Première Méditation: Dieu est charité

I. Lecture de l'épître I^re de saint Jean (Ch. IV, vers. 8-16).

8. Qui non diligit non novit Deum, quoniam Deus chantas est.

9. In hoc apparuit charitas Dei in nobis, quoniam Filium suum unigenitum mi­sit Deus in mundum, ut vivamus per eum.

10. In hoc est charitas, non quasi nos dilexerimus Deum, sed quoniam ipse prior dilexit nos et misit Filium suum propitiationem pro peccatis nostris…

14. Et nos vidimus et testificamur quoniam Pater misit Filium suum salvatorem mundi.. .

16. Et nos cognovimus et credidimus charitati quam habet Deus in nobis. Deus chantas est et qui manet in charitate, in Deo manet et Deus in eo.

8. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est charité.

9. L'amour de Dieu pour nous s'est manifesté quand il a envoyé son Fils unique sur la terre, pour que nous ayons la vie par lui.

10. Telle est la charité: ce n'est pas nous qui avons commencé à aimer Dieu, c'est lui qui nous a aimés le premier, et il a envoyé son Fils comme une victime de propitiation pour nos péchés…

14. Nous avons vu et nous sommes témoin que Dieu a envoyé son Fils pour sauver le monde…

16. Nous reconnaissons l'amour que Dieu a pour nous et nous y croyons. Dieu est amour: celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui.

II. Sommaire. Dieu est l'être infini. Il est puissance, il est sagesse, mais il est surtout amour.

L'amour a sa racine et son fondement objectif dans la beauté et la bonté de Dieu.

Il existe d'abord en Dieu formellement. Dieu connaissant son amibili­té infinie s'aime infiniment. C'est un incendie d'amour.

Cet amour divin se communique. Dieu aimant sa beauté et sa bonté désire qu'elles soient connues, aimées, louées. C'est pour cela qu'il pro­duit les créatures raisonnables.

L'amabilité divine reporte vers Dieu les créatures, les anges et les hommes; et par les hommes toutes les créatures qui sont résumées en eux et faites pour eux.

Dieu nous a manifesté particulièrement son amour par ses prodigieux bienfaits dans l'incarnation et la rédemption.

C'est donc en aimant Dieu pour lui-même et par pur amour que nous serons semblables a lui.

Ce sera notre joie éternelle.

I. Relire le texte de l'épître de saint Jean.

II. Meditation.

Le fidèle. - Seigneur, je suis à vos pieds, éclairez-moi. Aimer, c'est votre vie et cela doit être la mienne. Donnez-moi la grâce de le comprendre.

Le Sauveur. - Mon Fils, Dieu est amour, comme vous l'enseigne mon disciple bien-aimé, saint Jean: Deus charitas est.

Dieu est en soi l'être infini, indépendant, immuable, éternel. Ego sum qui sum (Exod. III). Dieu est puissance, Dieu est sagesse, mais il est sur­tout amour.

La vie même de Dieu est la pleine et parfaite possession de son être par l'intelligence et par l'amour. La vie de Dieu en lui-même, c'est de se connaître et de s'aimer. C'est notre vie dans l'auguste Trinité.

Dieu est un océan immense de vérité, de beauté et de bonté.

La vérité, c'est-à-dire tout ce que l'intelligence peut connaître; la beauté, c'est-à-dire tout ce que l'âme peut admirer; la bonté, c'est-à-dire tout ce que le coeur peut aimer, ont en Dieu leur expression la plus haute et la plus achevée.

Tout ce qu'il y a de beau dans les choses créées, dans les pierres pré­cieuses, dans les plantes et les fleurs, dans les animaux, dans l'âme hu­maine, dans la nature angélique, tout cela est contenu très éminemment dans la beauté divine qui en est la source. Aussi l'aspect de la beauté divi­ne transportera et ravira infiniment plus les habitants du ciel, que la vue de la gloire des saints, de toute la cour céleste et de tout l'univers, bien que cette vue doive être aussi pour eux la source d'incroyables délices.

Dieu est aussi infiniment bon et la source de tout bien. Et tout bien créé n'est qu'une légère participation et une petite étincelle de ce bien infini.

C'est ce ravissant spectacle de beauté et de bonté que les anges et les saints contempleront pendant toute l'éternité. Ils puiseront sans fin à cette source intarissable de ravissement et de bonheur, qui constitue no­tre félicité infinie dans la sainte Trinité.

Dieu connaissant son amabilité infinie s'aime lui-même infiniment. Dieu ne peut contempler ses perfections sans s'aimer d'un amour aus­si infini que ses perfections mêmes; et dans cette connaissance et cet amour il trouve sa suprème béatitude. Il s'aime parée qu'il se connaît et qu'il ne peut rien connaître de meilleur ni d'aussi bon. Il est heureux parce qu'en se possédant, il possède le souverain bien qu'il aime. En Dieu, ces trois choses, se connaître, s'aimer, être heureux sont la nature même de Dieu qui est tout intelligence, tout amour, toute félicité.

Mais la bonté est communicative.

Dieu communique de toute éternité sa nature infinie aux personnes divines, à son Fils et à son Esprit.

Avant la création, son amour se terminait à lui, mais sa bonté a pro­duit les créatures à son image et à sa ressemblance. Parce qu'elles lui res­semblent, il les aime nécessairement. Son amour s'étend sur elles et spé­cialement sur les êtres intelligents.

