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Souvenirs
1843 - 1877
1912

A mes fils spirituels

de la Congrégation des Prêtres

du Cœur de Jésus

Rome, 14 mars 1912

Mes bien-aimés fils,

I. - J'entre aujourd'hui dans ma soixante-dixième année. C'est la vieillesse. Cette date m'avertit que mon passage au milieu de vous ne se­ra plus très long. C'est une occasion pour moi de m'entretenir paternel­lement avec vous, de vous ouvrir mon cœur, de vous rappeler ce que j'ai voulu faire sous l'inspiration de la grâce divine, et de vous redire ce que j'attends de vous ou plutôt ce que le Sacré-Cœur de Jésus vous deman­de. C'est comme mon testament spirituel.

II. - Il faut commencer par un acte d'humilité. Fonder une congréga­tion, c'était une grande œuvre. Nous y travaillons ensemble depuis trente-cinq ans. J'ai conscience pour ma part de beaucoup de fautes commises. L'œuvre devrait être beaucoup plus avancée. Ses fruits au­raient dû être infiniment plus grands. Je sens tout cela beaucoup plus que je ne puis le dire. C'est par un miracle de miséricorde que Notre­-Seigneur nous a supportés et nous a laissé notre mission. C'est une de ses promesses à Marguerite-Marie, vous le savez, que les congrégations vouées au Sacré-Cœur ne périront pas, qu'il les guérira et les relèvera quand ce sera nécessaire.

Aidez-moi tous à demander pardon à Notre-Seigneur de toutes les fautes qui ont été commises dans la Congrégation par son chef et par ses membres depuis qu'elle a commencé.

III. - Il n'y a plus guère parmi nous de témoins de nos commencements, je veux vous redire les conditions de nos débuts, afin que vous sachiez bien que c'est une œuvre toute surnaturelle et tout inspirée par la foi et par la grâce.

J'avais la vocation religieuse depuis le temps de mon adolescence. C'était toujours la conclusion de mes retraites. Mais je n'avais pas de lu­mières pour faire le choix d'une communauté plutôt que d'une autre. Je cherchais et j'attendais. Tout mon attrait était pour le Sacré-Cœur et la réparation.

En attendant, je me dévouais aux œuvres à saint-Quentin, et les œuvres entreprises me liaient de plus en plus et rendaient mon départ diffi­cile.

Cependant en 1877, je n'y tenais plus. Par ma correspondance et par quelques voyages, je cherchai si mon attrait pour le Sacré-Cœur et la ré­paration pouvait trouver satisfaction dans quelque œuvre établie.

Je savais que le Saint-Esprit inspirait de plusieurs côtés le même at­trait de réparation eucharistique et sacerdotale.

A Paris, la Mère Marie-Thérèse, fondatrice de l'Adoration Réparatri­ce, avait eu des vues sur une œuvre de prêtres. On avait essayé. Un saint prélat, Monseigneur Luquet, avait commencé avec un jeune prê­tre, puis il y avait renoncé et il était allé mourir à Rome. Sa tombe était dans la chapelle de mon séminaire.

A Marseille, où régnait l'esprit de Monseigneur Belzunce et de la Vén. Soeur Madeleine de Rémusat, les pieuses Victimes du Sacré­-Cœur avaient eu les mêmes vues. Leur aumônier, l'abbé d'Arbaumont, sous le nom de Père Jean du Sacré-Cœur, avait commencé, avec quel­ques autres, une œuvre de prêtres. Il est mort à la tâche, saintement et sans successeurs. Il était déjà isolé et souffrant quand je commençai.

A Tours, sous l'inspiration d'une sainte carmélite, la soeur Saint­-Pierre, M. le chanoine janvier commençait une œuvre sacerdotale de réparation envers la Sainte-Face; mais tout mon attrait était pour le Sacré-Cœur.

A Grenoble, il y avait tout un mouvement d'idées en faveur de la ré­paration sacerdotale. Les manifestations de La Salette y avaient contri­bué. Mgr Fava était ardent pour ce projet, le Rev. Père Giraud cher­chait. La Vénérée Mère Véronique, fondatrice des Soeurs Victimes, es­sayait de grouper des prêtres, mais il n'y avait encore rien de bien défini et rien d'organisé.

A Limoges et à La Souterraine, les Soeurs du Sauveur, fondées par la Vén. Mère Marie du Bourg, désiraient des Pères du Sauveur.

A Bourg, on pensait à fonder des Prêtres pour la garde d'honneur.

Je ne trouvais rien qui soit bien en train, et d'ailleurs j'étais trop lié par mes œuvres commencées pour pouvoir partir. Mes directeurs et conseillers le reconnaissaient. Que faire?

A Saint-Quentin, les Soeurs Servantes du Cœur de Jésus avaient les mêmes aspirations pour une œuvre de prêtres. J'en vins à me demander si la Providence ne voulait pas m'amener à commencer quelque chose moi-même. Je m'en ouvris à notre bon évêque, Mgr Thibaudier. Il y ré­fléchit et me fit cette proposition: «Vous désirez grouper des prêtres; moi, je désire un collège à Saint-Quentin. Vous pourriez commencer vo­tre œuvre sous le couvert d'un collège».

