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PREMIERE PARTIE

NOTIONS GENERALES;

PRINCIPES THEOLOGIQUES DE LA VIE INTERIEURE;

PREPARATION A LA VIE INTERIEURE.

Chapitre Premier
De la vie intérieure en général
et de ses formes diverses
Premières notions

La vie intérieure, au sens le plus général, est celle où nos actions sont réfléchies, prévues, calculées, dirigées vers une fin choisie, et non instinctives et spontanées.

Il y a une vie intérieure de l'ordre purement naturel, comme celle des philosophes: c'est une vie réfléchie en vue d'un but plus ou moins pur et noble.

Les sept sages pesaient leurs actions et se fixaient un but élevé: «Connais-toi toi-même».

Les grandes écoles de Pythagore, de Platon, d'Aristote, de Sénèque, avaient un idéal purement rationnel, mais se rapprochant de la doctrine révelée.

L'homme simple a une forme de vie intérieure: c'est la sagesse populaire, le bon sens, la philosophie des proverbes.

On a souvent signalé dans les secrets de l'âme du paysan le mobile de l'intérêt et les agissements de la ruse.

Le sectaire a sa vie intérieure, conduite par la haine et la passion, avec un inspirateur connu, l'ange noir, qui se laissait voir quelquefois, diton, à ses meilleurs collaborateurs, comme Luther et Voltaire.

Pour le chrétien, la vie intérieure a un caractère particulier: c'est la vie guidée par les vérités de la foi et aidée par les lumières et le concours de la grâce.

C'est une vie à deux: Dieu avec nous et nous avec Dieu: Vos in me et ego in vobis. (S. Jean, XIV).

Toute la vie intérieure chrétienne peut s'appeler: vie de foi, vie de présence de Dieu, vie d'union à Dieu, vie d'union à N.-S. Jésus-Christ. Ce sont des termes généraux.

Le fondement de cette vie intérieure chrétienne, c'est la foi en Dieu Créateur, Rédempteur et Rémunérateur; la foi en l'Esprit-Saint qui habite en nos âmes et les vivifie.

Mais cette foi a des aspects divers, auxquels répondent diverses méthodes de vie intérieure:

Il y a des âmes qui sont saisies par la pensée de la justice divine; elles vivent de la vie de crainte et se livrent de préférence à la méditation de la mort, du jugement, de l'éternité.

Certaines âmes s'arrêtent au souvenir de leurs péchés passés et se livrent à une vie qui est bonne, sans être complète, la vie de pénitence et de sacrifice.

La plupart des âmes sérieusement chrétiennes se mettent à l'étude et à la pratique de la perfection, en méditant et en imitant les vertus de Notre-Seigneur.

Bien peu s'élèvent jusqu'à la vie d'amour pur, d'amour désintéressé, dans l'oubli d'elles-mêmes et dans la contemplation de l'amour divin. Les auteurs ascétiques en général, nous proposent ces diverses voies pour que nous les suivions successivement, en nous élevant de la voie de crainte, et de pénitence, à la voie de perfection et d'amour.

Certains auteurs, suivant leur attrait, suivant leur grâce spéciale ou la grâce de leur temps, insistent de préférence sur l'une ou l'autre de ces voies.

Il est bon d'étudier ces diverses voies et de s'en rendre compte.

En le faisant, nous recevrons des lumières particulières; nous verrons nos attraits se déterminer et nous entrerons efficacement dans la voie que la grâce nous indiquera.

Il est bien entendu qu'en toutes ces voies, nous n'avançons pas seuls, mais Dieu est avec nous et nous conduit comme par la main. Sans Lui, nous ne pouvons rien dans l'ordre surnaturel.

Chapitre II
La vie de Dieu en nous et avec nous
Principe théologique
de la vie intérieure chrétienne

La vie de Dieu en nous est une conséquence du baptême. Dieu ne nous donne pas seulement la grâce qui est un don créé, mais Il se donne Lui-même.

C'est le thème principal des épîtres de Saint Paul aux Ephésiens et aux Corinthiens:

Aux Ephésiens: Que Dieu, selon les richesses de sa gloire, vous fortifie dans l'homme intérieur par son Esprit; qu'il fasse que J.-C. habite par la foi dans vos cœurs (III-16).

Et encore: «Renouvelez-vous dans l'intérieur de votre âme, revêtez vous de l'homme nouveau qui est créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables…

«N'attristez pas l'Esprit-Saint dont vous avez été marqués comme d'un sceau…» (IV-23).

Dans la première épître aux Corinthiens: «L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné» (V-5). Et encore: «Mais pour vous, vous n'êtes pas sous l'empire de la chair, mais sous celui de l'Esprit, si toutefois l'Esprit de Dieu habite encore en vous…» (VIII-9).

C'est tout le fond de la théologie ascétique. Le XVIIe et le XVIIIe siècles ont admirablement décrit et analysé cette vie de Dieu en nous1).

Dieu ne nous donne pas seulement sa grâce, qui est une participation de la nature divine, il se donne lui-même, par similitude et par imitation de la nature divine, il se donne lui-même, il vient habiter en nous comme dans un temple et dans son royaume.

L'Ange ne dit pas seulement: «Ave Maria, gratta plena» - «Je vous salue Marie, pleine de grâces»; il ajoute: «Dominus tecum» - «le Seigneur est avec vous».

Il en est de même pour nous, proportion gardée…

L'élévation à l'état de grâce est accompagnée d'une résidence de Dieu et spécialement du Saint-Esprit dans les créatures qui en sont ornées2). L'état de grâce est dû à Dieu en tant qu'il réside en nous et nous est uni par la grâce, et à la grâce en tant qu'elle informe l'âme et l'unit à Dieu.

Dieu est dans le cœur pour opérer en lui et par lui tout ce qui appartient à la vie surnaturelle.

Il est dans ce cœur, comme un père de famille dans sa maison pour la gouverner;

Comme un maître dans son école pour enseigner;

Comme un jardinier dans ses parterres pour leur faire produire des fleurs et des fruits;

Comme un monarque dans son royaume pour en tenir les rênes; Comme le soleil dans le monde pour l'éclairer;

Comme l'âme dans le corps pour lui donner la vie, le sentiment et l'action:

«Quod anima est corpori, hoc Deus est animae» (Saint Augustin).

C'est un rapport d'affection réciproque, d'ami à ami, d'enfant à père, d'époux à épouse: société de vie et d'opération, qui réalise une véritable intimité et qui fait de deux personnes un seul cœur et un seule âme.

Il y a une union ineffable que N.-S. compare à celle de la branche et du tronc, de la tête et des membres et même è celle de la Sainte-Trinité. Saint Paul la compare à l'union du mariage, à l'unité du Père et du Fils, à l'union de la greffe et du sauvageon, à celle de l'âme et du corps. L'âme en état de grâce est la demeure, le temple, le royaume, le trône de Dieu.

Dieu et l'homme se pénètrent de plus en plus, comme le soleil et l'atmosphère, le feu et le métal.

C'est toute la Sainte-Trinité qui est en nous: «Mansionem apud eum faciemus» - «Nous demeurerons en lui» (Saint Jean, XIV-23).

«Le Fils comme le Saint-Esprit habite en nous par la grâce» (Saint Thomas, I. q. 43 a. 5).

Jésus est notre vie et notre cœur: «Je suis la vie, dit le Sauveur et je donne la vie: Ego sum vita - Ego vent ut vitam habeant» (Saint Jean, ch. X et XI). Le Christ est notre vie, dit Saint Paul: «Christus vita nostra» - «Mihi vivere Christus est» - «Vivo, jam non ego, vivit vero in me Christus» (ad Col III, ad Philip. I., ad Gal II).

Saint Thomas, sur l'épître aux Galates, (leçon VI): L'âme de Paul était mue et vivifiée par Jésus» (Voir P. Eudes, 11-248 et Maynard, p. 270).

Saint Paul disait encore: «Christus Jésus in nobis est - - «Le Christ Jésus est en vous» (2 Cor 13), et aux Ephésiens: «Sine Christo… sine Deo»: «Sans le Christ, vous étiez sans Dieu» (Ad Eph 2-12).

Le symbole des apôtres nous fait dire: «Je crois au Saint-Esprit qui nous vivifie».

Saint Paul dit aux Romains: «Les enfants de Dieu sont mus par l'Esprit de Dieu» (Ad Rom 8-14). Et encore: «L'amour de Dieu est infusé dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per spiritum sanctum qui datus est nobis» (Ad Rom., V-5).

Saint Thomas dit dans sa Ire partie, quest. 43: «Quelques dons sont attribués au Fils par appropriation, comme d'illuminer nos âmes pour les porter à l'amour».

«Quant aux effets de la grâce, les deux missions divines y concourent: - celle du Fils et celle du Saint-Esprit; - elles forment comme une racine commune d'où sortent des effets différents: l'illumination de l'esprit et l'inflammation du cœur».

Par la grâce, toute la Trinité habite en nous, selon la parole de N.-S. dans Saint Jean: «Nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure»:

Le Père se donne lui-même; le Fils et le Saint-Esprit sont envoyés par le Père»3).

Mais cette vie de Dieu en nous, il faut y correspondre; il faut la mettre en œuvre.

Toutes nos facultés y concourent:

par la mémoire, nous nous rappelons la présence de Dieu, et ce souvenir nous maintient dans la foi et le respect;

par l'intelligence, nous écoutons les insinuations de la grâce divine; par la volonté, nous obéissons aux préceptes et aux conseils divins: vie de conformité et d'abandon;

par le cœur, nous nous livrons à la piété affective.

Les actes de la mémoire dominent dans la vie purgative:

nous nous rappelons notre dépendance de Dieu, nos péchés, nos fins dernières.

Les actes de l'intelligence dominent dans la vie illuminative, pendant laquelle se continue cependant la purification de notre intérieur.

Les actes de la volonté et du cœur dominent dans la vie unitive.

La Sainte liturgie marque à chaque instant l'action de la SainteTrinité en nous.

Nous prions Dieu le Père d'agir en nous par son Fils Jésus-Christ, dans l'unité du Saint-Esprit.

La seconde des prières qui précèdent la sainte communion au Canon de la Messe, la prière «Jesu, fili Dei vivi», nous montre bien cette action divine:

c'est par la volonté du Père et dans la coopération du Saint-Esprit, que le Sauveur nous vivifie, et nous lui demandons les trois degrés de cette vie:

la purification de nos péchés; l'avancement dans la pratique de la vertu; et l'union inséparable avec Dieu.

C'est tout le programme de la sainteté ou de la vie intérieure et spirituelle.

Chapitre III
La Pureté de Cœur. - Préparation à l'Union. - Principes généraux avec des précisions données par le P. Lallemant
De la pureté de cœur

La pureté de cœur est l'aboutissement de la vie purgative. Mais comme la racine du péché ne meurt pas, la vie purgative doit persévérer tant que nous vivons. Au commencement de notre conversion, elle domine et règne en nous. Elle doit se continuer ensuite, même quand Dieu nous donne la grâce de la vie illuminative et unitive.

Il y a toujours à purifier, et la purification de notre intérieur est toujours la condition des grâces meilleures.

Tous les auteurs mystiques traitent de la pureté de cœur comme du premier pas vers la sanctification, c'est la vie purgative.

Nous devons nous purifier de nos péchés, de nos défauts, de nos passions, et nous détacher des créatures, avant de songer à avancer dans la vertu et dans la vie intérieure.

Le Père Lallemant a traité excellemment ce sujet. Nous pouvons en donner un résumé qui présentera comme autant de réflexions substantielles ou d'axiomes à méditer.

§ I
De la pureté de cœur et de son importance

I. - La pureté de cœur consiste à n'avoir rien dans le cœur qui soit tant soit peu contraire à Dieu et à l'opération de la grâce.

II. - Le premier moyen pour parvenir à la perfection est la pureté de cœur.

Après elle viennent les préceptes et la doctrine spirituelle des livres, puis la direction et la fidèle coopération aux grâces.

III. - Quand le cœur est bien purifié, Dieu remplit l'âme et toutes

ses puissances: la mémoire, l'entendement, la volonté, de sa sainte présence et de son amour.

Ainsi la pureté de cœur conduit à l'union divine et l'on n'y arrive point par d'autres voies.

IV. - La voie la plus courte et la plus sûre pour arriver à la perfection, c'est de nous étudier à la pureté de cœur, plutôt qu'à l'exercice des vertus, parce que Dieu est prêt à nous faire toutes sortes de grâces, pourvu que nous n'y mettions point d'obstacle.

Saint Ignace disait que les Saints mêmes mettaient de grands obstacles aux grâces de Dieu.

V. - Entre tous les exercices de la vie spirituelle, il n'y en a point à quoi le démon s'oppose plus qu'à l'étude de la pureté de cœur.

Il nous laissera plutôt faire des actes extérieurs de vertu.

§ II
Sa pratique et ses degrés

I. - L'ordre qu'il faut garder dans la purification du cœur, est:

1° de remarquer les péchés véniels et de les corriger;

2° d'observer les mouvements déréglés du cœur et d'y remédier;

3° de veiller sur ses pensées et de les régler;

4° de reconnaître les inspirations de Dieu, ses desseins, ses volontés, et de s'animer à les accomplir.

II. - Tout cela doit se faire doucement, en y joignant la dévotion à Notre-Seigneur, laquelle comprend une haute connaissance de ses grandeurs, un profond respect pour sa personne et pour tout ce qui le touche, son amour et son imitation.

III. - Il y a quatre degrés de pureté où nous pouvons parvenir par une fidèle coopération à la grâce:

Le premier est de nous purifier des péchés actuels et de la peine qui leur est due;

le deuxième de nous défaire de nos mauvaises habitudes et de nos affections déréglées;

le troisième de nous affranchir autant qu'on le peut en ce monde de cette corruption originelle qu'on nomme: «fomes peccati» - «tendance au péché» et qui est dans toutes nos puissances et tous nos membres;

le quatrième, de nous affermir contre la fragilité et la défectibilite de notre nature.

IV. - Le premier degré s'acquiert particulièrement par la pénitence; Le deuxième, par la mortification et par l'exercice des autres vertus; Le troisième par les sacrements qui opèrent en nous la grâce de notre réparation.

Le quatrième, par notre union avec Dieu, qui nous fortifie contre les faiblesses de notre nature.

§ III
Les obstacles

I. - La ruine des âmes vient de la multiplication des péchés véniels, qui cause la diminution des lumières et des inspirations divines, des graces et des consolations intérieures, de la ferveur et du courage pour résister aux attaques de l'ennemi.

II. - Ceux qui évitent les péchés véniels, sentent ordinairement de la dévotion, et ont en leur âme une certitude morale qu'ils sont en état de grâce.

III. - Dans nos chutes, dès que nous nous en apercevons, il faut adorer Dieu intérieurement, retourner à lui avec amour, lui demander pardon avec confiance, recommencer à bien faire, sans jamais s'abandonner à l'abattement ou à l'inquiétude.

IV. - Clément d'Alexandrie appelle les passions: les caractères du diable (obsignationes diaboli), comme si le démon, par nos affections déréglées, nous imprimait sa marque.

V. - Pour nous rendre semblables à Dieu, il faut renoncer à la «ressemblance du diable», laquelle consiste en l'orgueil, la vanité, la présomption; et à «celle des bêtes», qui consiste dans les passions et dans les mouvements déréglés de l'appétit sensuel.

§ IV
Conclusion

I. - Il faudrait ne jamais sortir de notre recueillement;

n'oublier jamais la présence de Dieu;

nous maintenir toujours dans la modestie et dans l'humilité;

parler peu et ne parler que de bonnes choses.

II. - Evitons même d'envisager nos progrès spirituels pour n'en pas tirer vanité. Ne cherchons que la volonté de Dieu et son contentement.

DUEXIEME PARTIE

VUES D'ENSEMBLE SUR LA VIE INTERIEURE

D'APRES LES PRINCIPAUX AUTEURS MYSTIQUES

ET LES DIVERSES ECOLES DE SPIRITUALITE

Chapitre IV
Des diverses écoles de spiritualité

On peut lire une étude approfondie sur ce thème dans M. Sauvé.

L'école bénédictine a donné sa plus belle fleur dans sainte Gertrude. Sa voie était de sanctifier nos âmes à l'aide de la sainte liturgie. Elle était comme aux écoutes du murmure divin en se livrant pieusement à la prière liturgique suivant ses règles quotidiennes et son cycle annuel. L'école franciscaine se livrait à l'amour du pauvre de Nazareth et du crucifié du Calvaire.

L'école dominicaine, après saint Paul, veillait à s'appuyer sans cesse sur la doctrine, sur la révélation et ses déductions. Elle donnait une grande part à l'intelligence.

Saint Ignace a profité des voies ouvertes avant lui pour en faire une heureuse combinaison, en y ajoutant la vigoureuse stratégie qui lui est propre.

La sainteté consiste dans l'union avec Dieu: plusieurs voies nous y conduisent:

Union de présence: souvenir habituel;

Union de pensée: méditation et contemplation; Union de cœur: vie affective, vie d'amour; Union de volonté: conformité et abandon à Dieu.

Suivant les temps, les tempéraments, les caractères, les grâces du moment, certains Saints et certains écrivains mystiques insistent davantage sur une des formes de cette union:

Union avec la Sainte Trinité;

Union avec N.-S. Jésus-Christ et son divin Cœur;

Union par l'une de nos facultés plus que par les autres, sans les exclure. Sous ce dernier rapport, on peut faire ce classement:

Union de présence, crainte et respect: 17e siècle, Bossuet, Bourdaloue, Olier, Bourdon…

Union de l'intelligence, méditation, contemplation: Saint Thomas, les grandes écoles mystiques:

Sainte Thérèse, Saint Jean de la Croix…

Union de volonté: caractère déterminé et chevaleresque; le Combat spirituel, saint Ignace (le règne, les deux étendards, les trois classes), Rodriguez…

Union de cœur: caractères affectueux, dévotion à l'humanité de N.-S., au Sacré-Cœur:

S. Bernard, S. Bonaventure, Ste Gertrude, S. François de Sales, Marguerite-Marie.

De nos jours, l'union de la volonté et du cœur, la dévotion à la Passion et au Sacré-Cœur produisent chez plusieurs la grâce de la vie réparatrice et de la vie de victime.

L'âme intérieure est la fille du roi, dépeinte par le psalmiste (ps. 44): Toute sa gloire est au-dedans d'elle-même, mais elle a des vêtements variés, tout brillants d'or et de broderies: Omnis gloria ejus, filiae régis ab intus; in fimbriis aurez s circumamicta varietatibus. Ces voiles ou manteaux de la vie intérieure sont les divers aspects de cette vie, suivant le travail de la grâce et ses dons.

Toutes ces voies plaisent à N.-S., mais on conçoit aisément que s'il a quelque préférence, c'est pour la vie de contemplation et d'amour. Il l'a laissé voir en nous disant que sainte Madeleine, le modèle des âmes aimantes et contemplatives, avait choisi la meilleure part.

Et de nos jours, c'est son divin Cœur qu'il nous présente comme la perle précieuse qui vaut plus que tous les trésors.

Chapitre V
L'Union avec Dieu
Dans le livre de l'Imitation de Jésus-Christ, d'après l'étude du P. Dumas
et les vues de S. François de Sales

L'Imitation n'est pas strictement un traité didactique de vie spirituelle. Les deux premiers livres s'en rapprochent. Ils décrivent la vie purgative et la vie illuminative.

Le troisième est plutôt une description vécue de l'ascension vers la vie unitive; la trame en est moins claire:

Il y a des retours en arrière, des fluctuations, mais c'est que, en réalité, la vie spirituelle est faite de luttes, d'épreuves, de montées et de descentes.

L'auteur semble revenir au commencement:

C'est qu'en effet, la nature a des réveils, et il faut souvent se remettre à la componction, au détachement, à l'abnégation.

L'Imitation n'a pas la prétention de nous conduire aux grâces extraordinaires: elles sont gratuites et on ne doit pas les chercher.

Mais elle nous forme à la contemplation ordinaire, qui est déjà une quiétude fruitive et un avant-goût du ciel.

Mais c'est un état qui est souvent temporaire et mêlé d'aridités, de faiblesses et de contradictions.

Il faut retenir le sens principal des trois étapes de la vie spirituelle et y revenir toujours.

L'atmosphère vitale de la première étape:

C'est la componction du cœur, entretenue par le souvenir de notre faiblesse, de nos péchés, de la mort et du jugement.

Le premier livre correspond à la vie purgative, remarque Saint François de Sales:

C'est la préparation à la vie d'oraison; il faut déblayer le terrain, se repentir et se purifier de ses péchés, renoncer aux affections déréglées et même aux délassements inutiles et prendre goût à la solitude et au silence.

La région vitale de la vie illuminative:

C'est le chemin de la croix: la méditation de la vie et de la passion de Notre-Seigneur, avec l'amour de la mortification et du sacrifice.

Le deuxième livre nous fait entrer dans la vie intérieure.

Il la définit sous le nom de conversion intérieure. Il en montre le chemin:

L'abandon à Dieu, la paix de l'âme. Il en exalte les fruits:

La familiarité que l'amour établit entre Jésus et l'âme fidèle.

La condition principale de la vie d'union:

C'est l'abandon à Dieu, la remise ou résignation de soi à la volonté divine en tout et pour tout.

Le troisième livre nous fait progresser dans la vie intérieure: Il revient sur les entretiens de Jésus avec l'âme fidèle.

Il nous enseigne comment la vérité divine parle à notre âme sans bruit de paroles, à condition que nous marchions avec Dieu dans la vérité et l'humilité.

Puis les obstacles, les tentations, les épreuves sont passés en revue dans de nombreux chapitres avec des conseils pour les surmonter et l'auteur se résume par un chapitre capital sur les divers mouvements de la nature et de la grâce.

Le quatrième livre traite de l'Eucharistie, qui est avec l'oraison l'aliment de la vie intérieure.

«En vous je mets ma confiance, mon Dieu, Père des miséricordes. Bénissez et sanctifiez mon âme par votre céleste bénédiction, afin qu'elle devienne pour vous une demeure sainte, le trône de votre gloire éternelle où vous gouverniez le tout, et qu'il ne se trouve rien dans ce temple qui offense les regards de vostre Majesté, quand vous daignez y descendre pour recevoir les hommages et les supplications de vos enfants».

Chapitre VI
L'union à Dieu dans les livres de Scupoli:
Le Combat spirituel et la Paix intérieure

Le Combat spirituel, dit Saint François de Sales, est plutôt fait pour la vie pratique et active.

Scupoli exprime cependant en passant quelques vues sur la vie intérieure.

«La vie spirituelle se réduit à reconnaître la bonté et la grandeur de Dieu, en même temps que notre néant et notre inclination au mal; à aimer ce Souverain Maître et à nous haïr nous-mêmes; à nous soumettre non seulement à Lui, mais à toute créature pour l'amour de Lui, à renoncer à notre propre volonté pour nous remettre à sa direction; mais surtout à ne produire d'intentions ou d'actions que pour sa gloire, afin de lui plaire et parce que, c'est ainsi qu'il mérite d'être aimé et servi, et qu'il désire l'être.

Telle est la loi de l'amour gravée par Notre-Seigneur lui-même dans le cœur de ses serviteurs fidèles».

Mais c'est surtout dans un petit traité sur la Paix intérieure, ajouté au Combat spirituel, que Scupoli traite plus directement de la vie intérieure4).

La paix, dit-il, est le sentier du Paradis; c'est la condition de l'union avec Dieu; c'est le principal et continuel exercice de votre vie de pacifier votre cœur, et de ne point le laisser se détourner vers les créatures.

Mettez donc en tête de vos sentiments ou dispositions, la paix, comme une sentinelle avancée.

Vous vous accoutumerez à prier, à obéir, à vous humilier; à supporter les injures sans perdre la paix.

Et s'il survient quelque grave épreuve, vous recourrez à la prière comme une sentinelle avancée.

Vous vous accoutumerez à prier, à obéir, à vous humilier; à supporter les injures sans perdre la paix.

Et s'il survient quelque grave épreuve, vous recourrez à la prière comme Notre-Seigneur à Gethsémani, jusqu'à ce que la paix revienne. Acquérir la paix, c'est bâtir une maison au Seigneur, un tabernacle au Très-Haut; c'est devenir son temple».

«Vous vous trouverez toujours bien en vous et au plus intime de votre être, quand vous maintiendrez votre intention droite.

Ayez votre âme en grande estime. Le Seigneur des seigneurs, en la créant, l'a destinée à être sa demeure et son temple.

Appréciez-la assez pour ne pas lui permettre de s'abaisser vers aucun objet inférieur.

Que vos désirs et vos espérances se résument dans l'attente du Seigneur, qui ne viendra jamais visiter votre âme s'il ne la trouve seule, isolée des pensées étrangères à lui et des désirs de la volonté propre.

O admirable solitude! O demeure secrète du Très-Haut, dans laquelle il vient exclusivement vous donner audience et vous parler au cœur!».

«Il appartient à Dieu d'implanter la charité dans la solitude de votre âme, et d'en cueillir le fruit quand il veut:

Vous n'avez aucun grain à semer; offrez seulement le terrain, pur et libre de toute attache:

Il y jettera la semence à son heure; mais il veut trouver votre âme isolée et dégagée pour se l'unir.

Permettez-lui d'agir en vous, et ne lui créez point d'obstacle par votre volonté: c'est ce qu'il vous demande.

Tenez-vous en repos, sans aucune autre pensée que celle de plaire au Seigneur, en attendant d'être conduit au travail par le père de famille. Mettez tous vos soins (mais sans aucune inquiétude) à adoucir votre zèle, à tempérer votre ferveur, pour garder Dieu en vous en toute paix. Une telle disposition n'est que la résignation de l'âme à la volonté divine».

«Habituez-vous par le désir et plus souvent par les actes à la contemplation de la divine bonté, de son amour et de ses bienfaits continuels. Dans vos méditations, ne vous attachez pas au plan fixé, mais là où vous sentirez votre esprit se reposer, insistez et goûtez le Seigneur en l'endroit où lui plaira de se communiquer à votre âme.

Et quand il plaira à sa divine Majesté de se retirer, de se cacher, vous recommencerez à le chercher, reprenant vos premiers exercices, toujours avec le même désir de posséder l'objet de votre amour».

Scupoli appelle ce petit traité: «Le sentier du Paradis». Il le conclut en disant:

«Ces avis méritent une attention sérieuse. J'ose dire qu'ils sont comme des clefs spirituelles, ouvrant à l'âme des trésors dont elle pourra s'enrichir en peu de temps».

Le P. Piny, dans son livre intitulé: «Le ciel sur la terre ou la plus parfaite de toutes les voies intérieures», s'inspire des mêmes principes.

Il nous conseille l'abandon et la conformité à la volonté divine.

Par l'acceptation de la volonté divine, déterminée par les lois de Dieu et de l'Eglise, par nos règles et nos devoirs d'état, et par les événements providentiels, il nous conduit à la paix de l'âme, qui est la condition nécessaire pour la vie intérieure et pour la contemplation habituelle de l'amour divin…

Chapitre VII
La vie intérieure avec Saint Ignace

Les Exercices de Saint Ignace conduisent à des buts variés, suivant les cas, à faire choix d'une vocation;

à prendre des résolutions pour la réforme de leur vie;

à s'initier à la vie contemplative et au pur amour de Dieu.

«Notre bienheureux Père, dit le P. Roothan, ne donne pas les règles de l'union spéciale avec Dieu, mais il y prépare les âmes, et la principale disposition qu'il indique est le détachement et l'abnégation de soi-même».