Ainsi l'amour que Dieu a pour vous n'est point autre que celui qu'il a pour lui-même, et quoique cet amour soit libre dans ses effets extérieurs, il est nécessaire dans son principe. Dieu, par la raison qu'il s'aime, ne peut point ne pas vous aimer, tant que vous ne vous rendez pas indignes de son amour en cessant de l'aimer vous-mêmes. De même, il vous com­muniquera nécessairement son bonheur dans la mesure où il lui a plu de vous y appeler, si vous en remplissez l'indispensable condition, qui est de l'aimer.

L'amour divin est un cercle: il descend vers les créatures et il remonte avec elles vers Dieu.

Il existe d'abord en Dieu formellement. Dieu connaissant sa beauté et sa bonté infinies s'aime infiniment.

Il désire que cette beauté et cette bonté soient connues, louées, ai­mées; il produit les créatures, qui l'aimeront et qui auront pour fin de l'aimer.

L'amabilité divine reporte vers Dieu toutes les créatures: les anges et les hommes, et par les hommes toutes les.créatures résumées en eux et faites pour eux.

L'amour de Dieu est donc le principe et la fin de la création. Dieu vous a créés pour épancher son amour et pour que cet amour remonte vers lui.

L'amour de Dieu relativement aux hommes devient sa bénignité. C'est une propension infinie qu'il a à faire du bien et à faire un bien im­mense et éternel. Confitemini Domino quoniam bonus, quoniam in saeculum mi­sericordia ejus (Ps. 117).

C'est ce penchant qui l'a porté à créer les anges et les hommes, afin de les rendre participants de sa divinité et de sa gloire.

Mais ce n'est pas la seule manifestation de sa bénignité. C'est par elle qu'il gouverne le monde et en particulier les hommes avec une providen­ce si paternelle.

Sa miséricorde a éclaté particulièrement après le péché. Loin de reje­ter ses créatures qui étaient perdues, il s'est comporté à leur égard avec la plus grande douceur. Il m'a envoyé moi, son Fils, avec la mission de m'incarner, de me rendre visible parmi les hommes, de converser avec eux et de les relever de leurs péchés. Sic enim Deus dilexit mundum ut Filium suum unigenitum daret (1 Ep. S. Jean. IV. 16).

Il m'a donné pour mission de vous enseigner la voie du salut, de vous donner des exemples de bien vivre, et de satisfaire à la justice divine pour vous, en vous rachetant par ma passion et par ma mort et en vous purifiant dans mon sang. Non enim misit Deus Filium suum in mundum ut judicet mundum, sed ut salvetur mundus per ipsum (1 Ep. S. Jean. IV. 17).

C'est par un dessein de son amour que mon coeur a été percé, pour vous ouvrir une source intarissable de grâces. C'etait mettre le comble à l'amour par lequel je donnais ma vie pour vous. In hoc ergo cognovimus cha­ritatem Dei, quoniam ille animam suam pro nobis posuit (1 Ep. S. Jean. III-16).

Il a voulu encore que je vous sanctifiasse par son esprit, que je vous fisse enfants de Dieu et que je vous laissasse munis pour votre salut de très puissants secours adaptés à votre nature. Saint Jean constate et énu­mère tous ces bienfaits: Videte qualem charitatem dédit nobis Pater, ut filii Dei nominemur et si mus (1 Ep. III. 1).

Mais ce qui est plus merveilleux encore, c'est que Dieu voulut que, tout en montant au ciel, je demeurasse cependant d'une manière admi­rable dans le sacrement de l'Eucharistie, pour être toujours par ma pré­sence une source de consolation pour ses enfants exilés; pour être aussi une hostie qu'ils pussent offrir comme sacrifice de propitiation et d'im­pétration et une manne divine qui les rendit participants de la divinité. Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi.

Enfin la bénignité divine éclate particulièrement envers les pécheurs. Non seulement Dieu les souffre patiemment, quoiqu'ils retombent sou­vent dans leurs péchés, mais il les rappelle à lui, il les invite à la péniten­ce et quand ils reviennent, il les reçoit avec bénignité et tendresse et les rétablit dans leur premier état d'enfants de Dieu.

Vous l'avez compris: Dieu est amour et son amour appelle et sollicite le vôtre.

Vous êtes vraiment tout amour, ô mon Dieu! Infiniment bon, vous ravissez tous les coeurs qui ne sont pas aveuglés par le péché.

Celui qui ne vous aime pas ne vous connaît pas, car vous êtes tout ai­mable. Vous nous avez aimés le premier. Vous nous avez donné votre Fils et vous nous avez tout donné avec lui.

Celui qui ne vous aime pas n'a pas votre esprit.

Je vous prouverai mon amour en accomplissant avec soin aujourd'hui ma résolution quotidienne de tout faire par amour pour vous, et je cher­cherai quelque occasion de dire et de faire connaître votre amour.

- Deus charitas est (1. Joan. IV).

- Ipse prior dilexit nos, et misit Filium suum propitiationem pro peccati s no­stris (Ibid).

- Qui manet in charitate, in Deo manet et Deus in eo: (Ibid).

- Dieu est amour (1 ep. S. Jean, IV).

- Il nous a aimés le premier et il a envoyé son Fils en victime de pro­pitiation pour nos péchés (Id.).

- Celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui (Id.).