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Mois de décembre

Mois de l'avent et de Noël

Deux meditations pour la retraite du mois

I. – Vie d’humilite:

Bethléem.

Discite a me quia mitis sum et humilis corde et invenietis requiem animabus ve­stris Jugum enim meum suave est et onus meum leve (S. Mat., 11,29-30).

Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouverez la paix de l'âme; car mon joug est doux et mon fardeau est léger (S. Mat., 11,29-30).

1er Prélude. Je considérerai la douceur et l'humilité de Jésus dans les mystères de Bethléem, et de Nazareth.

2e Prélude. O Jésus, donnez-moi cette paix dont mon âme a soif!

Ier POINT: Le Cœur de Jésus, modèle d'humilité. - L'humilité a été la vertu par excellence du Cœur de Jésus. Exinanivit semetipsum: Dans son incarnation, Jésus s'est constitué dans un état d'abaissement et d'anéan­tissement. Il est resté dans cette disposition. Il a voulu naître dans une étable. Il s'est enfui en Egypte et y a vécu en mendiant. Il a travaillé comme un pauvre à Nazareth, obéissant à ses parents et aux clients qui le faisaient vivre. Dans sa vie publique, il a été méconnu, méprisé, ca­lomnié, traité comme un insensé.

Dans sa Passion, il s'est laissé traîner de tribunal en tribunal, il a sup­porté les soufflets, les crachats, les injures. Il a voulu mourir sur le gibet des esclaves, entre deux criminels.

Et dans l'Eucharistie, quelle humilité! Jésus cache sa gloire derrière l'apparence du pain. Il s'assujettit à demeurer dans nos pauvres sanc­tuaires, où il est souvent sans adorateurs et sans amis. Il s'y expose à tous les sacrilèges.

C'est ainsi qu'il répare l'orgueil qui est au fond de tous nos péchés.

O Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre!

IIe POINT: Le Cœur de Jésus nous enseigne l'humilité et nous en donne la grâ­ce. - Jésus est le docteur de l'humilité: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur». Allons recevoir ses leçons au pied du taberna­cle. Il est là sans action apparente et sans gloire extérieure. Et moi, j'ai­me le succès et les louanges des hommes! Il est là patient et doux, et moi je suis susceptible, impatient, irascible même, quand je rencontre la con­tradiction et l'insuccès.

Le Cœur si humble et si doux de Jésus ne peut être honoré que par des cœurs humbles et doux. Il ne veut pas des orgueilleux. Il l'a assez montré par toutes ses paroles sévères contre les Pharisiens.

Mais comment acquerrai-je cette humilité? Je la demanderai au Cœur de Jésus lui-même. Il en est la source comme il en est le modèle. C'est lui qui en donne la grâce: «Venez à moi, vous tous qui souffrez de cette plaie de l'orgueil, et je vous guérirai».

Oui, mon bon Maître, «le disciple ne doit pas être au-dessus du Maî­tre». J'imiterai votre humilité. Le serviteur doit porter la livrée du maî­tre. Je me revêtirai d'humilité et de douceur. J'aimerai à être ignoré et à compter pour rien. Je préférerai la dernière place et je laisserai les hon­neurs à mes frères.

Je méditerai souvent votre humilité. C'est une science difficile, mais que je puis apprendre vite et facilement auprès d'un si bon maître.

IIIe POINT: L'humilité courageuse. - La douceur, l'humilité et la sim­plicité, dit Mgr Languet, sont trois vertus que la Bienheureuse recom­mandait spécialement à ses novices, mais elle voulait une humilité coura­geuse, qui accepte volontiers d'être abaissée, oubliée et méprisée, et qui ne craint rien tant que l'estime et l'applaudissement. C'est à ce point qu'elle ramène sans cesse ses novices. C'est sa vertu favorite, parce que c'est elle qui est la plus propre à rendre les novices conformes à Jésus­-Christ, doux et humble de cœur.

«Je crois que vous ne sauriez rien faire, disait-elle, qui vous gagne plus l'amitié de ce divin Cœur, et qui vous rende plus agréable devant lui, que de vous rendre douces comme lui, humbles et simples comme lui… Que votre principal soin soit de vous quitter vous-mêmes, et toutes les réflexions d'amour-propre qui font un obstacle aux desseins de Dieu sur vous. Travaillez au parfait dénuement de vous-même, et tâchez de pren­dre le vrai esprit de la Visitation, qui est une profonde humilité envers Dieu et une grande douceur envers le prochain».

Un fruit de la douceur et de l'humilité, c'est le détachement des créa­tures. «De quoi peut avoir besoin, dit Mgr Languet, celui qui ne se croit digne de rien, qui pense toujours avoir plus qu'il ne mérite, qui reçoit comme des grâces tout ce qu'on lui donne, et qui se juge digne de man­quer de tout». Une âme ainsi disposée ne recherche pas l'affection des créatures ni leurs flatteries.

Résolutions. - O Jésus, me voici à votre école. Enseignez-moi l'humi­lité et la douceur. Je veux m'oublier pour vous servir uniquement en toutes choses.

Colloque avec Jésus enseignant l'humilité et la douceur.

II. – L’enfer

Bonum est tibi debilem… vel claudum… vel luscum introire in regnum Dei, quam duos manus, vel pedes, vel ocu­los habentem mitti in gehennam ignis, in ignem aeternum, ubi vermis non moritur et ignis non extinguitur (Marc, IX,42-45).

Il vaut mieux entrer dans la vie (éter­nelle) avec une main ou un oeil, que d'en avoir deux et d'être jeté dans la géhenne du feu, dans le feu éternel, où les vers ne meurent pas et le feu ne s'éteint pas (Marc, IX,42-45).

1er Prélude. Je vois au jugement les pécheurs impénitents jetés au feu éternel.

2e Prélude. Inspirez-moi, Seigneur, une crainte salutaire et préservez-moi de la damnation éternelle.

Ier POINT: La damnation. - Notre-Seigneur, dans sa bonté, a voulu nous mettre en garde et nous prémunir contre la damnation. Il y reve­nait sans cesse. Saint Mathieu, rapportant les discours de Notre­-Seigneur, parle de l'enfer en dix de ses chapitres.

Tantôt il exprime simplement la damnation, tantôt il appelle notre at­tention sur la peine du feu et sur l'éternité du châtiment.

Parcourons ces textes, c'est le meilleur thème de méditation sur les fins dernières.

Notre-Seigneur nous enseigne d'abord que nous pouvons perdre no­tre âme, si nous voulons satisfaire nos penchants naturels et nos pas­sions. La condition du salut, c'est de vaincre la nature, d'imiter le Sau­veur et de porter la croix à sa suite (Chap. XVI).

Et si nous perdons notre âme, quelles en seront les conséquences? Notre-Seigneur nous le dit à plusieurs reprises, à l'occasion de l'obstina­tion des juifs et à propos de la parabole des noces royales.

«Des peuples d'Orient et d'Occident se convertiront, nous dit-il et en­treront dans le royaume de Dieu, tandis que les fils d'Israël seront jetés dans les ténèbres extérieures, où règnent les pleurs et les grincements de dents» (Chap. VII).

IIe POINT: Les damnés sont soumis au supplice du feu. - Le tourment de ce supplice garde quelque mystère, mais Notre-Seigneur l'appelle tou­jours le supplice du feu. Que de fois Notre-Seigneur nous le dit! soit di­rectement, soit par une métaphore très connue de ce temps-là.

Plusieurs fois, il donna à l'enfer ou séjour des damnés le nom de Gé­henne, c'est dire qu'ils seront condamnés au feu. Qu'est-ce en effet que la Géhenne? C'est une vallée stérile et lugubre, près de Jérusalem, la vallée de Hennom, où quelques juifs, traîtres à leur foi, sacrifiaient leurs enfants à Moloch en les faisant passer par le feu. Pour rendre ce lieu abo­minable, le roi Josias en fit un cloaque, où l'on jetait des animaux morts ou des immondices, ce qui amenait la nécessité d'y entretenir des feux continuels.

Voilà bien la figure de l'enfer, une vallée sinistre où le feu brûle tou­jours. Tantôt Notre-Seigneur l'appelle simplement la Géhenne, tantôt il l'appelle la Géhenne de feu.

«Mieux vaut, dit-il, arracher le membre qui donne le scandale, que de se voir jeter tout entier dans la Géhenne» (Ch. V). - Une autre fois, il dit: dans la Géhenne du feu (Mat, XVIII, Marc., IX, 44).

«Scribes et Pharisiens hypocrites, disait il encore, vous fermez aux hommes qui vous écoutent le royaume des cieux; vous en faites des fils de la Géhenne… Comment échapperez-vous vous-même au jugement qui condamne à la Géhenne?».

Une autre fois, il avait dit: «De même que le cultivateur brûle les mauvaises herbes après la récolte, ainsi le Fils de l'homme enverra ses anges pour jeter les scandaleux dans le brasier: in caminum ignis» (Mat. III,42).

IIIe POINT: Ces supplices seront éternels. - Déjà saint Jean-Baptiste avait dit: «Celui qui vient après moi vannera son grain dans l'aire et il brûlera les pailles d'un feu qui ne s'éteindra pas» (Mat., 111, 12).

Notre-Seigneur a dit: «Mieux vaut perdre le membre qui scandalise que d'être jeté dans le feu éternel» (Mat., XVIII,8-9).

Saint Marc complète le même discours en ajoutant que dans la Gé­henne le ver rongeur ne meurt pas et le feu ne s'éteint pas (Chap. IX). Notre-Seigneur nous a laissé d'ailleurs la formule du jugement: «Al­lez, maudits, au feu éternel» (Mat., XXV,41).

Pouvait-il parler plus clairement et peut-on loyalement mettre en dou­te sa pensée?

La damnation et le feu éternel, c'est le sort du pécheur qui néglige de se convertir tandis qu'il en a le temps.

Résolutions. - Préservez-moi, Seigneur, de cet horrible sort; être privé de vous, vivre avec les démons et les hommes les plus vicieux, souffrir le feu avec eux: cette perspective ne suffit-elle pas pour me donner l'hor­reur du péché?

Colloque avec Jésus prêchant sur l'enfer.

1er Décembre

Le Sacré-Cœur de Jésus
dans le plan divin de la création

In principio erat verbum et verbum erat apud Deum… In ipso vita erat et vita erat lux hominum… Et verbum caro fac­tum est et habitavit in nobis (S. Joan., 1).

Au commencement était le Verbe et le Verbe était en Dieu… En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes… et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous (S. Jean, 1).

1er Prélude. Je me représente Dieu, toujours aimé par son Verbe et désirant être ai­mé par le Cœur de Jésus et par les cœurs unis à lui.

2e Prélude. Donnez-moi, ô mon Dieu, l'intelligence de ma fin qui est de vous aimer.

Ier POINT: Dieu est amour. Deus charitas est (1 Joan, 4,8). - Dieu est amour, il aime sa beauté infinie, il s'y complaît, c'est sa vie. - Envers nous, Dieu le Père est amour, amour de clémence; Dieu le Saint-Esprit est amour, amour de sanctification. En ce sens, la rédemption est l'œuvre de la sainte Trinité. Dieu nous a aimés et a voulu nous sauver.

Dans un sens plus précis, l'amour personnel en Dieu, c'est le Saint­Esprit. Dieu le Père et Dieu le Fils s'aiment infiniment et leur amour in­fini est le principe du Saint-Esprit.

Dieu se complaît dans le Saint-Esprit, qui est l'amour de son Fils. Mais il a voulu étendre cet amour. Il a voulu être aimé par beaucoup de cœurs, dont l'un serait encore un Cœur divin, le Cœur divin de Jésus et les autres des cœurs créés à l'image et à la ressemblance du Cœur di­vin.

L'objet principal de la création dans le plan divin était donc le Cœur de Jésus, qui devait être le coryphée de la louange divine et de l'amour divin. Dieu s'est dit: «Faisons le Cœur de Jésus, comme extension du Cœur divin, et faisons des cœurs humains comme extension du Cœur de Jésus».

Ces pensées sont bien développées par le vénérable Père Eudes, dans son livre sur le cœur admirable de Marie.

IIe POINT: Dans la création. Dieu avait principalement en vue le Cœur de Jésus. - Dieu est amour. Il créait le monde pour être aimé. Il avait donc nécessairement comme objectif principal le Cœur de Jésus: la fournaise ardente de charité, le roi et le centre de tous les cœurs, en qui le Père a mis toutes ses complaisances, le désiré des collines éternelles… (litanies du Sacré-Cœur).

Dieu créateur contemple le Cœur de Jésus, tout le reste est accessoire. Les autres créatures seront bonnes, si elles reflètent le Cœur de Jésus. Dieu crée le ciel, la terre, le soleil, l'océan, les plantes, les animaux, et il voit que tout cela est bon (vidit quod esset bonum), parce que tout cela est fait sur un thème unique le Cœur de Jésus.

Le ciel et son soleil vivifiant c'est une imitation du Cœur de Jésus. Les physiciens, dit Macrobe, appellent le soleil le cœur du monde; la terre et ses sources fécondantes, c'est encore une imitation du Cœur de Jésus; la plante et la sève qui l'anime, c'est l'image du Cœur de Jésus et de sa grâce sanctifiante.

Dieu a vu que tout cela est lion.

Le Cœur de Jésus est le cœur de Dieu sur la terre, comme le Saint­-Esprit est le cœur de Dieu au ciel. Aussi le Cœur de Jésus est conçu du Saint-Esprit. Il est l'œuvre du Saint-Esprit, il est animé par le Saint­-Esprit, il est comme la continuation du Saint-Esprit.

Jésus a comme trois cœurs:

1° Un cœur divin, qui est le Saint-Esprit, amour infini du Fils pour son Père;

2° Un Cœur spirituel, qui est la partie supérieure de son âme sainte et qui comprend sa mémoire, son entendement et sa volonté et qui est par­ticulièrement déifiée par son union hypostatique;

3° Un cœur corporel, qui est également déifié par l'union hypostati­que (Voir le Vénérable Père Eudes).

Voilà le triple objet des complaisances du Père. - Il aime le cœur spi­rituel et le cœur corporel de son Fils, parce qu'ils sont faits à l'image de Dieu: «Faisons l'homme a notre image». Il aime les hommes et toutes les créatures, parce qu'il y trouve la même image et ressemblance.

IIIe POINT: Dieu avait aussi en vue les cœurs des hommes unis au Cœur de Jésus. - Dieu est artiste. L'artiste a un idéal dont le souvenir influe sur toutes ses œuvres. L'art grec avait quelques modèles choisis, chefs d'œuvre de ses grands maîtres, qu'on appelait types ou canons et qu'on imitait toujours. Un musicien a un thème principal, sur lequel il exécute des variations. Dieu avait son idéal, son canon, son thème principal, le Cœur de Jésus, et pour trouver belle sa création, il y a mis partout le ca­chet du Cœur de Jésus. Mais dans la création, après son Christ, objet de ses infinies complaisances, après ses anges, images spirituelles du Verbe, Dieu a voulu les cœurs humains, faibles imitations du Cœur de Jésus, qui prennent de la valeur par leur ressemblance et leur union à ce divin Cœur. Ces cœurs humains plairont à Dieu s'ils font écho au Cœur de Jésus, s'ils sont animés de sa grâce, de sa vie surnaturelle, s'ils sont com­me lui inspirés, conduits, vivifiés par l'Esprit-Saint.

Voilà donc le programme, l'idéal de ma vie. Comme il est élevé, com­me il est beau! «Dieu vit que son œuvre était belle».

Résolutions. - Vivre en Jésus, en sa grâce, en son cœur. Me remettre sans cesse, surtout au commencement de chaque action dans cette dispo­sition.

Colloque avec le créateur me révélant son idéal.

2 Decembre

Le cœur humain est fait à l'image
et ressemblance de Dieu

Et ait Deus: faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram, et. praesit piscibus et volatilibus et bestiis, universaeque terme. Et creavit Deus ho­minem ad imaginem suam (Gen. 1,26).

Et Dieu dit: Faisons l'homme à notre image et ressemblance, et qu'il comman­de aux poissons, aux oiseaux, aux ani­maux et à toute la terre. Et Dieu créa l'homme à son image (Gen., 1,26).

1er Prélude. je me représente Dieu créant l'homme et particulièrement le cœur de l'homme à son image.

2e Prélude. Seigneur, la dignité du cœur de l'homme est si grande! Ne permettez pas que je souille encore le mien et que je l'abaisse vers les intérêts et les convoitises du monde.

Ier POINT: Dans l'ordre surnaturel, le Cœur de Jésus est l'image et l'organe de la Trinité. - Dans la Sainte Trinité, le Verbe est lumière, l'Esprit est amour, le Père est force.

Le Verbe est lumière. Il personnifie l'intelligence divine. Il est la sa­gesse infinie dans le conseil divin: cum eo eram cuncta componens (Prov., 8,50). Il est la lumière qui illumine tout homme venant en ce monde (S. Jean, 1,9).

L'Esprit est amour et il communique l'amour: «La charité a été ré­pandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint» (Aux Rom., 5,5).

Le Père est force et volonté: c'est lui qui est assis sur le trône (Apoc. passim); c'est lui qui donne pouvoir au Fils (Mat., 28,18); c'est sa vo­lonté qu'il faut faire (Evang. passim).

Le Cœur de Jésus est l'image fidèle de la Trinité. Il est lumière: il possède les trésors de la sagesse et de la science divine et il nous les a communiqués. Il est la fournaise de la charité et il enflamme nos cœurs par l'Eprit-Saint qu'il nous envoie; il est aussi l'organe de la puissance et de la force, parce que le Père lui a donné toute puissance au ciel et sur la terre (Mat., 28,18).

En lui habite toute la plénitude de la divinité (Aux Colos., 2,9).

IIe POINT: Nous portons aussi l'image de Dieu dans notre âme, qui est notre cœur spirituel. - Comme dans la Sainte Trinité, nous trouvons dans no­tre âme l'intelligence, l'amour et l'action. C'est par ces facultés que nous sommes faits à l'image de Dieu. C'est notre gloire. Et quand ces fa­cultés sont élevées et surnaturalisées par la grâce, l'image devient plus parfaite. Nous acquérons une ressemblance fraternelle avec Notre­ Seigneur, nous devenons aussi des fils de Dieu.

L'homme seul avec l'ange est fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, parce que notre âme, comme les esprits angéliques a des facultés qui représentent les personnes divines.

Les autres créatures ont quelque analogie avec la Trinité, mais ce n'est plus une ressemblance, parce qu'elles sont dans un autre ordre, dans l'ordre matériel.

En créant l'âme humaine, Dieu contemplait le Sacré-Cœur et parti­culièrement le Cœur spirituel de Notre-Seigneur, dont notre âme est comme une petite sœur, qui peut se rapprocher sans cesse de la ressem­blance avec son frère, par la grâce, par les vertus et par les dons surnatu­rels.

Appliquons-nous donc sans cesse à cette imitation, qui est notre gloi­re. Disons souvent et de tout cœur cette invocation: «Jésus doux et hum­ble de cœur, Jésus modèle de toutes les vertus, rendez mon cœur sem­blable au vôtre.

IIIe POINT: Dans l'ordre matériel, notre cœur de chair ressemble au Cœur de Jésus et offre de l'analogie avec la Sainte Trinité. - En Jésus, le cœur de chair est déifié aussi, il devient un Cœur divin par l'union hypostatique. En nous, le cœur n'est pas déifié, mais il a l'honneur de ressembler matériellement au Cœur de Jésus, il participe à notre sanctification et à nos œuvres et il aura part a notre gloire dans la résurrection.

Son honneur est dans l'analogie qu'il offre avec la Sainte-Trinité et avec l'action divine du Sacré-Cœur.

Il a d'abord de l'analogie avec la Sainte Trinité. La Trinité, dans ses personnes, est lumière, amour et force. Le cœur de chair de l'homme et même de tous les êtres du règne animal, éclaircit le sang par le secours du poumon; il fortifie les organes par la circulation. Il est donc lui aussi, en quelque sorte lumière, amour et force. Dieu se contemplait en créant notre cœur.

Mais la vie de ce cœur humain a aussi de l'analogie avec l'action sur­naturelle du Sauveur dans l'Eglise. Nous l'avons déjà dit: Le Christ, ou le Cœur de Jésus purifie et illumine le monde par la rédemption et la grâce, il y allume le feu de l'amour, il y répand la vie et la force de toutes les vertus. Le Sacré-Cœur n'est pas seulement le Cœur de Jésus, il est le cœur de l'Eglise. Il opère spirituellement dans l'Eglise ce que le cœur de chair opère dans le corps humain. Dieu prévoyait tout cela dans la créa­tion.

Résolutions. - Je veux m'unir toujours davantage au Cœur de Jésus, source de vie et de sainteté, roi et centre de tous les cœurs, libéral envers tous ceux qui l'invoquent (Litanies).

Colloque avec le Cœur de Jésus.

3 Decembre

Saint François Xavier

Tunc Jésus dixit discipulis suis: si quis vult post me venire, abneget semetipsum et tollat crucem suam et sequatur me… qui enim perdiderit animam suam prop­ter me, inveniet eam. Quid enim prodest homini si mundum universum lucretur, animae vero suae detrimentum patiatur (S. Mat., 16,24).

Alors Jésus dit à ses disciples: si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce et qu'il porte sa croix et me suive… car celui qui sacrifiera sa vie pour moi la retrouvera. A quoi sert en effet à l'homme de gagner tout l'univers au dé­triment de son âme (S. Mat., 16,247.

1er Prélude. J'entends Notre-Seigneur me dire qu'il ne sert à rien de gagner tous les biens de l'univers au détriment de son âme.

2e Prélude. Saint François Xavier, obtenez-moi la grâce de mépriser le monde pour m'attacher à Jésus et travailler au salut des âmes.

Ier POINT: Détachement du monde. - Saint François Xavier était en danger de se perdre. Il avait eu des succès dans ses études. Il enseignait brillamment. L'ambition le gagnait. Il écoutait des jeunes gens alle­mands, qui propageaient à Paris les doctrines nouvelles de Luther.

Il voulait concilier la vaine gloire et l'amour du monde avec le chri­stianisme. Mais saint Ignace gagna son affection et lui répéta souvent cette parole: «Que sert à l'homme de gagner l'univers entier, s'il vient à perdre son âme?».

Après de violents combats intérieurs, Xavier se rendit aux impres­sions de la grâce et se laissa guider par saint Ignace, qui le conduisit à la vie d'oraison et au détachement du monde. Ils firent le voeu à Mont­martre d'aller se mettre au service du Pape pour toutes les œuvres qu'il voudrait bien leur confier.

A Venise, Xavier placé à l'hospice des incurables, passait les nuits en prières, après avoir employé le jour à rendre aux malades les services les plus humiliants. Il s'attachait de préférence à ceux qui avaient des mala­dies contagieuses; quelle abnégation! quelle générosité! quel contraste avec sa vie mondaine!

Pratiquons le mépris du monde selon notre vocation. C'est par là qu'on acquiert des grâces, des consolations et des fruits de salut.

IIe POINT: L'attachement à Notre-Seigneur. - Xavier fut ordonné prêtre à Venise le jour de la fête de saint Jean-Baptiste en 1535. Il fit avec saint Ignace et ses compagnons les trois vœux de religion. Il était si pénétré de la sainteté du sacrifice de la messe, qu'il voulut se préparer longuement à l'offrir. Il passa quarante jours, avant sa première messe, dans une chaumière abandonnée, couchant sur la terre et ne vivant que des dons des fidèles. Aussi avec quelle ferveur il consacra pour la première fois le corps et le sang de Notre-Seigneur!

Après cela les Pères allèrent à Rome pour jeter les fondements de leur ordre. Leur unique pensée était la gloire de Dieu et l'amour de Notre­Seigneur, Xavier regardait comme un gain les fatigues, les souffrances et les dangers. Comme un autre saint Paul, il se faisait tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ.

Lorsque Notre-Seigneur lui faisait connaître ce qu'il aurait à souffrir, il s'écriait: «Encore plus, Seigneur, encore plus».

A l'égard des consolations, dont il était souvent comblé, il disait: «Sei­gneur, c'est assez, je ne mérite pas d'être tant consolé». Son amour pour Notre-Seigneur était donc un amour pur et désintéressé.

Il ne se recherchait pas lui-même, mais il cherchait uniquement la gloire de Dieu et le bien des âmes.

Où en sont nos dispositions? Sommes-nous vraiment surnaturels? Nos intentions sont-elles désintéressées?

Cherchons-nous avant tout la gloire de Dieu, le salut des âmes, la con­solation de Notre-Seigneur, le règne du Sacré-Cœur?

IIIe POINT: Zèle pour les missions. - Le premier projet de Xavier et de ses compagnons était l'aller en Palestine pour y travailler à la conversion des infidèles. Ils avaient le secret désir du martyre. Mais la guerre qui régnait entre Venise et les Turcs mit obstacle à leurs desseins.

Ils se mirent à la disposition du Pape qui leur confia le soin de prêcher des missions à Rome, puis bientôt, à la demande du roi de Portugal, Xa­vier partit pour les Indes.