Tout le long des Exercices, Saint Ignace porte à la vie intérieure, à la conversation avec Dieu, à la correspondance aux lumières et aux impressions de la grâce.

Les Exercices sont l'art de méditer et de contempler.

L'âme doit trouver dans les Exercices non seulement l'intelligence, mais les sens et le goût des choses qu'elle médite.

Notre-Seigneur se communique à l'âme dévote et, dans un saint embrassement, il la dispose à son amour, à sa louange, à son service. La première semaine est une préparation nécessaire: Elle dispose et purifie l'âme par la crainte de Dieu, la haine du péché et la pénitence. Les colloques sont un véritable exercice de vie contemplative, où l'âme en de doux entretiens avec Marie, avec le Christ et avec Dieu, s'ouvre à toutes les impressions que la grâce lui suggère.

Dans la deuxième semaine, l'âme en contemplant les mystères du Sauveur cherche les lumières, les consolations et les affections qui lui viennent de la grâce.

L'élection se fait sous l'influence divine au moment où l'âme est portée à tout faire pour l'amour de Dieu.

Dans la troisième semaine, nous demandons à Marie et à Jésus de partager les sentiments du Sauveur dans sa Passion, sa haine du péché, son dévouement pour son Père et pour les âmes.

Dans la quatrième semaine, nous partageons la joie de Jésus ressuscité et nous sommes invités à noter et goûter particulièrement les moments où nous nous sentons fortement émus et impressionnés par la grâce.

La conclusion des exercices, c'est la contemplation pour exciter en nous l'amour spirituel.

Cette contemplation doit nous fixer dans la vie unitive, dans la vie d'amour pour Dieu et Notre-Seigneur.

Elle correspond aux règles que donnent le P. Lallemant, Bossuet et le P. Faber sur l'oraison de simple présence de Dieu, avec un regard sommaire sur toutes les bontés divines et une douce adhésion aux sentiments et aux résolutions que ces bontés nous inspirent.

Saint Ignace nous fait contempler d'abord les grands bienfaits de la Providence:

La Création, la Rédemption et les dons de Dieu qui nous sont personnels: baptême, vocation, etc… Toute Contemplation est un regard d'amour sur Dieu et le Rédempteur. Il nous montre Dieu vivant dans toutes les créatures et surtout en nous-mêmes qui sommes comme «ses temples».

Dans ces mêmes créatures, Dieu n'es pas seulement présent, mais vivant, agissant et comme souffrant, ce qui doit nous porter à vivre et agir pour lui.

Enfin, Saint Ignace nous montre en Dieu, la source de tout ce qu'il y a de bon dans les créatures.

Tout bien descend de Dieu comme les rayons du soleil et les eaux de la source.

Notre amour doit donc remonter à Dieu comme à la source de tout bien.

C'est la règle du pur amour.

- Les règles du discernement des esprits pourraient s'appeler aussi les règles de la vie intérieure.

Saint Ignace nous fait distinguer l'action divine de celle de la nature et du démon.

L'action de Dieu ou la grâce a ses caractéristiques: C'est la paix, la joie et l'amour de Dieu; ce sont les conditions de la vraie vie intérieure à laquelle nous devons tendre et que nous devons entretenir dans nos âmes.

- Les Exercices étaient un sommaire, un merveilleux canevas, un résumé des moyens à prendre et de la voie à suivre pour arriver à l'union avec Dieu.

Les disciples de Saint Ignace ont développé les Exercices: ils comptent parmi les meilleurs maîtres de la vie intérieure.

Tels le P. Saint Jure, le P. Nouet, le P. Lallemant, le P. Grou, le P. Chaignon, le P. Bouix, le P. Terrien, le P. Pergmayr.

C'est toute une école de vie intérieure avec des nuances assez sensibles:

Quelques auteurs, comme le P. Lallemant et le P. Grou, ont un attrait plus marqué pour la contemplation.

Chapitre VIII
De la vie intérieure d'une âme chrétienne,
sa nature, son importance, ses avantages
D'après le P. Lallemant
et le Vén. P. Libermann

Ce chapitre et les deux suivants sont comme le développement de la spiritualité de Saint Ignace. Le P. Lallemant, le P. Grou, le P. Saintjure comptent parmi ses meilleurs disciples spirituels.

Nous continuons à présenter, à nos pieux lecteurs cette légion de témoins qui nous montrent la vie intérieure comme le chemin royal pour aller à Dieu.

§ I
En quoi consiste la vie intérieure chrétienne

I. - La vie intérieure consiste en deux sortes d'actes, savoir: dans les pensées et dans les affections.

C'est en cela surtout que les âmes parfaites différent des imparfaites, et les bienheureux de ceux qui vivent encore sur la terre.

II. - Nos pensées, dit Saint Bernard, doivent être dans la recherche de la vérité, «in investigatione veritatis»; et nos affections dans la ferveur de la charité, «in fervore charitatis».

De cette manière, l'esprit et le cœur étant appliqués à Dieu et possédés de Dieu, au milieu même des occupations extérieures, on ne perd point Dieu de vue, et l'on est toujours dans l'exercice de son amour.

III. - Les bons et les mauvais religieux différent surtout par la qualité de leurs pensées, de leurs jugements et de leurs affections.

C'est aussi en quoi consiste la différence des anges et des démons, et ce qui fait que les uns sont saints et bienheureux, les autres mauvais et malheureux.

IV. - L'essence de la vie spirituelle et intérieure consiste en deux choses:

D'un côté, les opérations de Dieu dans l'âme, ses lumières et ses inspirations;

De l'autre, la coopération de l'âme aux mouvements de la grâce.

V. - Une des occupations de la vie intérieure, est d'observer et de reconnaître:

1° Ce qui vient de notre fonds, nos péchés, nos mauvaises habitudes, nos passions, nos inclinations, nos affections, nos désirs, nos pensées, nos jugements, nos sentiments;

2° Ce qui vient du démon, ses tentations, ses suggestions, ses artifices, les illusions par lesquelles il tâche de nous séduire;

3° Ce qui vient de Dieu, ses lumières, ses inspirations, les mouvements de sa grâce, ses desseins à notre égard et les voies par où il veut nous conduire.

VI. - Il faut soigneusement observer à quoi le Saint-Esprit nous porte le plus:

Au commencement de nos actions, demandons la grâce de bien les faire et remarquons jusqu'aux moindres mouvements de notre cœur.

VII. - Nous ne devons pas donner tout notre temps de recueillement à l'oraison et à la lecture; il faut en employer une partie à examiner la disposition de notre cœur, à reconnaître ce qui s'y passe, et à discerner ce qui est de Dieu, ce qui est de la nature et ce qui est du démon, à nous conformer à la conduite du Saint-Esprit, et à nous affermir dans la détermination de tout faire et de tout souffrir pour Dieu.

VIII. - Nous devons donc avoir premièrement au dedans de nous et pour nous-mêmes, une vie très parfaite par une continuelle application de notre entendement et de notre volonté à Dieu.

Puis, nous pourrons sortir au dehors pour le service du prochain, sans préjudice de notre vie intérieure, ne nous donnant pas tout entiers aux autres.

«Tuus esto ubique», dit Saint Bernard au pape Eugène, «concha esto, non canalis»: soyez un réservoir plutôt qu'un canal.

IX. - Les ouvriers évangéliques qui n'y prennent pas garde, ont un juste sujet de craindre qu'au lieu d'être élevés dans le ciel, selon l'excellence de leur vocation, ils ne soient du nombre de ceux qui auront été le plus longtemps détenus dans le purgatoire, et qui ne seront placés que dans les derniers ordres de la gloire.

§ II
Les obstacles qu'elle rencontre

I. - Les objets extérieurs nous attirent à eux par l'apparence de quelque bien qui flatte notre orgueil ou notre sensualité.

II. - Le démon, remuant les fantômes de l'imagination, réveillant les souvenirs et l'idée des choses passées, excite en nous des troubles, des scrupules et diverses passions; ce qu'il opère surtout en ceux qui n'ayant pas encore le cœur parfaitement purifié, lui donnent le plus de prise et sont plus soumis à son pouvoir.

III. - Notre âme ne rentre qu'avec peine en elle même, n'y voyant que des péchés, des misères et de la confusion.

De sorte que, pour éviter cette vue importune et humiliante, elle se jette incontinent au dehors, et va chercher sa consolation dans les créatures, si on ne la retient soigneusement en son devoir.

§ III
Ses avantages

Sans elle, nous n'avançons pas dans les voies de la perfection; Sans elle, nous n'avons pas la paix en nous.

I. - Sans elle d'abord, nous n'arriverons jamais à la perfection de la vie purgative. Nous en aurons bien parfois quelques sentiments. Mais à toutes nos œuvres, peut-être grandes et belles en apparence, se mêleront bien des défauts et des imperfections: sentiments d'amour-propre, vanité, volonté propre, etc…

Et comme nous nous occupons à toute autre chose qu'à connaître les dérèglements de notre cœur, nous ne songeons pas à le purifier, si bien qu'il se remplit sans cesse de péchés et de misères, qui affaiblissent les forces de l'âme et finissent par étouffer l'esprit de Dieu.

II. - Nous n'arriverons jamais à la perfection de la vie illuminative, qui consiste à reconnaître en toutes choses la volonté de Dieu.

Nos supérieurs, nos règles, nos devoirs d'état peuvent bien nous indiquer ce que nous devons faire, mais ils ne nous disent pas avec quelles dispositions intérieures nous devons le faire.

III. - Enfin il est clair que nous n'arriverons pas à la perfection de la vie unitive, qui consiste en l'union intérieure de l'âme avec Dieu.

IV. - Tout réussit aux Saints, parce qu'ils obtiennent par leurs prières une bénédiction et une vertu qui rendent leurs travaux efficaces.

V. - Assaisonnons nos fonctions à l'égard du prochain de recueillement, d'oraison et d'humilité; Dieu se servira de nous pour de grandes choses, quand même nous n'aurions pas de grands talents.

VI. - On trouvera quelquefois des personnes qui, étant occupées les jours entiers et les années dans l'étude et dans le tracas des emplois extérieurs, auront de la peine à donner un quart d'heure par jour à la lecture spirituelle; et après cela, le moyen d'être des hommes intérieurs!

De là vient que nous ne faisons point de fruits, parce que nos fonctions ne sont pas animées de l'esprit de Dieu: «Velut aes sonans et cymbalum tinniens» (Cor 13). «C'est comme un airain sonnant et des cymbales retentissantes».

VII. - Un homme intérieur fera plus d'impression sur les cœurs par un seul mot animé de l'esprit de Dieu, qu'un autre, par un discours entier qui lui aura coûté beaucoup de travail et où il aura épuisé toute la force de son raisonnement.

VIII. -Jamais, nous n'aurons de paix que nous ne soyons intérieurs et unis à Dieu.

Le repos d'esprit, la joie, le solide contentement ne se trouvent que dans la vie intérieure, dans le royaume de Dieu que nous avons au dedans de nous-mêmes.

Hors de là, c'est le trouble, la peine, et si quelque tentation, quelque épreuve nous survient, nous ne la surmonterons pas.

IX. - Saint Augustin compare ceux qui n'ont pas leur intérieur bien réglé aux maris qui ont des femmes fâcheuses et de mauvaise humeur. Sortis du logis de bon matin, ils y rentrent le plus tard possible, parce qu'ils redoutent la persécution domestique.

De même, ceux-ci n'ayant pas la paix dans leur intérieur et n'y trouvant que des reproches et les remords de leur conscience, évitent tant qu'ils peuvent de rentrer en eux-mêmes.

X. - Personne ne s'adonnera à la vie intérieure dans la vieillesse, s'il ne l'a fait dans sa jeunesse, de sorte que si nous ne remportons de nos premières retraites une volonté inviolablement résolue de cultiver la vie intérieure, à quelque prix que ce soit, nous retomberons dans notre premier état.

«Et fient novissima pejora prioribus», et nous finirons plus mal que nous n'avons commencé.

XI. - Combien de temps faudra-t-il ordinairement pour arriver à la vie intérieure?

Le P. Lallemant parle quelque part de trois ou quatre ans.

Mais la coutume des grands ordres de ne faire qu'un an ou deux de noviciat semble indiquer que ce temps suffit, s'il est bien employé, pour entrer dans la vie intérieure.

§ IV
Ses occupations

I. - Notre principale étude doit être de veiller sur notre intérieur pour en reconnaître l'état et pour en corriger les désordres.

II. - Nous demeurons embrouillés et comme ensevelis dans une infinité de fautes et d'imperfections que nous ne voyons jamais et que nous ne verrons qu'à l'heure de la mort, si nous ne nous exerçons en la connaissance des mouvements de notre intérieur où le démon et la nature jouent d'étranges personnages, pendant que nous sommes tout absorbés dans le tracas et dans l'empressement des occupations extérieures.

III. - La ruine des âmes dans le chemin de la perfection, vient de la multiplication des péchés véniels, d'où s'en suit la diminution des lumières et des inspirations divines, des consolations spirituelles, et des autres secours de la grâce, puis une grande faiblesse à résister aux attaques de l'ennemi et enfin la chute en quelque faute lourde, qui nous fait voir que nous n'avons pas veillé sur les désordres de notre cœur.

IV. - C'est cette absence de chez nous et cette nonchalance à régler notre intérieur, qui sont cause que les dons du Saint-Esprit sont en nous presque sans effet et que les grâces sacramentelles nous demeurent inutiles.

V. - Ainsi la grâce du baptême nous donne un droit habituel à recevoir des lumières et des inspirations pour mener une vie surnaturelle, comme membres de Jésus-Christ, animés de son esprit.

La grâce de la confirmation est un droit à la force des soldats de Jésus-Christ, pour remporter sur nos ennemis de glorieuses victoires.

VI. - La grâce du sacrement de confession est un droit à recevoir un accroissement de pureté de cœur.

Celle de la communion est un droit à recevoir des secours plus efficaces pour nous unir à Dieu par la ferveur de son amour.

Chaque fois que nous nous confessons et que nous communions, les dons du Saint-Esprit croissent en nous et on n'en voit pas les effets.

VII. - Cela vient de nos affections déréglées et de nos défauts habituels, auxquels nous laissons prendre plus d'empire sur notre intérieur qu'aux grâces sacramentelles et aux dons du Saint-Esprit.

VIII. - En veillant sur notre intérieur, nous acquérons peu à peu une grande connaissance de nous-mêmes et nous parvenons enfin à la direction du Saint-Esprit.

IX. - Ceux qui se sont appliqués durant trois ou quatre ans à veiller sur leur intérieur, pénètrent comme naturellement le cœur des autres et en jugent facilement les mouvements.

X. - Sans faire de grandes mortifications ni des œuvres éclatantes, nous pouvons faire d'excellents actes de vertu dans la vie intérieure.

XI. - C'est par là que bien des Saints se sont élevés au plus haut degré de la vertu.

XII. - Ceux qui sont tout à l'action, sans régler leur intérieur, font des pertes infinies de grâces et de mérites.

Leurs travaux ne produisent que fort peu de fruits, n'étant point animés de cette force et de cette vigueur qui viennent de l'esprit intérieur, ni accompagnés des bénédictions que Dieu donne aux hommes d'oraison et de recueillement.

XIII. - Il arrive qu'on passe ainsi dix ou vingt années sans faire un seul pas pour avancer dans la perfection, l'esprit aussi distrait et le cœur aussi sec parmi tous les exercices de la vie religieuse, que si on n'ait pas eu tous ces secours.

XIV. - On ouvre les yeux à la fin de la vie et l'on tremble alors à l'approche du jugement de Dieu.

XV. - Le moyen d'éviter tous ces malheurs, c'est de bien régler notre intérieur et de pratiquer cette vigilance que N.-S. nous recommande si souvent. «Vigilate» - «Veillez».

§V
Combien il importe de la joindre
avec nos occupations extérieures

I. - Nous devons tellement joindre l'action et la contemplation que nous ne donnions pas plus à celle-là qu'à celle-ci, tâchant d'exceller egalement en l'une et en l'autre.

Autrement, si nous nous jetons tous au dehors et que nous donnions tout à l'action, nous demeurerons indubitablement dans les derniers degrés de la contemplation, qui sont une oraison commune et les autres exercices de piété pratiqués d'une manière basse et imparfaite.

II. - Il faut joindre de telle sorte l'action avec la contemplation, que nous donnions à celle-là à proportion que nous aurons plus ou moins de celle-ci.

Si nous avons beaucoup d'oraison, nous donnerons beaucoup à l'action.

Si nous avons fort peu d'intérieur, ne donnons rien à l'extérieur, à moins que l'obéissance ne nous y oblige, autrement, nous ne ferons rien pour les autres et nous nous perdrons nous-mêmes.

III. - Soyons persuadés de ce que, dans nos fonctions, nous ne ferons de fruit qu'à proportion de notre union avec Dieu et de notre dégagement de tout intérêt propre.

On se trompe aisément dans cette matière.

On s'emploie aux œuvres de zèle et de charité, mais, est-ce par un motif pur de zèle et de charité?

N'est-ce point parce qu'on y trouve de la satisfaction et qu'on n'aime ni l'oraison ni l'étude, qu'on ne peut demeurer dans sa chambre, ni souffrir le recueillement?

IV. - On ne fait pas en pareil cas aux autres tout le bien qu'on s'imagine, et on se fait à soi-même plus de mal qu'on ne pense.

V. - Pour travailler utilement au salut des autres, il faut avoir fait de grands progrès dans sa propre perfection.

VI. - Que si les supérieurs ont trop à faire en dehors, ils doivent avoir la confiance que la Providence disposera les choses pour que le tout réussisse au plus grand bien des inférieurs.

VII. - L'application à l'étude est digne d'un religieux, mais quelquefois, on ne songe qu'à se remplir l'esprit de connaissances qui servent plutôt à endurcir l'esprit et à l'attiédir, qu'à l'attendrir par la dévotion et à l'enflammer par la ferveur.

VIII. - C'est la volonté qu'il faudrait particulièrement cultiver. Nous avons communément assez de science, mais nous n'avons pas assez d'union avec Dieu.

§ VI
Conclusion

I. - Nous devons mettre notre principale étude à acquérir l'esprit d'oraison et à nous remplir d'un grand amour de Dieu.

II. - Le meilleur motif pour pratiquer les vertus est le motif d'amour, parce qu'il élève tout droit à Dieu, sans péril d'amour-propre.

III. - Ce motif est le plus simple. Il est à la portée de tout le monde. C'est aussi le plus parfait et le plus agréable à Notre-Seigneur.

Chapitre IX
Le vie intérieure. - Ses formes variées D'après le P. Grou

On a réuni divers opuscules du P. Grou pour en faire un excellent Manuel des âmes intérieures.

Il décrit la vie intérieure sous des noms différents. Le fond est toujours le même, mais il y a des nuances dans les dispositions de l'âme.

I. - Le P. Grou donne quelqus principes généraux:

1° Dieu n'a donné à l'homme la liberté qu'afro qu'il la lui consacre, et le meilleur usage que l'homme puisse en faire est de la remettre entre les mains de Dieu, de renoncer à se gouverner soi-même, et de laisser Dieu disposer de toutes choses, parce que, dans les desseins de Dieu, tout ce qui nous arrive par l'arrangement de sa Providence a pour objet notre salut éternel.

2° La source de la paix de l'homme est dans le don qu'il fait de soi-même à Dieu, et si ce don est plein et entier, la paix dont il jouira sera imperturbable et s'affermira de jour en jour.

3° La fidélité aux petites choses, l'attention à plaire à Dieu en tout prouve la délicatesse de l'amour:

C'est la vie de Nazareth.

4° L'amour de Dieu n'a en nous qu'un seul ennemi, qui est l'amour-propre.

La conduite de Dieu dans la vie spirituelle a pour objet de détruire en nous l'amour-propre.

L'âme s'attache aux bien sensibles.

Dieu la détache par les consolations spirituelles. Elle s'attache ensuite à ces consolations.

Dieu la détache par l'aridité et les tentations. L'âme morte à ellemême garde la paix et reste attachée à Dieu dans son fond.

5° L'âme devient de plus en plus passive et Dieu exerce de plus en plus son domaine sur elle.

6° Le parfait amour ne compte plus avec Dieu.

Il aime avec un désintéressement à toute épreuve.

II. - Le P. Grou nous décrit une dizaine de formes de la vie intérieure.

Le principe de la dévotion est que Dieu étant l'unique source et l'auteur de la sainteté, la créature raisonnable doit dépendre de lui en tout et se laisser absolument gouverner par l'esprit de Dieu:

Il faut qu'elle soit toujours attachée à Dieu par son fond, toujours attentive à l'écouter au dedans d'elle-même, toujours fidèle à accomplir ce qu'il demande d'elle à chaque moment.

Quiconque se livre aux sens, à la passion, à la dissipation, n'arrive pas à la dévotion.

Le vrai dévôt est un homme d'oraison, qui fait ses délices de s'entretenir avec Dieu, qui ne perd jamais ou presque jamais sa présence, parce qu'il lui est toujours uni de cœur, et qu'il est conduit en tout par son esprit.

A l'oraison, il rentre doucement en lui-même; il y trouve Dieu; il y trouve la paix.

Il s'étudie à remplir parfaitement tous les devoirs de son état et toutes les véritables bienséances de la société.

Il est fidèle à ses exercices de dévotion et les interrompt sans tristesse, si les circonstances le demandent.

Il ne trouve la paix que dans l'union à Dieu selon cette parole de Saint Augustin:

«Le cœur de l'homme, uniquement fait pour Dieu, est toujours agité, jusqu'à ce qu'il se repose en Dieu».

Saint Paul dit aux chrétiens que par le baptême, ils étaient morts et ensevelis avec Jésus-Christ; qu'en sortant des fonts baptismaux, ils étaient ressuscités avec lui et obligés à mener une vie nouvelle sur le modèle de celle du Sauveur.

La résurrection est le symbole de la vie nouvelle en Jésus-Christ, de la vie spirituelle.

C'est par la mort continuelle à soi-même qu'on s'y prépare: Mort aux péchés, même légers, et aux imperfections:

mort au monde et à toutes les choses extérieures; mort au caractère et aux défauts naturels;

mort à la volonté propre;

mort à l'estime de nous-mêmes et aux consolations spirituelles. C'est par ces divers degrés de mort que la vie mystique de JésusChrist s'établit en nous; elle est une participation au mystère de la résurrection.

«Celui qui ne porte pas sa croix tous les jours, n'est pas digne de moi» (S. Mat. 10-38).

Comme la mort à nous-mêmes, la croix est une condition de la vie intérieure.

Pour suivre Notre-Seigneur, et participer à ses grâces, il faut renoncer à nous-mêmes, mourir à nous-mêmes, et cela tous les jours et continuellement.

La croix consiste premièrement à éviter le péché et ses occasions.

En second lieu, à mortifier ses passions, à modérer ses désirs, à veiller sur ses sens.

En troisième lieu, à nous séparer d'esprit et de cœur de tous les objets terrestres, charnels et temporels pour occuper notre pensée et notre affection des objets spirituels.

En quatrième lieu, à recevoir comme autant de dispositions de la Providence, tous les événements fâcheux qui nous arrivent.

En cinquième lieu, à embrasser toutes les épreuves, toutes les peines de la vie spirituelle; mais cela regarde surtout les âmes intérieures que Dieu prépare à des grâces supérieures en les faisant passer par le chemin pénible des peines intérieures.

L'esprit de foi et de confiance en Dieu est demandé à tous, mais on appelle la voie de la foi une conduite particulière de Dieu qui exerce la foi des âmes privilégiées en paraissant contredire leurs espérances. Abraham est appelé à immoler son Isaac;

Joseph qui a des promesses de domination sur ses frères, est vendu par eux et emmené en Egypte.

Une âme conduite par Dieu dans ces voies de la foi doit tout accepter et conserver la paix intérieure et la confiance.

Il arrive que Dieu fait passer ces âmes par de longues épreuves pendant des quinze et vingt ans; elles doivent tout accepter, et garder une paix inaltérable en s'abandonnant au bon plasir de Dieu.

Cette voie de pure foi dans les épreuves est exceptionnelle; Il ne faut ni la désirer, ni la repousser;

Il faut s'abandonner à Dieu.

C'est là encore une formule chère à beaucoup de maîtres de la vie mystique.

Se dévouer à Dieu seul: ces mots résument la vie mystique.

En avançant dans cette voie, on arrive à s'unir immédiatement à Dieu seul et sans milieu.

Il faut pour cela une grande pureté et des épreuves préparatoires: C'est un état qu'on ne peut pas décrire.

Il faut en avoir fait l'expérience pour en avoir une juste idée.

Cet état est l'œuvre de Dieu, on ne peut pas s'y mettre de soi-même. On s'y prépare par le renoncement à soi-même et l'abandon complet à la volonté divine.

Il ne s'agit pas de prières vocales, ni d'une méditation continuelle, mais de la prière du cœur qui consiste dans une disposition habituelle et constante d'amour de Dieu, de confiance en Dieu, de soumission à sa volonté dans tous les événements de la vie, dans une attention continuelle à la voix de Dieu, qui se fait entendre au fond de la conscience et nous suggère sans cesse des vues de bien et de perfection.

Dieu appelle tout le monde à cette disposition et cependant il est peu d'âmes qui se donnent à Dieu sans réserve.

Mais quand ce don est plein et entier, Dieu le récompense sur le champ par le don de lui-même; il s'établit dans le cœur, et il y forme cette prière continuelle qui consiste dans la paix, dans le recueillement, dans l'attention à Dieu, au dedans de soi-même au milieu des occupations ordinaires.

Ce recueillement est d'abord sensible et consolant, puis vient l'aridité pendant laquelle il faut persévérer.

L'épreuve sert à nous détacher de nous-mêmes pour nous faire vivre en Dieu dans la foi pure.

C'est une des principales conditions de la vie intérieure:

Cette paix de l'âme, n'est pas le partage de ceux qui n'observent la loi de Dieu que par crainte;

La paix pleine et abondante n'est promise qu'à ceux qui observent la loi par esprit d'amour.

Cet esprit d'amour, qui n'appartient qu'aux enfants, leur apprend à regarder Dieu comme leur père, sa loi comme un joug infinement doux, sa gloire et l'accomplissement de sa volonté comme la premier de leurs devoirs, le bonheur de lui plaire comme leur plus grand avantage.

Dès qu'une âme se donne toute à Dieu, Dieu verse en elle une paix ineffable. Plus tard, la paix n'est plus sensible, mais elle reste habituelle, si l'âme garde sa bonne volonté de faire la volonté de Dieu.

«Si vous ne devenez comme un enfant, vous n'entrerez pas au royame de Dieu» (S. Mat. 18-3).

Si l'on veut voir le règne de Dieu en soi, il faut devenir, quant aux dispositions surnaturelles, ce qu'est un enfant par rapport aux dispositions naturelles.

Il y a une enfance spirituelle et cet état est le premier pas pour entrer dans la vie intérieure; c'est un don de Dieu qu'on ne peut pas acquérir par soi-même.

L'enfant ne raisonne pas, il agit avec simplicité.

Ainsi quand Dieu nous met en cet état, il nous inspire des opérations simples et directes pour aller à lui.

En cet état, l'âme se laisse gouverner de moment en moment, au dedans par l'esprit de Dieu, au dehors par la Providence.

L'enfant témoigne son amour avec naïveté:

Ainsi l'enfant spirituel va à Dieu avec simplicité. Il se laisse gouverner; il sent sa faiblesse; il se tient près de Dieu et met en lui sa confiance. Il a en partage l'innocence, la paix et la joie pure.

«Seigneur, prenez-moi entre vos bras, bénissez-moi, donnez-moi cette belle simplicité qui est le plus grand de vos dons».

