficacité de ses plaies. Elles ont un très grand rôle dans la mystique chrétienne. Ce sont les sources mystérieuses par lesquelles a coulé le sang rédempteur.

Elles étaient figurées par les sources du paradis terrestre, qui portaient partout la fécondité et la joie.

Elles ont été prophétisées par Isaïe: «Vous boirez aux sources du Sau­veur». Elles apparaissent dans l'Apocalypse sous la forme des sources qui coulent sous les pieds de l'Agneau divin.

Elles ont été reproduites dans les membres bénis de quelques saints, comme saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne. Elles sont l'objet d'une des dévotions traditionnelles de l'Eglise.

IIIe POINT: Heureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru. - Saint Tho­mas a exprimé sa foi: «Mon Seigneur et mon Dieu!». Mon Seigneur, c'est le fils de l'homme, c'est le Christ, c'est le Messie. Mon dieu, c'est le Fils de Dieu, c'est le Verbe incarné.

La foi est complète et explicite. «Tu es heureux, Thomas, lui dit Notre-Seigneur, tu as vu et tu as cru; mais plus heureux, c'est-à-dire plus méritants, seront ceux qui croiront sans avoir vu».

Je devrais être de ceux-là, Seigneur. Je n'ai pas vu vos plaies, mais j'ai tant de motifs de foi: le témoignage de l'Evangile, l'Eglise et ses grâ­ces, les saints, l'action surnaturelle toujours vivante dans l'Eglise.

Et n'ai- Je pas pour ainsi dire touché du doigt votre action et votre grâ­ce, dans mille circonstances de ma vie, soit en moi-même soit dans les âmes avec lesquelles j'ai été en rapport?

Ne serais- Je pas plus coupable que Thomas, si je n'avais pas une foi vive? Et pourquoi ma foi est-elle encore si faible, si inerte et presque morte? Je crois, mais je vis comme si je n'avais pas la foi.

Je veux aujourd'hui demander le miracle de ma conversion aux cinq plaies. Je les contemple en esprit. J'en approche mes lèvres. Je voudrais boire à ces sources l'eau vivifiante dont parle saint Jean.

Résolutions. - Mon Seigneur et mon Dieu! je veux puiser à vos plaies le breuvage du salut. Soyez condescendant pour moi comme pour saint Thomas. Prêtez-moi vos mains et vos pieds pour que j'y colle mes lè­vres. J'ai tant besoin de forces. J'oserai même m'approcher de votre Cœur pour y puiser le repentir et la ferveur. Pardonnez-moi!

Colloque avec Notre-Seigneur.

17 Mars
Le reniement de saint Pierre

Accesserunt qui stabant et dixerunt Pe­tro: Vere et tu ex illis es, nam et loquela tua manifestum te facit. Tunc coepit dete­stari et jurare quia non novisset homi­nem. Et continuo gallus cantavit Et recor­datus est Petrus verbi Jesu… et egressus foras flevit amare (S. Mat., 26, 73).

Ceux qui étaient là s'approchèrent et dirent à Pierre: Tu étais de ceux-là aussi, car ton dialecte te trahit. Alors il com­mença à protester et à jurer qu'il ne con­naissait pas cet homme; et aussitôt le coq chanta. Et Pierre se rappelant les paroles de Jésus sortit et pleura amèrement (S. Mat., 26, 73).

1er Prélude. O saintes larmes de Pierre, vous m'avez souvent ému et édifié, touchez encore aujourd'hui mon cœur.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi la grâce de pleurer aussi, j'en ai plus besoin que saint Pierre.

Ier POINT: Le reniement. - Saint Pierre s'était d'abord enfui comme les autres, puis il revint vers saint Jean, qui suivait la bande sacrilège. Saint Jean put entrer de suite chez les pontifes, il y avait des relations. Il fit bientôt entrer saint Pierre, qui était resté à la porte.

Saint Pierre n'était guère maître de lui-même, il était oppressé par la peur et par la tristesse. Il était effrayé pour son Maître qui allait être con­damné; il était effrayé pour lui-même.

Il allait et venait dans cet atrium, tantôt se chauffant au milieu de la cour avec les soldats et les gardes, tantôt allant vers la porte, comme pour s'en aller, tantôt se rapprochant de la salle du tribunal pour voir et entendre où on en était.

Dans ces allées et venues, il est reconnu ou soupçonné et interrogé, une fois par la portière, une fois par un groupe de soldats et de valets, une autre fois par un autre groupe. Vous êtes, lui dit-on, un des disciples de cet homme qu'on juge? Il nie, il se défend, il finit parjurer, avec des exécrations et des anathèmes, qu'il ne connaît pas cet homme là.

Jésus lui avait prédit tout cela.

«Pierre, lui avait-il dit, tu me renieras trois fois, avant que le coq ait chanté pour la seconde fois».

Le coq chanta et chanta encore, l'heure s'avançait, et Pierre se sou­vint et trembla.

IIe POINT: Le regard dé Jésus. - Cependant la première phase du pro­cès s'achevait. L'interrogatoire avait eu lieu. Les juges avaient feint l'in­dignation, déchiré leurs robes et quitté la salle. La valetaille avait frap­pe, souffleté et insulté Jésus. Les gardes se mirent à le conduire au ca­chot pour attendre le jugement du lendemain matin. Mais pour aller au cachot, il fallait traverser l'atrium.

Jésus passa, traîné par ses gardes Pierre était là affalé, broyé par les impressions, enfiévré par la frayeur et regardant machinalement ce qui se passait. Son regard rencontra celui de Jésus, et ce fut un coup de fou­dre, mais un coup de foudre bienfaisant.

Oh! que de choses signifiait ce regard!

Il résumait tout un discours en un instant. C'était le regard d'un Dieu, d'un père, d'un ami, d'une victime. Ce regard disait: «Pierre, qu'as-tu fait? Tu m'as renié, moi ton Dieu, moi ton Seigneur et Maître! Tu m'as renié malgré tous mes bienfaits et malgré toutes tes promesses! Tu m'as renié, malgré notre amitié! Pierre, que fais-tu donc là? Pendant que je souffre et que je suis humilié pour toi; pendant que je conquière par mes souffrances ton salut, tes privilèges, ta gloire éternelle, tu t'ou­blies, et tu m'oublies; tu causes avec ces gens qui n'ont que de mauvais sentiments à mon égard. Oh! Pierre, qu'as-tu fait? Tu es bien coupable. Cependant, je t'aime encore, vois-tu, je te pardonne, je ne te retire pas mon amitié. Fais seulement pénitence et tout est réparable…».

Oui, ce regard disait tout cela.

Et Pierre était broyé. Il se serait bien jeté aux pieds du Maître, mais il ne le pouvait pas; le Maître passait rapide, entraîné par les gardes. Pierre pleura. Il commença à pleurer et il devait pleurer souvent et longtemps. Et saint Jean le recueillit et pleura avec lui.

IIIe POINT: Le repentir. - Peu à peu, Pierre put formuler son repen­tir. Il le déversait abondamment avec ses larmes. Il l'exprimait à Dieu, il en faisait part à saint Jean.

Ce ne fut pas un repentir ordinaire. Ce fut le don des larmes, comme Madeleine l'avait reçu. Pierre devint un repenti pour toute sa vie. Il a été fidèle à la grâce du repentir. Et quand, chaque jour, il se rappelait en priant le regard de Jésus, il fondait de nouveau en larmes. Ce regard avait vaincu son cœur pour toujours.

Oh! ce regard et ce repentir, comme je voudrais y avoir part! Comme j'en ai besoin, moi! Je suis bien plus coupable que Pierre. Dans ces évé­nements dramatiques, si précipités, si affreux, après une journée d'émo­tions et une nuit de frayeur, il n'était plus maître de lui-même. La peur diminue la liberté.

Mais moi, j'offense Notre-Seigneur tous les jours, froidement et sciemment, par ma tiédeur, par mon ingratitude et par des fautes positi­ves.

Seigneur, je sollicite votre regard. Je vous demande résolument le don des larmes. Je suis bien coupable, eh bien! la miséricorde de votre Cœur en sera plus glorifiée. Seigneur, ayez pitié de moi!

Résolution. - Aujourd'hui, mes résolutions seront un examen. Que de reniements j'ai commis, dans ces longues périodes de tiédeur, dans mes concessions à la nature et au monde! Ce n'est pas une soirée seulement que j'ai faibli, c'est tant de fois! Pardon, Seigneur donnez-moi le repen­tir. Je vous offre toutes mes actions en réparation. Je fais amende hono­rable à votre Cœur blessé.

Colloque avec Jésus souffrant.

18 Mars
Saint Gabriel, archange

Missus est angelus Gabriel a Deo in ci­vitatem Galileae cui nomen Nazareth, ad virginem desponsatam viro cui nomen erat Joseph de domo David et nomen vir­ginis Maria. Et ingressus angelus ad eam dixit: Ave gratia, plena (S. Luc, 1, 26).

L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Naza­reth, à une vierge mariée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David et la vierge s'appelait Marie. Et l'ange en entrant lui dit: Je vous salue, pleine de grâces (S. Luc, 1, 26).

1er Prélude. Saint Gabriel est l'ange de la rédemption. Il l'a annoncée à Daniel; il l'a préparée en annonçant la naissance de Jean-Baptiste et celle de Jésus.

2e Prélude. Saint Archange, obtenez-moi un accroissement d'amour pour Jésus et Marie.

Ier POINT: L'archange Gabriel et le prophète Daniel. - Au temps du roi Darius, Daniel priait avec une ferveur admirable pour le salut du peuple d'Israël. Il se faisait victime de pénitence pour son peuple. Il jeûnait, il portait le cilice et se couvrait de cendres. Comme Notre-Seigneur, dont il était la figure, il se regardait comme chargé des péchés du peuple.

«Seigneur, disait-il, nous avons péché, nous nous sommes éloignés de vos commandements, nous avons désobéi aux prophètes qui nous par­laient en votre nom. Nous sommes exilés et dispersés, ce n'est que justi­ce. Les maux qui pèsent sur nous, avaient été prédits par Moïse et les prophètes. Nous n'avons pas fait pénitence, nous n'avons pas prié, nous ne nous sommes pas convertis. Malgré cela, Seigneur, ne voudrez-vous pas nous faire miséricorde? Vous avez tant fait pour nous, vous nous avez tirés de l'Egypte par votre puissance. Maintenant, nous reconnais­sons nos fautes, pardonnez-nous. Nous recourons à votre miséricorde qui seule peut nous sauver, Exaucez-nous, ne tardez pas…».

Il priait encore, le saint prophète, humblement prosterné le front à terre, que l'ange Gabriel, vint le toucher à l'épaule, le releva et le conso­la en lui disant: «Dieu a entendu ta prière, il a abrégé et fixé le temps de la délivrance de tous les hommes du joug du péché. Après soixante dix semaines d'années, le Christ viendra, il rachètera les hommes par sa mort et il fondera un peuple nouveau et un culte nouveau».

Prions comme Daniel pour les péchés du peuple et invoquons saint Gabriel, le messager des grâces divines.

IIe POINT: Saint Gabriel et le prêtre Zacharie. - Comme Daniel, le prê­tre Zacharie était un homme de prière et de pénitence. Sa ferveur était grande, quand c'était son tour d'offrir l'encens dans le Saint des saints. Il sentait qu'il était alors le représentant de tout le peuple d'Israël et il demandait a Dieu le salut pour le peuple et la rédemption. L'ange Ga­briel vint à lui, comme il était venu à Daniel, il lui apparut à droite de l'autel et lui dit: «Ne crains pas, Zacharie, ta prière est exaucée. Le Sau­veur viendra bientôt et le fils que Dieu va te donner sera son précurseur. Il lui préparera les voies, il convertira une partie du peuple. Il sera puis­sant en paroles comme Elie et il exhortera efficacement le peuple a la pé­nitence».

Zacharie était soutenu par les prières des pieux habitués du temple. Il eut quelque doute cependant, et l'ange Gabriel l'en reprit en lui annonçant la peine par laquelle il expierait ce doute. Il devait rester muet jusqu'à la naissance de l'enfant de la promesse. Mais la miséricor­de divine ne retirait pas sa promesse, et le salut allait venir.

Prions avec Zacharie et avec le peuple pieux. Demandons miséricor­de. Humilions-nous. Confessons nos péchés et ceux de notre peuple. Saint Gabriel, l'ange des miséricordes divines reçoit nos prières et les porte au trône de Dieu. Quand nos prières et nos pénitences seront deve­nues suffisantes, la bonté divine donnera à son Eglise une nouvelle effu­sion des grâces de la rédemption. Prions l'ange Gabriel d'appuyer nos suppliques.

IIIe POINT: L'ange Gabriel et Marie. - Quelques mois plus tard, une autre prière allait toucher le cœur de Dieu. La Vierge Marie, à Naza­reth, redisait avec plus de ferveur et d'efficacité encore, la prière de Da­niel et de Zacharie.

Elle demandait à Dieu le salut du peuple, elle appelait de tous ses voeux la venue du Messie, elle pleurait les péchés des hommes qui offen­saient la Majesté divine. Sa prière avait une autorité spéciale, parce qu'elle était la fille de David.

L'ange Gabriel présentait cette douce prière devant le trône de Dieu et il fut chargé d'un nouveau message de miséricorde. Il vint à Nazareth et accomplit ce mystère qui a gardé le nom de l'Annonciation.

Il salua Marie avec ces mots célestes que nous appelons la salutation angélique: Ave gratis plena - je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes.

Saint Gabriel est l'ange de Jésus et de Marie, leur messager, leur chambellan. Il est l'ange de la rédemption, l'ange du Sacré-Cœur. Comment ne l'aimerions nous pas? Il nous a apporté trois fois la bonne nouvelle, il aime donc beaucoup les hommes, spécialement ceux qui prient et qui font pénitence.

Il nous a appris la belle salutation à Marie, que nous redisons tant de fois chaque jour. Unissons-nous souvent à lui. Disons la salutation ange­lique avec lui. Nous le charmons quand nous la disons bien. Aucun ange du ciel ne paraît s'intéresser davantage à notre salut. en annonçant l'in­carnation, il a salué le premier le Sacré-Cœur dans le sein de Marie.

Résolution. - Ange glorieux, enseignez-moi à bien servir Jésus et Ma­rie. Ce que vous aimez, ce sont les hommes de désir, vous l'avez dit à Da­niel. Demandez pour moi à Jésus et Marie que je sois un homme de de­sir. Je m'unirai particulièrement à vous pour dire l'Ave Maria et pour saluer le Cœur de Jésus dans son incarnation.

Colloque avec l'ange Gabriel.

18 Mars
4e dimanche de carême:
la confiance en Dieu

Dixit ergo Jésus: Facite homines di­scumbere. Erat autem foenum multum in loco. Discubuerunt ergo viri, numero quasi quinque millia. Accepit ergo Jésus panes: et cum gratias egisset, distribuit di­scumbentibus: similiter et ex piscibus quantum volebant (S. Joan, 6, 10).

Jésus dit: Faites asseoir ces hommes. Il y avait là beaucoup de foin. Près de cinq mille hommes s'assirent. Jésus prit donc les pains, et ayant rendu grâces, il les distribua à cette foule; et il leur donna de même des poissons tant qu'ils en voulu­rent (S. Jean, 6, 10).

1er Prélude. Notre-Seigneur a un soin merveilleux de ceux qui le suivent, comment douterions-nous de la bonté de son Cœur et de son secours dans tous nos besoins?

2e Prélude. Seigneur augmentez ma confiance, mon abandon et mon amour pour vous.

Ier POINT: Confiance en la Providence. - La multiplication des pains est un acte de Providence, qui avait pour but de nous encourager à la con­fiance. Quelque temps après ce miracle, Notre-Seigneur en tirait les conséquences: Ne vous laissez donc pas aller au trouble et à l'inquiétu­de, disait-il; votre Père céleste connaît vos besoins. Sa providence s'étend à toute la nature. Il a soin de bien plus petits que vous. Voyez les oiseaux du ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent et cependant la nourri­ture ne leur manque pas; et les fleurs des champs? elles ne filent ni ne tis­sent et cependant elles sont plus brillamment vêtues que Salomon dans sa splendeur.

Bossuet développe éloquemment cette pensée. «Ouvrez les yeux, ô mortels! contemplez le ciel et la terre et la sage économie de cet univers: est-il rien de mieux entendu que cet édifice? Est-il rien de mieux gouver­né que cet empire?…

«Depuis les plus grandes créatures jusqu'aux plus petites, la Providen­ce de Dieu se répand partout. elle nourrit les petits oiseaux qui l'invo­quent dès le matin par la mélodie de leurs chants; et ces fleurs, dont la beauté est si tôt flétrie, elle les pare si superbement, durant ce petit mo­ment de leur vie, que Salomon dans toute sa gloire n'a rien de compara­ble à cet ornement.

Si ses soins s'étendent si loin, vous hommes qu'il a faits à son image, qu'il a éclairés de sa connaissance, qu'il a appelés à son royaume, pouvez-vous croire qu'il vous oublie? Est-ce que sa puissance n'y suffira pas? Mais son fonds est infini et inépuisable: avec cinq pains et deux poissons, il nourrit cinq mille âmes. Est-ce que sa bonté n'y pense pas? mais les moindres créatures sentent ses effets…

Ne voyez-vous pas manifestement que, ne manquant ni de bonté ni de puissance, s'il vous laisse quelquefois souffrir, c'est pour quelque raison plus haute. C'est un père qui châtie ses enfants, un capitaine qui exerce ses soldats.

Cherchez donc sa vérité et sa justice, cherchez le royaume qu'il vous prépare, et soyez assurés sur sa parole que tout le reste vous sera donné, s'il est nécessaire; et s'il ne vous est pas donné, donc il n'était pas néces­saire».

IIe POINT: L'exemple des saints. - Saint François de Sales amenait à bien tout ce qu'il entreprenait. C'est qu'il ne s'appuyait jamais sur son habileté propre, mais se remettait absolument en tout à la Providence. quand tout lui faisait défaut parmi les hommes, c'est alors qu'il attendait tout de Dieu.

«Quand on met toute sa pensée en Dieu, disait-il, et qu'on s'appuie tout entier sur lui en s'appliquant à le servir fidèlement, Dieu prend soin de nous; et à mesure que cette confiance grandit, le soin de Dieu grandit aussi. Il n'y a pas de danger qu'il nous manque parce qu'il a un infini amour pour les âmes qui se reposent en lui».

«Lorsque quelqu'un met toute sa confiance en Dieu, disait saint Vin­cent de Paul, Dieu exerce continuellement une protection spéciale sur lui, et il peut être assuré qu'il ne lui arrivera rien de vraiment fâcheux.

Faites bien attention de ne vous point appuyer, ni fonder grand espoir sur l'amitié et la protection des hommes, parce que d'eux-mêmes ils ne sont pas capables de nous soutenir; le Seigneur nous voyant appuyés sur eux se retire de nous».

«L'entière confiance que l'homme met en moi, a dit Notre-Seigneur à sainte Gertrude, lorsqu'il croit que réellement je puis, je sais et je désire le secourir dans toutes les occasions, me ravit le cœur et me fait violence, au point que je suis comme obligé de le satisfaire, en obéissant au grand amour que je lui porte».

IIIe POINT: Dans l'adversité. - «Celui, dit S. Charles Borromée, qui sert Dieu de tout son cœur et, rejetant tout intérêt propre et humain, ne cherche que sa gloire, doit toujours attendre un heureux succès de ses ac­tions et surtout dans le temps où tout est humainement désespéré».

«Si nous sommes dans quelque péril même grand, disait S. Ambroise,

ne perdons point courage; mais confions-nous entièrement au Seigneur, parce que là où le péril est plus grand, là aussi est plus grand le secours de celui qui se fait appeler le protecteur dans le temps de nécessité et dans la tribulation: Adjutor in opportunitatibus, in tribulatione» (Ps. 9).

«C'est dans les grandes nécessités, disait aussi saint Vincent de Paul, qu'il y a lieu de faire voir si vraiment nous mettons notre confiance en Dieu. Croyez-moi: trois ouvriers font plus que dix quand Dieu y met la main; et il la met chaque fois qu'il nous ôte les moyens humains et nous appelle à faire des choses au-dessus de nos forces».

Tout le secret, répétons-le, c'est celui que Notre-Seigneur a dit à sain­te Gertrude: Il faut obliger Notre-Seigneur à nous aider, à nous secou­rir. Il faut qu'il y soit oblige, forcé par son amour, parce qu'il aime nécessairement ceux qui lui donnent leur cœur et leur confiance, ceux qui sont intimement persuadés qu'il peut et qu'il veut les secourir dans tou­tes les occasions, surtout dans les circonstances difficiles où les moyens humains sont impuissants.

Résolutions. - J'ai compris, Seigneur, ne permettez plus que je l'ou­blie. Je veux vous aimer par dessus tout et j'ai la ferme confiance que vous m'aiderez pour tout ce qui est de ma sanctification et de ma mis­sion, parce que ma confiance et mon abandon toucheront votre divin Cœur.

Colloque avec le Sacré-Cœur.

19 Mars
Saint Joseph

Haec autem eo cogitante, ecce angelus Domini apparuit in somnis ei dicens: Joseph, fili David, noli timere accipere Ma­riam conjugem tuam, quod enim in ea natum est, de Spiritu Sancto est. Pariet autem filium et vocabis nomen ejus je­sum (S. Mat., 1, 20).

Comme saint Joseph réfléchissait, l'an­ge du Seigneur lui dit en songe: Joseph, fils de David, ne crains pas de recevoir Marie ton épouse, car celui qu'elle a conçu est du Saint-Esprit. Elle mettra au monde un fils et tu l'appelleras Jésus (S. Mat., 1, 20).

1er Prélude. Joseph prie, il cherche la volonté de Dieu et l'ange le rassure.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, d'imiter un peu saint Joseph dans sa sainteté, dans son union avec vous et avec Marie.

Ier POINT: Le Juste. - C'était un juste, c'est-à-dire un saint, dit l'Evangile. «C'est un saint de choix, dit Monseigneur Gay, un saint à part, le plus caché de tous les saints; tout de Dieu, tout en Dieu. C'est un saint en qui reluisent toutes les vertus à un degré suréminent: il est pur, il est humble, il est doux, il est soumis à Dieu avec un calme et une tran­quillité sereine qui ne connaissent pas d'égal, avec une fidélité qui ignore les retards, les prétextes, les impossibilités. Il est parfaitement abandon­né à la volonté divine: on lui dit d'aller en Egypte, il y va; d'y rester en attendant un nouvel ordre du ciel, il y reste; de revenir en Galilée, il s'y retire. Toute sa vie est une vie de justice et de sainteté, mais une vie ca­chée; il s'efface, il se tait, l'Evangile ne rapporte de lui aucune parole. Il est élevé à la plus sublime dignité et il garde la plus grande simplicité».

Qu'il fallait être saint pour toucher, porter, élever le Fils de Dieu! Qu'il fallait être juste pour commander au Dieu des justices, pour servir de ga­rantie à l'ineffable vie de Jésus et de Marie!

Comment exprimer ces beautés, ces grandeurs! Elles ne le cèdent qu'à celles de Jésus et de Marie.

Les âmes vraiment grandes, parce qu'elles sont simples et humbles, se font gloire d'avoir pour patron dans le ciel celui qui a été le patron de no­tre Dieu sur la terre.

Quand Joseph a terminé sa mission, quand le temps du silence et de l'ombre est passé, Joseph, sans rien voir des merveilles de la vie publi­que du Sauveur, glisse silencieusement dans l'éternité. Le monde ne parle ni de sa vie, ni de sa mort. «Justus autem quid fecit? Le juste qu'a-t-il fait?» dit David (Ps. 10, 4). «Il veut dire qu'il n'a rien fait pour les yeux des hommes, parce qu'il a tout fait pour les yeux de Dieu. C'est ainsi que vivait le juste Joseph. Il voyait Jésus-Christ et il se taisait; il le goû­tait et il n'en parlait point… Il accomplissait ainsi sa vocation, parce que, comme les apôtres sont les ministres de Jésus-Christ découvert, Joseph était le ministre et le compagnon de sa vie cachée» (Bossuet).

IIe POINT: L'époux. - Joseph le juste, le saint, entre simplement dans les desseins du ciel sur lui et devient époux de Marie par un virginal mariage; époux d'une Vierge, d'une Reine, époux de la Mère de Dieu et de l'Epouse du Saint-Esprit! Mais son cœur est digne d'elle. En son âme se réunissent la foi vive des patriarches, les nobles aspirations des prophètes, les espérances des générations passées. Son cœur est le plus pur, le plus aimant, le plus céleste de tous, après le Cœur-Sacré de Jésus et le Cœur immaculé de Marie.

Joseph est l'époux de la Vierge-Mère, de quel respect il l'entoure! quelle délicatesse, quelle discrétion dans ses rapports avec elle! Il a pris à cœur sa sublime mission de chasteté et d'amour. Et quand il a été averti par l'ange des grands desseins de Dieu sur le fils de Marie, il s'est associé de cœur à la mission de victime de son fils adoptif et il a accepté sans ré­serve toutes les souffrances qui en résulteraient pour lui.

Epoux de Marie! Quel ensemble de grâces ce titre suppose. Joseph a été uni plus que personne au monde avec la Mère de Dieu. Ils ont eu toutes les mêmes vues, toutes les mêmes prières et les mêmes souffran­ces. Les mérites de saint Joseph se rapprochent de ceux de Marie. quelle grandeur et quelle dignité!

IIIe POINT: Le père. - Joseph est père nourricier de Jésus, père légal et père putatif. Il a tout ce qui peut appartenir à la paternité sans blesser la virginité. Il a tous les droits et toute l'autorité d'un père. Il est le chef de la sainte famille. Marie et Jésus le reconnaissent et se soumettent à lui.

A Nazareth, il est bien le maître de la maison. «Il ne craint pas de commander, dit Bossuet, et le Roi de gloire obéit».

Il a les devoirs d'un père: diriger la maison, gagner le pain de la famil­le par son travail et ses fatigues, fournir à Jésus les aliments qui se transformeront en son sang rédempteur.

Il doit veiller sur la mère et l'enfant, il doit les aimer toujours et les consoler dans leurs peines. son cœur est un cœur de père, il a toutes les angoisses de la paternité.

Mais il a aussi les droits d'un père. Il a droit aux soins de Marie et aux caresses de Jésus.