IV. - La grande décision. - Il s'agissait de connaître d'une manière certaine la volonté de Dieu.

Au for externe, c'est Mgr de Soissons qui avait mission pour décider, puisque les nouvelles congrégations commençaient par des groupements diocésains. Il m'avait déjà donné verbalement son assentiment à la fête du Sacré-Cœur, il m'envoya sa décision écrite le 14 juillet.

Au for interne, je consultai mon directeur habituel, un saint jésuite, le Rév. Père Modeste. Lui-même en parla à deux saints religieux avec lesquels j'avais fait des retraites, le Père Dorr et le Père Bertrand, puis il me dit: «Marchez».

Je me mis en retraite chez les Soeurs, du 16 au 31 juillet, pour écrire les Constitutions.

J'avais acheté l'Institution Saint Jean le 14 juillet. L'œuvre était commencée.

V. - Encouragements surnaturels. - Pour une œuvre de cette importan­ce, il arrive d'ordinaire que Dieu fait connaître lui-même sa volonté. Ses organes sont les saints. Je cherchai à connaître les lumières et les impres­sions des saintes âmes contemporaines sur notre entreprise.

Je vis don Bosco à Paris, il fut très affirmatif. «Votre œuvre est bien de Dieu». Il répéta son jugement à son secrétaire, qui m'en fit part ensuite.

Je vis plusieurs saintes âmes, fondatrices d'œuvres analogues et favo­risées de grâces surnaturelles:

Soeur Marie du Sacré-Cœur, fondatrice de la Garde d'honneur, à Bourg;

Soeur Marie de l'Eucharistie, fondatrice de l'œuvre du Cœur Eucharisti­que de Jésus, à Paris;

Soeur Saint-Dominique, qui fut l'instigatrice de l'adoration perpétuelle, diurne et nocturne, à Montmartre;

La pieuse dame, qui eut la grâce de voir Notre-Seigneur lui demander à Dijon la fondation de l'association de pénitence en union avec le Sacré­Cœur; et plusieurs autres.

Je ne rencontrai qu'encouragement et union de prières pour le succès de l'œuvre.

M. de Cissey, qui était en rapports avec plusieurs âmes mystiques, m'assurait que leurs vues étaient en conformité avec les nôtres.

Le Rév. Père Schwindenhammer, supérieur général des Pères du Saint-Esprit, qui était le conseiller d'une sainte âme, Soeur Marie de la Croix, m'assurait de sa confiance en notre œuvre.

La vénérée Mère Véronique, avec qui je correspondais, disait à son en­tourage au mois de juillet 1877: «Je prie Notre-Seigneur de faire naître l'œuvre des prêtres quelque autre part, dans des conditions meilleures qu'ici. Priez avec moi». Puis quelques jours après, leur montrant ma let­tre, elle ajoutait: «Nos prières ont été exaucées».

Le Père Laurençot, assistant du Rév. Père général des Jésuites, vit en notre œuvre la réalisation du projet qu'il avait formé avec la Mère Vé­ronique.

Le Rév. Père Wiart, abbé général des Trappistes, a été notre ami dès le commencement. Il m'écrivait en février 1883: «Je désire vivement que nos deux communautés soient unies étroitement d'amitié pieuse, de prières et de sacrifices».

VI. - L'épiscopat. - Un très grand nombre d'évêques nous ont en­couragés. Mgr Thibaudier a autorisé notre fondation. Il était pour nous un père. Il a beaucoup prié pour nous, et quand nous souffrions, il pre­nait part à nos souffrances.

Quand je sollicitai l'approbation du Saint-Siège pour la Congrégation en 1887, il écrivait au Souverain Pontife: «Très Saint-Père, le prêtre Léon Dehon, de mon diocèse, qui, avec mon autorisation, a jeté les fon­dements d'une société de Prêtres du Sacré-Cœur, me prie de solliciter de Votre Béatitude une lettre de satisfaction et d'encouragement, afin que munis de cette paternelle bénédiction, ils puissent, lui et ses associés, travailler avec plus d'allégresse et de fruit à leur sanctification commu­ne, ainsi qu'aux œuvres de zèle et de charité. Je crois devoir, Très Saint-Père, accéder à ses désirs… Il règne parmi ses associés une piété vive, une humilité que je crois réelle et profonde. Tous les membres de cette association professent l'affection la plus filiale et un dévouement absolu au Siège apostolique… Ils dirigent dans la ville de Saint-Quentin, la plus populeuse de mon diocèse, un collège catholique, qui était bien nécessaire et qui fait le plus grand bien. Plusieurs d'entre eux se livrent à la prédication, surtout dans les campagnes, avec édification et succès. D'autres, ainsi que des aspirants de divers âges, s'appliquent à l'étude des lettres, des sciences humaines ou de la théologie, tout en menant la vie religieuse, pour se préparer à remplir dignement les missions qui leur seront confiées dans la suite…».

Mgr Langénieux, archevêque de Reims et plus tard cardinal, aimait à se dire un ami de la première heure. Après le Bref laudatif, en 1888, il m'écrivait ce billet: «Le cardinal-archevêque de Reims se réjouit avec le vénéré et cher Fondateur, de la grâce précieuse qui est accordée à son Œuvre par le Saint-Siège. Toutes les autres faveurs viendront dans leur temps, et celle-ci est la récompense de l'entière soumission à la volonté de Dieu dans une épreuve douloureuse saintement supportée: In cruce sa­lus. Suivez fidèlement cette voie et l'Œuvre grandira en s'affermissant par l'obéissance et le sacrifice. En échange de son dévouement paternel, dont il sera toujours prêt à donner des témoignages, le cardinal demande une prière et il bénit de tout cœur tous les membres de la famille».