Comme la marche ordinaire de la grâce est de nous attirer à Dieu par une certaine douceur et par des goûts sensibles, le saint amour dans les commencements est toujours mêlé d'amour-propre.

Dieu ne s'en offense pas; il s'en sert pour nous faire faire quantité de sacrifices que nous ne ferions pas autrement.

C'est bien l'amour de Dieu qui nous porte à ces détachements, à ces sacrifices, à la pratique de la mortification et de l'oraison; mais si l'amour-propre n'y trouvait pas quelque pâture délicieuse, jamais on n'embrasserait la vie intérieure.

Mais Dieu purifie peu à peu notre amour: Il soustrait pour un temps ses consolations. Si l'âme est fidèle et reste généreuse, elle commence alors à aimer Dieu pour lui-même et non pour ses dons.

Puis viennent d'autres purifications: les tentations, les humiliations, l'abandon apparent de Dieu.

Le pur amour reste le maître, mais il n'exclut pas l'espérance qui est une vertu nécessaire.

«Mon Père, je remets mon âme entre vos mains»:

C'était l'expression de l'amour le plus pur et le plus désintéressé. Dieu conduit quelques âmes à l'abandon mystique.

Elles s'élèvent d'abord à l'état habituel de recueillement et d'oraison. Puis il les fait passer de renoncement en renoncement, d'épreuves en épreuves, jusqu'à ce que la pauvre âme se croie digne de réprobation. Toujours fidèle, elle accepte tout de la part de Dieu.

III. - Résumé

Le P. Grou s'attache à faire comprendre aux âmes intérieures la necessité de réprimer leur activité naturelle, de s'accoutumer peu à peu à se simplifier devant Dieu et dans l'exercice de l'oraison et à se reposer doucement en lui.

L'âme unie à Dieu agit avec une grande paix; elle ne prévient pas l'action de Dieu, mais elle attend que Dieu la prévienne; elle se meut sous l'impression divine, comme la main d'un enfant qui apprend à écrire sous l'impression de la main de son maître.

L'âme sous l'action de Dieu n'est pas oisive un seul instant, comme l'imaginent ceux qui n'ont pas une vraie idée du repos en Dieu.

Le repos nous concentre en Dieu et nous fixe à une chose:

A l'écouter dans l'oraison; et hors de l'oraison à accomplir sa volonté dans le moment présent.

C'est la doctrine qu'enseignent tous les maîtres de la vie spirituelle et en particulier l'un des plus célèbres: Saint François de Sales.

«On se met, dit-il, en la présence de Dieu pour deux raisons principales:

La première est pour rendre à Dieu l'honneur et l'hommage que nous lui devons, et cela peut se faire sans qu'il nous parle, ni nous à lui. C'est l'attitude des courtisans à la Cour. Et cette fin de se présenter devant Dieu pour témoigner de notre volonté et de notre reconnaissance, est excellente et très sainte.

La seconde cause pour laquelle on se présente devant Dieu est pour parler avec lui et l'ouïr parler par ses inspirations et mouvements intérieurs.

L'un de ces deux biens ne peut jamais nous manquer à l'oraison. Si nous pouvons parler à Notre-Seigneur, parlons; louons-le, écoutons-le.

Si nous ne pouvons lui parler, parce que nous sommes enroués, demeurons néanmoins en la chambre et faisons la révérence.

Il nous verra là, il agréera notre patience et favorisera notre silence. Une autre fois, nous serons tout ébahis de ce qu'il nous prendra la main et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous ès allées de son jardin d'oraison; et quand il ne le ferait jamais, contentons-nous de ce que c'est notre devoir d'être à sa suite et de ce que nous est une grande grâce et un honneur plus grand qu'il nous souffre en sa présence.

En cette sorte nous ne nous empresserons point pour lui parler puisque l'autre occasion d'être auprès de lui ne nous est pas moins utile, encore qu'elle soit un peu moins agréable à notre goût.

Quand donc vous viendrez à Notre-Seigneur, parlez-lui si vous pouvez, sinon demeurez-là, faites-vous voir et ne vous empressez pas à autre chose» (Lettre 34, livre II).

Chapitre X
L'homme spirituel. - Ses voies diverses D'après le P. Saint Jure

Le Père Saint Jure s'inspire des exercices de Saint Ignace: Il y puise les principes de la vie intérieure. Il développe longuement l'étude du discernement des esprits, qui est la pierre de touche de la vie intérieure; enfin, comme le P. Grou et le Père Lallemant, il décrit les diverses formes ou les divers modes de la vie intérieure:

L'Union avec Jésus-Christ - la pureté d'intention - la vie de foi - la prière continuelle - la paix de l'âme.

Et toutes ces voies se fondent dans la vie intérieure, comme les couleurs de l'arc-en-ciel se fondent dans la couleur blanche.

Le principe de la vie intérieure comme de toute vie chrétienne est «la fin de l'homme», que Dieu a créé pour le connaître, l'aimer, le servir, et pour trouver le bonheur dans la possession de Dieu, qui est le bien infini, possession commencée ici-bas et consommée au ciel; et en le possédant, le glorifier comme il le demande.

Dieu trouve sa gloire et son bonheur en lui-même; en le possédant, nous participons à son bonheur et à sa gloire.

Toute la nature nous conduit à Dieu, en nous disant sa beauté, sa bonté et sa gloire.

Tous les événements de la vie nous conduisent à Dieu; les joies et les peines nous aident également, si nous savons nous en servir.

Mais pour la vie surnaturelle, le grand moyen est Notre-Seigneur lui-même qui est appelé pour cela le Médiateur, et avec lui, tout ce qui est de lui: sa Mère - ses sacrements - sa doctrine.

Les fruits délicieux de la possession de Dieu sont:

1° La perfection et la sainteté de notre âme;

2° Les lumières dans notre entendement;

3° La paix de notre volonté;

4° Un généreux et juste mépris de toutes les choses créées;

5° Un extérieur bien composé.

Le but de l'homme, dit Saint Paul, est de chercher Dieu pour l'atteindre (Act. 17-27).

Il faut l'atteindre pour le posséder, nous unir à lui, mais par quel chemin courir pour l'atteindre?

Les maîtres de la vie spirituelle indiquent plusieurs voies convergentes:

Dieu s'est plu à tracer plusieurs avenues dans son jardin spirituel, et toutes aboutissent au même centre qui est lui-même.

Les docteurs de la vie spirituelle comme le P. Saint Jure, le P. Grou, le P. Lallemant énumèrent ces voies et nous laissent choisir sous le regard de Dieu et l'attrait de la grâce: mais une âme a tout profit à ne pas s'agiter comme les papillons et à suivre la voie où elle est une fois entrée et où elle a pris conscience de son progrès et de son avancement spirituel. Rappelons avec Saint Jure les voies principales:

C'est la voie royale:

Tobie se mit sous la conduite de Raphaël;

Mettons-nous sous la conduite de Notre-Seigneur, il est plus qu'un ange.

Il est venu sur la terre pour cela; pour nous prendre, pour nous éclairer, nous conduire.

Le véhicule: c'est la grâce avec les sacrements, le Saint-Sacrifice, Jésus est la voie, la vérité et la

tous ses adjuvants: la parole de Dieu, la prière et surtout l'oraison mentale. vie.

D'autres âmes s'attachent à la pureté d'intention, et c'est encore une voie excellente:

C'est la pureté d'intention qui donne le prix et la valeur à toutes nos actions.

Comme une alchimie spirituelle, dit Saint Jure, elle convertit tout ce qu'elle touche en or, en diamants et en rubis:

C'est pour cela que Dieu demande avant tout à l'homme son cœur et sa volonté.

L'intention la plus pure est la gloire de Dieu et son amour. Chercher notre salut, fuir la damnation, progresser dans la vertu sont aussi des fins excellentes, mais toutes cèdent le pas à la gloire et à l'amour de Dieu.

L'exercice de la foi en toutes choses, c'est une voie excellente. C'est par la foi que Dieu a résolu de nous justifier (Saint Paul aux Romains, ch. v).

La foi nous élève au-dessus de la nature corrompue. Elle éclaire notre entendement; elle nous fait désirer les biens célestes; elle gagne notre cœur à Dieu.

La foi vive ne va pas sans l'espérance et la charité: c'est toute la vie surnaturelle.

La vie de foi dans sa plénitude comprend les autres voies pour aller à Dieu:

Elle en est l'entrée. Elle est la source de tous les dons, la racine de toutes les vertus.

On peut dire aussi qu'elle en est le comble, parce qu'elles ne s'accroissent qu'en proportion de sa propre croissance.

Elle est la plus excellente des armes spirituelles. C'est notre foi, dit Saint Jean qui nous donne la victoire (1 Joan, 5-4).

Dans la pratique, à la vie de la foi se rapportent le souvenir de notre fin, la présence de Dieu, l'union à Notre-Seigneur qui est notre Médiateur, l'abandon à la Providence qui nous gouverne avec sagesse et bonté.

Il faut toujours prier et ne jamais se lasser, disait Notre-Seigneur. Saint Paul répète cela souvent.

C'est donc encore une voie qui conduit à Dieu, et la prière se ramène à l'intention pure, à la vie d'oraison, à l'union avec Dieu.

Les bonnes œuvres sont une prière, les actions offertes à Dieu sont une prière.

La prière est nécessaire, parce qu'elle nous est commandée et elle est aussi nécessaire parce que Dieu en a fait le chemin de la grâce. Prions avec la liturgie; prions avec les lèvres, prions avec le cœur. Prions aux quatre fins du sacrifice: adoration - amour - réparation - impétration; c'est la vie du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie.

On demande quelle est la meilleure disposition d'une âme dans la vie spirituelle, pour y faire un grand progrès et arriver à la perfection:

Si c'est de marcher en lumières ou en ténèbres, d'avoir beaucoup de sentiments de Dieu ou d'en avoir peu, d'être sain ou malade, riche ou pauvre, honoré ou méprisé?

C'est, dit Saint Jure, de tenir dans toutes ces dispositions et dans tous ces états, son cœur en paix et de conserver son âme dans une tranquillité inébranlable.

Les deux grands biens que nous souhaitent sans cesse Notre-Seigneur et les apôtres sont:

La grâce de Dieu et la paix de l'âme.

La première chose à faire pour arriver à la perfection, est une vigilance pacifique sur soi-même, sur son intérieur et son extérieur;

La seconde est d'agir avec une grande tranquillité dans toute sa conduite.

L'âme tranquille est dans le véritable état pour pratiquer les vertus et opérer avec perfection.

Dieu, dit David, fait sa demeure dans la paix (ps. 75). - Dieu, dit Saint Jean Climaque, repose dans l'âme tranquille; elle est son trône. Recueillez votre esprit avant l'action.

Faites toutes choses sans vous presser.

Dans nos désirs, dans nos pertes, dans nos fautes, gardons toujours la paix.

Le Père Saint Jure n'a pas oublié la voie royale du Sacré-Cœur (tome II page 150):

Où doit se faire, demande-t-il l'union avec Notre-Seigneur? Il répond: c'est dans le Sacré-Cœur.

Nous y sommes tous, parce qu'il nous aime, mais de plus, nous pouvons nous y placer et y demeurer par nos pensées. C'est là qu'il faut établir notre demeure.

Nous ne pouvons pas en avoir de meilleure, de plus riche, de plus magnifique, de plus agréable, de plus sainte et de plus divine.

Qu'il est bon, dit Saint Bernard, de demeurer et d'opérer dans ce divin Cœur.

C'est là qu'il faut faire toutes les fonctions de la vie spirituelle. Pour la vie purgative, pleurons nos péchés dans ce Cœur qui en a conçu un regret inexprimable.

Haïssons le péché avec lui. Souffrons les tribulations en union avec ses souffrances.

Pour la vie illuminative: exerçons les vertus et les bonnes œuvres dans le Cœur de Jésus qui nous en a donné un si parfait exemple.

Enfin pour la vie unitive, ce Cœur divin, qui a été si constamment uni à Dieu, en est le vrai sanctuaire et le propre domicile:

C'est là que nous devons produire les actes d'amour, de choix, de complaisance, de bienveillance;

C'est là qu'il faut exercer les adorations très pures, les remerciements, les offres, les hommages, les abandonnements de soi-même, les abaissements et les anéantissements, les dégagements de toute affection aux créatures;

C'est là qu'il faut posséder la joie et le repos en Dieu, comme en notre centre.

Ezechiel et Saint Jean nous décrivent quatre animaux mystiques conduisant le char de l'Eglise.

Ils sont indépendants et cependant ils sont unis.

Ils marchent devant eux et ils vont tous à la maison de Dieu. Ainsi en est-il des voies spirituelles:

L'aigle symbolise la vie de foi qui s'élève toujours vers le ciel;

Le lion représente la force de l'âme dans la paix et la maîtrise d'elle-même;

Le bœuf, c'est le sacrifice et toutes les immolations;

L'homme rappelle l'union à Notre-Seigneur et à son divin Cœur. Et toutes ces voies conduisent à la maison de Dieu: à l'union, à la paix en Dieu.

Il y a beaucoup d'analogie entre l'étude du Père Saint Jure et celle du Père Grou, sur la vie intérieure.

Chapitre XI
Du royaume de Dieu dans les âmes -
et de l'union à Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'oraison
D'après le P. Eudes

====I. – Du royaume de Dieu dans les âmes; en quoi il consiste: ses avantages.==== Dieu a trois sortes de royaumes:

Celui de la nature; Celui de la grâce; Et celui de la gloire.

Le royaume de la grâce est intérieur: sa fin est la félicité sainte qui résulte de l'union avec Dieu.

Ce royaume, quant à son exercice, consiste en deux choses: En la direction du roi et en la dépendance de ses sujets;

En d'autres termes, dans les voies de Dieu vers les âmes et dans les voies des âmes vers Dieu.

Il y a deux sortes de volontés:

Il y en a d'ordonnance positive et il y en a de simple permission.

Il console et afflige - Il caresse et châtie - Il donne de la terreur et de la confiance…

Les voies des âmes vers Dieu sont:

Dépendance - humilité - résignation - abandonnement de tout soin - mortification de l'amour-propre - pureté de cœur.

Plus on a de ces saintes dispositions, plus le royaume de Dieu s'établit dans l'âme.

Les excellences de ce royaume sont:

La sagesse du roi - sa puissance - sa bonté - la noblesse des sujets - la paix - l'assurance - la liberté - les biens et les plaisirs dont ils jouissent.

En quoi le royaume de Dieu surpasse infiniment ceux de la terre. Quelle différence entre le royaume de la grâce et celui du péché! C'est à nous de choisir d'être les sujets de l'un ou de l'autre.

Le salut consiste à nous retirer de celui du péché et à entrer dans celui de la grâce; et la perfection à faire mourir en nous la loi du péché et de la chair, et à vivre selon la loi de l'esprit.

1° La première opération de Dieu dans la conduite de son royaume est, selon Saint Denis, de purger les âmes:

Pour cet effet, il met dans le cœur de ses sujets la connaissance d'euxmêmes:

La multitude de leurs fautes et de leurs défauts;

La grandeur et la grièveté de ces malices et qu'il est important de les connaître pour se corriger et s'établir dans l'humilité.

Dieu qui est la lumière commence à régner dans l'âme en chassant les ténèbres du péché.

Il purge l'âme: du péché actuel; de l'habitude du péché;

de l'obligation de subir la peine du péché;

de la corruption même de la nature et de l'imperfection de l'être créé, ce qui ne s'achève toutefois qu'en l'autre vie.

2° Le seconde opération de Dieu dans le gouvernement de son royaume est d'enseigner aux âmes la science des Saints, qui seule, est la véritable science.

Les autres sciences prises en elles-mêmes et sans rapport à la gloire de Dieu, mènent à l'orgueil, à la folie et à l'erreur.

Dieu est bien différent des maîtres de la terre:

Ceux-ci n'instruisent que l'entendement. Leurs lumières laissent le cœur froid. Dieu peut mouvoir la volonté; sa lumière y porte la chaleur. Ils n'instruisent que par des discours et des raisonnements.

Dieu fait comprendre la vérité en un moment et par une simple vue. Ils ne peuvent donner l'intelligence à ceux qui n'en ont pas.

Dieu le peut si cela lui plaît.

1° Les sujets du royaume de Dieu sont vraiment rois: «Fecisti nos Deo nostro regnum et regnabimus». Trois choses accompagnent la royauté:

La dignité - les richesses - les plaisirs.

Or les âmes en qui Dieu a établi le royaume de sa grâce, possèdent excellemment ces trois avantages.

2° Leur état est d'une éminente dignité:

Elles obéissent immédiatement à Dieu et ne dépendent intérieurement que de lui.

Elles ont une pleine liberté, un parfait domaine sur le monde, la chair et le démon.

Elles marchent tête levée et ne craignent rien que Dieu.

3° Les richesses de ce royaume sont incompréhensibles: «investigabiles divitias Christi»; abondance de sagesse, de science, de lumières, plénitude de grands sentiments de Dieu et des choses divines:

Possession de Dieu même.

4° Les plaisirs, les délices, les douceurs, les consolations, la paix que l'on goûte dans le royaume de Dieu, surpassent tout ce que le cœur peut désirer et tout ce que l'esprit peut concevoir.

====IV. – De la pratique du royaume intérieur de Dieu, ou des moyens de l’établir en nous==== Pour établir en nous le royaume de Dieu, nous devons faire trois choses:

1° Il faut bannir de notre cœur toute autre domination que celle de Dieu, et nous rendre intérieurement libres des affections qui nous assujettisent aux créatures:

On veut d'ordinaire joindre ensemble le royaume de la grâce et celui du péché.

On cherche des tempéraments pour accorder les lois de l'un avec celles de l'autre.

De là vient que l'état commun des hommes est plein de troubles et fort divisé:

«Personne, dit Notre-Seigneur, ne peut servir deux maîtres».

Dieu veut régner seul dans nos cœurs: il faut donc en chasser les objets qui par une affection déréglée y dominent à son préjudice.

Le moyen de les reconnaître est d'observer à quoi nos pensées se portent ordinairement, et quel est le ressort des quatre passions que nous ressentons les plus:

La joie - la tristesse - le désir et la crainte.

2° Après avoir secoué la domination des créatures, il faut nous lier à la conduite de Dieu par une étroite dépendance, qui demande que nous nous abandonnions à Lui sans réserve et sans souci de l'avenir; que nous hasardions nos affaires et nos intérêts entre les mains de Dieu, surtout en ce qui concerne l'obéissance, ne nous donnant aucun mouvement par nous-mêmes et nous laissant gouverner comme de petits, enfants; que nous nous offrions libéralement à toutes les volontés futures de Dieu, et que nous nous résignions pleinement aux présentes, acceptant tout de sa main, sans nous plaindre et sans nous permettre de désirer autre chose.

3° En tout cela il faut procéder d'une manière intérieure et mener une vie, non seulement bonne, mais vraiment intérieure, réglant tous les mouvements de notre cœur par l'instinct de Dieu.

Cette conduite comprend trois actes:

Le premier est de consulter en toutes choses l'oracle intérieur et l'esprit divin, de peur que l'esprit humain ne le prévienne:

Le deuxième: d'accomplir avec fidélité ce qu'il ordonne, autrement il se retire et se cache;

Le troisième: de faire en tout la vue de Dieu, par hommage à son Etre Souverain, en union avec son esprit et pour son amour.

Si l'on ne s'habitue à opérer ainsi, l'on n'agit que par des principes bas et immortifiés, même dans les actions les plus saintes et l'on va toujours à soi-même:

On se cherche et on se trouve en tout.

«Apprenez, dit le Livre de l'Imitation, à mépriser les choses extérieures;

«Entrez en vous-mêmes et vous verrez venir en vous le Royaume de Dieu»

Soyons tout à Dieu.

Pour moi, je suis à Dieu, suive qui voudra le monde.

Hélas, mon Dieu et mon Roi… les hommes ne veulent point de vous. Ils disent dans leur révolte: Nolumus hunc regnare super nos. «Nous ne voulons pas de son règne».

Et moi, Seigneur, je dirai hautement, je dirai sans cesse: «Adveniat regnum tuum. Vent Domine Jesu. Aufer scandala de regno tuo. Amen»: «Que votre règne arrive. Venez Seigneur Jésus. Ecartez les scandales de votre royaume».

L'union à Jésus-Christ pour louer, bénir et adorer Dieu, est appelée avec justice: la religion pratique du ciel et de la terre.

Elle est la religion pratique du ciel, puisque l'Eglise triomphante, c'est-à-dire les anges et les saints, n'ont d'autre occupation dans le Ciel que de louer, que d'adorer Dieu en Jésus-Christ, par Jésus-Christ et avec Jésus-Christ, comme l'Eglise le répète tous les jours dans la préface de la Messe: per quem majestatem tuam laudant angeli.

L'union à Jésus-Christ est aussi la religion pratique de la terre, puisque l'Eglise nous recommande d'unir notre voix à celle des anges, des esprits bienheureux, et surtout de nous unir au Cœur de Jésus-Christ, afin que dans ce Cœur et par ce Cœur, nous rendions à Dieu des louanges, des adorations, des actions de grâces dignes de Lui.

Que ferai-je donc pour honorer Dieu dignement?

Uni d'esprit et de cœur avec les justes, avec les anges et les Saints, avec la Sainte Vierge, ayant le cœur contrit et humilié, je m'unirai à Jésus-Christ, soit sur l'autel où il est continuellement immolé devant son Père, soit dans le Ciel, où il ne cesse de l'adorer; et dans cette union de mon cœur au Cœur de Jésus, j'offrirai à Dieu les hommages, les adorations de son Fils bien-aimé, et alors je rendrai à Dieu par le Cœur de Jésus, une gloire infiniment digne de Lui.

Notre deuxième devoir envers Dieu: c'est la reconnaissance.

D'un cœur sensible et reconnaissant, unissez-vous à Jésus-Christ, soit dans le Ciel, soit dans l'Eucharistie, où il loue et remercie continuellement son Père, et dans cette union de votre cœur au Cœur de Jésus, offrez à Dieu toutes les louanges, toutes les actions de grâces que Lui rend son Divin Fils; par ce moyen, vous échappez à l'ingratitude et vous rendez à Dieu des actions de grâces dignes de Lui, et supérieures à votre dette.

Pour le devoir de la réparation, unissant mon cœur contrit au Cœur de Jésus, percé d'une lance, je m'écrierai:

«O Père Eternel, c'est par votre Fils que je vous demande le don d'une véritable conversion, le pardon de mes péchés, pourriez-vous le refuser, lorsqu'Il vous en supplie d'une manière si touchante? Voyez combien Il m'aime. Voyez son Cœur, c'est Lui-même qui plaide, qui sollicite et qui demande grâce pour moi».

Quelle prière… qu'elle a de force pour être exaucée!…

Notre quatrième devoir envers Dieu, c'est de Lui demander les grâces dont nous avons besoin:

Etant pauvre et misérable, je dois sans cesse implorer le secours de Dieu;

Je dois même ou par charité, ou par reconnaissance ou par justice, prier pour les autres;

Je sens que je suis indigne d'être exaucé, que ferai-je donc?

Je prierai les anges, les Saints, la Reine des anges et des Saints de

prier pour moi et avec moi; mais, comme leurs prières elles-mêmes ne sont pleinement agréables à Dieu que par Jésus-Christ, je me présenterai avec eux à Jésus-Christ, je m'unirai à Lui soit au ciel, soit sur l'autel. Partout, Il est le Fils bien-aimé de Dieu. Son Cœur divin n'a pour ainsi dire pas d'autre vie que celle d'un intercesseur toujours exaucé: «Semper vivens ad interpellandum pro nobis».

Chapitre XII
Direction spirituelle donnée par Notre-Seigneur à Sainte Brigitte: Sainte Brigitte. (Révél. livre VI, c. 64)

Notre-Seigneur a donné à son épouse Sainte Brigitte une direction complète pour mener la vie active et la vie contemplative, représentées par Marthe et Marie:

Il lui montre comment l'homme commence, puis avance dans la vie spirituelle et dans la vertu, pour s'élever jusqu'au plus haut degré du parfait amour de Dieu et du prochain.

C'est Notre-Seigneur qui parle:

Il y a deux voies, représentées par Marthe et Marie:

Que celui qui veut les imiter fasse d'abord une confession générale de ses péchés, qu'il en conçoive une vraie contrition et qu'il prenne la résolution de ne plus offenser Dieu.

La vie que Marie a choisie conduit directement à la contemplation des choses célestes:

C'est la meilleure part et le régime qui procure le salut éternel.

Celui donc qui désire mener la vie de Marie doit se contenter du né-cessaire pour le corps, à savoir: de vêtements simples et d'aliments modérés et sans superflu;

Qu'il observe la chasteté, sans aucune délectation mauvaise et le jeûne selon les règles de l'Eglise;

Celui qui s'affaiblit par un jeûne exagéré est amené à diminuer ses prières et ses œuvres, qui sont utiles pour lui et pour le prochain. Mieux vaut manger par obéissance que jeûner par volonté propre.

Secondement, Marie ne doit pas se réjouir de l'honneur ou de la prospérité, ni s'attrister de l'adversité; mais qu'elle se réjouisse quand les impies se convertissent; quand les amis du monde deviennent les amis de Dieu; quand les bons progressent dans la vertu et deviennent plus ardents au combat spirituel; qu'elle s'attriste si les pécheurs tombent plus bas, si Dieu n'est pas aimé par sa créature, si les commandements de Dieu sont méprisés.

Troisièmement, Marie ne doit pas être oisive, pas plus que Marthe: Qu'elle se lève exactement, après le sommeil nécessaire et qu'elle rende grâces à Dieu de tout son cœur, parce que Dieu a tout créé par sa bonté, et qu'en s'incarnant, il a tout renouvelé en nous témoignant par sa Passion et par sa mort un amour incomparable;

Que Marie rende grâces aussi pour ceux qui sont sauvés et pour ceux qui sont au purgatoire;

Qu'elle prie pour que les vivants ne soient pas tentés au delà de leurs forces;

Qu'elle soit discrète et réglée dans ses prières et dévotions: si elle a le nécessaire pour vivre sans sollicitude, qu'elle fasse des prières plus longues;

Si elle s'attiédit dans la prière et si des tentations lui viennent, elle peut se livrer au travail des mains pour son utilité ou celle des autres; Elle peut aussi se prêter à une conversation édifiante, jusqu'à ce que l'âme et le corps étant reposés, elle redevienne plus apte à l'œuvre de Dieu.

Si Marie a besoin de travailler pour vivre, qu'elle prie plus brièvement, son travail sera une prière et servira à sa perfection.

Si elle ne sait pas travailler, qu'elle ne rougisse pas de mendier; elle fera ainsi comme moi, le Fils de Dieu, qui me suis fait pauvre pour enrichir les hommes.

Si Marie est soumise à l'obéissance et qu'elle vive selon les ordres de ses supérieurs, elle aura deux fois plus de mérite que si elle vivait librement.

Quatrièmement, Marie pas plus que Marthe, ne doit pas être avare, mais généreuse.

Comme Marthe donne ses biens temporels pour l'œuvre de Dieu, Marie doit distribuer ses biens spirituels.

Si elle aime Dieu, qu'elle se défie de ce sentiment du vulgaire, qui dit: «Que m'importent les autres, si je vis pour mon salut».

O ma fille, si ceux qui parlent ainsi voyaient un ami dans la peine et la tribulation, ils courraient jusqu'à la mort pour le relever. Que Marie fasse ainsi.

Elle doit pleurer de voir que son Dieu est offensé et que son prochain, qui est son frère, est scandalisé.