Que de choses sont contenues dans ces quelques mots: les soins de Marie, les caresses de Jésus! Joseph jouissait vraiment du paradis sur la terre.

Quel spectacle que celui de cet intérieur de Nazareth! C'est un coin du ciel, et le meilleur. Comme ils s'aiment, ces trois êtres si excellents et si parfaits! quelles conversations célestes! quelle union des cœurs!

La prière de Joseph, ses larmes, ses travaux, ses privations se perdent dans les prières, les actes et les souffrances de Marie et de Jésus.

Résolution. - O Joseph, j'admire, je loue votre perfection et votre sainteté. Quels exemples et quels mérites! Votre intercession au ciel est toujours écoutée. Le Cœur de Jésus ne peut pas rester insensible à votre prière. Demandez aujourd'hui ma conversion, ma sanctification. De­mandez le pardon de toutes mes fautes et la grâce de correspondre à ce que Notre-Seigneur attend de moi. Fiat! Fiat!

Colloque avec saint Joseph.

20 Mars
Jésus devant le sanhédrin

Et ut factus est dies, convenerunt senio­res plebis et principes sacerdotum et scri­bae et duxerunt illum in concflium suum dicentes: Si tu es Christus, dic nobis. Et ait illis: si vobfs dixero, non credetis mihi (S. Luc, 22, 66).

Dès qu'il fit jour, on réunit les anciens, les princes des prêtres et les scribes, et ils interrogèrent Jésus au Sanhédrin en lui disant: Si tu es le Christ, dis-le nous, et il leur dit: Si je vous le dis vous ne me croi­rez pas (S. Luc, 22, 66).

1er Prélude. Toutes les haines et toutes les convoitises conspirent contre la sainteté et la vérité même.

2e Prélude. Oui, Seigneur, vous êtes le Christ, Fils de Dieu, agréez mes faibles hom­mages en réparation de si indignes outrages.

Ier POINT: Le juge divin. - Ils ont préparé la sentence la nuit, ils se réunissent le matin de bonne heure pour la formuler. Ces gens sacrifient leur sommeil à la haine de Jésus-Christ; et moi, je ne sais pas sacrifier le mien à son amour.

Il y a là les trois états de la nation, les prêtres, les docteurs, les anciens. Tous ont des vues naturelles et terrestres. Les prêtres attendaient un Messie qui les glorifierait, qui détruirait tous les autres cultes et leur fe­rait payer la dîme par le monde entier. Les docteurs attendaient un Mes­sie qui leur révèlerait les secrets de la science et qui attirerait les rois de la terre, comme autrefois Salomon. Les anciens ou l'aristocratie espéraient un Messie qui relèverait leurs familles et les conduirait à la conquête du monde.

Aucun d'eux ne veut reconnaître le Christ dans cet homme humble et doux qui se dévoue aux petits et aux pauvres.

Ils veulent le juger et s'en défaire. Mais Jésus leur déclare qu'il les ju­gera à son tour, quand il sera assis à la droite de son Père.

Ce sont les mêmes passions qui m'éloignent souvent de mes devoirs et de ma vocation: vanité, cupidité, sensualité. Jésus me jugera. Ce sont les humbles, les modestes, les mortifiés, les charitables qui auront un juge­ment favorable. Que puis- Je espérer, si je ne change pas?

IIe POINT: Le témoignage divin. - Pendant la réunion de la nuit, Notre-Seigneur avait déjà affirmé sa divinité. Mais il entrait dans les desseins de la Providence qu'il en rendît un second témoignage, plus for­mel et plus éclatant.

Obligés de faire confirmer leur sentence par le gouverneur romain, les juifs voulaient transformer la question religieuse, qui n'avait aucune im­portance pour Pilate, en une question politique. Ils voulaient lui repré­senter Jésus comme un ambitieux qui, pour jouer son rôle de Messie, voulait se faire proclamer roi et soulever le peuple contre les Romains. De là un nouvel interrogatoire.

«Si tu es le Christ, dis-nous-le clairement». Jésus, lisant dans leurs cœurs et voyant qu'ils ne cherchaient pas la vérité leur dit avec dignité: A quoi bon ces interrogations? «Si je vous le dis, vous ne me croirez pas; si je vous le prouve par mes interrogations, vous ne vous rendrez pas et vous ne me relâcherez pas». Votre parti est pris, vous voulez me conda­mner; mais ma mort sera ma gloire et je viendrai vous juger à mon tour.

Irrités, ils lui dirent avec dédain: «Tu es donc le Fils de Dieu?» et Jésus répondit avec une Majesté qui les troubla: «Vous le dites, je le suis». C'est alors qu'ils feignirent le scandale et répétèrent la condamnation de la nuit.

De cette scène, Seigneur, je retiens par-dessus tout votre témoignage. Vous êtes, dites-vous, le Fils de Dieu. Je le crois, je proteste contre ces juges iniques, qui n'admettent ni votre témoignage, ni vos preuves.

Oui, vous êtes le Fils de Dieu. Je le crois et parce que je le crois, je me jette à vos pieds, je vous adore, je vous fais amende honorable pour la haine et l'orgueil de ces juges.

Mais en réfléchissant, je dois me demander si je n'ai pas été jusqu'ici leur complice. Si j'ai cru à votre divinité, n'ai- Je pas vécu comme si je n'y croyais pas? Comment me suis- Je comporté vis-à-vis de l'Evangile, de ses préceptes et de ses conseils? Quel compte ai- Je tenu de votre pré­sence au ciel et dans l'Eucharistie, de votre grâce, et de ses appels? N'ai­je pas manqué de foi pratique?

IIIe POINT: La croix prépare le triomphe. - Notre-Seigneur nous l'expli­que. «Vous ne me croirez pas, dit-il à ses ennemis, vous ne me répon­drez pas, vous ne me relâcherez pas». C'est-à-dire, vous irez jusqu'au bout de votre haine et de votre injustice. Vous allez me condamner à mort et exécuter la sentence, eh bien! c'est précisément pour cela que mon Père va me glorifier et me faire asseoir à sa droite, dans tout l'éclat de sa gloire et de sa puissance: Ex hoc autem erit Filins hominis sedens a dextris virtutis Dei.

C'est parce que Jésus a voulu souffrir et mourir pour la gloire de son Père et pour notre salut, que son Père le couronne et que nous l'accla­mons comme notre rédempteur.

Oh! comme tout cela est contraire à nos vues naturelles et terrestres!

Jésus dit à Judas: «Fais vite». Il dit à ses apôtres: «J'ai désiré manger la dernière pâque, à laquelle commence ma Passion. - J'ai hâte d'être baptisé dans mon sang…».

Si nous aimions au moins nos petits sacrifices quotidiens: la règle, l'obéissance, la modestie. Cela nous conduirait à aimer la pénitence et la mortification.

Pour Notre-Seigneur quelque chose peut-il nous coûter?

Résolution. - Je le crois et je le confesse, Seigneur, vous êtes le Christ Fils de Dieu; mais cette croyance exige que je vous serve, que je vous ai­me, que je sois docile à vos conseils, fidèle à toutes les exigences de ma vocation et de ma mission et dévoué au règne de votre Sacré-Cœur, au­quel je dois contribuer.

Je crois, Seigneur, mais augmentez ma foi, qui est toujours faible et chancelante.

Colloque avec Jésus au Sanhédrin.

21 Mars
Saint Benoît

Ait Jésus: Si vis esse perfectus, vade, vende quae habes et da pauperibus et ha­bebis thesaurum in coelis, et veni, sequere me (S. Mat., 19, 21).

Jésus dit à l'adolescent: Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor au ciel; viens et suis-moi (S. Mat., 19, 21).

1er Prélude. Notre-Seigneur s'adressait à un adolescent, qui ne voulut pas le com­prendre. Saint Benoît enfant entendit le même appel et il y répondit si parfaitement qu'il devint un grand saint.

2e Prélude. Seigneur, c'est votre Cœur sacré qui me parle et m'invite à vous suivre, selon ma vocation, donnez-m'en aujourd'hui la force et le courage.

Ier POINT: Saint Benoît et le Sacré-Cœur. - La dévotion bénédictine de­vait s'acheminer peu à peu vers la dévotion au Sacré-Cœur. La vie bé­nédictine, c'est la vie de louange et d'amour à Notre-Seigneur. - Saint Benoît devait nous donner plus tard saint Bernard, sainte Gertrude, sainte Mechtilde.

Saint Benoît, dès son adolescence, est épris d'un amour sans limite pout Notre-Seigneur. Il quitte sa famille et ses biens, il se retire dans une grotte sauvage en la solitude de Subiaco. Il vit là caché pendant trois ans. Un pieux ermite connaît seul sa retraite et lui transmet le pain quo­tidien et quelquefois l'Eucharistie.

Qui dira l'intimité de Benoît avec le divin Maître pendant ces trois ans? Quels doux entretiens! quelle union de cœurs!

On peut appliquer à ces années de grâces ce que l'Imitation dit de la vie intérieure: «Apprenez à mépriser les choses extérieures et à vous donner aux intérieures, et vous verrez le royaume de Dieu venir en vous, car le royaume de Dieu est paix et joie dans l'Esprit-Saint. Jésus­-Christ viendra à vous et il vous remplira de ses consolations… Il visite souvent l'homme intérieur, et ses entretiens sont doux, ses consolations ravissantes; sa paix est inestimable et sa familiarité incompréhensible».

Telle fut la vie de Saint Benoît à Subiaco. Il eut ses jours de tentations, mais il surmonta tout pour l'amour de Jésus.

IIe POINT: La perfection. - Saint Benoît voulait à tout prix la perfec­tion, la régularité, la vie surnaturelle et l'union avec Notre-Seigneur. Sa vie solitaire était celle d'un ange.

Les religieux d'un monastère voisin de sa retraite voulaient l'avoir pour abbé. Il s'y refusa longtemps, parce qu'ils étaient tombés dans la tiédeur et que la tiédeur est difficile à guérir. Il leur disait que leur ma­nière de vivre ne pourrait pas s'accommoder avec la sienne. Cependant, comme ils insistaient, il se laissa vaincre et bientôt sa prédiction s'ac­complit.

Il réforma tous les abus qui s'étaient introduits dans le monastère. Il exigeait un grand recueillement dans la prière, une scrupuleuse fidélité dans les moindres exercices; il voulait en un mot que l'on fût religieux par le cœur et non par l'habit et par quelques pratiques extérieures.

Le joug de la perfection est dur si on ne l'embrasse qu'à moitié et si on n'aime pas profondément Notre-Seigneur. Saint Benoît fit donc des mé­contents et l'un d'eux tenta de l'empoisonner. Il quitta ces moines gros­siers et imparfaits.

Mais bientôt Notre-Seigneur lui donna des disciples plus généreux qui vinrent se mettre sous sa direction. Il fonda douze monastères bien régu­liers. Il y avait là des saints et des cœurs bien fervents. Saint Maur et saint Placide faisaient la consolation du saint patriarche.

Ses sacrifices lui méritèrent une postérité égale aux sables de la mer. Il fut béni de Dieu comme Jacob. Son ordre couvrit le monde de monastères et produisit une infinité de saints, de martyrs, de pontifes.

Ses fils spirituels civilisèrent l'Europe. Ils ont été aussi glorieux par la science que par les œuvres.

O sainte fécondité de la perfection! Voulons-nous travailler au règne de Dieu, au règne du Sacré-Cœur? Imitons la régularité, la piété, la mortification de saint Benoît.

Résistons comme lui fermement aux tentations, invoquons-le, il nous aidera à vaincre le démon.

IIIe POINT: Les œuvres. - Saint Benoît a eu aussi la grâce de travail­ler pour les âmes.

Dans sa solitude, il catéchisait les bergers de la montagne. Plus tard, il accepta de faire l'éducation de quelques pieux jeunes gens de Rome, que leurs familles lui confiaient à Subiaco. C'est parmi eux qu'il recruta saint Maur et saint Placide, ses aimables disciples.

Il savait parler courageusement aux grands et leur rappeler leurs de­voirs. Il reprocha au barbare Totila ses déprédations et ses cruautés. Il lui enjoignit de ne pas abuser de ses victoires, spécialement dans l'occu­pation de la ville de Rome.

Quelle variété dans ses œuvres et son action sociale! Ses disciples, dans le cours des siècles, se dévoueront aussi à l'apostolat sous toutes ses formes, suivant les temps et les besoins de l'Eglise.

Il faut prendre des forces dans le recueillement, spécialement chaque matin, et se dévouer ensuite aux œuvres, suivant notre vocation, sui­vant la volonté de Dieu qui nous est connue.

C'est un devoir pour nous aujourd'hui de prier pour la conservation de la vie régulière et monastique à travers les difficultés que lui suscite le démon.

Seigneur, ne privez pas votre Eglise des asiles que vous lui avez don­nés pour mettre ses enfants à couvert des tempêtes du siècle; mais faites qu'en renonçant au monde on s'adonne vraiment à la perfection dans le cloître.

Résolution. - Solitude et perfection, ce sont les deux exemples que me donne saint Benoît. L'amour de la solitude et du silence, c'est le moyen nécessaire pour être uni à Dieu, pour entendre les inspirations de la grâce.

Le zèle pour la perfection, c'est la condition pour travailler avec éner­gie à la correction de mes défauts et à l'accroissement de mon dévoue­ment au Cœur de Jésus et aux âmes.

Colloque avec saint Benoît.

22 Mars
Jésus devant Pilate

Adducunt ergo Jesum a Caipha in praetorium. Erat autem mane: et ipsi non introierunt in praetorium, ut non conta­minarentur sed ut manducarent pascha. Exivit ergo Pilatus ad eos foras et dixit: quam accusationem affertis adversus ho­minem hunc? (S. Joan, 18, 28).

Ils amènent donc Jésus de chez Caïphe au prétoire. C'était le matin: et eux n'en­trèrent pas au prétoire, pour ne pas être souillés et pour manger la pâque. Pilate alla donc vers eux au dehors et leur dit: Quelle accusation portez-vous contre cet homme? (S. Jean, 18, 28).

1er Prélude. Jésus est admirable dans sa dignité et son silence. quel contraste avec la haine des juifs et la lâcheté de Pilate!

2e Prélude. O Jésus, faites que ma ferveur apporte quelque consolation à votre Cœur!

I. POINT: Les Juifs s'abaissent jusqu'à scandaliser les païens. - Tous les chefs de la nation sont là: Anne et Caïphe et tout le Sanhédrin. La haine violente qui les obsède a abrégé leur sommeil. Ils ont déjà tenu leur réu­nion, condamné l'innocent et les voilà chez Pilate qu'ils éveillent avant l'heure.

Ils craignent d'entrer au prétoire un jour de fête et ils ne craignent pas de condamner un juste, quelle hypocrisie!

Dans leur conseil, ils ont accusé Jésus de blasphème; ici, ils le présen­tent comme un séditieux, un perturbateur du repos public. quelle mau­vaise foi!

Ils l'accusent faussement de déconseiller le paiement de l'impôt. Ils savent bien que Jésus a dit tout le contraire.

Et ce sont là les chefs du peuple! les prêtres, les docteurs, les anciens! Ils livrent aux païens celui qui est leur Messie, leur roi, leur Sauveur. Quelle décadence! quelle lâcheté! N'ont-ils pas mérité la réprobation qui va tomber sur eux?

Et moi, est-ce que je ne trahis pas quelquefois mon Sauveur? Je suis connu comme adonné à la piété, et cependant il m'arrive, par faiblesse, respect humain ou lâcheté, de scandaliser les gens du monde.

Les juifs encoururent le mépris de Pilate; est-ce que je n'encours pas quelquefois le mépris des personnes que je devrais édifier?

Combien j'ai lieu de m'humilier et de me repentir pour avoir blessé si profondément le Cœur de Jésus, que j'aurais dû consoler!

IIe POINT: Pilate est incrédule, indifférent et faible. - Pilate n'est pas ex­cusable. Il sait que les juifs sont poussés par l'envie et la haine: «Qu'avez-vous à reprocher à cet homme?» leur dit-il. Il lui en coûte de condamner un innocent, mais il manque de courage. Il cédera donc aux juifs.

D'un autre côté, la sainteté et la majesté de Jésus lui en imposent: «Es­tu vraiment le roi des juifs?» lui demande-t-il: «Oui, dit Jésus, je le suis, mais mon royaume n'est pas un royaume temporel. C'est le royaume de la vérité. Je suis venu sur la terre pour rendre témoignage à la vérité, pour la faire régner et triompher. Ceux qui aiment la vérité écoutent ma voix». Pilate pouvait comprendre. Il a été informé souvent de la sainteté de Jésus et de ses miracles. Il devrait s'incliner devant l'autorité morale de Jésus, s'il avait le souci de la vérité. Mais il est sceptique. Ce qu'il veut, c'est de vivre à son aise parmi les honneurs, les jouissances et les plaisirs mondains. Il répond avec légèreté: «Qu'est-ce que c'est que la vérité?» et il n'attend même pas que Jésus le lui dise. Il ne veut pas être convaincu.

Vanité, légèreté, insouciance, lâcheté, voilà le caractère de Pilate. Hélas je ne suis pas exempt de ces défauts. Ai je pris au sérieux la vé­rité enseignée par Jésus? Ai- Je eu le courage de le suivre, de lui rendre hommage par une vie conforme à ses enseignements? N'ai- Je pas trop partagé l'insouciance du monde?

Oui, légèreté et insouciance, telle fut le plus souvent la caractéristique de ma conduite, je condamnais Jésus et sa loi, sinon en paroles, du moins en pratique, par faiblesse et lâcheté. Après tant de grâces et de lu­mières que j'ai reçues, j'offensais gravement le Cœur de Jésus par mon indifférence à son égard.

IIIe POINT: Attitude de Jésus: sa royauté, son silence. - Jésus est toujours entre les mains de son Père. Il se laisse conduire sans résistance devant un juge païen. Pilate l'interroge: «Es-tu le roi des juifs?». - Oui, je le suis, dit Jésus, mais je ne suis pas un roi perturbateur, car vous n'auriez rien à me reprocher et vous ne m'auriez pas poursuivi, si les juifs n'étaient pas venus m'accuser. Mon royaume est spirituel, c'est le royaume de la vérité.

Après cette affirmation solennelle, qui le met au-dessus de toute accu­sation et de tout procès, Jésus ne parle plus. Il rentre dans le silence, dans l'union à son Père, dans la prière.

Pilate a beau lui poser d'autres questions, Jésus ne répond plus. Il y a là deux grandes leçons pour moi.

Jésus est mon roi spirituel, le roi de la vérité. En ai- Je tenu compte?

Ai- Je bien laissé la vérité, c'est-à-dire l'Evangile et ses préceptes, régner sur toute ma vie et toute ma conduite? N'ai- Je pas écouté la vérité avec la légèreté de Pilate? Oh! que ma foi a été faible jusqu'aujourd'hui!

Jésus est doux, silencieux, résigné. Il est heureux de subir la conda­mnation pour réparer la gloire de son Père et pour sauver nos âmes. Et moi, où en suis- Je de l'acceptation des croix de providence? Suis- Je disposé au silence, à la patience, à la résignation en face des croix que je rencontre?

Résolution. - Seigneur, je n'ai pas été suffisamment jusqu'ici le disci­ple de la vérité, ni l'imitateur de votre silence et de votre résignation. Pardonnez-moi et changez-moi. Il faut que je vive davantage avec vous et en vous, en me conformant aux sentiments de votre Cœur sacré. Il faut qu'à chaque heure du jour je me remette dans cette disposition.

Colloque avec Jésus chez Pilate.

23 Mars
Le royaume de Jésus-Christ

Dixit itaque ei Pilatus: Ergo Rex es tu? Respondit Jésus: Tu dicis quia Rex sum ego. Ego in hoc natus sum, et ad hoc veni in mundum, ut testimonium perhibeam veritati: omnis qui est ex veritate, audit verba mea (S. Joan, 18, 37).

Pilate lui-dit: Tu es donc roi? Jésus ré­pondit: comme tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour ren­dre témoignage à la vérité. Ceux qui ai­ment la vérité entendent mes paroles (S. Jean, 18, 37).

1er Prélude. La royauté de Jésus est bien affirmée, mais c'est une royauté spirituelle.

2e Prélude. Seigneur, acceptez-moi comme un vrai disciple et un sujet docile du royaume de vérité.

Ier POINT: Le royaume de Jésus-Christ, sa nature. - Jésus interrogé régu­lièrement, répond et affirme sa royauté; mais en même temps il met à néant l'accusation des juifs en déclarant que sa royauté n'est pas tempo­relle et qu'elle n'est pas opposée à celle de César: «Mon royaume n'est pas de ce monde», dit-il. Il n'a pas un but terrestre. Mon domaine est spirituel; il s'étend sur les esprits et sur les cœurs. Il a pour but d'ensei­gner la vérité aux hommes. Il étend son empire sur les âmes, non par la force mais par la persuasion, par la foi et la charité.

Si mon royaume était de ce monde, j'aurais fait appel à mes disciples pour me défendre, tout au contraire, je les en ai empêchés.

Je suis un roi désarmé, persécuté, impuissant; mais je régnerai quand même sur les cœurs. Les hommes amis de la vérité viendront à moi. Telle est la royauté de Jésus. Elle ne s'étendra pas comme celle de Ma­homet par la force. Elle gagnera les cœurs par la charité. «Quand j'aurai été élevé de terre (par la croix), avait dit Jésus, j'attirerai tout à moi». Et moi, suis- Je vraiment du royaume de Jésus? Suis- Je gagné par son amour, par sa croix, par son Cœur?

Est-ce ainsi que j'avais compris jusqu'à présent le royaume de Jésus? Ai- Je contribué à l'étendre par la charité?

IIe POINT: Les sujets. - Il en est des sujets comme du royaume lui-même, ils ne sont pas de ce monde. Leurs principes et leur but ne sont pas ceux du monde. Ils ne donnent pas tous leurs soins aux honneurs, à la richesse, au plaisir. Ils ont un bien autre idéal. Leur but est le ciel et leurs pensées sont du ciel. Leurs affections, leurs espérances ne doivent pas être dirigées vers la terre, mais vers le ciel.

Pour être de ce royaume, il faut aimer la vérité. Il faut écouter sa voix lorsqu'elle se manifeste à nous par les leçons de la raison, mais surtout par les enseignements de l'Evangile, par la grâce divine, par la direction que nous recevons de nos supérieurs: qui est ex veritate audit vocem meam. C'est un état d'âme où il faut nous mettre. Il faut que nous soyons en­fants de Dieu et que nous vivions de la vie des enfants de Dieu, vie toute d'obéissance, de docilité et de fidélité.

La Vérité nous enseignera à remplir tous nos devoirs civiques, à ren­dre à César ce qui est à César, à aimer notre prochain, à l'assister dans ses besoins. En quoi cela peut-il troubler les rois de la terre?

Pour les âmes plus généreuses, la Vérité leur demandera d'aimer le détachement du monde, la pauvreté volontaire, l'abnégation de la vo­lonté.

Elle leur demandera d'écouter les douces insinuations de la grâce, d'être attentifs à la présence de Dieu, d'être unis au Cœur de Jésus, de lui offrir toutes leurs actions dans l'esprit d'amour et de réparation. Elle leur inspirera un grand dévouement pour le prochain sous toutes les for­mes que peut embrasser la miséricorde spirituelle et la miséricorde tem­porelle. En quoi cela peut-il troubler la vie sociale?

Et moi, suis- Je vraiment un sujet fidèle et docile du royaume de la Vé­rité? Suis- Je disposé à suivre mon roi généreusement et sans réserve?

IIIe POINT: Les ennemis. - Les cœurs remplis de l'esprit du monde n'ont rien de commun avec le royaume de la Vérité. Ils ne comprennent pas, ils ne goûtent pas cette vérité, dont les enseignements sont tout op­posés à leurs vues, à leurs passions, à leurs habitudes. Ils disent comme Pilate: quid est veritas? Qu'est-ce que la vérité? Ils n'ont pour elle que du mépris et de l'indifférence.

Ils ne sont pas dans les conditions pour recevoir les enseignements de la vérité et pour les comprendre. Il faudrait pour cela l'humilité, le déta­chement des convoitises humaines, la victoire sur les passions, la soumis­sion à Dieu et à sa volonté. Il faudrait encore la paix de l'âme, le calme, la solitude, la réflexion surtout pour entendre les enseignements les plus élevés de la Vérité et ses conseils de perfection.

Et moi, n'ai- Je rien de commun avec ces ennemis de la Vérité? Suis- Je dans les dispositions nécessaires pour la recevoir, pour l'entendre, pour la suivre?

Si je n'ai pas pour elle le mépris de Pilate, n'ai- Je pas trop d'indiffé­rence et d'insouciance?

Combien j'ai laissé perdre jusqu'ici d'enseignements de la Vérité? Si je le voyais clairement, je comprendrais que c'est pour moi un désastre.

Toutes les menaces faites par Notre-Seigneur, dans l'Apocalypse aux évêques d'Asie, s'appliquent rigoureusement à moi.

Résolution. - Celui qui est de la vérité entend ma voix, a dit Jésus. Je veux être de la vérité. Je veux écouter la voix de Notre-Seigneur dans l'oraison, dans le recueillement habituel, dans la paix et la pureté de l'âme. Je veux être un vrai disciple et sujet du Sacré-Cœur. Seigneur, pardonnez-moi. Aidez-moi.

Colloque avec Jésus chez Pilate.

23 Mars
Le précieux sang

Scientes quod non corruptibilibus auro vel argento redempti estis de vana vestra conversatione paternae traditionis, sed pretioso sanguine quasi agni immaculati Christ et incontaminati (1 Ep. S. Petri, 1, 18).

Sachant que ce n'est pas l'or et l'argent corruptibles qui vous ont racheté de votre vie traditionnelle et vaine, mais le sang précieux du Christ, agneau immaculé et sans souillure (1 Ep. S. Pierre, 1, 18).

1er Prélude. L'Eglise nous invite à vénérer le sang précieux de Notre-Seigneur, versé pour nous par son divin Cœur dans sa Passion, soit à l'agonie, soit au calvaire.

2e Prélude. Seigneur, votre sang est bien qualifié par le mot de précieux. C'est le prix infini de la rédemption et de toute grâce, je vous l'offre pour votre gloire, et pour le sa­lut des âmes et le mien.