Mgr Pie et Mgr de Segur m'honoraient de leur bienveillance. Ils ont connu nos commencements et ils y étaient sympathiques.

Mgr Mermillod était un ami. Il est venu voir nos œuvres à Saint-­Quentin en 1879, et il nous est toujours resté dévoué.

Mgr Fava, évêque de Grenoble, est venu nous voir aussi. Il m'écrivait dès 1882: «Bien cher Père, je me réjouis avec vous de la bénédiction que le bon Maître donne à l'Œuvre réparatrice. J'en ai parlé au Père de la Pas­sardière, qui prêche notre mois de Marie à la cathédrale, et il m'a dit son vif désir d'aller à Saint-Quentin, lorsque ses missions le lui permettront…».

Mgr Jourdan de la Passardière vint en effet. Il m'écrivait après sa visi­te: «Mon Révérend et cher Père, il me tardait de vous remercier de votre cordial et sympathique accueil à Saint-Quentin. Il m'a été bien doux de me reposer quelques heures près de vous, et de m'initier aux détails d'organisation de votre œuvre…».

Quand je sollicitai le Bref laudatif de 1887, plus de trente évêques me donnèrent des lettres de recommandation des plus bienveillantes.

Après le Bref, beaucoup m'envoyèrent leurs félicitations. Mgr l'ar­chevêque de Cambrai m'écrivait: «Je vous félicite vivement du Bref lau­datif que vous avez obtenu de Rome pour votre chère Congrégation. Cette pièce importante est conçue en termes de nature à vous causer une grande joie… Après de tels encouragements, il vous est bien permis de croire que Dieu bénira de plus en plus une entreprise dont le Vicaire de Jésus-Christ se plaît à reconnaître les heureux résultats et les fruits déjà abondants…».

En 1899, j'avais quarante lettres d'évêques de France, de Belgique, d'Allemagne, d'Italie, pour demander la seconde approbation; mais les persécutions qui s'élevèrent en France me firent ajourner la demande d'approbation jusqu'en 1906.

Mgr Gay n'a pas été seulement un ami, il a été un collaborateur. A ma prière, et sur un thème que je lui proposai, en 1882, il adressa un ap­pel à tous les évêques de France en faveur d'une union du clergé dans la prière et la réparation. Trente-trois évêques donnèrent suite à sa deman­de et adressèrent son appel à leur clergé, soit par leur Semaine Religieu­se, soit par une lettre pastorale spéciale. Mgr Gay me communiquait les réponses des évêques et j'en prenais copie.

Mgr l'évêque de Maurienne lui disait: «La pensée d'établir l'union de tout le clergé dans la prière et la réparation pour sauver la société d'un cataclysme imminent, est une pensée qui vient du ciel…».

Mgr l'évêque de Saint-Dié: «Je goûte extrêmement toutes les considé­rations si vraies et si pieuses que vous avez développées dans votre lettre…».

Mgr l'évêque de Marseille: «La pensée que Votre Grandeur a bien voulu me communiquer est dans tous les cœurs qui aiment l'Eglise…».

Mgr de Grenoble: «Ce que vous me proposez, Monseigneur, est né­cessaire, et votre lettre traite le sujet pour moi, je n'aurai qu'à la faire mienne… ».

Mgr d'Annecy: «J'ai reconnu dans cette lettre l'esprit de foi et de cha­rité qui nous a donné par vous tant de belles et saintes choses…».

Mgr de Belley: «Votre projet répond à ce que nous avons déjà organi­sé pour la Garde d'honneur…».

Mgr d'Orléans: «Je partage tous les sentiments et tous les désirs que votre lettre renferme… Cette préoccupation de la réparation est vivante dans toutes les âmes fidèles, c'est elle qui a inspiré et fait éclore cette multitude d'associations qui ont paru depuis plusieurs années…», etc.

Après le Bref laudatif, Mgr Gay m'écrivait: «Cher M. l'abbé, c'est avec une vraie joie que j'ai reçu hier la nouvelle de votre premier succès à Rome et lu le précieux Bref qui loue votre Institut. Cette grâce, depuis longtemps attendue et laborieusement acquise, est le fondement solide qui va porter, j'en ai la confiance, un haut et vaste et saint édifice. Je vous remercie d'avoir compris que je partageais votre bonheur et unirai de tout cœur mes actions de grâces aux vôtres. Comptez-moi toujours parmi vos amis tout dévoués en N.-S.».

VII. - Les concours. - La douce providence du Sacré-Cœur de Jésus a voulu que nous fussions aidés spirituellement par plusieurs commu­nautés qui sont animées du même esprit de réparation. Mais deux famil­les religieuses surtout ont été comme les co-fondatrices de notre œuvre.

Les Servantes du Cœur de Jésus de Saint-Quentin ont eu vis-à-vis de nous une mission qu'on peut appeler maternelle. L'union de prières et de sacrifices avec nous, elles l'ont toujours, et nous devons l'avoir à leur égard; mais de plus, pendant vingt ans, elles nous donnaient un con­cours réel dans nos maisons, s'occupant des enfants de nos écoles et des soins de sacristie et de lingerie, nous aidant même de leurs ressources quand elles le pouvaient.