Si quelqu'un pèche, que Marie s'efforce de l'arracher au péché, mais avec discrétion.

Si elle est persécutée pour son zèle, qu'elle aille ailleurs, comme je l'ai dit: «Si on vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre». C'est ce qu'a fait Saint Paul, qui s'est enfui de Damas en se laissant descendre dans une corbeille, par dessus les murs.

Si donc Marie veut être généreuse et fervente il lui faut cinq choses: Une maison pour que les hôtes s'y reposent;

Des vêtements pour ceux qui sont nus; Des aliments pour ceux qui ont faim; Du feu pour ceux qui ont froid;

Des remèdes pour les malades.

a) La maison est son cœur

De mauvais hôtes viennent la troubler: la colère, la tristesse, la cupidité, l'orgueil et d'autres semblables qui entrent par les sens.

Quand donc ces tentations viennent, il ne faut pas se troubler: Comme l'hôtelier reçoit les bons et les mauvais hôtes avec patience, ainsi Marie doit les supporter tous pour Dieu, sans consentir aux tentations, mais en les écartant peu à peu avec la grâce de Dieu.

Si elle ne parvient pas à les éloigner, qu'elle les supporte patiemment, elle y trouvera un profit spirituel.

b) Se revêtir d’humilité et de compassion

Que Marie se revête d'humilité pratique et de compassion pour les âmes:

Si elle est méprisée par les hommes, qu'elle se rappelle comment moi, son Dieu, j'ai supporté les mépris, je me suis tu devant les juges, et je me suis laissé flageller et couronner d'épines sans murmurer.

Si on lui fait des reproches, qu'elle ne montre pas de colère ni d'impatience, mais qu'en voyant cela ils bénissent Dieu et qu'ils en soient bénis. Qu'elle évite la détraction;

Qu'elle s'efforce de gagner les âmes par sa douceur pour les détourner du péché;

Qu'elle les avertisse à propos et les amène par son exemple à une vraie humilité.

Un autre vêtement de Marie est la compassion:

Si elle voit son prochain tomber dans le péché, qu'elle y compatisse et prie Dieu de lui pardonner.

Si elle le voit souffrir des injures, des dommages ou des mépris, qu'elle en ait pitié et qu'elle l'aide de ses prières, de son concours, de sa sollicitude même auprès des grands.

La vraie compassion s'oublie pour le bien d'autrui.

Si elle n'a pas de crédit auprès des grands et qu'elle n'ait rien à gagner à sortir de sa cellule, qu'elle prie Dieu avec ferveur pour les affligés, et Dieu qui voit les cœurs voudra pour l'amour de sa servante, changer les cœurs des persécuteurs, délivrer le pauvre de sa tribulation ou lui donner la patience pour doubler sa couronne.

c) Vie de foi

Marie doit avoir des aliments pour les hôtes exigeants qui viennent solliciter son cœur, pour l'entraîner à désirer les choses délectables, à aimer les choses du monde, à rechercher les biens temporels; quand son oreille désire entendre des louanges, quand sa chair convoite les jouissances sensuelles, quand son esprit cherche à exaucer sa fragilité, à atténuer ses fautes, quand survient la tiédeur, l'oubli des fins dernières, quand on croit avoir fait beaucoup de bien et qu'on oublie ses fautes. Contre ces hôtes, il faut agir.

Que Marie se ranime dans la foi et dise à ces hôtes:

«Je ne veux rien des choses temporelles, que le strict nécessaire; je veux employer tous mes instants pour l'honneur de Dieu; je ne m'inquiète pas si une chose est utile à mon corps ou agréable à mon goût, mais seulement si elle plaît à Dieu et si elle est utile à mon âme».

Cette disposition est le pain à donner aux hôtes et cette réponse apaise les passions.

d) Docilité au Saint-Esprit

Marie doit avoir du feu pour éclairer et réchauffer ses hôtes, et ce feu est celui du Saint-Esprit:

Personne ne peut en effet faire abnégation de sa volonté et renoncer à l'affection charnelle des parents ou à l'amour des richesses sans l'aide et le feu du Saint-Esprit.

- Ici, Notre-Seigneur va donner un vrai résumé de retraite spirituelle.

Fondement

Pour éclairer ses hôtes, que Marie s'arme de ces pensées: Dieu m'a créée pour que je l'honore par dessus tout et pour qu'en l'honorant je l'aime et je la craigne:

Il est né d'une Vierge pour nous montrer le chemin à suivre et il est mort pour nous ouvrir le ciel où nous devons tendre.

Examen de conscience

Que Marie examine toutes ses œuvres, ses pensées, ses affections; comment elle a offensé Dieu, comment Dieu supporte l'homme patiemment et l'appelle à Lui de tant de manières.

Ces pensées ont besoin d'être éclairées de l'Esprit-Saint, et ce feu vient dans le cœur quand Marie est résolue à tout souffrir plutôt que d'offenser son Créateur et Rédempteur.

Discernement des esprits:

Le cœur reçoit aussi cette bonne lumière quand l'esprit réfléchit et discerne avec quelle intention vient chaque note, c'est-à-dire chaque pensée, ce qu'on reconnaît en examinant si la pensée tend aux joies éternelles ou aux joies sensibles.

Vigilance

Pour que ce feu dure, il faut que Marie y apporte sans cesse le bois de la réflexion, de la vigilance sur les sens, et qu'elle mette tous ses soins à augmenter ses œuvres de piété et ses oraisons dont se délecte l'Esprit-Saint.

Zèle

Il faut qu'elle sache que si la flamme est mise dans un vase clos, elle s'éteint:

Si Marie a la flamme de l'amour de Dieu dans son cœur, il faut que sa bouche s'ouvre et que sa charité se communique.

Elle ouvre la bouche quand ses entretiens fervents engendrent des fils spirituels à Dieu.

Qu'elle le fasse pour que les méchants se convertissent et que les bons deviennent meilleurs.

Ainsi Saint Paul parlait ou se taisait à propos suivant l'Esprit de Dieu, et usait de paroles douces ou sévères suivant les circonstances pour la gloire de Dieu et le bien des âmes.

Si elle n'a pas l'occasion d'édifier, elle attend, comme le renard attend dans sa retraite, jusqu'à ce qu'elle trouve des âmes bien disposées.

Double sauvegarde: humilité et douceur

Marie doit abriter la flamme de l'Esprit sous l'humilité intérieure et extérieure:

Elle a l'humilité intérieure si elle s'estime indigne et inutile; si elle ne désire pas les louanges, si elle cherche Dieu avant tout;

Elle a l'humilité extérieure, si elle évite les paroles vaines et subtiles; si elle ne préfère pas son sentiment à celui des autres.

Quand on la loue, qu'elle renvoie la louange à Dieu en pensant qu'elle n'est que poussière;

Si on blâme, qu'elle dise: «C'est justice. - J'ai si souvent offensé Dieu… Je mérite des peines plus grandes. Priez pour moi, pour qu'en souffrant ces humiliations temporelles, j'évite les éternelles».

Si elle est provoquée à la colère, par ses proches, qu'elle retienne ses paroles et qu'elle prenne le temps de demander secours à Dieu et de penser à ce qu'elle répondra:

Le diable lui porte envie et s'il ne peut pas la faire désobéir aux lois divines, il cherche à l'exciter à la colère, à la vaine joie, aux paroles inconsidérées. Qu'elle prie Dieu sans cesse pour que ses paroles et ses actions soient dirigées par la grâce;

Qu'elle garde l'humilité dans ses œuvres en n'agissant pas pour être louée, en fuyant la singularité, en ayant de la déférence pour tous; Qu'elle préfère la compagnie des pauvres à celle des riches, l'obéissance au commandement, le silence à la parole, la solitude à la compagnie du monde et des parents;

Qu'elle haïsse sa volonté propre; Qu'elle médite souvent sur la mort; Qu'elle fuie la curiosité et les murmures; Qu'elle pense souvent à la justice et à la bonté de Dieu; Qu'elle se confesse fréquemment;

Qu'elle n'ait en vue que l'honneur de Dieu et le salut des âmes.

Fonctions de la vie active

Si elle est alors appelée aux fonctions de Marthe, qu'elle obéisse pour l'amour de Dieu; qu'elle se charge du gouvernement des âmes, elle aura une double couronne, comme je vais le montrer par un exemple:

Un maître puissant ayant un navire chargé de marchandises précieuses dit à ses serviteurs: «Allez à tel port où vous ferez de gros profits; si les vents se lèvent, travaillez sans vous laisser abattre, vous serez récompensés».

Mais en route survient la tempête, le navire est ballotté, le capitaine prend peur et décide avec les hommes d'aborder au port le plus proche: Mais l'un d'eux, plus fidèle et plus attaché à son maître, saisit le gouvernail, et conduit le navire au port que le maître avait indiqué. Il sera plus récompensé que les autres.

Il en sera ainsi d'un bon prélat, qui prend sa charge pour l'amour de Dieu et le salut des âmes, sans souci de ses avantages personnels.

Il sera doublement récompensé.

Il aura part aux biens de ceux qu'il aura conduits au port.

Au contraire, un prélat ambitieux aura part aux fautes et aux peines de ses sujets.

e) Abandon à la volonté de Dieu

Marie doit donner des remèdes à ses hôtes et les encourager par de bonnes paroles.

A tout ce qui arrive, gai ou triste, elle doit dire:

Pour moi, je veux ce que Dieu veut et je suis prête à faire toutes ses volontés, fallût-il aller en enfer.

Cette disposition donne la joie dans la tribulation et la modération dans la prospérité.

Parlons maintenant de la vie de Marthe:

Si la part de Marie est meilleure, celle de Marthe n'est pas mauvaise; elle est louable et elle plaît à Dieu.

Je vous dirai donc quelle doit être cette vie.

Comme Marie, Marthe a cinq biens à sauvegarder:

1° Garder la vraie foi de l'Eglise;

2° Connaître les préceptes divins et les conseils évangéliques et les observer de cœur et dans ses œuvres;

3° Contenir sa langue: éviter toute parole qui puisse offenser Dieu et le prochain - garder ses mains honnêtes et justes, son esprit exempt d'une trop grande convoitise et sensualité - savoir se contenter de ce que l'on a et ne pas désirer le superflu;

4° Accomplir les œuvres de miséricorde raisonnablement et humblement et ne pas s'en prévaloir pour offenser Dieu;

5° Aimer Dieu par dessus tout et plus que soi-même.

C'est ainsi que fit Marthe:

Elle se donna à moi joyeusement en suivant mes conseils et mes exemples, puis elle donna tous ses biens pour l'amour de moi.

Elle dédaigna les biens temporels et chercha ceux du Ciel; elle souffrit tout patiemment, elle s'occupait des autres comme d'elle-même; elle pensait toujours à ma bonté, à ma Passion; elle se réjouissait dans les tribulations; elle aimait son prochain comme une mère aime ses enfants. Elle me suivait docilement tous les jours, n'ayant rien tant à cœur que d'entendre les paroles de vie. Elle compatissait à ceux qui souffraient et consolait les infirmes, ne maudissant personne, dissimulant les fautes de son prochain et priant pour tous.

Ceux donc qui veulent pratiquer la charité dans la vie active, doivent imiter Marthe, en aimant le prochain en vue du ciel, sans favoriser ses vices, en fuyant les louanges, la duplicité, la colère et l'envie.

Vous remarquerez que Marthe vint la première à moi, priant pour son frère Lazare, mais celui-ci ne ressuscita pas de suite. Marie vint ensuite quand on l'appela et alors, à cause des deux soeurs, le frère ressuscita.

Il en est ainsi dans la vie spirituelle.

Celui qui veut être Marie, doit être d'abord Marthe, en travaillant en mon honneur et il doit savoir résister aux désirs de la chair et aux tentations du diable.

Après cela, il peut s'élever au degré de Marie,.

Celui qui n'a pas été éprouvé et tenté et qui n'a pas vaincu les mouvements de sa chair, comment pourrait-il s'élever de suite aux choses célestes?

Qu'est-ce que le frère mort de Marthe et de Marie, si ce n'est l'œuvre imparfaite?

Car souvent une bonne œuvre se fait avec une intention mal réglée et alors elle se fait mollement et tièdement.

Mais pour qu'une bonne œuvre me soit agréable, il faut qu'elle ressuscite par Marthe et Marie, ce qui a lieu quand le prochain est aimé sincèrement pour Dieu et que Dieu est recherché par-dessus tout.

Alors toute bonne œuvre est agréable à Dieu. C'est pour cela que j'ai dit dans l'Evangile que Marie a choisi la meilleure part.

La part de Marthe est bonne quand elle s'attriste des souffrances du prochain.

Elle est meilleure quand elle travaille pour que les hommes vivent honnêtement et qu'elle le fait pour le seul amour de Dieu.

Mais la part de Marie est meilleure quand elle contemple seulement les choses célestes et le bien des âmes:

Alors Dieu entre dans la maison de Marthe et de Marie, quand l'âme, remplie de saintes affections et toute purifiée des agitations séculières, pense toujours à la présence de Dieu et qu'elle médite et travaille nuit et jour dans son amour.

Chapitre XIII
L'union à Dieu,
enseignée par N. -S. lui-même
à Sainte Catherine de Sienne,
de l'ordre de Saint-Dominique

Dans ses merveilleux dialogues, la Sainte expose comment Dieu Lui-même lui a enseigné les conditions de la vie d'union.

L'union a trois degrés:

Elle commence par la pénitence et elle s'élève jusqu'à l'amour et l'immolation.

L'union se fait par les facultés de notre âme: la mémoire, l'entendement et la volonté.

«C'est à vous, dit le Seigneur, de faire fructifier le trésor que je vous ai confié, en vous donnant la mémoire pour vous rappeler mes bienfaits (et vos infidélités), l'intelligence pour voir et connaître la vérité (et mes amabilités) et l'amour pour vous attacher à Moi».

«J'ai créé l'âme, dit le Seigneur, à mon image et ressemblance, en lui donnant la mémoire, l'intelligence et la volonté:

L'intelligence est la plus noble partie de l'âme.

L'intelligence est excitée par l'affection et l'affection est nourrie par l'intelligence: C'est la main de l'amour, c'est-à-dire l'affection, qui remplit la mémoire de mon souvenir et du souvenir de mes bienfaits. Ce souvenir rend l'âme active et reconnaissante: elle la préserve de négligence et d'ingratitude; chaque puissance aide l'autre - ainsi se nourrit l'âme dans la vie de la grâce».

«Il faut m'aimer par-dessus toute chose et aimer le prochain comme soi-même; c'est là le commencement, le milieu et la fin des commandements de la loi. Ces deux commandements ne peuvent être réunis en mon nom sans la réunion des trois puissances de l'âme: la mémoire, l'intelligence et la volonté.

La mémoire doit retenir ma bonté et mes bienfaits.

L'intelligence doit contempler l'amour ineffable que je vous ai montré par le moyen de mon Fils unique: je L'ai donné pour objet à votre intelligence pour qu'elle y voie le foyer de ma charité.

La volonté alors s'unit à l'intelligence et à la mémoire en m'aimant et me désirant comme sa fin».

Le Fils de Dieu, attaché et cloué à la Croix, est devenu un pont pour nous permettre d'aller au Ciel.

«Ce pont qui est mon Fils unique, dit le Seigneur, a trois degrés: deux furent faits sur le bois de la Croix et le troisième est dans la grande amertume qu'Il ressentit lorsqu'Il fut abreuvé de fiel et de vinaigre.

A ces trois degrés correspondent trois états de l'âme:

Le premier degré, c'est à ses pieds, qui signifient l'affection (initiale et pénitente).

Ces pieds percés doivent te servir de degrés pour arriver au côté, qui est le second degré, où te sera révélé le secret du cœur; car dès que l'âme s'est élevée à l'affection des pieds, elle commence à goûter l'affection du cœur; elle fixe l'œil de l'intelligence dans le cœur entr'ouvert de mon Fils, l'aime d'une affection désintéressée.

Alors l'âme s'emplit d'amour en voyant qu'elle est tant aimée (C'est l'oraison affective).

Elle monte du second degré au troisième, c'est-à-dire à cette bouche pleine de douceur où elle trouve la paix.

Le premier la détache des affections de la terre et la guérit des ses fautes;

Le second degré la remplit d'amour pour la vertu;

Le troisième lui fait goûter la paix (dans l'abandon et l'immolation). Je t'ai fait connaître l'imperfection de la crainte servile et l'imperfection de l'amour de ceux qui m'aiment à cause de la douceur qu'ils trouvent en Moi.

Tu as vu la perfection du troisième degré, celle de ceux qui sont arrivés à la paix de la bouche après avoir couru avec un ardent désir sur le pont de Jésus crucifié et avoir monté les trois degrés principaux, en unissant les puissances de leur âme et toutes leurs opérations en mon nom».

Pour avancer, il faut agir et persévérer:

«L'âme ne peut vivre sans amour; elle veut toujours aimer quelque chose, car elle est faite d'amour, et je l'ai créée par amour (et pour l'amour).

L'affection excite l'intelligence et lui dit:

«Je veux aimer parce que l'aliment dont je me nourris est l'amour». Alors l'intelligence éveillée par l'affection se lève et lui dit: «Si tu veux aimer, je te donnerai un bien que tu puisses aimer».

Aussitôt, elle se met à considérer la dignité que l'âme a reçue par la création et l'indignité où elle est tombée par le péché.

Dans la dignité de son être, elle admire mon ineffable bonté et la charité avec laquelle je l'ai créée; et dans la profondeur de sa misère, elle trouve et contemple ma miséricorde, qui lui a donné le temps du repentir et qui l'a sauvée des ténèbres.

Alors l'affection se nourrit d'amour; elle se rassasie, et elle savoure dans cette haine l'humilité véritable et la parfaite patience (pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes)».

Dieu éprouve l'âme qui travaille à sa sanctification:

«Pour faire sortir l'âme de son imperfection, je me retire d'elle d'une manière sensible et je la prive de la consolation qu'elle avait d'abord. je le fais pour la rendre humble, pour l'exercer à me chercher véritablement et lui faire acquérir la prudence.

Alors, elle m'aime d'une manière désintéressée, avec une foi vive et la haine d'elle-même, elle se réjouit dans la peine, parce qu'elle se trouve indigne de la paix et du repos de l'esprit.

Elle persévère humblement dans ses exercices.

Elle y attend avec une foi vive l'avènement de l'Esprit-Saint. Elle m'attend non dans l'oisiveté, mais dans les veilles et dans la prière continuelle. Elle attend l'ardeur de la charité, car elle sait que je ne veux pas autre chose que la santification des âmes:

«Le Sang de mon Fils l'a bien prouvé».

«Tu ne peux arriver à la perfection que par un entier et perpétuel renoncement à ta propre volonté».

«Quiconque n'apporte par ce renoncement dans toutes ses œuvres manque par cela même à la vraie perfection; mais celui qui le pratique avec joie accomplit parfaitement ma volonté. Celui-là m'est très agréable; car rien ne m'est plus doux que d'agir avec vous par la grâce et d'habiter en vos âmes. Mes délices sont.d'être avec les enfants des hommes. je ne veux pas violer les droits de leur libre arbitre, mais dès qu'ils m'acceptent par la grâce, ils sont transformés en moi, tellement qu'ils sont une même chose avec moi par la participation de ma perfection, de ma paix particulière et de mon repos».

Les degrés de l'union

«Les peines ne satisfont à la faute que par ce doux et intime amour qui naît de la connaissance de ma bonté et par cette amère et profonde contrition du cœur qui vient de la connaissance de soi-même et de ses fautes. Cette connaissance produit la haine et la fuite du péché et de la sensualité. Elle fait comprendre qu'on est digne de toutes sortes de châtiments et qu'on ne mérite aucune consolation…

L'âme, en recevant ces leçons, éprouve un amour immense, et cet amour lui cause une peine continuelle. Elle a connu ma bonté et ses fautes, l'ingratitude et l'aveuglement des hommes; elle en ressent une peine inexprimable; elle souffre parce qu'elle aime. Dès que vous aurez connu ma vérité, il faudra supporter jusqu'à la mort les tribulations, les injures et les affronts de toutes sortes, en l'honneur et à la gloire de mon nom.

Souffrez ces épreuves avec une vraie patience, avec une ardent amour de tout ce qui peut glorifier mon nom. Vous satisferez ainsi à vos fautes et à celles de mes autres serviteurs.

Vos peines, rendues efficaces par la puissance de la charité, pourront expier et mériter pour vous et pour les autres…».

- «Pour ce qui est de la pénitence volontaire, c'est avec discrétion qu'on doit s'y livrer.

La vertu est le but principal; la pénitence n'est qu'un moyen pour l'atteindre, et il faut toujours l'employer dans la seule mesure du possible.

En s'appuyant trop sur la pénitence, on nuit à sa perfection, parce qu'on ne suit pas la lumière de la connaissance de soi-même et de ma souveraine bonté, et qu'on n'obéit pas à la vérité en dépassant les bornes de ma haine et de mon amour».

- (Je t'ai dit la règle que tu devais donner à ceux qui voudraient sortir des ténèbres du péché et suivre les sentiers de la vertu. Il faut leur donner pour principe et fondement l'amour de la vertu, par la connaissance d'eux-mêmes (de leur dépendance, de leur faiblesse et de leurs fautes) et la connaissance de ma bonté envers eux; il faut leur faire tuer et détruire leur propre volonté, afin qu'elle ne se révolte jamais contre moi.

Montre-leur la pénitence comme un moyen et non comme un but; elle ne doit pas être égale pour tous.

Elle doit se régler sur les aptitudes, les forces et l'état de chacun: les uns peuvent beaucoup, les autres moins, suivant leurs dispositions exterieures».

«L'âme est un arbre fait pour l'amour et qui ne peut vivre que d'amour. Si l'âme n'a pas l'amour divin d'une parfaite charité, elle ne donnera pas de fruits de vie, mais des fruits de mort».

«Il faut que ceux qui veulent la vie éternelle aiment sans intérêt, parce qu'il ne suffit pas de fuir le péché par crainte du châtiment ou d'embrasser la vertu par amour de ses avantages, il faut encore fuir le péché parce qu'il me déplaît, et aimer la vertu par amour pour moi.

Il est vrai qu'ordinairement, la crainte est le premier pas des pécheurs vers la pénitence.

L'âme est imparfaite avant d'être parfaite, mais il faut sortir de cette imperfection, m'aimer d'un amour filial et me servir sans intérêt; car je sais récompenser toute peine et je rends à chacun selon son état et ses efforts.

Ceux qui n'abandonnent pas leurs prières et leurs bonnes œuvres, mais qui travaillent avec persévérance à augmenter leurs vertus, arriveront à l'amour des enfants. Je les aimerai avec un amour correspondant, car je rends toujours l'amour qu'on me donne. Si quelqu'un m'aime comme le serviteur aime son maître, je le récompense comme un maître paie ses serviteurs, mais je ne me livre pas à lui, parce que les secrets ne se confient qu'à l'amitié: on ne fait qu'un avec son ami, mais non pas avec son serviteur.

Si cependant celui-ci s'élève jusqu'à l'amour filial, il deviendra mon ami et je me manifesterai à lui, comme a dit la Vérité: Celui qui m'aimera sera aimé de mon Père et je l'aimerai; je me manifesterai à lui et nous demeurerons ensemble».

«Quel est le moyen de parvenir à l'amour filial? Le voici:

Toute perfection procède de la charité, et la charité est nourrie par l'humilité; l'humilité vient de la connaissance et de la haine de soimême. Pour y arriver, il faut persévérer et rester dans la cellule de son intérieur, où l'on connaîtra ma miséricorde dans le sang de mon Fils unique, en attirant par son amour ma charité divine, en s'exerçant à détruire toute mauvaise volonté spirituelle et temporelle et en se cachant humblement dans la vie intérieure».

=====Troisième degré. L’amour parfait (abandon et immolation)

«L'âme au troisième degré parvient à la bouche de Jésus-Christ. Que fait la bouche? elle parle; elle goûte les aliments. Ainsi l'âme pervenant à la perfection parle en priant, exhortant le prochain, en exprimant à Dieu ses pieux désirs.

Elle broie les mépris et les humiliations; elle supporte la faim, le froid, les angoisses et les larmes pour le salut du prochain; elle savoure le goût de la sainte croix et de la doctrine de Jésus crucifié. La bouche donne le baiser de paix: aussi à ce degré, l'âme possède la paix, parce qu'elle a perdu et détruit sa volonté propre.

Elle supporte tout volontairement pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Elle court avec ardeur dans la voie de Jésus crucifié. Sa patience est la preuve qu'elle m'aime parfaitement et sans intérêt.

Elle sait que rien ne se fait sans moi et que tout est ordonné mystérieusement par ma providence.

Elle n'a d'autre pensée que de se conformer à ma volonté… Ceux qui sont parvenus à ce degré voient avec le regard pur et tranquille de l'âme que Moi, le Maître souverain de l'univers, je gouverne tout avec une sagesse, un ordre et une charité infinis. Ils savent par conséquent que ce qui leur arrive est bon: Je choisis le meilleur pour eux, et je pourvois plus utilement à leurs besoins qu'ils ne pourraient eux-mêmes le savoir, le vouloir et le faire. Il en est de même des épreuves qu'ils supportent. Comme ils m'attribuent les événements, au lieu de les attribuer au prochain, ils sont tellement affermis dans une invincible patience, qu'ils souffrent tout, non seulement avec calme, mais encore avec joie et bonheur.

C'est savoir apprécier ma bonté que de croire et de penser avec reconnaissance, au milieu des difficultés et des tribulations, que je dispose tout avec douceur, et que tout découle de la source élevée de mon courr».

La vie d'union à Dieu donne la paix et la joie.

«Qu'elle est douce cette demeure», dit le Seigneur, douce au-dessus de toutes les douceurs.

«Cette union est telle que la volonté disparaît de l'âme, parce qu'elle ne fait plus qu'un avec moi. Elle répand par tout le monde le parfum et le fruit de ses humbles et continuelles prières; l'encens de son désir prie sans cesse pour le salut des âmes; c'est une voix sans parole humaine qui crie toujours en présence de ma Divine Majesté. Et Moi, je te le dis aussi: Je ne veux pas que tu te lasses de désirer et de chercher mon secours. Que ta voix ne cesse de crier vers Moi pour que je fasse miséricorde au monde. Frappe toujours à la porte de Mon Fils; aime à être avec Lui sur la croix pour la gloire de Mon Nom et pour le salut des âmes…».

Chapitre XIV
La doctrine de vie
D'après le P. Gillet, dominicain

Lisons de préférence les livres qui nous expliquent l'action divine, l'action de la grâce en nous. Le livre du P. Gillet est un des plus lumineux.

Résumons-le:

I

Outre l'omniprésence de Dieu en toute créature par sa science et sa puissance, il y a la présence personnelle de Dieu dans les âmes justes, dans les âmes en état de grâce, ayant la charité.

C'est donc la charité ou l'amour qui sert de trait d'union entre la personne de Dieu et la nôtre.

Aussi disons-nous que c'est en la personne du Saint-Esprit que Dieu habite en nous; ce n'est pas pour exclure les deux autres personnes, mais pour mettre en lumière le titre de cette présence qui est un titre d'amour.

Dieu devient un autre nous-même, il est un ami, habitant chez des amis, de là cette simplicité, cette intimité dans nos rapports avec Dieu. La charité n'est autre chose que le cœur de Dieu battant dans notre cœur, puisque par la charité, nous aimons Dieu comme il s'aime et nous-mêmes et les autres du même amour que Dieu.