Quel zèle il montra! A Goa, il prit son logement parmi les pauvres à l'hôpital. Il refusa l'appartement que lui offrait le vice-roi. Il missionna dans la ville, puis il parcourut toutes les Indes, au prix des plus grandes fatigues. Se mission devint semblable à celle des apôtres, par l'étendue et la rapidité de ses succès.

Il employait les moyens dont ils s'étaient servis eux-mêmes pour con­vertir le monde idolâtre: la prière, l'humilité, le désintéressement, la mortification. Il était aidé par le don des miracles.

Saint Ignace lui envoya des compagnons. Il laissa aux Indes des chré­tientés florissantes, puis il passa au japon, où il eut aussi de grands suc­cès, mais au prix des mêmes fatigues et de grandes humiliations.

Il mourut en missionnaire à l'île de Sancian près de la Chine.

Quel est notre zèle? Faisons-nous ce que nous pouvons pour le pro­chain, selon notre vocation?

Résolutions. - je travaillerai pour le règne du Sacré-Cœur et pour le salut des âmes, à des œuvres précises. je dois déterminer ce que je ferai aujourd'hui même.

Colloque avec saint François Xavier.

4 Decembre

Analogies avec le Cœur de Jésus
dans toute la création

In sole posuit tabernaculum suum; et ipse tanquam sponsus procedens de thala­mo suo, exultavit ut gigas ad currendam viam… nec est qui se abscondat a calore ejus (PS., 18).

Il s'est revêtu du soleil; semblable à un époux qui sort du lit nuptial, il s'est élevé comme un géant pour parcourir sa voie. Personne n'échappera à ses rayons (Ps., 18).

1er Prélude. Plusieurs fois la Bienheureuse Marguerite-Marie a vu le Cœur de Jésus semblable au soleil et dardant ses rayons sur les cœurs dans la mesure de leurs disposi­tions.

2e Prélude. Divin Cœur de Jésus, soleil brûlant d'amour, enflammez mon cœur, source puissante de grâces, fécondez mon âme.

Ier POINT: La végétation des plantes a aussi de l'analogie avec la Trinité et avec le Cœur de Jésus. - Dans la vie végétative, c'est la racine qui fait fonction de cœur. Elle aspire le sève et l'envoie se purifier dans les feuil­les pour redescendre ensuite plus chaude et vivifiante. La vie végétative purifie la sève, l'échauffe et la féconde, comme la vie de la sainte Trinité produit la lumière, l'amour et la force.

La sève est semblable au sang, elle porte la vie dans les branches, elle produit les fleurs et les fruits. Ainsi la grâce du Cœur de Jésus porte par­tout la vie et produit les fleurs et les fruits des vertus.

Cette sève, je la veux recevoir, mais il faut la puiser à sa vraie source, au Cœur de Jésus, qui est la racine de toute vie surnaturelle. - «Vous puiserez avec joie, dit Isaïe, aux sources du Sauveur». Le Cœur de Jésus sera pour moi la source fécondante et le soleil fortifiant.

IIe POINT: Le soleil a de magnifiques analogies avec le Cœur de Jésus. - Dieu qui a fait du cœur de l'homme, de son cœur spirituel et de son cœur de chair, le chef-d'œuvre de la nature inanimée, a fait du soleil le chef-d'œuvre de la nature animée. Qu'il est magnifique cet astre! Les païens le prenaient pour un Dieu. En le créant, Dieu voulait nous don­ner une image éclatante du Sacré-Cœur.

Le soleil a aussi des analogies avec la Trinité! Il éclaire, il échauffe, il féconde, comme font spirituellement les personnes divines.

Souvent le Sacré-Cœur s'est manifesté à la Bienheureuse Marguerite­Marie dans l'éclat du soleil.

«Une fois que le Saint-Sacrement était exposé, dit-elle, Notre­Seigneur Jésus-Christ se présenta à moi tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils».

«Une autre fois, le jour de la visitation (2 juillet 1688), le Cœur amou­reux de Jésus m'apparut sur un trône de feu, rayonnant de tous côtés et plus brillant que le soleil. Il était au milieu des flammes de son pur amour. Sa plaie jetait ses rayons ardents et lumineux».

«Les premiers vendredis, dit-elle encore, le Sacré-Cœur m'était re­présenté comme un soleil brillant d'une éclatante lumière, dont les rayons ardents donnaient à plomb sur mon cœur. Il les jetait de toutes parts et sur chaque cœur, mais d'une façon bien différente, selon les dispositions de ceux sur lesquels ces rayons tombaient; car les âmes des réprouvés s'endurcissaient encore davantage comme la boue s'endurcit aux rayons du soleil; et au contraire le cœur des justes en devenait plus pur et se ramollissait comme la cire».

Le divin soleil porte partout la vie, la croissance, les fleurs et les fruits, pourvu que les âmes soient bien disposées.

Cœur de Jésus, divin soleil, dont les rayons portent la lumière de la foi et le feu de la charité dans les cœurs, éclairez mon pauvre cœur, réchauffez-le et ne permettez pas qu'il reste insensible à votre action.

IIIe POINT: L'océan est aussi un symbole du Cœur de Jésus. - Il est le grand réservoir de toutes les eaux fécondantes. Echauffé par le soleil, il envoie ses vapeurs se condenser dans l'air et tomber partout en pluies qui arrosent et fertilisent le sol. Une partie des nuées grossit les neiges des montagnes pour descendre ensuite par les ruisseaux, les rivières et les fleuves, qui forment les artères et les veines des continents. On peut voir aussi dans cette circulation l'image de la Trinité.

Le Cœur de Jésus est l'océan de toutes les grâces. Le soleil de son amour puise dans cet océan divin tous les dons qui tombent en pluies fé­condantes sur le cœurs bien disposés.

Comme les eaux retournent à l'océan qui les purifie avant de les ren­voyer à la terre, ainsi les actions défectueuses des hommes retournent au Cœur de Jésus, qui les purifie aussi par les mérites de sa Passion, par le sacrifice eucharistique et par son infinie miséricorde.

Elie avait vu cette nuée de grâces qui s'élèverait de l'océan de la misé­ricorde pour féconder le monde: nubecula parva ascendebat de mari (3, livre des Rois, 18).

Puisse mon cœur ne pas demeurer une terre aride et déserte sous cette pluie de grâces!

Résolutions. - Union constante avec le Cœur de Jésus, pour recevoir la sève qui en découle, les rayons qui réchaufferont mon cœur et la pluie de grâces qui fécondera mon âme.

Colloque avec le Cœur de Jésus, divin soleil et fournaise ardente de charité.

5 Decembre

Les premières figures du Sacré-Cœur

Et Dieu fit produire au sol toute plante agréable et utile, et aussi l'arbre de vie au milieu du paradis… Et un fleuve sortait d'une source délicieuse pour arroser le pa­radis et il se divisait en quatre courants (Gen., 2,9).

Produxitque Dominus Deus de humo lignum etiam vitae in medio paradisi… Et fluvius egrediebatur de loco voluptatis ad irrigandum paradisum, qui inde dividitur in quatuor capita (Gen., 2,9).

1er Prélude. Je verrai Dieu toujours épris du Sacré-Cœur nous en montrer les figu­res, quand il créa la source du paradis, le fruit de vie et notre première mère, sortie du côté d'Adam.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, la grâce d'être épris moi aussi du Sacré-Cœur et de le chercher partout.

Ier POINT: Le paradis et ses sources merveilleuses. - Le paradis lui-même, jardin délicieux était une figure du Sacré-Cœur. Marguerite-Marie en a eu la vision.

«Une fois, dit-elle, je sentis mon âme dans une agonie très douloureu­se, lorsque Notre-Seigneur m'honorant de sa présence me dit: Entre, ma fille, dans ce parterre délicieux pour ranimer ton âme languissante. Je vis que c'était son Sacré-Cœur dont la diversité des fleurs était autant aimable que leur beauté était admirable…».

Sainte Gertrude aussi a vu le Cœur de Jésus «semblable à un jardin d'une beauté extraordinaire et tout mystérieuse. Enfin elle aperçut dans ce jardin trois sources d'eau vive qui se déchargeaient les unes dans les autres».

Le genèse nous décrit une source principale qui se divise en quatre fleuves pour arroser tout le paradis. L'art chrétien des premiers siècles représentait souvent ces quatre fleuves descendant du trône de l'Agneau blessé, suivant la vision apocalyptique. Or le fleuve de vie qui découle du trône de l'Agneau, c'est bien le sang de son Cœur et de ses plaies, qui féconde toute l'Eglise.

Dieu se complaisait à figurer le sang fécond du Cœur de Jésus par les fleuves du paradis.

IIe POINT: L'arbre et le fruit de vie. - L'arbre de vie était planté près du fleuve sacré. Saint Jean vit aussi dans l'Apocalypse cet arbre de vie qui est le Sauveur, et son fruit qui est l'Eucharistie et le Sacré-Cœur.

Le moyen-âge représentait toujours l'Enfant Jésus tenant un fruit. C'était le fruit de vie, c'était son Cœur eucharistique.

Le paradis terrestre, dit saint Ambroise, c'est l'Eglise, et l'arbre de vie est le Christ lui-même (De Paradiso).

Saint Jean Chrysostome compare l'arbre de vie à la croix. Le fruit de vie est alors Jésus avec son Cœur ouvert.

Bossuet confirme cette interprétation: «Dieu, dit-il, nous rend l'arbre de vie par la croix du Sauveur. Le vrai fruit de vie pend à cet arbre mystérieux, et je le mange dans l'Eucharistie, selon la parole de saint Paul: Toutes les fois que vous mangerez de ce pain céleste (le pain eu­charistique) et que vous boirez de cette coupe bénite, vous célébrerez la mort du Sauveur».

Nous pouvons devenir nous aussi des arbres de vie, des vignes fécon­des, mais il faut que nous soyons greffés au véritable arbre de vie, il faut que nous entrions dans le Cœur de Jésus pour nous y attacher. Notre­Seigneur lui-même nous l'a dit: «Demeurez en moi et moi en vous. Comme un rameau ne peut porter de fruit par lui-même, s'il ne demeu­re attaché à la vigne, il en est ainsi de vous, si vous ne demeurez en moi. Je suis la vigne et vous êtes les rameaux; celui qui demeure en moi et moi en lui, portera des fruits abondants; mais sans moi vous ne pouvez rien. Demeurez donc dans mon amour» (S. Jean, 15,4).

Je dirai donc avec sainte Gertrude: «O Cœur de Jésus, j'ai été planté et greffé dans une terre sainte et je suis resté stérile. Abaissez vos regards de miséricorde sur ce pauvre rameau desséché, afin qu'il puisse; quand il aura de nouveau été uni à vous et réchauffé par votre Cœur, reverdir et refleurir dans une vraie sainteté».

IIIe POINT: Le côté d'Adam. - Eve a été tirée du côté d'Adam. Les Pères de l'Eglise nous disent que cela symbolisait l'Eglise qui a été tirée du Cœur de Jésus.

«La première femme, dit saint Augustin, a été faite du côté de l'hom­me pendant son sommeil, et elle a été appelée vie et mère des vivants. De même, le second Adam, inclinant la tête, s'endormit sur la croix, afin qu'il lui fût formé une épouse qui sortît de son cœur et de son côté pen­dant son sommeil».

Afin, dit saint Bonaventure, que l'Eglise fût formée du côté du Christ pendant son sommeil sur la croix, Dieu voulut qu'un soldat ouvrit par la lance ce sacré côté… Le sang et l'eau coulant de la source cachée du Cœur de Jésus devaient donner aux sacrements de l'Eglise leur vertu pour conférer la vie de la grâce».

«Lève-toi, ajoute ce saint, ô âme, amie du Christ, veille et ne t'endors

pas; place ta bouche à cette ouverture sacrée, afin d'y puiser les eaux sa­lutaires à la fontaine du Sauveur» (De ligne, vitae).

Saint Chrysostome dit de même: «Le sang et l'eau sortirent du côté de Jésus; ce ne fut point par hasard et sans un dessein arrêté de Dieu, car de ce sang et de cette eau devait naître l'Eglise» (Nom. 84 in Jesu).

Résolutions. - Me tenir uni au Sacré-Cœur, renouveler cette union à chacune de mes actions, c'est boire à la source de vie et manger le fruit de l'immortalité.

Colloque avec le Créateur.

6 Decembre

Autres figures du Sacré-Cœur

Datum est illi bellum facere cum sanctis et vincere eos… quorum non sunt scripta nomina in libro vitae Agni qui occisus est ab origine mundi (Apoc., 13,,7).

Il a été donné à la bête de faire la guerre à des saints et de les vaincre… ceux dont les noms ne sont pas écrits dans le livre de vie de l'Agneau, qui a été immolé dès l'origine du monde (Apoc., 15,7).

1er Prélude. Il y a d'autres figures touchantes encore, surtout tous ces agneaux immo­lés au Temple comme préparation au sacrifice de l'Agneau de Dieu.

2e Prélude. Seigneur, je comprends que pour être inscrit au livre de l'Agneau, il faut être uni à l'Agneau victime et imiter sa vie sacrifiée.

Ier POINT: Abel et les agneaux victimes de l'ancienne loi. - Qu'Abel, bles­sé au cœur par son frère ait été une figure de Jésus, saint Paul lui-même nous le dit dans l'Epître aux Hébreux: «Nous avons, dit-il, un médiateur, Jésus, dont le sang est plus éloquent que celui d'Abel» (Aux Heb., 12,24).

Quant aux agneaux immolés au Temple quotidiennement et frappés au cœur par le glaive, c'est à maintes reprises que le Nouveau Testa­ment nous les montre comme la figure du Sauveur.

«Jésus est l'agneau de Dieu, dit saint Jean-Baptiste, l'agneau dont l'immolation efface les péchés du monde» (S. Jean. 1,29). L'apocalypse surtout nous montre en Jésus l'Agneau sauveur promis par Isaïe (Isaïe, 16,1). Vingt fois l'Apocalypse exalte l'Agneau victime, l'Agneau rédempteur, dont le sang est la source de toutes les grâces; l'Agneau glorifié avec Dieu au ciel et acclamé par les anges et les saints. L'ange montra à saint Jean la source de vie découlant du trône de l'Agneau. Je veux boire sans cesse à cette source de vie, et le moyen, c'est de me tenir uni au Cœur de Jésus et de ramener sans cesse ma pen­sée et mon cœur à cette union.

IIe POINT: L'arche du déluge. - Noé seul fut sauvé et ceux qui étaient avec lui dans l'arche (Gen., 7,23). Saint Augustin nous montre dans l'arche une figure du Cœur de Jésus. Il nous fait remarquer que l'Evan­géliste ne dit pas «Un soldat lui perça le côté, mais lui ouvrit le côté». Cet­te ouverture du côté de Jésus était la porte du salut d'où sont sortis le sang et l'eau, symboles des sacrements. «Ce mystère, ajoute le saint doc­teur, a été figuré d'avance, lorsque Noé reçut l'ordre de faire une porte dans le côté de l'arche, afin d'y faire entrer tous les êtres vivants qui ne devaient pas périr dans le déluge et par lesquels l'Eglise était symbolisée» (Traité 120 sur saint Jean).

L'Eglise est une arche de salut, mais plus particulièrement encore le Cœur de Jésus et la dévotion qu'on lui porte. Notre-Seigneur l'a dit souvent à Marguerite-Marie: Ceux qui seront dévoués à son Cœur ne périront pas.

C'est pour cela qu'elle nous invite «à entrer dans cet aimable Cœur comme un voyageur dans un navire assuré, dont le pur amour est le pi­lote qui nous conduira heureusement sur la mer orageuse de ce monde, nous préservant de ses écueils et de ses tempêtes».

«Ouvrez-nous, dit aussi saint Bernard à Notre-Seigneur, la porte de votre côté sacré, la porte de l'arche de votre Cœur. Faites-nous-y entrer tous… Vous êtes le véritable Noé, vous que Dieu votre Père a trouvé seul juste devant lui…».

Noé envoya une colombe qui revint dans l'arche. C'est, dit saint Am­broise, le symbole de l'âme simple et innocente, qui est sortie de sa re­traite pour exercer des œuvres de miséricorde; mais ne trouvant partout que fange et péché, elle revient volontiers à sa retraite avec l'olivier de la paix. L'âme fidèle revient toujours au Cœur de Jésus.

Ecoutons encore saint Bonaventure: «Lève-toi, dit-il, âme chrétienne, lève-toi et sois comme la colombe qui a placé son nid dans le trou du ro­cher… C'est là aussi qu'il faut placer ta bouche pour boire aux sources du Sauveur…».

Revenons toujours fidèlement à l'arche du Cœur de Jésus.

IIIe POINT: Le poisson de Tobie. - Le récit biblique est connu. L'ange Raphaël recommande à Tobie de garder le cœur et le foie du poisson. Le cœur, dit-il, chasse les démons; quand on le grille, le foie guérit les yeux malades. Evidemment l'efficacité de ces remèdes était due à une action mystique. Ainsi l'ont interprété les Pères. Le poisson c'était le Christ. Les premiers chrétiens ont adopté ce symbolisme aux catacom­bes.

«Nous appelons le Christ un poisson, dit saint Prosper, parce que les lettres du mot poisson en grec sont les initiales des mots. «Jésus-Christ fils du Dieu Sauveur» et parce que Notre-Seigneur a été grillé par le feu de sa passion et que son intérieur (son Cœur) nous illumine et nous gué­rit chaque jour dans l'Eucharistie». Saint Augustin dit aussi: «Le poisson grillé, c'est le Christ immolé. Piscis assus, Christus passus» (Traité 123, in Joan). Et Tertullien: «Nous sommes de petits poissons nés dans l'eau, conformément à notre grand poisson Jésus-Christ». Nous entrons dans l'Eglise par le baptême, comme Notre-Seigneur est entré dans sa vie pu­blique par son baptême au Jourdain.

Résolutions. - Le Cœur de Jésus est pour moi le Cœur de l'Agneau Sauveur, c'est l'arche du déluge, c'est le cœur du poisson qui guérit et illumine. Je veux me tenir toujours uni à lui de plus en plus.

Colloque avec Jésus, agneau victime.

7 Decembre

La lumière a lui dans les ténèbres

Lux in tenebris lucet et tenebrae eam non comprehenderunt. Erat lux vera quae illuminati omnem hominem venien­tem in hunc mundum. In mundo erat… et mundus eum non cognovit. In propria venit et sui eum non receperunt (S. Joan., 1, 5).

La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas comprise. La vraie lumière illumine tout homme qui vient au monde. Elle était dans le monde et le monde ne l'a pas connue. Elle est venue chez elle et les siens ne l'ont pas reçue (S. Jean., 1, 5).

1er Prélude. Je me représente les ténèbres du péché couvrant le monde et enveloppant aussi mon âme.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, la grâce de vous recevoir comme je le dois, pour que je devienne enfant de Dieu.

Ier POINT: Le péché de nos premiers parents. - C'est là le péché type, le péché source de tous les péchés. Il y avait dans ce péché le germe des trois grandes concupiscences ou des péchés capitaux, et c'est pour cela que ce germe a passé en héritage à toute la race d'Adam.

Il y avait dans ce péché de l'orgueil, puisque Adam et Eve se laissaient gagner par l'attrait de ce fruit, agréable auxyeux, bon â manger et d'un aspect délectable.

Il y avait aussi la concupiscence de la chair, puisque Adam cédait par faiblesse pour Eve à qui il ne voulait pas déplaire.

Ce péché était odieux, parce qu'il était une révolte contre l'autorité infinie de Dieu, une ingratitude envers le créateur qui était plus qu'un père.

Et quelles conséquences terribles il entraîna! Tout ce qui est peine et souffrance: le labeur, la maladie, les remords, les divisions, les luttes, la guerre, la pauvreté, la misère, la mort!

Voilà l'immense détresse à laquelle la naissance du Sauveur va appor­ter le remède.

Le Cœur de Dieu est blessé par l'ingratitude d'Adam son fils aîné. Dieu se repentirait d'avoir créé le monde s'il n'entrevoyait pas un autre Adam au cœur aimant, au cœur généreux; un Adam réparateur à op­poser à celui qui a péché.

IIe POINT: La corruption générale. - A peine le péché d'Adam a-t-il été commis, qu'il se propage. C'est Caïn avec sa race maudite. C'est la cor­ruption générale qui attire sur le monde le châtiment du déluge.

«La terre, dit la Genèse, était remplie d'iniquité. Toute chair humai­ne avait corrumpu ses voies sur la terre. Les hommes tournaient toutes leurs pensées vers le mal. Dieu était blessé au cœur et voulait détruire l'humanité» (Gen., chap. 6).

Dieu regrettait d'avoir créé l'homme, il fit le déluge pour assainir l'humanité.

Après le déluge, c'est le paganisme. «Tout était Dieu, excepté Dieu lui-même». Le démon était adoré sous toutes les formes. Il se faisait of­frir d'horribles sacrifices humains. L'olympe d'Athènes et de Rome était peuplé de dieux impudiques. L'Egypte, l'Assyrie et l'Inde ne valaient pas mieux.

Le peuple d'Israël lui-même, oubliant les bienfaits qu'il avait reçus de Dieu, retombait sans cesse dans l'idolâtrie.

Jérusalem se partageait entre les Hérodiens, amis de César, et les hy­pocrites Pharisiens. Où Dieu pouvait-il arrêter son regard pour trouver quelque plaisir dans les dispositions de ses créatures?

Il fallait un châtiment, comme au temps du déluge, mais cette fois Dieu ne frappera pas toute la terre, il frappera le juste, qui s'est offert pour sauver les méchants.

III° POINT: Nos péchés personnels. - Le Sauveur est venu et a racheté son peuple. L'Agneau divin, le nouvel Isaac, a offert son Cœur à la lan­ce. La victime rédemptrice a été immolée et ses mérites nous ont été ap­pliqués.

Mais nous avons péché de nouveau. Examinons-nous particulière­ment sur les fautes commises depuis un an.

Le monde est-il meilleur autour de nous? Dieu n'est-il pas offensé et blasphémé partout?

Les nations apostasient. La famille se dissout. L'éducation devient matérialiste et impie.

Les sociétés secrètes triomphent et mènent le monde.

Et nous, qui devions être des consolateurs et des amis du Sacré­-Cœur, où en sommes-nous?

Ne cédons-nous pas à la tiédeur?

Les trois concupiscences ne se réveillent-elles pas sans cesse en nous? Ne faisons-nous pas des concessions répétées à l'orgueil, à l'amour-­propre, à la vanité, à la sensualité?

Notre-Seigneur s'est manifesté plusieurs fois à Marguerite-Marie sous l'aspect de l'Ecce homo, tout défiguré, couvert de plaies et souffrant sans mesure. «Voilà, disait-il, l'état où me réduit mon peuple, même mon peuple choisi», le peuple qui communie, le peuple des maisons de Dieu, où devait régner la ferveur.

Nous en sommes encore là. Convertissons-nous, préparons-nous aux grâces de Noël, à une nouvelle effusion des fruits de l'incarnation.

Résolutions. - Jusqu'à Noël particulièrement, je veux m'examiner chaque jour avec soin sur mes péchés de l'année. je veux pleurer ces pé­chés, et me préparer par le baptême de la pénitence à la venue du Sau­veur.

Colloque avec l'Ecce homo.

8 Decembre

Pour la fête de l'Immaculée-conception

Ingressus angelus ad eam dixit: Ave, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus (S. Luc., 1,28).

L'ange entra et dit à Marie: je vous sa­lue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les fem­mes (S. Luc., 1,28).

1er Prélude. L'Eglise nous fait lire aujourd'hui à la Messe la généalogie de Notre­-Seigneur dans saint Matthieu: toutes les générations depuis Adam. L'Evangile cite seu­lement les femmes qui représentent l'humanité coupable: Thamar l'incestueuse, Ra­hab la chananéenne, Ruth la moabite; Bethsabée, l'épouse infidèle. Mais il termine par Marie, dont l'incomparable dignité a sa source dans sa Maternité divine.

2e Prélude. Seigneur, vous aimez tant la pureté, faites-la régner dans mon cœur.

Ier POINT: Comme Mère du Sauveur, Marie devait être immaculée. - Nous pouvons penser combien Notre-Seigneur a été heureux de ce privilège de sa Mère et combien il en a remercié son Père céleste.

La chair de Marie devait être sa chair; son sang devait être pris du sang de Marie. La chair et le sang qu'elle donnait à Jésus devaient être les instruments de la rédemption. Pouvaient-ils avoir été souillés un seul instant? Pouvaient-ils avoir appartenu au démon? Non, il y avait une suprême convenance à ce qu'ils fussent toujours purs.

Dieu le Père l'avait promis dès le commencement: «J'établirai une ini­mité entre toi et une femme, entre la race et la sienne; elle écrasera ta tè­te» (Gen., 3,15). Par là, Dieu promettait la nouvelle Eve sur laquelle le démon n'aurait aucune prise.

En préservant sa Mère de toute souillure. Notre-Seigneur préparait le tabernacle dans lequel il voulait descendre: «Le Très-Haut a sanctifié son tabernacle». (PS., 45).

Notre-Seigneur devait ainsi retrouver, pour ainsi dire, le ciel sur la terre. Sa Mère devait être pour lui un jardin réservé, une fontaine scellée, un lis sans épines (Cant., 4,12).