Les Victimes du Sacré-Cœur de Jésus, filles de la Mère Véronique, sont aussi des coopératrices exceptionnelles.

Leur sainte Mère voulait l'œuvre des prêtres et la préparait. En 1877, elle comprit surnaturellement que l'œuvre se fondait à Saint-Quentin. Elle continua à recruter et à préparer des prêtres, dont les principaux sont venus se joindre à nous et sont devenus mes meilleurs auxiliaires en remplissant auprès de moi les fonctions d'assistant et de maître des no­vices. Les deux fondations se sont fondues en une seule. - La vénérée Mère m'écrivait au 17 juillet 1877: «Nous serons unis dans le Sacré-Cœur de Jésus par les liens de la plus intime charité». Il faut que ces liens demeurent.

D'autres pieuses communautés nous ont promis l'union de prières et de sacrifices. Sentant mon insuffisance, j'allais mendier partout cette coopération.

J'allai à Marseille et à Anvers demander le concours des Victimes du Sacré-Cœur et des Filles du Cœur de Jésus.

La Supérieure de l'Adoration Réparatrice, de Paris, m'écrivait en 1887: «Plus que jamais nous sentons le besoin d'obtenir du Cœur de Jésus-Hostie des âmes sacerdotales, des âmes d'apôtres qui puissent en­flammer tant de pauvres cœurs fermés à la vérité».

Les Visitandines de Bourg, fondatrices de la Garde d'honneur, me di­saient en 1881: «Nous vous soutiendrons par nos humbles prières».

En 1882, la fondatrice de l'association du Cœur Eucharistique de Jésus, m'écrivait: «Nos faibles prières s'uniront aux vôtres pour le but commun-.

Les pieuses Clarisses de Mons nous sont très unies. Chacune d'elles se fait missionnaire avec nous en s'offrant quotidiennement pour l'un de nos missionnaires du Congo.

La sainte fondatrice des Dominicaines de Luxemburg m'a aussi pro­mis une part des ferventes prières de sa communauté.

Les Franciscaines Missionnaires de Marie travaillent avec nous au Congo. Elles sont comme nous à la fois apostoliques et eucharistiques, en fortifiant leur zèle chaque jour par l'adoration du Saint-Sacrement.

Vous comprenez pourquoi nous prions chaque jour Pour nos Soeurs. Nous avons des engagements et des devoirs envers les communautés qui nous aident à divers degrés.

VIII. - Les épreuves. - Au commencement d'une œuvre, il faut des épreuves pour en affermir les fondements. Saint Jean Chrysostome fait cette remarque à propos du mystère de la Fuite en Egypte. «Dès le com­mencement d'une œuvre surnaturelle, dit-il, il faut s'attendre à des ten­tations et des périls. La Sainte Famille et les Mages n'en sont pas exempts».

La Soeur Marie du Sacré-Cœur de la Visitation de Bourg m'écrivait en 1881: «Faut-il vous féliciter, mon Père, de vos débuts? Ou ne faut-il pas davantage encore vous soutenir de nos humbles prières et vous dire surtout: Courage! à de telles missions correspondent ordinairement de si effrayantes épreuves! Je pressens toutes les agonies de votre âme, tou­tes les immolations de votre esprit et de votre cœur… Ce sera un calice de bénédiction pour vos enfants bien-aimés…».

Les épreuves devaient venir, elles sont venues. Ma santé paraissait perdue dès 1878. J'avais de fréquentes hémorragies. Puis vint l'affreux incendie de Saint Jean, la perte de mes parents, des difficultés pécuniai­res. Une Soeur avait reçu un bel héritage qu'elle voulait partager entre les œuvres de sa communauté et les nôtres. J'avais bâti en comptant là dessus. Un parent éloigné de la Soeur, soutenu par la franc-maçonnerie fit casser le testament et nous laissa dans les plus grands embarras.

Des faux frères aussi travaillaient contre nous et nous dénonçaient ça et là, poussés par le diable.

Trois ou quatre Soeurs, bien saintes, étaient mortes prématurément comme saint Louis de Gonzague, en offrant leur vie pour le règne de Notre-Seigneur. Qu'y avait-il là-dessous? des empoisonnements? se de­mandait le monde impie et railleur. La mauvaise presse de Paris envoya ses délégués pour monter un scandale. Ils en furent quittes pour leurs frais de voyage. Mais tout cela était bien angoissant.

Mes confrères portaient leur part de la croix.

Il fallait aller jusqu'à une mort spirituelle. Des renseignements incom­plets donnés à Rome amenèrent le Saint-Siège à décider que notre Con­grégation devait se dissoudre.

C'était le 8 décembre 1883. Mgr Thibaudier partit pour Rome, il prit notre défense, et un décret du 28 mars 1884 nous rendait la vie. Nous avions eu le Consummatum est et la résurrection.

Des épreuves, il y en a toujours dans une vie chrétienne, surtout dans une œuvre réparatrice. Les unes sont pour nous purifier et pour effacer nos péchés, les autres sont pour procurer quelques grâces aux pécheurs. Chaque année a eu sa part. Il faut savoir dire toujours son fiat!