L'union à Dieu implique «le cœur avec Dieu». Nous pensons à Lui , nous Le contemplons en nous; nous Lui rendons grâces pour tous ses dons, nous Lui exposons nos besoins.

Nous contemplons son amour dans ses grandes manifestations: la Création, l'Incarnation, la Rédemption, l'Eucharistie.

II

La présence et l'action du Christ en nous à titre d'instrument de la grâce, complète la présence de Dieu en nous.

Si la présence du Christ en nous avec ses deux natures, divine et humaine, est difficile à comprendre, la présence du Christ par son action s'impose, puisqu'Il est aux mains de Dieu l'instrument de la production de la grâce en nous.

Il a mérité toutes les grâces et Il nous les départit. Il est le Chef, la tête du corps mystique de l'Eglise. Comme c'est de la tête que les membres du corps reçoivent la vie, c'est du Christ que les âmes reçoivent la grâce, cette vie divine.

La production de la grâce par le Christ, instrument de Dieu, n'entraîne pas la présence personnelle du Christ… Que cette présence du Christ par son action en nous puisse quelquefois se doubler d'une présence personnelle, qui pourrait en douter?

La présence Eucharistique nous aide à le comprendre.

Est-ce que par la Communion le Christ n'est pas présent personnellement corps et âme et divinité, dans nos âmes et dans des milliers d'âmes à la fois? Pourquoi la Toute-Puissance de Dieu serait-elle sous ce rapport limitée au moyen Eucharistique?

Nous pouvons donc en croire les Saints qui nous affirment avoir le sentiment de la présence personnelle de Jésus-Christ.

Après les études sérieuses sur la télépathie et la double vue (Mr Farges, dans la Croix, 1919), on ne doute plus de l'action des âmes à distance. Il y a des faits certains.

Des âmes peuvent voir à distance, ou porter à distance des avertissements, des pressentiments.

Y a-t-il quelque chose d'analogue aux courants télégraphiques ou téléphoniques à distance?

Ou bien l'âme peut-elle par certains élans mystérieux agir en dehors de sa prison corporelle, comme semble l'insinuer Platon? Notre-Seigneur pourrait agir ainsi en nous, non seulement par sa divinité, mais par son âme humaine.

Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle expliquerait bien des faits de la vie des saints, qui étant plus harmonisés que nous avec l'âme de Notre-Seigneur en recevaient les influences directes.

III

C'est par la grâce du Saint-Esprit que Dieu et le Christ agissent en nous. Nous recevons du Saint-Esprit la lumière de la foi pour régler notre vie par des vues surnaturelles. Mais il y a plus:

Pour suppléer à nos raisonnements humains, même surnaturalisés et toujours lents et complexes, nous avons les dons du Saint-Esprit.

Ce sont des intuitions, des flairs, des instincts qui agrandissent le champ de notre expérience de Dieu.

Dans la pratique des vertus surnaturelles, nous nous inspirons de nos raisonnements, aidés par la grâce divine; dans l'exercice des dons du Saint-Esprit, nous sommes directement inspirés par Dieu.

Les dons intellectuels de science, d'intelligence, de sagesse, nous révèlent Dieu et la vie de Dieu en Lui-même et en nous.

C'est une intuition.

Les autres dons: ceux de crainte, de piété, de force, de conseil, nous font comprendre l'attitude à avoir et le parti à prendre dans telle ou telle circonstance pour faire la volonté de Dieu.

IV

Les sacrements sont aussi un instrument de la grâce.

L'action divine passe par le Christ et par eux pour aboutir jusqu'à nous. La messe et la communion sont des instruments très actifs de la grâce.

La Sainte Vierge est un instrument conjoint au Sauveur par ses mérites, par sa mission de Reine et de Mère, par son intercession.

Des mystiques l'ont comparée au cou et au cœur dans le corps mystique du Christ, dont nous sommes les membres.

V

Pour nourrir la vie contemplative, il ne faut pas la disperser, mais la condenser sur les grands mystères de l'amour de Dieu: Création, Incarnation, Rédemption, Eucharistie, Béatitude Eternelle.

Cela suffit pour nous entretenir dans la ferveur de l'amour divin et dans l'esprit d'apostolat en union avec la charité divine.

Il me semble que Saint-Paul marque bien dans la deuxième Epître aux Thessaloniciens (Chapitre III et V) cette double action de Dieu en nous. Dieu met en nous la charité; le Christ y ajoute la patience, à son exemple: Dominus autem dirigat corda vestra in charitate Dei et patientia Christi.

Le cœur de Dieu met en nous la charité, pour Lui, pour nous, pour les hommes.

Le Cœur de Jésus met en nous la patience, la réparation, le sacrifice pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

Chapitre XV
Directoire mystique par le P. Antoine du Saint-Esprit, de l'Ordre des Carmes

Le traité du P. Antoine du Saint-Esprit me paraît sage, clair et bien scolaire: c'est un de ceux qui pourraient être adoptés dans les cours de théologie.

Il a quatre parties:

La première donne des notions générales; les trois autres traitent de la vie purgative, de la vie illuminative et de la vie unitive.

On donne diverses définitions de la théologie mystique. D'après Gerson, c'est une connaissance expérimentale de Dieu par les embrassements de l'amour unitif: «per amoris unitivi complexum». C'est le don de sagesse à un haut degré, dit l'auteur:

C'est une connaissance de Dieu jointe à l'amour unitif.

Toute âme en état de grâce a le don de sagesse: mais avec un secours spécial ce don produit un acte supérieur qui est la contemplation et qui se termine par un ardent amour de Dieu.

Que signifie dans le langage mystique l'expression «entrer dans les tenèbres divines?».

C'est une manière de parler: l'âme contemplative cesse de voir les choses d'ici-bas; elle est ébloui par la nuée lumineuse du Sinaï.

Que signifient le silence et le repos dans la contemplation?

C'est que l'âme exclut l'agitation, elle ne fait que des actes intellectuels et affectifs très doux; elle se repose dans le bien acquis.

Il faut commencer par la purgation des péchés; la modération des passions;

la purgation des sens extérieurs: la vue, le toucher, etc.;

la purgation des sens intérieurs:

l'imagination, la mémoire, la volonté propre, la pensée. Les purifications passives viennent s'y ajouter: l'aridité;

les tentations;

la perte des biens;

les épreuves de la foi…

L'oraison mentale est aussi un moyen de purification active:

Les mystères de Notre-Seigneur sont les sujets qui nous préparent le mieux à la contemplation.

Les actes de foi vive et simple et de ferme confiance, sont les meilleurs. Se défier des choses extraordinaires qui peuvent conduire à l'erreur ou à la présomption.

Après quelques moments de méditation il est bon de se reposer dans la simple contemplation de la divinité, dans une connaissance générale et confuse de Dieu et dans son amour effectif, si la grâce nous y aide; et si cette connaissance fait défaut, revenir à l'exercice de la méditation, spécialement sur la vie et la Passion de Notre-Seigneur.

Il est bon d'aspirer à la contemplation surnaturelle et à l'union avec Dieu, qui est bien aussi utile que délectable.

La contemplation philosophique s'élève de la créature au Créateur: Celle des croyants ne voit pas seulement en Dieu le Créateur, mais aussi l'auteur de la grâce et sa sagesse, sa miséricorde, sa justice, sa toute-puissance et ses autres perfections.

On distingue la contemplation acquise et celle qui est infuse: La première s'obtient par l'exercice de la foi;

La seconde est un don gratuit.

Tous doivent s'exercer à la contemplation aquise. Il ne faut ni désirer ni demander les apparitions; et si elles viennent, il faut les fuir humblement et demander à Dieu d'être conduit par les voies ordinaires qui offrent plus de sécurité.

Les moyens les plus sûrs de sanctification sont l'amour de Dieu et du prochain, l'observation de la loi, la vertu solide, l'abnégation, le mépris du monde…

La vision intellectuelle met en notre âme le respect et l'amour de Notre-Seigneur et le désir de Lui plaire.

Elle se fait par un sentiment vague de la présence de Notre-Seigneur, ou par une intuition claire et rapide, qui nous laisse la lumière, la paix, la pureté, l'humilité, l'inclination de l'âme vers Dieu.

Il y a des touches divines qu'il faut recevoir avec humilité et reconnaissance, sans les chercher. Les vertus théologales sont le chemin de l'union à Dieu, avec les dons correspondants et les grâces gratuites qui y sont relatives.

Il faut s'exercer à la foi pure sans désirer les visions et révélations. Les grâces extraordinaires se reconnaissent à leurs effets, qui doivent être l'humilité, l'obéissance, la disposition à la vertu et aux bonnes œuvres.

Il y a une union de l'âme contemplative avec Dieu par un certain contact substantiel dans lequel on sent Dieu présent et uni.

Cette présence diffère de celle qui résulte de l'immensité divine et aussi de celle qui est commune à toutes les âmes en état de grâce.

C'est une perception expérimentale et immédiate de Dieu qui a lieu dans nos facultés d'intelligence et de volonté.

C'est Dieu connu et aimé d'une manière spéciale et surnaturelle. Dieu fait sentir à l'âme qu'Il est présent et qu'Il l'aime tendrement. Toutes les âmes pieuses et surtout les âmes consacrées doivent tendre à cette union divine.

Elles doivent d'abord parcourir la voie purgative et la voie illuminative.

Puis elles doivent dans le calme et le silence penser à Dieu, à sa présence et Lui adresser des aspirations ferventes.

L'oraison d'union peut être active ou passive.

Elle est active par la conformité de notre volonté avec Dieu, ou passive par le don de la présence de Dieu intime et sentie.

L'union active doit être toujours cherchée et pratiquée.

L'oraison de recueillement consiste dans l'oubli des choses extérieures et la concentration de nos facultés en nous:

Le recueillement peut être aussi actif ou passif.

L'âme en ce cas doit se tenir calme et attentive à l'action divine.

L'oraison de quiétude est un effet du don de sagesse:

Beaucoup d'âmes y atteignent, dit Sainte Thérèse, surtout les âmes religieuses. L'âme doit accepter humblement les grâces divines et ne pas s'y attacher.

L'âme agit un peu, mais très doucement.

Les effets sont la paix intérieure, l'humilité, le zèle pour l'oraison et pour la vertu.

L'oraison de rapt ou d'extase, nous transporte subitement en Dieu. Elle produit ordinairement de grands fruits.

Mais l'extase peut venir aussi de la nature ou du démon. On en juge par ses fruits.

L'auteur traite ensuite des vertus héroïques.

Ce serait trop long d'analyser ces pages: il faut les lire.

Pratiquons surtout la foi héroïque par l'habitude de la présence de Dieu et des vues de foi; la confiance et l'amour envers Dieu; l'obéissance, l'observance de nos règles, l'humilité et la componction habituelle, le zèle pour la justice.

Par le baiser de Dieu à l'âme, on entend une grande douceur infuse par Dieu à l'âme dans la communication du Saint-Esprit.

Par l'embrassement, on entend une touche secrète qui donne un avantgoût du Ciel.

Les fiançailles et les épousailles ont lieu quand Dieu, qui réside dans une âme purifiée, élève son intelligence, et lui fait sentir sa présence et qu'Il touche sa volonté pour qu'elle aime ardemment son Dieu qui lui donne ses baisers et ses embrassements.

Cette bienheureuse union dans laquelle on goûte Dieu a deux degrés: Les fiançailles sont l'union commencée:

Elles sont intermittentes.

Les épousailles sont continues:

Dieu reste présent à l'âme, même si elle ne le vois pas clairement. Ces grâces ne sont pas fréquentes:

Elles doivent être contrôlées par les règles du discernement des esprits.

Chapitre XVI
L'union avec Notre-Seigneur
ou la vie de Jésus en nous
D'après M. Olier

Ire Partie

1° Une des notes qui distinguent l'école de spiritualité du XIIe siècle (de Bérule, Olier, de Condren, Jean Eudes), c'est l'union, la liaison, l'appartenance entière à Jésus et à Marie.

A aucune autre époque nous ne voyons insister davantage sur cette base de la vie intérieure.

Il nous semble entendre dans les écrits de ces auteurs comme un long et magnifique commentaire de ces paroles de Saint Paul: Mortui estis et vita vestra abscondita est cum Christo in Deo:

Vous êtes morts (à la vie terrestre) et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ (Col 3-3). Christus vita vestra. Le Christ est votre vie (Col 3-4). Omnia et in omnibus Christus: Le Christ est tout en tous (Col 3, II). Donec Christus formetur in vobis: Jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous (Gal 4-19). Vivo jam non ego, vivat vero in me Christus: Je vis, non ce n'est pas moi, c'est le Christ qui vit en moi (Gal 2-20).

2° C'est la doctrine de la mort du vieil homme, comme préparation à la vie et au règne de Jésus en nous. Il faut toutefois se garder de l'exagération dans laquelle Mgr de Ségur est tombé un moment et qu'il a noblement rétractée.

3° M. de Berule expose cette doctrine dans tous ses écrits:

M. Olier en a fait comme un abrégé de théologie mystique, dans son Catéchisme de la vie intérieure.

Le B. P. Eudes l'a mise à la portée de tous les chrétiens par son livre: «Vie et Royaume de Jésus dans les âmes».

1° Il faut se pénétrer de l'esprit, des vertus, des puissances de Jésus et de Marie, exprimer en soi leur vie et leurs mœurs, se regarder comme des instruments entre leurs mains, mourir à soi-même et n'être animé que par eux.

2° De là cette unité morale que nous devons avoir avec les cœurs de Jésus et de Marie. «Posside cor nostrum, ut in ipso vivas et regnes»: Seigneur, prenez possession de nos cœurs pour y vivre et y régner. (Dans la prière Ave Cor du P. Eudes): Da nobis quoesumus Domine hanc sanctissimam,Jesu et Mariae in corde uno vitam jugiter celebrare, cor unum inter nos et cum ipsis habere: Donnez-nous Seigneur, la grâce de célébrer cette unité de Vie de Jésus et de Marie en un seul cœur et d'avoir la même unité de cœur entre nous et avec eux:

(Oraison de la fête du Saint Cœur de Marie).

Si quis Spiritum Christi non habet hic non est ejus: Si quelqu'un n'a pas l'esprit du Christ, il n'est pas du Christ (Aux Rm VIII). Cet esprit de Jésus-Christ, ce n'est pas son âme, c'est l'Esprit-Saint qui habitait en Lui et qui opère en nous les mêmes sentiments qu'en Jésus-Christ: «Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu»: Conformez vos sentiments à ceux du Christ Jésus (ad Philipp. II).

1° Les inclinations d'Adam et de la chair sont opposées aux sentiments de Jésus-Christ.

Elles tendent aux plaisirs, aux honneurs, aux richesses.

2° Au contraire, ceux qui ont l'esprit du Christ crucifient leur chair avec ses concupiscences: «Qui sunt Christi carnem suant crucifixerunt cum suis concupiscentiis» (Ad Gal V).

La chair ne mérite pas autre chose que le mépris, l'abjection et la contradiction. C'est donc justice que dans le baptême Dieu nous donne ce mépris pour la chair et l'amour de la croix: «Si quis vult post me venire, tollat crucem suam» (Mt XVI).

1° Notre-Seigneur habite donc en nous par sa grâce.

Nous comprendrons bien qu'au ciel comment Il est en son Père, et nous en Lui et Lui en nous: «In illa die vos cognoscetis quia ego sum in Padre meo, et vos in me et ego in vobis» (St. Jean, XIV).

2° Nous devons vivre pour Dieu en Jésus-Christ: viventes autem Deo in Christo Jesu (Ad Rm VI).

Chacun doit être soigneux au commencement de ses œuvres de renoncer à tous ses sentiments, à toutes ses volontés pour entrer dans les dispositions de Jésus-Christ: «abneget semetipsum et sequatur me» (Mt XVI). Vivons en toute religion envers Dieu, en toute justice envers le prochain, en toute sainteté envers nous-mêmes, en toute sobriété envers les créatures: «Abnegantes impietatem et soecularia desideria ut sobrie et juste et pie vivamus in hoc soeculo» (Ad Tit II).

3° En s'unissant à Jésus, on s'unit à Marie et aux saints qui participent au même esprit: Sit in singulis Mariae anima, ut magnificet Deum, sit in singulis Maria ut exultet in Deo. Que l'âme de Marie soit en tous pour magnifier Dieu; que l'esprit de Marie soit en tous, pour exulter dans le Seigneur (S. Amb. in Luc lib. 2 n° 26).

M. Olier avait fait faire une image de Jésus adolescent, les yeux levés vers le triangle sacré où était figuré l'oeil de son Père, avec au-dessus ces mots: «Je fais toujours ce qui Lui plaît», et au-dessous: ce seul mot: «Fiat».

IIe Partie
L'Union avec Notre-Seigneur

L'âme s'unit à Notre-Seigneur en trois manières, par connaissance, par amour et par imitation.

=====Section première De la connaissance de Notre-Seigneur

Dieu a voulu honorer la nature humaine autant qu'Il le pouvait faire communiquant à un homme la personne divine de son Verbe et à une femme la maternité divine.

Dieu ne pouvait rien faire de plus grand pour ses créatures.

C'est dans l'Incarnation et dans l'Eucharistie que Dieu opère les plus rares merveilles de sa puissance.

C'est le plus grand don que Dieu ait pu faire aux hommes. Dieu s'étant donné de la sorte aux hommes ne peut plus rien leur refuser. Tout ce qui est en Notre-Seigneur Jésus-Christ nous appartient d'une façon très particulière:

Sa sainte âme n'a été créée que pour l'amour de nous; son corps sacré n'a été formé que pour nous; son humanité n'a été unie à la personne du Verbe que pour les hommes.

Nous voyons dans le Verbe incarné trois sortes d'anéantissements. Il pouvait se faire séraphin: il s'est fait homme.

Il pouvait prendre un corps d'un âge parfait: Il a préféré demeurer dans le sein de Marie.

Il pouvait prendre un corps glorieux: il a préféré prendre un corps passible et mortel.

Il a fait tout cela pour l'amour de nous; et nous, que faisons-nous pour son amour?

Nous nous cherchons en tout, même dans la perfection.

A peine faisons-nous dans toute une année une seule action de pur amour de Dieu.

Sortons de cette misérable servitude de nos intérêts et servons NotreSeigneur purement pour l'amour de Lui.

Il est Roi par toutes sortes de titres (ps. 71):

Il est roi par droit de nature et d'héritage: par droit d'excellence et de

mérite; par droit de conquête; par droit d'élection.

Il est le Roi de tout le monde et de tous les êtres - Roi de tous les siècles - Roi immortel - Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs - Roi des cœurs et de la vie même intérieure Il est infiniment riche et libéral.

Quel tribut paierons-nous à ce Monarque Souverain, qui nous comble de biens? Rendons-Lui l'hommage d'un cœur fidèle, d'un cœur pur et brûlant de charité, plein du zèle de sa gloire et d'un désir ardent d'immoler à son amour et à son service mille vies, si nous les avions. Jésus-Christ a eu trois principes de ses actions:

Les puissances de son humanité sainte, la personne du Verbe et le Saint-Esprit, de qui Il a été conçu et sous la conduite duquel il a voulu vivre.

Vivons aussi sous la conduite du Saint-Esprit, par lequel nous avons été régénérés dans le baptême.

On considère dans la vie mortelle du Verbe incarné six états qui doivent faire le sujet ordinaire de nos méditations:

Le premier est sa demeure dans le sein de Marie;

Le deuxième, son enfance jusqu'à 12 ans: fruits: humilité - pauvreté - innocence - simplicité - douceur - docilité - obéissance.

Le troisième, sa vie cachée, de 12 à 30 ans;

Le quatrième, depuis 30 ans jusqu'à sa Passion: vie de zèle, de travaux et de persécution.

Le cinquième, depuis la Cène jusqu'à la Croix: vie souffrante. Le sixième, sur la Croix: vie languissante et mourante.

A ces états, on peut ajouter ceux de sa vie glorieuse et ceux de sa demeure dans le Saint-Sacrement.

=====Section deuxième L’amour de Notre-Seigneur

Toutes les raisons imaginables nous portent à aimer la sainte humanité de Jésus-Christ autant que nous en sommes capables.

C'est le Fils de Dieu. Nous Lui devons le même culte qu'à Dieu. L'Eglise les unit dans son culte. Saint Paul met toujours ensemble dans ses Epîtres, Dieu le Père et le Seigneur Jésus.

Dieu le Père l'a le premier honoré: avant sa venue au monde, par les cérémonies de l'Ancienne Loi instituées pour représenter les mystères de l'Homme Dieu; pendant sa vie mortelle, par l'éclat de ses miracles et les manifestations de sa divinité; après sa mort, par la manifestation de sa gloire dans tout l'univers, par la prédication de son Evangile et la fondation de son Eglise; par le sang des martyrs répandu pour la confession de sa foi; par les plus saints et les plus grands personnages de la Loi Nouvelle qui tous sont les images des grandeurs et de la sainteté de l'HommeDieu, comme ceux de l'ancienne loi en avaient été les figures.

Dieu veut que nous l'honorions et que nous l'aimions. Il Lui a tout mis entre les mains. Il en a fait notre chef, notre médiateur, notre Sauveur et l'arbitre de notre sort. Omnia vestra sunt, vos autem Christi, Christus autem Dei. Tout est à Lui. Les bons anges sont ceux qui Lui ont rendu hommage; les mauvais sont ceux qui ont refusé de L'adorer.

Dieu ne nous aime qu'en Jésus-Christ. S'Il nous regarde hors de son Fils, Il ne voit en nous que des péchés et ne nous prépare que des supplices.

Il est la porte et la voie. Nous n'avancerons que par Lui. Donnon-snous donc à Lui pour qu'Il gouverne tout notre intérieur et toute notre vie.

Tout le bien que nous faisons, c'est Lui qui le fait en nous. C'est par Lui que les Saints se sont faits saints. Il a fait leurs œuvres en eux par son inspiration, par sa grâce. Leur fête à tous est sa fête.

Notre-Seigneur cache dans la Sainte Eucharistie toute sa beauté, tous ses trésors, tous ses mystères, l'éclat et le parfum de son corps glorieux qui réjouissent le ciel.

Le chrétien, le prêtre surtout, devrait-il aimer autre chose sur la terre? Son corps adorable est uni à sa divinité; il est la chair de Marie; Il est l'instrument de tous ses miracles et de toutes ses miséricordes; Il est l'hostie du salut, le pain de vie.

Notre union à Jésus-Christ, dans la Sainte Communion est plus qu'une présence locale; plus qu'une union morale et un lien d'amitié. Il y a une union mystérieuse que nous ne comprendrons que dans l'autre vie. Son corps se mêle avec notre corps, son sang avec notre sang, son âme se joint avec notre âme, d'où résulte en nous un changement qui nous rend semblables à Notre-Seigneur dans la mesure de nos dispositions et de sa grâce.

Son imagination règle la nôtre; son entendement éclaire le nôtre; sa volonté échauffe et fortifie la nôtre; son appétit modère le nôtre et y éteint le feu de la concupiscence; ses sens purifient les nôtres; Il arrache nos mauvaises habitudes et nous rend la vertu facile.

Un homme pieux (cité par Platus) vit le corps de Notre-Seigneur s'unir au sien, ses bras se mêler aux siens comme une cire fondue. Disposons-nous par la pureté de cœur, la tranquillité de l'âme et un ardent désir de la Sainte Communion.

=====Section troisième L’imitation de Notre-Seigneur

Notre-Seigneur veut que nous soyons ses images, comme Il est l'image de Dieu son Père. Il veut que nous fassions paraître dans notre conduite son esprit et ses grâces. Les actes de vertu qu'on fait par ce motif d'imiter Notre-Seigneur et de Lui ressembler, sont les plus agréables à Dieu.

Jésus-Christ est le modèle des Saints. Il y a dans sa vie tous les traits des vertus et de la perfection qu'Il a communiquée aux Saints; de sorte que sa vie est un miroir où chacun doit trouver l'exemplaire propre de son état.

Les apôtres et les premiers chrétiens étaient tout pleins de Jésus-Christ; son amour et son imitation étaient l'idéal de perfection qu'ils se proposaient, comme l'on peut remarquer dans les épîtres de Saint Paul.

Les vertus ont leur beauté par elles-mêmes, mais elles sont bien plus aimables quand on les considère dans la personne de Notre-Seigneur.

Notre-Seigneur n'a reçu dans sa vie mortelle que de la peine et de la douleur. Les hommes qu'Il était venu sauver le calomnièrent et le persécutèrent. Ses disciples le trahirent et l'abandonnèrent. Il n'y eut que sa Sainte Mère, Saint Joseph, Saint Jean-Baptiste et fort peu de personnes qui ne Lui donnassent point de peine.

Apprenons de Lui à nous séparer des créatures par une abnégation générale, n'attendant de leur part que de la peine sans aucun plaisir.

Il n'y a que l'union et la familiarité avec Dieu qui puissent nous rendre heureux en ce monde.

Quel malheur pour nous si après avoir quitté le monde pour nous unir à Dieu, nous gardons des affections déréglées en nous privant par là des grâces de l'union divine.

On ne connaissait pas le mérite de la pauvreté avant Notre-Seigneur Jésus-Christ. Si nous la regardons avec les yeux de la foi dans l'état surnaturel où le Fils de Dieu l'a élevée, elle nous paraîtra charmante et nous trouverons qu'elle est le fondement de la vie apostolique.

Contemplons-la à Bethléem, à Nazareth, au Calvaire. Imitons-la réellement en nous privant des choses inutiles et surtout en nous confiant entièrement en Dieu pour l'entretien de la vie et pour tous nos besoins temporels.

Notre-Seigneur est infiniment pur dans sa génération éternelle parce qu'Il procède du père par voie d'entendement.

Il est pur dans sa génération temporelle à cause de l'union du Verbe avec sa nature humaine et parce qu'Il est conçu du Saint-Esprit dans le sein d'une vierge.

Son âme, son corps, son sang, ses sens sont purs et sont des sources de pureté.

Nous devrions célébrer sans cesse les noces du divin mariage de nos âmes avec Jésus-Christ. La confession nous y dispose en nous purifiant, la Messe est le banquet nuptial et la Sainte Communion en est la consommation.

Par l'obéissance, on est assuré d'accomplir la volonté de Dieu, toute juste et toute sainte.

Notre-Seigneur l'a aimée plus que la vie. C'est par elle qu'Il nous a sauvés.

Elle est la vertu la plus chère aux hommes apostoliques qui s'emploient à procurer le salut des hommes.

Le Verbe s'est anéanti infiniment en se faisant homme et cet anéantissement durera éternellement.

Jésus-Christ en sa sainte humanité, voyant l'anéantissement du Verbe, s'est anéanti de toutes les manières possibles.

La vraie grandeur est de s'humilier et d'aimer les mépris.

Un des premiers traits de notre modèle que nous devons exprimer en nous, c'est sa vie cachée, sa vie de retraite et de recueillement et surtout sa vie intérieure.

Elle consistait dans son application à Dieu: son attention, son amour, son zèle et ses désirs.

Dans la vie intérieure, nous exerçons les plus sublimes et les dons du Saint-Esprit les plus excellents: les vertus théologales; la religion et la pénitence qui sont les plus nobles entre les vertus morales: la sagesse, l'intelligence et la science.

Dieu s'y communique à nous et nous conduit à la perfection. Demandons par le mérite de l'anéantissement du Verbe Incarné, l'humilité; par la faveur de la Sainte Vierge, la pureté, et par Saint Joseph la conduite du Saint-Esprit.

Chapitre XVII
Vie intérieure et vie liturgique,
selon dom Chautard (Ecole Bénédictine)

Un bon petit livre de dom Chautard, intitulé «L'âme de tout apostolat» prend sa place dans toutes les bibliothèques ascétiques. Comme le P. Lallemant, comme le P. Libermann, dom Chautard fait remarquer combien la vie intérieure est requise chez le prêtre pour féconder son apostolat.