Ier POINT: Rédemption nécessaire. - «Il n'y a pas de rédemption ou de rémission sans effusion de sang», disait saint Paul aux Hébreux (9, 22). C'est le sentiment et la tradition de tous les peuples. toutes les religions ont des sacrifices. L'homme coupable doit être racheté par un sang pur. Tous les peuples ont vu là un acte parfait de religion et de justice.

Mais Dieu pouvait-il se complaire dans le sang des animaux, s'il n'y avait vu la figure et la préparation d'une victime parfaite et égale à ses droits? L'Agneau divin pouvait seul restaurer l'honneur de Dieu, et il était offert dès le commencement dans ses figures. Abel le représentait, Isaïe le prophétisait dans le détail. Le précurseur nous l'indiquait: Ecce agnus Dei. Et saint Jean dans l'Apocalypse exalte sa victoire.

Voilà celui qui ôte les péchés du monde, parce qu'il porte au degré su­prême le sentiment de la justice divine et qu'il offre à son Père un sacrifi­ce adéquat, son sang divinisé par l'union substantielle à la divinité.

Le sang de l'Homme-Dieu part des veines de l'humanité, coupable dans son ensemble, et porte l'expiation jusqu'à la divinité offensée. Dieu est juste, sa justice ne pouvait se contenter que d'une satisfaction d'un prix infini; Dieu est grand, il ne peut être honoré que par une victi­me aussi grande que lui-même; Dieu est bon, il a trouvé le secret d'effa­cer nos fautes et de nous enrichir de grâces en donnant pour nous le sang de son Fils. Sic enim Deus dilexit mundum! C'est ainsi que Dieu nous a ai­mes!

IIe POINT: Rédemption efficace. - Le sang de Jésus était uni substan­tiellement à la divinité. Quel prix n'avait-il pas? Une seule goutte pou­vait racheter tous les hommes, une seule goutte pouvait nous ouvrir tous les trésors des bénédictions divines.

Oh! que nous sommes riches par ce sang! L'or et l'argent ne sont au­près de lui que de la boue, comme le dit saint Paul.

Le monde actuel est désolé par l'incrédulité, par l'impiété, par la cor­ruption, mais le sang rédempteur est là. Offrons-le à Dieu sans nous las­ser et sans nous décourager. Il crie miséricorde mieux que le sang d'Abel.

«La fontaine, dit Zacharie, est ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour laver tous les péchés» (Zach., 13, 1). La fontaine est ouverte, portons-y les pécheurs par nos prières, en at­tendant que nous puissions les y conduire par l'apostolat.

La fontaine est ouverte, présentons-y aussi les justes, pour qu'ils se justifient encore davantage. Allons-y nous mêmes, avec les pécheurs pour nous purifier, avec les justes pour y devenir plus forts et plus agis­sants, pour nous y enivrer de la vertu d'apostolat.

Oh! que nous avons besoin de ce breuvage de vie! Nous sommes si inertes et si faibles, dans la prière comme dans l'action!

Allons au Cœur de Jésus, son sang jaillit là comme un torrent impé­tueux. Comme la source mystérieuse de l'Eden, il arrosera tout le para­dis des âmes et il le fécondera.

Tous les soirs, en souvenir de l'ouverture de cette source sacrée au cal­vaire, j'offrirai ce sang précieux à Dieu pour le monde et pour mon âme.

IIIe POINT: Le sang eucharistique. - Le sang du calvaire passe chaque matin dans nos milliers et milliers de calices sur tous les autels de la ter­re, parce que l'expiation est nécessaire partout et celle de l'homme serait insuffisante.

C'est l'oblation pure prédite par Malachie qui est sacrifiée et offerte en tout lieu. Le monde ne peut se passer de ce sang rédempteur.

Il est à la portée de chacun de nous. Nos lèvres peuvent s'en rougir tous les matins. J'y puise le pardon et la pureté, la force et la lumière. J'y puis goûter combien le Seigneur est doux.

J'y puise le courage et la victoire: «Je puis tout en celui qui me fortifie».

Dans mes veines, il devient le vin qui fait germer la pureté. A sa vue Satan recule; sous son influence la chair s'apaise et s'assainit.

O trésor infini de mon cœur, par vous je loue mon Dieu dignement, par vous, j'offre une réparation adéquate à mon Sauveur offensé; par vous, je rends grâce à mon Sauveur; par vous, j'efface la dette de mes péchés; par vous, j'achète les âmes que ma prière ambitionne d'acheter. En vous, je puise l'amour qui va échauffer mon cœur et le rendre ca­pable de vous rendre sacrifice pour sacrifice.

Résolutions. - Le sang de Jésus, c'est mon trésor, c'est le don de son amour et de son Cœur. J'adore ce sang précieux. Je veux l'offrir tous les jours pour l'Eglise, pour les âmes, pour mon pardon et ma sanctifica­tion. Je le puiserai le matin à l'autel et le soir dans ma visite au calvaire.

Colloque avec le Sacré-Cœur de Jésus.

24 Mars
Jésus devant Hérode

Herodes interrogabat eum cum multis sermonibus. At ipse nihil illi respondebat. Stabant autem principes sacerdotum et scribae constanter accusantes eum. Spre­vit auteur illum Herodes cum exercitu suo et illusit indutum veste alba et remisit ad Pilatum (S. Luc, 23, 9).

Hérode adressait à Jésus beaucoup de questions, mais lui ne répondait rien. Les princes des prêtres et les scribes étaient là et l'accusaient constamment. Alors Héro­de avec sa garde méprisa Jésus, il le fit vê­tir de blanc, le railla et le renvoya à Pilate (S. Luc, 23, 9).

1er Prélude. Jésus se soumet à tout et accepte toutes les railleries pour expier nos fau­tes.

2e Prélude. Seigneur, préservez-moi de la frivolité mondaine et donnez-moi la pa­tience dans toutes les épreuves.

Ier POINT: Frivolité et légèreté d'Hérode. - Hérode Antipas était fils d'Hérode l'infanticide et lui-même meurtrier de saint Jean-Baptiste. Il avait sacrifié la vie de saint Jean-Baptiste dans un banquet pour faire plaisir à une danseuse. Cela marque la légèreté et la cruauté de son ca­ractère.

Pilate lui renvoie Jésus parce qu'il est galiléen. Hérode frivole et cu­rieux se réjouit. Il croit qu'il va assister à quelque miracle. Il pose à Jésus beaucoup questions, mais il perd sa peine. Notre-Seigneur ne veut pas servir de passe-temps à une. cour frivole, il ne répond rien. Il n'avait pas à répondre à des questions qui n'étaient pas faites dans la forme régulière des tribunaux.

Jésus dédaigne la frivolité et la légèreté. N'est-ce pas là l'explication du silence qu'il tient souvent vis-à-vis de moi? Quels sont mes entretiens avec lui? Mes prières sont-elles graves et dignes? Notre-Seigneur peut-il prendre au sérieux ce mélange de prières, de distractions, de rêveries?

Frivolité et légèreté, n'est-ce pas le caractère d'une grande partie de ma vie? Mes lectures et mes conversations ne m'éloignent-elles pas de la vie intérieure, du recueillement et des dispositions où je dois être pour que Notre-Seigneur daigne me parler?

IIe POINT: Silence et patience de Notre-Seigneur. - Notre-Seigneur ne ré­pond pas. Le moment est grave. Il accomplit son sacrifice pour la ré­demption du monde. Il n'a pas de temps à donner aux questions frivoles et curieuses d'Hérode. C'est là pour nous une grande leçon de vie inté­rieure, de gravité, de dignité.

Notre-Seigneur vit uni à son Père, et il ne condescend à converser avec les hommes que si quelque motif de charité ou de justice l'exige. Le silence a ses préférences.

Il en devrait être de même de nous. C'est ce qu'exprime saint Paul aux Philippiens: «Que votre modestie soit manifeste à tous les hommes!». La modestie, c'est ici la modération dans les paroles et les ac­tions. «Gardez le calme, ajoute saint Paul, occupez votre cœur à louer Dieu, à lui rendre grâces, à le prier. S'il faut converser avec les hommes, que ce soit sur des sujets d'édification, de piété ou de nécessité: quaecum­que pudica, justa, sancta… » (Aux Philip., 4, 5).

Quel contraste entre cette gravité, cette dignité de Notre-Seigneur et la légèreté où je retombe si souvent!

Saint Paul recommandait à tous ses disciples cette modestie du Christ: «Revêtez-vous, dit-il aux Colossiens, de la douceur, de la modestie, de la patience de Jésus-Christ» (Col., 3, 12).

La patience infinie du bon Maître se manifeste aussi avec éclat chez Hérode. Le prince et sa cohorte traitent Jésus comme un fou. Ils le rail­lent, ils l'insultent. Ils ne le frappent pas comme les valets du Temple, mais ils se moquent de lui. C'est une autre épreuve, non moins cruelle pour le Fils de Dieu. Il faut qu'il contienne sa puissance infinie pour ne pas frapper les coupables.

Votre divin Cœur a voulu cela, ô mon Seigneur et mon Dieu, pour expier tous les froissements de l'amour-propre, toutes les vengeances, toutes les antipathies.

Que d'impatiences j'ai moi-même à me reprocher! Pardonnez-moi, formez-moi à la douceur et à la vie intérieure.

IIIe POINT: Moquerie et dérision. - Les insultes auxquelles Notre-Seigneur est exposé chez Hérode ont un caractère particulier. On le trai­te comme un insensé. On le revêt de la robe blanche des fous, et tout un corps de garde lui prodigue, en présence d'Hérode, les railleries les plus grossières que l'on peut imaginer.

Notre-Seigneur se tait devant les railleries, comme il s'est tu à l'inter­rogatoire. Il sait que nous serons souvent moqués et insultés. Il a voulu porter toutes les souffrances par lesquelles nous devions passer: Dolores nostros ipse portavit (Isaïe, 53). C'est afin que nous ayons un exemple et que nous ne puissions pas nous plaindre.

Comment expliquer et justifier après cela notre sensibilité et nos im­patiences?

«Si le monde vous hait et vous méprise, nous a dit Notre-Seigneur, souvenez-vous qu'il a commencé par moi et qu'il m'a aussi détesté et méprisé» (S. Jean, 15, 18).

Ce jour-là, Pilate et Hérode, auparavant brouillés entre eux, redevin­rent amis. Tout cela était prédit: Adstiterunt reges terrae et principes convene­runt in unum (Ps. 2). Nous rencontrerons souvent aussi des unions inat­tendues qui se formeront à nos dépens.

Rappelons-nous alors les promesses de Notre-Seigneur: «Vous êtes bienheureux si on vous maudit, si on vous persécute, si on vous accuse faussement à cause de moi. Réjouissez-vous alors. Il vous reviendra de tout cela une grande récompense. Rappelez-vous alors qu'ils ont persécuté avant vous les prophètes et le chef des prophètes».

Résolutions. - La légèreté et la frivolité d'Hérode me rappellent bien des fautes où je suis tombé. J'ai si souvent manqué de gravité, de digni­té, de sérieux. J'en rougis et j'en demande pardon au Cœur de Jésus. La patience, la douceur, le silence de Notre-Seigneur m'encouragent de nouveau à la vie intérieure. Je vais m'y remettre énergiquement.

Colloque avec Jésus chez Hérode.

25 Mars
Fête de l'annonciation

Angelus dixit ei: Spiritus Sanctus su­perveniet in te, et virtus Altissimi obum­brabit tibi. Ideoque et quod nascetur ex te Sanctum, vocabitur Filius Dei… Dixit autem Maria: Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum (S. Luc, 1, 35).

L'ange lui dit: L'Esprit Saint survien­dra en vous et la puissance du Très-Haut vous couvrira. Et celui qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu… Et Marie dit: Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait comme vous dites (S. Luc, 1, 35).

1er Prélude. Ecce venio, Ecce Ancilla, ce sont les admirables dispositions du Cœur de Jé­sus et du Cœur de Marie que nous devons imiter.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, cet esprit d'abandon complet à votre volonté.

Ier POINT: Ecce venio, règle de vie de Jésus. - C'est en ce jour que Notre-Seigneur a dit son Ecce venio et que Marie a dit son Ecce ancilla. L'apôtre saint Paul le remarque, c'est en entrant en ce monde par l'In­carnation que Notre-Seigneur a formulé son abandon au bon plaisir de son Père et la règle de toute sa vie: Voici que je viens, mon Père, pour faire votre volonté (Aux Heb., 10, 5).

Il avait dit par David que telle serait la loi de son Cœur (Ps. 39). Il a mis cette loi de l'abandon, de l'obéissance, de la conformité à la volonté de son Père, au fond de son Cœur pour la consulter sans cesse, pour la suivre toujours, pour en faire la règle de toute sa vie. Et de son Cœur el­le montait sans cesse à ses lèvres, comme l'Evangile lui-même l'indique: «Mon Père, que votre volonté soit faite. - Mon Père, qu'il en soit ainsi, puisque vous le voulez. - Mon Père, non pas ma volonté, mais la vôtre».

Ces indications de l'Evangile suffisent pour montrer que c'était là pour Notre-Seigneur une règle de vie et la pensée habituelle de son Cœur.

Ce qu'il cherche toujours, ce n'est ni l'intérêt ni le plaisir, c'est la vo­lonté de son Père. La seule question qu'il se pose avant d'agir est tou­jours celle-ci: «Mon Père, que voulez-vous que je fasse?».

IIe POINT: Ecce ancilla Domini, règle de vie de Marie. - L'abandon à Dieu et à la volonté divine est aussi la règle de vie de Marie et nous la voyons dans le trouble et le doute s'arrêter à cette disposition: «Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait comme vous voulez». Ces paroles expriment l'abandon, la docilité à la grâce, la conformité à la volonté di­vine, le sacrifice et l'immolation.

Par cette réponse, par son consentement, Marie acceptait la dignité et l'honneur de la maternité divine, mais en même temps aussi les souf­frances, les sacrifices qui y étaient attachés. Elle se déclarait prête à ac­complir la volonté de Dieu en tout comme sa servante. C'était comme un voeu de victime et d'abandon. Cette disposition est la plus parfaite, elle est la source des plus grands mérites et des meilleures grâces. Marie l'a proclamé elle-même dans son Magnificat: Mon âme loue le Seigneur parce qu'il a regardé avec faveur l'humilité de sa servante. - Dieu s'est complu dans cette disposition de Marie. elle ajoutait: Toutes les généra­tions me proclameront bienheureuse.

Pendant sa vie mortelle, peu de personnes la dirent bienheureuse, hormis Elisabeth et cette femme qui éleva la voix au milieu du peuple, et à celle-ci Jésus répondit: Bienheureux sont ceux qui entendent ma paro­le et qui la pratiquent.

Le bonheur de Marie pendant sa vie mortelle était le sacrifice avec Jésus, pour Jésus et pour les âmes. Elle n'était, comme son Fils, qu'un ob­jet de mépris, d'humiliation et d'ignominie de la part des ennemis de Dieu. Pour ceux qui étaient bien disposés, elle était un objet de compas­sion et de pitié. L'Ecce ancilla était la disposition de son cœur dans tous les sacrifices qu'elle dut faire: lors de la Présentation au Temple, lorsqu'elle offrit son Fils en sacrifice et entendit la prophétie du vieillard Siméon; à la fuite en Egypte et ainsi de suite, en tout et toujours, jusque sous la croix de son Fils mourant. De même pour le reste de sa vie, elle consentit à être la mère de l'Eglise nouvelle fondée dans le sang de son Fils.

Sa grâce et ses mérites augmentaient toujours par sa fidèle coopéra­tion, par sa pureté, par le saint et parfait amour avec lequel elle accom­plissait la mission qui était devenue la sienne.

IIIe POINT: Ecce Venio, Ecce ancilla Domini. Ces mots nous tracent la règle de notre vie. - Dans ces paroles se trouve toute la vocation des âmes vouées au Sacré-Cœur, avec leur but, leurs devoirs, leurs promesses. Ce sentiment, cette disposition, ces paroles dites et senties suffisent dans toutes les situations, dans tous les événements, pour le présent et pour l'avenir.

Voici que je viens, ô mon Dieu, pour faire votre volonté. Je suis là, prêt à faire ou à souffrir, à entreprendre ou à sacrifier tout ce que vous demandez de moi.

La volonté de Dieu se fait connaître à tout instant; et si à quelque mo­ment l'obscurité et l'incertitude remplissent le cœur et l'esprit, perseve­rons avec patience et confiance dans cet état, jusqu'à ce qu'il plaise à la sagesse et à la bonté divines de laisser luire de nouveau sa lumière.

Une âme offerte, une victime, sait qu'elle n'a plus rien à choisir ou à désirer pour elle, son choix est fait, son sort est fixé. Quand, comment, en quelles circonstances s'accomplira son sacrifice, ceci est tout au libre choix de celui à qui elle appartient entièrement.

Ainsi donc pratiquons l'abandon total, le laisser-faire, en regardant celui qui a marché en avant sur ce chemin, qui l'a rendu praticable, qui a laissé derrière lui les traces sanglantes de ses pas.

Les cheveux de notre tête sont comptés. Dieu veille même aux besoins des oiseaux, il ne nous oubliera pas. Il aura soin de nous pour tous nos besoins en temps convenable. Si nous nous donnons à lui, il se donnera aussi à nous et alors qu'est-ce qui pourra nous manquer? Quand Marie se fut donnée par l'Ecce ancilla, elle reçut sa grâce suprême: Le Verbe s'est fait chair et il a habité dans son sein.

Résolutions. - Ecce venio. Je me donne et m'abandonne à vous, Sei­gneur, je m'unis à votre Ecce venio et à l'Ecce ancilla de votre divine Mère. Je ne veux plus avoir d'autre volonté que la vôtre, d'autre règle que vo­tre bon plaisir. Je veux chercher à tout instant votre volonté sainte et m'y conformer.

Colloque avec Jésus et Marie.

25 Mars
Dimanche de la passion

Ipse enim Spiritus testimonium reddit spiritui nostro quod sumus filii Dei. Si au­tem filii et haeredes; haeredes quidem Dei, cohaeredes autem Christi: si tamen compatimur ut et conglorificemur. Existi­mo enim quod non sunt condignae passio­nes hujus temporis ad futuram gloriam quae revelabitur in nobis (Ad Rom., 8, 16).

L'Esprit rend témoignage à notre âme que nous sommes les fils de Dieu, et à ce titre ses héritiers; héritiers de Dieu et co­héritiers du Christ: si toutefois nous souf­frons avec lui pour être glorifiés avec lui. Et j'estime que les souffrances de ce mon­de sont sans proportion avec la gloire qui nous en reviendra (Ep. aux Rom., 8, 16).

1er Prélude. Jésus a conquis son héritage par sa Passion. Nous serons ses cohéritiers si nous souffrons avec lui.

2e Prélude. Enseignez-moi, Seigneur, à porter ma croix, dans le travail, la patience, la régularité.

Ier POINT: C'est en participant à la Passion du Christ que nous mériterons de participer à sa gloire. - L'Eglise nous fait lire aujourd'hui dans l'office un sermon du Pape saint Léon, qui est tout sur ce thème.

Le mystère de Pâques est le grand mystère de l'année. C'est vers lui qu'est orientée toute la liturgie, il en est le centre. C'est à bien recevoir et conserver les grâces de la résurrection que tout l'ordre de l'année doit nous conduire.

Mais les jours qui précèdent ce mystère exigent une ferveur particulie­re. Les apôtres, instruits par l'Esprit Saint, ont imposé là des jeûnes plus sévères, afin qu'en partageant en quelque chose la croix du Christ, nous méritions de participer à sa gloire, selon la parole de saint Paul: «Si nous souffrons avec lui, nous régnerons avec lui».

Nous ne pouvons parvenir à la béatitude céleste que par le chemin tra­cé par le Christ.

Si nous voulons être ses frères, ses cohéritiers et les fils de Dieu comme lui, nous devons nous appliquer à lui ressembler. Oh! oui, mon bon Maître, par amour pour vous, je désire, je veux vous suivre et vous res­sembler et porter ma croix comme vous; et si mes forces physiques ne me permettent pas un jeûne sévère, j'y suppléerai par d'autres sacrifices.

IIe POINT: Les occasions de porter la croix ne nous manqueront pas. - Per­sonne ne manque de ces occasions dans cette vie, poursuit saint Jean. Il n'y a pas de paix parfaite ici-bas. La piété n'est-elle pas souvent contra­riée et raillée! Tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ, di­sait saint Paul, souffriront persécution. Il y aura toujours à souffrir pour ceux qui iront à l'encontre de l'esprit du monde.

Notre-Seigneur dans ses exhortations disait: Celui qui ne prend pas sa croix pour la porter à ma suite, n'est pas digne de moi. Il ne parlait pas seulement pour ses disciples, d'alors, mais pour tous les chrétiens. C'est donc qu'il y aura toujours quelque croix à porter.

Oui, il y a des croix quotidiennes; et le temps de la Passion demande que nous les portions plus généreusement pour ressembler à Notre­ Seigneur, pour l'aider et consoler son Cœur suivant ses desseins, pour nous préparer aux mystères de Pâques.

Quelles sont ces croix? Nous les trouvons dans toutes les carrières, dans le cloître comme dans la famille. Il y a partout des devoirs à rem­plir, une règle de vie à observer, des caractères différents du nôtre à sup­porter.

Partout il y a des fatigues, des intempéries, des indispositions et mille déconvenues dont notre vie est semée.

Quelle belle moisson de sacrifices nous avons à cueillir, si nous som­mes attentifs!

Ce seront là nos jeûnes, si notre santé n'en permet pas beaucoup d'au­tres. Mais ce que désire le Cœur de Jésus, c'est que nous y pensions, c'est que nous vivions pour lui, pour l'aimer et pour l'imiter.

C'est pour nous que le Sauveur a jeûné, prié et souffert. Quel stimu­lant pour notre cœur! Nous ne ferons jamais pour lui autant qu'il a fait pour nous; mais ne voudrons-nous pas être un peu généreux pendant ce temps de la Passion? Auprès de Jésus souffrant, allons-nous passer in­sensibles et oublieux?

IIIe POINT: Mortification spirituelle. - Une croix qui ne nous manque­ra pas, c'est la tentation. La nature mauvaise, le monde et le démon y pourvoiront. C'est dans ce temps de grâce qu'il faut lutter mieux que ja­mais.

L'aiguillon de la volupté n'est pas le moins pénible pour l'âme, et il est de tous les jours. Le démon ne repose pas et il vient impressionner notre imagination. Le monde nous trouble par ses séductions et ses criti­ques, par ses lectures et ses conversations, par ses images et ses specta­cles. Job avait raison de dire que la vie humaine n'est qu'une tentation.

Que ferai- Je pendant le temps de la Passion? Je m'examinerai plus assidûment. Je m'appliquerai à connaître les côtés faibles de mon âme. Je saurai bientôt où il faut veiller et ce qu'il y a à retrancher.

Mes yeux ne sont-ils pas imprudents? Mon cœur n'a-t-il pas de l'amertume contre mon prochain? Mes prières ne sont-elles pas tièdes et sans fruits? N'y a-t-il pas tel exercice de piété, qui est souvent abrégé ou omis?

Où en suis- Je de la vie intérieure qui s'impose à une âme dévouée au Sacré-Cœur? Est-ce que je ne me laisse pas vivre dans des dispositions toutes naturelles? Est-ce que je vis en union avec Notre-Seigneur, avec son divin Cœur? Est-ce que je me remets dans cette union au commen­cement de chaque action? Est-ce que je suis fidèle à mes pratiques d'union aux mystères de Notre-Seigneur suivant les diverses parties de la journée?

Oh! le temps précieux que celui de la Passion. Que de victoires à rem­porter! Que de sacrifices à faire!

Résolutions. - Oui, mon bon Maître, il m'en coûtera quelque peine. C'est toute une campagne à entreprendre, mais le ciel et votre amour sont à ce prix. Vous l'avez dit: Il faut prendre la croix et vous suivre. Ne permettez pas que je retombe dans ma lâcheté. Unissez-moi pour tou­jours à l'esprit de réparation et de sacrifice de votre divin Cœur.

Colloque avec Jésus dans sa Passion.

26 Mars
Jésus et Barabbas

Per diem autem solemnem consueverat praeses populo dimittere unum vinctum quem voluissent. Habebat autem tunc vinctum insignem, qui dicebatur Barab­bas… Congregatis ergo illis, dixit Pilatus: Quem vultis dimittam vobis, Barabbam an Jesum qui dicitur Christus? (S. Mat., 27, 15).

Au jour de la fête, le président avait coutume de délivrer un prisonnier choisi par le peuple. Il y en avait alors un fa­meux, nommé Barabbas… Pilate dit donc au peuple: Qui voulez-vous que je vous délivre, Barabbas ou Jésus appelé le Christ? (S. Mat., 27, 15).

1er Prélude. C'est là une des scènes les plus pénibles de la Passion. Tout un peuple, affolé par la haine, préfère Barabbas, un répugnant criminel, à Jésus.

2e Prélude. O Jésus, je voudrais consoler votre Cœur par mon amour dévoué. Je suis si loin de l'avoir fait jusqu'ici.

Ier POINT: Jésus comparé à Barabbas. - Pilate présente donc au peuple Jésus et Barabbas. Ils sont là tous deux debout. Quelle comparaison in­jurieuse pour Notre-Seigneur!

Considérons ce misérable à côté de Jésus. Barabbas est là avec son at­titude vile et insolente. Ses traits expriment les instincts les plus gros­siers. C'est un chef de bande, un voleur, un agitateur, un assassin. Il est la terreur des gens paisibles et de l'Etat. Son arrestation a été un soula­gement pour tous.

Jésus a toute la beauté et le charme de la sainteté. Il est le Fils unique du Père éternel. Lui seul est juste au milieu de la foule des pécheurs, il est la sainteté même. Il est le grand bienfaiteur de l'humanité. Il a semé les miracles, il a guéri les misères spirituelles et corporelles de ce peuple; il se dévoue à tous les outrages pour notre salut.

Comment Pilate pouvait-il mettre Jésus, qu'il avait reconnu innocent, en parallèle avec Barabbas, et le présenter au peuple comme un coupa­ble qui a besoin d'être gracié: «Lequel voulez-vous que je délivre?».

Ce peuple insensé préfère Barabbas.

Hélas! n'ai- Je pas souvent préféré à Jésus des créatures qui étaient bien indignes de mon affection?