IIe POINT: Jésus s'est complu dans la pureté de sa Mère. - Comment aurait-il pu vivre sans cela? Son Cœur, le plus parfait et le plus délicat des cœurs avait besoin de trouver un Cœur digne de recevoir ses épan­chements. L'union hypostatique n'annulait pas ses facultés humaines, elle les fortifiait et les élevait. Son cœur avait un inexprimable besoin d'amour humain. Il avait besoin d'en donner, il avait besoin d'en rece­voir; et c'est pour satisfaire à ce double besoin, que son Père céleste lui avait donné sa Mère.

Le poids d'amour que formait dans son cœur humain la grâce de l'union personnelle l'aurait pour ainsi dire écrasé, s'il n'avait pas eu sa Mère pour déverser en son cœur le trop plein de sa tendresse. Elle seule a contenté pleinement son cœur. Elle a été tout à la fois pour lui un en­fant, un disciple, une sœur, un amie, une épouse et une Mère.

Tout-ce que ces mots expriment d'affection tendre, généreuse et dévouée, sa Mère le lui a donné au degré le plus élevé de l'idéal. Elle a sa­tisfait jusqu'au comble le besoin que son cœur avait d'être humaine­ment aimé.

Aussi comme il est reconnaissant à son Père d'avoir donné à sa Mère une nature aussi privilégiée et exempte de toute tache!

Les femmes d'Israël la félicitaient d'avoir été sa mère, mais comme il l'a fait remarquer, ce qui rehaussait sa gloire, ce n'est pas tant la Mater­nité divine que les grâces et les privilèges qui en ont été la conséquence.

Marie a été la véritable Esther et Dieu la Père a pu lui dire ce que Assuerus disait à Esther: «Tu ne mourras pas, cette loi est faite pour tous excepté pour toi». Assuerus parlait de la mort corporelle, mais Dieu par­le ici à Marie de la mort spirituelle qu'entraîne le péché originel.

IIIe POINT: De la pureté nécessaire à Marie ressort pour les âmes pieuses et surtout pour les prêtres la nécessité d'une pureté parfaite. - Mais si la pureté de Marie a dû être si parfaite à cause de sa mission et de ses rapports avec Notre-Seigneur, ne voyons-nous pas combien Notre-Seigneur est en droit d'exiger une grande pureté des âmes pieuses qui communient sou­vent, des personnes consacrées et surtout des prêtres, qui ont avec Notre-Seigneur des rapports si intimes!

Le prêtre engendre spirituellement Notre-Seigneur à l'autel, il le tient en ses mains, il le porte où il veut. Notre-Seigneur pourrait-il se conten­ter d'une pureté imparfaite chez son ministre, son confident, son ami, son frère! Son cœur ne serait-il pas blessé, s'il se voyait servi à l'autel par un ministre qui ne serait pas d'une pureté délicate.

Quel contraste cela ferait avec les dispositions si pures de Marie? Demandons assidûment la pureté par l'intercession de Marie. Demandons un véritable amour pour la pureté d'esprit, de cœur et de corps, et une véritable horreur pour la moindre souillure, qui en pour­rait ternir l'éclat.

O Marie, préservez mon imagination de toutes souillures, en la déli­vrant de tous les fantômes qui pourraient la salir; préservez ma mémoi­re, en effaçant le souvenir dangereux de tout ce qui pourrait blesser la vertu angélique; mon esprit, en éloignant toutes les pensées contraires; mon cœur en le conservant comme un sanctuaire consacré à la présence divine; mes yeux, en réglant mes regards par la modestie; ma langue, en lui donnant de l'horreur pour toutes les paroles équivoques; mes oreilles, en fermant à tous les discours qui pourraient blesser la pureté; ma chair, en l'assujettissant toujours à l'esprit;

Résolutions. - je veux unir mes efforts à mes prières pour correspon­dre aux grâces que Marie m'obtiendra. - je veillerai sur mes sens. - je me souviendrai que la régularité, la tempérance le recueillement sau­vegardent la pureté.

Colloque avec Marie Immaculée.

9 Decembre

L'incarnation

Ait angelus ei: Ne timeas, Maria inve­nisti enim gratiam apud Deum; Ecce con­cipies in utero et paries filium, et vocabis nomen ejus Jesum. Hic erit magnus et Fi­lius altissimi vocabitur (S. Luc., 1,30).

L'ange lui dit: Ne craignez point Ma­rie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Vous allez concevoir dans votre sein et vous enfanterez un fils, que vous appellerez Jésus. Il sera grand et on l'ap­pellera le Fils du très-Haut (S. Luc., 1,30).

1er Prélude. Dieu nous a donné Marie dans l'Immaculée-Conception, il nous donne Jésus dans le gracieux mystère de l'Annonciation. Avec l'ange, je salue Marie pleine de grâce.

2e Prélude. O Marie, demandez et vous obtiendrez pour moi la fidélité à la grâce.

Ier POINT: Par l'Incarnation, Marie devient la dispensatrice des grâces. - Dieu envoya l'ange Gabriel saluer Marie. Elle était déjà toute remplie de grâces par une application anticipée des mérites de son divin Fils. Le Verbe avait préparé le tabernacle qu'il voulait habiter: Sanctificavit taber­naculum suum altissimus (Ps. 45).

C'est ainsi que Notre-Seigneur voudrait préparer nos âmes, si nous n'y mettions pas obstacle.

Marie n'était pas encore sa mère et déjà elle était remplie de grâces. Jésus lui en apportait de nouvelles et de plus sublimes en venant habiter dans son sein. C'est la source même de la grâce que Notre-Seigneur lui donnait, en se donnant à elle et en lui donnant son cœur.

En devenant Mère de Dieu, Marie est devenue la mère et la dispensa­trice de la grâce. Demandons par son intercession cette grâce que le Cœur de Jésus veut nous donner. Demandons aussi par Marie la faveur de conserver avec fidélité les grâces reçues, de travailler avec elles avec ferveur, pour qu'au lieu de diminuer et de s'affaiblir, elles se fortifient et s'accroissent de jour en jour.

Mais si nous voulons obtenir la grâce de Notre-Seigneur, il faut que nous imitions les dispositions de Marie, son humilité et sa docilité. Voyez comme elle s'humilie. Plus l'ange l'élève, plus elle s'abaisse. Elle est troublée à la fois par son amour pour la virginité et par son humilité profonde. Mais dès qu'elle est sûre de demeurer toujours vierge, et que c'est Dieu même qui veut élever sa bassesse jusqu'au degré sublime de la Maternité divine, elle exprime son consentement par ces belles paroles: «Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. C'est son acquiescement et sa soumission à la grâce.

IIe POINT: Fidélité de Marie à la grâce. - Profitons du grand exemple de Marie pour nous soumettre à la grâce, dès le moment qu'elle se pré­sente. Dès que Dieu parle à notre âme pour nous inspirer une bonne ac­tion ou nous éloigner d'une mauvaise, suivons l'attrait de cette grâce, humilions-nous, reconnaissons la grandeur de Dieu et notre bassesse, son autorité et notre dépendance. Disons avec Marie: «Qu'il me soit fait selon votre parole: Fiat mihi secundum verbum tuum». Obéissons prompte­ment, exécutons sur-le-champ ce que la grâce nous demande, c'est le moyen de faire régner Notre-Seigneur en nous.

Elle a tant de prix cette grâce! c'est le don du Cœur de Jésus, don ex­cellent comme tout ce qui vient du ciel: Omne datum optimum et omne donum perfectum desursum est (S. Jac. 1,17).

Elle nous est si nécessaire! sans elle nous ne pouvons pas aller a Notre­Seigneur et répondre à l'appel de son Cœur: Nemo potest venire ad me, nisi Pater, qui misit me, traxerit eum (S. Jean., 6).

Elle est si féconde aussi! Elle nous apporte tant de biens et tant de for­ces: Venerunt mihi omnia pariter cum illa (Sap., 7,11).

Je veux donc être toujours attentif à la grâce, calme, recueilli et dispo­sé à répondre sans retard aux sollicitations divines.

IIIe POINT: Nos infidélités. - Combien mes infidélités passées de­vraient me causer de douleur! Combien de fois j'ai préféré la sensualité, l'amour-propre, le monde aux sollicitations de la grâce!

Notre-Seigneur parlait à mon âme, il éclairait mon esprit, touchait mon cœur et je me détournais de lui.

Notre-Seigneur pleurait sur Jérusalem quand elle était infidèle à sa grâce; que de fois il aurait lieu de pleurer sur moi! …

N'ai-je pas à craindre qu'il porte ses grâces ailleurs? J'en ai tant d'exemples et de menaces dans l'Ecriture?

«Le père de famille louera sa vigne à d'autres agriculteurs», dit Notre­Seigneur dans saint Mathieu (Ch., 21,41). - Notre Seigneur dit aussi à l'évêque d'Ephèse dans l'apocalypse: «Réfléchis à ta déchéance, fais pé­nitence et reviens à tes premières œuvres, sinon je déplacerai le candéla­bre», (qui symbolise ta dignité).

Notre-Seigneur pouvait ajouter: «Si je ne l'ai pas fait jusqu'à présent, c'est par une extrême miséricorde, qui peut se lasser».

Et si j'ai parfois ouvert mon âme à la grâce, combien peu j'ai goûté le don céleste, conservé la divine présence de Notre-Seigneur et cultivé ce précieux trésor que je devais cultiver plus que tous les biens. Com­mençant par de petites infidélités qui se sont insensiblement multipliées, j'ai laissé s'affaiblir la grâce en moi et je l'ai peut-être contrainte à sortir de mon cœur.

Par là j'ai contristé Notre-Seigneur et l'Esprit-Saint qui habite en moi.

Il ne me reste qu'à prier par l'intercession de Marie pour retrouver les grâces perdues.

A plus forte raison, si je suis consacré au Cœur de Jésus, si je lui ap­partiens par la vie religieuse ou sacerdotale, ma vocation demande une fidélité toute spéciale aux grandes grâces que Notre-Seigneur veut nous donner.

Je promets aujourd'hui cette fidélité que l'amour de Notre-Seigneur me demande. Si je suis fidèle, il le sera aussi: «Demeurez en moi et moi en vous» (S. Jean, 15).

Résolutions. - Rendez-moi votre grâce, ô Dieu de miséricorde! J'y se­rai désormais plus fidèle. Aussitôt que vous parlerez à mon cœur, je vous dirai comme notre divine Mère: «Qu'il me soit fait selon votre vo­lonté». Et je m'y conformerai sur-le-champ.

Colloque avec Marie dans le mystère de l'Incarnation.

10 Decembre

La modestie de Marie

Quae cum audisset, turbata est in ser­mone ejus, et cogitabat qualis esset ista salutatio. Et ait angelus ei: Ne timeas, Maria, invenisti enim gratiam apud Deum (S. Luc., 1,20).

En entendant l'ange, Marie fut trou­blée par ses paroles et elle se demandait ce qu'était cette salutation. Et l'ange lui dit: Ne craignez point, Marie, car vous avez toruvé grâce devant Dieu (S. Luc., 1,20).

1er Prélude. Ce trouble de Marie a pour causes son humilité profonde et sa pureté in­comparable. C'est la preuve évidente de sa modestie.

2e Prélude. Par votre intercession, ô Marie, faites que je comprenne et que je prati­que la modestie que Notre-Seigneur demande de moi.

Ier POINT: Modestie et recueillement de Marie et de Jésus. - Remarquons le trouble et l'inquiétude de Marie, lorsqu'elle est saluée par la vision angélique: turbata est in sermone ejus. Elle veille, elle est toujours attentive. Elle craint l'orgueil, elle est troublée lorsqu'on la complimente; elle craint l'illusion: cette vision vient-elle bien de Dieu? Elle craint surtout de porter atteinte-à sa modestie: ce jeune homme, quel est-il? pourquoi vient-il troubler la solitude d'une vierge?

Marie vit de la vie intérieure, en présence de son Dieu, dans une paix et une modestie inaltérables, est-il étonnant qu'elle redoute les entretiens des hommes?

C'est par modestie que Marie a aimé le séjour du Temple dans son enfance. C'est par modestie qu'elle s'est tenue ordinairement cachée, et de là vient qu'elle est si peu mise en avant dans l'Evangile.

Notre-Seigneur lui-même n'a-t-il pas donné les plus sublimes exem­ples de modestie?

Les apôtres l'ont si bien reconnu qu'ils en ont fait sa vertu propre: «Je vous conjure, dit saint Paul, par la mansuétude et la modestie du Christ» (2 aux Cor., 11,1).

Les éléments de la modestie sont l'humilité, la douceur, le sentiment religieux; n'étaient-ce point là les dispositions manifestes de Notre­Seigneur? Ses disciples l'ont-ils démenti quand il leur a dit: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur?».

A-t-il recherché le monde, les grands, les honneurs? N'a-t-il point ai­mé la vie cachée, la solitude, l'humble travail, jusqu'à l'heure où il a dû annoncer l'Evangile pour remplir sa mission? N'a-t-il pas toujours ma­nifesté sa préférence pour les petits et les humbles?

L'apôtre saint Paul, qui recommande saus cesse de se revêtir du Christ et de reproduire sa vie, n'indique-t-il pas que ce vêtement spiri­tuel est un vêtement de modestie? Induite vos sicut electi Dei modestiam (Col. 3,12).

IIe POINT: Motifs et pratique de la modestie. - L'exemple même de Notre-Seigneur devient un des motifs que les apôtres nous proposent pour nous exciter à la modestie.

La présence de Dieu en est un autre: «Que votre modestie se manife­ste aux hommes, car Dieu est présent» (Phil., 4,5). Devant Dieu, quelle doit être notre attitude, sinon la modestie, l'humilité, la douceur, la re­spect?

Pourquoi d'ailleurs nous enorgueillir des dons de notre Dieu? Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu: «Quid habes quod non accepisti?». Ces dons, c'est par la modestie, l'humilité, la pureté, que nous obtien­drons la grâce de les conserver et de les accroître.

L'homme qui vit dans le recueillement et la retraite, dans le calme d'un esprit paisible et modeste, sera riche en présence de Dieu, dit saint Pierre (1 Pet., 3,4).

Quelle sera l'étendue de cette modestie? Elle a sa source dans votre cœur, mais elle doit se manifester dans tout votre extérieur. L'humilité et la pureté la formeront dans votre cœur. La modestie du cœur, dit saint Pierre, est toute faite de recueillement, de paix, d'humilité, de pu­reté. Elle doit être inaltérable et s'étendre à toute la vie (1 Pet., 3). Elle doit se manifester à l'extérieur à cause de la présence de votre Dieu et pour l'édification du prochain.

Qu'elle s'étende de notre cœur sur les regards de nos yeux, sur les pa­roles de notre bouche, sur les actions de nos mains, sur tous nos sens ex­térieurs et sur la sagesse de toutes nos démarches.

Une personne modeste, dit saint Augustin, parle peu et à propos, son visage est serein, ses yeux baissés et prudents, son visage tranquille et ses démarches graves (De Spir et anim., 4).

IIIe POINT: Fruits de la modestie: les faveurs de Jésus et la paix de l'âme. - Quels seront les fruits spirituels de notre modestie? Ils seront bien grands. - Saint Pierre nous le dit, dans le même texte déjà cité: «celui-­là est riche (locuples est) qui garde le recueillement, la paix et la modestie en présence de son Dieu».

Notre prochain sera édifié et le Cœur de Jésus nous sera gagné. Nous serons assurés de sa bienveillance et de sa protection. La mode­stie lui est particulièrement chère, elle est un trait de ressemblance avec lui et avec sa mère. Elle est comme un parfum qui le réjouit et qui gagne les hommes: Christi bonus odor sumus (2 Cor., 2,15).

Cette ressemblance avec Notre-Seigneur nous gagne le cœur de son Père, comme les parfums d'Esaü attirèrent sur Jacob les bénédictions d'Isaac: Bonus odor sumus Deo (Ibid).

Saint Ambroise nous indique les fruits de la modestie: «Travaillez à acquérir la modestie, vous aurez avec elle la paix de l'âme, la douceur et la grâce, la modération et la circonspection dans vos démarches et dans vos entretiens» (De off. lib.7).

En pratique, se tenir habituellement dans la paix de l'âme et le re­cueillement.

Résolution et prière. - Obtenez-moi, ô Mère incomparable, de votre adorable Fils, cette modestie si nécessaire à l'œuvre de mon salut et si agréable à Dieu. Que l'humilité et la pureté la forment dans mon cœur et que de mon cœur elle s'étende sur tous mes sens, pour que je marche toujours avec respect et dignité en la présence de mon Dieu et pour que j'édifie mon prochain en portant partout la bonne odeur de Jésus-Christ.

Colloque avec Marie Immaculée.

11 Decembre

Le Magnificat, expression de la réconnaissance de Marie

Magnificat anima mea Dominum, et exultavit spiritus meus in Deo salutari meo. Quia respexit humilitatem, ancillae suae: ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes (S. Luc., 1,46).

Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sau­veur; parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante et toutes les générations me pro­clameront bienheureuse (S. Luc, 1,46).

1er Prélude. J'écouterai la splendide manifestation de la reconnaissance de Marie pendant qu'elle portait Jésus dans son sein, c'est le Magnificat, qui est devenu l'hymne de reconnaissance de l'Eglise.

2e Prélude. O Jésus, ne permettez pas que j'attriste plus longtemps votre Cœur pour mon ingratitude.

Ier POINT: L'exemple de Marie et des saints. - C'est le cantique d'ac­tions de grâces de Marie que nous méditons aujourd'hui. Ce cantique marque ses dispositions habituelles. C'est Marie elle-même que sa pa­rente vient de louer et de complimenter. Elisabeth, sentant la grâce qui est répandue sur les lèvres de Marie et avertie par les tressaillements de Jean-Baptiste, s'est écriée par un mouvement du Saint-Esprit: «Soyez bénie entre toutes les femmes, et d'où me vient ce bonheur que la Mère de mon Dieu vienne me visiter?».

Mais Marie ne pense qu'à son Dieu. Elle chante son cantique de re­connaissance: «Mon âme glorifie le Seigneur et mon cœur est ravi de joie en Dieu mon Sauveur».

Toute abîmée dans son humilité, elle renvoie à Dieu toutes les louan­ges qu'on lui donne. On la traite de Mère de Dieu, elle ne se regarde et ne veut être regardée que comme sa servante. Elle proteste avec action de grâce que c'est Dieu qui a tout fait en elle; elle publie la sainteté du nom de Dieu, l'étendue de sa puissance et la grandeur de ses miséricor­des. Aussi son hymne d'action de grâces est devenue l'expression ordi­naire de la reconnaissance des fidèles.

Elle s'inspirait de l'esprit de Jésus. Lui-même a voulu que les effu­sions de sa reconnaissance envers son Père fussent signalées dans l'Evan­gile, notamment avant et après la Cène eucharistique, la merveille de l'amour de son Père envers nous.

Les saints se répandaient sans cesse en actions de grâces. Nous en avons la preuve dans la Sainte Ecriture. Il est dit de Tobie qu'il rendait grâces au Seigneur tous les jours de sa vie (Tobie, 2,14). David s'écriait:

«Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens que j'ai reçus de lui» (Ps. 115). Il s'excitait lui même à la reconnaissance: «O mon âme, bénis le Seigneur et n'oublie pas tous ses bienfaits» (Ps. 102). Et il passait en revue les bienfaits sans nombre de son Dieu: Il pardonne nos péchés, il guérit nos infirmités, il nous fait une couronne de ses miséricordes: coro­nat te in misericordia et miserationibus (Ps. 102). Les Psaumes sont souvent des hymnes d'action de grâces à Dieu sans interruption (2 Thess., 2,14); et encore: Rendez grâce à Dieu en toutes choses, c'est la volonté de Dieu dans le Christ (1 Thess., 5).

IIe POINT: C'est une dette du cœur. - La reconnaissance est une dette que nous contractons dès que nous recevons un bienfait. Ce serait une injustice de ne pas payer cette dette ou de ne pas la reconnaître.

La reconnaissance est une vertu qui nous porte vers Dieu pour reconnaître que tous les dons nous viennent de lui et pour le louer et le remercier par nos paroles et par nos œuvres.

C'est un sacrifice, c'est l'hostie de louanges, qui est agréable à Dieu et qui nous attire de nouveaux bienfaits.

Les motifs qui nous imposent cette reconnaissance ne sont-ils pas in­nombrables? Notre Dieu nous a tirés du néant, nous lui devons l'être et la vie; cette vie entière nous devrions la consacrer à la reconnaissance.

Et Notre-Seigneur, ne nous a-t-il pas donné la vie de la grâce? Ne s'est-il pas revêtu de notre chair pour souffrir et mourir afin de nous mériter la vie de la gloire? Pensons à Bethléem et à ses anéantissements, à Nazareth et à ses labeurs, à la vie apostolique de Notre-Seigneur, à Gethsémani et au Calvaire. Pensons à l'Eucharistie, au baptême, au sa­crement de pénitence.

Chacun de nous n'a-t-il pas aussi reçu des grâces spéciales? Notre­Seigneur nous a supportés dans nos fautes, il a attendu notre conversion, il nous a appelés à une vocation de choix. Et cependant notre mémoire l'oublie, notre esprit ne pense pas à lui, notre cœur est froid et notre bouche se tait, au lieu d'éclater en actions de grâces.

IIIe POINT: Les qualités et conditions de la reconnaissance. - Notre recon­naissance doit être surtout affectueuse, pleine de tendresse et d'amour. Pourrions-nous trop aimer celui qui nous aime d'un amour si paternel et qui nous comble de tant de bienfaits?

Notre reconnaissance doit être continuelle. Elle doit se manifester dès notre réveil, au premier son des cloches, qui rappellent le message de l'ange Gabriel à Marie; après une entreprise couronnée de succès, après les repas, en apprenant une nouvelle heureuse et agréable, au sein même de la tribulation et des adversités, la croix est si précieuse pour nous pu­rifier et nous mériter des grâces! Faisons en sorte que notre vie soit une action de grâce continuelle.

Ai-je pratiqué cette vertu jusqu'à présent? Mon esprit y a-t-il pensé aussi souvent qu'il le devait? mon cœur en est-il pénétré? ma bouche en parle-t-elle souvent? Offre-t-elle à mon Dieu les sacrifices de louanges qu'il attend de moi?

J'entends retentir les plaintes si touchantes exprimées par Notre-Seigneur à la Bienheureuse Marguerite-Marie; «Je ne reçois de la plu­part que des ingratitudes, par les mépris, les irrévérences, les sacrilèges et les froideurs qu'ils ont pour moi dans le sacrement de mon amour… L'ingratitude des hommes m'est plus sensible que tout ce que j'ai souf­fert dans ma Passion».

Résolutions. - O mon Dieu, enflammez mon cœur de reconnaissance et d'amour pour vous. Je veux que ma mémoire et ma pensée se portent souvent vers vous et que mon cœur vous dise sa reconnaissance le ma­tin, le soir, aux heures d'examen, après les événements heureux et mê­me après les croix qui sont des dons de votre amour pour me purifier et sanctifier.

Colloque avec Marie disant son Magnificat.

12 Decembre

Saint Jean-Baptiste prêche la pénitence

Et venit in omnem regionem Jordanis, praedicans baptismum poenitentiae in re­missionem peccatorum, sicut scriptum est in libro sermonum Isaiae prophetae: Vox clamantis in deserto: Parate viam Domini, rectas facite semitas ejus (S. Luc., 3,3).

Il vint dans tout le pays du Jourdain, prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés; comme il est écrit dans les prophéties d'Isaïe: La voix de ce­lui qui crie dans le désert: Préparez la voie au Seigneur, rendez droits ses sentiers (S. Luc., 3,3).

1er Prélude. Pendant tout l'Avent, l'Eglise nous invite à écouter saint Jean-Baptiste, qui prêche la pénitence pour préparer les hommes à la naissance et aux grâces du Ré­dempteur.

2e Prélude. O Jésus, vous aussi vous avez voulu être pénitent pour nous, n'ayant pas be­soin de pénitence pour vous-même. Aidez-moi à comprendre et à goûter la pénitence.

Ier POINT: Importance de la pénitence. - Ce n'est pas de sa propre ini­tiative, mais par une impulsion divine que saint Jean prêche la pénitence dans toute la région: «La parole de Dieu se fit entendre à saint Jean, dit l'Evangile». C'est l'Esprit-Saint qui l'a chargé de cette prédication et qui l'a faite avec lui.

La pénitence est toujours une condition nécessaire pour préparer les âmes à la venue du Sauveur.

Notre-Seigneur lui-même n'a-t-il pas prêché la pénitence comme Jean-Baptiste? «Jésus, dit saint Matthieu, commença à prêcher et à dire: Faites pénitence, parce que le royaume de Dieu est proche» (Chap. 4,17). Il avait donc la pénitence à cœur, il l'aimait, il travaillait à la su­sciter et à la répandre.

Sa vie a-t-elle été autre chose qu'une vie pénitente? Il aimait les hom­mes devenus ses frères, et il était attristé et confus de leurs péchés. Il s'est changé de satisfaire pour eux à la justice de son Père: voilà pourquoi il a uni la pénitence la plus rigoureuse à l'innocence la plus parfaite.