Le pape Benoît XV a bien voulut féliciter l'auteur d'avoir mis en lumière la nécessité de la vie intérieure chez les hommes d'œuvres pour la vraie fécondité de leur ministère.

Ce livre, dit Mgr Penon, devient le «Vade Mecum» des prêtres et des hommes d'œuvres.

Mais comment développer cette vie intérieure? C'est, dit l'auteur: par l'oraison et la vie liturgique.

L'oraison, nous en avons de nombreux traités. La vie liturgique, on l'a surtout pratiquée au Moyen-Age et on l'a bien expliquée de notre temps, avec dom Gueranger et dom Cabrol.

La vie liturgique: c'est l'union intense aux prières et aux rites de l'Eglise, soit dans les actes quotidiens, comme la messe et l'office, soit dans le cycle liturgique et la série des mystères et des fêtes.

Le but est toujours l'union avec Notre-Seigneur. L'oraison y concourt puissamment, mais c'est un fait manifeste que Notre-Seigneur se complait à réaliser cette union en relation avec la vie liturgique.

Les mystiques anciens faisaient leur oraison sur l'office du jour. Sainte Gertrude recevait ses lumières et révélations selon le courant de la vie liturgique.

Les congrégations actives depuis le seizième siècle, ont donné moins d'importance à la vie liturgique. Leurs membres auront cependant un grand profit à tenir compte du cycle liturgique dans leurs méditations quotidiennes.

Dom Chautard nous indique d'autres moyens auxiliaires pour la vie intérieure et notamment la garde du cœur et la dévotion à Marie.

La garde du cœur a été signalée par tous les auteurs mystiques, ce n'est pas autre chose que le recueillement, la fuite du monde, la paix de l'âme, l'amour de la solitude et du silence.

La dévotion à Marie est un des grands facteurs de la vie intérieure. C'est par Marie que nous viennent les grâces du Cœur de Jésus: elle en est la dispensatrice.

Chapitre XVIII
La présence de Dieu en nous et ses fruits d'après la B. Marguerite-Marie

«Au jour de ma profession, dit-elle, mon Divin Maître me dit qu'Il voulait me faire une grâce nouvelle, plus grande que les précédentes: C'était de me gratifier de sa présence actuelle, sensible et continuelle. J'ai sans cesse ce Divin Sauveur intimement présent. Je le vois, je le sens proche de moi, je l'entends beaucoup mieux que si c'était des sens corporels».

Quoique nous ne puissions pas espérer une grâce aussi extraordinaire, nous pouvons néanmoins y participer d'une certaine manière.

La Bienheureuse Marguerite-Marie recommande plusieurs vertus qui nous préparent à cette grâce:

Les principales sont:

le recueillement intérieur:

l'amour du silence et de la retraite;

et l'éloignement du monde.

Toute âme qui veut arriver à une intime union d'amour avec le Sacré-Cœur, par l'exercice habituel de sa présence, doit donc se maintenir avec soin dans le recueillement intérieur, s'abstenir des conversations inutiles, s'éloigner des réunions mondaines et garder la retraite autant que les devoirs d'état et les exigences de la charité le permettent.

Les oraisons jaculatoires et les actes fréquents d'union avec Notre-Seigneur aux diverses heures de la journée, aident grandement l'âme pour la préparer à l'union habituelle.

Cette divine présence, dit la Sainte, a toujours produit en moi de grands effets».

Son premier fruit est de faire voir à l'âme toute la malice du péché, de lui en inspirer une profonde horreur et de l'aider à s'en corriger: «Lorsque j'avais déplu à mon Souverain, sans cesse présent auprès de moi, dit-elle, Il m'avertissait de mes fautes et Il me rendait sa présence terrible».

Notre-Seigneur Lui avait dit:

«Lorsque tu feras des fautes, je les purifierai par les souffrances, si tu ne le fais pas par la pénitence; Je ne te priverai point de ma présence pour cela, mais je te la rendrai si douloureuse qu'elle te tiendra lieu de tout autre supplice».

«Mon Divin Sauveur m'avertit donc de mes fautes, raconte-t-elle; quelque grandes que soient ces fautes, cet unique Bien de mon âme ne me prive jamais de sa divine présence, comme Il me l'a promis, mais Il la rend si terrible, quand je Lui ai déplu en quelque chose, qu'il n'y a point de tourment qui ne me fût plus doux et auquel je ne me sacrifiasse plutôt mille fois que de supporter cette divine présence et de paraître devant la sainteté de Dieu ayant l'âme souillée de quelque péché».

Son deuxième fruit est d'inspirer le respect pour la Majesté divine: Cette divine présence de mon Sauveur et de mon Dieu, dit-elle, m'inspire tant de respect, elle imprime en moi un si profond anéantissement que je me sens comme tombée et anéantie dans l'abîme de mon néant, d'où je ne puis sortir, surtout lorsque je songe à ce que je suis, c'est-à-dire la plus indigne et la plus chétive de toutes les esclaves de mon Sauveur.

Par respect pour cette grandeur infinie, je voudrais me prosterner la face contre terre, ce que je fais lorsque je suis seule. Il faut que je me tienne comme un petit néant devant le Tout-Puissant.

Le troisième fruit de cette divine présence est de nous éclairer et de nous embraser: «Accedite ad illum et illuminamini» - «Approchez de Dieu, dit le prophète David, et vous serez éclairés» (ps 36).

«Mon Divin Sauveur m'étant toujours intimement présent, dit la Bienheureuse, m'instruisait et ne cessait de faire croître en moi par sa grâce le désir ardent de L'aimer parfaitement et de souffrir pour son amour».

Le quatrième fruit que produit la présence divine: c'est de donner une force invincible à l'âme chrétienne au milieu des tentations et des épreuves:

«Mon Divin Sauveur, présent auprès de moi, me soutenait, ajoute la Bienheureuse».

«Cherchons donc notre force, dit le P. Yenveux, dans notre union au Cœur de Jésus».

Le cinquième fruit de la présence de Dieu est de nous faire vivre de la vie divine:

«D'autres fois, continue la Bienheureuse, mon Souverain s'imprimait en moi d'une manière telle, ce me semble, qu'il ne me restait plus d'autre être, ni d'autre vie que Lui-même».

Le sixième fruit est de procurer à l'âme les plus grandes consolations: Quelquefois, dit encore la Bienheureuse, cette divine présence m'élevait au comble de tout bien, dont la jouissance surpasse toute expression».

Le septième fruit signalé par la Bienheureuse, c'est la paix de l'âme, qui est comme un avant-goût du ciel:

«D'autres fois, dit-elle, il me semble être comme une eau tranquille, où le Soleil prend plaisir à se regarder. J'expérimente que toutes ces grâces sont accompagnées d'une paix inaltérable, de paix et de reconnaissance».

«Mon divin Sauveur imprime aussi en moi un désir ardent de me conformer à sa vie souffrante et méprisée. Tout mon plaisir en cet exil c'est de n'en avoir point que celui qui se trouve sur la croix et d'être privée de toute autre consolation que celle du Sacré-Cœur».

Huitième fruit: La présence divine rend l'oraison douce et facile: «Tous les matins, dit la Bienheureuse, lorsque je m'éveille, il me semble trouver mon Dieu présent, auquel mon cœur s'unit comme à son principe et à sa seule plénitude: ce qui me donne une soif si ardente d'aller à l'oraison, que les moments que je mets à m'habiller me durent des heures. J'y vais souvent sans autre préparation que celle que mon Dieu fait en moi. Je m'y présente pour l'ordinaire, comme une malade languissante devant son médecin qui est tout-puissant et hors duquel je ne puis trouver de repos ni de soulagement. Je me mets à ses pieds comme une hostie vivante, qui n'a d'autre désir que de Lui être immolée et sacrifiée, pour me consumer comme un holocauste dans les pures flammes de son amour. Là, je sens mon cœur se perdre comme en une fournaise ardente. Il me semble quelquefois que mon esprit s'éloigne de moi pour aller s'unir et se perdre dans l'immense grandeur de son Dieu, sans qu'il soit en mon pouvoir de l'appliquer au sujet que j'ai préparé. Mon cœur n'a d'autre impression, ni mouvement que celui d'aimer ce Bien-Aimé de mon âme; je m'en sens quelquefois si pressée que si cela se pouvait, je voudrais donner mille fois ma vie pour Lui marquer le désir et l'ardeur qui me consument. C'est en ces temps que j'emploie toutes mes forces pour l'embrasser, non pas des bras du corps, mais des intérieurs, qui sont les puissances de mon âme».

Neuvième fruit:

La présence divine établit dans l'âme le règne du divin amour.

«Mon bon maître me fait sensiblement sentir sa divine présence, surtout pendant l'oraison, continue la Bienheureuse; il découvre ses beautés à mon âme, et son amour lie en même temps toutes mes puissances, en sorte que je demeure sans lui pouvoir rien dire pour Lui témoigner mon ardeur, ce qui m'est un tourment, quoique la douceur en soit bien grande. Je ne laisse pas de faire tous mes efforts pour sortir de cet état, mais c'est en vain; mon Dieu voit avec plaisir mes peines inutiles, sans me donner aucun secours. Aussi, un jour, je Lui dis simplement: Mon Seigneur, il me semble que vous vous moquez de la peine qu'a mon cœur à vous témoigner son amour? Oui, dit-Il, parce que tu n'en as plus la jouissance; j'en connais tous les mouvements» (Vie, par les Contemp. p. 62).

«Je demeurai alors en repos. C'est ce qui me fait abandonner entièrement à sa divine volonté, afin qu'Il agisse en moi selon l'étendue de son bon plaisir, sans avoir égard à mes satisfactions. Son aimable volonté m'est si chère, que j'aimerais mieux voir mon corps exposé à toutes les furies infernales, que de faire aucune action contraire au bon plaisir de Dieu, auquel je veux me soumettre aveuglément, même dans les choses qui me sont les plus difficiles à concevoir, comme celle de voir un Dieu si grand et si puissant faire tant de grâces à une si misérable créature qui en fait un continuel abus».

En résumé, la Divine Présence purifie, Elle humilie, Elle fortifie, Elle console, Elle aide à l'oraison et conduit l'âme à l'union d'amour avec le Sacré-Cœur.

Chapitre XIX
Vie intérieure des Soeurs de la Visitation, d'après Saint François de Sales

«C'est dans le Cœur de Jésus, dit Saint François de Sales, que doit se faire leur continuelle contemplation».

Il étudie le genre d'oraison propre à la Visitation: c'est l'oraison de simple regard, de simple remise et repos en Dieu. Mais aussitôt, il ajoute que ce regard doit être sur le Sacré-Cœur; ce repos, cette quiétude, ce doux sommeil, «sur ce Cœur bien-aimé».

Il exalte ce genre d'oraison:

«O mes filles, il vaut mieux dormir sur la sacrée poitrine du Sauveur, que de veiller ailleurs».

Il fait prendre à chacune de ses filles la résolution suivante: «Je destinerai tous les jours un certain temps pour ce sacré sommeil, à ce que mon âme, à l'imitation du bien-aimé disciple, dorme, en toute assurance, sur l'aimable poitrine, voire dans le cœur amoureux de l'amoureux Sauveur».

«Notre Bienheureux père, dit Sainte Chantal, qui entendait excellemment toutes sortes d'oraisons, a toujours approuvé celle-ci (l'oraison de simple regard), et disait que, tandis que les autres mangent diverses viandes à la table du Sauveur nous, nous devions reposer nos âmes et toutes nos affections sur sa poitrine amoureuse».

Non pas, bien entendu, que dans cette contemplation, il faille oublier le prochain.

Oh… ce cher prochain, il faut toujours y penser. Mais Saint François de Sales veut que ses filles ne le voient plus que dans le cœur de Jésus et comme à travers sa poitrine sacrée. «Là, disait-il, qui ne l'aimerait? Qui ne supporterait ses défauts? Oui, il est là, ce cher prochain, dans la poitrine du Sauveur; il y est si aimé et tout aimable que l'époux meurt d'amour pour lui».

«O Dieu, dit-il ailleurs, il faut que nos cœurs ne vivent plus que sous l'obéissance du Cœur de Jésus.

«Et puisque ce Cœur Sacré n'a point de loi plus affectionnée que la douceur, l'humilité et la charité, il faut s'en tenir ferme en ces chères vertus».

(Bougaud: Vie de Marguerite-Marie).

Cette manière de faire oraison en attendant l'impression de la grâce, s'exprimait souvent dans les premiers temps de la Visitation par cette formule: «Se tenir devant Dieu comme une toile d'attente devant un peintre».

Pour cela, il faut s'agenouiller aux pieds de Notre-Seigneur, le contempler, laisser sa Sainte Image se dessiner devant nos yeux ou plutôt s'imprimer en nous; pour cela lui présenter une âme simple, pure, recueillie…

«J'allai me prosterner aux pieds de Notre-Seigneur, dit la Bienheureuse, et dès que j'y fus, mon Souverain Maître me fit voir que mon âme était cette toile d'attente sur laquelle il voulait peindre tous les traits de sa vie souffrante, qui s'est écoulée dans l'amour, le silence et le sacrifice, jusqu'à sa consommation; mais que pour faire cette impression, il fallait d'abord qu'il la purifiât de toutes les taches qui lui restaient, tant de l'affection aux choses terrestres que de l'amour de moi-même et de la créature, pour lesquels j'avais beaucoup de penchant».

Chapitre XX
Synthèse: étapes et classement

Nous avons donné jusqu'ici la quintessence d'une quinzaine de traités d'ascétisme. Nos pieux lecteurs ont bien remarqué que le fond est toujours le même.

I. - Il y a une période de purification préparatoire. Il faut quitter tout ce qui met obstacle à la vie intérieure: le péché, les défauts naturels, l'agitation et l'amour-propre: Abneget semetipsum.

Vient ensuite une longue étape de travail pour acquérir la perfection et se former à la vertu par l'imitation de N.-S.: vie de prière, de lutte et de sacrifices, éclairée et soutenue par la méditation des mystères de N.-S.: Tollat crucem suam.

La contemplation des mystères de la Passion est une transition, elle conduit à la vie d'union et d'amour: Sequatur me. Qui n'aimerait pas celui que nous voyons souffrir et mourir pour nous?

Toutes les voies indiquées par les maîtres reviennent à ces trois étapes.

II. - Ces étapes correspondent à celles même de la vie mortelle de N.-S. et à celles de sa vie liturgique à l'autel.

La messe a une préparation qui comprend la confession et la pénitence du prêtre au pied de l'autel, puis la lecture des saintes Ecritures jusqu'à l'offertoire; - la seconde partie est l'immolation marquée par la consécration et les prières qui l'accompagnent; - la troisième partie est la communion dans laquelle N.-S. s'unit à nous, puis retourne à son Père.

III. - La vie mortelle de N.-S. a été une grande messe, la messe modèle, la messe initiale. - N.-S. chargé de nos péchés se livre à la pénitence dans l'humilité de son Incarnation, la pauvreté de Bethléem, les épreuves de l'Egypte et de Nazareth, le baptême du Jourdain et la grande retraite au désert.

Il s'offre en entrant au monde, comme dit Saint Paul. Il s'offre encore par les mains du prêtre Siméon au Temple.

Il s'immole par sa vie de sacrifice et de prière, par l'effusion de son sang à Gethsémani et au Calvaire.

Il en vient à la communion en se donnant à ses apôtres dans l'Eucharistie au Cénacle et en retournant à son Père dans l'Ascension.

IV. - La vie d'une âme chrétienne et surtout d'une âme qui chemine par les voies de la vie intérieure, est aussi comme une grande messe. Elle a sa période de pénitence et d'oblation, avec un temps d'illumination par les saintes lectures et l'oraison; - puis un long sacrifice avec ses immolations et ses épreuves: - et enfin la communion commencée par la contemplation et la vie unitive sur la terre, pour aller s'achever dans l'éternelle union du Ciel.

V. - La vie sacerdotale a aussi une grande analogie avec ces ascensions de la vie intérieure. - Le tonsuré est préparé aux ordres; il se separe du monde et il se consacre au service de Dieu. - Les minorés lisent les saintes Ecritures et vivent auprès de l'autel. - Les sous-diacres contractent avec Jésus des épousailles spirituelles; ils entrent dans la vie d'union intime avec lui. - Les diacres sont associés à l'immolation de la sainte Victime; ils doivent s'immoler avec elle. - Les prêtres surtout sont victimes avec Jésus. Tous leurs actes doivent être offerts selon les quatre fins du sacrifice: hommage, reconnaissance, réparation, prière. Ils s'immolent dans le labeur quotidien et la mortification. Ils se donnent en communion à Dieu et aux fidèles en se dépensant pour la gloire de Dieu et le salut des âmes.

Saint Pierre marquait cette analogie de la vie chrétienne intense avec la vie et le sacrifice du Sauveur en disant: «Je veux faire de vous un sacerdoce saint et royal». Et Saint Paul disait: (je veux vous offrir à Dieu comme des victimes immolées, comme des hosties vivantes» (Aux Rm ch. 12).

VI. - Les diverses voies de la vie unitive, laissent dominer l'une ou l'autre de nos facultés.

C'est surtout la mémoire qui agit quand l'âme s'arrête à la présence de Dieu, au souvenir de ses fautes, aux sentiments de crainte et de regret.

C'est l'intelligence qui travaille le plus dans la vie d'oraison et de contemplation.

C'est la volonté qui domine avec le cœur, dans le combat spirituel, dans l'oraison affective, dans l'union avec Notre-Seigneur et avec son Divin Cœur.

VII. - Les vertus théologales s'approprient aussi les diverses voies de la vie intérieure.

La foi domine dans la vie de présence de Dieu et d'union à Dieu seul. L'espérance, dans le travail pour la perfection chrétienne qui nous conduira à la conquête du ciel.

La charité dans les voies qui nous unissent au Sauveur, à l'Eucharistie, au Sacré-Cœur, dans la contemplation d'amour.

VIII. - Les diverses voies peuvent aussi se rapporter principalement aux trois personnes de la Sainte-Trinité.

Nous allons au Père par la présence de Dieu, la vie de foi, la vie pour Dieu seul.

Nous allons au Fils par l'union à Notre-Seigneur, à sa Sainte Mère, à l'Eucharistie, au Sacré-Cœur.

Nous nous unissons au Saint-Esprit en nous mettant sous sa conduite, en vivant de ses dons dans la contemplation.

IX. - Enfin, comme nous l'avons déjà insinué, on peut voir dans la vie intérieure des analogies avec ces animaux mystiques qui conduisent d'un pas différent à la maison de Dieu.

Saint Marc: le lion.

C'est la préparation: la solitude, le désert, la retraite, le recueillement.

Saint Luc: le boeuf.

C'est le sacrifice, la pénitence, la réparation, la vie purgative. Saint

Mathieu: l'homme.

C'est la vie humaine de Notre-Seigneur, l'étude de ses vertus, la vie illuminative.

Saint Jean: l'aigle.

C'est la contemplation, l'union au Christ régnant au Ciel, à l'Agneau divin, toujours immolé, glorifié dans ses sacrés stigmates et dans son Cœur divin, tout rayonnant de gloire et de grâces.

Tous les animaux mystiques étaient conduits par l'Esprit de Dieu et aboutissaient à la maison du Seigneur.

Nous nous laisserons conduire aussi par la grâce d'oraison que Dieu voudra bien nous donner et nous arriverons à l'union avec Lui: «Vous en Moi et Moi en vous». (Saint Jean XIV).

Mais nous mettrons toujours au premier rang l'union au Sacré-Cœur: Nous puiserons avec joie aux sources du Sauveur (Isaïe). Comme nous l'avons vu, l'union au Sacré-Cœur réunit et perfectionne toutes les voies qui conduisent à Dieu et à son amour.

TROISIEME PARTIE

DEVELOPPEMENTS SUR QUELQUES VOIES PARTICULIERES:

LA CONDUITE DU SAINT-ESPRIT;

L'ORAISON ET LA CONTEMPLATION;

LA COMMUNION SPIRITUELLE;

LA PAIX DE L'AME ET L'ABANDON.

Chapitre XXI
De la conduite du Saint-Esprit,
d'après le P. Lallemant

Le P. Lallemant insiste beaucoup sur la docilité au Saint-Esprit: C'est au Saint-Esprit qu'est attribuée l'action de la Sainte-Trinité dans notre vie intérieure, parce qu'elle est une œuvre d'illumination et d'amour qui se réalise par la grâce et par les dons du Saint-Esprit5).

1° Les deux éléments de la vie spirituelle sont la purgation du cœur et la direction du Saint-Esprit:

Ce sont là, les deux pôles de toute la spiritualité.

2° Quand une âme s'est abandonnée à la conduite du Saint-Esprit, Il l'élève peu à peu et la gouverne:

Elle n'a qu'à laisser Dieu faire en elle et par elle ce qui lui plaît.

3° Les moyens d'arriver à cette direction du Saint-Esprit sont les suivants:

Obéir fidèlement aux volontés de Dieu qui nous sont connues; Renouveler souvent le bon propos de suivre en toutes choses la volonté de Dieu;

Remarquer exactement les divers mouvements de notre âme. Ce qui vient de Dieu dans une âme soumise à la grâce est ordinairement paisible et tranquille. Ce qui vient du démon est violent et porte avec soi le trouble et l'anxiété.

4° Le but où nous devons aspirer, c'est d'être tellement possédés et. gouvernés par le Saint-Esprit, que ce soit Lui seul qui conduise toutes nos puissances et tous nos sens et qui règle tous nos mouvements intérieurs et extérieurs.

Ainsi nous ne vivons plus en nous-mêmes, mais en Jésus-Christ, par une fidèle correspondance aux opérations de son divin esprit et par un parfait assujettissement au pouvoir de sa grâce.

1° Mais que d'obstacles nous opposons à cette conduite de l'Esprit de Dieu…

Combien avons-nous de petites attaches! Combien de péchés véniels!

Combien d'imperfections!

Combien de desseins et de désirs qui ne sont point subordonnés aux mouvements de la grâce!

Combien roulons-nous tous les jours dans notre esprit de pensées inutiles, sans compter les pensées d'amertume et de chagrin!

2° Notre soin doit être non pas tant de lire beaucoup de livres spirituels, que de donner beaucoup d'attention aux inspirations divines qui suffisent avec un peu de lecture, et d'être extrêmement fidèles à correspondre aux grâces qui nous sont offertes.

3° Nous devons demander souvent à Dieu qu'Il nous fasse réparer, avant la mort, toutes les pertes de grâces que nous avons faites, et qu'Il nous fasse arriver au comble de mérite où Il voulait nous conduire, selon sa première intention, que nous avons jusqu'ici frustrée par nos infidelités:

Enfin, qu'Il nous pardonne les péchés d'autrui, dont nous avons été cause, et qu'Il répare aussi dans les autres les pertes de grâce qu'ils ont faites par notre faute.

La plupart des religieux, même des bons et vertueux, ne suivent dans leur conduite particulière et dans celle des autres, que la raison et le bon sens:

Cette règle est bonne, mais elle ne suffit pas pour la perfection chrétienne - ceux-là seront toujours imparfaits.

Ils n'arriveront pas aux sublimes voies de l'esprit, et leur manière de gouverner les autres est imparfaite.

5° Le Saint-Esprit attend pendant quelque temps qu'ils entrent dans leur intérieur et qu'y remarquant les opérations de la grâce, ils se disposent à suivre sa conduite; mais s'ils abusent du temps et de la faveur qu'Il leur offre, il les abandonne à la fin à eux-mêmes, et les laisse dans cette obscurité et cette ignorance de leur intérieur qu'ils ont affectée, avec de grands dangers pour leur salut.

6° Au contraire, les personnes vraiment intérieures, qui se conduisent par la lumière de l'Esprit de Dieu, à laquelle elles se sont disposées par la pureté de cœur et qu'elles suivent avec une parfaite soumission, vont à pas de géant et volent pour ainsi dire dans les voies de la grâce.

7° On s'étonne de voir tant de religieux qui, après avoir vécu en état de grâce de longues années, disant la messe et faisant leurs exercices et ayant par conséquent les dons du Saint-Esprit dans un degré physique fort élevé, gardent une vie toute naturelle, avec leurs défauts habituels de vanité, de ressentiment, de recherche de leurs aises:

C'est que les péchés véniels qu'ils commettent continuellement, tiennent les dons du Saint-Esprit comme liés, et en empêchent les effets.

1° Si nous nous étudions à la pureté de cœur, en évitant ce qui la trouble, les péchés véniels, les affections naturelles, les distractions et la sensualité, la ferveur de la charité croîtra en nous de plus en plus, et les dons du Saint-Esprit éclateront en toute notre conduite.

2° Demandons ces grâces par l'intercession de Marie:

C'est par elle que le Saint-Esprit aime à se communiquer aux âmes.

3° Les dons du Saint-Esprit sont en germe dans toute âme chrétienne, mais ils ne fleurissent que dans les âmes intérieures.

Les dons intellectuels de sagese, d'intelligence et de science, révèlent aux âmes intérieures la vie de Dieu et son action en nous.

Les autres dons: ceux de crainte et de piété, de conseil et de force, dirigent et soutiennent toute la vie et toute l'action apostolique des âmes intérieures.

4° Les fruits du Saint-Esprit ne mûrissent que dans les âmes intérieures:

Ils leur apportent leur suavité avec des forces surnaturelles pour pratiquer la vertu et atteindre à la sainteté.

Chapitre XXII
La contemplation,
d'après Saint Thomas d'Aquin

Voir les Méditations de Saint Thomas d'Aquin par Massoulie, à la Bonne Presse.

Saint Thomas s'inspire surtout de Saint Denis l'Aréopagite, qui est le maître de la science mystique.

Il y a trois degrés dans la contemplation qui répondent aux dons de science, de sagesse et d'intelligence.

Au premier degré, l'âme s'élève à Dieu par la considération des créatures, qui sont les œuvres et les images de Dieu.

Elle comprend qu'elle n'aurait pas dû s'arrêter aux créatures, mais s'élever sans cesse d'elles à Dieu.

Elle déplore ses fautes.

A ce degré correspond la Béatitude des larmes et des saintes tristesses (S. Th. 2 - 2e q. 9 art. 4).

Au second degré, l'âme s'élève à Dieu en réfléchissant sur les mystères de la foi, dans lesquels les perfections divines apparaissent d'une manière sensible.

C'est avec son cœur, avec amour et suavité qu'elle médite ces mysteres, et cette contemplation répond au don de sagesse et à la Béatitude des pacifiques.

A ce degré, l'esprit est rempli de lumière et le cœur d'amour et de consolation.

Au troisième degré, l'âme laisse de côté les raisonnements et la multitude des pensées, pour s'attacher à Dieu par un simple regard de foi.

Elle use peu de paroles: un mot lui suffit… O bonté… ô beauté divine… ô amour…

Par la lumière du don d'intelligence, l'âme voit les objets du monde surnaturel et les pénètre par intuition, par une vue intime et immédiate:

C'est la Béatitude des cœurs purs. Peu d'âmes ont ces lumières parce qu'elles demandent une grande pureté de cœur, le détachement du monde et la paix intérieure.

Saint Thomas avec Saint Denis en indiquent trois:

La pureté de cœur - la pureté de l'esprit - l'union à Dieu par amour.

La première disposition est la pureté de cœur par la mortification des passions:

La contemplation ne va pas avec une âme troublée et agitée.

La charité progresse, dit Saint Thomas, à mesure qu'il se produit en nous plus d'unité et de détachement.