Seigneur, ne me refusez pas le pardon. La miséricorde de votre divin Cœur en sera glorifiée.

IIe POINT: Barabbas préféré à Jésus. - Ce peuple a été le témoin jour­nalier de l'innocence de Jésus. Ils l'ont acclamé au jour de l'Hosanna, ils ont connu la résurrection de Lazare. Ils ont vu maintes guérisons. Ils ont entendu sa doctrine si pure et si élevée. Ils disaient alors: Personne ne parle comme cet homme-là. Ils savent qu'il a semé partout ses bienfaits, à travers la Galilée et la Judée. Il a réalisé les prophéties. Il a prouvé sa mission par ses miracles. Il a pu faire appel à la prophétie d'Isaïe: «Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés» (S. Mat., 11, 5).

Ce jour-là même, Pilate et Hérode ont reconnu son innocence. Et ce­pendant tout ce peuple s'écrie lâchement: «Non, ne délivrez pas celui-là, mais délivrez Barabbas».

Comment en sont-ils arrivés là? Les uns agissent par méchanceté, par haine et jalousie. «Pilate savait que les princes des prêtres avaient livré Jésus par jalousie».

D'autres étaient séduits, trompés par les calomnies des pharisiens: «Les princes des prêtres et les anciens excitaient la foule à demander la délivrance de Barabbas». Ne retrouvons-nous pas des circonstances ana­logues dans la vie politique contemporaine?

Beaucoup agissaient par faiblesse, par respect humain: ils n'osaient pas faire autrement que les autres.

D'autres enfin, par légèreté, par entraînement et sans réfléchir, criaient comme tout le monde, sans trop savoir pourquoi: «Toute la fou­le cria en même temps: Retenez Jésus et délivrez-nous Barabbas».

N'ai- Je pas souvent cédé à l'entraînement général? Ne suis- Je pas vic­time de la tiédeur ambiante? Combien rarement j'ai fait montre de ca­ractère, de volonté personnelle, de fermeté dans le devoir.

O Jésus, dites à votre Père que je ne savais pas ce que je faisais.

IIIe POINT: L'amour de Jésus pour nous et son exemple. - Ne nous ap­puyons pas sur l'estime du monde. Un jour il nous acclamera et le lende­main il nous vouera à la croix. Appuyons-nous sur l'amour de Notre-Seigneur. Nous en avons une nouvelle preuve dans tous les outrages et les humiliations qu'il a voulu supporter pour nous. Vraiment c'est un amour sans limites qu'il nous a montré dans toute sa Passion. Jusqu'à quand aurons-nous un cœur dur et insensible?

Si nous sommes l'objet des mépris du monde et de ses insultes, supportons-le humblement. Notre-Seigneur est là qui nous donne l'exemple. Il était juste, lui, et il se taisait. Nous qui sommes coupables, ne pourrons-nous rien souffrir pour expier nos fautes?

Imitons la patience, la douceur, la résignation du Cœur de Jésus. Qu'importe que le monde nous haïsse et nous méprise, si Dieu est con­tent de nous et s'il nous accorde sa protection et son amour paternel. Nous nous croyons bien innocents aujourd'hui et nous nous indignons contre les juifs, mais hélas! n'avons-nous pas trop souvent fait comme eux? N'avons-nous pas préféré Barabbas a Jésus-Christ, le démon ou ses satellites au Fils de Dieu, une vile satisfaction à un acte de vertu? Quand nous commettons le péché, nous préférons la créature à Dieu, et souvent quelle créature? Dieu dit dans Isaie: «O mon peuple, à qui m'avez-vous comparé, quand vous m'avez préféré des idoles?» (46, 5).

Résolutions. - Je ne vois rien de consolant dans cette foule. Pilate et ce peuple ne montrent que lâcheté et méchanceté. Mais hélas! Je les ai trop souvent imités. Jésus est seul digne de mon amour. Il est patient, il est doux, il se sacrifie pour mon amour. Que ferai- Je pour lui? Je serai plus fidèle à l'aimer, et le moyen, ce sont mes pratiques quotidiennes de re­cueillement et d'union au Cœur de Jésus.

Colloque avec Jésus humilié et méprisé.

27 Mars
Jésus flagellé

Pilatus vero dicebat illis: Quid enim mali fecit? At illi magis clamabant: Cruci­fige eum. Pilatus autem volens populo sa­tisfacere dimisit illis Barabbam, et tradidit Jesum flagellis caesum ut crucifigeretur (S. Marc, 15, 14).

Pilate leur disait: Qu'a-t-il fait de mal? Mais ils criaient plus fort: Crucifiez-le. Alors Pilate voulant plaire au peuple leur remit Barabbas, et il fit flageller Jésus et le leur livra pour être crucifié (S. Marc, 15, 14).

1er Prélude. Ces barbares ont flagellé mon Sauveur jusqu'à déchirer tout son corps.

2e Prélude. Seigneur, c'est moi qui ai mérité la flagellation. Pardonnez-moi et accep­tez mes humbles pénitences.

Ier POINT: Cruauté de la flagellation. - C'était un supplice barbare en usage chez les Romains, le plus souvent pour les esclaves, soit comme punition pour les délits qui ne méritaient pas la mort, soit comme prélu­de à la peine capitale, soit encore comme torture, pour arracher aux cou­pables l'aveu de leurs fautes.

On se servait de baguettes d'ormeau, ou de fouets armés de boules de plomb. C'est ce dernier instrument qu'on prit pour Jésus. On le frappa avec une cruauté particulière, soit parce que Pilate voulait apitoyer les juifs, soit parce que les bourreaux étaient excités par les pharisiens et qu'ils croyaient devoir amener Jésus à confesser son prétendu crime. Flagellation inique, puisque le juge reconnaissait l'innocence de celui qu'il condamnait.

Flagellation ignominieuse: c'était le supplice des esclaves et il fallait le subir à demi nu.

Flagellation cruelle, soit à cause de la brutalité des soldats soudoyés par les juifs, soit à cause de la délicatesse du corps de Jésus, et du nom­bre de coups donnés sans mesure pour forcer Jésus à un aveu qu'il ne pouvait pas donner.

C'est bien un des plus horribles tableaux de la Passion et il a toujours excité la compassion, la pénitence et l'amour des pieux fidèles.

IIe POINT: Humilité et patience de Jésus. - Le bon Sauveur a voulu ac­cepter ce supplice des esclaves. C'est l'humiliation suprême. Isaïe a eu raison de dire: Il n'a plus de beauté, il est méprisé et le dernier des hom­mes; il est semblable à un lépreux, à un homme maudit de Dieu et frap­pé par la Providence (Is., 53, 2). Comme job, il est couvert de plaies des pieds à la tête.

Que pouvait-il faire de plus pour s'humilier, pour réparer la gloire de son Père outragée?

Au milieu de si cruels tourments, quelle patience! Il n'ouvre pas la bouche, si ce n'est pour émettre des gémissements plaintifs.

C'est comme un mouton qu'on mène à la boucherie, dit Isaïe, ou comme un agneau que l'on tond. C'est la patience même.

Bien plus, il accepte son supplice avec joie, à cause des effets qu'il en attend. C'est la gloire de son Père qui sera restaurée, c'est le salut des hommes, qui ont tous péché par la sensualité et par l'idolâtrie de leur corps.

Ce supplice avait dans les desseins de Notre-Seigneur une importance particulière. C'est la scène de sa Passion qui devait être reproduite vo­lontairement par les âmes ferventes dans le cours des siècles. Notre-Seigneur se livrait à la flagellation, afin que plus tard, à son exemple, les fidèles s'imposassent la flagellation en esprit de pénitence.

Non seulement il subissait la flagellation pour notre salut, mais il la sanctifiait, il en faisait comme un accumulateur de grâces, qui agirait jusqu'à la fin du monde. Son divin Cœur aimait ce supplice réparateur.

Il prenait la plus grande part de souffrances pour lui et nous méritait la grâce de l'imiter un peu.

Ne laissons pas perdre ces grâces, offrons à Notre-Seigneur quelques pénitences volontaires en union avec sa flagellation.

IIIe POINT: Son amour pour nous. - «Il a été frappé à cause de nos péchés: attritus est propter scelera nostra».

Il a voulu, il a aimé sa flagellation à cause de nous et par amour pour nous. C'est parce qu'elle nous purifiait, c'est parce qu'elle effaçait nos fautes.

C'est parce que l'imitation que nous en ferions aurait aussi pour nous une force préventive et une force d'impétration.

Si nous sommes tentés d'orgueil ou d'impureté, la flagellation est là qui nous préparera la victoire. Notre-Seigneur y a mis la grâce néces­saire.

Si nous avons quelque bienfait à obtenir de Dieu et spécialement une grâce spirituelle, la flagellation est encore là, toute revêtue de mérite et de puissance devant Dieu.

On ne saurait dire tout ce que les saints doivent de grâces et de gloire aux pratiques de pénitence faites en union avec la flagellation de Notre­ Seigneur.

Les coups ont été bien nombreux et bien douloureux. Ce sont autant d'actes d'amour du Cœur de Jésus pour nous.

Notre-Seigneur peut bien dire de son Eglise comme il disait de son peuple d'Israël: Qu'aurais- Je pu faire de plus pour ma vigne de prédilec­tion? (Is., 5, 4).

Toutes les plaies de sa flagellation proclament son amour, et elles sont innombrables. «Depuis les pieds jusqu'à la tête, il n'y a pas un membre d'épargné». Dieu disait cela du peuple d'Israël, mais ce n'est pas moins vrai du Christ (Is., 1, 6).

Résolutions. - Extrême humilité et extrême charité, ce sont les deux leçons que Notre-Seigneur nous donne dans ce mystère.

Seigneur, mettez en mon cœur les sentiments d'humilité et de répara­tion qui remplissaient le vôtre. Donnez-moi surtout un amour ardent, que je vous témoignerai en faisant mieux chacune de mes actions dans l'esprit d'amour envers votre Sacré-Cœur.

Colloque avec Jésus flagellé.

28 Mars
Jésus couronné d'épines

Et exuentes eum, chlamydem cocci­neam circumdederunt ei, et plectentes co­ronam de spinis, posuerunt super caput ejus et arundinem in manu ejus; et genu flexo ante eum, illudebant ei dicentes: Ave Rex Judaeorum (S. Mat., 27, 28).

Le dépouillant, ils le revêtirent d'un lambeau de pourpre, et tressant une cou­ronne d'épines, ils la lui mirent sur la tête et un roseau à la main; et fléchissant le ge­nou ils le raillaient en disant: Salut, Roi des juifs (S. Mat., 27, 28).

1er Prélude. C'est maintenant un autre supplice, également horrible, la couronne d'épines.

2e Prélude. Seigneur, je vous reconnais pour mon vrai roi. Régnez vraiment sur toute ma vie.

­Ier POINT: Supplice barbare. - C'est une invention digne d'un peuple sauvage. Ils tressent de longues épines et les lui enfoncent sur la tête. Mais la tête est si sensible! Les épines déchirent les tempes, le front, les paupières. Ils appuient cette couronne, ils la frappent avec le roseau.

Ils font de cette couronne un symbole dérisoire de la royauté du Christ. Ils complètent la représentation de cette auguste royauté par un lambeau de pourpre et un sceptre en roseau. Leur folie n'empêchera pas le règne éternel du Christ.

C'est une scène ignominieuse. Jésus est traité comme un insensé par des soldats grossiers. Ils se rient de sa royauté. Leurs hommages grotesques alternent avec des injures et des coups. Enfin ils se livrent aux insultes et aux violences les plus graves: des soufflets, des crachats, des coups sur la tête.

Quelle journée pour le Sauveur!

On se lasse de répéter qu'il nous a aimés sans mesure. Il a été bon et sacrifié pour nous, sans compter; son Cœur sacré nous a aimés sans me­sure.

Ah! Seigneur, vous aviez bien droit, après cela, à une reconnaissance infinie, à un dévouement sans bornes. Les avez-vous trouvés? Hélas! bien rarement. La légèreté et la froideur détiennent toujours nos cœurs. Pardonnez-moi.

IIe POINT: La royauté du Sauveur. - Nos cœurs protestent, Seigneur, contre cette profanation de votre royauté par une populace brutale. Vous êtes vraiment le Roi du ciel et de la terre. Ave, Rex Judaeorum! Ave, Rex regum et Dominus dominantium! Vous n'êtes pas seulement le Roi des juifs, le vrai fils de David; mais vous êtes aussi le roi des rois et le Seigneur des seigneurs.

Vous êtes le Roi des rois comme Dieu, mais vous l'êtes aussi comme Christ et Rédempteur. Parce que vous avez réparé la gloire de votre Pè­re au nom de toute l'humanité, Dieu vous a tout remis en mains. Vous êtes le Roi spirituel du monde par votre Eglise. Vous êtes le Roi du ciel où tout vous obéit. Vous êtes même le Roi des pauvres réprouvés, qui sont condamnés par votre justice.

Sur la terre, vous êtes le Roi des justes, qui se sont mis spontanément sous votre loi. Vous êtes aussi le Roi des pécheurs par votre justice qui les presse de rentrer au bercail pendant qu'il en est encore temps.

Vous êtes le Roi universel, et en réparation des outrages que votre royauté a subis chez Hérode, je vous offre les hommages si admirable­ment décrits par l'Apocalypse de saint Jean.

Les anges, les vieillards, les animaux mystérieux, les martyrs, les vier­ges et tous les saints acclament votre royauté et déposent leurs couronnes à vos pieds.

Je vous offre les hommages de tous les justes de la terre. Je voudrais vous gagner tous les pécheurs et les infidèles.

Je vous offre enfin mon pauvre cœur. Soyez-en le roi misecordieux par votre grâce, par votre inspiration, par l'accomplissement de toute votre volonté.

Toute cette royauté, je la rapporte particulièrement à votre Cœur, le véritable instrument de la Rédemption, le siège de votre amour et de vos souffrances.

IIIe POINT: C'est par sa couronne d'épines que Jésus a conquis sa couronne de gloire. - Jésus s'est humilié, dit saint Paul, jusqu'à la mort de la croix, et c'est pour cela que son Père l'a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. La croix a préparé le trône céleste, la couronne d'épines a préparé la couronne de gloire. C'est en souffrant que le Christ a racheté le monde et qu'il a mérité d'en devenir le Roi suprême. Les épines de sa couronne terrestre sont devenues les gemmes de sa couron­ne céleste.

C'est comme agneau immolé qu'il règne au ciel. «Celui qui a été mis à mort, dit saint Jean, est digne de recevoir tout honneur et toute puis­sance».

«J'ai vu, dit-il, sur le trône l'Agneau immolé».

Il y a une connexion absolue entre les souffrances de Jésus et son rè­gne. Il est notre Roi parce qu'il nous a rachetés en souffrant pour nous.

Les couronnes du ciel s'achètent par le sacrifice. Quelle grande leçon pour nous! «Si nous portons la croix avec Jésus, dit saint Paul à Timo­thée, nous régnerons avec lui» (2 à Timothée, 2, 12).

La croix apparaîtra au ciel au moment du jugement général, et ceux­-là seulement recevront une couronne royale qui seront semblables au crucifié.

Notre croix et notre couronne d'épines, c'est le devoir quotidien, c'est la règle, c'est l'obéissance, c'est la modestie, c'est la patience dans les épreuves.

«Ceux-là seuls, dit saint Paul, seront couronnés qui auront combattu légitimement», c'est-à-dire selon les lois de leur vocation, de leur règle et de la sainteté évangélique (2 à Timothée, 2, 5).

Résolutions. - Je veux, Seigneur, soulager votre front par mes actes d'amour et de réparation. Je reconnais que je vous ai couronné d'épines par ma tiédeur. Je le déplore, pardonnez-moi. Régnez sur mon cœur par votre grâce constante. Faites que je contribue au règne de votre Sacré-Cœur.

Colloque avec Jésus couronné d'épines.

29 Mars
Ecce homo

Exivit ergo iterum Pilatus foras et dicit eis: Ecce adduco vobis eum foras, ut co­gnoscatis quia nullam invenio in eo cau­sam. Exivit ergo Jésus portans coronam spineam et purpureum vestimentum. Et dicit eis: Ecce homo (S. Joan, 19, 4).

Pilate sortit donc de nouveau et leur dit: Voilà que je vous l'amène dehors pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun crime. Jésus sortit donc portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre. Et il leur dit: Voilà l'homme (S. Jean, 19, 4).

1er Prélude. Voici l'homme de douleurs, qui a expié toutes nos fautes, l'homme d'amour et de dévouement, qui s'est livré pour nous.

2e Prélude. Seigneur, faites que cette contemplation me rende plus pénitent et plus aimant.

Ier POINT: L'endurcissement des Juifs. - Pilate voulait apitoyer les juifs pour les amener à se désister de leurs exigences. Il sort de nouveau du prétoire et dit aux juifs: «Je vais vous faire amener Jésus, et vous verrez que ce n'est pas un coupable». Il croyait que les juifs, voyant Jésus si pa­tient et si doux au milieu des plus atroces souffrances, seraient touchés de compassion et comprendraient que Jésus n'est pas un homme violent et révolutionnaire.

Jésus paraît donc escorté par des soldats en haut d'une galerie. Il est affublé du manteau rouge et porte la couronne d'épines et le roseau. Son visage est ensanglanté. Jamais homme n'a été plus digne de compassion. Ecce homo! voilà l'homme! dit Pilate. Mais ces juifs sont des bêtes fauves. Prêtres et valets réunis crient à l'envi: «Crucifiez-le, crucifiez-le».

Il n'y a plus de pite, plus de cœur, là où il y a une passion violente. Quelle leçon pour moi! Si je laisse grandir en mon cœur quelque attache désordonnée, Notre-Seigneur qui ne veut pas de cœur partagé, se retire­ra. La grâce n'agira plus en moi, je deviendrai aveuglé et endurci com­me les juifs.

Ecce homo! Je proteste, Seigneur, de tout mon cœur, contre la haine de vos persécuteurs. Agréez mon faible amour et mon désir de réparation.

IIe POINT: Ecce homo! Voilà l'homme frappé par Dieu à notre place. - Voilà l'homme qui, chargé du lourd fardeau de nos péchés dont il s'est constitué la victime expiatoire, représente en ce moment l'humani­té dans toute sa misère.

Voilà l'homme-victime que nous décrit Isaïe. Il n'a plus de beauté. Tout son corps n'est qu'une plaie. On dirait un lépreux. Quand on le voit, on détourne son regard. C'est un homme frappé par la justice de Dieu.

Qu'est-ce donc que le péché pour qu'il ait de tels effets? Dieu en est donc bien offensé, bien irrité, pour qu'il le punisse à ce point, même en celui qui ne l'a pas commis, mais qui en a accepté la responsabilité. Et si le bois vert, le juste par excellence, est ainsi traité pour les péchés d'au­trui, que sera-ce du bois sec, des vrais coupables, quand viendra l'heure de leur jugement?

Ce mystère de l'Ecce homo n'est il pas le plus propre à nous exciter au repentir, à la conversion, à la haine du péché?

Voilà l'homme! Voilà votre roi! répète Pilate. Voilà où est tombée vo­tre royauté, nous dit notre Dieu. Tout homme était roi, par la grâce de Dieu. Tout homme était appelé à régner sur lui-même et sur la nature. Mais voyez l'homme du prétoire, celui qui a pris sur lui tous vos péchés, où en est sa royauté? Son sceptre est un roseau; son manteau royal, un lambeau rougi par le sang; sa couronne, une branche d'épines tressée.

Voilà le portrait de l'homme coupable, c'est un roi déchu, déshonoré, bafoué, ridiculisé.

Je pouvais être roi et je le puis encore: «Vous nous avez faits rois et prêtres», disent les élus en parlant à Dieu, dans l'Apocalypse (5, 10). Mais il faut pour cela cesser d'offenser Dieu, il faut le servir royalement et sacerdotalement, avec force, avec piété, avec l'esprit de sacrifice et de dévotion.

IIIe POINT: Ecce homo! Voilà l'Homme-Dieu qui vous a tant aimés! - Voilà l'Homme-Dieu, l'homme saint par excellence, qui accepte ces souffrances et ces ignominies pour réparer la gloire de son Père et pour sauver nos âmes. Ah! celui-là est infiniment aimable sous son aspect de souffrance et d'humiliation.

Il est là dans tout l'héroïsme de la vertu, dans l'acte du plus parfait amour pour son Père et pour nous.

Ecce homo! oui, je le contemple, l'Homme-Dieu, je l'admire, je le re­mercie, je l'aime de toute la tendresse de mon cœur.

Ah! Seigneur, c'est donc pour nous, pour moi, pour me rendre ma royauté que vous avez humilié la vôtre!

Vous avez pris la couronne d'épines et le sceptre de roseau, pour me donner la couronne et le sceptre d'or. Vous avez accepté le lambeau en­sanglanté, pour me rendre la pourpre royale.

Seigneur, dans ce mystère comme au calvaire, vous êtes infiniment ai­mable. Notre amour sera toujours insuffisant pour répondre à celui de votre cœur.

Je vous offre en réparation tous les hommages royaux que vous avez jamais reçus au ciel et sur la terre.

Tous les fidèles ont proclamé votre royauté. Chaque jour, ils élèvent votre eucharistie sur des trônes. Les coupoles de nos églises sont des cou­ronnes royales qui essaient d'être dignes de vous. Les princes chrétiens ont humilié leurs couronnes à vos pieds.

Avec toute l'Eglise, je reconnais et proclame que vous êtes le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs.

Résolutions. - Ecce homo! Oui Seigneur, vous êtes l'homme de douleur, l'homme de la réparation. Je vous dois en retour une amende honorable quotidienne et un amour inlassable. Je vous prouverai mon amour par ma fidélité à la dévotion au Sacré-Cœur et par mon zèle pour sa diffu­sion.

Colloque avec Jésus à l'Ecce homo.

30 Mars
Crucifigatur!

Et exinde quaerebat Pilatus dimittere eum; Judaei autem clamabant dicentes: Si hunc dimittis, non es amicus Caesaris; omnis enim qui se regem facit contradicit Caesari. Pilatus autem cum audisset hos sermones, adduxit foras Jesum et dicit Ju­daeis: Ecce Rex vester. - Illi autem cla­mabant: Tolle, tolle, crucifige eum (S. Joan, 19, 12).

Pilate cherchait à sauver Jésus. Mais les juifs criaient en disant: Si vous le laissez aller, vous n'êtes pas l'ami de César; car, qui se dit roi s'élève contre César. Mais Pilate entendant cela, leur amena Jésus dehors et leur dit: Voilà votre Roi. - Et eux s'écriaient: Prenez-le et crucifiez-le (S. Jean, 19, 12).

1er Prélude. La haine ne raisonne pas. Ces gens n'ont qu'un cri: Crucifiez-le.

2e Prélude. Seigneur, je n'aurai qu'un cri non plus: Aimez-le, glorifiez-le, proclamez sa royauté.

Ier POINT: Dureté et impiété des Juifs. - Rien n'entame ces cœurs en­durcis, ni la pitié, ni la justice. Pilate leur présente le Sauveur souffrant et humilié. Il croit les gagner à la compassion et les persuader qu'il est inoffensif et n'a pas l'attitude d'un révolutionnaire. Que répondent-ils? Les prêtres et les valets s'unissent dans l'expression de la haine la plus basse et s'écrient à l'envi: Crucifiez-le, crucifiez-le!

Mais, dit Pilate, je ne trouve pas de crime en lui. - Il a blasphémé, disent-ils, il s'est dit le Fils de Dieu. Selon notre loi, il doit mourir! - Pi­late effrayé questionne Jésus et cherche encore à le sauver. Mais les juifs crient de plus belle: «Si vous le délivrez, vous n'êtes pas l'ami de César, puisqu'il se dit roi».

Pilate essaie encore de les impressionner par l'ironie. Il fait ramener Jésus et le leur présente encore: «Voilà votre roi». Même cri toujours: «Prenez-le et crucifiez-le».

Pilate se lave les mains pour signifier qu'il décline la responsabilité de ce crime. Mais eux en assument tout l'odieux et déclarent qu'ils accep­tent la responsabilité du sang versé.

Ni pitié, ni justice. Je ne manifeste pas aussi grossièrement ces senti­ments, mais n'y en a-t-il pas quelque chose dans toutes mes fautes, dans tous les péchés dont je me rends coupable?

IIe POINT: Le dessein miséricordieux du ciel. - Caïphe avait prophétisé, quand il avait dit: «Il est bon qu'un homme meure pour sauver le peu­ple». Il ne comprenait pas le vrai sens de sa prophétie. La sainte Trinité voulait aussi qu'un homme mourût pour le peuple, et que cet homme fût un Homme-Dieu, afin que Dieu reçût une réparation adéquate et que le ciel fût rouvert aux hommes de bonne volonté.

Notre-Seigneur laissa comprendre à Pilate que sa mort répondait à un dessein du ciel.

Pilate ayant entendu que Jésus se disait le Fils de Dieu, fut frappé d'une terreur secrète. Il avait bien remarqué que Jésus n'était pas un homme ordinaire. Il rentra dans le prétoire et l'interrogea de nouveau. - D'où es-tu, lui dit-il? du ciel ou de la terre? - Jésus ne répondit pas. Pilate surpris insista: Tu ne veux pas me répondre? Ignores-tu que j'ai le pouvoir de te faire crucifier ou de te remettre en liberté? - Vous n'au­riez sur moi aucun pouvoir, lui dit Jésus, s'il ne vous eût été donné d'en haut. En d'autres termes: Mon Père a ses desseins et vous laisse agir, parce que ma mort est nécessaire pour le salut du monde, mais cela ne diminue pas la culpabilité de ceux qui m'ont livré.

Pilate et les juifs ne sont donc que des instruments. Ils sont coupables, surtout les juifs, mais Dieu permet ce crime parce que le sang du Sau­veur rachètera le monde.

Nous trouvons donc aussi dans ce mystère, qui a des côtés si attris­tants, un motif d'amour et d'action de grâces envers Dieu et envers Notre-Seigneur.

C'est par amour pour nous que Dieu le Père et son Divin Fils ont per­mis ce drame épouvantable de la condamnation de Jésus. Le Cœur de Jésus criait aussi: Crucifigatur!