Le péché de l'homme méritait une pénitence sans mesure, parce qu'il offensait une majesté infinie. Notre-Seigneur est venu nous racheter de cette pénitence sans fin, à la condition que nous nous imposerions une pénitence temporelle, à laquelle il donnerait lui-même toute sa valeur surnaturelle en l'inspirant par sa grâce et en l'unissant à ses satisfac­tions, qui sont d'un mérite infini.

Il a pratiqué toute sa vie la plus rigoureuse pénitence; il l'a commen­cée en venant au monde, en naissant dans une étable abandonnée. Il a souffert l'exil, il a vécu en fugitif presque aussitôt après sa naissance. Il s'est livré au travail, à la servitude, aux humiliations, au supplice le plus cruel et à la mort la plus ignominieuse et la plus sanglante. Unissons no­tre pénitence à la sienne, qu'il nous abandonne comme notre trésor.

Quelle a été jusqu'ici ma pénitence, en comparaison de celle de Jean­Baptiste et des saints?

IIe POINT: Effets et avantages de la pénitence. - Saint Jean-Baptiste l'ap­pelle un baptême; il faut qu'elle lave le pécheur de manière à ce qu'il ne lui reste aucune souillure qui puisse déplaire aux yeux de Dieu.

Saint Augustin l'appelle «une douleur sincère et une véritable amertu­me de cœur» (De Doct., christ). Saint Basile l'appelle un acte de justice et une compensation de l'offense qu'on a commise contre Dieu (Hexam). Saint Chrysostome l'appelle une sainte colère et une juste vengeance, accompagnée de haine, de détestation et d'horreur contre le péché (Hom, 4 ad pop., Ant). Saint Thomas l'appelle une vertu qui opè­re une destruction totale du péché, une satisfaction pleine à la justice de Dieu et une rénovation totale du pécheur (3e part., q. 95).

Ma pénitence ressemble-t-elle à ces descriptions? Ai-je été complète­ment lavé par ce second baptême? Ai-je été pénétré d'une vive douleur et abreuvé d'une amertume salutaire? Ma pénitence est-elle une juste compensation et la justice divine peut-elle être satisfaite de cette punition que je me suis imposée à moi-même? Ai-je entièrement détruit chez moi le péché et l'affection au péché?

En voyant la douleur et l'amertume que Notre-Seigneur a éprouvées à Gethsémani et les souffrances expiatrices qu'il a voulu subir à la flagella­tion et au Calvaire, n'ai-je pas à rougir de l'insuffisance de ma pénitence?

Je méditerai ce que Notre-Seigneur a demandé à Marguerite-Marie: «Apprends, lui disait-il, que je suis un maître saint, qui enseigne la sain­teté; je suis pur et ne saurais souffrir la moindre tache». Et en mettant dans son cœur une pénitence profonde, il ajoutait: «Voici le divin pur­gatoire de mon amour, où il faut te purifier tout le temps de ta vie».

Jésus et Marie ne sont-ils pas venus encore en ces derniers temps ré­clamer la pénitence en plusieurs manifestations surnaturelles?

IIIe POINT: Pratique de la pénitence. - Que ferai-je en pratique? Je chercherai d'abord la solitude, le silence et le recueillement, c'est là que l'Esprit-Saint m'enseignera la pénitence, comme il a fait à Jean­-Baptiste.

Je repasserai dans l'amertume de mon cœur les péchés de ma vie pas­sée, comme faisait Isaïe. - Je ferai tout et j'accepterai tout en esprit de pénitence. - J'accepterai en esprit de pénitence les croix qui me vien­dront de la Providence, de mes propres infirmités ou du prochain.

La pénitence est l'unique moyen pour apaiser la colère de mon Dieu et préparer son avènement en moi, mais je considérerai davantage le motif du pur amour, qui est plus conforme à l'esprit du Sacré-Cœur. Je pleurerai mes péchés, parce qu'ils ont attristé le Cœur de Jésus, parce qu'ils sont des actes d'ingratitude envers lui. Je méditerai souvent son agonie et sa flagellation.

Résolutions et prière. - Donnez-moi, ô Jésus, ce vrai baptême de péni­tence, qui me réconcilie à vous et pour toujours, le baptême de mes lar­mes, le baptême de votre Esprit, qui est un esprit de sainteté.

Baptisez-moi du feu de votre divin amour. Je consens à passer par le baptême du sang pour expier mes péchés. Vous m'avez bien donné tout le vôtre! - Donnez-moi l'esprit de pénitence de David, de Jean-­Baptiste, de Madeleine, de Pierre et d'Augustin. - J'offrirai mes ac­tions de chaque jour dans cet esprit. J'accepterai les croix que la Provi­dence m'enverra.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

13 Decembre

Sur la reforme de la vie

Parate viam Domini, rectas facite vias ejus. Omnis vallis implebitur, et omnis mons et collis humiliabitur, et erunt prava in directa et aspera in vias planas et vide­bit omnis caro salutare Dei (S. Luc., 3,5).

Préparez la voie au Seigneur, rendez droits ses sentiers! Toute vallée sera rem­plie et toute montagne ou colline sera abaissée. Les chemins tortueux unis. Et tout homme verra le Sauveur envoyé de Dieu (S. Luc., 3,5).

1er Prélude. Saint Jean-Baptiste, en prêchant la pénitence, demande la réforme de la vie, sans laquelle la pénitence ne serait pas sincère.

2e Prélude. Seigneur Jésus vous nous avez encore demandé cette réforme de la vie par la Bienheureuse Marguerite-Marie, aidez-moi à réformer, malgré tous les obsta­cles, mon esprit, mon cœur et mes actions.

Ier POINT: La réforme de notre vie doit préparer la venue de Notre-Seigneur. - Comme il est d'usage en Orient que les grands se fassent précéder dans leurs voyages par des courriers, qui voient si les routes sont en bon état, de même Notre-Seigneur avait envoyé son serviteur Jean-Baptiste pour lui préparer les voies. Le précurseur pourvoyait à cette préparation en appelant les hommes à la pénitence et en leur disant: «Le Sauveur va ve­nir, préparez les voies, redressez les chemins, c'est-à-dire, faites péniten­ce, corrigez-vous, réformez vos mœurs: réparez vos injustices, oubliez vos haines, purifiez vos esprits, vos cœurs et vos sens, afin que le Sau­veur vous trouve bien disposés».

Pour nous aussi, Notre-Seigneur va venir. Il vient quotidiennement par sa grâce. Il vient plus particulièrement dans le cœur des âmes privi­légiées, des religieux, des prêtres, pour y former les vertus que son divin Cœur veut y voir. Il va venir dans le mystère de Noël, pour prendre naissance dans nos esprits en les éclairant de la lumière d'une foi vive, dans nos cœurs, en les purifiant et en les embrasant du pur amour.

IIe POINT: Pratique de cette réforme. - Préparons soigneusement les voies à Notre-Seigneur, en travaillant à la réforme de ces deux puissan­ces, notre esprit et notre cœur, afin qu'il vienne les consacrer par sa visi­te, sa présence et sa demeure.

Il n'y a que trop à réformer dans notre esprit: l'ignorance de nos de­voirs et des choses divines, la curiosité des choses de la terre, nos pensées vaines et inutiles, la paresse à nous appliquer aux vérités de la foi, le peu de réflexion sur nos propres défauts, l'orgueil, la duplicité, l'entêtement; voilà bien des collines qu'il faut abaisser pour préparer le chemin.

Il n'y a que trop également à réformer dans notre cœur: son insensi­bilité pour Dieu, son amour excessif de lui-même, ses inclinations déré­glées, son attache à la créature, son indifférence et sa dureté pour le pro­chain, ses révoltes contre la grâce, sa paresse à servir Dieu, ses délicates­ses et son ardeur pour le plaisir, voilà les chemins raboteux et tortueux qu'il faut redresser.

Cette réformation de l'esprit et du cœur ne suffit pas encore, Notre­Seigneur est venu sur la terre pour la réformation de l'homme tout en­tier. Il faut aussi viser à celle de notre extérieur.

Réformez les regards de vos yeux, dit saint Chrysostome (Hom. 2), et que la prudence chrétienne en règle tous les mouvements; réformez les paroles de votre bouche par la sagesse et la charité, les gestes de tout vo­tre corps par la modestie; toutes vos démarches par la circonspection et par une gravité qui marque que vous marchez en la présence de Dieu; votre visage par un air d'affabilité et de douceur chrétienne; l'intempé­rance de votre bouche et la sensualité de votre chair par la mortification; vos oreilles en les fermant à la médisance et à tout ce qui offense la mode­stie; vos mains par le travail et vos vêtements par la simplicité.

Quelle serait votre pénitence si vous ne réformiez pas votre vie? Assu­rément elle serait vaine. La réforme de la vie est une conséquence néces­saire de la pénitence.

Notre-Seigneur veut la faire avec nous cette réformation, il est venu nous en donner le modèle et le prix. Il a commencé à la crèche en réfor­mant la convoitise par une extrême pauvreté, l'orgueil par l'humilité la plus profonde, la délicatesse ou sensualité par l'austérité la plus rigou­reuse, et il a continué ainsi toute sa vie. Mais il veut que nous travail­lions avec lui tous les jours avec une grande application. Alors il mettra lui-même le sceau à notre travail pour nous rendre digne de son séjour en nous. Fiat!

IIIe POINT: Recommandations des apôtres et de Notre-Seigneur lui-même. - Rien n'est plus recommandé par les apôtres que cette rénovation. Notre­-Seigneur leur inspirait ce zèle. Saint Paul la demandait à toutes les égli­ses qu'il fondait ou visitait: aux Romains, aux Corinthiens, aux Ephé­siens, aux Colossiens. - Vivons d'une vie nouvelle (aux Rom., 6). - Réformez vos sentiments (aux Rom., 12). - Aux Corinthiens, il indi­que le facteur principal du renouvellement, qui est Dieu (2 Cor., 5,17). - Aux Ephésiens et aux Colossiens, il indique le modèle, qui est Jésus, le nouvel homme par excellence (Eph., 4,24). - Aux Colossiens il indi­que même les qualités de cette vie nouvelle: Revêtez-vous de la bénigni­té, de l'humilité, de la modestie de Jésus-Christ (Col., 3,30). L'amour que nous devons avoir du Cœur de Jésus n'exige-t-il pas im­périeusement cette réforme? Aimons-nous Notre-Seigneur si nous ne corrigeons pas les défauts qui l'attristent?

Notre-Seigneur demandait à Marguerite-Marie la réforme de ses im­perfections, en même temps que la réparation. «Je veux mettre devant tes yeux, lui disait-il, le tableau de ta vie», et il lui montrait ses imperfec­tions pour qu'elle s'en corrigeât.

Résolution et prière. - Seigneur, aidez-moi à cette réforme que je veux entreprendre de mon esprit, de mon cœur et de tout moi-même. En union avec vous, je veux vivre désormais dans l'humilité, la charité, la modestie. Je m'appuierai sur votre grâce que je consulterai sans cesse.

Colloque avec Notre-Seigneur.

14 Decembre

La solitude et la retraite

Factum est verbum Domini super Joannem, Zachariae filium in deserto: et venit in omnem regionem Jordanis, prae­dicans baptismum paenitentiae in remis­sionem peccatorum, sicut scriptum est in libro sermonum Isaiae prophetae: Vox clamantis in deserto: Parate viam Domini (S. Luc., 3,2).

Le Seigneur fit entendre sa parole à Jean, fils de Zacharie, dans le désert; et il vint dans tout le pays du Jourdain, prê­chant un baptême de pénitence pour la ré­mission des péchés, comme il est écrit au livre des paroles d'Isdie: La voix de celui qui crie dans le désert: Préparez la voie au Seigneur (S. Luc, 3,2).

1er Prélude. Saint Jean-Baptiste appelle ses auditeurs dans le désert, c'est-à-dire dans la solitude et la retraite.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi le goût du silence et de la retraite, en particulier pour me préparer aux grâces des fêtes prochaines.

Ier POINT: Invitation à la vie solitaire et retirée. - Ce n'est pas à Jérusa­lem ni dans les autres villes de la Judée que le Précurseur prêcha la péni­tence, mais dans le désert.

Dans le silence du désert, on est plus recueilli, on écoute avec plus d'attention. L'Esprit de Dieu se communique plus intimement au prédi­cateur pour lui inspirer ce qu'il doit dire et à l'auditeur pour lui appren­dre ce qu'il doit faire.

Retirons-nous dans la solitude et le silence autant que nous le pou­vons, pour nous préparer à la naissance du Désiré de toutes les nations. Réservons-nous ces jours-ci plus de temps à passer dans le secret de no­tre oratoire.

Rappelons-nous le conseil que Notre-Seigneur a donné à ses disciples: «Fermez votre porte et priez votre Père dans le secret» (S. Mat., 6,6). Enfermons-nous dans notre oratoire pour être plus recueillis et là, pen­sons au bonheur que nous attendons, désirons-le ardemment, et prions pour que notre Père céleste, qui nous voit recueillis et suppliants, nous accorde ce que nous demanderons. C'est à cette condition seulement que nous recevrons abondamment les dons de la sagesse céleste. Il faut en effet pour cela que notre âme parle à Dieu et que Dieu parle à notre âme.

Notre âme ne parlera jamais mieux à Dieu que dans la retraite. Là elle peut penser facilement à ses fautes pour les regretter, à ses besoins pour les exprimer dans la prière, à sa vocation, à sa mission, pour s'en péné­trer, pour en prendre l'esprit.

C'est là aussi que Dieu nous parlera par ses inspirations et par sa grâ­ce. Il conduit une âme dans la solitude pour parler à son Cœur. Il est ja­loux de nos âmes dont il est l'époux, il veut être seul avec elles. Il est en­nemi du bruit et du tumulte. Sa voix qui n'est faite que pour les oreilles du cœur, ne peut être entendue parmi le bruit du monde. Le langage du monde ôte toute l'attention que l'on doit à celui de Dieu.

IIe POINT: Préférence de Dieu et de Notre-Seigneur pour la solitude et la retrai­te. - Déjà dans l'ancienne Loi Dieu manifeste ses préférences pour la solitude. C'est au désert qu'il a donné la manne céleste et l'eau vive du rocher à son peuple choisi. Il fera de même pour la nourriture spirituelle de nos âmes.

C'est là, comme le remarque Jérémie, que le solitaire apprend à se re­poser en Dieu seul, en s'élevant au-dessus de soi-même. «Sedebit solita­rius et tacebit, quia levavit super se» (Thren., 3,28).

C'est aussi dans le désert et dans la solitude que Notre-Seigneur atti­rait les peuples pour nourrir leurs âmes de la parole divine, sans oublier de faire des prodiges pour la nourriture de leurs corps.

C'est encore dans la retraite d'une haute montagne qu'il a conduit ses disciples les plus aimés pour leur manifester sa gloire. C'est sur les mon­tagnes qu'il aimait à se retirer pour prier.

N'a-t-il pas dès sa naissance donné l'exemple de cette préférence pour la retraite? Il était sorti de Nazareth avant même que de naître. A Beth­léem, il a été contraint de sortir d'une ville ingrate par la dureté de ses habitants, quoi qu'ils fussent de sa race et de sa tribu; il s'est retiré dans une étable abandonnée, pour prendre naissance sur le foin dans cette af­freuse solitude, au milieu de la nuit et dans la saison la plus rigoureuse, sans secours et sans compagnie. N'était-ce pas commencer en naissant la vie solitaire?

Il a fui en Egypte presque aussitôt après sa naissance pour y mener une vie cachée et y vivre inconnu de tous pendant les premières années de sa vie mortelle.

A Nazareth, c'était encore comme une retraite continuelle. Pouvons­nous dire que nous l'aimons et que nous suivons ses traces, si nous n'ai­mons pas la retraite?

IIIe POINT: Les saints ont aimé la solitude et le silence. - Marie et Joseph ont pratiqué avec Notre-Seigneur l'amour de la solitude et de la retraite. Ses plus fervents amis de tous les siècles ont cherché la solitude et la re­traite dans les déserts ou dans les cloîtres; ou bien si leur vocation apostolique les obligeait à se dépenser pour les âmes, ils se réservaient des jours, des moments favorables, pour s'unir plus spécialement à Notre-Seigneur. - Saint Augustin faisait parfois deux mois de retraite. Saint Ignace est le maître de la retraite, par ses exemples et ses enseigne­ments. Saint François d'Assise se retirait fréquemment dans la solitude. Saint Bernard se plaignait d'en être tiré trop souvent. Saint François de Sales recommandait la retraite et en donnait les règles. Ce sont nos mo­dèles.

Notre Seigneur n'a-t-il pas dit aussi toute la nécessité et tout le prix de la retraite à l'apôtre de son Cœur, Marguerite-Marie? «L'âme la plus silencieuse, lui disait-il, sera la mieux enseignée par mon Cœur. La plus dépouillée et dénuée de tout le possédera davantage. L'âme silencieuse pourra converser avec lui, l'aimer, en être aimée».

Et la Bienheureuse se plaisait à s'unir au Cœur de Jésus dans l'Eu­charistie, où Notre-Seigneur continue la vie de retraite, de solitude et de silence qu'il a tant aimée pendant sa vie mortelle.

Avons-nous le goût de la retraite? Aimons-nous notre oratoire, notre cellule?

Résolutions. - Je suis confus, Seigneur, de vous avoir si souvent dé­laissé pour des occupations inutiles et des futilités. Je veux être plus assi­du auprès de vous soit au pied du tabernacle, soit dans la solitude et la retraite de mon cœur. Donnez-m'en la grâce, aidez ma faiblesse, fixez ma légèreté, attirez-moi par les charmes de votre Cœur.

Colloque avec le Sacré-Cœur de Jésus.

15 Decembre

L'humilité du precurseur

Dixerunt ei: quid ergo baptisas, si tu non es Christus, neque Elias, neque pro­pheta? Respondit eis Joannes dicens: Ego baptizo in aqua; medius autem vestrum stetit, quem vos nescitis. Ipse est qui post me venturus est, qui ante me factus est: cujus ego non sum dignus ut solvam ejus corrigiam calceamenti (S. Joan., 1,25).

Ils lui dirent: Porquoi donc baptises-tu, si n'es ni le Christ, ni Elie, ni prophète? Jean répondit: Je baptise dans l'eau; mais il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas. C'est lui qui doit venir après moi, qui m'a été préféré, et je ne suis pas digne de délier les cordons de ses chaussures (S. Jean, 1,25).

1er Prélude. Saint Jean-Baptiste se met aux pieds de Notre-Seigneur, quel exemple d'humilité!

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi la grâce d'aimer et de pratiquer l'humilité vérita­ble, pour vous imiter et pour vous plaire.

Ier POINT: Profonde humilité de saint Jean-Baptiste. - L'Eglise nous pro­pose l'exemple de l'humilité du Précurseur, pour nous préparer à rece­voir notre Dieu qui vient guérir notre orgueil et nous sauver par l'humi­lité de la crèche.

Elle est grande, en effet, l'humilité de Jean-Baptiste et elle éclate dans ses réponses aux Pharisiens. Il a gagné les cœurs pour les tourner vers Dieu par ses austères vertus et son héroïque pénitence. Sa sainteté rap­pelle et surpasse celle des plus grands prophètes. Notre-Seigneur devait lui-même proclamer la grandeur de ses mérites et de sa mission qu'avaient assez fait présager les miracles de sa naissance. Malgré tout cela, il donna la plus humble réponse aux Pharisiens qui viennent lui de­mander s'il est Elie ou un prophète. Il rapporte l'attention sur le Sau­veur: «Je suis, dit-il, la voix qui crie dans le désert: rendez droite la voie du Seigneur». Et quand ils insistent, il se met aux pieds de son Sauveur: «Celui qui doit venir après moi, dit-il, a été fait avant moi et je ne suis pas digne de délier les cordons de ses chaussures».

Il ne veut donc aucune estime, aucune louange, il ne pense a lui­ même que pour s'abaisser.

IIe POINT: Leçons d'humilité données par Notre-Seigneur et par l'Ecriture Sainte. - Ne convenait-il pas que le Précurseur montrât le même esprit dont Notre-Seigneur devait être animé? Notre-Seigneur ne devait-il pas nous enseigner l'humilité tous les jours de sa vie par ses exemples et par ses conseils?

Qu'y a-t-il de plus propre à guérir notre orgueil et à nous inspirer l'humilité que la naissance du Roi des cieux dans une étable, avec des langes au lieu de pourpre et une crèche en place de trône? Notre-­Seigneur n'a-t-il pas choisi l'humilité en fuyant devant le roi Herode, au lieu de le renverser de son trône, en travaillant d'un travail servile pen­dant tant d'années à Nazareth, en demandant le baptême de pénitence à Jean-Baptiste, en s'abaissant jusqu'à baiser les pieds de ses disciples, en acceptant le supplice des esclaves au Calvaire?

Notre-Seigneur n'a rien eu tant à cœur que de nous enseigner l'humi­lité, qui est la source de toutes les grâces, comme l'orgueil est la source de tous les péchés et de la damnation. Il nous a fait remarquer comment l'humilité était le cachet de toute sa vie: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur».

Saint Paul a résumé aussi toute la vie de Notre-Seigneur dans l'humi­lité: «Le Christ s'est humilié en se faisant obéissant jusqu'à la mort» (Aux Phil., 2,8).

Notre-Seigneur a recommandé l'humilité dans ses paraboles: dans celle des pharisiens et du publicain, dans celle des invités aux noces. Il l'a enseignée à toute occasion. Quand les apôtres s'entretenaient de la primauté entre eux, il leur dit: «Que le plus grand se fasse le serviteur de tous. - Qui major est vestrum erit minister vester» (S. Mat., 23,11). Quand ils voulaient écarter les enfants, il leur dit: «Si vous ne devenez comme des petits enfants, vous n'entrerez pas au royaume des cieux».

Les livres sapientiaux avaient aussi tant recommandé l'humilité! Les proverbes disent qu'elle est préférable à la gloire et à la fortune: Gloriam praecedit humilitas (Prov. 15,33). Il vaut mieux être humilié avec ceux qui sont doux que de partager le butin avec les orgueilleux (Prov. 16,19).

L'Ecclésiastique la conseille tout particulièrement aux grands et aux puissants de ce monde: «Plus vous êtes grand, humiliez-vous en tout et vous trouverez grâce devant Dieu. Dieu seul est grand et notre humilité l'honore» (Eccli., 3,20).

IIIe POINT: Excellence de l'humilité. - Mais pourquoi donc l'humilité est-elle si précieuse? C'est qu'elle est la vérité, c'est qu'elle est le remède à l'orgueil.

Elle est la vérité. Qu'étais-je avant ma naissance? le néant. Qu'étais­-je dans ma formation? du limon, de la terre, de la boue. Qu'étais-je après ma naissance? un ennemi de Dieu, privé de la grâce et de la rai­son. Que suis-je à présent? un pécheur fragile, capable des plus honteu­ses faiblesses sans la grâce. Que serai-je plus tard? mon corps sera la proie des vers et de la pourriture, mon âme sera la proie des flammes, si je ne suis pas humble d'esprit et de cœur.

L'humilité est le remède à l'orgueil. Mais pour cela, il ne suffit pas de reconnaître son néant et d'accepter des humiliations méritées. En les ac­ceptant, nous ne faisons que notre devoir, nous ne réparons rien et nous pouvons dire: «Nous sommes des serviteurs inutiles».

Notre-Seigneur n'a-t-il accepté que des humiliations méritées? C'est au contraire par ses humiliations imméritées qu'il nous a témoigné son amour en réparant notre orgueil. C'est pour cela qu'il a aimé les mépris et qu'il a été vraiment humble de cœur.

Voulons-nous vraiment guérir notre orgueil, réparer nos fautes et ai­der au besoin notre prochain par nos réparations? Aimons l'humilité, ai­mons les mépris et les humiliations, comme l'orgueil éloigne de la grâce, l'humilité l'attire. Le Cœur de Jésus aime les humbles.

Résolutions. - Je rechercherai l'humilité d'esprit et de cœur. J'aurai de bas sentiments de moi-même et ce sera justice. J'accepterai les mépris et les humiliations. Je désire même les aimer pour devenir semblable à Notre-Seigneur et unir mon sacrifice au sien.

Colloque avec Jésus humilié au prétoire.

16 Decembre

Notre-Seigneur loue la mortification
de saint Jean-Baptiste

Quid existis videre? hominem mollibus vestimentis indutum? Ecce qui in veste pretiosa surit et deliciis, in domibus re­gum surit… venit Joannes, Baptista, ne­que manducans panem neque bibens vi­num (S. Luc, 7,25 et 33)

Qu'êtes-vous venu voir? un homme aux vêtements voluptueux? Ceux qui re­cherchent les vêtements précieux et le plaisir habitent les palais des rois… Jean­Baptiste est venu, ne mangeant pas de pain et ne buvant pas de vin (S. Luc, 7,25 et 33).

1er Prélude. Notre-Seigneur appelle notre attention sur la mortification du Précur­seur. Saint Jean vit au désert, il se contente de vêtements informes et d'aliments gros­siers.

2e Prélude. Seigneur, aidez-moi à goûter la mortification, c'est elle qui a fait de saint Jean-Baptiste le plus grand parmi les enfants des hommes.