Deuxième disposition: la foi simple qui ne raisonne pas.

Saint Denis le répète souvent: pour connaître Dieu autant que possible, il faut renoncer à la multiplicité des pensées et des raisonnements. Une foi simple suffit.

Il n'y a qu'à se présenter à la lumière et à la chaleur du soleil divin, pour en recevoir l'heureuse influence.

«Quel autre que Dieu même, dit Saint Thomas, fera connaître Dieu? Un esprit créé, fini, limité, ne se formera jamais une idée parfaitement représentative de ce souverain Etre.

A quoi bon les hautes idées et les profonds raisonnements dans l'oraison? La foi seule suffit.

Tout notre soin dans l'exercice de l'oraison doit être de fixer notre regard intellectuel (le regard de la foi) sur l'Etre divin et Infini, d'y arrêter la pensée, la volonté, le cœur, dans un profond silence d'admiration, d'amour et d'union très intime».

La troisième disposition: c'est la charité qui unit l'âme à Dieu et la fait un même esprit avec Lui, et lui permet de sonder ce qu'il y a de profond et de caché dans la Divinité.

Saint Denis disait: «Dans les choses naturelles, nous sommes capables, avec notre esprit, d'en découvrir la vérité; mais, dans les choses divines nous avons besoin, pour y entrer, d'être unis à Dieu par la charité, par l'amour.

Et cette union seule est le principe d'une sublime connaissance, en nous faisant sortir de nous-mêmes et de nos propres lumières pour nous transformer en Dieu et nous déifier».

Telle fut la source des grandes lumières de Sainte Chaterine de Sienne et de Sainte Thérèse.

«O vous, dit l'abbé Guillebert (in cant.) qui ne pouvez vous éclairer à la lumière de la raison et de la science, ne pouvez-vous, du moins, recourir à ce jour qui émane des délices de la nuit en entrant dans les voies de l'amour et en expérimentant combien le Seigneur est doux?

Ne savez-vous pas que ce bas monde est semblable à la nuit, et que Jésus, Dieu, Verbe Eternel, aimable Sauveur, s'y fait mieux sentir par la ferveur de l'amour que par les efforts de l'esprit?

Pourquoi l'Epouse des cantiques nous dit-elle qu'elle cherche le Divin Epoux pendant la nuit, sinon pour nous apprendre qu'elle se guide bien moins par son entendement que par son amour, et que tout son amour et tout son désir sont de posséder Dieu, de s'unir à Lui et non de Le voir; en un mot, qu'elle préfère les délices qu'elle goûte en son amour aux lumières qu'elle en reçoit?»

«Les choses divines, dit Saint Thomas, descendent dans nos cœurs, comme un don du Père des lumières.

Et comme l'amour est l'unique moyen d'attirer ce don, l'amour qui nous fait un même esprit avec ce Père, est l'unique moyen d'apprendre ces choses célestes comme il convient.

C'est pour cela qu'il est écrit: L'onction du Divin Esprit vous instruit de tout».

Après s'être exercée à purifier son esprit et son cœur; après avoir quitté toutes choses - le monde pour vivre au-dedans d'elle-même, et sa pensée propre, pour s'unir plus intimement à Dieu - l'âme entre ou plutôt elle est introduite dans le repos le plus heureux.

Par les lumières que Dieu lui communique, par les ardeurs qu'elle éprouve, elle participe déjà au bonheur du ciel, puisque toute son application est de connaître, d'aimer et de louer le Dieu qu'elle possède. Malheureusement, en ce monde, les heures de ce bonheur sont courtes et rares.

Il faut aspirer à l'union intime avec Dieu.

Il faut abandonner entièrement son cœur au désir de l'union intime avec Dieu par la vie contemplative, retirée, solitaire, appliquée à la méditation des choses célestes, et ne sortir de ce repos pour s'engager dans la vie active, que par le seul devoir d'exercer la charité et dans la mesure de ce devoir.

Même en ce cas, il ne faut pas moins prendre garde de quitter tout à fait la solitude de l'état de recueillement; il est nécessaire d'y revenir aussi souvent que possible, pour ne point perdre le goût de la vérité divine et n'être pas accablé par les sollicitudes qui accompagnent l'exercice de la charité.

Prenons occasion de tout pour nous élever en Dieu.

Ici-bas, que d'images de ses perfections, que de témoins de sa grandeur, que de présents de son amour!

Une âme que l'Amour Divin possède est habile à entendre ce langage: De tous côtés, les choses lui parlent du Dieu qu'elle aime et lui renouvellent le souvenir de cet Ami si parfait.

Ce n'est là que le premier degré: il faut monter au second, qui est éclairé, non plus par la raison mais par la foi; par la foi qui nous montre d'une manière presque sensible dans les mystères de notre Rédemption, la justice, la miséricorde, la bonté, la puissance et les autres attributs de la Divinité.

Enfin, il faut parvenir au troisième degré:

A cette demeure définitive ici-bas, à cet oubli de tout ce qui relève de la nature et de la terre, à cette obscurité sacrée de laquelle jaillit une si vive clarté, à cette récompense des cœurs purs, à cette vision de Dieu par la contemplation.

Il faut mortifier les passions, fonder l'oraison sur la mortification la plus sincère, se souvenir de ce que la foi et l'amour ne raisonnent point et s'abandonnent à Dieu avec simplicité, qu'une seule parole de cette Vérité des vérités, qu'un seul rayon de ce Soleil des soleils apporte plus de vie et de jour que tous les rayons ou raisonnements de notre esprit:

Voilà les dispositions que réclame rigoureusement le troisième degré de la vie contemplative.

L'âme doit faire du Divin Amour son exercice le plus ordinaire et s'y renfermer comme dans un cercle.

«Circumagendum in circulo charitatis».

(Cassien) - Conf. Richard de Saint-Victor.

Chapitre XXIII
De l'oraison et de la contemplation,
d'après le P. Libermann et le P. Lallemant

1° Il faut avant tout purifier notre âme de ses péchés et de ses mauvaises habitudes.

2° L'oraison présuppose une âme tranquille et recueillie, qui ne soit point agitée de violentes passions ou possédée de quelque affection déréglée, ni chargée de trop d'occupations, ni embarrassée de soins; et Dieu ne se communique ordinairement qu'après qu'on s'est fidèlement exercé à prier durant quelque temps, selon la méthode qu'on donne aux commençants.

3° Chacun doit se tenir fidèlement à l'oraison propre du degré ou de l'état où il est dans la vie spirituelle.

Il y en a de trois sortes:

La méditation ou l'oraison de discours convient aux commençants qui sont dans la vie purgative;

L'oraison affective à ceux qui avancent et qui sont dans la vie illuminative;

La contemplation et l'oraison d'union aux parfaits qui sont dans la vie unitive.

4° Dans l'oraison, nous devons avoir pour but principal de perfectionner la volonté et non pas seulement de devenir plus éclairés.

1° Pour la méditation, qu'on appelle autrement l'oraison de discours, on doit préparer dès le soir les points sur lesquels on veut méditer.

2° Dans l'exercice actuel de l'oraison, après les préludes ordinaires et l'exercice de la mémoire, on médite sur le sujet qu'on s'est proposé, en discourant, en comparant, en raisonnant.

On tire des conclusions, on fait des réflexions sur le passé, un examen sur la disposition présente, on prend des résolutions pour l'avenir. On s'affectionne, on s'encourage, on demande le secours du ciel. L'heure se passe dans le recueillement avec peu de distractions qui ne durent guère.

3° Cette sorte d'oraison appartient à la vertu de religion; et quand elle est accompagnée de la pureté de cœur, c'est la voie la plus courte et la plus sûre pour parvenir à l'autre don d'oraison.

4° Comme le remarque Saint Ignace, si quelque lumière ou quelque affection nous impressionne dans le cours de la méditation, nous devons nous y arrêter.

Il n'est pas nécessaire d'épuiser tout le sujet qu'on a prévu.

1° Dans la seconde sorte d'oraison, qu'on nomme affective, on donne plus aux affections de la volonté qu'aux considérations de l'entendement.

2° On envisage le plus souvent un mystère de la vie de Notre-Seigneur, sur lequel on fait des actes de foi, d'admiration, de confiance, d'amour, d'action de grâces, de réparation, etc.

3° Tantôt on prend une des perfections de Dieu, comme sa sagesse, sa bonté, sa sainteté.

On considère comme elle a été communiquée à Notre-Seigneur Jésus-Christ, à la Sainte-Vierge, aux anges, à quelque saint.

On en loue Dieu, on en demande la participation, et l'on s'arrête, autant qu'on peut, à l'affection dont on est le plus touché.

4°C'est à cette sorte d'oraison aussi qu'il faut rapporter l'exercice que Saint-Ignace appelle l'application des sens et qui a pour but d'exciter en nous des affections relatives au mystère que nous contemplons.

1° Il y a deux sortes de contemplations: l'une ordinaire et l'autre extraordinaire.

2 ° La contemplation ordinaire est une habitude surnaturelle par laquelle Dieu élève les puissances de l'âme à des connaissances et des lumieres sublimes, à de grands sentiments et des goûts spirituels, quand Il ne trouve plus en l'âme de péchés, de passions, d'affections, de soins qui empêchent les communications qu'Il veut lui faire.

3° Ceux qui ont cette habitude prient aisément, et ont comme à leur disposition la grâce particulière du Saint-Esprit pour l'exercice des vertus théologales.

4° La contemplation extraordinaire est dans les ravissements, les extases et les visions.

5° Les directeurs commettent deux fautes à l'égard de la contemplation:

Les uns peu spirituels ou trop timides, en ferment entièrement la porte aux âmes qu'ils conduisent, les empêchent d'y entrer quoique Dieu les y appelle;

Les autres y portent indiscrètement tout le monde, ne parlent que de grâces extraordinaires, de visions, de révélations et d'extases.

=====V. – De la contemplation (Suite) Ses avantages

1° La contemplation est la vraie sagesse:

C'est elle que les livres de la Sagesse, de l'Ecclésiaste et de l'Ecclésiastique recommandent tant.

Ceux qui la dissuadent font une grande faute. Elle n'est point du tout dangereuse quand on y apporte les dispositions requises.

2° Il est vrai qu'il y a danger d'illusion dans les ravissements et les extases, surtout quand la grâce est encore faible et que l'âme n'est pas encore accoutumée à ces sortes de choses - mais dans la contemplation, il n'y a nul danger.

8° Dans la première épître aux Corinthiens, Saint Paul exhorte les fidèles à désirer les dons spirituels:

C'est un grand abus d'en éloigner aujourd'hui les fidèles.

3° La méditation lasse et fatigue l'esprit et ses actes sont de peu de durée; Mais ceux de la contemplation, même de la commune, durent des heures entières sans travail et sans ennui;

Et dans les âmes les plus pures, la contemplation peut durer plusieurs jours au milieu même du monde et dans l'embarras des affaires.

4° Par la méditation, l'âme marche à pied avec le travail;

Par la contemplation, l'âme vole sans peine.

Sainte Thérèse disait qu'une fois qu'elle eut été introduite par Dieu dans cette sorte d'oraison, toutes ses difficultés cessèrent, et elle sentit un puissant attrait pour les actes de toutes les vertus.

5° Dans cette oraison, on fait peu d'actes:

On s'occupe du simple regard de Dieu avec respect et amour ou de quelque pieux sentiment que Dieu donne.

On ne doit pas dire toutefois qu'en cette oraison on ne fait point d'actes, ce serait une pure oisiveté très dangereuse.

On fait toujours quelques actes d'une manière très relevée, très simple et comme imperceptible.

6° Elle montre à l'âme un monde nouveu dont la beauté la ravit et qui lui donne le dégoût du monde terrestre:

C'est ce qu'exprimaient Sainte Thérèse, Saint Bernard, le V. Jean d'Avila.

7° Elle porte les âmes à des actes héroïques de charité, de zèle, de pénitence et jusqu'au désir du martyre.

8° Par elle, on apprécie la différence entre les choses célestes et les choses terrestres.

On comprend combien celle-ci sont méprisables et combien le monde se trompe grossièrement en s'y attachant.

9° A sa lumière, une âme découvre en elle-même des défauts et des imperfections qu'elle n'y remarquait pas auparavant et elle se hâte de s'en corriger.

1° La contemplation n'empêche point le zèle des âmes:

Au contraire; elle l'augmente par trois considérations qu'elle fait vivement pénétrer:

La première, que les âmes sont capables de posséder Dieu, et qu'en cette vue, il n'y en a pas une qui ne soit incomparablement plus précieuse que le ciel et la terre avec toutes leurs grandeurs et leurs richesses.

La seconde, que les âmes appartiennent au fils de Dieu, qu'Il a donné sa vie pour les racheter, qu'Il les a lavées de Son Sang et que ces âmes étant son héritage et son royaume, il n'y a point de travaux qu'il ne faille entreprendre, ni de peines qu'il ne faille souffrir pour leur salut et leur avancement.

La troisième: quel est l'état d'une âme dans le péché; combien elle est malheureuse et proche de l'enfer.

2° Ces considérations faisaient souhaiter à Saint Paul d'être anathème pour ses frères, et à plusieurs saints de souffrir, si Dieu le permettait, des peines analogues à celles de l'enfer, pour empêcher la perte d'une âme:

C'étaient là les sentiments de Sainte Catherine de Sienne, de Sainte Catherine de Bologne, de Saint Alphonse Rodriguez.

3° Sans la contemplation, jamais on n'avancera beaucoup dans la vertu, et l'on ne sera jamais bien propre à y faire avancer les autres;

On ne sortira jamais entièrement de ses faiblesses et de ses imperfections;

On sera toujours attaché à la terre et on ne s'élévera guère au-dessus des sentiments de la nature.

4° Avec elle on fera plus, pour soi et pour les autres en un mois, qu'on ne ferait sans elle en dix ans.

Elle produit des actes excellents et dégagés des impuretés de la nature, des actes d'amour de Dieu très sublimes, qu'on ne fait que très rarement sans ce don; et enfin, elle perfectionne la foi et les autres vertus, en les élevant au plus haut degré où elles peuvent monter.

5° Si l'on n'a reçu cet excellent don, il est dangereux de s'épancher trop dans les fonctions qui regardent le prochain, à moins qu'on n'y soit obligé par l'obéissance:

L'esprit est alors assez occupé à se reconnaître entièrement, à purifier sans cesse les mouvements de la nature et à régler ses voies pour marcher toujours devant Dieu.

=====VII. – Du don de présence de Dieu qui est le prélude de la contemplation

1° Quand après une longue étude de la pureté de cœur, Dieu vient à entrer dans une âme et à y faire sentir sa présence, ce qui est le commencement de ses dons surnaturels, l'âme se trouve si charmée de ce nouvel état, qu'il lui semble qu'elle n'avait encore jamais connu ni aimé Dieu. Elle s'étonne de l'aveuglement et de la stupidité des hommes;

Elle condamne la paresse et la langueur où nous vivons communément;

Elle déplore les pertes qu'elle croit avoir faites par sa lâcheté;

Elle estime que la vie qu'elle a menée jusque-là ne mérite pas le nom de vie;

Qu'elle ne fait que commencer à vivre.

2° En vain nous efforçons-nous d'avoir cette présence de Dieu, si Lui-même ne nous la donne.

C'est un pur don de sa miséricorde;

Mais quand nous l'avons reçu, nous voyons Dieu et la volonté de Dieu dans nos actions.

3° Cette grâce est le fruit d'une grande pureté de cœur: Elle conduit l'âme à une étroite union avec Dieu.

Il nous la donne quand nous faisons de notre côté ce que nous pouvons et ce que nous devons faire.

4° Nous pouvons nous préparer à ce don par la pensée fréquente de Notre-Seigneur.

Si nous avions une tendre dévotion à Notre-Seigneur au SaintSacrement de l'autel, nous penserions à Lui mille fois le jour.

Si l'amour de Dieu possédait bien notre cœur, nous aurions sans cesse le souvenir de Dieu; nous n'aurions pas de peine à nous tenir en sa présence. Tous les objets nous serviraient pour nous unir à Dieu, nous élever à Dieu, et les moindres occasions échaufferaient notre ferveur.

5° Persuadons-nous que Notre-Seigneur et la Sainte Vierge nous voient du plus haut des Cieux, même des yeux corporels, l'excellence de leur vue suppléant à l'éloignement de l'objet.

Ainsi nous devons faire toutes nos actions comme en leur présence, et c'est le moyen d'arriver à la plus haute présence de Dieu, dans laquelle marchaient les prophètes Elie et Elisee, et qui leur faisait dire: «Vivit Deus, in cujus conspectu sto»: «Vive Dieu dont je sens la présence» (3 Reg. 17).

Présence qui est plus vive et plus pénétrante que celle que nous avons par la foi.

1° La contemplation est une vue de Dieu, ou des choses divines, simple, libre, pénétrante, certaine, qui procède de l'amour et qui tend à l'amour.

2° Cette vue est simple:

Dans la contemplation on ne raisonne pas comme dans la méditation.

3° Elle est libre, parce que pour la produire, il faut que l'âme soit affranchie même des moindres pêchés, des affections déréglées, de l'empressement et des soins inutiles et inquiétants.

4° Elle est claire et pénétrante:

Dans la méditation, l'on ne voit les choses que confusément, comme de loin et d'une manière plus sèche.

La contemplation les fait voir plus distinctement et comme de près. Elle les fait sentir, toucher, goûter, expérimenter dans l'intérieur.

5° Elle est certaine parce qu'elle a pour objet les vérités surnaturelles que la lumière divine lui découvre et lorsque cette manifestation se fait immédiatement à l'entendement, elle n'est pas sujette à l'erreur:

Quand elle se fait par les sens ou par l'imagination, il s'y peut mêler quelque illusion.

6° Elle procède de l'amour et tend à l'amour:

C'est l'emploi de la plus pure et de la plus parfaite charité: L'amour en est le principe, l'exercice et le terme.

7° Suarez tient que l'acte de contemplation est un acte de foi ou d'une raisonnement théologique;

Mais il semble plutôt que ce soit un acte de ces habitudes surnaturelles, qu'on appelle dons du Saint-Esprit et qui perfectionnent la foi et les autres vertus infuses.

8° Les dons du Saint-Esprit qui servent à la contemplation sont particulièrement ceux d'intelligence, de sagesse et de science pour le regard de l'entendement; et ceux de piété et de crainte pour la volonté.

9° Par le don de science, on connaît les créatures, et on les méprise en voyant leur fragilité, leur brièveté et leur néant:

Par le don de sagesse, on connaît la grandeur de Dieu et des choses célestes; et, dans cette vue, l'on se dégage entièrement de l'affection des créatures, pour ne s'attacher uniquement qu'à Dieu.

Le don d'intelligence aide à pénétrer intimement ce qui appartient à la sagesse ou à la science.

1° Les propriétés et les effets de la contemplation sont: l'élévation, la suspension, l'admiration, le ravissement et l'extase.

2° La contemplation élève l'esprit au-dessus de sa manière ordinaire d'opérer, et l'attire surnaturellement à des opérations sublimes, relativement à Dieu ou aux objets qui se rapportent à Dieu.

Cette élévation se fait par le don de sagesse ou par celui de science.

3° L'esprit ainsi élevé demeure comme suspendu dans la connaissance de la vérité qui le charme.

Ainsi les oiseaux ne montent pas toujours, mais après s'être élevés en l'air, ils s'y tiennent parfois suspendus et sans mouvement apparent. Dans cette suspension, tantôt c'est l'entendement, tantôt c'est la volonté qui agit le plus, selon que Dieu communique à l'âme ou plus de lumière ou plus d'affection.

4° La suspension est suivie de l'admiration, qui peut naître ou de la grandeur de l'objet ou de sa nouveauté pour l'esprit qui l'ignorait.

5° Quelquefois l'admiration est si forte, que l'esprit n'a plus d'action à l'extérieur:

Ce qui cause des ravissements et des extases.

Le Ravissement est le transport subit des puissances que l'Esprit de Dieu élève tout d'un coup et l'Extase est l'état et le repos où se trouve l'âme ainsi élevée au-dessus d'elle-même.

Quand l'âme est plus forte et plus élevée, elle reçoit sans ravissement les communications purement spirituelles de Dieu.

6° Il y a danger à désirer des ravissements et des extases; à vouloir obtenir dans les ravissements des visions et des révélations, et à souhaiter d'autres voies que celles par où il plaît à Dieu de nous conduire;

Mais il n'y a nul danger à demander les dons du Saint-Esprit et sa conduite, les vertus solides et une excellente oraison.

7° Les merveilleux effets de la contemplation remplissent ordinairement l'âme de tant de douceur et d'un contentement si solide, que Saint François Xavier disait que pour la moindre de ces consolations il eût volontiers entrepris un second voyage au japon, sans appréhender les travaux qu'il avait soufferts dans le premier.

8° Sainte Thérèse dit qu'après ces sortes de grâces, c'est un martyre que de vivre parmi les créatures; l'âme revenant à soi sent plus vivement que jamais son exil et ses misères.

9° C'est tout autre chose que les douceurs et les larmes d'une dévotion sensible, que Dieu donne parfois au commencement.

10° D'où nous pouvons voir combien nous sommes malheureux de passer notre vie en des bagatelles et en des satisfactions sensuelles, qui nous privent des faveurs de Notre-Seigneur; et, qu'il y a incomparablement plus de plaisir à servir Dieu dans l'abnégation de soi-même, qu'en demeurant toujours attaché à soi et aux créatures et en n'arrivant jamais à l'union divine:

Ce qui est une participation de la peine du dam - qui fait malheur éternel de l'enfer.

1° Quelques-uns distinguent les degrés de la contemplation par le recueillement, le ravissement et l'extase:

Mais cette division n'exprime pas tant l'essence de la contemplation que ses accidents.

2° On donne plusieurs divisions des degrés de la contemplation, mais elles se ramènent à deux:

L'une selon les progrès de l'amour;

L'autre selon les lumières de l'entendement.

3° Richard de Saint-Victor et d'autres comptent quatre degrés de la charité fervente:

1° Les blessures d'amour «charitas vulnerans».

2° La captivité d'amour «charitas ligans».

3° Les langueurs d'amour «charitas languens».

4° Les défaillances d'amour «charitas deficiens».

Voici comment se fait le progrès de ces degrés:

1° Il arrive qu'après qu'on s'est appliqué durant quelque temps à la garde du cœur, à sa pureté, à la vie intérieure paisible et recueillie, à la présence de Notre-Seigneur, à son amour et à d'autres semblables exercices, en demeurant constamment fidèle à Dieu, on reçoit du Ciel des lumières d'une grâce plus abondante, qui font connaître à l'âme son état et ses misères;

Que ce qu'elle a fait jusqu'à présent pour Dieu est comme rien; Qu'elle lui doit tout et qu'il mérite que tous les cœurs brûlent de son amour, que tous les êtres se consument pour son service.

Dans ces vues, elle se confond, elle s'anime, elle se livre à l'amour qui, la voyant abandonnée à son pouvoir, lui perce le cœur de ses traits embrasés.

Elle se sent blessée, et la plaie qu'elle porte lui cause également de la douleur et du plaisir.

2° Le cœur ainsi gagné, l'esprit ne peut plus penser qu'à l'objet qu'on aime.

L'amour lie les pensées, les retirant de leur égarement parmi les créatures, pour les ramener à Dieu, sans qu'elles ne puissent plus s'en divertir qu'avec violence;

Le second degré est appelé par quelques-uns l'oraison de présence de Dieu;

Les mystiques l'appellent l'état de la divine obscurité, parce que Dieu y fait peu à peu le vide des créatures dans l'âme pour la remplir de son amour.

Peu de personnes s'élèvent jusqu'à ce second degré qui exige une fidèle correspondance à la grâce, un grand détachement de soi-même et un abandon sans réserve à Dieu.

3° L'âme déjà blessée et captive, recevant sans cesse de nouvelles impressions de l'amour divin, ne fait plus que languir et devient incapable d'aucune action qui ne soit ou de Dieu ou pour Dieu.

Dans les deux premiers degrés, l'amour se rend maître des affections et des pensées;

Dans celui-ci; il se rend maître des actions.

C'est à ce degré qu'ont lieu les ravissements ou les extases.

4° L'âme étant de cette sorte pleinement possédée de Dieu, quoi qu'elle fasse pour son service, quoi qu'elle souffre pour sa gloire, elle n'est jamais contente:

Elle désire toujours faire et souffrir davantage et voyant qu'elle ne fera jamais assez, elle se sent défaillir.

Ce quatrième degré est appelé par les mystiques le baiser de l'époux: C'est à ce degré que l'âme est unie à Notre-Seigneur comme son épouse.

- Une autre division se prend du côté de l'entendement et des diverses manières de connaître Dieu et les choses divines.

La première manière de connaître est par les sens:

Elle correspond au premier degré d'amour où l'étude des âmes a pour objet la connaissance et l'amour de Notre-Seigneur.

La seconde manière de connaître est par l'imagination: Elle correspond au second et au troisième degrés d'amour:

Les connaissances surnaturelles que Dieu donne par l'imagination font sur l'âme une si profonde impression qu'elles l'emportent hors d'elle-même et produisent les ravissements et les extases.

La troisième manière de connaître est par les lumières que Dieu met Lui-même immédiatement dans l'entendement sans le ministère ni la coopération des facultés lés plus basses:

Elle correspond au quatrième degré d'amour où les âmes marchent dans la plus pure région de l'esprit et dans la plus haute perfection.

1° Dans les degrés même les plus bas de contemplation, Dieu se communique avec tant de douceur, que mille ans de tous les plaisirs du monde ne sont rien au prix de ce que l'âme goûte en Dieu.

Les grandeurs et les délices qu'elle y trouve la charment tellement, qu'il lui est comme impossible d'aimer autre chose que Dieu, et de chercher de satisfaction hors de Dieu.

2° On n'arrive aux plus hauts degrés que quand les péchés sont pardonnés, non seulement quant à la coulpe, mais aussi quant à la peine: Et si l'on en commet encore dans ces états élevés ce ne sont plus que des péchés légers de surprise et de fragilité, que l'on pleure amèrement et qui se pardonnent incontinent.

3° Comme il est impossible de parvenir à ces suprêmes degrés, sinon par une excellente pureté de cœur, il n'est pas possible non plus de s'y maintenir sans une très grande fidélité à la grâce.

Et comme Dieu fait alors à l'âme des largesses immenses, aussi l'âme réciproquement est-elle obligée de correspondre à Dieu avec la dernière exactitude, autrement Dieu retire ses grâces et l'âme ne persévère pas dans le degré où elle avait été élevée.

4° Dans ces derniers dégrés d'oraison l'âme est très détachée des créatures:

Rien ne la touche que l'amour de Dieu;

Elle n'agit que fort peu par le motif formel des vertus particulières. Comme on est alors uni à Dieu par l'amour, on fait tout par le principe de l'amour et dans la conduite de l'amour, sans se mettre en peine, pour l'ordinaire, des motifs des autres vertus, qui pourraient distraire l'âme de son union avec Dieu.

5° Quand Dieu fait la grâce à une âme de l'élever au dernier degré de la contemplation, il ne lui refuse plus rien, elle obtient ordinairement tout ce qu'elle demande:

Une âme qui est arrivée à ce degré de perfection peut à elle seule soutenir par ses prières et par son crédit auprès de Dieu toute une religion, tout un royaume.

6° Dans les diverses communications que Dieu fait aux âmes de ses dons et de ses visites, il n'y a point d'ordre certain et limité, de manière qu'on puisse dire:

Après cette opération, suivra cette autre, ou d'un tel degré d'oraison on passe à celui-ci: Dieu agit comme il Lui plaît.