IIIe POINT: Prononçons le crucifigatur contre la mauvaise nature, le monde et les passions. - Jésus entend volontiers ce crucifigatur. Nous devons pro­noncer le crucifigatur contre nos passions et notre mauvaise nature. Tous les jours, nous subissons les assauts de la paresse, de la vanité, de la sen­sualité, répétons sans cesse: crucifigatur! crucifigatur!

Par la modestie, par la régularité, par la mortification quotidienne, crucifions notre chair et nos sens si profondément enclins au péché.

Il y a une mortification préservatrice, qui nous rend maîtres de nous-mêmes en tenant sous le joug la nature et ses penchants.

Il y a aussi une mortification réparatrice, qui accepte les épreuves et les humiliations pour effacer nos fautes et pour obtenir le salut du pro­chain.

Notre-Seigneur nous en donne l'exemple. Il accepte les persécutions, les railleries, les calomnies, pour nous consoler dans nos épreuves, pour nous encourager et pour nous enseigner aussi que la patience a devant Dieu un grand prix. «La patience, dit saint Paul, c'est l'épreuve, mais l'épreuve prépare l'espérance» (Aux Rom., 5, 4).

Notre-Seigneur a voulu être jugé et condamné et succomber victime de la justice humaine, pour nous enseigner le mépris des accusations fausses, des railleries, des jugements faux et téméraires. Ce sont là au­tant d'épreuves qui deviennent aussi des espérances et des sources de grâces, si nous les supportons en esprit de foi.

Résolutions. - Le crucifigatur de Jésus, c'est mon salut, obtenu par sa patience, par ses souffrances, par ses expiations, par l'amour de son Cœur. Le crucifigatur de ma nature mauvaise, c'est encore le salut obte­nu par le sacrifice, par la mortification, par la patience. Merci à Notre­-Seigneur, pour son adorable patience, qui est pour moi le salut et l'exemple à suivre.

Colloque avec Jésus chez Pilate.

30 Mars
Les sept douleurs de Marie

Et benedixit illis Simeon, et dixit ad Mariam matrem ejus: Ecce positus est hic in ruinam et in resurrectionem multorum in Israël: et in signum cui contradicetur: et tuam ipsius animam pertransibit gla­dius, ut revelentur ex multis cordibus co­gitationes (S. Luc, 2, 34).

Siméon les bénit et dit à Marie mère: Celui-ci est établi pour la ruine et la résur­rection de plusieurs en Israël; et comme un signe de contradiction: et vous, un glaive transpercera votre âme, pour révé­ler la pensée de bien des cœurs (S. Luc, 2, 34).

1er Prélude. Le martyre de Marie commence au Temple, quand Siméon lui prédit ce glaive, qui transpercera chaque jour son cœur.

2e Prélude. O Marie, votre martyre est tout d'amour pour Dieu et pour les âmes; il est aussi pour moi un modèle de patience et de vertu.

Ier POINT: Marie est martyre. - Marie est la Mère des douleurs, elle est la Reine des martyrs, elle a souffert plus que les autres. Quelques ins­tants de cirque ou d'amphithéâtre, quelques heures de souffrance ont suffi pour faire des martyrs. Le martyre de Marie a duré toute sa vie.

La prophétie de Siméon a eu son plein accomplissement: ton âme sera percée d'un glaive.

Elle souffre. aux jours d'Hérode pour son fils menacé; que de tour­ments aussi aux pays de l'exil, en Egypte; la perte de Jésus au temple est un martyre qui coûte des journées de larmes. Quelles tortures pour Ma­rie, quand elle apprend qu'on veut faire mourir son Fils comme un mal­faiteur, quand elle le voit porter la croix sur le chemin du Calvaire.

Le coup de glaive est plus aigu encore quand elle le voit mourir sur la croix, quand elle reçoit pour fils le disciple à la place du Maître, quand elle voit son divin Cœur percé par la lance.

Et quelle heure terrible que celle où on le lui remet entre les mains, inanimé et défiguré. Elle le voit envelopper dans le linceul. On le porte au tombeau et elle conduit son deuil. O Marie, il n'y a pas de douleur semblable à la vôtre, parce qu'aucune mère n'a perdu un fils semblable au vôtre.

IIe POINT: Marie est résignée. - Marie est debout près de la croix: Sta­bat Juxta crucem Jesu Mater ejus. Elle n'est pas affaissée, brisée par la dou­leur. Elle est debout, elle voit, elle entend. Jésus lui adresse la parole. Quelle force d'âme! Quelle héroïque résignation! Elle pleure sans doute, elle souffre, mais elle est debout.

Le soleil se voile, la terre tremble, toute la nature est troublée. Les apôtres se sont enfuis. Seule Marie est debout.

Elle ne parle pas. Elle adore en silence, elle prie, elle offre son sacrifice en union avec celui du Sauveur.

Elle a tout compris. Elle échange quelques regards avec Jésus, ce sont des regards d'encouragement mutuel.

Elle ne se plaint pas. Le Fiat a toujours été la note dominante de sa vie. Elle a reçu Jésus par un Fiat, elle le perd par un Fiat ! Elle a entendu tant de fois Jésus redire et enseigner le Fiat, elle est prête à le pratiquer même dans le plus grand des sacrifices.

Elle est vraiment aujourd'hui corédemptrice. Son sacrifice s'unit à ce­lui de Jésus. Sa générosité augmente le trésor de l'Eglise.

C'est par degrés qu'elle a pu s'élever à cette admirable résignation. C'est par la correspondance constante à la grâce; c'est par l'union inti­me et profonde à Jésus; c'est par la méditation quotidienne des mystères de Notre-Seigneur, qui ont tous été des mystères de sacrifice et d'immo­lation, depuis Bethléem jusqu'au Calvaire.

Marie conservait tous ces mystères dans son cœur, elle s'en pénétrait, elle n'avait qu'un cœur avec Jésus.

Et moi, quelle est ma résignation dans les peines de la vie? Elle est bien faible souvent, bien courte, bien vite épuisée.

Jésus et Marie sont mes modèles. Ils seront ma force, si je m'appuie sur eux, si je leur reste fidèlement uni.

IIIe POINT: Marie est consolatrice. - Quand nous sommes dans la pei­ne, allons à Marie. Elle a tant souffert depuis la crèche jusqu'au Calvai­re! Le glaive de douleur toujours menaçant ne lui laissait pas de répit. Sa vie a été une vie d'immolation. Elle peut compatir à toutes nos peines, elle sait ce qu'il en coûte de souffrir. Elle ne sera jamais insensible à nos gémissements et à nos larmes.

Parce qu'elle a été la Mère de douleurs, elle a mérité d'être la consola­trice des affligés. C'est sa grâce, allons à elle avec confiance.

Quand nous sommes dans l'épreuve, nous jetons nos regards vers le crucifix, pour retremper notre courage, mais l'image du Christ nous se­ra plus douce encore et plus fortifiante, si nous y voyons Marie debout dans son héroïque résignation.

Ne nous décourageons jamais. L'exil est court. Après ce monde maus­sade et triste, viendra le ciel du bon Dieu, le ciel des éternelles joies et des cantiques sans fin.

Marie, qui est pendant notre vie la consolatrice des affligés, sera à no­tre mort la Porte du Ciel: Janua Coeli, ora pro nobis.

Si nous sommes dévots à Marie et consolateurs de ses tristesses pen­dant la vie, elle sera à notre chevet de mort pour nous ouvrir le ciel. Une âme qui peut se rendre le témoignage d'avoir honoré Marie avec quelque fidélité pendant sa vie, échappe aux angoisses et aux frayeurs des derniers moments. Sa confiance a un appui inébranlable.

Résolutions. - O Marie, Reine des martyrs, je compatis à vos in­comparables douleurs. Vous avez aimé le sacrifice parce qu'il nous ra­chetait, je vous en rends grâce de tout cœur.

Votre résignation admirable m'encourage à la patience et à l'aban­don. Comme vous, j'unirai tous mes sacrifices à ceux du Cœur de Jésus. Je mets en vous ma confiance pour la dernière heure de ma vie. Colloque avec Marie, Mère de douleur.

Quinzaine de Paques

Le Dimanche des Rameaux

Et cum appropinquaret jam ad descen­sum Montis Oliveti, coeperunt omnes turbae discipulorum gaudentes laudare Deum voce magna super omnibus quas viderant virtutibus, dicentes: Benedictus qui venit rex in nomine Domini, pax in coelo et gloria in excelsis (S. Luc, 19, 37).

Et comme il commençait à descendre le Mont des Olives, la foule des disciples joyeux se mit à louer Dieu à haute voix sur toutes les merveilles qu'ils avaient vues en disant: Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur, paix au ciel et gloire au Très-Haut (S. Luc, 19, 37).

1er Prélude. Jésus permet qu'on exalte sa royauté, mais son cœur est dominé par la tristesse; il pleure l'ingratitude de Jérusalem et la nôtre.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi la grâce de vous louer dignement et de pleurer amèrement mes péchés.

Ier POINT: L'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. - Avant de faire son dernier sacrifice, Jésus veut se montrer à toute la nation dans sa dignité royale, comme le Messie libérateur, recevoir les adorations de son peu­ple et prendre en quelque sorte possession de la ville sainte; mais il veut donner à son triomphe le caractère d'humilité et de douceur qui devait marquer son règne messianique. Il va de Béthanie à Jérusalem, entouré d'une foule nombreuse venue à Béthanie par le désir de voir le nouveau prophète et par le bruit de la résurrection de Lazare.

Sur le chemin, à Bethphage, Notre-Seigneur fait emprunter une â­nesse et son ânon. L'ânon sera sa monture triomphale. Le prophète Za­charie avait prédit cette modeste entrée royale.

Jérusalem est remplie de monde à cause de l'approche des fêtes pasca­les. Une foule de gens vont au devant de Jésus et lui font un triomphe à la manière orientale. Ils portent des palmes, ils étendent leurs manteaux sur le chemin et ils crient «hosanna!».

Voilà bien le prince de la paix. Il vient à nous avec simplicité, avec amour. Hésiterons-nous encore à aller à lui avec confiance?

Le peuple agit aujourd'hui avec simplicité, il n'écoute que son cœur. Dans quelques jours, hélas! il se laissera influencer par les sectaires. Quelle responsabilité ont ceux qui peuvent avoir influence sur le peuple!

IIe POINT: La venue de Jésus en nous par la sainte communion. - La pro­phétie de Zacharie s'adapte parfaitement à la visite royale que Jésus vient nous faire dans la sainte communion. Ecce rex venit, c'est vraiment un roi qui vient, le roi du ciel; c'est notre roi, Rex tuus; c'est un roi pacifi­que, il vient les mains pleines de grâces et de bénédictions: rex mansuetus.

C'est notre roi et notre Dieu: Hosanna in altissimis!

Comment ferons-nous pour le recevoir dignement, pour que son divin Cœur se complaise dans cette visite?

Il y a quelque chose à imiter de l'enthousiasme des juifs. Ils éten­daient leurs manteaux à terre, ils brandissaient des palmes et des bran­ches d'olivier. Ce sont là des signes d'humilité, de joie, de paix, de vic­toire. Ne sont-ce pas les dispositions que nous devons apporter à la visite royale de l'Eucharistie?

Les juifs se dépouillaient de leurs manteaux; Notre-Seigneur attend de nous un autre dépouillement, il désire nous voir quitter et mettre à ses pieds notre manteau de tiédeur, de vie naturelle et molle, de concessions au monde et à ses habitudes.

Il attend nos louanges, nos alleluia, nos chants de victoire.

Il veut trouver en nos âmes la paix que symbolise l'olivier, la paix qui résulte du recueillement, de l'attention, de l'oraison.

Donnons au Cœur de notre Roi cette satisfaction, cette joie, de trou­ver nos cœurs bien disposés, bien généreux, et tout dévoués à sa gloire.

IIIe POINT: Jésus pleure sur Jérusalem. - Jésus était à la veille de sa pas­sion, les démonstrations des juifs ne le trompaient pas. Son Cœur était ulcéré. En approchant de la ville, il s'arrêta un instant et se prit à pleu­rer: «O Jérusalem, dit-il, si tu comprenais tout le bien que je te veux! Si tu acquiesçais à la paix que je t'apporte! Mais non, tu vas bientôt m'obliger à te frapper et à punir ton ingratitude!».

Ces paroles m'émotionnent profondément. Notre-Seigneur ne pensait pas seulement à Jérusalem, mais à toutes les âmes ingrates, à la mienne même. «Si tu comprenais tout le bien que je te veux! me disait-il; si tu acquiesçais à la paix que je t'apporte!».

Mais hélas! je ne comprends pas toujours, je ne comprends pas sou­vent. Notre-Seigneur m'apporte la paix, mais je garde le trouble parce que je n'ai pas le courage de me vaincre et de briser entièrement avec mes inclinations mauvaises.

Notre-Seigneur me répète ses avertissements de bien des manières, par les impressions de sa grâce, par mes oraisons, mes retraites, par maintes lectures et réflexions, par des épreuves aussi et des châtiments. Vais-je enfin comprendre son amour?

Ses larmes vont-elles me toucher? Si j'avais la foi de Marguerite­-Marie, je verrais les larmes du Bon Maître! Je puis me les représenter. Je sais qu'il est impassible au ciel, mais il pleurerait encore à mon sujet, s'il pouvait pleurer.

Résolutions. - Deux pensées me saisissent aujourd'hui. Je dois rece­voir plus dignement Notre-Seigneur dans la sainte communion. Je dois le louer de tout cœur, l'honorer et mettre à ses pieds le manteau de mes habitudes défectueuses. En second lieu, je sens le besoin de pleurer avec Notre-Seigneur, de compatir à la tristesse de son Cœur, et aux larmes qu'il verse sur mon ingratitude.

Colloque avec Notre-Seigneur entrant à Jérusalem.

Lundi saint
Jésus est condamné à mort

Videns auteur Pilatus quia nihil profi­ceret, sed magis tumultus fieret, accepta aqua lavit manus coram populo dicens: Innocens ego sum a sanguine justi hujus, vos videritis. Tunc dimisit illis Barab­bam: Jesum auteur flagellatum tradidit eis ut crucifigeretur (S. Mat., 27, 24).

Pilate voyant qu'il ne gagnait rien et que le tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains devant le peuple et dit: Je suis innocent du sang de ce juste; et vous, vous verrez… Alors il délivra Ba­rabbas et leur livra Jésus flagellé pour qu'il fût crucifié (S. Mat., 27, 24).

1er Prélude. Voilà l'heure du grand crime des hommes et du grand pardon de Dieu.

2e Prélude. C'est moi, Seigneur, qui mérite d'être condamné, pardonnez-moi, donnez-moi la vertu de pénitence.

Ier POINT: La lâcheté de Pilate. - C'est Pilate qui condamne Jésus. Il a plusieurs fois proclamé son innocence, mais par lâcheté et par intérêt il cède aux instances des sectaires. Il se soucie peu de la justice. Ambitieux et servile, il ne songe qu'à la faveur de César et à la popularité. Il voit clairement où est la justice, mais il est d'abord irrésolu, puis il capitule.

Il est dur et cruel dans son égoïsme; il fait flageller Jésus et l'abandon­ne à toutes les cruautés des soldats. Il le condamne enfin à une mort infâ­me et douloureuse.

Je proteste contre cette lâcheté et cette cruauté, mais je me surprends à les imiter. Je n'ai peut-être pas condamné Jésus à mort en commettant des péchés mortels; mais je l'ai souvent flagellé et offensé par des péchés véniels. Et cela, pour quels motifs? par intérêt, comme Pilate, pour satis­faire mes sens, ma vanité, mes passions; par lâcheté, comme Pilate, par­ce que je voulais plaire à d'autres, et je ne savais pas me vaincre. J'étais d'abord hésitant, je discutais avec la tentation, puis je cédais.

Je me complaisais parfois dans de fausses excuses, comme Pilate qui se lavait les mains. Cette ressemblance avec Pilate me saisit et me con­fond. Seigneur, pardonnez-moi ma lâcheté!

IIe POINT: Les sectaires et les indifférents. - Le monde est toujours le même. Il y avait là les sectaires, les meneurs: c'étaient les pharisiens et les prêtres, jaloux, ambitieux, passionés. Ce sont eux qui harcèlent Pila­te et qui le font céder à leurs desseins. Il y a aussi une foule instinctive­ment méchante, qui hurle avec les loups et qui assume la responsabilité du sang de Notre-Seigneur. Il y a aussi les pauvres soldats, grossiers et sans pitié, qui frappent Jésus au delà même des désirs de Pilate et qui l'accablent de grossières injures et de traitements barbares.

N'ai-je pas ma part dans ce concert de cruautés? Sans doute pas direc­tement, quoique je pourrais peut-être me reprocher beaucoup de faibles­ses qui ont pour motifs l'habitude de suivre le courant, de faire comme les autres, de capituler sans cesse après des résolutions d'énergie et de ré­forme. Mais si je n'ai pas coopéré formellement aux offenses faites à Jésus par la société contemporaine, j'ai à me reprocher ma trop grande in­différence. Je n'ai pas crié: «Crucifigatur», mais j'ai fui comme les apô­tres.

Ils n'étaient pas là! Ils auraient gagné des âmes faibles; ils auraient pu opposer leurs cris de pitié et de justice au crucifigatur. Ils auraient au moins consolé le Cœur de Jésus par leur présence, par leurs regards, par leurs larmes. Mais la timidité, la faiblesse et quelque lâcheté les éloi­gnent. C'est là que j'en suis. Je ne réagis pas assez contre le courant d'impiété. Je ne m'applique pas assez à détacher quelques âmes de ce courant. Je ne crie pas, je ne proteste pas, je ne suis pas près de Jésus, je ne le console pas. J'ai donc hélas! quelque complicité avec ses bour­reaux.

Pardon encore une fois, Seigneur, pour toutes mes lâchetés!

IIIe POINT: Bonté infinie de Jésus. - Au fond, c'est Dieu qui conda­mne son Fils, c'est Jésus qui se condamne lui-même par amour pour nous.

Jésus permet que cette sentence de mort soit portée contre lui, pour la détourner de nous. C'est nous qui méritions la mort, temporelle et éter­nelle. Jésus se soumet à la mort temporelle pour nous sauver. Sa charité est telle qu'il entend avec plaisir le crucifigatur. Ne nous a-t-il pas dit que la plus grande marque d'amour que l'on puisse donner à son prochain, c'est de mourir pour lui?

Il veut succomber victime de la justice humaine, pour nous dérober à la justice divine. Il garde le silence, il ne se justifie pas, parce qu'il nous représente et que nous n'avons rien à faire valoir pour nous justifier.

Il ne veut pas seulement nous sauver, il veut encore occasionnellement nous instruire, comme il le voulait en tous les actes de sa vie: Exemplum dedi vobis. Il nous donne l'exemple de la patience, de la résignation dans les épreuves. Il pense aux persécution, aux railleries, aux calomnies du monde que nous aurons à subir. Il nous réconforte, il nous console par sa patience, par sa douceur, par le sens surnaturel qu'il imprime à la souffrance.

Il prévoit les accusations fausses qui tomberont sur nous, les juge­ments faux et téméraires. Il veut nous mériter le courage de les méprise­ret nous en donner l'exemple. Ah! Seigneur, que votre Passion est riche de grâces et de divines leçons!

Résolutions. - Compassion, amour, reconnaissance, tels sont, Sei­gneur, les sentiments qui remplissent mon cœur. qui pourra compren­dre votre amour? Mais aussi quelles leçons de haine du péché, d'amour de la réparation, de patience, de douceur, de mépris de la terre! Unissez ­moi, Seigneur, de plus en plus, aux sentiments de votre divin Cœur.

Colloque avec Jésus condamné à mort.

Mardi saint
Le chemin du Calvaire

Et postquam illuserunt ei, exuerunt eum chlamyde, et induerunt eum vesti­mentis ejus et duxerunt eum ut crucifige­rent. Exeuntes autem invenerunt homi­nem Cyreneum, nomine Simonem: hunc angariaverunt ut tolleret crucem ejus, et venerunt in locum qui dicitur Golgotha, id est Calvariae locus (S. Mat., 27, 31).

Après qu'ils l'eurent tourné en déri­sion, ils lui otèrent le manteau et lui remi­rent ses vêtements et le conduisirent pour le crucifier. En chemin, ils rencontrèrent Simon de Cyrène: ils l'obligèrent à porter la croix, et ils arrivèrent au lieu appelé Golgotha, c'est-à-dire au Calvaire (S. Mat., 27, 31).

1er Prélude. Je vous adore et vous bénis, ô Jésus, qui avez racheté le monde par votre croix.

2e Prélude. Enseignez-moi, Jésus, les leçons de la croix, qui me prêche la réparation et l'amour.

Ier POINT: Supplice douloureux et ignominieux. - Jésus porte avec gran­de peine cette croix: bajulans sibi crucem. Elle est pesante, cette croix, plus que ne le comportent les forces d'un homme, et Jésus est déjà épuisé par son agonie au jardin des Olives, par toutes les impressions de cette nuit, où il a été trahi, jugé, abandonné, par le jeûne, la flagellation, le couron­nement d'épines et les mauvais traitements de tout genre. La croix repo­se sur des plaies, ouvertes sur ses épaules par la flagellation.

Et tout cela ne serait rien encore, si la croix ne représentait pas pour lui le poids de tous nos péchés, dont il a assumé la charge.

C'est un supplice ignominieux. Jésus est assimilé là aux plus vils cou­pables, aux esclaves meurtriers. Il est encadré entre deux malfaiteurs, voleurs et assassins. Il traverse toute la ville qui le raille et le méprise. Un héraut public le précède et annonce sa condamnation. C'était l'usage. Les pharisiens et les prêtres le suivent triomphants. La foule est immen­se, on est aux fêtes de pâques. Autant on l'acclamait ces jours passés, au­tant on le décrie aujourd'hui.

Jésus peut s'appliquer les paroles de Jérémie: «Vous qui passez sur ce chemin, voyez si l'on peut imaginer une douleur pareille à la mienne!» (Thren., 1, 12).

IIe POINT: Les rencontres. - Sur le chemin douloureux, les rencontres émouvantes se succèdent.

C'est d'abord Simon de Cyrène, qui se résigne difficilement à aider Jésus. Il nous représente tous. En le voyant, Jésus pense à nous, à nos répugnances pour la croix salutaire, à nos refus habituels de compatir à sa croix et de l'aider. Cette pensée augmente immensément ses souffran­ces.

C'est Marie, ensuite, qui s'avance, accompagnée et soutenue par saint Jean. Les voir pleurer et souffrir est pour le Cœur de Jésus un ac­croissement de peine. Qui est-ce qui ne voudrait pas cacher ses peines à sa mère, pour ne pas la faire souffrir? Marie va suivre Jésus jusqu'au Calvaire, Jésus souffrira doublement. Marie cependant est là notre mo­dèle. Elle s'oublie elle-même et donne à Jésus tout ce que son Cœur peut attendre: compassion, réparation, amour, reconnaissance. Marchons avec elle, imitons-la, consolons-la comme faisait saint Jean.

Jésus rencontre Véronique qui essuie sa face divine; c'est encore un modèle pour les âmes réparatrices. Véronique essuie le sang qui coule du front de Jésus, les crachats ignobles des soldats, la poussière du che­min, la sueur provoquée par la fatigue. Quel sujet fécond de contempla­tion! Qu'elle est heureuse cette femme d'aider ainsi et de soulager Jésus! Et si nous voulons, nous pouvons avoir la même grâce, par nos actes de compassion, de réparation, d'amende honorable, accomplis avec affec­tion et générosité.

Jésus rencontre alors les filles de Jérusalem. Elles pleurent par une compassion toute naturelle et féminine. Notre-Seigneur les avertit que c'est insuffisant qu'il faut pleurer sur nos fautes et mettre fin à nos pé­chés, qui sont la vraie cause de ses souffrances et de toute sa passion. Quelle leçon pour nous! La meilleure compassion pour Jésus, c'est de ne plus pécher et de vivre plus saintement.

IIIe POINT: Nous aussi, nous devons porter notre croix. - Notre-Seigneur lui-même nous en a fait un précepte: «Celui qui ne porte pas sa croix, n'est pas digne de moi», nous a-t-il dit. Ne devons-nous pas en effet nous conformer à notre chef? Si Notre-Seigneur a choisi la croix, c'est qu'elle est bonne, c'est qu'elle est nécessaire.

Elle répare, elle efface le péché. Elle achète les grâces; et chez nous, el­le comprime les passions et les affaiblit.

Elle est si nécessaire, que Notre-Seigneur en a fait la mesure de notre gloire. Quand il viendra nous juger, le signe de la rédemption planera dans le ciel. Ceux qui seront trouvés conformes à la croix, seront sauvés.

Toute la vie d'ailleurs est semée de croix, c'est là la condition de notre vie mortelle depuis la chute d'Adam. Ce serait folie de ne pas profiter de ces occasions de réparation et de mérite.

Comment devons-nous porter la croix? Avec résignation d'abord, comme Jésus, qui disait sans cesse: «Mon Père, que votre volonté soit faite et non la mienne!». - Avec confiance dans la grâce de Jésus-Christ qui nous aidera à porter la croix. - Avec joie, parce que la croix est le chemin du ciel. - Avec amour surtout parce que la croix nous rend semblables a Jésus-Christ, parce que notre générosité console le Cœur de Jésus et nous unit au Sauveur dans son œuvre rédemptrice, parce que nos croix, portées avec courage sont des sources de grâces pour tou­tes nos œuvres, pour toutes les âmes que nous recommandons à Notre­ Seigneur.

Résolutions. - La croix est un mystère, elle répugne à la nature, mais elle a des secrets de grâce et de force. Il faut l'aimer avec sagesse, sans devancer la grâce de Notre-Seigneur. Nous pouvons de nous-mêmes embrasser la mortification avec prudence, dans la mesure de nos forces. Et pour les croix de Providence nous pouvons compter sur le secours de Notre-Seigneur dont le Cœur est rempli de bonté et de miséricorde.

Colloque avec Jésus portant sa croix.

Mercredi saint
Les paroles de Jésus en croix

Jésus autem dicebat: Pater, dimitte il­lis, non enim sciunt quid faciunt… Cum vidisset ergo Jésus Matrem et discipulum stantem, quem diligebat, dicit Matri suae: Mulier, ecce filius tuus. Deinde di­cit discipulo: Ecce Mater tua (S. Luc, 23; S. Joan, 19).