Ier POINT: Notre-Seigneur appelle l'attention de ses disciples sur la mortifica­tion de saint Jean-Baptiste. - Après le départ des envoyés de Jean, Notre­Seigneur parle à ses disciples de la mortification de son Précurseur. Il fait remarquer son séjour au désert, son mépris pour les vêtements pré­cieux et les joies du monde, son amour du jeûne et des austérités: neque manducans panem, neque bibens vinum (S. Luc, 7,7).

Notre-Seigneur enseigne ainsi successivement et selon les circonstan­ces toutes les sources de la grâce: la patience, la foi, la docilité d'esprit, la mortification. C'est qu'il veut nous préparer à une plus grande union avec lui.

L'Eglise a sagement agi en nous remettant sous les yeux tous ces en­seignements pour nous préparer à la grande fête de Noël. Les grâces que nous recevrons seront en proportion de notre préparation.

IIe POINT: Nécessité de la mortification pour nous sanctifier. - La mortifi­cation est une condition de la vie surnaturelle, Dieu l'avait louée déjà dans l'ancienne Loi: «La sagesse ne se trouve pas chez ceux qui vivent dans les délices», dit job (28,13).

Notre-Seigneur a donné lui-même l'exemple de la mortification: Le Christ ne s'est pas complu en lui-même, dit saint Paul, mais il a réalisé ce qui était dit de lui au psaume 68: j'ai pris sur moi, ô mon Dieu, pour les expier, les péchés qu'on faisait contre vous (Aux Rom., 15,3).

Ne devait-il pas, selon sa mission, réparer les péchés des hommes et indiquer à ses disciples un remède contre les périls de la sensualité? C'est pour notre amour qu'il a pratiqué la mortification; et c'est par un juste retour d'amour pour lui que nous devons la pratiquer, selon le conseil de saint Paul: «Portons toujours en nous la mortification de Jésus, pour que sa vie se manifeste en nous» (2 Cor., 4,10).

Par la mortification, nous vivons à sa ressemblance, ou plutôt nous vi­vons en lui, et nous continuons en nous sa vie de victime pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

«Je vous supplie, mes frères, dit saint Paul, de faire de vos corps une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu» (Aux Rom, 12,1). Et encore: «Pour vous, Seigneur, nous nous mortifions tout le jour comme des agneaux immolés» (Aux Rom., 8,36).

C'est un remède nécessaire contre le péché et la sensualité. C'est une mort qui donne la vie: «Si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si vous mortifiez la chair par l'esprit, vous vivrez» (Aux Rom., 8,13).

Saint Augustin nous dit en deux mots: Mourez pour vivre. - Morere ut Divas (De verb. apost). - Il résume ailleurs les règles de la mortifica­tion en deux mots empruntés à la philosophie: Sustine et abstine: souffrez tout ce qui se présentera; abstenez-vous de tout ce qui pourrait flatter vos sens aux dépens de l'esprit. Mourez au monde et à vous-même, pour vivre en Jésus et avec Jésus.

Détruisez en vous l'amour-propre, la nonchalance, la paresse, la sen­sualité, pour y faire régner la charité, l'amour de Dieu, qui est la vérita­ble vie de l'âme.

IIIe POINT: Caractères de la mortification. - N'oublions pas que cette mortification doit être continuelle et universelle. Ne nous contentons pas de retrancher les choses illicites, mais encore les plaisirs permis, pour l'amour de Notre-Seigneur, pour expier nos péchés, pour acquérir de plus grandes grâces.

La mortification est la vertu qui a le plus d'étendue dans la pratique. Elle embrasse l'intérieur et l'extérieur de l'homme chrétien, son âme, ses puissances, son corps et ses sens.

Soyons continuellement attentifs. Saint Bernard nous aide par des comparaisons à comprendre cette nécessité: «Une plante taillée repousse bientôt après, nous dit-il; un ennemi chassé revient bientôt à la charge; un flambeau éteint se rallume pour peu qu'on le rapproche du feu, et une passion assoupie se réveille incessamment».

La mortification doit être universelle. Elle commence par l'homme in­térieur. Elle retranche dans le cœur l'amour propre, les attaches impar­faites pour les créatures, pour le plaisir; les antipathies et les prédilec­tions. Dans l'esprit elle corrige l'orgueil, la vaine estime de soi-même, le mépris du prochain, la curiosité et les pensées qui ne sont pas dirigées vers Dieu. - Elle s'étend sur les sens extérieurs, car la vue, le goût, l'ouïe, l'odorat portent la corruption dans l'âme, si on ne prend soin de les mortifier.

Je recconnais hélas! que j'ai encore tout à faire: le travail me rebute, l'affliction m'abat, l'humiliation me révolte, je ne sais pas me faire la moindre violence.

Au lieu de porter la croix à la suite de Notre-Seigneur, j'aime encore la sensualité, la mollesse, le plaisir, la paresse. Mon cœur est rempli d'amour-propre, mon esprit de vanité et d'orgueil.

Je vous supplie, Seigneur, par l'intercession de Marie, de m'armer contre moi-même, de m'armer du glaive salutaire de la mortification, qui me fasse mourir au monde et au péché, pour vivre en vous et avec vous.

Résolutions. - Je veillerai sur mon esprit et mes sens pour en éloigner l'orgueil, la curiosité, la sensualité; sur mon cœur pour le détacher des créatures et le réserver au Cœur de Jésus.

Colloque avec le Cœur de Jésus.

17 Decembre

Saint Jean-Baptiste en prison:
modèle de patience et de résignation

Joannes autem cum audisset in vinculis opera Christi, mittens duos de discipulis suis, ait illi: Tu es qui venturus es an alium expectamus? Et respondens Jésus ait illis Euntes renuntiate Joanni quae au­distis (S. Matt.m 11,2).

Or Jean ayant appris dans la prison les œuvres du Christ envoya deux de ses di­sciples lui dire: Etes-vous celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un au­tre? Jésus leur répondit: allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu (S. Mat., 11,2).

1er Prélude. C'est un juste, un prophète, le Précurseur du Sauveur, qui est jeté par Hérode dans une prison affreuse, chargé de chaînes pour la justice et pour la chasteté en attendant la mort.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi la grâce de supporter les souffrances avec patience et résignation comme votre saint Précurseur.

Ier POINT: Les disciples du Christ, comme son Précurseur doivent supporter les souffrances avec patience. - L'Eglise nous invite à méditer pendant l'Avent sur la patience et la résignation du Précurseur. Allons en esprit dans sa prison et contemplons ce spectacle touchant.

Le Précurseur ne devait-il pas ressembler à Notre-Seigneur et lui pré­parer les voies? Notre-Seigneur devait nous sauver par la croix, il devait remplir sa mission par la souffrance: Nonne oportuit ita pati Christum (S. Luc, 24). Il devait établir la religion par la croix et la souffrance, il con­venait que son Précurseur passât par le même chemin et qu'il se montrât héroïque dans les afflictions et les chaînes. Il convenait que le martyr de la synagogue expirante préparât les voies au Sauveur, qui devait ouvrir le ciel par ses souffrances et par son sang.

Notre-Seigneur voulait faire partager la grâce de ses souffrances à son Précurseur. Il voulait aussi préparer les esprits à l'Evangile en leur mon­trant ce que les justes ont à attendre des hommes. Il voulait encore nous donner un modèle pour nous apprendre à bien souffrir.

Le courage de ce juste condamne nos lâchetés et nous excite, nous pé­cheurs, à souffrir patiemment pour nos péchés et pour son amour. Nous savons comment lui, notre modèle et notre aîné a marqué de son sang le chemin du Calvaire. Prétendrons-nous le suivre, et l'imiter en cherchant un chemin semé de fleurs? Ne sommes-nous pas les disciples d'un Dieu crucifié? Ne sommes-nous pas destinés à devenir conformes à cet adorable et douloureux modèle? (Aux Rom., 8,29). Si nous souffrons avec lui, nous serons glorifiés avec lui (Ibid).

Si donc nous voulons être les disciples du Cœur de Jésus, imitons sa patience et celle du Précurseur. Sondons nos dispositions et voyons si el­les sont conformes à notre modèle.

Si nous ne faisons pas un saint usage des souffrances pendant cette vie, si nous ne travaillons pas à satisfaire à la justice de Dieu, n'aurons­-nous pas à le faire avec plus de rigueur dans l'autre vie?

Comment avons-nous souffert jusqu'à présent? Comment devrons­-nous souffrir à l'avenir quand les épreuves viendront?

IIe POINT: Prix des souffrances. - Ne savons-nous pas que la miséri­corde de Notre-Seigneur accepte nos croix dignement supportées comme un prêt à usure? Une légère tribulation nous prépare un poids immense de gloire, au-dessus de toute mesure (2 Cor., 4,17).

Quel échange avantageux! Qu'apportons-nous pour notre part? un rien, un mépris, une humiliation, une maladie, une privation, le tout souffert avec patience, avec confiance et avec foi. Et Notre-Seigneur vient, lui, avec sa grâce, sa consolation, son amour, son royaume. Notre résignation le touche et l'attire, il vient, il porte la meilleure partie de no­tre peine, il nous aide à porter l'autre, il essuie nos larmes, il nous sancti­fie et il nous couronnera.

Ne voyons-nous pas aussi que l'humiliation est notre salut? Ecoutons le roi David: «C'est pour mon bien, Seigneur, que vous m'avez humilié» (Ps. 118). La prospérité nous aveuglait. Nous méconnaissions les bontés de Dieu et notre pauvreté, nous ne savions pas que nous devons tout à Dieu et nous ne pensions plus que nous avons besoin de lui. S'il ne nous avait pas livré parfois à la souffrance, la délicatesse, la mollesse et la lâ­cheté allaient prendre un terrible ascendant sur notre âme.

Ses flèches portent avec elle la lumière: in luce sagittarum tuarum (Haba­cue, 3,11). Elles ne pénètrent le cœur que pour y porter le remède à la paresse, à l'infidélité et aux penchants pour les plaisirs sensuels.

IIIe POINT: Les hommes apostoliques, prêtres, religieux, hommes d'œuvres, ayant mission d'annoncer le Sauveur, doivent souffrir à l'exemple de saint Jean-Baptiste. - Les hommes apostoliques ne doivent-ils pas ressembler tout particulièrement au Précurseur? Comme lui ils doivent préparer les voies à Notre-Seigneur. Ils doivent contribuer avec lui à sauver les pé­cheurs par leurs expiations et leurs sacrifices.

Pour nous et pour les âmes que nous devons sanctifier, notre patience est nécessaire. Ecoutons les apôtres nous le redire: «La patience vous est nécessaire pour conquérir la récompense promise» (Aux Heb., 10,36). «C'est à travers les tribulations que nous entrerons au royaume des cieux (Act., 14).

C'est par la croix que nous ressemblerons à Notre-Seigneur, et par ses fruits, la croix doit nous être une grâce et une joie. «Estimez les épreuves comme une joie» (Jac., 1,12). Toute ma gloire est dans la croix de Jésus-Christ» (Gal., 6,14).

Si Notre-Seigneur nous éprouve après nos fautes, c'est un signe de son amour. C'est qu'il veut nous corriger et nous pardonner.

Les Macchabées exprimèrent plusieurs fois cette pensée: «Les puni­tions rapides de Dieu sont la marque d'un grand bienfait» (2 Mac., 6,13). Si Dieu punit son peuple par l'adversité, c'est qu'il ne le rejette pas (Ibid., 6,16).

Résolutions. - Mon Dieu, pardonnez-moi toutes les fautes que j'ai commises en souffrant mal et sans patience.

J'y suppléerai en pratiquant assidûment la mortification, surtout l'in­térieure, par la modestie et le recueillement.

Je veux me mettre dans la disposition de souffrir avec générosité les épreuves que Dieu m'enverra.

Colloque avec saint Jean-Baptiste dans sa prison.

18 Decembre

L'attente de Marie

Haec autem eo cogitante, ecce angelus Domini apparuit in somnis ei, dicens: Joseph, fili David, noli timere accipere Ma­riam conjugem tuam; quod enim in ea natum est, de Spiritu Sancto est (S. Mat., 1,20).

Pendant que Joseph avait ces pensées (troublantes), l'ange lui apparut en songe et lui dit: Joseph, fils de David, ne crai­gnez point de prendre Marie, votre épou­se; car ce qui est né en elle est du Saint­Esprit (S. Mat.m 1,20).

1er Prélude. Je considère Marie portant Jésus dans son sein et Jésus vivant dans le sein de Marie.

2e Prélude. O Marie, donnez-moi mon Sauveur et apprenez-moi à vivre comme vous dans l'union avec lui.

Ier POINT: Rôle de Marie avant la naissance du Sauveur. - Considérons avec amour la divine Mère du Sauveur dans ses journées d'attente. Elle est la digne dépositaire du plus riche et du plus saint dépôt qui fût jamais. Elle est le char très précieux qui porte dans son sein le Roi des rois.

Elle est le lit d'honneur, le lit de délices où repose l'époux des vierges, l'époux des âmes saintes et de toute l'Eglise: Currus Israël (4 Reg., 2); En lectulum Salomonis (Cant., 3,7).

Elle est le temple le plus auguste qui fut et qui sera jamais; l'autel sacré où s'est placé un Dieu immortel, revêtu de la chair qu'il emprunte à sa mère: Sanctificavit tabernaculum suum Altissimus (Ps. 45).

Elle est vraiment remplie de grâces, comme l'ange l'a proclamé: Ave gra­tia plena.

Elle porte dans son sein celui que l'apôtre salue comme rempli de grâ­ce et de vérité: Plenum gratiae et veritatis.

Elle porte la plénitude de la grâce, l'espérance de tous les hommes et leur salut prochain.

Allons à ce tabernacle auguste et prions Marie de nous rendre favora­ble ce Dieu Sauveur qu'elle porte dans son sein et qu'elle va enfanter pour le salut du monde.

Elle est comme l'Aurore, qui porte le soleil de justice jusqu'à son lever. Prions-la de produire au plus tôt cette lumière éternelle, qui doit éclairer tous les hommes dans les voies de la justice et du salut.

Elle est le buisson ardent, dont Moïse vit la figure. Les flammes de son amour et de sa ferveur entourent son Dieu et ne faiblissent pas un ins­tant. Elle porte avec joie et sans fatigue son céleste et glorieux fardeau. Elle est elle-même portée spirituellement par la grâce et la vertu divine de celui qu'elle porte dans son sein. Portans a quo portabatur (S. Bernard). Elle est surtout mère et comme telle elle porte toutes ses pensées, toutes ses affections sur le fruit de ses entrailles. Elle pense aux paroles de l'an­ge Gabriel: Cogitabat qualis esset ista salutatio; elle pense aux prophéties, aux promesses, au règne du Sauveur, à la passion du Rédempteur: Con­servabat omnia verba haec in corde suo.

Ses yeux ne tarissent pas de larmes, son cœur est tout brûlant d'amour.

Elle est mère et comme telle elle forme de son sang le sang de son en­fant. Les battements de son cœur impriment le mouvement à ce cœur d'enfant, qui se forme et qui apprend à vivre.

IIe POINT: Jésus vivant en Marie. - Le cœur de Marie était donc le propre Cœur de Jésus pendant cette période. De là sa grande sainteté, de là la nécessité de l'Immaculée Conception. Ce cœur qui devait être celui de Jésus, ne pouvait avoir appartenu au démon. De là la grande puissance d'intercession de Marie. Comment Notre-Seigneur lui refuserait-il de disposer de son sang et du prix de ce sang, elle qui le lui a mis dans les veines et l'y a fait circuler, elle qui a imprimé à son Cœur ses premiers battements. Recourons donc à Marie avec une confiance entière. Demandons et nous recevrons.

Et Jésus, que faisait-il dans le sein de Marie? Il était le Verbe divin de­venu muet. Son disciple bien-aimé, Jean, a dit la double génération du Verbe: Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu. Le Ver­be était Dieu comme le Père céleste, qui l'a engendré de toute éternité. Par ce Verbe toutes choses ont été faites; ce Verbe était vie et le principe de la vie; il était la lumière de tous les hommes. Enfin ce Verbe s'est fait chair par amour pour les hommes. Il a voulu être engendré dans le sein d'une vierge par l'opération du Saint-Esprit.

Il sanctifiait sa mère, comme il veut nous sanctifier en habitant spiri­tuellement en nous.

IIIe POINT: Suprême humilité de Jésus. - Jésus était là, l'Immensité renfermée dans un étroit espace. L'immensité divine remplit tout. Les espaces ne peuvent ni la contenir, ni la renfermer. La sagesse païenne elle-même a connu cet apanage divin. C'est par son amour infini pour les hommes que Notre-Seigneur a voulu mettre des bornes à cette im­mensité. Il a renfermé dans ce petit corps d'enfant tous les abîmes de la science et de la sagesse, toutes les lumières de la divinité.

Ce petit cœur d'enfant est devenu le siège du divin amour, de toutes ses divines ardeurs, capables d'embraser tous les cœurs.

Le Dieu fait homme, le Créateur devenu créature est réduit à cet anéantissement. Le Verbe est là, créateur de cet univers et de toutes les créatures visibles et invisibles. Il a créé toutes choses par une seule parole et en se jouant: Ludens in orbe terrarum. Il a créé les hommes du néant pour en faire ses images, pour recevoir leurs hommages et leur amour, et par un nouveau prodige de sa bonté, il se fait créature avec eux pour les sau­ver.

Quel exemple de charité et d'humilité!

Prière et résolutions. - Soyez louée, soyez bénie, ô Marie, Tabernacle sacré qui portez le Sauveur: Bienheureuses les entrailles qui ont porté le Christ et les mamelles qui l'ont allaité (S. Luc., 11,27). Montrez-nous bientôt la face du Sauveur (Ps. 79).

Cieux, ouvrez-vous pour laisser descendre avec le Sauveur la rosée de la grâce dans nos sillons (Is., 45). Terre mystique, produisez le lis de Jes­sé. - Venez, Seigneur Jésus, venez.

Colloque avec Marie: Je la prierai de me préparer tous ces jours-ci aux grâces de Noël.

19 Decembre

Jésus prêche aux disciples de Saint Jean
la foi en sa divinité

Euntes renuntiate Joanni quae audistis et vfdistis: coeci vident, claudi ambulant, leprosi mundatur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur (S. Mat., 11,4).

Allez et rapportez à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés (S. Mat., 11,4).

1er Prélude. Notre-Seigneur expose ici lui-même les solides fondements sur lesquels sont établies la divinité de sa personne et celle de la religion.

2e Prélude. Seigneur, affermissez ma foi, pour que, en vous connaissant mieux, je vous serve et vous aime mieux.

Ier POINT: Solidité de notre foi. - Notre-Seigneur a voulu exciter lui-même son Précurseur à la foi en sa divinité et en sa mission. Il agissait par sa grâce dans le cœur de Jean en même temps qu'il lui faisait rap­porter ses paroles. Il en est de même pour nous. Il donne pour base à la foi ses miracles, dont les envoyés de Jean avaient été témoins et l'accom­plissement des prophéties, car ces miracles eux-mêmes avaient été an­noncés par Isaïe (ch. 35), comme devant être un signe de la venue du Messie.

Notre foi a les mêmes bases et plus encore. Toutes les prophéties et les figures de l'ancien Testament sont accomplies; les miracles des saints s'ajoutent à ceux de Notre-Seigneur; le témoignage des martyrs à celui de son sang; la pureté de sa doctrine, la conversion du monde, la propa­gation de la foi par des hommes faibles et dépourvus de moyens hu­mains, le changement opéré dans les mœurs des convertis et la stabilité de l'Eglise à travers les persécutions, nous imposent un assentiment iné­branlable.

Quelle consolation pour nous! Quel sujet d'action de grâces! Quel re­pos de conscience de voir notre foi si bien établie et la divinité de notre religion si assurée!

IIe POINT: Que la foi demande les œuvres. - Notre-Seigneur a rendu la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la vie aux morts. C'est après ces miracles qu'il a enseigné sa doctrine. Le Saint-Esprit l'a confirmée, les apôtres l'ont prêchée, les martyrs l'ont scellée de leur sang. Voilà certes notre foi bien établie. Cette foi, nous l'avons reçue par le baptême, nous la professons, nous en espérons la récompense. - Cependant éprouvons-nous encore, selon le conseil de saint Paul, et demandons­-nous à nous-mêmes, si nous sommes pratiquement dans la foi et si nous en vivons: Vosmetipsos tentate, si estis in fide (1 Cor., 13). Demandons-le à notre esprit, à notre cœur, à nos mains.

Notre esprit n'écoute-t-il pas ses propres lumières et ne les suit-il pas habituellement en négligeant celles de la foi?

Examinons les désirs, les attaches, les affections de notre cœur et voyons si la foi en est la règle. Et nos mains ne sont-elles pas lâches et pa­resseuses dans les devoirs de la religion et dans les pratiques austères de la foi, tandis qu'elles ne sont que trop ardentes quand il est question de travailler pour la vanité, pour le monde et pour l'amour-propre?

Voilà le sujet d'un sérieux examen.

Notre foi est-elle pratique? Elle doit s'appuyer sur l'humilité et trou­ver sa perfection dans la charité. Elle dois pénétrer toute notre vie. «Le juste vit de la foi» (Aux Rom., 1,17). «Sans la foi, on ne peut pas plaire à Dieu» (aux Heb., 11,6). La foi se manifeste par les œuvres. La foi qui n'a pas les œuvres, est une foi morte, dit saint Jacques (2,17).

Faisons-nous les œuvres de la foi? Nos actions, nos œuvres, sont-elles celles d'un homme de foi?

La foi nous révèle avant tout l'amour de Dieu pour nous. Nous, dit saint Jean, nous croyons à l'amour que Dieu a pour nous (S. Jean, 4,16).

Dans le Christ, dit saint Paul, ce n'est pas la circoncision qui compte, c'est la foi qui opère par la charité (Gal., 2,20).

Voilà la foi dans laquelle il faut vivre, la foi dans l'amour et dans la bonté de Notre-Seigneur. Cette foi nous conduit à aimer Notre-Seigneur en retour, à nous donner à lui comme il s'est donné à nous, à rivaliser de générosité avec lui.

Ajoutons à ces bases de la foi commune, celles de la foi privée que nous devons avoir dans les demandes, les désirs et les plaintes du Cœur de Jésus. Les révélations qu'il a faites à Marguerite-Marie et à d'autres âmes privilégiées ont leurs motifs sérieux de crédibilité. Elles demandent notre assentiment et nos œuvres.

Notre vocation personnelle a aussi ses fondements de foi privée. Nous l'avons embrassée parce que nous avons cru que Dieu le voulait, il faut que nos œuvres répondent à notre foi.

Si nous croyons à l'amour du Cœur de Jésus et aux demandes de son Cœur, ne devons-nous pas être brûlants d'amour pour son Cœur et remplis de zèle pour son règne?

IIIe POINT: Il faut prier Dieu d'augmenter notre foi. - Si notre foi est fai­ble, prions, demandons-en l'accroissement. La foi vive est un fruit de l'Esprit-Saint, il faut la demander dans la prière: Fructus autem Spiritus gaudium, pax… fides (Ad. Gal., 5,23).

Disons avec les apôtres: Seigneur, augmentez ma foi (Luc, 17); avec le père du possédé de l'Evangile: Je crois, Seigneur, remédiez à mon in­crédulité (S. Marc, 9).

Demandons avec saint Augustin la stabilité dans la foi: Faites, Sei­gneur, que je ne sois pas du nombre de ceux qui croient pour un temps et qui s'éloignent de la foi quand vient la tentation (Med., 2).

En ce temps de l'Avent, affermissons notre foi dans la venue prochai­ne du Sauveur et dans les grâces qui doivent l'accompagner.

Résolutions. - Vie de foi: «Je vis dans la foi du Fils de Dieu qui m'a élevé et qui s'est livré pour moi» (Gal., 2,20).

Entretenir sa foi par les motifs qui en sont la base.

Se rappeler spécialement les bontés et les bienfaits du Cœur de Jésus pour croire à son amour et lui rendre amour pour amour.

Colloque avec Notre-Seigneur.

20 Decembre

Jésus oppose la simplicité et la docilité
de Jean-Baptiste a l'orgueil des pharisiens

Beatus qui non fuerit scandalizatus in me… Venit Joannes neque manducans neque bibens et dicunt: daemonium ha­bet. Venit Filius hominis manducans et bibens et dicunt: Ecce homo vorax et po­tator vini publicanorum et peccatorum amicus (Mat., 11,6 et 18).

Heureux celui qui ne prendra pas de moi un sujet de scandale… Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et ils disent qu'il est possédé. Le Fils de l'homme est venu, il mange et boit, et ils disent qu'il aime la bonne chère et qu'il est l'ami des publi­cains et des pécheurs (Mat., 11,6 et 18).

1er Prélude. Notre-Seigneur nous met en garde aujourd'hui contre le manque de sim­plicité et de docilité d'esprit.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, la simplicité et la docilité d'esprit, pour que je goûte vos paroles et vos mystères et que j'en tire profit.