Quelques épreuves sont pour les chefs, d'autres atteignent l'Institut tout entier.

La persécution de l'Equateur brisait là notre belle mission qui avait déjà fait beaucoup de bien pendant neuf ans.

En France, dès 1880, c'est l'épée de Damoclès. Nous sommes mena­cés d'expulsion. Nous transportons notre noviciat en Hollande. Puis viennent les vols et la dispersion en 1903. La lutte et les procès durèrent bien cinq ans.

Et l'an dernier les Russes, qui proclament hypocritement la tolérance religieuse, chassaient nos missionnaires de la Finlande.

Nous portons quelques traits de la vie crucifiée de saint Paul: periculum latronum, periculum ex genere, periculum ex gentibus, periculum ex falsis fratribus.. .

Puissions-nous porter avec lui joyeusement notre croix pour le règne du Sacré-Cœur: Propter quod placeo mihi in infirmitatibus meis, in contumeliis, in necessitatibus, in persecutionibus, in angustiis pro Christo.

IX. - Le Saint-Siège. - Que d'encouragements nous avons reçus des deux grands pontifes Léon XIII et Pie X!

Le 13 mars 1885, Mgr Langénieux demandait à Léon XIII une béné­diction pour notre renouveau, pour la chère congrégation réorganisée après l'épreuve.

Il nous envoyait la bénédiction demandée.

Mgr Thibaudier m'écrivait le 24 mars: (Je suis bien heureux de la gracieuse lettre de Reims et de la paternelle bénédiction du Saint-Père qu'elle vous transmet. Christus factus est obediens usque ad mortem… Vir obe­diens loquetur victorias».

Au 25 février 1888, c'est le Bref laudatif. Il est conçu dans des termes d'une bienveillance toute exceptionnelle. La pieuse Congrégation a surgi comme une plante fleurie et parfumée, au milieu des roses et des épines de ce siècle. Elle est hautement louée par divers évêques, qui demandent que la bénédiction du Pa­pe vienne, comme une rosée fécondante, la faire croître davantage et lui faire produire des fruits abondants. Et le Pape la loue hautement et la recommande.

J'allai remercier le Saint-Père à Rome et j'eus une audience inoublia­ble. Léon XIII se montra très paternel, il m'encouragea et me dit: «J'ai bien lu le décret que je vous ai donné. Je sais que vous faites du bien. Votre but est bien beau. La réparation est bien nécessaire. La pauvre France est sous le joug des sectes. Prêchez mes Encycliques, elles com­battent les erreurs contemporaines. Il faut prier aussi pour les prêtres. Il y en a qui se perdent. Il y en a aussi qui n'ont pas la ferveur de leur saint état… Pour vos maisons d'adoration, il vous faudra des fondations… J'ai la confiance que votre œuvre se développera».

Le Pape m'avait dit: «Prêchez mes Encycliques», je l'ai fait à Rome même dans des conférences qui ont eu un certain retentissement. J'avais chaque année une audience encourageante du Saint-Père.

Léon XIII aimait bien notre petite famille religieuse. Il lui accorda di­verses faveurs spirituelles, et il nous confia la belle mission du Congo.

Mais l'approbation définitive de l'Institut devait nous venir par Pie X. Elle date du 4 juillet 1906. Elle est la récompense de «l'abondance des fruits de salut que la Congrégation a déjà produits» et elle confirme «les hautes louanges et recommandations que Léon XIII lui avait accordées».

Pie X est toujours très encourageant pour nous dans les audiences qu'il m'accorde chaque année. La dernière surtout a été très bienveillan­te, je la raconterai plus loin.

X. - Nos morts. - Nous avons déjà envoyé auprès de Dieu une avant-garde de cinquante religieux. C'est notre meilleure fondation. On meurt bien dans le Sacré-Cœur. Tous nos morts ont offert leur vie pour le règne du Sacré-Cœur, pour la réparation, pour l'œuvre, pour la sanctification des âmes consacrées, si chères à Notre-Seigneur. Beau­coup de ces vies et de ces morts édifiantes mériteraient une notice pour en conserver le souvenir parmi nous. Il faudra y penser.

Je ne puis pas m'étendre ici. Quelques mots seulement en passant.

Le cher Père Rasset a été mon premier compagnon et mon assistant général. Il mourut le 4 novembre 1905 après plusieurs années de souf­frances et une opération très douloureuse. C'était le premier samedi du mois, il a toujours été l'enfant de la Sainte Vierge. Après sa mort, Mgr l'évêque de Soissons lui rendit ce témoignage: «C'était un prêtre vaillant et qui voulait travailler encore à la gloire de Dieu et au salut des âmes, au prix d'une opération inquiétante; son abnégation et sa générosité se­ront récompensées. Il honore votre Congrégation et il priera pour elle et pour nous».

Il avait beaucoup missionne. Il était le confident et le conseiller de beaucoup de prêtres, il s'était dévoué au Patronage des ouvriers.

Le Père Blancal a été un de nos conseillers. Il avait la confiance de Mgr l'évêque de Soissons, qui m'écrivit à sa mort, au premier vendredi de décembre 1905: «Ah! les ancêtres s'en vont au ciel et nous laissent dans la tourmente. Puissent-ils nous assister victorieusement! Leurs exemples au moins nous restent, et ceux du Père Blancal sont des plus édifiants. Piété, charité, simplicité: il possédait toutes les vertus sacerdo­tales. Imitons-le en priant pour lui».