Jésus disait: Mon Père, pardonnez­leur, ils ne savent pas ce qu'ils font… Et comme il voyait sa Mère debout et le di­sciple qu'il aimait, il dit à sa Mère: Fem­me voilà votre fils. Puis il dit au disciple: Voilà votre Mère (S. Luc, 23; S. Jean, 19).

1er Prélude. La croix est une chaire d'où Jésus prêche la charité, la patience, l'obéis­sance, le sacrifice.

2e Prélude. Seigneur, gravez profondément dans mon cœur ces leçons données si so­lennellement.

Ier POINT: Prière indulgente et sentence miséricordieuse. - Jusque sur la croix Jésus s'oublie et ne vit que pour nous, malgré notre indignité. «Mon Père, disait-il, pardonnez à ces gens, car ils ne savent ce qu'ils font». Cette prière s'applique à nous tous, à tous les pécheurs.

Ce cri exprime bien l'infinie charité, l'infinie générosité du Cœur de Jésus: «Mon Père, pardonnez-leur! Pardonnez à tous ceux qui me don­nent des soufflets, à tous ceux qui me blessent par des fouets ou des épi­nes, à tous ceux qui me méprisent et me crachent au visage».

Jésus prie pour les pécheurs, pour moi, pour nous tous qui l'avons crucifié. Il excuse notre folie, notre orgueil, notre sensualité: «Ils ne sa­vent ce qu'ils font!».

Oui, Seigneur, pardonnez à vos enfants ingrats, aux fils de votre Egli­se qui se montrent indifférents ou persécuteurs. Pardonnez-moi! Je vous demande les grâces de repentir et de miséricorde auxquelles me donne droit la prière de Jésus-Christ.

Après cette prière, Jésus pardonne au bon larron. Cet homme est hu­milié et contrit. Il demande miséricorde. Jésus prononce la sentence du pardon: «Aujourd'hui, vous serez avec moi dans le paradis!». La croix est sanctifiante quand on l'accepte avec humilité, comme a fait le bon larron.

Union donc à Jésus sur la croix. Patience avec lui et résignation.

IIe POINT: Marie notre Mère. - «Femme, voici votre fils». Jésus for­mule ses dernières dispositions et comme son testament. Il ne veut pas mourir sans donner un dernier témoignage d'amitié à Marie sa Mère, à saint Jean, son disciple bien-aimé et à nous tous dans la personne de saint Jean. C'est là le testament de son Cœur. Il donne à Marie un sou­tien, l'apôtre vierge et aimant; à saint Jean et à nous tous une Mère. Ces paroles étaient un acte de détachement autant qu'un acte de cha­rité. Quel sacrifice pour Jésus et Marie!

A ce moment là, nous sommes nés enfants de Marie. Marie a dit son fiat, comme elle l'avait dit pour sa maternité divine. Elle nous a acceptés pour ses enfants. Nous avons pris place dans son cœur.

Saint Jean est entré de suite en possession de son legs précieux, il a pris Marie comme étant à lui: Accepit eam in sua.

A nous de recueillir, comme saint Jean, le legs qui nous est fait et de le mettre à profit. Prenons Marie pour notre Mère. Honorons-la comme telle. Aimons-la. Sollicitons ses conseils, son secours, sa protection ma­ternelle. Soyons-lui dévoués comme saint Jean, propageons son culte, gagnons-lui des enfants dévoués.

IIIe POINT: Le délaissement, la soif, le Consummatum est. - Vers la neu­vième heure, Jésus cria d'une voix forte: «Mon Dieu, mon Dieu, pour­quoi m'avez-vous délaissé?». C'est l'agonie du cœur, le cri de l'extrême détresse: abandonné! C'est comme l'enfer, la peine du dam, la peine des peines pour le réprouvé qui, en perdant Dieu, a tout perdu.

Jésus a exprimé cette plainte de sa nature pour excuser nos plaintes et nos découragements, et pour nous fortifier en nous montrant qu'il a souffert plus que nous, lui l'innocence même, pour expier nos fautes à notre place.

Il veut nous apprendre aussi à supporter les aridités, les délaisse­ments, dans la patience et l'humilité.

Après cela, Jésus sachant que tout était consommé, afin que l'Ecriture fût accomplie, dit: «J'ai soif». Et on lui donna du vinaigre sur une épon­ge. Mais ce qui l'oppressait le plus, c'était la soif du cœur, la soif d'achever son sacrifice, pour accomplir la Rédemption, la soif des âmes, la soif d'être aimé. Il a soif aujourd'hui de mon repentir, de ma conver­sion, du salut des pécheurs. Que ferai je pour étancher cette soif?

Jésus dit encore: «Tout est consommé!» c'est-à-dire: tout ce que j'ai pu faire pour vous, je l'ai fait. J'ai tout donné, tout sacrifié, pour votre salut, pour votre amour, je réclame votre cœur. N'y ai-je pas droit? Tout est consommé, ayez confiance. Le salut vous est acquis, si vous voulez seulement en profiter. Les sources de la grâce sont ouvertes, l'Eglise est fondée. La rançon est payée, tout est prêt. Jetez-vous dans ces bras ouverts pour l'union de la grâce en attendant la consommation de la gloire.

«Mon Père, je remets mon âme entre vos mains». C'est la dernière pa­role de Jésus. Il ne subit pas la mort. Il dépose la vie pour la reprendre. Personne ne peut la lui ravir, il la livre lui-même (S. Jean, 10, 17). C'est l'heure suprême du sacrifice rédempteur.

Résolutions. - Seigneur, pardonnez-moi comme au bon larron; recommandez-moi à Marie; donnez-moi la grâce de remplir comme vous toute ma mission, d'accomplir tout ce que votre Père céleste attend de moi. Je remets mon âme entre vos mains pour que vous la dirigiez et que vous la gardiez unie à votre divin Cœur.

Colloque avec Jésus en croix.

Jeudi saint
La sainte cène

Coenantibus autem eis, accepit Jésus panem, et benedixit ac fregit, deditque di­scipulis suis, et ait: Accipite et comedite; hoc est corpus meum. Et accipiens cali­cem, gratias egit, et dedit illis dicens: Bi­bite ex hoc omnes. Hic est enim sanguis meus novi Testamenti, qui pro multis ef­fundetur in remissionem peccatorum… Erat autem recumbens unus ex discipulis ejus in sinu jesu, quem diligebat Jésus (S. Mat., 26; S. Joan, 13).

Pendant la cène, Jésus prit du pain, le bénit et le rompit, et le donna à ses disci­ples en disant: Prenez et mangez: ceci est mon corps. Et prenant le calice, il rendit grâces et leur dit: Buvez-en tous. Ceci est mon sang de la nouvelle alliance qui sera versé pour beaucoup pour la rémission des péchés… Cependant il y avait un di­sciple qui reposait sur le sein de Jésus, ce­lui que Jésus aimait (S. Mat., 26; S. Jean, 13).

1er Prélude. Le Cénacle. Jésus est comme transfiguré au milieu de ses apôtres. Les sources de l'amour vont s'ouvrir pour donner au monde l'Eucharistie.

2e Prélude. Merci, Seigneur. Avec saint Jean, je vous remercie, je vous aime, je me donne tout à vous.

Ier POINT: L'Eucharistie. - O prodige inouï! le Maître suprême se fait l'aliment de sa pauvre et misérable créature!

Pendant qu'ils soupaient, en cette nuit de la dernière Cène, Jésus était assis avec ses disciples. - Il lève les yeux vers son Père et se recueille dans une ardente prière. Il est comme transfiguré. - Considérons le ciel ouvert au dessus de sa tête: les Anges étonnés tressaillent de joie et de crainte… de joie: l'Eucharistie enflammera et sanctifiera tant de cœurs! elle allumera au sein de l'Eglise un tel foyer de dévouement et d'amour!… de crainte aussi: l'Eucharistie rencontrera tant d'ingrats! el­le sera profanée par les judas de tous les siècles!

Ecoutons les paroles de Jésus: «Prenez et mangez, ceci est mon corps; buvez, ceci est mon sang…». - Je vous salue, ô vrai corps, ne de la Vierge Marie!

Je verrai les apôtres s'approcher, prendre leur part de cette première communion… Marie, la Mère bien-aimée de Jésus! qui pourrait dire l'ardeur de sa charité! C'est son fils qu'elle reçoit! c'est la chair, c'est le sang qu'elle lui a donnés! des flots d'amour montent vers le ciel dans les transports de cette chaste union, de ces saints ravissements.

«Faites ceci en mémoire de moi», ajoute Jésus, et ses apôtres sont faits prêtres pour l'éternité. Unissons-nous à leur acte de foi et d'amour.

IIe POINT: Judas! - La Passion commence au Cénacle, par l'attitude de judas si cruellement blessante pour le Cœur de Jésus. Le traître a déjà vendu son divin Maître. Cependant il assiste hypocritement à la Cène et à l'institution de l'Eucharistie. Il communie sans doute sacrilègement. Notre-Seigneur en éprouve de l'abattement et de la pitié. Il essaie en­core de le sauver. Il l'avertit: «Un de vous, dit-il, qui êtes avec moi à cet­te table, me trahira». Cela devait rappeler au traître la plainte de David: «Si un ennemi m'eût offensé, je l'eusse supporté, mais vous, un ami qui vivait à ma table…».

Notre-Seigneur laisse éclater sa tristesse, non pas à cause de lui-même, il sait qu'il doit mourir: «Pour ce qui est du Fils de l'homme, dit-­il, il s'en va selon ce qui a été déterminé». Mais il s'attriste à cause du crime de son disciple: «Malheur dit-il, à celui par lequel le Fils de l'hom­me est trahi!» (S. Luc, 22, 22). Mais rien ne touche le pécheur endurci.

O Cœur sacré, victime des hommes, je vous demande pardon pour la trahison de judas et pour les crimes qui vous affligeront, vous humilie­ront et vous frapperont jusqu'à la fin de temps sur tous les autels de la terre; pardon pour les chrétiens indignes, pardon pour les prêtres apo­stats!

IIIe POINT: Saint Jean sur le Cœur de Jésus. - Entrons au Cénacle au moment de l'action de grâces de cette première communion de la terre. Saint Jean repose avec abandon et tendresse sur le Cœur de Jésus. C'est la réalisation d'un tableau du Cantique des cantiques: «Mon Bien-Aimé est à moi et je suis à lui… Je suis à mon Bien-Aimé et son Cœur se tour­ne vers moi» (Gant. 2).

Jésus se complaît dans son immolation eucharistique. Cette pâque fé­conde, qu'il vient de faire avec ses disciples, se renouvellera sur l'autel jusqu'à la fin des temps. C'est la manne du Nouveau Testament, le pain de vie, le pain des forts, les délices des saints, le gage du salut et de la ré­surrection.

Saint Jean, l'apôtre vierge, l'ami de l'Epoux, le parent du Christ, ravi de la communion qu'il vient de faire, laisse tomber tendrement sa tête sur la poitrine de son Maître chéri. Il est pur, et la chasteté des sens et du cœur permet à l'homme l'intimité avec Dieu. Attraction ineffable qui dégage le disciple de la terre et l'élève dans une région supérieure de béatitude et d'amour.

Le disciple bien-aimé appuie sur le cœur sacré de Jésus ses lèvres d'où jailliront les fleuves de la théologie sacrée, son front que doivent orner tant de rayons merveilleux de science et de sagesse, et ceindre l'auréole des apôtres, des prophètes, des vierges, des martyrs.

Le Christ lui a réservé à lui seul, parce qu'il est pur, d'écrire de sa main les mystères de la pureté incréée, du Verbe de Dieu fait chair pour le salut du monde.

Saint Jean, disciple bien-aimé, attirez-nous avec vous sur la poitrine de Jésus quand nous sommes unis à lui dans la communion.

Résolutions. - Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n'a rien épargné pour leur marquer son amour! Et moi que ferai-je pour lui rendre amour pour amour? J'irai à l'Eucharistie avec une pureté et une ferveur qui me rapprochent des dispositions de saint Jean.

Colloque avec saint Jean.

Vendredi saint
Le Cœur de Jésus ouvert par la lance

Sed unus militum lancea latus ejus ape­ruit; et continuo exivit sanguis et aqua. Et qui vidit testimonium perhibuit… Facta sunt enim haec ut Scriptura impleretur: Os non comminuetis ex eo. Et iterum: Vi­debunt in quem transfixerunt (S. Joan 19, 34).

Un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau. Celui qui l'a vu en a rendu té­moignage… Ces choses sont arrivées afin que l'Ecriture s'accomplît: Vous ne brise­rez aucun de ses os; et encore: ils verront au-dedans de celui qu'ils ont percé (S. Jean, 19, 34).

1er Prélude. Le dernier acte de la Passion du Christ, l'ouverture de son côté, explique et résume toute la vie du Sauveur. Il a pris un Cœur pour l'ouvrir comme la source de toutes les grâces.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, la grâce de boire aux sources de la sainteté et de l'amour.

1er POINT: La blessure. - Allons au Calvaire, après la mort de Jésus. La foule s'est éloignée, les amis restent. Quelques soldats viennent con­stater ou, s'il y a lieu, hâter la mort des patients, afin que le spectacle de leur supplice prolongé n'attriste pas le jour du sabbat.

Un des soldats s'avança donc et ouvrit le côté de Jésus avec une lance. C'est un grand mystère de l'histoire sacrée, où tout est mystère et action divine. La blessure extérieure est ici la révélation symbolique de la bles­sure intérieure, celle de l'amour. L'amour, voilà le bourreau de Jésus! Le Christ est mort parce qu'il l'a voulu, c'est l'amour qui l'a tué… Aussi l'Eglise chante-t-elle, pour saluer le Cœur transpercé de son époux: «O Cœur victime d'amour, Cœur blessé par l'amour. Cœur mourant d'amour pour nous! O Cor amoris victima, amore nostro saucium, amore nostri languidum! (Hymne du Sacré-Cœur).

Notre-Seigneur a permis ce coup de lance pour appeler notre atten­tion sur son cœur, pour nous faire penser à son amour qui est la source de tous les mystères du salut: les promesses de l'Eden, les prophéties et les figures de l'ancienne loi, l'action providentielle sur le peuple de Dieu, l'incarnation, la vie, les enseignements et la mort du Sauveur. L'ouver­ture du côté de Jésus, c'est comme la source qui arrosait le paradis terre­stre, c'est comme la fente du rocher qui donna l'eau pour désaltérer le peuple d'Israël.

IIe POINT: Le sang et l'eau. - Il en sortit du sang et de l'eau, dit saint Jean. Le fer en se retirant laissa jaillir une double source de sang et d'eau, dans laquelle les Pères de l'Eglise ont vu le symbole de cette autre merveille d'amour, les sacrements, canaux précieux de la grâce du salut. - Fleuve d'eau qui, au saint baptême et dans le bain de la pénitence, la­ve l'âme de la souillure originelle; fleuve de sang qui tombe chaque ma­tin dans les calices des autels, pour se répandre à travers le monde, con­soler l'Eglise souffrante du Purgatoire et ranimer l'Eglise qui milite sur la terre; fleuve rafraîchissant, où le cœur, desséché par les affaires et les tentations, va s'abreuver de calme et de pureté; fleuve fortifiant, où la volonté la plus chancelante puise la force pour résister aux assauts de l'ennemi; fleuve enivrant, où l'âme va s'abreuver de piété, de charité et de sainte joie.

Seigneur, donnez-moi à boire de cette eau et de ce sang, afin que je n'aie plus cette soif maladive des choses du monde qui me torture, et que je sois enivré de votre amour.

IIIe POINT: «Ils verront au-dedans de celui qu'ils ont percé». - C'est le mot du prophète Zacharie, rappelé par saint Jean. Le prophète n'a pas dit: «Ils verront qui ils ont percé», mais «ils verront au-dedans de celui qu'ils ont percé: Videbunt in quem transfixerunt» (Saint Jean, 19, 38). Saint Jean applique ces paroles à l'ouverture du côté de Jésus; il a dû penser à l'in­térieur de Jésus, au Cœur même de Jésus qu'il a pu entrevoir par la plaie béante du côté, au moment de l'embaumement.

Cette blessure nous livre et nous ouvre le Cœur de Jésus. spirituelle­ment, nous y lisons l'amour qui a tout donné, même la vie. Dans cet amour même, nous reconnaissons le motif et la fin de toutes les œuvres divines: Dieu nous a créés, rachetés, sanctifiés par amour. Dans le Cœur de Jésus, c'est donc le fond même de la nature divine que nous pénétrons en sa plus merveilleuse manifestation. «Dieu est amour». Saint Jean a lu cela dans le Cœur de Jésus.

J'ai besoin de contempler cette blessure pour voir combien je suis ai­mé et combien je dois aimer à mon tour. J'apprendrai là comment un cœur aimant doit agir, souffrir, tout donner, jusqu'à la mort, pour Dieu et pour les âmes.

Allons plus profondément encore, et voyons tout ce qu'a souffert le plus délicat des cœurs: les mépris, les calomnies, les trahisons, les aban­dons, les délaissements. Toutes les douleurs sont réunies dans ce Cœur et en débordent. Il les a toutes ressenties, il les a toutes sanctifiées. Dans nos peines, si extrêmes qu'elles soient, ayons confiance dans la sympa­thie et la compassion de ce Cœur, qui a voulu nous ressembler dans la souffrance, pour être plus compatissant et plus miséricordieux (Aux Hébr., 2, 17).

Commençons nous-mêmes par plaindre cet amour qui n'est pas aimé et par compatir à ses douleurs.

Résolutions. - L'ouverture du Cœur de Jésus nous rappelle son amour, sa bonté, sa souffrance. Il attend de moi l'amour de retour, la re­connaissance, la compassion. Me voici, Seigneur, pour vivre avec Vous et en Vous. Ne permettez plus que je me sépare de vous et que je vous oublie.

Colloque avec Jésus en croix.

Samedi saint
Le deuil de Marie et des apôtres
et l'épreuve de Madeleine

Et vidit duos angelos in albis, sedentes, unum ad caput et unuur ad pedes, ubi po­situm fuerat corpus Jesu. Dicunt ei illi: Mulier, quid ploras? Dicit eis: Quia tule­runt Dominum meum et nescio ubi po­suerunt eum (S. Joan, 20, 12).

Elle vit deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l'un à sa tête et l'autre aux pieds. Ils lui dirent: Femme, pourquoi pleurez-vous? Elle leur répondit: C'est qu'ils ont enlevé mon Sei­gneur: et je ne sais où ils l'ont mis (S. Jean, 20, 12).

1er Prélude. La très sainte Vierge exprime sa douleur avec calme chez saint Jean. Madeleine plus agitée court acheter des parfums et va au sépulcre.

2e Prélude. Deuil, compassion et amour, telles sont les dispositions dont je dois me pénétrer aujourd'hui pour remplir ma mission de disciple du Sacré-Cœur.

Ier POINT: Deuil de Marie, de saint Jean et de Madeleine. - Pendant le grand deuil du samedi, Marie, les disciples et les saintes femmes demeu­rèrent à la maison, à cause du Sabbat. «Sabbbao autem siluerunt secundum mandatum» (S. Luc).

Pour Marie, il y avait un autre motif: C'était l'usage des juifs que la personne la plus étroitement unie au défunt, sa mère, son épouse, sa soeur demeurât à la maison pendant le grand deuil, tandis que les autres membres de la famille allaient visiter le sépulcre. A la mort de Lazare, c'était Madeleine qui demeurait à la maison: Maria auteur domi sedebat (S. Jean, 11, 20).

La maison pour Marie, c'était chez Jean. Il l'avait prise chez lui sur l'ordre de Notre-Seigneur. Ex illa hora accepit eam discipulus in sua (S. Jean, 19, 27). Pierre était là aussi, il ne quittait pas Jean ces jours-là.

Nous pouvons facilement penser que Madeleine demeura aussi auprès de Marie. Unies au pied de la croix, elles étaient unies dans le deuil. La présence de Marie adoucissait le deuil de Madeleine. La présence de Madeleime, qui avait été toute arrosée du sang de Jésus, c'était pour Marie comme un reste de Jésus lui-même.

Marie s'abandonne moins à la douleur que Madeleine. Sa foi ne lui laisse pas perdre de vue les enseignements de l'Ecriture.

Elle sait que l'âme sainte de Jésus ne sera pas abandonnée dans les en­fers et que Dieu ne permettra pas que le corps de son Saint connaisse la corruption; Quoniam non derelinques animam meam in inferno, nec dabis Sanc­tum tuum videre corruptionem (Ps. 15, 9).

Elle attend sa prochaine visite. Elle médite sur la grandeur du sacrifice et de l'amour de Jésus et sur les heureux fruits que produira sa Passion: Conservabat omnia verba hoec in corde suo (S. Luc, 2, 19).

IIe POINT: Amour et fidélité de Madeleine. - Madeleine elle aussi nous donne un grand exemple de fidélité et de persévérance dans l'amour de Notre-Seigneur. Elle n'a pas de repos, elle ne peut vivre loin de son Bien-Aimé. Il lui faut son Dieu, elle le cherchera. Son trésor est au sé­pulcre, là aussi est son cœur. Les épreuves n'ont pas éteint les flammes de son amour: Aquae multae non potuerunt extinguere caritatem (Gant., 8).

Son amour s'est purifié dans le creuset des souffrances. Il faut que sa fidélité redouble: son Bien-Aimé a été si cruellement trahi, abandonné! Il faut que son dévouement soit vraiment réparateur.

Aussitôt que la loi de Dieu le permet, elle sort avec les deux autres Marie pour acheter des parfums (Marc, 16, 1). Par modestie, elle ne sort pas seule. elle consulte Pierre, Jean et Marie, comme elle ira leur rendre compte quand elle aura trouvé le tombeau vide. L'obéissance à l'Eglise et l'union à Marie sont les marques du véritable esprit de Dieu. Après l'achat des parfums, Madeleine fait une visite au sépulcre avec une seule compagne: Vespere autem sabbati, venit cum altera Maria videre sepulcrum (S. Mat., 28, 1). Elle prend le chemin du Calvaire, il fait sombre, elle revoit en esprit toutes les scènes du vendredi. Elle a peur de fouler aux pieds le précieux sang. La croix est encore là, elle est effrayante au milieu des ombres de la nuit. Le sépulcre est solitaire, les gardes sommeillent. Ma­rie s'assied et pleure. L'heure de la consolation n'est pas venue. Notre­-Seigneur la laisse dans ses angoisses et cependant il fortifie son courage. Elle retourne dans la maison de douleur, elle n'a pas trouvé son Bien­-Aimé: Per noctem Qaesivi quem diligit anima mea. Quaesivi et non inveni (Gant., 3, 2). - Quand nous avons perdu la présence de Notre­-Seigneur, cherchons-le assidûment comme Madeleine.

IIIe POINT: Ardeur de Madeleine et ses épreuves. - Le cœur aimant de Madeleine ne connaît ni retard ni découragement. Aussitôt que cela est possible: Valde mane, Vlde diluculo, cum adhuc tenebrae essent, (Marc, Luc et Jean), Madeleine sort avec les deux autres Marie pour retourner au Cal­vaire. Elle les devance, elle court. Comme l'épouse des Cantiques, elle a dit: «Je me lèverai la nuit et je parcourrai la ville; dans les rues, sur les pla­ces publiques je chercherai celui que mon cœur aime. Je demanderai aux gardiens des portes de la ville: «Ne l'avez-vous point vu?» (Gant., 3, 1). Pendant cette nuit, elle disait avec le Psalmiste: «Mon âme soupire après vous, ô mon Dieu, comme le cerf altéré après l'eau des fontaines. Quand vous reverrai-je, ô mon Dieu? Quand paraîtrai-je devant votre face? Pendant que je verse des larmes intarisables, mes ennemis ricanent et me disent: Où est ton Dieu?… O mon âme, espère quand même, car tu le loueras encore, ton Seigneur et ton Dieu» (Ps. 41).

Mais Notre-Seigneur veut éprouver encore davantage sa fidélité et sa constance. En arrivant au Calvaire, Madeleine voit que la pierre a été enlevée et que le sépulcre est vide. elle ne pensait pas à la résurrection, elle cherchait le corps meurtri et déchiré de son Sauveur pour lui rendre le pieux devoir d'un ensevelissement digne de lui. Cet espoir même est déçu. Il ne lui reste plus rien de son Jésus! C'est un coup de foudre pour elle. Cependant, elle ne succombe pas à sa douleur, elle adore, elle s'hu­milie elle se rappelle ses péchés qui justifient cette privation de son Jésus, de son Sauveur bien-aimé.

Résolutions. - Marie, Jean, Madeleine et les saintes femmes sont nos modèles dans cette journée de compassion et de réparation. Ils sont les seuls amis fidèles du Cœur de Jésus. Je m'unirai à eux aujourd'hui et tous les jours. Je chercherai mon Jésus comme Madeleine, toutes les fois que j'aurai perdu sa présence sensible. Je ne me découragerai jamais dans ma foi, ma confiance et mon amour.

Colloque avec Marie.

Le jour de Paques
Résurrection et apparition à Marie

Et ecce terraemotus factus est magnus. Angelus enim Domini descendit de coelo, et accedens revolvit lapidem, et sedebat super eum. Erat autem aspectus ejus sicut nix. Prae timore autem ejus exterriti sunt custodes et facti sunt velut mortui (S. Mat., 28, 2).

Il se fit un grand tremblement de terre. Un ange descendit du ciel et s'approchant écarta la pierre et s'assit sur elle. Il était brillant comme un éclair et son vêtement blanc comme la neige. Les gardes furent saisis de frayeur et ils étaient comme morts (S. Mat., 28, 2).

1er Prélude. Le sol tremble, un ange apparaît comme un Jésus sort et va visiter Marie.

2e Prélude. Avec vous, ma sainte Mère, j'attends et j'espère. Jésus viendra me visi­ter, me consoler et me fortifier.

Ier POINT: La Résurrection. - C'était à l'aurore, au lendemain du grand samedi de la pâque. L'ange de la résurrection vient comme l'éclair, et Jésus sort du tombeau en triomphateur. L'agneau immolé a vaincu la mort, l'enfer et le monde. «Je suis mort, dit-il, et voici que je vis. Je tiens en mains les clefs de la mort et de l'enfer» (Apoc., 1, 18). Son corps trans­figuré a un éclat éblouissant; le diadème de gloire a remplacé la couron­ne d'épines; chacune de ses plaies brille comme le diamant. Comme il est beau dans son triomphe! Des légions d'anges l'accompagnent et chantent leurs cantiques de jubilation: «Il a vaincu, le lion de la tribu de Juda! Alleluia! - O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguil­lon? - Le Seigneur règne, il s'est revêtu de sa gloire…».