Ier POINT: C'est dans la docilité aux inspirations divines que se trouvent la paix, la joie et la lumière. - Observons comment les choses se passaient quand Notre-Seigneur enseignait en Palestine. Il rencontrait des cœurs dociles, des disciples fidèles qui le suivaient avec empressement jusque dans les déserts. Ils croyaient à sa mission. Ils considéraient ses actions, ils écoutaient ses paroles avec foi, avec respect, avec édification. Ils se convertissaient, ils s'attachaient à lui. C'étaient les brebis dociles du Bon Pasteur: Oves vocem ejus audiunt (Jean, 10,3).

Mais il y avait aussi des cœurs indociles, des esprits rebelles, comme les habitants de Corosdim, de Capharnaüm, de Bethsaïda. Ni les mira­cles, ni les prédications de Notre-Seigneur ne les convertissaient. Ils cherchaient à tout interpréter humainement et se scandalisaient de tout. A leurs yeux, Jean-Baptiste était un possédé et Notre-Seigneur était l'ami des pécheurs.

Quels sont les écueils auxquels se heurtent les esprits indociles? C'est le manque de foi, l'orgueil secret et la lâcheté. Notre peu de foi fait que nous avons trop peu d'attention et d'estime pour ce qui nous vient de Dieu; les mystères ne nous frappent pas, nous y pensons si faiblement, nous les oublions si vite; la parole, les inspirations de Notre-Seigneur ne nous font pas d'impression, nous sommes si distraits et si oublieux!

Notre orgueil secret se met de la partie. Nous rougissons de la croix, nous ne pouvons pas nous décider à aimer les mépris. Notre lâcheté nous éloigne de la doctrine de la croix, nous reculons devant la mortification, notre sensualité en a peur.

Rappelons-nous les recommandations divines: déjà dans l'ancien Tes­tament l'Esprit-Saint nous avait dit: «Ayez un juste sentiment de la divi­nité et cherchez Dieu dans la simplicité de votre cœur» (Sap., 1). Et en­core: «La sagesse divine s'entretient avec les âmes simples» (Prov., 3,32).

Notre-Seigneur a recommandé la simplicité des agneaux, celle des co­lombes, celle des enfants. Cette simplicité l'honore, elle le réjouit, elle gagne son cœur.

IIe POINT: Motifs de cette simplicité. - Les paroles, les inspirations di­vines ne méritent-elles pas cette docilité de notre cœur? Les mystères de sa vie, ses actions, ses souffrances sont dignes de la considération respec­tueuse qu'il nous demande et de notre respect humble et religieux. Si nous savions la paix, la joie, les lumières d'esprit, que nous trouverions dans cette union, dans cette intimité respectueuse avec Notre-Seigneur! Si scires donum Dei!

Rappelons-nous les exemples des Saints. Job trouvait sa consolation dans son humble soumission à la volonté de Dieu et sa docilité aux paro­les divines. C'est ma consolation, disait-il, d'accepter les châtiments di­vins et de ne pas contredire à la parole divine.

Samuel encore enfant plaisait à Dieu par sa docilité: «Parlez, Sei­gneur, disait-il, votre serviteur écoute» (1 Reg., 3).

David disait: «Quoi qu'il m'en coûte et bien que les ordres divins soient sévères, j'écouterai la parole divine» (Ps. 16,4).

Saint Augustin disait: «Celui qui écoute la parole de Dieu avec négli­gence est aussi coupable que celui qui laisserait tomber en terre le corps de Jésus-Christ par sa faute» (Hom., 26).

Pour nous, les amis et les dévots du Sacré-Cœur, cette docilité n'est­-elle pas plus facile et plus consolante encore? C'est au Cœur de Jésus que nous puisons directement la lumière, la grâce et la force. Le Cœur de Jésus s'est ouvert pour nous révéler ses sentiments, ses désirs, ses joies, ses tristesses, ses promesses: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Sal­vatoris.

IIIe POINT: Demandons à Notre-Seigneur cette grâce de la simplicité et docilité d'esprit. - Demandons cette direction, ces lumières qui nous sont néces­saires avec notre docilité pour les suivre. Disons avec David: «Seigneur, dirigez mes pas dans vos sentiers, pour que je ne dévie pas» (Ps. 16) et avec Salomon: «Donnez, Seigneur, à votre serviteur un cœur docile, pour qu'il sache discerner le bien du mal» (3 Reg., 3).

Je sens que j'ai tant besoin du secours divin pour me conduire à tra­vers tant d'écueils, de pièges et d'ennemis que mon âme rencontre en son chemin et qui voudraient l'empêcher de rester unie au Cœur de Jé­sus. J'ai un corps fragile à conduire avec mes sens, ma langue, mes yeux, mes appétits, et je manque de lumières. Je vous les demande, Sei­gneur, je veux les écouter avec docilité.

Je veux être particulièrement docile aux enseignements du mystère de Noël. Je vais puiser là l'esprit d'enfant, l'humilité, l'esprit de sacrifice. - Divin enfant de la crèche, transformez-moi en vous.

Résolutions particulières. - Mon Seigneur et mon Dieu, j'écouterai do­rénavant vos divines inspirations avec respect, avec attention, avec doci­lité. Je les exécuterai avec courage, avec fidélité. - Il me suffira, pour m'engager à me faire violence, de me dire: Dieu le veut! Dieu a parlé, j'ai connu sa volonté, manifestée par son inspiration, par ma règle, par mes supérieurs. «Loquere, Cor Jesu, quia audit servus tuus».

Colloque avec le Cœur de Jésus.

21 Decembre

Sur la présence de Dieu

Respondit Joannes dicens: Ego baptizo in aqua: medius autem vestrum stetit quem vos nescitis. Ipse est qui post me venturus est, qui ante me factus est: cujus ego non sum dignus ut solvam corrigiam calceamenti (S. Joan., 1,26).

Jean leur répondit: moi, je baptise dans l'eau: mais au milieu de vous, il y en a un que vous ne connaissez pas. Il viendra après moi, mais il a été fait avant. Je ne suis pas digne de délier le cordon de ses chaussures (S. Jean, 1,26).

1er Prélude. Les Pharisiens ne connaissaient pas encore Notre-Seigneur, ils étaient excusables de ne pas honorer sa présence, mais nous?

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, la grâce d'avoir la pensée fréquente de votre pré­sence et une pensée affectueuse.

Ier POINT: Oubli des hommes vis-à-vis de Jésus présent au milieu d'eux. - Jésus est avec nous et nous n'y pensons pas: medius autem vestrum stetit, quem vos nescitis. Par sa divinité, qui remplit le ciel et la terre, Jésus est en nous avec son Père et son Esprit, et nous sommes en lui: In ipso vivimus, movemur et sumus (Act. 17).

Dieu est au-dessus de nous pour nous protéger; au-dessous pour nous soutenir et nous porter; autour de nous pour nous garder et subvenir à nos besoins; en nous pour nous conserver et pour nous montrer son amour. Et cependant nous ne le connaissons pas comme nous devrions le connaître, nous ne pensons pas à lui, nous ne l'avons pas assez pré­sent, ni à notre mémoire, ni à notre esprit, ni à notre cœur, tandis que son souvenir et son amour devraient faire les délices de notre âme.

Nous oublions que nous devons à notre Dieu un souvenir fréquent, une attention, une tendance du moins habituelle, un regard respectueux et tendre de l'esprit et du cœur, un entretien familier, une dépendance totale, une complète ouverture de cœur pour le consulter en tout, pour l'écouter et agir sous ses yeux.

C'est en ce sens qu'il faut entendre divers passages de l'ancien Ten­stament.

«Je suis ton Dieu tout-puissant, marche devant moi et sois parfait» (Gen., 17,1).

«En toutes tes voies pense au Seigneur et il dirigera lui-même tes pas» (Prov., 3,6).

«Dieu scrute les cœurs et les reins» (Ps. 7,10). «Il lit dans tous les cœurs» (Eccli., 16,20).

C'est au Cœur qu'il regarde, il veut notre cœur, il veut notre amour.

C'est en ce sens aussi qu'il faut entendre les protestations du Cantique des cantiques et des psaumes.

«Je dors et mon cœur veille» (Gant., 5).

«Mon Dieu, ne vous éloignez pas de moi» (Ps. 70). «J'ai toujours mon regard tourné vers Dieu» (Ps. 24). «Je voyais toujours Dieu auprès de moi» (Ps. 15).

IIe POINT: Jésus veut être aimé des hommes et surtout de ceux qui sont consacrés à son Cœur. - Mais il ne faut pas oublier que c'est par Jésus qu'on va à son Père». Si quelqu'un m'aime, a-t-il dit, il observera ma parole, mon Père l'aimera, nous viendrons à lui et nous demeurerons en lui» (S. Jean, 14,23). Jésus et son Père se plaisent à habiter les cœurs qui l'ai­ment et à les remplir des grâces de l'Esprit-Saint. Dieu le Père veut cette union d'amour avec son Fils. C'est par cette union que s'étendra le règne du Sacré-Cœur.

Il suffit à l'amour de Notre-Seigneur que la masse des fidèles lui voue l'affection qu'un enfant aimant donne à son père. Mais il demande plus, ou plutôt il offre plus aux âmes privilégiées, aux prêtres, aux âmes con­sacrées. Il veut que ces âmes l'aiment avec une grande tendresse, qu'el­les aillent à lui avec l'abandon d'un ami qui va à son ami, d'un frère qui aime son frère.

Penser à lui une fois le jour, au moment où la règle prescrit une médi­tation, cela peut suffire au salut et à la sanctification, cela ne suffit pas à son amour. La méditation d'une âme unie au Cœur de Jésus est inces­sante; elle se prolonge même dans les occupations les plus variées. Jésus est tellement l'objet des affections de cette âme, qu'elle se plaît à le cher­cher partout. Elle le trouve toujours.

Ce genre de méditation n'exige pas une tension fatigante de l'esprit. D'ailleurs celui qui aime véritablement ne se fatigue pas en pensant à l'objet de son amour. - Un savant poursuit l'idée qui le préoccupe, mê­me au milieu du bruit; un poète contemple son rêve favori, même au mi­lieu des circonstances les plus absorbantes; un ami pense à son ami ab­sent, un fils à son père, une épouse à son époux.

Pour les amis de son Cœur, Notre-Seigneur est le père, l'ami, l'époux. Ils doivent penser avec leur cœur aux circonstances de sa vie. Les promesses que Notre-Seigneur a faites à la dévotion à son Cœur sa­cré doivent s'entendre dans ce sens. Il faut aimer dans son cœur le cœur d'un père, d'un ami, d'un frère, le cœur d'un Dieu qui s'est fait homme pour permettre aux hommes de l'aborder par les sentiments humains et par ce qu'il y a de meilleur dans ces sentiments: les affections du cœur. - Les âmes vouées au Cœur de Jésus doivent contracter sans gêne et sans contrainte, cette union habituelle, toujours respectueuse mais con­fiante et affectueuse avec le Cœur de Jésus.

IIIe POINT: Qu'il faut aimer particulièrement la sainte Eucharistie. - Il ne faut pas oublier surtout la présence eucharistique de Notre-Seigneur. On peut lui appliquer ces paroles évangéliques: «Voici que je suis avec vous tous les jours» (S. Mat., 28,20). Et encore: «Je ne vous laisserai pas orphelins» (S. Jean, 14,18).

Notre-Seigneur est là dans nos tabernacles, plein d'amour et de dé­vouement. Il attend nos visites, nos requêtes, nos entretiens, nos témoi­gnages d'affection. Il désire que les âmes aimantes et vouées à son Cœur le visitent souvent, lui tiennent compagnie, le consolent de l'indifférence de la plupart des hommes.

Il n'est pas seulement dans nos tabernacles, il vient en nous par la sainte communion: «Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang de­meure en moi et moi en lui» (S. Jean, 1,57). Les saintes espèces ne limi­tent pas Notre-Seigneur dans leurs dimensions, il pénètre intimement celui qui le reçoit. Son âme pénètre notre âme, son Cœur vivifie notre cœur, sa chair sanctifie notre chair. Il se complaît dans cet embrasse­ment de tout notre être.

Résolutions. - Je penserai à la présence de mon Dieu. J'y penserai avec mon cœur, je lui exprimerai des sentiments affectueux, je rentrerai dans cette divine présence quand je m'apercevrai que j'en suis sorti. Je penserai surtout à la présence eucharistique de Notre-Seigneur.

Colloque avec Jésus vivant et nous.

22 Decembre

L'oraison

Gaudete in Domino semper; iterum di­co: gaudete. Modestia vestra nota sit omnibus hominibus: Dominus prope est. Nihil solliciti sitis: sed in omni oratione et obsecratione cum gratiarum actione peti­tiones vestrae innotescant apud Deum (Aux Philip., 4,4).

Réjouissez-vous sans cesse en Notre­Seigneur. Je le répète: Réjouissez-vous. Que votre modestie soit manifeste: le Sei­gneur est proche. Ne vous inquiétez de rien, mais présentez à Dieu vos prières, vos supplications, vos actions de grâces et vos demandes (Aux Phil., 4,4).

1er Prélude. L'Eglise nous fait lire avant Noël cette exhortation de saint Paul à la joie spirituelle et à la prière.

2e Prélude. Seigneur, enseignez-moi encore à bien prier.

Ier POINT: Oraison d'amour et de réparation. - Nous devons arriver à la vie intérieure, c'est-à-dire à cette union permanente qui fait vivre Jésus dans nos cœurs et nos cœurs en Jésus.

L'oraison, la prière, les oraisons jaculatoires sont les moyens pour s'habituer à penser à Notre-Seigneur et pour s'unir à lui. Cette habitude viendra facilement si on l'aime un peu, si on épreuve pour lui une affec­tion réelle. Son nom vient facilement sur les lèvres de ceux dont il rem­plit les cœurs.

Il aime qu'on l'aime et qu'on le lui dise. Il aime aussi qu'on lui de­mande ce dont on a besoin, c'est une marque de confiance; enfin, il aime qu'on le remercie après les bienfaits reçus: la reconnaissance est aussi une forme de l'amour.

Les saints mettaient leur bonheur à adresser à Notre-Seigneur de fré­quentes invocations toutes brûlantes d'amour pour lui. Qu'on lise l'his­toire de saint François d'Assise, de sainte Thérèse, de sainte Catherine de Sienne, on y verra que les flammes d'amour qui brûlaient leurs cœurs s'échappaient de leurs lèvres en invocations fréquentes, telles que: «O Jésus, vous êtes mon amour». - «O Jésus, accordez-moi la grâ­ce de mourir d'amour pour vous». - «O Jésus, faites-moi la grâce de vous aimer tous les jours de plus en plus». - C'est que celui qui aime véritablement Notre-Seigneur ne peut jamais se rassasier de lui dire son amour. C'est pour lui un besoin si impérieux, qu'il souffre de ne pas pouvoir dire cet amour comme il le voudrait.

Mais faut-il attendre que l'on sente en soi cet amour ardent pour se li­vrer à la pratique de ces oraisons? Non, cette pratique elle-même, con­tractée d'abord avec le seul désir d'aimer Notre-Seigneur amène rapide­ment à l'aimer. Ces traits d'amour le touchent et il y répond par des grâces.

Comment ne répondrait-il pas par des grâces d'amour à ceux qui lui demandent la grâce de l'aimer? On lui demande ce qu'il désire le plus d'accorder. Il ne désire rien tant que d'être aimé. Il se fait mendiant pour obtenir l'affection d'un cœur: «Mon fils, donne-moi ton cœur». - «Pierre, m'aimes-tu?». - Ces élans de l'âme toute brûlante d'amour pour lui, lui sont donc très agréables.

La plainte d'une âme qui gémit de ne pas aimer Notre-Seigneur com­me elle le voudrait touche aussi très profondément son Cœur et l'incline vers elle. C'est l'oraison de réparation et d'amende honorable pour nous et pour les autres. C'est encore une forme de l'amour. Ces oraisons maintiennent l'âme en union avec Notre-Seigneur. C'est cette union des cœurs avec le sien qu'il désire tant obtenir. C'est pour l'obtenir qu'il veut répandre le règne de son Cœur. Par ces oraisons répétées, on vit en commerce familier avec lui. On mène réellement cette vie intérieure qu'il demande à ceux qui lui sont consacrés, et qui consiste à penser ha­bituellement à lui, et à remplir notre esprit, notre cœur, nos facultés, de lui et de son amour.

IIe POINT: Oraison de demande. - La prière toutefois ne doit pas se borner aux traits brûlants de l'amour. Par elle aussi on demande à Notre-Seigneur la grâce de supporter les souffrances. Un «Fiat voluntas tua» échappé du cœur au milieu d'une souffrance est une oraison de très grand prix aux yeux de Notre-Seigneur.

C'est dans l'épreuve qu'on sent le plus vivement le besoin de s'entre­tenir avec Notre-Seigneur, de lui dire sa peine, de lui demander la force. Un élan du cœur établit en un instant cette communication intime avec le Cœur de Jésus. C'est la pratique des saints. Ils ne tardaient pas à in­voquer Notre-Seigneur, de peur qu'il ne tardât à les secourir.

Les âmes qui font profession de vivre dans la dévotion au Cœur de Jésus, doivent prendre cette habitude. Elle est essentielle à leur vocation d'amis et de consolateurs du Cœur de Jésus.

IIIe POINT: Oraison de gratitude. - La prière sert aussi à exprimer la re­connaissance pour les bienfaits que l'on reçoit. Si l'on a reçu un secours dans un besoin pressant, si l'on a vaincu une tentation ou triomphé d'une difficulté, si l'on a eu quelque succès dans une entreprise de l'ordre spiri­tuel ou de l'ordre temporel, laissera-t-on passer cette occasion de témoi­gner à Notre-Seigneur sa reconnaissance? Celui qui aime sincèrement Notre-Seigneur, le mêle tellement à tout ce qu'il fait, qu'il n'a pas besoin de réfléchir et de raisonner pour lui dire la reconnaissance de son cœur. Les saints allaient plus loin, ils remerciaient Notre-Seigneur même de leurs insuccès, parce qu'ils y voyaient une épreuve voulue ou permise par Notre-Seigneur pour les tenir dans l'humilité. Cette habitude doit nous devenir si naturelle que nos lèvres murmurent d'elles-mêmes une parole affectueuse pour le Sauveur. C'est le conseil de Notre-Seigneur: Il faut toujours prier: Oportet semper orare (S. Luc., 18).

Il faut prier de l'esprit, du cœur et des lèvres. On prie de l'esprit quand on pense à Notre-Seigneur, du cœur quand on l'aime, des lèvres quand on le lui dit: Orabo spiritu, orabo et mente (Cor., 14).

Notre-Seigneur prie lui-même en nous: In quo clamamus: Abba pater. La grâce nous aidera, si nous y correspondons. «Nous ne pourrions pas prier utilement de nous-mêmes» (2 aux Cor., 3,5).

Résolutions. - Je prierai toujours. Je prendrai l'habitude des oraisons jaculatoires, des actes d'amour, de réparation, de demande, de remer­ciement.

Pour croître dans l'union avec Notre-Seigneur, je m'habituerai à un commerce intime et familier avec lui. Je lui dirai mon affection, mes be­soins, ma compassion, ma gratitude.

Colloque avec le Cœur de Jésus.

23 Decembre

Le voyage a Bethléem

Ascendit autem et Joseph a Galilaea de civitate Nazareth in Judaeam in civitatem David, eo quod esset de domo et familiâ David, ut profiteretur cum Maria despon­sata sibi uxore praegnante (S. Luc., 2,4).

Joseph partit de Nazareth en Galilée et vint en Judée à la ville de David, appelée Bethléem, parce qu'il était de la maison et de la famille de David, pour se faire in­scrire avec Marie son épouse qui allait être mère (S. Luc., 2,4).

1er Prélude. Je considérerai le voyage à Bethléem accompli par la sainte famille à la veille de la naissance de Jésus.

2e Prélude. Faites-moi partager, Seigneur, votre esprit d'humilité, de détachement, d'obéissance.

Ier POINT: Jésus commence les sacrifices qui doivent opérer notre rédemption. - Notre-Seigneur s'est fait homme pour expier nos fautes et pour nous racheter: aussi il a pris l'humanité avec toutes ses souffrances, toutes ses incommodités, tous ses sacrifices journaliers. Non seulement il n'a pas fui ces sacrifices, mais il les a aimés en son Cœur d'enfant, parce qu'ils payaient notre dette, parce qu'ils réparaient notre orgueil, notre sensua­lité, notre désobéissance.

Il n'était pas encore né et déjà l'édit d'Auguste l'oblige à quitter sa pa­trie avec sa mère et son père adoptif et à entreprendre un long et pénible voyage, dans la saison la plus rigoureuse de l'année, pour aller naître en pauvre et en pèlerin dans une terre étrangère.

Quoique renfermé dans le sein de sa mère, il sentait toute cette disgrâce, il souffrait avec Marie qui le portait; il souffrait avec saint Joseph qui le conduisait, parce qu'ils souffraient l'un et l'autre pour l'amour de lui. Il souffrait par obéissance à un prince à qui il n'en devait pas, puisque ce prince était sa créature.

Il aimait à pratiquer cette humilité, cette obéissance par amour pour nous. Il inaugurait ainsi les grandes douleurs qu'il devait souffrir durant tout le cours de sa vie mortelle, jusqu'à la consommation de la rédemp­tion sur la croix. Mais par là il condamnait notre délicatesse et notre lâ­cheté qui se récrient et se révoltent à la moindre souffrance, quoique nous méritions de souffrir puisque nous sommes pécheurs.

IIe POINT: Jésus nous donne l'exemple du détachement et de l'obéissance. - Il veut partir sans délai, avec Marie et Joseph, malgré les difficultés qui se rencontrent à un voyage si rigoureux, parce qu'il voulait nous donner un exemple de la plus prompte obéissance et du plus parfait détachement.

S'il avait pris naissance dans sa maison de Nazareth, où le mystère de l'incarnation s'est accompli, il n'aurait pas été privé des commodités de la vie dans une occasion si pressante, mais il voulait être un enfant d'obéissance et un homme de douleurs, pour nous racheter et nous ap­prendre à obéir et à souffrir pour son amour et pour satisfaire à la justice de son Père puisque nous sommes pécheurs.

N'oublions pas cette divine leçon qu'il nous donne avant de naître. Renonçons aux plaisirs sensuels, aux attaches imparfaites; renonçons aux révoltes intimes contre l'obéissance, aux délais inventés par la pares­se et par l'amour-propre et à l'esprit d'indépendance.

Apprenons de Notre-Seigneur qu'on ne peut mériter la liberté des en­fants de Dieu que par l'obéissance, et les joies pures de la grâce et du ciel que par les mortifications et les privations de cette vie.

Notre-Seigneur se laisse conduire par saint Joseph et porter par sa di­vine Mère, de Nazareth à Bethléem, pour obéir à un prince adorateur des idoles, lui qui est le Roi des rois et la lumière du monde.

Il pourrait renverser César-Auguste du trône où sa main l'a placé; il lui obéit cependant et aussitôt que son édit paraît.

L'obéissance lui est si chère qu'il la suivra ainsi toute sa vie et qu'elle le conduira jusqu'à la mort: Factus est obediens usque ad mortem, mortem au­tem crucis (Aux Phil., 2,8).

IIIe POINT: Prix de l'obéissance et du sacrifice. - Combien l'obéissance devrait nous être précieuse, puisqu'elle est consacrée et honorée par cet exemple divin, puisqu'elle nous délivre du joug de notre volonté désor­donnée, puiqu'elle est la plus grande marque d'amour que nous puis­sions donner à Notre-Seigneur et le plus pur et le plus précieux sacrifice que nous puissions offrir pour la gloire de son Père et le salut des âmes.

Hâtons-nous de réparer nos désobéissances innombrables et nos rési­stances continuelles à la grâce, si nous ne voulons pas attirer sur nous le juste courroux de son Père.

Notre-Seigneur obéit à une créature, lui qui est le Dieu tout puissant, et moi je désobéis à Dieu et à mes supérieurs qui me le représentent, moi qui ne suis qu'une vile créature. Quel aveuglement!

David avait chanté autrefois le transport de l'Arche à Jérusalem: Can­tate Domino canticum novum (Ps. 95). Il invitait toute la nature à tressaillir de joie. C'est vraiment dans le voyage de la sainte famille que l'Arche véritable, la vierge Marie, allait vers Jérusalem et vers Bethléem, et la nature trassaillit mystérieusement sur son passage: Laetentur coeli et exultet terra… Gaudebunt campi, exultabunt omnia ligna sylvarum…

Les anges faisaient cortège à Notre-Seigneur, Jésus, Marie et Joseph n'étaient point tristes de cette disgrâce. Il s'agissait d'obéir et de nous préparer des grâces infinies. Ils allaient avec joie, comme Marie était al­lée avec joie exercer la charité envers sainte Elisabeth: Abiit in montana cum festinatione. C'est ainsi que Notre-Seigneur devait jusqu'au terme de sa vie porter la croix avec joie: Cum gaudio sustinuit crucem.

Chaque pas les rapprochait de notre salut. Ils allaient à la maison du pain, Bethléem, pour y porter le pain de vie.

Par l'obéissance. et l'immolation embrassées avec joie, ils préparaient des grâces pour les âmes et spécialement pour le règne du Sacré-Cœur.