C'est bien ajuste titre que la chère Mère supérieure générale des Ser­vantes du Cœur de Jésus m'écrivait: «Quelle reconnaissance ne devons­nous pas à ce bon Père pour tout le bien qu'il a fait à nos âmes pendant tant d'années!».

Expulsé violemment de sa chère maison du Sacré-Cœur, il alla mou­rir à Fayet en vrai confesseur de la foi. Je reçus son dernier soupir, com­me celui du Père Rasset. Ses dernières paroles furent celles-ci: (Je meurs dans l'amour du Sacré-Cœur, je meurs dans la paix du Seigneur».

Un de nos anciens encore, dont la sainte vie nous laisse les souvenirs les plus édifiants, fut le Père Modeste Roth, qui partit vers Dieu le 3 mars 1904. Il était si régulier, si humble, si pieux et si obéissant!

Plusieurs de nos jeunes gens, qui sont morts au noviciat ou au scolasti­cat, nous ont bien édifiés par leur piété, leur patience, leur abandon à la volonté divine.

Et nos morts du Congo, du Brésil, de l'Equateur! Dix-sept ont donné leur vie au Congo pour la conversion des noirs. Un saint cardinal me di­sait que le fait seul d'aller là en s'exposant au péril d'une mort prochaine leur vaudrait là haut la palme des martyrs.

XI. - Les œuvres. - Comment résumer le travail de trente-cinq an­nées! Il y a des œuvres d'organisation de l'Institut, des œuvres d'apos­tolat local ou régional, des œuvres d'apostolat général. Je mets à part les missions lointaines.

Et d'abord pour notre organisation familiale, il a fallu fonder nos mai­sons de recrutement et de formation: écoles apostoliques, noviciats et scolasticats. C'était la maison du Sacré-Cœur, le premier noviciat, en 1878; Fayet et Lille en 1882; Sittard en 1883; Clairefontaine en 1889; puis Rome, Luxembourg, Louvain, Bergen-op-zoom, Tervueren, Albi­no, Asten…

Nous comptons maintenant six écoles apostoliques, trois noviciats d'étudiants et deux de frères convers; deux scolasticats et un groupe d'étudiants à Rome.

Nous pouvons espérer que le recrutement se fera régulièrement et abondamment; et nous sommes résolus à soigner la formation et les étu­des, comme nos Constitutions et le Saint-Siège le demandent.

Nous avons trois provinces organisées.

D'autres œuvres sont celles d'apostolat local. Mgr Thibaudier écri­vait au Saint-Père en 1887: «Les Prêtres du Sacré-Cœur tiennent à Saint-Quentin un collège catholique où ils font le plus grand bien. Plu­sieurs d'entre eux se livrent à la prédication, surtout dans les campa­gnes, avec édification et succès…».

Les lettres postulatoires des évêques pour l'approbation en 1899 rap­pelaient aussi nos travaux de prédication à Cologne, à Liège, à Verdun, etc.

Une des plus importantes parmi nos œuvres d'apostolat est celle du Val-des-Bois. Voilà 25 ans que nous travaillons là comme aumôniers de cette usine exceptionnelle où règnent la paix sociale et l'esprit chrétien, grâce au zèle admirable de la famille Harmel et surtout de son chef, -le Bon Père.

Comme œuvres d'apostolat général, j'ai tenté deux grandes entrepri­ses: la première était de conduire les prêtres et les fidèles au Cœur de Jé-sus pour lui offrir un tribut quotidien d'adoration et d'amour. Insuffi­sant par moi-même, j'ai préparé l'appel que Mgr Gay a bien voulu adresser à tous ses collèges de l'épiscopat en France. Il s'agissait d'unir tout le clergé dans la réparation et la prière au Sacré-Cœur.

Nous avons obtenu des adhésions, mais pas assez, un tiers à peine de l'épiscopat. Qui sait les grâces que nous aurions obtenues pour la société contemporaine, si la réparation avait été suffisante?

J'ai continué cet apostolat par la diffusion de la lettre de Mgr Gay, par notre association de réparation, par notre revue qui a travaillé pendant 15 ans au règne du Sacré-Cœur, par mes opuscules sur la Retraite du Sacré-Cœur, sur la Vie d'amour et de réparation au Sacré-Cœur, sur les Couronnes du Sacré-Cœur, sur le Cœur sacerdotal de Jésus. Les écrits du Père André ont aidé; mes diverses revues ont travaillé dans le même sens, et nos associations se sont développées. C'est un apostolat à continuer, à étendre, à rendre plus intense.

J'ai voulu aussi contribuer au relèvement des masses populaires par le règne de la justice et de la charité chrétienne. J'y ai dépensé une bonne part de ma vie, dans les œuvres de Saint-Quentin d'abord, puis dans mes publications d'études sociales, dans mes conférences à Rome et ail­leurs, dans ma participation à une foule de congrès. Léon XIII a bien voulu me regarder comme un des fidèles interprètes de ses Encycliques sociales. Mais là aussi le travail doit être continué. Les foules ne sont pas encore convaincues que c'est l'Eglise qui détient les solutions vraies et pratiques de tous les problèmes sociaux.