Jésus s'éloigne, il descend aux Limbes, et les justes de l'ancienne loi mêlent leurs acclamations à celles des anges: «Vous êtes digne, Seigneur, de recevoir gloire, honneur et puissance, car vous avez été mis à mort, et par votre sang vous nous avez rachetés pour Dieu» (Apoc., 4, 11 et 5, 9).

IIe POINT: L'attente de Marie. - Mais les justes qui sont aux Limbes ne sont pas le seul souci du Cœur de Jésus. Il y a là, il est vrai, tous ses ancêtres, les patriarches, les prophètes, les rois de Juda: Abel le juste, Abraham, Isaac et Jacob, qui ont reçu les promesses, Joseph qui a été vendu par ses frères. Moïse, Aaron et Josué, qui ont sauvé le peuple de Dieu, Isaïe et les autres prophètes, David, son père bien-aimé, Anne et Joachim ses aïeux, Jean-Baptiste son précurseur, Joseph son père adop­tif. Mais il y a sur la terre une âme qu'il aime davantage encore, parce qu'elle est plus sainte que tous les saints, c'est Marie. Comment l'oublierait-il?

Marie est dans l'attente. Ses larmes sont taries. Elle est recueillie, elle prie, elle sait que Jésus viendra. «Non, mon Dieu, soupire-t-elle avec David, vous ne permettrez pas que votre Saint éprouve la corruption» (Ps. 15). - «Revenez, mon Bien-Aimé Seigneur Jésus, mon unique espérance, mon Fils, mon cher Fils! … Qui vous retient loin de moi? Ne différez pas votre retour; vous avez dit: «Je ressusciterai le troisième jour», c'est aujourd'hui. Sortez du tombeau, vous qui êtes ma gloire, mon trésor et revenez à moi!» (S. Bonaventure).

Saint Jean était là aussi, le disciple bien-aimé, qui avait adopté Marie pour sa mère. Oh! l'heureux disciple, qui va partager désormais toute la vie intime de Marie, ses grâces, ses tristesses et ses joies!

IIIe POINT: La rencontre. - Tout à coup, l'humble habitation s'illu­mine. Les anges accourent en chantant: «Reine du ciel, réjouissez-vous. Alléluia! Celui que vous avez mérité d'enfanter, est ressuscité comme il l'avait dit!». Et déjà le Seigneur Jésus, revêtu de beauté, d'éclat, de gloi­re, et rayonnant de joie, est auprès d'elle. Marie se prosterne pour l'ado­rer. Jésus la relève, l'embrasse la presse sur son Cœur. Le Fils et la Mè­re prolongent leurs doux et consolants entretiens. Saint Jean est là, ils sont trois à l'heure du triomphe, comme ils étaient trois au Calvaire. Jésus annonce à sa Mère qu'il veut aller consoler Madeleine. «Partez, mon cher Fils, lui dit Marie, car elle a beaucoup d'amour pour vous et votre mort lui a fait verser bien des larmes». Jésus et Marie font ainsi leur pa­que dans les transports de l'amour le plus délicieux (S. Bonaventure).

Jésus m'invite aussi à la pâque de résurrection. Il m'invite à me jeter dans ses bras aujourd'hui, avec une confiance sans bornes. La résurrec­tion a ses grâces spéciales, grâces de joie spirituelle, de sainte espérance, d'action de grâces, de fermeté au service du bon Maître.

Le cœur de Jésus ressuscité tressaille de joie, d'amour pour son Père, de bienveillance et de tendresse pour nous. Je m'unis à ses sentiments.

Résolutions. - O Marie, faites-moi partager votre sainte allégresse! O Jésus, faites que je vive vraiment d'une vie ressuscitée, en union avec vous, dans le détachement des choses de la terre et le goût des choses du ciel. Je renouvelle ma résolution de m'unir à vous à chacune de mes ac­tions.

Colloque avec Jésus ressuscité.

Lunedi de Paques
L'apparition à Madeleine

Et vidit duos angelos in albis, sedentes, unum ad caput et unum ad pedes, ubi po­situm fuerat corpus Jesu. Dicunt ei illi: Mulier, quid ploras? Dicit eis: Quia tule­runt Dominum meum: et nescio ubi po­suerunt eum. Haec cum dixisset, conver­sa est retrorsum et vidit Jesum stantem: et non sciebat quia Jésus est (S. Joan, 20, 12).

Elle vit deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds. Ils lui dirent: Femme, pourquoi pleurez-vous? Elle ré­pondit: C'est qu'ils ont enlevé mon Sei­gneur, et je ne sais où ils l'ont mis. Puis se retournant, elle vit Jésus debout, sans sa­voir que ce fût lui (S. Jean, 20, 12).

1er Prélude. Notre-Seigneur se manifesta d'abord à sa sainte Mère; elle avait été la première à la peine, elle devait être la première à la joie. Puis, à Madeleine, pour ré­compenser sa fidélité.

2e Prélude. Seigneur, ne me dissimulez pas votre présence salutaire et consolante. Faites-la moi sentir.

Ier POINT: Jésus va consoler sa Mère puis revient vers Madeleine. - Made­leine, inclinée dans son humilité et son amour pénitent, voit deux anges assis là et le sépulcre vide. Jésus n'était plus là, en effet; il était allé con­soler sa Mère qui était seule en ce moment. Pouvait-il l'oublier? Ne lui devait-il pas sa première visite? Elle l'a tant aimé: Diligentes me diligo. Ils firent ensemble l'action de grâces pour la résurrection et tous les fruits qu'il en fallait attendre.

Cependant Madeleine n'est guère sensible à la vue des anges. C'est son Bien-Aimé qu'elle cherche, c'est lui qu'elle veut, rien ne peut la tou­cher en dehors de lui. Les anges conversent avec elle, parce qu'elle a été purifiée par sa pénitence et son amour. «Pourquoi pleurez-vous?» lui demandent-ils. Elle répondit: «Je pleure, parce qu'on m'a enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l'ont mis». Entre eux s'échange ce dialogue­ du Cantique: «Je vous adjure, ô fils de la Jérusalem céleste, si vous trou­vez mon Bien-Aimé, dites-lui que je meurs d'amour et de douleur. - Quel est donc ce Bien-Aimé, pour que tu nous adjures de la sorte? - Mon Bien-Aimé est blanc et vermeil, choisi entre mille. Sa tête couron­née d'épines comme d'un or de grand prix; ses yeux, qui étaient si doux, sont éteints, ses lèvres distillent la myrrhe de la douleur; ses mains déchi­rées par les clous sont pleines d'hyacinthes. Il était plus noble que le cèdre du Liban, tout en lui était désirable… il est l'unique ami de mon cœur, ô fils de Jérusalem» (Gant., 3).

IIe POINT: Madeleine est récompensée de sa fidélité par l'apparition de Jésus. - Notre-Seigneur ne résiste pas à des désirs si purs et si ardents. L'âme qui le cherche avec constance le trouve, et même quand on le croit ab­sent, il n'est pas loin.

Madeleine se retourna et le vit, mais elle ne le reconnut pas (S. Jean, 20, 14). Son âme était absorbée par la pensée de son Sauveur immolé. Elle cherchait un corps inanimé. Notre-Seigneur lui dit avec bonté: «Pourquoi pleurez-vous? Qui cherchez-vous?». Il la préparait douce­ment aux émotions de sa présence. Il l'élevait par degrés au dessus de l'abîme de douleurs et de déceptions où elle était plongée. C'est ainsi qu'il voudrait agir avec nous; pourquoi sa présence et ses paroles ne réussissent-elles pas à arracher notre cœur de l'abîme de dissipation et de lâcheté où il est enfoncé? C'est parce que notre cœur s'arrête à re­chercher les consolations humaines.

Madeleine ne reconnaît pas encore Notre-Seigneur, mais son cœur s'enflamme de plus en plus en la présence du bon Maître.

Elle lui demande son Bien-Aimé pour l'emporter. Elle le porterait chez Marie, qui est sa mère à elle comme à lui: Quis mihi det te, fratrem meum… ut apprehendam te et ducam in domum matris meae (Gant., 8). L'amour ne connaît rien d'impossible.

Mais Jésus ne peut plus tarder à se manifester à elle, parce qu'elle est merveilleusement purifiée et préparée par le sacrifice le plus complet. S'il tarde souvent à nous faire sentir sa présence, c'est que nous ne sommes pas purifiés et détachés des créatures. Le Cœur Jésus ne souffre pas de partage. apprenons de Madeleine à l'aimer d'un amour simple et généreux.

IIIe POINT: Pour obtenir la grâce de Jésus, il faut imiter Madeleine. - Il faut chercher Jésus avec un amour fidèle. Il faut supporter avec courage les immolations crucifiantes par lesquelles il veut nous préparer aux grâ­ces les meilleures. Sa présence ne suffit pas à le faire connaître, si sa grâ­ce n'ouvre pas les intelligences. quand l'heure est venue, il donne cette grâce. Il appela Marie par son nom et elle se jeta à ses pieds. Il mit dans cette parole toute la tendresse de son Cœur, et Madeleine en fut toute enivrée. Le livre du Cantique exprime son extase de joie et d'amour: Ego dilecto meo et ad me conversio ejus. Anima mea liquefacta est, dum dilectus locutus est (Gant., 5).

Elle se tient aux pieds de Notre-Seigneur, c'est la place que son humi­lité a chosie depuis longtemps. Elle met toute son âme dans cette parole unique: «Maître!». Elle est toute à Jésus: Inveni quem diligit anima mea; te­nui eum, nec dimittam (Gant., 3). C'étaient les fiançailles mystiques que Jésus lui accordait. Cependant il lui fit comprendre que la plénitude des délices de sa présence sensible est réservée à la vie future: Noli me tangere. Et il l'envoya avertir les apôtres de sa résurrection (S. Jean, 20, 17). L'union même la plus intime avec lui ne dispense pas les âmes du travail et du sacrifice. La vie intérieure bien conçue n'empêche pas l'apostolat. Au contraire, elle le féconde.

Résolutions. - Seigneur Jésus, je vous rends grâces pour tous les mys­tères de notre salut et de notre rédemption. Je vous chercherai désormais fidèlement avec Madeleine. Je ne veux plus vous perdre par ma faute. Pour cela j'éviterai le péché, je me détacherai des créatures, et je vivrai dans le recueillement et l'union avec votre divin cœur.

Colloque avec Jésus ressuscité.

Mardi de Paques
L'apparition aux saintes femmes

Et cum transisset sabbatum, Maria Magdalene et Maria Jacobi et Salome emerunt aromata, ut venientes ungerent Jesum. Et valde mane una sabbatorum, veniunt ad monumentum… Angelus dicit eis: Nolite expavescere. Jesum quaeritis Nazarenum crucifixum; surrexit, non est hic (S. Marc, 16).

Après le sabbat, Marie Madeleine, Marie de Jacques et Salomé achetèrent des parfums pour ensevelir Jésus. Et de bonne heure le lendemain du sabat, elles viennent au monument… L'ange leur dit: Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié. Il est ressu­scité, il n'est plus ici (S. Marc, 16).

1er Prélude. Après Madeleine, les deux Marie arrivent au sépulcre. Elles entendent l'ange, puis elles voient Jésus.

2e Prélude. O Jésus, faites que je vous voie au moins spirituellement, et que ma foi et mon amour deviennent inébranlables.

Ier POINT: Préparatifs et empressement des saintes femmes. - Madeleine et les deux Marie ont fait ensemble leurs préparatifs. elles ont acheté des parfums choisis pour achever l'ensevelissement de Jésus. Ce sont des âmes dont le dévouement ne se dément pas.

Madeleine est allée la première au sépulcre, parce qu'elle est plus ai­mante. Elle a vu l'ange et le Sauveur.

Les deux Marie y vont à leur tour. Le soleil est déjà levé. Elles sont bien émues. Elles aimaient tant le Sauveur! Elle l'ont suivi pendant trois ans en Galilée. elles ont assisté à sa mort. Ce sont des âmes dévouées et fidèles que Notre-Seigneur voudra consoler. Son Cœur ne sait pas résis­ter à l'affection qu'on lui témoigne.

Les pieuses femmes s'entretiennent entre elles: Qui nous ôtera la gros­se pierre qui ferme le tombeau? Elles espèrent rencontrer quelqu'un. Et puis les âmes aimantes ne doutent de rien. Mais Notre-Seigneur y a pourvu, et en arrivant là-bas, elles voient la grosse pierre écartée.

Si nous avions plus de confiance, que d'obstacles s'évanouiraient!

IIe POINT: Vision de l'ange. - Elles entrent dans la grotte du sépulcre. Il y a un jeune homme assis à droite du tombeau, vêtu d'une robe blan­che éblouissante. elles sont saisies de stupeur. Mais l'ange leur dit: «Ne craignez point, vous». Nolite timere, vos. Il fait allusion aux gardes, à Pila­te, à tous ceux qui n'aiment pas et ne connaissent pas Jésus. Ne craignez pas, vous qui cherchez Jésus, vous qui bravez les terreurs de la nuit, les horreurs du tombeau, la violence des gardes. Ne craignez pas, mais eux, les ennemis, les traîtres, les déicides, ceux-là ont tout à craindre et ils doivent trembler… Ne craignez pas, entrez davantage. C'est Jésus que vous cherchez, il n'est plus ici, il est ressuscité comme il l'avait dit. Voyez, c'est là qu'on l'avait mis. Et maintenant retournez-vous-en, faites vite. allez trouver les disciples, dites-leur qu'il est ressuscité, qu'il les devancera en Galilée et qu'ils le verront là».

Elles sont muettes de stupeur. Elles sortent du monument. Puis la joie les prend et les voilà qui courent pour porter aux disciples le message angélique.

IIIe POINT: Apparition de Jésus. - A peine sont-elles en route, qu'elles rencontrent Jésus en face d'elles. Avete, je vous salue, leur dit-il. Pleines de foi, elles se prosternent, elles adorent leur Dieu, elles baisent les cica­trices glorieuses de ses pieds. elles s'attachent à ces pieds bénis: tenuerunt pides ejus. Jésus les laisse faire. Peu d'instants auparavant, il n'avait pas permis à Madeleine de le toucher. Les âmes ont des voies différentes. Madeleine est une âme contemplative, Jésus exige d'elle une foi plus pu­re et un parfait détachement. Elle a aussi à réparer des sensualités pas­sées. Les deux Marie sont parentes de Jésus, ce sont des âmes plus sim­ples. Elles sont tremblantes et faibles, elles ont besoin de croire et de sen­tir pour croire et pour aimer. Comme la bonté du Cœur de Jésus sait s'accommoder aux besoins de chaque âme! Si nous savions aussi discer­ner les vues de Dieu et nous laisser conduire par un sage directeur!

Notre-Seigneur interrompt la joie des pieuses femmes et leur donne le même message qu'il a donné à Madeleine: «Allez dire à mes frères qu'ils me précèdent en Galilée, c'est là qu'ils me verront».

Elles partent, mais elles sont tellement troublées qu'elles ne songent plus à leur message, nous dit saint Marc. Elles courent sans doute chez la sainte Vierge. Notre-Seigneur les excuse, il fera prévenir saint Pierre et les autres apôtres réunis au Cénacle par Madeleine et le soir encore par les disciples d'Emmaüs. Il est cependant dans les desseins de Dieu que les fidèles donnent leur concours aux apôtres.

En tout cela le Cœur de Jésus montre une admirable tendresse pour les âmes qui lui sont attachées et dévouées. Il nous vaincra toujours en affection.

Résolutions. - Seigneur, je rougis de ma froideur, de mon indifférence en voyant la bonté et la tendresse de votre Cœur. Vous n'êtes occupé que de vos amis, et moi je vous oublie, je ne pense pas à vous. Il faut que j'arrive enfin à cette union de cœur avec vous que vous attendez de moi sans vous lasser.

Colloque avec Jésus ressuscité.

Mercredi de Paques
L'apparition a saint Pièrre

Et surgentes eadem hora regressi sunt in Jerusalem, et invenerunt congregatos undecim et eos qui cum illis erant, dicen­tes: Quod surrexit Dominus vere et appa­ruit Simoni (S. Luc, 24, 33).

Et se levant à l'heure même, ils retour­nèrent à Jérusalem; et ils trouvèrent les onze apôtres et ceux qui demeuraient avec eux, et qui disaient: Le Seigneur est vraiment ressuscité et il est apparu à Si­mon (S. Luc, 24, 33).

1er Prélude. Pierre avait été bien ingrat cependant, mais il avait pleuré et Notre­Seigneur lui pardonnait et se manifestait à lui.

2e Prélude. Seigneur, votre miséricorde est infinie, rendez-moi confiance et courage.

Ier POINT: L'apparition de Jésus à saint Pierre doit nous exciter au repentir. - Jésus était apparu à sa Mère pour satisfaire la tendresse de son Cœur et pour donner à Marie une juste consolation. Madeleine avait eu ensui­te sa première visite, elle l'avait tant aimé! Apparuit primo Mariae Magdale­nae (S. Marc). Puis ce fut le tour des saintes femmes. Elles avaient mon­tré tant de courage au Calvaire et tant d'empressement à visiter le tom­beau avec Madeleine! Occurrit illis dicens: Avete. Illae autem accesserunt et le­nuerunt pedes ejus et adoraverunt eum (S. Mat., 28, 9).

C'était alors le tour des apôtres. La quatrième apparition fut pour les deux privilégiés: Pierre et Jean. Pierre avait été bien ingrat, cependant! Il avait renié trois fois Notre-Seigneur devant une servante et des valets, lui qui avait fait auparavant de si belles promesses de fidélité! Il avait bien blessé le Cœur de Jésus, mais depuis il avait pleuré et Notre­ Seigneur oubliait tout. Il y a là pour nous un encouragement au repentir et à la confiance. Nous aussi, nous l'avons plusieurs fois renié; revenons à lui et il nous pardonnera.

Notre-Seigneur l'aimait davantage même, parce que la compassion se mêlait à l'affection. Il avait hâte de le revoir et de se manifester à lui. Il lui avait envoyé Madeleine.

Pierre accourut avec Jean au sépulcre (S. Jean, 22, 34). Ils prouvent par là leur empressement et leur amour. Jean, à qui son amour donnait des ailes, courut le plus vite et arriva le premier près de la grotte. Timide et respectueux, il se penche en avant, il voit les linceuls posés à terre, mais il n'ose entrer. Il veut réserver à Pierre son droit d'entrer le pre­mier. Pierre arrive, il entre, il voit le sépulcre vide, les linges déposés d'un côté, le linceul plié de l'autre. Jean entre aussi. Pierre s'en tient à l'étonnement, mais Jean croit déjà à la résurrection: Et vidit et credidit. Petrus abiit secum mi rans quod factum fuerat (S. Jean, 20, 8; S. Luc, 24, 12). Jean excuse Pierre et s'humilie charitablement avec lui quand il dit qu'ils n'avaient pas encore compris ce que dit l'Ecriture: Qu'il fallait que le Christ ressuscitât d'entre les morts (S. Jean, 20, 9).

Mais la miséricorde de Jésus ne se lasse pas, il veut achever de gagner Pierre et pendant que tous deux reviennent du sépulcre, il se manifeste à eux: Et apparuit Simoni.

IIe POINT: Jésus en apparaissant à ses disciples manifeste son amour pour ses prêtres et il nous fait comprendre la grandeur de leur mission. - L'Evangile ne nomme que Pierre, à cause de sa dignité et parce que Jean était là com­me son jeune compagnon. Mais Notre-Seigneur ne pouvait pas négliger Jean. Son empressement, sa foi touchaient et attiraient le Cœur de Jé­sus: Cucurrit citius, vidit et credidit.

Cette apparition à Pierre et à Jean et les apparitions répétées aux apo­tres montrent la tendresse du Cœur de Jésus pour ses apôtres et le soin qu'il met à éclairer et fortifier leur foi et à échauffer leur amour et leur zèle. Combien il aime ses prêtres! Ce sont ses frères privilégiés. Il leur a confié ses trésors, il les a revêtus de son propre pouvoir, il a remis son peuple sous leur autorité. Il se confie lui-même à leurs mains. Aussi il demande d'eux une grande fidélité, une grande foi, un grand amour.

Ils le représentent. En les voyant, on le voit pour ainsi dire lui-même caché sous un voile, spécialement au saint sacrifice de la messe et dans les fonctions sacrées. Aussi avec quelle foi vive, avec quelle pureté, avec quel respect, quelle délicatesse de conscience, ils devraient le servir, spé­cialement dans leurs saintes fonctions!

IIIe POINT: Il y a des prêtres qui imitent Pierre dans ses faiblesses, ils doivent l'imiter dans son repentir pour recouvrer l'amitié de Jésus. - Il y en a qui re­nient Notre-Seigneur comme Pierre et même qui le trahissent comme judas. Il y en a qui remplissent leurs fonctions sacrées avec indifférence, qui s'occupent de leurs propres intérêts et de leurs aises plus que de l'honneur de Notre-Seigneur et du dommage qu'il peut souffrir dans les âmes.

D'autres travaillent avec zèle mais dans un but intéressé. Ils ont prin­cipalement en vue l'honneur qui leur en reviendra, ils supputent la ré­compense et entendent que le succès soit attribué à laur valeur et à leur adresse. Leur intention n'est pas désintéressée, n'est pas de pur amour et reconnaissance comme elle devrait l'être.

Cependant ceux qui reconnaissent en eux ces défauts ne doivent pas se désespérer. La miséricorde de Notre-Seigneur est sans mesure. Prêtres ou âmes apostoliques qui avons faibli, revenons à Notre-Seigneur. Il nous pardonnera comme il a pardonné à Pierre et il se manifestera enco­re à nous par des visites de grâces, comme il s'est manifesté à Pierre dans son apparition.

Pour nous purifier, gardons fidèlement le souvenir de la Passion. Pier­re emporta le linceul et les linges du sépulcre et ils furent toujours pour lui un avertissement salutaire. Emportons et conservons dans nos cœurs le souvenir des souffrances du Sauveur. Nous avons pour cela nos pieux rendez-vous au Calvaire et à Gethsémani, à midi et le soir, soyons-y fi­dèles.

Jésus a gardé au ciel les stigmates de sa Passion, pour nous avertir qu'il en faut garder le souvenir.

Résolutions. - Nous aussi, Seigneur, nous avons souvent blessé votre Cœur comme saint Pierre par des reniements répétés. Nous le déplo­rons, pardonnez-nous. Nous venons avec saint Pierre au Calvaire et au sépulcre, nous y reviendrons chaque jour pour y recevoir vos grâces de pardon et de miséricorde et pour vous y retrouver si vous voulez bien nous faire sentir votre présence et votre grâce.

Colloque avec Jésus ressuscité.

Jeudi de Paques
L'apparition aux disciples d'Emmaüs

Et ecce duo ex illis ibant ipsa die in ca­stellum, quod erat in spatio stadiorum se­xaginta ab Jerusalem, nomine Emmaus. Et ipsi loquebantur ad invicem de his omnibus quae acciderant. Et factum est dum fabularentur, et secum quaererent, et ipse Jésus appropinquans ibat cum illis (S. Luc, 24, 13).

Deux disciples allaient ce jour-là à un castel distant de Jérusalem de soixante stades et appelé Emmaüs. Ils causaient entre eux des événements récents. Et pen­dant qu'ils parlaient et cherchaient à s'ex­pliquer les choses, Jésus se joignit à eux et marchait avec eux (S. Luc, 24, 13).

1er Prélude. Je me joindrai à eux sur la route d'Emmaüs, j'écouterai, je verrai, j'ou­vrirai mon cœur à l'amour de Jésus.

2e Prélude. S'il vous a fallu, mon Dieu, souffrir et mourir, ne faut-il pas que je vive, que je souffre et que je meure comme vous et avec vous?

Ier POINT: Le voyage. - Les deux disciples s'en allaient, tristes, abat­tus, silencieux. Peu à peu ils rompent le silence. Ils se communiquent leurs impressiens décourageantes: Sperabamus! Nous espérions! Mainte­nant tout est fini. Ils fuient à la campagne. Ils ont dû savoir cependant que Jésus avait prédit sa résurrection. Ils n'ont pas compris. Ils n'ont pas une foi vive. Ils retournent à leurs occupations matérielles. Ils croient Jésus mort pour toujours, et il est à quelques pas derrière eux.

Jésus est avec nous aussi dans nos épreuves et nos désolations. Son Cœur saurait-il rester froid et indifférent à nos peines?

Sous la forme d'un voyageur, Jésus les rejoint. Défiants, ils se taisent. Ils n'osent plus guère manifester leur adhésion à la cause du Christ. Mais le Sauveur insiste et les encourage à parler. Il sait qu'ils lui étaient attachés et qu'ils gardent de l'affection pour sa personne, malgré leur déception. Il va les amener doucement à reconnaître en lui les caractères du Messie rédempteur. Son cœur tendre et bon lui suggère les industries les plus propres à gagner ces pauvres cœurs découragés.

IIe POINT: Les dispositions des deux disciples. - Notre-Seigneur les in­terroge: «Qu'y a-t-il donc? Pourquoi êtes-vous tristes?». - Ils commen­cent à s'ouvrir: «Eh quoi! disent-ils, seriez-vous le seul à ne pas savoir ce qui vient de se passer à Jérusalem, touchant Jésus de Nazareth, un pro­phète puissant en œuvres et en paroles devant le peuple? Comment les princes des prêtres et nos chefs l'ont livré au gouverneur romain pour être condamné à mort et crucifié? Nous espérions, nous. Nous pensions qu'il allait racheter Israël, mais voilà déjà trois jours depuis l'évène­ment. Il est vrai que quelques femmes qui sont des nôtres nous ont rap­porté des choses étranges. Elles sont allées de bon matin au tombeau et l'ont trouvé vide, et elles affirment avoir vu là des anges qui le disent vi­vant. Quelques-uns des nôtres y sont allés après elles, ils ont trouvé les choses comme les femmes avaient dit, mais ils n'ont pas vu Jésus ressu­scité».