Résolutions. - Oh! oui, marchez avec joie, aimable Reine, c'est le sa­lut que vous nous apportez. Venez, ne tardez pas, montrez-nous la face du Sauveur, et nous serons délivrés.

je comprends mieux l'obéissance parfaite et l'immolation et je veux m'y conformer.

Colloque avec la sainte famille.

24 Decembre

Sur les rebuts qu'a subis Notre-Seigneur
à Bethléem

Factum est autem, cum essent ibi, im­pleti sunt dies ut pareret; et peperit filium suum primogenitum et pannis eum invol­vit et reclinavit eum in praesepio, quia non erat eis locus in diversorio (S. Luc., 2,6).

Pendant qu'ils étaient là, le temps au­quel elle devait enfanter s'accomplit; et el­le enfanta son fils premier-né: elle l'enve­loppa de langes et le coucha dans un crè­che, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie (S. Luc, 2,6).

1er Prélude. Jésus est rebuté avec ses parents. On lui préfère des étrangers sans doute plus riches.

2e Prélude. Seigneur, apprenez-moi a souffrir avec résignation les humiliations et la pauvreté.

Ier POINT: Méprise que l'on eut pour Jésus dans la personne de ses parents. - Considérons saint Joseph, le zélé conducteur de Jésus, qui lui tenait lieu de père et la vierge Marie, sa divine Mère: ils cherchent avec empresse­ment et de porte en porte à Bethléem un asile pour procurer à Notre­Seigneur un lieu de naissance plus commode qu'une étable; mais leur grande pauvreté trop apparente ne leur attire que des rebuts et des me­pris de tous les habitants de cette ville inhospitalière malgré le pressant besoin où ils étaient.

Notre-Seigneur voulait s'exposer à cette humiliation et à cette pénible extrémité dans la personne de ses parents.

Parmi cette foule de voyageurs, qui allaient se faire inscrire par l'or­dre de César, combien de gens méprisables et indignes furent préférés à la sainte famille, et trouvèrent un logement. Notre-Seigneur sentait une préférence si injuste. Il la souffrait pour notre instruction et pour notre amour. Il l'offrait à son Père céleste pour l'expiation de nos péchés et pour commencer en venant au monde le grand ouvrage de notre ré­demption. C'était aussi pour nous apprendre à souffrir pour son amour tous les rebuts de la part des créatures et toutes les disgrâces de la pau­vreté en nous persuadant que nous ne sommes rien, que nous ne méri­tons rien, que nous ne sommes que des pécheurs contre lesquels toutes les créatures ont le droit de s'élever.

IIe POINT: Jésus voulait nous être utile et nous donner une leçon. - Ce refus nous paraît affreux et injuste, parce qu'il est fait au Dieu tout-puissant, qui pouvait confondre cette ville ingrate et ses habitants et les châtier à l'instant avec rigueur; mais aussi combien ces rebuts renferment de mystères, d'instructions et de consolations pour notre âme, si nous som­mes assez fidèles et assez généreux pour suivre l'exemple de Notre-­Seigneur dans la pratique et dans l'amour de la pauvreté!

Pendant même que Notre-Seigneur se voyait si indignement traité par cette Bethléem terrestre et ingrate, son Cœur, qui mettait tout à profit pour notre salut, s'occupait à nous préparer une demeure délicieuse dans le ciel (S. Amb).

Il voulait aussi par là toucher notre cœur, y faire naître la compassion pour sa pauvreté et pour les rebuts qu'elle lui attirait des hommes, afin de nous engager tendrement à lui présenter nos cœurs pour y prendre une naissance spirituelle par sa grâce et par son amour.

Disposons donc nos cœurs, afin qu'en y entrant Notre-Seigneur n'y trouve pas une étable incommode et destituée de toutes choses, mais un temple, un sanctuaire, un autel, où, il soit fidèlement servi, adoré et aimé.

Nous sentons de l'indignation dans notre cœur contre cette ville in­grate et contre ses habitants si dépourvus d'humilité, qui eurent la dure­té de refuser à Notre-Seigneur un abri dans son extrême besoin; mais hé­las! nous n'avons qu'à rentrer en nous-mêmes; si nous nous rendons justice, nous devrons convenir que c'est moins contre eux que contre nous-mêmes qu'il faudrait tourner notre haine et notre indignation.

IIIe POINT: Quels sont les rebuts et les froideurs les plus sensibles à Notre­-Seigneur? - Ces habitants de Bethléem ne connaissaient pas Notre­Seigneur, ils ne savaient pas que Marie était Vierge et mère tout ensem­ble et qu'elle portait dans son chaste sein leur Dieu, leur Sauveur, le Messie qu'ils attendaient, qu'ils désiraient et que leurs prophètes leur faisaient espérer depuis tant de siècles. Mais nous, nous savons qu'il est le Dieu vivant, notre créateur, notre juge, notre Sauveur, et qu'en le possédant chez nous, nous possédons l'auteur de la vie et la source de tous les trésors; cependant nous avons refusé mille fois de lui ouvrir la porte de notre cœur, pendant qu'il y frappait par les sollicitations de sa grâce; et ce cœur nous l'ouvrions à nos ennemis et aux siens, c'est-à-dire à des souvenirs dangereux, à des imaginations mauvaises, à des sen­timents imparfaits, à des attaches déréglées pour les créatures.

Si nous sommes unis à Notre-Seigneur par des bienfaits plus grands, prêtres, religieux, âmes consacrées au Sacré-Cœur, nos rebuts seront encore bien plus sensibles à Notre-Seigneur. Comment avons-nous ré­pondu jusqu'à présent à notre belle vocation? Nous devions consoler Notre-Seigneur des rebuts de tant d'âmes ingrates.

Notre indifférence, notre froideur lui sont bien plus pénibles que le mépris des Bethleemites. Rappelons-nous la plainte qu'il formulait par la bouche de David: «Si mon ennemi m'avait maudit, je le supporterais… mais toi, un ami, un familier, qui partageais ma table!» (Ps. 54).

Rappelons-nous aussi les plaintes amères que Notre-Seigneur adres­sait à Marguerite-Marie au sujet des rebuts de son peuple choisi: «Je ne reçois de la plupart, disait-il, dans le Sacrement de l'autel, que de l'indif­férence et de l'ingratitude, et ce qui m'est le plus sensible, c'est qu'il y a des âmes consacrées qui en usent ainsi à mon égard».

Et encore, en se montrant tout blessé, il disait: «Voilà où me réduit mon peuple choisi».

Pour cette fête de Noël en particulier, préparons-nous à recevoir Notre-Seigneur avec un grand amour.

Résolutions. - Pardonnez, Seigneur, mes refus, mes désobéissances, mes infidélités. Entrez dans mon cœur, prenez-en une entière posses­sion, il est à vous sans réserve et sans partage. Les portes n'en seront plus ouvertes qu'à vous,'demeurez-y, purifiez-le, embrasez-le de vos di­vines ardeurs, prenez-y une nouvelle naissance.

Colloque avec Jésus.

25 Decembre

Pour le jour de Noël

Dixit illis angelus: Evangelizo vobis gaudium magnum, quod erit omni popu­lo: quia natus est vobis hodie salvator, qui est Christus Dominus, in civitate David; et hoc vobis signum: invenietis infantem pannis involutum et positum in praesepio (S. Luc., 2,10).

L'ange dit aux bergers: je vous annon­ce une grande joie pour tout ce peuple: parce que le Sauveur vous est né aujourd'hui, le Christ-Seigneur dans la cité de David; et voici le signe pour le re­connaître: vous verrez un enfant envelop­pé de langes et posé dans une crèche (S. Luc, 2,10).

1er Prélude. C'est grande joie dans l'étable: les anges chantent, Marie et Joseph ado­rent, les bergers pleurent d'émotion.

2e Prélude. Divin Enfant, donnez-moi la grâce de partager la joie commune et d'y ajouter mes humbles réparations.

Ier POINT: Unissons-nous à la joie de Marie. - C'est à Marie qu'il faut nous unir tout particulièrement aujourd'hui. Qui peut mieux qu'elle nous enseigner à rendre à Jésus-Enfant les devoirs que nous avons à lui rendre?

Voici donc l'heureux moment, qui va, tout en comblant Marie de gloire et de consolation, finir nos disgrâces, essuyer nos larmes, faire ces­ser nos soupirs, briser nos chaînes, commencer le bonheur de notre vie et nous assurer celui de l'éternité.

Invitons Marie à produire aux yeux des nations celui après qui celles­-ci soupirent depuis tant de siècles; il est temps qu'il sorte de son sein, comme le ruisseau sort de sa source pour inonder la terre de ses eaux sa­lutaires. Le fruit de vie est parvenu à sa maturité, il est temps qu'il se détache de lui-même et sans violence de l'arbre précieux qui l'a porté, pour faire la nourriture, les délices et le salut de tous les hommes; il faut qu'il soit la production miraculeuse d'une virginité consacrée et que Marie l'enfante avec la même intégrité qu'elle l'a conçu.

O Marie, donnez-nous ce Sauveur que vous attendiez avec une amou­reuse impatience; et après qu'il est né, présentez-lui nos vœux et nos adorations et protégez-nous auprès de lui. - Merci, ô ma Mère, d'avoir concouru si efficacement par votre amour, par votre consentement, par votre sang, par le lait de votre chaste sein à nous donner, à nous former, à nous élever ce Sauveur dont vous êtes la Mère.

Qui pourrait comprendre le bonheur extrême de Marie quand, après les rebuts d'une ville ingrate et l'arrivée dans l'étable, elle mit au jour son Dieu et son Sauveur? Ah! si les portes de cet auguste sanctuaire du Cœur de Marie étaient ouvertes, que de prodiges et de mystères du plus pur et du plus ardent amour nous y découvririons! quels sentiments ex­quis! quelle union intime! quelle prodigieuse élévation! quelle sublime contemplation! quels transports de joie que la langue ne pourra jamais exprimer! de quelles douceurs ineffables ce cœur n'est-il pas inondé! quels pieux excès d'amour vers ce Dieu naissant!

Il est maintenant sous ses yeux, et il ne cesse pas de lui appartenir. El­le a l'honneur de l'embrasser, de lui donner mille chastes baisers. Elle le serre sur son sein. Elle le nourrit encore de sa substance en lui donnant son lait.

Unissons-nous humblement à la joie et à l'amour de Marie.

IIe POINT: Adoration et reconnaissance. - Marie veut être aussi la pre­mière adoratrice de l'Enfant-Dieu. L'ange ne lui a-t-il pas dit: Le saint Enfant qui naîtra de vous aura nom «le Fils de Dieu!». - Isaïe avait dit: on l'appellera Emmanuel, c'est-à-dire Dieu avec nous. - Il avait dit aussi: son nom sera l'Admirable, le Conseiller, le Dieu fort, le Père du siècle à venir, le Prince de la paix (Is., 9,6).

Marie avait souvent médité ces prophéties. Elle a le privilège d'adorer son propre fils, le fruit de son sein. Les anges du ciel et les rois de la terre ne sont admis qu'après elle à rendre leurs hommages au Verbe incarné.

L'exemple de Marie nous apprend ce que nous devons à notre Dieu et Sauveur. Prosternons-nous avec elle, unissons-nous à ses adorations, à ses actions de grâces.

Ce qui doit nous réjouir particulièrement, c'est que Marie n'est pas seulement la mère de notre Sauveur, elle est aussi la nôtre. Cette qualité d'enfant nous donne quelque droit à participer à tous ses biens spiri­tuels. Nous pouvons nous unir à ses adorations, à sa joie, à ses larmes, à son bonheur. Nous pouvons dire avec elle: Un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné (Is. 9).

Nous pouvons méditer les titres que le prophète donne à cet enfant: l'Admirable, le Conseiller, le Dieu fort, le Père du siècle à venir, le Prin­ce de la paix. Chacun de ces titres provoque un sentiment différent: ad­miration, prière, adoration confiance.

Offrons au divin Enfant tout ce que sa mère et la nôtre lui a offert.

IIIe POINT: La fête de Noël nous donne une leçon d'immolation. - Bien que cette fête soit essentiellement joyeuse, l'esprit d'immolation et de répara­tion ne doit pas en être absent. Notre-Seigneur venait à nous pour nous sauver, pour nous apporter la paix et la joie, c'est vrai, mais dans quelles conditions d'humilité, de pauvreté, de sacrifice, n'est-il pas venu? Petit enfant, il était une petite victime et il nous enseignait l'immolation com­me le chemin de la grâce et du salut.

Et aujourd'hui encore, comment est-il reçu, même parmi les chré­tiens, même parmi certaines âmes plus privilégiées?

Comment l'ai-je reçu souvent moi-même? N'y a-t-il pas là bien des motifs de réparation, d'amende honorable et d'immolation?

Résolutions. - C'est la joie qui domine dans mon cœur: Puer datus est nobis. J'admire cet Enfant divin sur les bras de sa mère: Admirabilis. - Je l'adore: Deus fortis. - J'apprends de lui l'esprit d'amour et de sacrifice: Consiliarius. -je me donne et consacre à lui pour devenir son fils aimant à jamais: Pater futuri saeculi. - Je l'offre à son Père comme ma rançon et mon salut, comme le prix de la paix que je dois acheter: Princeps pacis. - J'adore le cœur aimant du jeune agneau destiné à l'immolation.

Colloque avec Jésus et Marie.

26 Decembre

Les langes et la crèche

Et hoc vobis signum: invenietis infan­tem pannis involutum et positum in prae­sepio (S. Luc., 2,21).

Voici un signe: Vous trouverez un en­fant enveloppé de langes et posé dans une crèche (S. Luc., 2,21).

1er Prélude. Considérons aujourd'hui quelques circonstances de la naissance du Sau­veur. Il est enveloppé de langes comme de liens et de chaînes et déposé dans une crèche étroite comme dans une prison. Unissons à ce souvenir celui de saint Etienne, premier martyr, dont l'Eglise fait la fête aujourd'hui.

2e Prélude. Divin Enfant, donnez-moi la grâce de comprendre et d'imiter votre humilité et vos réparations.

Ier POINT: Notre-Seigneur s'est fait captif volontaire pour notre amour. - Le fidèle: Divin Enfant, parlez vous-même aujourd'hui, j'ai voulu être emmailloté, moi qui suis la force même et le soutien des faibles. J'ai laissé envelopper mes petits membres, je les ai laissé serrer, retenir, contrain­dre, emprisonner dans les langes, comme ceux d'un faible enfant privé de raison, moi qui suis l'auteur de la liberté et qui délivre les captifs, quand ils ont recours à ma puissance. C'est que j'étais venu sur la terre pour rompre vos liens, pour briser vos chaînes et pour vous délivrer de la cruelle tyrannie du péché, de la mort et de l'enfer. - Mon bras tout-puissant arrête les fureurs de la mer et lui prescrit des bornes qu'elle n'ose dépasser; il abat et désarme les tyrans, il brise les sceptres et ren­verse les monarques qui osent lui résister; il détruit en un moment les ar­mées les plus formidables; il a toujours triomphé de mes ennemis et par lui seul les héros triomphent. Et voici que mes bras d'enfant sont liés dans les langes. C'est que je suis un captif volontaire et comme un pri­sonnier d'amour. Soyez aussi captifs volontaires, sous le joug et dans les liens des préceptes et de vos règles, pour l'amour de moi et ce sera votre force. C'est par là que vous triompherez du démon et que vous sauverez des âmes. - Le fidèle: Merci, Seigneur, j'ai compris et je veux vous sui­vre dans l'esprit de sacrifice et de réparation.

IIe POINT: Jésus embrasse l'humiliation par amour pour nous. - Le fidèle: Parlez encore, Seigneur, votre amour vous a rendu muet, mon amour veut vous donner la parole. - Le Sauveur: Voyez l'humilité de mon cœur d'enfant et la grandeur de mon amour pour vous: je me laisse em­mailloter de pauvres langes, je me laisse réduire à une captivité si humi­liante pour un Dieu! je laisse hier et cacher ces bras qui malgré leur frêle apparence pourraient en un instant renverser le ciel et la terre; ces mains qui vont être les ouvrières de tant de prodiges, qui vont ouvrir les yeux des aveugles et guérir les malades; ces pieds qui feront tant de démarches et tant de voyages de charité pour aller chercher les pécheurs, pour les conduire dans les voies du salut et les faire marcher dans celles de la ju­stice. - Je veux commencer ma vie mortelle et la finir par la captivité. Dans le principe, vous ne voyez que des langes, il est vrai, mais en fallait-il davantage à un enfant nouveau-ne pour en faire un prisonnier? A la fin, vous verrez des cordes cruelles. De petits langes me serrent à présent le corps à ma naissance; des cordes meurtriront mes mains et mes bras dans le jardin des Oliviers pour me conduire aux tribunaux et dans les prisons; et l'une et l'autre captivité seront l'ouvrage de mon amour et de vos péchés, comme je m'en suis plaint par le prophète quand je lui ai fait dire: «Les liens des pécheurs m'ont cruellement enser­ré - funes peccatorum circumplexi sunt me» (Ps. 118). C'est à ce prix que j'opère votre rédemption et que je brise les chaînes de vos péchés.

IIIe POINT: Les souffrances de Jésus-Enfant confondent notre lâcheté et notre délicatesse. - Le fidèle: Parlez, encore, divin Enfant, votre serviteur écoute. - Le Sauveur: Voyez à quelles rigueurs je m'expose pour l'amour de vous et dès le premier moment de ma naissance. Au sortir du sein virginal de Marie, me voilà couché sur du foin dans une pauvre éta­ble abandonnée et ouverte, dans la saison la plus rigoureuse et au milieu de la nuit: comme ces circonstances doivent vous humilier et confondre votre délicatesse, et vous ouvrir les yeux pour vous faire comprendre que vous ne pouvez gagner le ciel ni porter dignement le nom de chrétien, ni me marquer votre amour sans m'imiter dans mes souffrances. - Quel est l'enfant le plus pauvre de toutes les femmes de la terre qui fut jamais exposé à une si dure nécessité? Les autres enfants, quoique couchés déli­catement, ne laissent pas de pousser des cris après leur naissance, parce que, quelque précaution qu'on y apporte, ils souffrent toujours. Quoi de plus délicat que la chair d'un enfant nouveau-né? J'eus dès cet instant beaucoup à souffrir des dures circonstances où je me trouvais. C'est que je voulais être dès le commencement un homme de douleur comme l'avait marqué le prophète Isaïe. Comme cette vue devrait vous atten­drir et confondre et réformer votre lâcheté et votre délicatesse! Apprenez auprès de ma crèche à souffrir et à vous mortifier pour mon amour.

Aujourd'hui encore, je rencontre l'équivalent des langes et de la crè­che dans les cœurs froids et durs qui me reçoivent sans amour même parmi mon peuple choisi. C'est pour cela que je demande réparation et que je désire de vous un service très délicat et surtout très aimant et très compatissant.

Résolutions. - Je contemple deux prisonniers: l'enfant Jésus dans les langes et son premier martyr saint Etienne dans la prison du Sanhédrin: rapuerunt eum et adduxerunt in concilium (aux Actes, 6,12). -je comprends, ô divin Enfant, que je vous dois reconnaissance, amour, réparation, imi­tation: reconnaissance pour vos souffrances salutaires, amour pour votre cœur d'enfant si dévoué et si généreux, réparation pour la dureté de tant d'âmes qui vous reçoivent sans amour. Je veux, avec votre saint martyr Etienne, imiter votre patience, votre douceur, votre générosité.

Colloque avec Jésus Enfant.

27 Decembre

Saint Jean, l'apôtre du Sacré-Cœur

Conversus Petrus vidit illum discipu­lum, quem diligebat Jésus, sequentem, qui et recubuit in coena super pectus ejus… Hunc ergo cum vidisset Petrus, di­xit jesu: Domine, hic autem, quid? Dicit ei Jésus: Sic eum volo manere donec ve­niam quid ad te? Tu me sequere (S. Joan., 21,20).

Pierre se retournant vit le disciple aimé de Jésus qui suivait, celui qui reposa à la Cène sur le Cœur de Jésus. Et celui-ci, dit Pierre à Jésus, qu'en sera-t-il? Jésus répondit: Si je veux qu'il reste jusqu'à ce que je vienne, que t'importe? Toi, suis­-moi (S. Jean, 21,20).

1er Prélude. je considère Jésus enfant sur les bras de Marie et saint Jean sur le Cœur de Jésus, ce sont deux grands amours.

2e Prélude. Faites-moi aimant pour vous, Seigneur, comme l'ont été Marie et saint Jean.

Ier POINT: Amitié de Jésus et de saint Jean. - Saint Jean a eu avec Jésus tous les liens les plus intimes: il a été son parent, son disciple, son ami, son héritier. Jacques et Jean étaient fils de Salomé, la parente de Marie. On les appelait les frères de Jésus; c'était l'usage d'appeler frères les pa­rents rapprochés. Jean a dû connaître Jésus enfant.

Il s'est attaché à lui le premier comme disciple avec saint André (S. Jean 1,37). - Ayant entendu Jean-Baptiste appeler Jésus l'Agneau de Dieu, il s'est complu dans la douceur de ce nom, il le méditait sans cesse, il le rappelle maintes fois dans l'Apocalypse.

Saint Jean est toujours auprès de Jésus. Quand Jésus prend à part quelques apôtres, pour ses plus beaux miracles, pour la transfiguration, pour l'agonie, saint Jean en est toujours.

Il est assis auprès de Jésus. Saint Pierre sait bien que Jean est l'ami et que par lui il pourra connaître les secrets que Jésus ne révèle pas à tous. Saint Jean peut raconter en détail le discours après la Cène parce qu'il l'a mieux écouté et mieux compris que les autres.

Saint Jean aime comme il est aimé. Il suit Jésus partout. (Petrus vidit il­lum sequentem). Il le suivra jusqu'au Calvaire. Il assiste à la mort de Jésus, au coup de lance mystérieux, à l'ensevelissement. Il voit de près le côté de Jésus ouvert. Il l'embrasse sans doute comme devait faire un jour saint François (Haurietis aquas in gaudio).

Saint Jean est l'héritier de Jésus, qui lui a légué sa mère et nécessaire­ment avec elle le logis de Nazareth et les souvenirs.

Jésus a dit à Pierre que Jean doit l'attendre et le revoir sur la terre. Il se reverront à Pathmos. Jean retrouvera là le divin Agneau au côté bles­sé: Agnum occisum… quem pupugerunt.

O divine amitié, qui mérite une contemplation et une admiration éter­nelle!

IIe POINT: Le docteur de l'amour. - Il ne suffit pas au Sauveur, dit Bossuet, de répandre ses dons sur saint Jean, il veut lui donner jusqu'à la source. Tous les dons viennent de l'amour: il lui a donné son amour. C'est au cœur que l'amour prend son origine: il lui donne encore le cœur, et le met en possession du fonds dont il lui a déjà donné tous les fruits. - Viens, dit-il, ô mon cher disciple, je t'ai choisi devant tous les temps pour être le docteur de la charité, viens la boire jusque dans sa source, viens-y prendre ces paroles pleines d'onction par lesquelles tu at­tendriras mes fidèles: approche de ce Cœur qui ne respire que l'amour des hommes, et pour mieux parler de mon amour, viens sentir de près les ardeurs qui me consument… O Jean, puisque vous en êtes le maître, ouvrez-nous ce Cœur de Jésus, faites-nous-en remarquer tous les mou­vements que la seule charité excite. - C'est ce qu'il a fait dans tous ses écrits; tous les écrits de saint Jean ne tendent qu'à expliquer le Cœur de Jésus. En ce Cœur est l'abrégé de tous les mystères du christianisme, mystères de charité dont l'origine est un Cœur, un Cœur, s'il se peut dire, tout pétri d'amour; toutes les palpitations, tous les battements de ce Cœur, c'est la charité qui les produit. Voulez-vous voir saint Jean vous montrer tous les secrets de ce Cœur? Il remonte jusqu'au principe, in principio, c'est pour venir à ce terme: et habitavit, il a habité parmi nous. Qui l'a fait ainsi habiter parmi nous? L'amour.

Je ferai de saint Jean mon guide pour vivre uni au Sacré-Cœur.

IIIe POINT: Notre intimité avec Jésus. - Pouvons-nous comme saint Jean pratiquer l'intimité avec Jésus? Mais oui, c'est ce qu'il a voulu sur­tout nous dire en nous montrant son cœur. Sainte Gertrude reposa sur son Cœur et saint Jean dit à la sainte: «Les pulsations du Cœur de Jésus seront un très doux langage réservé aux derniers temps, afin que le mon­de reprenne, en entendant ces mystères, quelque chaleur dans l'amour divin».

Jésus dit à Marguerite-Marie: «Mon divin Cœur est si passionné d'amour pour les hommes que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande».

Passionné d'amour pour nos misérables cœurs! Resterons-nous insensi­bles et ingrats?

Saint Jean fut donné à Marguerite-Marie comme à sainte Gertrude pour le modèle et le patron de sa dévotion au Sacré-Cœur. Comme saint Jean, elle reposa sa tête sur le Cœur de Jésus. Plusieurs fois Jésus se ma­nifesta à elle le jour de la fête de saint Jean. Chaque année, c'était pour elle un jour de grâces. «Je devais me fondre de confusion et d'actions de grâces, écrivait-elle, lorsqu le jour de la fête du bien-aimé de notre cher Bien-Aimé, il me revint à la mémoire que ce fut à pareil jour que ce di­vin époux me fit la grâce incompréhensible de me faire reposer sur son sein avec son bien-aimé disciple» (Lettre 93, à la mère de Saumaise).