A propos de cet apostolat général, je veux dire ici pourquoi j'ai fait vo­lontiers, à l'occasion, de grands voyages. C'est que pour écrire et pour parler sur les questions sociales, il faut avoir beaucoup vu, il faut savoir comparer les régimes sociaux et les civilisations des divers peuples. Des connaissances étendues donnent de l'autorité et permettent de redresser une foule d'erreurs et d'apprécier l'action de Dieu et celle de son éternel ennemi dans les diverses régions de la terre.

XII. - Les missions. -J'ai mis à part l'apostolat des missions lointai­nes, il le mérite.

Il y eut d'abord huit belles années de labeur à l'Equateur, avec des an­goisses et des souffrances, mais aussi avec des succès et des fruits abon­dants. Une persécution barbare nous a chassés.

Nos revenants de l'Equateur ont repris le chemin des missions vers le Congo et le Brésil.

Voilà quinze ans de cela, et notre beau Vicariat du Congo compte vingt mille enfants de Cham conquis à l'Evangile, et de vastes régions du Brésil, au nord et au sud, ont vu la foi se réveiller, les familles chré­tiennes se reconstituer, et des âmes innombrables revenir à l'usage des sacrements.

Nous avions commencé aussi à travailler en Finlande, mais la Russie est intolérante; c'est la Suède qui en profitera.

Et au Canada, quelques-uns des nôtres groupent les catholiques qui viennent mettre en culture des régions nouvelles.

XIII. - Actions de grâces et prières. - J'ai commencé ma lettre par un acte d'humilité, je le renouvelle ici. Nous avions une belle mission: rap­procher le prêtre et le peuple du Cœur de Jésus-Christ. Nous avons gâté beaucoup de choses, moi surtout, et nous avons mal rempli notre tâche.

Il faut cependant remercier Notre-Seigneur de ses infinies miséricor­des, de sa patience, de son attente et de ses pardons.

Il faut le remercier de tant de grâces reçues, de tant de lumières, de tant de bénédictions dans nos œuvres et dans notre ministère, de tant de faveurs qu'il a inspiré à son Eglise de nous donner.

Il faut le prier de nous pardonner encore, de nous bénir de nouveau, de nous relever, de nous sanctifier, de féconder nos œuvres.

Il me resterait aussi un poids sur le cœur, si je ne vous demandais pas à tous de me pardonner mes défectuosités personnelles. Je sais bien que je ne vous ai pas assez édifiés. Je le pense plus que je ne puis le dire. Mais Notre-Seigneur veut que nous nous pardonnions les uns aux au­tres. Et pour ma part, je livre à l'oubli aujourd'hui les peines que l'un ou l'autre a pu me causer.

Mais je remercie aussi tous ceux qui m'ont aidé et qui ont été mes colla­borateurs dévoués.

XIV. - La dernière audience du Saint-Père. - C'était le 21 février. Je vais redire toute cette audience, qui marque bien l'état actuel de notre œuvre.

J'offris d'abord au Saint-Père les hommages de toute la Congréga­tion, en lui présentant un petit compte-rendu de nos œuvres.

«Très Saint-Père, lui disais-je, le Supérieur général des Prêtres du Sacré-Cœur, humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, en son nom et au nom des 450 membres de son Institut, renouvelle l'hommage du plus profond dévouement au Saint-Siège, de l'affection filiale envers Votre Sainteté et de la plus grande fidélité à ses directions.

Il sollicite une bénédiction pour toutes les œuvres de la Congrégation:

pour ses trois Provinces, allemande, hollandaise et franco-belge;

pour les 400 élèves de ses écoles apostoliques;

pour ses missions du Congo-belge, du Brésil, du Canada, de la Suède et du Cameroun;

pour les 20,000 nègres du Congo convertis à la foi chrétienne et pour leur vénérable Vicaire Apostolique, Mgr Grison;

pour les 2000 ouvriers évangélisés dans les usines du Val-des-Bois en France et de Recife au Brésil;

pour le 40,000 abonnés à ses bulletins publiés en cinq langues;

pour les 20,000 adhérents, prêtres et fidèles, de son association de ré­paration au Sacré-Cœur de Jésus.

Il attend de la bénédiction de Votre Sainteté pour les membres de son Institut une nouvelle force pour répondre au but de la Congrégation qui est, avec le travail ardent de l'apostolat, l'adoration réparatrice du Saint-Sacrement et l'oblation quotidienne d'eux-mêmes dans l'esprit de sacrifice et d'immolation conformément aux Constitutions de l'Institut.

Le saint-Père s'entretint avec nous. Il nous parla de nos belles mis­sions du Congo et du Brésil, de notre cher Vicaire Apostolique, des sa­crifices de vies humaines que le Congo nous impose, des œuvres intéres­santes du Val-des-Bois, de la foi vive des provinces rhénanes, de la piété des diocèses catholiques de Hollande, de la chère petite œuvre d'Albino.

Il exprima l'espoir que la Belgique garderait son gouvernement catho­lique.

Puis il prit la plume et il écrivit sur ma supplique les lignes suivantes:

«Avec nos plus vives félicitations, Nous accordons de cœur à tous nos chers fils la Bénédiction apostolique, en formant le voeu ardent qu'au milieu de leurs œuvres apostoliques ne manque jamais le zèle pour leur propre sanctification, par la fidélité à l'adoration réparatrice et à l'obla­tion quotidienne d'eux-mêmes en esprit de vrai sacrifice et d'immolation pour leur propre salut et celui des âmes».