Ils avaient besoin de s'épancher, c'est fait. Mais leurs aveux les con­damnent. Il y a là un fait grave, affirmé par des témoins: le tombeau est vide. Il fallait rester là et chercher l'explication de ce phénomène. Ils ont fui la lumière. Ils avaient cru à un règne temporel et immédiat du Mes­sie. Les choses n'allant pas comme ils l'ont pensé, ils abandonnent tout. C'est souvent notre fait. Nous avons comme eux peu de foi et nous vou­drions que la Providence s'accommodât à nos plans.

IIIe POINT: La parole de Jésus. - Jésus leur adresse un juste reproche: «Comme vous êtes aveugles, leur dit-il, et comme vous êtes lents à croire ce qu'ont annoncé les prophètes!». Et il leur rappelle toutes les prophé­ties messianiques et toutes les figures du Rédempteur. Il leur fait com­prendre que le salut devait se réaliser par l'expiation, la souffrance et la mort et non par la conquête du monde.

Leur intelligence s'ouvre à ces vérités surnaturelles. Leur cœur est ému. Quoi donc, pensent-ils, le Fils de Dieu a voulu souffrir tout cela par amour pour nous! Le Cœur de Jésus en s'épanchant a gagné le leur. Ils croient et ils aiment. Jésus veut partir, ils le retiennent. Ils ne l'ont pas encore reconnu, mais ils sentent déjà qu'ils ont à faire à un messager de Dieu. Il soupe avec eux. Il reproduit la fraction du pain comme à la Cène. Cette fois, ils ont tout compris, ils l'ont reconnu, mais il disparaît.

Sa parole, disent-ils, pénétrait nos cœurs comme des flèches de feu. - Leur histoire est la mienne. J'ai peu de foi, je fuis la lumière. Je suis lent à croire, je ne comprends pas la voie de la croix. Je voudrais tou­jours les succès humains et les joies terrestres. Cœur de Jésus, touchez mon cœur et rendez-le semblable au vôtre.

Résolutions. - Je m'attacherai à Jésus. Je ne fuirai pas sa croix. Je me tiendrai habituellement auprès de lui. Sa parole m'éclairera. Son Cœur touchera mon cœur. C'est auprès deJésus seulement qu'on devient fer­vent et aimant.

Colloque avec Jésus ressuscité!

Vendredi de Paques
L'apparition aux apôtres au cénacle,
Thomas étant absent

Cum ergo sero esset die illo, una sabba­torum, et fores essent clausae, ubi erant discipuli congregati, propter metum ju­daeorum, venit Jésus, et stetit in medio et dixit eis: Pax vobis. Et cum hoc dixisset, ostendit eis manus et latus… Thomas au­tem unus ex duodecim, non erat cum eis quando venit Jésus (S. Joan, 20, 19).

Le soir de la résurrection, comme les portes de la salle où étaient réunis les di­sciples étaient fermées, à cause des juifs, Jésus vint et parut au milieu d'eux. Il leur dit: La paix soit avec vous; puis il leur montra ses mains et son côté… Mais Tho­mas, un des douze, n'était pas avec eux ce jour-là (S. Jean, 20, 19).

1er Prélude. Je vais en esprit au Cénacle et j'assiste avec foi et avec amour à cette tou­chaute manifestation de Jésus.

2e Prélude. Seigneur, laissez-moi voir et toucher la plaie de votre Cœur, et redites-­nous votre céleste salutation: Pax vobis.

Ier POINT: La plaie du Cœur. - Notre-Seigneur est pressé de manife­ster la plaie de son côté, c'est un présage de la dévotion au Sacré-Cœur, qui s'épanouira plus tard.

Les Apôtres sont enfermés au Cénacle, peut-être barricadés, ils ont peur des juifs. Ils se demandent si, après la pâque, ce ne sera pas leur tout à être crucifiés.

Madeleine est venue leur dire le matin qu'elle a vu le Christ ressusci­té, mais il n'osent pas y croire.

Tout à coup Jésus lui-même se montre au milieu d'eux: Stetit in medio. C'est pour eux comme un coup de foudre. Mais ils vont se rassurer. Jésus a la dignité d'un roi et d'un maître, mais il a aussi le sourire et la bonté d'un père, d'un frère et d'un ami.

«Ne craignez pas, leur dit-il doucement, c'est moi. Pourquoi cette frayeur en vos cœurs? Voyez mes mains et mon côté (ostendit eis manus et la­tus); voyez et touchez, un esprit n'a ni chair ni os comme vous voyez que j'en ai» (S. Luc, 24, 38).

Le bon Maître a hâte de manifester la plaie de son Cœur dès sa pre­mière apparition. De là partent ses premières grâces.

IIe POINT: Familiarité de Jésus. - Comme Notre-Seigneur est bon et condescendant! Les voyant encore hésitants, il leur demande à manger, pour bien les rassurer sur sa présence matérielle et réelle. On lui offre du poisson grillé et du miel. Il en mange avec eux. Alors ils se laissent con­vaincre, et la joie succède au trouble.

Il ne leur adresse qu'un paternel reproche: «Après tant de témoigna­ges, pourquoi n'avoir pas cru! Pourquoi êtes-vous dans le doute et la crainte? Que vous êtes lents à croire!».

Ils se livrent alors à l'épanchement de la joie et de la piété filiale! Ils commencent à comprendre les prophéties.

Réjouissons-nous avec eux. Bénissons la Providence qui a permis leurs doutes et leur lenteur à croire. Ils ont voulu des preuves, des signes péremptoires de la résurrection du Sauveur, ils ont palpé ses plaies, ils ont mangé avec lui. Leurs doutes profitent à notre foi.

S'ils avaient été plus faciles à croire, nous aurions pu mettre en doute leur prudence. Nous aurions pu les soupçonner de se laisser séduire par leur imagination et de prendre leurs désirs pour des réalités. Ah! ce n'est pas cela qui a eu lieu. Ils n'avaient guère d'imagination. Ils se sont mon­trés sceptiques et positivistes. Ils ont été obligés de se rendre, malgré eux, à l'évidence du miracle. Ils demeurent pour nous les témoins irré­cusables du grand fait sur lequel repose la crédibilité de l'Evangile.

IIIe POINT: Le sacerdoce. - A peine le bon Maître a-t-il affermi ses apôtres dans la foi à sa résurrection, qu'il ouvre les trésors de son Cœur pour nous faire les dons les plus précieux. Il avait établi le sacerdoce de la nouvelle loi à la Cène, il en complète les privilèges en investissant ses Apôtres du pouvoir de nous appliquer le pardon que sa mort nous a mé­rité. Il répète son salut efficace: Pax vobis! puis il ajoute: «Comme mon Père m'a envoyé, ainsi moi-même je vous envoie». Et soufflant sur eux, il dit: «Recevez le Saint-Esprit. Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez». Quel don merveilleux! Les prêtres continueront donc la mission du Sau­veur sur la terre. Comme lui et en son nom, ils remettront les péchés à ceux qui les confesseront humblement.

Quel honneur! quelle dignité pour le prêtre! Quelle grâce pour tous, prêtres et fidèles.

Qu'aurions-nous fait sans ce don suprême du Cœur de Jésus? Nous n'étions pas capables de garder la grâce du baptême et nous courions à notre perte. C'est la planche que le Sauveur nous jette après le naufrage, disent les Pères de l'Eglise.

Comment en ai-je remercié le Sacré-Cœur? Quel usage ai-je fait de ce don précieux? Mes confessions sont-elles ce qu'elles doivent-être? Dans ces jours de Pâques, qui sont l'anniversaire de ce don, je dois rectifier mes dispositions et manifester ma reconnaissance à Notre-Seigneur.

Résolutions. - Merci, Seigneur, de nous avoir donné votre Cœur aus­sitôt après votre résurrection. Vous avez permis à vos apôtres de le pal­per, c'était pour attirer notre attention sur ce Cœur blessé d'amour. Je veux m'unir à ce divin cœur en toutes mes actions.

Merci encore pour le grand don du sacrement de pénitence.

Colloque avec Jésus ressuscité.

Samedi de Paques
Les divines cicatrices de Jésus ressuscite

Videte manus meas et pedes, quia ego ipse sum; palpate et videte, quia spiritus carnem et ossa non habet, sicut me videtis habere. Et cum hoc dixisset, ostendit eis manus et pedes (S. Luc, 24, 39).

Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi; touchez et voyez: un esprit n'a pas comme moi de la chair et des os. Et après cela, il leur montra ses mains et ses pieds (S. Luc, 24, 39).

1er Prélude. Jésus a gardé ses cicatrices aux mains, aux pieds et au Cœur. Ce sont les trophées de sa victoire et les gages de notre salut.

2e Prélude. Seigneur, permettez-moi de toucher et de voir la plaie de votre côté. Lais­sez parler votre Cœur pour moi à votre Père.

Ier POINT: Les cicatrices de Jésus sont ses titres de gloire. - Saint Luc nous parle des mains et des pieds de Jésus percés par les clous, saint Marc par­le de son côté ouvert par la lance. Ces plaies sont les titres de gloire de Jésus.

Elles rappellent la force et le courage avec lesquels il a surmonté toutes les souffrances sans se plaindre.

Elles redisent la sagesse avec laquelle il a choisi ce martyre, pour ex­pier toutes les actions de nos mains, toutes les démarches de nos pieds, toutes les pensées et toutes les affections de nos cœurs.

Elles manifestent aussi toute sa bonté, toute sa tendresse pour nous, toute la générosité avec laquelle il a subi le crucifiement des esclaves pour nous racheter.

Elles disent enfin tout son zèle apostolique qui nous prêche la sainteté des actions et des démarches, la pureté des intentions et des affections. Les anges et les saints exaltent ces plaies adorables toutes les fois qu'ils disent la gloire de l'Agneau immolé.

Avec sainte Gertrude, «Je vous salue, Jésus, époux divin, décoré de vos plaies comme d'autant de fleurs; avec les complaisances de votre Pè­re en vous, avec l'amour de l'univers entier, je vous embrasse et je baise ces blessures que l'amour vous a faites». Je baiserai souvent mon crucifix dans cet esprit.

IIe POINT: Les cicatrices de Jésus parlent pour nous à son Père. - Le Christ est entré au ciel, dit saint Paul aux Hébreux, pour se présenter comme prêtre devant son Père et offrir son hostie pour nous (Aux Héb., 9. 24­-26).

Quelle est cette hostie qu'il présente? C'est son corps immolé sur la croix et marqué par ses stigmates. Ses cicatrices sont autant de bouches éloquentes, par lesquelles il plaide victorieusement la cause des pauvres pécheurs. C'est son sang divin qui parle plus éloquemment pour nous que celui d'Abel.

Nous devons avoir une confiance sans bornes dans l'efficacité des plaies du Sauveur pour laver nos fautes et celles de nos frères, et pour nous obtenir toutes les grâces dont nous avons besoin.

Nous pouvons présenter à Dieu ces cicatrices bénies en lui disant: «Daignez, ô mon Dieu, exaucer ma prière en considération de ces plaies précieuses. Elles ont versé le sang destiné à acheter toutes les grâces, sur­tout la plaie du Cœur. Acceptez ce prix au-dessus de toute valeur en échange des grâces que je vous demande pour moi, pour l'Eglise et pour les âmes qui me sont chères». - Et Dieu exaucera notre prière, parce que les plaies du Sauveur sont toujours sous ses yeux avec leur éloquence victorieuse.

IIIe POINT: Ces plaies sont pour nous des gages de l'amour divin et un encou­ragement à la réparation. - Dieu disait à son peuple, dans Isaïe: (Je ne t'oublierai pas, j'ai inscrit ton nom dans mes mains, pour l'avoir tou­jours présent» (Is., 49, 16). Notre-Seigneur ne peut-il pas dire aussi: «J'ai marqué mes mains d'un signe qui me rappelle toujours votre nom, vos besoins et mon affection pour vous».

Il a dit à Marguerite-Marie: «Ceux qui seront dévoués à mon Sacré-Cœur auront leur nom écrit dans la plaie même de ce divin Cœur et il n'en sera jamais effacé».

Affection et confiance, voilà ce que nous enseignent les divines cicatri­ces. Aimons celui qui a voulu garder en ses mains et en son Cœur les si­gnes de son amour pour nous. Remettons-nous avec confiance aux mains de celui qui a marqué ses mains de ce signe d'amour.

Nous pouvons nous inspirer aussi d'un passage du prophète Zacharie. «Quelles sont ces plaies que vous avez en vos mains?» demande le pro­phète au Sauveur, et il répond: «Je les ai reçues dans la maison de mes amis». Le Sauveur est blessé spirituellement par ceux mêmes qui de­vraient être ses amis. Il l'a dit souvent à Marguerite-Marie, en se mon­trant à elle couvert de plaies et en lui demandant réparation.

Les plaies du bon Maître nous demandent réparation pour les péchés du monde et pour l'ingratitude du peuple choisi. Baisons ses plaies, faisons-lui amende honorable et réparation, et par nos prières changeons ses plaies en sources de grâces pour ces âmes ingrates.

Résolutions. - J'offrirai souvent à Dieu les cicatrices du Sauveur. Je li­rai dans ces cicatrices la haine du péché, la pénitence et la réparation. Je m'abandonne entre les mains de Jésus, avec la confiance que mon nom est marqué en ses mains et en son Cœur.

Colloque avec Jésus marqué de ses cicatrices glorieuses.

Dimanche après Paques
L'apparition a saint Thomas

Et post dies octo, iterum erant discipuli ejus intus, et Thomas cum eis. Venit Jésus januis clausis, et stetit in medio et di­xit: Pax vobis. Deinde dicit Thomae: In­fer digitum tuum huc et vide manus meas et affer manum tuam et mitte in latus meum: et noli esse incredulus, sed fidelis. Respondit Thomas et dixit: Dominus meus et Deus meus! (S. Joan, 20, 26).

Huit jours après, les disciples étant en­core réunis et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et se trouva au milieu d'eux. Il leur dit: La paix soit avec vous; puis il dit à Thomas: Mets ici ton doigt et vois mes mains; approche ta main et mets-la dans mon côté et ne sois plus incrédule, mais fidèle. Thomas ré­pondit: Mon Seigneur et mon Dieu! (S. Jean, 20, 26).

1er Prélude. La foi vive fait quelquefois défaut même chez les apôtres. Le Sacré­Cœur de Jésus est tout puissant our donner et affermir la foi.

2e Prélude. Les apôtres doivent puiser la foi vive qui fécondera leur ministère, dans le Cœur de Jésus.

Ier POINT: La conversion de Thomas est l'œuvre du Sacré-Cœur de Jésus. - L'Evangile d'aujourd'hui fait de cette journée comme une fête du Sacré­-Cœur. C'est une de ses premières manifestations. Notre-Seigneur a ré­vélé à Thomas et aux apôtres la puissance et la grâce de son Cœur, com­me il devait le faire plus tard à sainte Gertrude, à Marguerite-Marie et à d'autres. C'est par la grâce mystérieuse de son Cœur qu'il a affermi la foi des apôtres et converti Thomas. Jusque-là Thomas ne croyait pas à la résurrection et les autres y croyaient faiblement.

Thomas n'était pas avec les autres quand Notre-Seigneur s'était mon­tré à eux: Non erat cum eis quando venit Jésus. Ils passaient ensemble ces journées-là au cénacle pour se concerter. quand Thomas rentra, les au­tres lui dirent: «Nous avons vu le Seigneur». Ils lui racontèrent avec émotion l'apparition de Notre-Seigneur, qui était venue confirmer les récits des saintes femmes et de Pierre et Jean. Mais Thomas pécha vrai­ment là par manque de foi. Le témoignage unanime des autres devait lui suffire. Il les regarde comme des visionnaires, il ne les croira qu'après avoir vu et touché: Nisi videro… non credam. Les autres aussi avaient hési­té et si leur foi avait été plus simple et plus vive, ils auraient davantage aidé Thomas.

N'en est-il pas souvent ainsi de nous? Notre foi n'est-elle pas toujours chancelante? Du moins n'agissons-nous pas comme si nous ne croyions pas? Notre foi dans notre œuvre, dans notre vocation, dans notre mis­sion est-elle ferme, simple et pratique? S'il en était ainsi, nous entraînerions les incrédules et nous gagnerions une foule d'âmes au cœur de Jésus.

Notre-Seigneur s'est prêté aux désirs de Thomas, il voulait triompher de son incrédulité obstinée. Il vient au milieu des onze, il prononce sa pieuse salutation habituelle: «La paix soit avec vous». Son apparition de­vait suffire pour convaincre Thomas et pour affermir la foi des autres; cependant il s'approche du disciple incrédule et lui dit en particulier: «Thomas, place ici ton doigt et vois mes mains, approche ta main et mets-la dans la blessure de mon côté et ne sois plus incrédule mais hom­me de foi».

Thomas, confus de son incrédulité, ose à peine approcher sa main. La foi s'allumait en son cœur.

Si les paroles de Notre-Seigneur avaient tant impressionné les disci­ples d'Emmaüs, combien la vue de ses blessures ne devait-elle pas émou­voir le cœur de saint Thomas? Il puisait là directement aux sources du salut, aux sources de la foi et de la grâce. Il se jeta à genoux et transporté de joie et d'enthousiasme, il s'écria comme dans un retour d'amour: «Oui, vous êtes mon Seigneur et mon Dieu!».

Ile POINT: Analogie avec les révélations du Sacré-Cœur. - C'est l'image de ce que Notre-Seigneur veut faire par la révélation de son Cœur. Il veut vaincre l'incrédulité des hommes. Il veut ranimer particulièrement la foi de ses apôtres. Les révélations de son Cœur sont comme le contact de son Cœur avec les hommes.

L'image du Sacré-Cœur est partout reproduite; les livres, les sermons sur l'amour du Cœur de Jésus se multiplient. Le Sacré-Cœur trouve chaque jour des apôtres plus nombreux et plus zélés. Par ce moyen, Jésus dit au monde tout entier ce qu'il disait à S. Thomas: «Approchez vo­tre main et mettez-la dans mon côté».

Aux âmes qu'il appelle particulièrement à répandre l'amour de son cœur, il dit aujourd'hui: «Mettez la main dans mon cœur aujourd'hui avec Thomas; ne soyez plus incrédules mais fidèles, je demande de vous plus qu'une foi commune, je demande une foi spéciale à l'amour de mon cœur: Nos autem credidimus caritati.

«Je demande une foi vive et délicate, une foi persévérante, sans fai­blesse et sans relâchement, une foi qui se manifeste par des œuvres d'amour, de réparation et d'immolation».

IIIe POINT: Les apôtres du Sacré-Cœur. - Après cette manifestation, Notre-Seigneur dit à saint Thomas: «Tu es bienheureux parce que tu as vu et tu as cru: plus heureux encore sont ceux qui n'ont pas vu et qui croient». Nous pouvons aussi nous appliquer ces paroles. Chacun de nous a eu des preuves multiples de sa vocation apostolique. Notre­-Seigneur a manifesté ses desseins à notre égard de mille manières, par des circonstances providentielles, par des secours de tout genre, par des croix aussi qui marquaient l'acceptation divine de notre offrande répara­trice. Bienheureux sommes-nous, si nous avons cru avec une foi vive et véritable. Mais nous serions bien à plaindre si après avoir vu nous n'avions pas cru, ou si nous avions cru d'une foi toujours chancelante, sans vie et sans œuvres.

La grâce de cette journée est une grâce de foi et de foi spéciale en l'amour du Sacré-Cœur et en notre mission. Effaçons notre incrédulité passée par l'humilité et le repentir. Jetons-nous aux pieds de Jésus avec saint Thomas. Reconnaissons la dureté de notre cœur. Réparons le pas­sé par notre foi et par nos œuvres. Dépensons-nous comme Thomas dans l'apostolat et répandons l'amour du Sacré-Cœur et l'esprit de ré­paration et d'immolation.

Résolutions. - Oui, Seigneur, nous croyons à l'amour de votre Cœur et à vos desseins de miséricorde sur nous et nos œuvres, augmentez no­tre foi toujours chancelante. Nous vous remercions de toutes les mani­festations de votre Cœur. Votre miséricorde est infinie, vous nous avez supportés jusqu'ici, merci! Embrasez nos cœurs d'amour et de zèle.

Colloque avec Jésus ressuscité.

31 Mars
Fin du mois de saint Joseph

Et ipse Jésus erat incipiens quasi anno- Jésus avait environ trente ans. On le rum triginta ut putabatur filius Joseph (S. croyait fils de Joseph (S. Luc, 3, 23). Luc, 3, 23).

1er Prélude. Saint Joseph a été uni à Jésus à la vie et à la mort. C'est son honneur et la source de sa grande sainteté.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi la grâce de vivre en union avec votre Cœur sacré et avec votre sainte Mère.

Ier POINT: La sainteté de saint Joseph l'a préparé à être élu comme gardien de Jésus et de Marie. - Il était juste et bon, l'Evangile nous le dit. Quand il s'aperçut de la maternité de Marie, il croyait devoir se séparer d'elle, mais il ne voulait pas la dénoncer. Il ne comprenait pas, mais il ne vou­lait ni juger, ni accuser. Sa prudence et sa délicatesse furent récompen­sées. L'ange de la sainte Famille vint lui expliquer qu'il s'agissait du mystère prophétisé par Isaïe: «Une vierge mettra au monde un fils, qui sera le sauveur de son peuple». Saint Joseph était donc choisi pour être le gardien du Messie et de sa Mère. Dès lors, saint Joseph ne regarda plus Marie que comme la Mère du Rédempteur et sa vénération pour elle augmenta avec sa tendresse.

Ce choix de Dieu a été popularisé dans l'art chrétien par une délicieu­se légende. La Vierge Marie devait être mariée en quittant le temple. Le grand prêtre avait convoqué sa famille suivant l'usage. Les jeunes gens et les célibataires se présentèrent pour épouser Marie, mais à qui la don­ner? Le grand prêtre vit le bâton de saint Joseph s'épanouir en une belle fleur de lis blanc et il lui donna Marie. Le fond de la légende est vrai. Si le grand prêtre ne vit pas la fleur blanche, ce que l'histoire peut mettre en doute, Dieu et les anges virent la pureté de saint Joseph fleurir com­me un beau lis blanc.

IIe POINT: Saint Joseph a vécu en union avec Jésus et Marie. - Après cette intervention angélique, saint Joseph ne fait plus un pas sans Jésus et Marie, et en cela il est le modèle parfait de la sainteté. Jésus et Marie sont l'objet unique de son affection, de sa sollicitude, de son attention, de ses soins. Il ne les quitte plus d'un pas, il ne vit plus que pour eux, il semble abdiquer toute personnalité. L'évangile ne cite pas une parole de lui. Bien plus que saint Paul il peut dire: «Je vis, mais non, c'est Jésus (et Marie) qui vivent en moi».

Il les conduit à Bethléem, au Temple, en Egypte, à Nazareth. quand il ne sait plus que faire pour eux, il le demande à Dieu, et l'ange vient lui dire: «Joseph prends l'Enfant et sa Mère et conduis-les ici ou là».

Il prie avec eux, il mange avec eux, il repose avec eux, il souffre avec eux, il travaille pour eux.

La pensée de saint Joseph, l'amour de saint Joseph, la sollicitude de saint Joseph, la vie de saint Joseph, c'est Eux, toujours Eux.

Un jour il perd Jésus, il ne peut plus vivre, il va, il cherche, il pleure, il faut qu'il le retrouve.

Saint Paul a dit: «Ma vie, c'est le Christ: Mihi vivere Christus est». Saint Joseph a pu dire plus pleinement encore: «Ma vie, c'est Jésus et Marie». Saint Paul a dit: «Je ne sais qu'une chose, c'est Jésus crucifié» (1 aux Cor., 2, 2). Saint Joseph a pu dire: «Je ne sais qu'une chose, je ne goûte qu'une chose, je n'aime qu'une chose, c'est Jésus et Marie, dans tous leurs mystères et dans toute leur vie».

Dieu a voulu, dit saint Paul, que le Christ soit tout pour nous: omnia et in omnibus Christus (aux Col., 3, 11). Mais qui mieux que saint Joseph a réalisé cela? Jésus et Marie ont été tout, absolument tout, pour lui.

Quelle leçon d'union avec Jésus et Marie! Quand serai-je tout entier à Jésus et Marie? Quand me donnerai-je tout entier à eux pour vivre pour eux, en eux et avec eux?

IIIe POINT: Saint Joseph est mort dans les bras de Jésus et de Marie. - Apres avoir été le modèle d'une sainte vie, saint Joseph a été le modèle d'une sainte mort, et il est le patron de l'une et de l'autre.

Sa vie devait être toute cachée et modeste. Il n'avait pas de mission publique. Il disparaît doucement à la veille de la mission publique de Jésus.

Il s'endormit sous les regards de Jésus et de Marie. Il est, dans la tra­dition et dans le sens chrétien, le modèle et le protecteur de la bonne mort.

L'art chrétien a poétisé cette mort si enviable. Marie est à son chevet. Jésus le bénit et lui dit au revoir. Il va dans les limbes avertir les patriar­ches de leur prochaine délivrance.

L'Eglise n'a pas ses reliques. La tradition dit qu'il est au ciel en corps et en âme. A la mort de Jésus, le sol trembla, les rochers s'entr'ouvri­rent, les tombeaux étaient à découvert, et les corps de beaucoup de saints qui dormaient ressuscitèrent. Sortis de leurs monuments funèbres après la résurrection du Christ, ils vinrent dans la ville et apparurent à plusieurs (S. Marc, 27, 5 1). Et qui était plus saint que saint Joseph? Il fut évidemment du nombre des ressuscités. Se recoucha-t-il ensuite dans la tombe? Qui pourrait le croire? Son corps si pur avait-il besoin d'atten­dre la fin des temps? Jésus et Marie pourraient-ils vivre sans regrets loin de lui?

Il est au ciel tout entier pour intercéder pour nous. Il est le patron de la bonne mort et le protecteur de la sainte espérance en la résurrection.

Résolutions. - Grand saint, vous êtes inséparable de Jésus et Marie; si je les aime, comment ne vous aimerais-je pas? Oui, je suis à vous, je veux penser à vous souvent. Je suis uni à Jésus, mais je ne le sépare pas de la sainte famille. Faites-moi pieux, juste et pur à votre ressemblance. Faites-moi dévot à Jésus et Marie et à leurs cœurs sacrés, qui étaient les modèles du vôtre.

Colloque avec saint Joseph.

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