Résolutions. - O saint Jean, soyez mon guide dans l'amour du Cœur de Jésus, dans l'assiduité et la délicatesse à son service. Je veux le suivre partout avec vous et comme vous, en faisant partout son bon plaisir. Aidez-moi.

Colloque avec saint Jean.

28 Decembre

Sur la manifestation de Notre-Seigneur
aux bergers

Pastores loquebantur ad invicem: Transeamus usque Bethléem et videamus hoc verbum, quod factum est, quod Do­minus ostendit nobis. Et venerunt festi­nantes et invenerunt Mariam et Joseph et infantem positura in praesepio (S. Luc., 2,15).

Les bergers se dirent l'un à l'autre: Passons jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, et ce que le Seigneur nous a fait connaître. S'étant donc hâtés d'y al­ler, ils trouvèrent Marie et Joseph avec l'enfant couché dans une crèche (S. Luc, 2,15).

1er Prélude. Notre-Seigneur commence son œuvre de rédemption par les petits et les humbles. Quelle joie pour les bergers, mais aussi quelle docilité et quel empressement de leur part!

2e Prélude. O Jésus, donnez-moi aujourd'hui la grâce de la fidélité à la vue des ber­gers et l'amour du sacrifice à la vue de la gloire dont vous gratifiez les petits Martyrs in­nocents.

Ier POINT: Appel des bergers et leur docilité. - Jésus est à peine sorti du sein de sa mère, qu'il commence sa fonction de Sauveur. Ne pouvant s'annoncer lui-même par sa bouche, qu'il a condamnée au silence pour se conformer aux autres enfants, il substitue des intelligences célestes à son impuissance volontaire et il les envoie d'abord non pas aux riches et aux grands du monde mais à de pauvres bergers. Il a montré par là qu'il préférait la pauvreté à la richesse et la simplicité à la grandeur.

Ces pauvres pasteurs veillaient à la garde de leurs troupeaux: une lu­mière éclatante les environne, ils sont effrayés: l'ange les rassure, il leur annonce la naissance de Notre-Seigneur, il leur désigne le lieu, il leur dit qu'ils trouveront un enfant emmailloté et couché dans une crèche, et ils partent instantanément, ils quittent leurs troupeaux pour aller adorer l'enfant divin. C'est autant pour nous que pour eux que cette lumière brille, que l'ange apparaît et parle. Soyons fidèles désormais et que rien ne nous arrête quand il s'agira d'obéir à l'attrait de la grâce.

IIe POINT: L'appel de la grâce est plus manifeste pour nous que pour les ber­gers. - Mais Notre-Seigneur n'a-t-il pas fait pour nous plus que pour ces pauvres pasteurs? Et il s'en faut bien que nous ayons été aussi attentifs et aussi dociles à la voix de sa grâce, et aussi fidèles à y répondre par une prompte obéissance.

Nous avons vu la lumière comme eux, lumière bien plus précise et plus multipliée. Notre-Seigneur nous a montré chaque jour ce que nous devions croire et faire pour prendre le chemin de sa crèche. Il nous a fait connaître tout ce qu'il avait fait pour nous depuis sa naissance jusqu'à sa mort.

Son Evangile qu'il nous a laissé est une source où nous pouvons puiser tous les jours les plus pures lumières pour régler notre conduite, puisque nous y lisons tout ce qu'il a dit et fait pour nous sauver.

Les révélations de son Cœur sacré sont pour nous une lumière écla­tante qui doit nous diriger dans notre vocation spéciale. L'ange n'a parlé qu'une fois aux bergers et nous entendons tous les jours la voix de la gra­ce sous toutes ses formes, mais au lieu de veiller pour entendre et pour obéir, nous nous laissons aller au sommeil de la tiédeur.

Allons à la suite des bergers puiser à la crèche une vie nouvelle, une nouvelle énergie pour suivre désormais avec courage la direction de la grâce.

IIIe POINT: Les bergers répondent à l'appel de la grâce avec une grande joie, imitons-les. - L'ange dit aux bergers: Ne craignez pas, je vous annoncer une nouvelle qui sera le sujet d'une grande joie: c'est qu'il vous est ne un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.

Quelle plus agréable nouvelle pour un esclave que d'être délivré de ses chaînes: c'était cela pour les Israélites qui attendaient le Messie. Quelle heureuse nouvelle pour ces bergers d'être appelés les premiers à la crèche! Mais nous, nous avons été appelés à la grâce par le baptême, Notre-Seigneur nous y a ramenés cent fois par la pénitence, il nous a ap­pelés à une vocation choisie; il a bien voulu faire de nous les amis de son Cœur; il nous appelle par cette fête de Noël à nous renouveler dans tou­tes les grâces déjà reçues.

Quelle est notre joie? Quelle est notre félicité? Ne sommes-nous pas insensibles? Cette nouvelle naissance produit-elle dans notre cœur l'im­pression de joie spirituelle qu'elle y doit produire?

Les anges annoncent en même temps aux bergers la gloire qui doit re­venir à Dieu le Père par cette naissance, et la paix qu'elle apporte aux hommes: Gloria in altissimis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis. Sommes-nous ces hommes de bonne volonté, ces hommes dociles et obéissants, qui croient avec simplicité et qui agissent selon leur foi? La paix de l'âme est à ce prix.

Notre-Seigneur attend beaucoup de notre bonne volonté, de notre do­cilité. Nous savons ce que son Cœur demande de nous; le lui donnons­-nous?

Notre vie pratique, quotidienne, constante, répond-elle à notre belle vocation, qui demande de nous le pur amour, la réparation et l'immola­tion?

Prenons auprès des bergers une nouvelle leçon de simplicité, de foi, de docilité à la grâce. Rappelons-nous tout ce que Notre-Seigneur a deman­dé de nous jusqu'à présent pour y répondre désormais avec fidélité. De cette façon, ce Noël sera vraiment pour nous une nouvelle naissance spi­rituelle.

Jetons un regard aussi aujourd'hui sur les petites victimes immolées par Herode, les saints Innocents. Laissons-nous immoler par le glaive du sacrifice, de l'obéissance, de l'abnégation.

Résolutions. - Réveillez mon âme de son assoupissement, ô divin Jésus, conduisez-moi vous-même à votre crèche. Souffrez que j'y demeure à vos pieds pour vous adorer. Parlez à mon âme et donnez-moi assez de docilité pour profiter de vos divines leçons.

Colloque avec Jésus enfant.

29 Decembre

Sur les marques données par l'ange
aux bergers pour reconnaître l'Enfant-Dieu

Natus est vobis hodie salvator, qui est Christus Dominus in civitate David, et hoc vobis signum: Invenietis infantem pannis involutum, et positum in praese­pio (S. Luc., 2,11).

Aujourd'hui vous est né un Sauveur, le Christ Notre-Seigneur, dans 'la cité de David, et voici le signe pour le reconnaî­tre: vous trouverez un enfant enveloppé de langes et posé dans une crèche (S. Luc, 2,11).

1er Prélude. Jésus réunit la grandeur divine et la faiblesse d'un enfant. Il sent cette humiliation et l'offre à son Père en sacrifice de réparation.

2e Prélude. O Jésus, attirez mon cœur, comme vous avez attiré celui des bergers et enseignez-moi l'humilité.

Ier POINT: La naissance de Jésus et la naissance des grands de la terre. - Le fidèle: O divin Enfant, vous avez parlé aux bergers par vos anges, parlez-moi vous-même aujourd'hui par votre inspiration. - Le Sau­veur: «Vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche». Tels furent les signes que je donnai aux bergers par mes anges. En est-il ainsi à la naissance des princes de la terre? Non, ce sont alors des fêtes bruyantes: les cités s'illuminent, les palais retentissent d'accla­mations. L'or, la soie, les broderies et tout ce qu'on peut trouver de plus magnifique brille aux langes et aux berceaux des enfants des rois. Les courtisans sont dans l'agitation.

Quel contraste! Ici c'est la nuit sombre, la solitude, le silence; ce sont des langes grossiers; une étable et des animaux. Reconnaissez-vous mon humilité et mon amour pour vous?

«Vous trouverez un enfant». Il faut ici exercer votre foi. C'est votre Dieu, et vos yeux vous présentent un enfant. La foi vous dit que les cieux et la terre ne peuvent contenir votre Dieu et que les séraphins entourent son trône en chantant des cantiques, et ici vous ne voyez qu'un enfant sur la paille, entouré d'animaux. C'est bien votre Dieu cependant, et il est d'autant plus fort pour vous sauver qu'il a épousé votre faiblesse, et d'autant plus aimable que son amour pour vous l'a humilié davantage. Apprenez donc à m'aimer comme vous le devez, à répondre à mes bon­tés qui sont infinies, à m'aimer sans partage jusqu'au dernier soupir de votre vie.

IIe POINT: Notre-Seigneur nous demande l'amour de retour. - Le fidèle: Parlez encore, Seigneur, expliquez-nous votre message aux bergers. - Jésus: Voyez quel étonnant spectacle: vous trouvez à la crèche un Dieu et un enfant, la grandeur et la bassesse, la lumière et les ténèbres, la toute-puissance et la faiblesse, la gloire et l'infamie, la source des trésors et la pauvreté; un Dieu éternel qui vient de naître, le Verbe de Dieu qui se tait.

Je réunis tous ces contrastes, j'opère tous ces miracles parce que je vous aime. Apprenez de mon cœur de petit enfant combien vous devez m'aimer.

Je ne suis pas comme les autres enfants, dont l'esprit est incapable de raisonner et même de penser, et le cœur de sentir et d'aimer. Je ne suis pas dans l'inaction, dans l'impuissance et dans l'insensibilité. Venez, pénétrez dans mon cœur d'enfant pour connaître, pour sentir, pour ai­mer et pour adorer ce qui s'y passe en votre faveur et pour en tirer des motifs d'une tendre reconnaissance.

Sous le voile de mon enfance, mon esprit est un abîme de science et de sagesse, qui contient et qui cache tous ses trésors aux yeux des hommes par une humilité profonde. J'adore mon Père céleste en esprit et en véri­té, et je m'offre à lui en sacrifice pour sa gloire et pour votre amour.

Mon cœur d'enfant, mille fois plus ardent que les séraphins, brûle d'un amour ineffable pour mon Père et pour vous, puisqu'il vient se sa­crifier pour vous donner la vie de la grâce et la vie de la gloire. - Et pour tant de bontés, qu'est-ce que j'exige de vous? Je veux seulement que vous m'aimiez.

IIIe POINT: Les prodiges qui accompagnaient la naissance de Jésus témoi­gnaient de sa grandeur et de sa puissance. - Le fidèle: Dites-moi encore, Sei­gneur, comment je relèverai votre humilité par mes adorations. - Le sauveur: Je suis caché dans une pauvre étable, et j'y apparais aux yeux de tous faible et désarmé: cependant, si vous ouvrez les yeux de la foi sur ce qui s'y passe, vous y découvrirez des marques si éclatantes de ma grandeur, de ma puissance et de ma divinité, que vous n'hésiterez pas un instant à m'adorer comme votre Dieu; et vos respects et votre amour augmenteront à mesure que vous me verrez plus faible et plus humilié.

Tout faible que je suis, je crée une étoile brillante, qui l'emporte en clartés sur toutes celles du firmament, et par cet astre miraculeux, j'atti­re trois souverains qui quittent leurs trônes pour venir me faire homma­ge de leurs diadèmes comme à leur premier souverain et pour m'adorer comme à leur Dieu. J'appelle les pauvres pasteurs, qui paissent leurs troupeaux, pour venir reconnaître le Messie; les anges descendent du ciel pour venir chanter leurs cantiques dans cette étable.

C'est ainsi que le ciel et la terre ne peuvent résister à mon attrait, quoique je paraisse dans la dernière faiblesse. Unissez vos adorations à celles des anges, des rois et des bergers.

Voyez comme j'ai choisi l'humiliation en me revêtant d'une chair fra­gile, sujette à toutes les misères sauf le péché, quand je pouvais vous ra­cheter sans m'exposer à tant de souffrances. Voyez quel excès de bonté je vous ai témoigné en me faisant enfant. Si je n'étais pas Dieu, l'enfance ne m'humilierait pas. L'homme en naissant acquiert l'être qu'il n'avait pas et qui se développera avec les années. D'ailleurs il ne sent pas l'hu­miliation de l'enfance. Mais moi, j'en sens toute la disgrâce. Je souffre en silence cette humiliation par amour pour vous et pour toucher votre cœur.

Résolutions. - Refuserai-je encore de m'humilier à la vue de toutes mes misères? Refuserai-je mon cœur à cet enfant, qui m'a tant aimé? O Jésus, attirez mon cœur comme vous avez attiré celui des pauvres ber­gers.

Colloque avec Jésus-Enfant.

30 Decembre

Même sujet:
sur les signes donnes par les anges
pour reconnaître le Sauveur

Invenietis infantem pannis involutum Vous trouverez un enfant enveloppé de et positum in praesepio (S. Luc., 2,11). langes et déposé dans une crèche (S. Luc., 2,11).

1er Prélude. Les anges parlent et nous indiquent comment nous trouverons à la crè­che les signes et les symboles de la mortification, de la pénitence et du détachement.

2e Prélude. Messagers célestes, demandez pour moi la grâce de bien comprendre ces divines leçons.

Ier POINT: L'enfant divin s'humilie par amour pour nous. - Venite adore­mus: allons et adorons l'humble enfant de la crèche. La raison nous dit qu'un enfant couché sur le foin dans une crèche n'a rien d'adorable; mais un ange parle, c'est une voix du ciel, il faut que notre foi s'incline. Il nous dit que cet enfant est notre Sauveur; allons avec les bergers, ado­rons notre souverain et notre Dieu; exprimons notre amour et notre re­connaissance à ce Sauveur caché sous les voiles de l'enfance.

Méditons les signes donnés par l'ange: «Vous trouverez un enfant». Oui, mais cet enfant est un prophète et un docteur, qui vient vous ap­prendre que l'homme n'est rien et qu'il ne doit pas 'élever, quand Dieu, qui est la grandeur même, s'abaisse pour son amour à l'humble condi­tion d'un enfant pauvre.

Approchons-nous sans crainte: les mains de l'adorable enfant qui re­pose en cette crèche comme sur son trône d'amour et de grâce , ne sont plus armées de foudres, mais elles sont serrées dans les langes et ne sor­tent de ces liens que pour nous caresser. Nous ne verrons dans ses yeux enfantins aucune marque de hauteur ou de colère, mais au contraire des signes ardents de sa bonté et de sa tendresse. Ses larmes mêmes sont une preuve que nos misères le touchent et qu'il n'est venu dans cet état d'en­fance que pour les prendre sur lui et pour nous en délivrer.

Considérons cet enfant enveloppé de langes, il paraît faible comme les autres enfants et cependant c'est notre Dieu tout-puissant. Oui, il est fai­ble là, mais il ne l'est que parce qu'il l'a voulu. Il aime cette faiblesse parce qu'elle est la preuve de son amour pour tous les hommes qu'il veut sauver.

Nous sommes plus redevables à cette faiblesse qu'à la puissance du Créateur. Par sa puissance, Dieu nous a tiré du néant, mais par sa fai­blesse l'Enfant divin nous a rachetés, il nous a tirés du péché, de la mort et de l'enfer. Sans cette faiblesse, nous n'aurions aucun droit au céleste héritage, aucune lumière, aucun secours pour nous y conduire, aucune grâce pour le mériter. Il n'a épousé notre faiblesse que pour nous revêtir de sa force divine.

IIe POINT: Leçons de détachement et de pauvreté. - Les langes du Sauveur doivent nous instruire en même temps qu'ils nous touchent de compas­sion. Ils condamnent l'attachement que nous avons aux commodités de la vie. Notre-Seigneur a voulu en faire un signe sacré et un symbole de la pauvreté, de la mortification et de la pénitence. Mais ces langes ne sont­ils pas un reproche pour nous, qui aimons nos aises et qui manquons si souvent à la perfection de la pauvreté?

Une étable, de la paille, du foin, une crèche, voilà le palais de Notre­Seigneur, le palais du Roi des rois. Voilà le lit commode et doux où re­posera pendant quelques jours le corps délicat de l'Enfant divin.

Voilà les ameublements qui feront tout l'éclat de ses appartements. Voilà où il pourra avec sa Mère recevoir à son audience trois rois, qui viendront au nom de tous les gentils contracter alliance avec lui. Voilà ce qui doit confondre notre délicatesse. Il a voulu souffrir de la pauvreté, pour nous donner l'exemple et nous enseigner que la mortification est la source de la grâce et du salut. Prenons garde que sa crèche ne nous con­damne un jour.

IIIe POINT: Leçons de sacrifice. - Voilà ce que l'amour de Notre­Seigneur a fait pour nous en venant au monde. C'est aussi tout ce qu'il pouvait faire dans un âge si tendre, pour nous prouver toute la tendresse de son Cœur pour nous, en attendant que l'heure soit venue des grands travaux, des souffrances infinies et de la mort cruelle de la croix pour nous procurer la vie de la grâce et celle de la gloire.

Allons donc avec respect, avec amour, avec reconnaissance à sa crè­che. Allons-y avec la compassion que méritent ses premières souffran­ces, ses premières larmes, ses premiers gémissements, qui sont le prélu­de des grandes souffrances de sa passion.

Notre-Seigneur retrouve encore les rigueurs et les tristesses de la crèche aujourd'hui dans bien des tabernacles abandonnés, dans bien des églises mal tenues et désertes, dans bien des cœurs qui le reçoivent si froidement, si durement. L'état de certains cœurs, qui osent le recevoir dans l'Eucharistie, lui est plus pénible, plus rebutant, plus crucifiant que les langes, le foin et les ordures de l'étable de Bethléem. Et encore, si ces cœurs n'étaient pas parfois ceux de ses amis, de ses prêtres, de ses reli­gieux, qu'il a comblés de grâces, qu'il a aimés d'un amour de préférence et qui n'y pensent pas et n'en ont aucune reconnaissance!…

Résolutions. - Seigneur Jésus, je m'unis aux anges de votre crèche pour dire les louanges de votre Père et les vôtres: Gloria in excelsis Deo! Je veux répondre à votre amour par l'amour de retour et la reconnaissance. Je comprends la leçon de détachement, de pauvreté, de mortification, que vous me donnez et je veux réformer dans ma vie plusieurs manque­ments que je commets encore contre ces vertus.

Colloque avec les anges.

31 Decembre

Miserere! Deo gratias! Fiat!

Generatio mea ablata est et convoluta est a me, quasi tabernaculum pastorum. Praecisa est velut a texente vita mea… Recogitabo tibi omnes annos meos in amaritudine animae meae (Gant. Eze­chiae, Isaiae, cap. 38).

Le temps de ma vie passe comme la tente d'un berger qu'on replie; comme le fil que coupe le tisserand… Je repasserai devant vous, ô mon Dieu, toutes les an­nées de ma vie dans l'amertume de mon âme (Gant. d'Ezéchias, Isaïe, chap. 38).

1er Prélude. Je vois cette année se finir, c'est encore une étape et j'approche de la fin.

2e Prélude. Mon Dieu, inspirez-moi les sentiments que je dois former dans mon cœur à cette fin d'année.

Ier POINT: Miserere. - Saint Ignace, disait que ce triple cri «Misere­re! Deo gratias! Fiat!» devrait sortir quotidiennement de notre cœur. Il y a surtout des motifs pressants de pousser ce triple cri au dernier jour de l'année.

La fin de l'année est une image de la fin de la vie, elle nous la rappelle. Entrons dans les sentiments d'Ezéchias, qui, se voyant à la veille de mourir, s'humiliait et déplorait ses fautes.

Miserere!… Ne sentons-nous pas le besoin d'implorer la miséricorde divine, quand nous songeons à nos fautes et à toute l'indifférence et l'in­gratitude que nous avons montrées, dans le cours d'une année, envers le Sacré-Cœur de Jésus?

Notre vie eût-elle été de celles qu'on nomme pieuses, gardons-nous de nous enorgueillir comme le Pharisien, imitons plutôt l'humilité du Pu­blicain, car, si nous avons fait peu de mal, avons-nous fait tout le bien que Notre-Seigneur attendait de nous?

N'avons-nous pas à trembler en examinant la proportion entre les grâces reçues et le peu de fruit que nous avons tiré?

Le livre de l'Imitation nous demande l'extirpation d'un défaut chaque année, y sommes-nous arrivés?

Pensons aussi à la tiédeur de tant d'âmes qui provoquent les vomisse­ments de Notre-Seigneur; pensons aux péchés qui blessent le plus son Cœur, ceux du peuple choisi, ceux des coupables qui scandalisent les enfants. Notre amende honorable aujourd'hui doit être incessante pour tous ces péchés accumulés pendant une année.

IIe POINT: Deo gratias! - Ne faut-il pas aussi rendre grâce à Notre­Seigneur pour tous les bienfaits que nous avons reçus cette année? Il nous a supportés, il nous a pardonnés, il nous a bénis dans nos œuvres.

Son Cœur s'est ouvert largement pour nous. N'est-il pas juste que nous soyons reconnaissants?

Si en ce jour un enfant bien élevé embrasse tendrement ses parents de qui il tient la vie et qui continuent à l'entourer de leurs soins, n'avons­-nous pas quelque témoignage d'affection à donner à notre Père du ciel, si aimant et si généreux?

La fréquence même de ses bienfaits, la continuité de sa bonté ne nous font-elles pas oublier le devoir de la reconnaissance?

Réparons aujourd'hui nos oublis et nos ingratitudes.

Sans doute l'année a eu ses deuils et ses tristesses. Ce serait héroïque de remercier Dieu de ces épreuves même qui avaient dans ses desseins sur nous un but de purification et de sanctification. Sainte Elisabeth de Hongrie, dépouillée de ses biens, chantait le Te Deum. Job bénissait le Seigneur qui tantôt nous prodigue ses dons et tantôt nous les retire.

A travers nos larmes, bénissons Dieu en pensant aux joies éternelles qui seront la récompense des épreuves d'aujourd'hui.

IIIe POINT: Fiat! - Que la volonté de Dieu soit faite! Telle doit être la parole qui termine cette année et qui ouvre l'année nouvelle.

je dois avoir confiance en la sagesse de Dieu. je lui dois un amour d'acquiescement à sa providence et de conformité à sa volonté.

Fiat! pour les douleurs passées, présentes et futures.

Fiat! pour le fardeau de douleurs, d'infirmités et de labeurs qu'il fau­dra continuer à porter.

Remettons à la Providence toutes les éventualités, toutes les incertitu­des de l'année qui va commencer, et demandons-lui seulement la grâce d'être à la hauteur de l'accomplissement de ses desseins.

Disons un Fiat! même pour la grande incertitude, celle de la durée de notre vie. L'année qui va commencer ne sera-t-elle pas la dernière? Serons-nous encore là dans un an? Fiat voluntas Dei! Mais cette incertitu­de même nous oblige à réfléchir, à regretter les fautes passées, à nous te­nir dans la grâce de Dieu et dans son amour. Si nous étions sûrs que cet­te année sera la dernière, comment agirions-nous? Eh bien! cette incerti­tude même est un stimulant. Heureux et sage est le chrétien qui passe chaque année de sa vie comme si elle devait être la dernière!

Je veux me mettre dans cette disposition.

Résolutions et prière. - Seigneur, me voici prosterné à vos pieds, con­fus, humilié, contrit. Ne me rejetez pas. je vous demande pardon de mes fautes. je vous rends grâce de vos dons. je vous offre vos propres mérites, votre sang, votre croix, votre mort, pour obtenir mon pardon et ma conversion. Je me jette dans l'océan de miséricorde de votre divin Cœur, pour obtenir le pardon de toutes mes fautes.

Colloque avec notre divin juge et bienfaiteur.

NOTES GENERALES

Nous plaçons les fêtes mobiles à leur date moyenne. On les prendra le jour où elles tomberont et le lendemain on se remettra à la date courante du mois où l'on est.

La fête de Pâques peut tomber du 23 mars au 25 avril. Nous donnons des méditations spéciales pour la quinzaine de Pâques en supplément au mois de mars. On les commencera le jour où tombe le dimanche des Ra­meaux, et quand elles seront terminées, on se reportera à la date où l'on est. Les sujets seront toujours adaptés à la période liturgique où l'on se trouve. Nous avons mis en effet du 6 au 22 avril des méditations sur le testament de Notre-Seigneur, qui peuvent se faire aussi bien avant Pa­ques qu'après.

POUR UNE RETRAITE

Pour une retraite de six jours, on peut prendre les 24 méditations que nous donnons pour les retraites du mois.

Pendant les trois premiers jours, on se servirait des deuxièmes médita­tions de chaque mois, de janvier à décembre. La première serait sur le salut et la douzième sur l'enfer.

Pendant les trois derniers jours, on prendrait les premières médita­tions de chaque mois, mais en suivant plutôt l'année liturgique, de dé­cembre à novembre: la première serait sur la vie d'humilité et la douzie­me sur la vie intérieure.

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