Du Vatican, le 21 février 1912.

«PIE X, PAPE»

XV. - Résolutions. - Nos résolutions nous seront dictées par les con­seils du Pape et par nos Constitutions.

Nous avons un triple but: un zèle apostolique ardent, l'adoration ré­paratrice et l'oblation quotidienne de nous-mêmes au Sacré-Cœur.

Le zèle ardent: aimons à travailler pour les âmes: dans l'enseignement, dans la prédication, dans les missions, selon les besoins de la Congréga­tion et dans les postes où nous place l'obéissance.

Nos Constitutions nous disent les œuvres qu'il faut préférer: l'ensei­gnement de l'enfance, surtout pour les jeunes clercs, qui sont comme Sa­muel les préférés du Bon Dieu; la prédication des exercices spirituels; le ministère auprès des petits et des humbles, auprès des ouvriers et des pauvres, et les missions lointaines qui demandent du dévouement et du sacrifice.

L'adoration réparatrice du Saint-Sacrement: il faut y tenir fermement.

C'est notre audience royale de chaque jour. C'est notre vocation. Nous devons être comme les amis de Béthanie auprès desquels Jésus prend son repos. J'expliquai au Pape que nous n'étions pas purement apostoliques, mais que nous avions une vie mixte, comme certaines au­tres congrégations, comme les Picputiens, comme les Franciscains Mis­sionnaires de Marie, et il a voulu insister là-dessus dans ses recomman­dations écrites. Il faut donc nous examiner sur ce point là et voir si nous faisons ce qui est à faire. Toutes les maisons doivent avoir leurs jours d'exposition du Saint-Sacrement, et tout le monde doit passer au moins sa demi-heure chaque jour auprès de Notre-Seigneur.

Les chambellans ont le privilège de passer une partie de leurs journées dans l'antichambre des rois et ils en sont fiers. Nous sommes les cham­bellans du Roi des rois et sa Garde d'honneur.

L'oblation quotidienne de soi-même au Sacré-Cœur: cette oblation est préci­sée par nos Constitutions et par l'acte d'oblation que nous ajoutons à nos voeux. C'est l'offrande quotidienne, cordiale et sincère, de tout nous­mêmes, de nos actions, de nos travaux, de nos souffrances, en esprit de sacrifice et d'immolation, pour la réparation au Cœur de Jésus et pour le salut des âmes. Et il convient que l'oblation faite le matin soit quel­quefois renouvelée mentalement dans la journée.

Quelles résolutions devons-nous prendre encore? Elles me sont ins­pirées par l'office de la Sainte Famille. Nous sommes une famille de fre­res, et nous devons être une famille très unie et très sainte, parce que nous sommes les enfants de Dieu, les frères du Sauveur, les fils spirituels de la Vierge Marie.

Mais l'Eglise a choisi, pour nous tracer dans sa liturgie, le tableau d'une famille sainte, une page de l'épître de saint Paul aux Colossiens: «Enfants élus de Dieu, ses bien-aimés et ses saints, sancti et dilecti, revêtez-vous des vertus du nouvel Adam: la bonté de cœur, la bénigni­té, l'humilité, la modestie, la patience. Supportez-vous les uns les au­tres. S'il vous arrive d'être offensés, pardonnez charitablement comme Dieu l'a fait pour vous. Par-dessus tout, aimez la charité, c'est le noeud de la perfection. Aimez la paix, la paix du Christ, qui rend l'âme joyeu­se. Soyez reconnaissants. Que vos conversations soient sages, édifiantes, pleines des louanges de Dieu. Tout ce que vous faites, faites-le pour Dieu, en union avec Notre-Seigneur. Que les inférieurs obéissent avec simplicité, pour l'amour de Dieu. Aimez l'oraison, consacrez-y vos veil­les. Priez aussi pour les prêtres, pour que Dieu leur mette sur les lèvres les paroles fécondes de l'apostolat…».

Que pourrait-on imaginer de plus beau que ce tableau d'une famille sainte? Je voudrais que vous le méditiez souvent.

J'ajoute avec saint Paul: orantes simul et pro nobis… Priez aussi pour moi, pour que Dieu me donne la grâce de vous diriger saintement et de vous faire avancer dans le chemin de la vertu.

Me voici vieux, je veux finir mon exhortation avec les paroles que ré­pétait l'apôtre saint Jean dans sa vieillesse: «Aimez-vous les uns les au­tres».

Je vous en supplie, comme faisait saint Jean: pas de divisions entre nous. Passons par dessus tout pour rester unis. Supportons patiemment les offenses ou les froissements. Aimons toutes les nations. Il n'y aura plus de nations au ciel. Nous sommes tous les frères du Sauveur et les en­fants de Marie. Aimons-nous dans le Sacré-Cœur de Jésus.

Priez pour le vieillard qui vous bénit de tout son cœur. Priez beau­coup pour lui, parce qu'il a un grand besoin de la miséricorde divine. Honneur et gloire à Dieu par les Saints Cœurs de Jésus et de Marie pour l'éternité!

+ Jean, du Cœur de Jésus

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