7° En résumé, il faut s'appliquer à la pureté de conscience, à la garde du cœur, au service fidèle et délicat de Notre-Seigneur:

Il faut tenir notre âme dans la paix et le recueillement sous le regard de Notre-Seigneur et en union avec Lui, et attendre l'heure de Dieu.

8° Sainte Thérèse nous fait remarquer que ceux qui courent après leur imagination et leurs pensées vagabondes pour les arrêter, se fatiguent en vain, et leur peine ne sert qu'à leur faire perdre le peu d'union qu'ils avaient avec Dieu, et à remplir leur âme de trouble et d'empressement qui est un dérèglement pire que le premier.

9° Cette grande sainte ne cherchant que Dieu en toutes choses et ne trouvant son repos qu'en Dieu, ne se souciait pas même des vertus, quand il s'agissait de Dieu, de sa présence et de sa jouissance:

Elle laissait tout pour jouir de Dieu, quand Il lui faisait la faveur de se communiquer à elle, et il n'y a point en cela d'illusion; car, que pouvons-nous avoir sans Dieu, et si nous l'avons, quelles vertus peuvent nous manquer, puisqu'elles ne tendent toutes qu'à nous unir à Dieu?

10° Pratiquons continuellement l'exercice de la présence de Dieu et l'amour de Notre-Seigneur, en méditant sans cesse ses grandeurs et ses mystères.

Chapitre XXIV
La Communion spirituelle
d'après le P. François de Vouillé,
de l'ordre de Saint-François

La communion spirituelle
Sa nature, ses avantages et sa pratique

(Ce sujet est admirablement traité dans une brochure du P. François de Vouillé, un de mes pieux condisciples de Rome), chez l'éditeur Gigord, 15, rue Cassette.

La communion spirituelle est un acte de piété d'un caractère tout particulier:

Une âme pieuse exprime à Notre-Seigneur le désir qu'elle aurait de le recevoir si c'était possible au moment présent.

Notre-Seigneur qui est bon sans mesure, vient à elle spirituellement et augmente en elle ses dispositions de foi et d'amour, sa grâce, ses vertus, sa joie spirituelle.

Notre-Seigneur ne faisait-Il pas une sorte de communion spirituelle avec nous quand Il disait:

«J'ai ardemment désiré de manger cette pâque avec vous» - «Desiderio desideravi manducare hoc pascha vobiscum».

Le Cantique des cantiques semble avoir chanté d'avance les grâces et les joies de la communion spirituelle.

Dans l'Apocalypse, l'Epoux et l'Epouse, Jésus et l'âme, désirent leur union, sur la terre d'abord par la grâce, par la communion spirituelle, et au Ciel pour l'éternité:

«L'Epoux et l'Epouse se disent l'un à l'autre: Venez; et l'Epoux reprend: Que celui qui a soif vienne à moi et il boira gratuitement l'eau de la grâce».

C'est la communion du désir:

Un acte de désir, si rapide qu'il soit, un simple élan du cœur vers l'Eucharistie, suffit à constituer une communion spirituelle..

Ce n'est pas là cependant ce qu'on appelle la communion spirituelle: C'est un exercice de piété qui comprend, outre le désir de communier, quelques autres actes intérieurs et qui dure un peu de temps.

Ces actes sont analogues à ceux qu'on fait avant et après la communion sacramentelle.

La communion spirituelle unit à Notre-Seigneur:

Elle augmente l'union que nous avons par l'état de grâce avec son humanité et avec la divinité.

Cette union s'accroît par tous les exercices de piété, mais particulièrement par la communion spirituelle.

Par le baptême, Notre-Seigneur s'est uni à nous: Il a pris vraiment notre personne tout entière pour son épouse spirituelle. Il nous a unis à son humanité et à sa personne divine. La communion spirituelle augmente cette union et ravive notre amour envers Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Le Curé d'Ars disait dans son style imagé: «La communion spirituelle fait à l'âme comme un coup de soufflet sur un feu couvert de cendres et qui commence à s'éteindre.

«Quand nous sentons l'amour de Dieu se refroidir dans notre cœur, vite la communion spirituelle.

Nous ne pouvons pas toujours recevoir Notre-Seigneur sacramentellement; mais, si nous L'aimons véritablement, nous y suppléerons en nous unissant souvent à Lui par la communion spirituelle».

Elle imprime à l'âme une forte impulsion vers tout bien.

Elle dispose à pratiquer les vertus, à supporter les épreuves, à vaincre les tentations et à remporter toutes les victoires.

Elle produit aussi la gaieté spirituelle, cette intime et douce joie, que les plaisirs du monde ne peuvent pas donner, et qui est un des fruits de l'Eucharistie.

L'Imitation de Jésus-Christ la recommande: «Celui qui est empêché de communier, doit du moins avoir la bonne volonté et la pieuse intention de le faire, et ainsi il ne sera pas privé du fruit du sacrement:

«Toute âme pieuse peut tous les jours et à toute heure du jour, communier spirituellement à Jésus-Christ, avec un grand profit, et sans que rien puisse l'en empêcher» (liv. premier, chap. 10).

Le Combat spirituel nous enseigne qu'on doit faire la communion spirituelle très fréquemment.

«Il n'y a, dit-il, que la négligence ou quelque autre faute de notre part, qui puisse nous priver des avantages de cette excellente pratique».

Le Vénérable Louis de Blois, le Maître des maîtres, la recommande à plusieurs reprises dans son Miroir spirituel.

«Quand vous ne pouvez pas communier, dit-il, ne négligez pas de recevoir Jésus-Christ spirituellement, en désirant qu'Il vienne dans votre cœur. Rien ne peut vous empêcher de recevoir ainsi l'Eucharistie d'une manière spirituelle… Vous pourrez ainsi recevoir la Sainte Communion avec de très grands fruits, et non seulement une fois, mais bien des fois par jour».

«Chacun, dit Tauler, peut communier spirituellement dans toutes les circonstances de la vie, soit en santé, soit en maladie, et mille fois par jour, avec des fruits merveilleux».

«La communion spirituelle, dit le P. Halier, est par elle-même une des plus grandes puissances de la terre».

La communion spirituelle peut se faire sans formule spéciale par un travail de l'esprit, mais une courte formule la facilite beaucoup:

Une minute ou deux suffisent pour faire une communion utile; on y emploie souvent quatre ou cinq minutes.

Combien de fois par jour convient-il de faire la communion spirituelle? Plus ou moins, selon la dévotion de chacun…

Notre-Seigneur consulté à ce sujet par sa dévote servante Marie Lataste, lui répondit:

«Ma fille, vous communierez spirituellement la matin à votre réveil, et aussi après votre prière du matin; et puis deux fois dans la journée, et après la prière du soir.

Je désire entrer dans votre cœur par la communion spirituelle cinq fois par jour».

Saint Alphonse de Liguori et Saint Léonard de Port-Maurice conseillent à toutes les âmes pieuses de la faire trois ou quatre fois:

On peut, dans la communion spirituelle, s'unir d'une manière spéciale à la Très Sainte Vierge et à quelque Saint.

Notre-Seigneur, en nous unissant à Lui dans la Sainte Communion, nous unit en même temps à tous ceux qui font partie de son corps mystique, à tous les fidèles, à tous les Saints et spécialement à sa très Sainte Mère.

La communion spirituelle, de même que la communion sacramentelle, peut se faire à l'intention du prochain, soit des vivants, soit des défunts.

La Bienheureuse Marguerite Marie recommandait cette pratique en faveur des âmes du Purgatoire, pour réparer le mauvais usage qu'elles ont fait des communions sacramentelles.

Voici la méthode que conseillait Saint Léonard de Port-Maurice: «Regardez Jésus dans le Tabernacle et recueillez-vous quelques instants, faites un acte de contrition sur tous vos péchés. Puis, pensant au bonheur de posséder Jésus, dites-Lui: Venez, mon bien-aimé Jésus, mon aimable Epoux, venez dans mon pauvre cœur. Venez sanctifier mon âme. Venez rassasier mes désirs. Venez, mon doux Jésus, venez. - Figurez-vous que la Très sainte Vierge ou votre ange gardien vous apporte la Sainte Hostie… Alors vous recevrez Jésus en votre cœur et vous vous entretiendrez intimement avec Lui. en pensant qu'Il prie avec vous, demandez-Lui toutes les grâces que vous désirerez. Gardez-Le précieusement dans votre cœur et allez à vos occupations en restant uni avec Lui».

On peut aussi se représenter Jésus enfant venant dans notre cœur, comme faisait Sainte Gertrude.

Formule de Saint Alphonse de Liguori, indulgenciée par Léon XIII: «Mon Jésus, je crois que Vous êtes présent dans le Très-Saint-Sacrement. Je vous aime par-dessus toutes choses et mon âme soupire après Vous. Puisque je ne puis maintenant vous recevoir sacramentellement, venez au moins d'une manière spirituelle dans mon cœur. Je vous embrasse comme si vous étiez en moi et je m'unis entièrement à Vous. Oh… ne permettez pas que je me sépare jamais de Vous. O Jésus, mon souverain Bien et mon doux amour, blessez et enflammez mon cœur afin qu'il brûle toujours de votre amour» (60 jours d'indulgence).

Les amis du Sacré-Cœur, d'après Marguerite-Marie, s'unissent aux mystères du Sacré-Cœur, suivant les heures de la journée:

C'est une indication pour leurs communions spirituelles.

Ne disons-nous pas dans la belle prière: O Jésus vivant en Marie: Venez et vivez en nous dans la communion de vos saints mystères?

En nous levant, nous communierons au mystère de l'Incarnation. C'est l'aurore de la vie de Jésus.

C'est le Divin Enfant de Bethléem qui viendra dans notre cœur. Au commencement de l'oraison, si nous méditons sur un mystère de la Vie de Notre-Seigneur, notre communion spirituelle est tout indiquée.

Sinon, nous recevrons en nous Jésus venant avec son Esprit-Saint nous donner sa grâce et nous former à la vertu.

A neuf heures, nous communierons au mystère de Nazareth pour nous unir aux trois saints cœurs qui sont les modèles de la perfection. A midi, c'est le mystère du Calvaire, avec Marie, Jean et Madeleine qui offrent à Jésus les actes les plus parfaits d'amour et de réparation. A trois heures, c'est encore le Calvaire, où la Rédemption se consomme et où le Cœur de Jésus nous est ouvert.

A l'adoration du soir, comme à l'action de grâces du matin, c'est Jésus-Hostie qui nous permet comme à Saint Jean de reposer sur son Cœur.

Après le repas du soir, c'est le mystère de l'agonie.

Dans les insomnies, nous communions aux mystères de la nuit terrible où Jésus souffrit toutes les humiliations et tous les abandons.

Cette vie d'union nous prépare admirablement à l'union éternelle du ciel.

- Sainte Madeleine de Pazzi voyait le Cœur de Notre-Seigneur dans le cœur de ses sœurs sous des formes diverses, tantôt comme un petit enfant, tantôt comme un adolescent, ou dans la plénitude de l'âge, ou comme souffrant et crucifié, selon la dévotion du moment.

La communion perpétuelle est une pratique spéciale et essentiellement eucharistique:

«Elle consiste, dit le Bienheureux Albert le Grand, à demeurer continuellement uni à Jésus-Christ par cette tendre dévotion et cette affectueuse charité, qui proviennent de la participation fréquente à l'Eucharistie, par la communion sacramentelle et par la communion spirituelle». Pour que la communion, ou l'union eucharistique à Jésus-Christ soit vraiment perpétuelle, il faut que l'on communie sacramentellement aussi souvent qu'on le peut, et qu'on fasse des communions spirituelles assez fréquentes, pour que l'influence de l'Eucharistie persévère de l'une à l'autre sans interruption.

Comme Sainte Thérèse le fait observer, «si par le désir on s'unit à l'Eucharistie qui est le foyer de l'amour, il suffit de quelques instants pour être pénétré d'une chaleur divine qui peut durer plusieurs heures».

Cette chaleur divine, c'est la grâce de l'Eucharistie, c'est le sentiment de l'union à Jésus-Christ, la ferveur de l'esprit et la joie du cœur; et comme cette impression de la grâce se prolonge quelque temps il s'en suit qu'en renouvelant de temps à autre la communion spirituelle, on participe d'une manière continuelle à ces effets du sacrement.

«La pratique fréquente de la communion spirituelle, dit le P. Avrillon, est un excellent moyen de conserver l'onction et le parfum de l'Eucharistie. Elle produit une dévotion fervente et suivie, de telle sorte que d'une communion à l'autre, il n'y a aucune interruption de l'esprit de communion».

Bossuet dit aussi qu'en faisant de temps en temps la communion spirituelle, et en veillant à se conserver dans l'union avec le Divin Epoux, on se nourrit continuellement du Pain Céleste de l'Eucharistie et on mange spirituellement Jésus tout le long du jour.

De cette manière la vie chrétienne devient un perpétuel festin eucharistique.

Pour les amis du Sacré-Cœur, cette vie eucharistique les unit au Cœur de Jésus:

La Bienheureuse Marguerite-Marie vit un jour des rayons ardents qui jaillissaient de la Plaie du Sacré-Cœur et venaient à son cœur, lequel les renvoyait tous à leur source, comme le fait un miroir exposé en face du Soleil.

Et Jésus lui dit:

«C'est ainsi que mon amour fait un continuel écoulement dans ton cœur, et que ton cœur me retourne fidèlement par la reconnaissance toutes les grâces que je Lui envoie».

On lit aussi dans la Vie de la Vénérable Mère Marie-Thérèse, fondatrice de l'Adoration Réparatrice, qu'en l'année 1848 Jésus lui apparut sur l'autel:

Un rayon de lumière et d'amour venait du Cœur de Jésus à son cœur.

«Il me faut, lui dit Notre-Seigneur, des âmes qui se tiennent toujours

en ma présence, afin que je puisse faire en elles un continuel écoulement de ma vie».

Dans l'Imitation, Jésus dit à l'âme:

«Si tu veux être avec moi, Moi aussi, je veux bien être avec toi». Et l'âme répond: «Seigneur, daignez demeurer avec moi. Mon désir est d'être toujours avec Vous» (Livr. 4, chap. 13).

Chapitre XXV
De la paix intérieure par l'abandon
ou le don de soi-même à Dieu
d'après Fénelon, le P. Saint Jure,
le P. de la Colombière, le P. Caussade

Sources

Voir cette doctrine de l'abandon ou du don complet de soi-même en Dieu dans les meilleurs mystiques:

Fénelon: cité par Lehen.

De Lehen: 2° P. C. 10 (p. 190).

Grou: Manuel, page 362.

Baudrand: L'âme intérieure.

Lallemant: (p. 49) Doctrine spirituelle.

Saint Ignace: in contemplatione ad amorem, omnimoda sui oblatio: suspice, etc.

De Ponlevoy: commentaire sur les Exercices pages 350 et suiv. De Ravignan: Retraite au Carmel: p. 210 et suiv.

Saint François de Sales - Vener. P. Eudes - B. de Montfort - Vén. Boudon - card. de Bérulle - P. de Condren - Vén. Olier - M. de Bernières.

PP. Saint Jure, d'Argentan, Nouet, Lessius, Thomassin, Pétau.

1° Le parfait abandon entre les mains de Dieu est la vraie et pure adoration en esprit et en vérité. -

C'est la condition de la paix et de la liberté. C'est une image de l'état des bienheureux.

2° Quand on est bien abandonné à Dieu, tout ce que l'on fait est bien fait, sans faire beaucoup de choses: on s'abandonne avec confiance pour l'avenir; on veut sans réserve tout ce que Dieu voudra; et l'on ferme les yeux pour ne rien prévoir de l'avenir; cependant, on s'applique dans le présent à accomplir sa volonté: à chaque jour suffit son bien et son mal.

3° Ce journalier accomplissement de la volonté de Dieu est l'avènement de son règne au-dedans de nous.

On serait infidèle et coupable d'une défiance païenne, si l'on voulait pénétrer dans cet avenir du temps que Dieu nous dérobe: on le lui laisse.

C'est à Lui de le faire doux ou amer, court ou long: Qu'il fasse ce qui est bon à ses yeux.

4° La plus parfaite préparation à cet avenir, quel qu'il soit, est de mourir à toute volonté propre, pour se livrer totalement à celle de Dieu. Comme la manne avait tous les goûts, cette disposition générale renferme toutes les grâces et tous les sentiments convenables à tous les états où Dieu pourra nous mettre dans la suite.

5° Quand on est ainsi prêt à tout, c'est dans le fond de l'abîme que l'on commence à prendre pied; on est aussi tranquille sur le passé que sur l'avenir.

6° On suppose de soi tout le pis qu'on en peut supposer, mais on se jette aveuglément dans les bras de Dieu; on s'oublie, on se perd, et c'est la plus parfaite pénitence que cet oubli de soi-même:

Car toute la conversion ne consiste qu'à se renoncer pour s'occuper de Dieu.

7° Cet oubli est le martyre de l'amour-propre. alors le cœur s'élargit; on est soulagé en se déchargeant de tout le poids de soi-même, dont on s'accablait; on est étonné de voir combien la voie est droite et simple.

8° On croyait qu'il fallait une contention perpétuelle et toujours quelque nouvelle action sans relâche; au contraire, on s'aperçoit qu'il y a peu à faire; qu'il suffit sans trop raisonner ni sur l'avenir, ni sur le passé, de regarder Dieu avec confiance, comme un père qui nous mène dans le moment présent comme par la main.

9° Si quelque distraction le fait perdre de vue, sans s'arrêter à la distraction, on se tourne vers Dieu, et Il fait sentir ce qu'Il veut.

10° Si on fait des fautes, on en fait une pénitence qui est une douleur toute d'amour. On se retourne vers Celui de qui on s'était détourné.

Le péché paraît hideux; mais l'humiliation qui en revient, et pour laquelle Dieu l'a permis, paraît bonne.

11° Autant les réflexions de l'orgueil sur nos fautes sont amères, inquiètes et chagrines, autant le retour de l'âme vers Dieu, après ces fautes, est-il recueilli, paisible et soutenu par la confiance.

12° Vous sentirez par expérience combien ce retour simple et paisible vous facilitera votre correction, plus que tous les dépits sur les défauts qui vous dominent.

Soyez seulement fidèle à vous tourner simplement vers Dieu, dès le moment que vous apercevrez votre faute.

13° Vous ne faites que vous attendrir sur vous-même par des retours inutiles. Le moindre regard de Dieu calmerait bien mieux votre cœur troublé par cette occupation de vous-même, et c'est ce qu'il vous faut. Sortez donc de vous-même et vous serez en paix.

14° Mais comment en sortir?

Il ne faut que se tourner doucement du côté de Dieu, et en former peu à peu l'habitude par la fidélité à y revenir toutes les fois qu'on s'aperçoit de sa distraction (Fénelon).

15° Voilà comment l'âme qui désire faire des progrès solides dans les voies de la perfection doit se renoncer elle-même dans les choses les plus intimes et jusque dans l'impatience qui lui ferait rechercher son avancement selon sa volonté, plutôt que selon le bon plaisir de Dieu.

QUATRIEME PARTIE

DIRECTIONS SPECIALES ET PRATIQUES EN RAPPORT AVEC LES GRACES DU TEMPS PRESENT

Après avoir indiqué les voies tracées par les Saints ou les pieux écrivains qu'on peut regarder comme les guides classiques de la vie intérieure, nous voulons développer davantage la description des voies qui nous paraissent répondre aux grâces du temps présent: l'union à Marie;

La vie d'amour envers Dieu et envers Notre-Seigneur;

La dévotion eucharistique;

L'intimité avec Notre-Seigneur;

L'union au Sacré-Cœur.

Chapitre XXVI
Vie intérieure par l'union à Marie
Selon le B. Grignon de Monfort
et le P. Giraud
6)

Le libre du P. Giraud est le vrai Manuel de l'union spéciale avec Marie:

Tout chrétien doit aimer Marie, l'honorer, l'invoquer et demander par Elle les grâces du Sauveur.

Mais il y a une forme spéciale de vie intérieure qui consiste dans l'union directe et constante avec Marie.

Ce n'est pas la pratique ordinaire de l'Eglise qui, dans sa liturgie, va droit à Dieu par le suprême médiateur Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais rien n'empêche, dans la dévotion privée, de recourir habituellement à Marie, qui est avec Jésus, notre co-Rédemptrice.

Le cardinale de Berulle dit à Marie dans sa consécration:

«Après Votre Fils et sous Votre Fils, je vous confie mon âme et ma vie».

«Je vous remets donc tout, ô ma chère Espérance, après Jésus et en Jésus».

Le Père de Géramb a écrit sur la Messe en union à Marie, mais à chaque étape de la messe, il va droit à Dieu par Notre-Seigneur, puis il ajoute une invocation à Marie.

Le P. Giraud et le Bienheureux Grignon de Montfort vont plus loin: Ils s'adressent d'abord à Marie, et vont, avec Elle à Jésus. Elle est leur introductrice.

C'est là une dévotion excellente mais spéciale à certaines âmes. C'est une pratique qui diffère des coutumes liturgiques de l'Eglise.

Dans la vie intérieure, on peut considérer Marie comme vivant en nous, par sa médiation, par ses prières, par ses mérites, peut-être même par une action physique à distance comme nous l'avons dit pour NotreSeigneur.

Pourquoi les âmes glorifiées de Jésus et de Marie n'auraient-elles pas ce pouvoir d'agir à distance, comme nous le voyons entre les hommes par des faits de suggestion et de télépathie?

Saint Ignace nous exhorte à terminer nos exercices spirituels par un colloque. Parfois le colloque se fait uniquement avec Notre-Seigneur et il se termine par un Pater. Mais le plus souvent et en particulier pour les mystères de la deuxième et de la troisième semaine, le colloque est triple.

L'âme s'adresse d'abord à Marie, pour qu'elle nous obtienne de son Fils des grâces de lumière et de volonté; elle récite Ave Maria.

Puis elle s'adresse au Sauveur pour qu'Il demande les mêmes grâces à son Père; elle récite la prière: Anima Christi.

Enfin, elle s'adresse à Dieu le Père et récite le Pater. Après la méditation sur la Sainte Cène, Saint Ignace nous fait dire le colloque triple ou simple, selon que notre dévotion nous y porte:

Il montre bien par là que l'union habituelle à Marie est une dévotion particulière qui ne s'impose pas.

Les prêtres du Sacré-Cœur se saluent par l'invocation: Vivat Cor Jesu… per Cor Mariae: Vive le Cœur de Jésus par le Cœur de Marie. C'est le témoignage de leur adhésion spéciale à cette forme de dévotion qui joint ordinairement l'intercession de Marie à celle du Sauveur.

Que le Cœur de Jésus vive et règne en nos âmes et dans les sociétés, par l'intercession et les mérites du Saint Cœur de Marie!

Chapitre XXVII
Etudes sur la vie d'amour envers Dieu
D'après les Pères de l'Eglise et les docteurs

Saint Basile compare ceux qui servent Dieu pour la récompense qu'ils en attendent à Simon le Cyrénéen, qui portait la croix de Jésus-Christ pour un certain prix dont il était convenu.

Il ne faut pas, dit-il, que comme des serviteurs peu affectionnés, nous regardions quelle récompense on doit nous donner; car c'est plutôt le fait d'un mercenaire qui ne songe qu'à son intérêt (More ingratorum servorum supputando mercedem: hoc enim mercenarii potius quam grati servi est). - Il veut que nous soyons portés par un plus noble motif, que nous servions Dieu comme ses enfants, et purement pour l'amour de Lui.

Il y a beaucoup de différence, dit-il, entre le service d'un esclave, celui d'un mercenaire et celui d'un fils.

L'esclave ne sert son maître que par la crainte du châtiment; le mercenaire se propose la récompense; et, s'il est soigneux de bien servir, c'est qu'il croit qu'en servant bien, il en sera mieux récompensé.

Mais le fils en use autrement: c'est par pur amour qu'il sert son père; et, lorsqu'il a un soin extrême de ne rien faire qui puisse l'offenser ou l'attrister, ce n'est pas qu'il en appréhende aucun châtiment ou qu'il en espère aucune récompense, mais c'est que l'amour lui donne naturellement cette délicatesse et cette attention.

Si même son père est pauvre et ne peut rien lui laisser, il le sert et l'honore parce que la qualité de père l'y oblige, et, pourvu qu'il le contente, il se croit assez payé de son service et de sa peine.

Nous devons servir Dieu de la même manière, non pas comme des esclaves, ni comme des mercenaires, mais comme ses véritables enfants, puisqu'il nous a fait la grâce que nous le fussions:

Voyez quel amour le Père a eu pour nous, dit Saint Jean, de vouloir qu'on nous appelle enfants de Dieu, et que nous le soyons en effet. - (Videte qualem caritatem dédit nobis Pater, ut filii Dei nominemur et simus) (Jo 3-1). Puisque nous le sommes donc véritablement, puisque c'est avec raison que nous appelons Dieu notre Père, et Jésus-Christ notre frère, aimons et servons Dieu comme ses enfants, honorons-Le et respectons-Le comme un Père, et comme un Père si digne dé notre obéissance et de nos respects.

Que ce soit purement pour l'amour de Lui que nous agissions; que ce soit pour Lui plaire, que ce soit parce qu'Il le mérite, étant ce qu'Il est, et parce que sa bonté infinie mériterait encore mille fois davantage, quand nous aurions mille cœurs et mille vies pour les employer à L'aimer et à Le servir.

(S. Basil. in Regul. fus. disputatis, in proemio).

Saint Chrysostome se sert, comme Saint Basile, de la comparaison de l'esclave, du mercenaire et de l'enfant:

Si vous avez été digne de faire quelque chose qui plaise à Dieu, dit-il, et que vous cherchiez quelque autre récompense que celle d'avoir mérité de Lui plaire, vous ignorez, sans doute, quel grand bien c'est de plaire à Dieu; car, si vous le saviez, vous ne désireriez jamais autre récompense. En effet, quel plus grand bien pouvons-nous souhaiter que de Lui plaire?

Soyez imitateurs de Dieu, dit Saint Paul, comme ses très chers enfants, et attachez-vous à l'aimer comme Jésus-Christ nous a aimés. - (Estole imitatores Dei sicut et Christus dilexit nos. Eph. V. 1-2).

Mais ne pensez pas, dit Saint Chrysostome (hom. 5 sup. Ep. ad Rom) que pour n'avoir pas la récompense en vue, votre récompense en puisse être moindre: au contraire, elle en sera plus grande, car plus une action est dépouillée de toutes sortes d'intérêt, plus elle est pure et parfaite, et elle n'est jamais si méritoire que lorsqu'il n'y a aucun mélange d'amour propre.

Si, dans tout ce que vous faites, vous ne vous proposez que de plaire à Dieu, et que ce ne soit point l'espoir de la récompense qui vous fasse agir, croyez que votre récompense en sera plus grande et plus précieuse.

Comme vous n'aurez pas travaillé tel un mercenaire à qui on ne donne rien au-delà du salaire qu'on lui a promis, vous serez traité comme un fils qui est héritier de tous les trésors de son père, car si nous sommes enfants de Dieu, nous serons par conséquent héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ (ad Rom 8-17).

La fille de Pharaon donnait de l'argent à la mère de Moïse pour la nourriture de son propre fils; ce n'était pas cependant à cause de la récompense que cette mère nourrissait son fils, mais à cause de l'amour qu'elle avait pour lui.

Elle n'aimait pas son fils à cause des dons qui lui en revenaient, mais elle acceptait volontiers ces dons qui l'aidaient à nourrir et à élever son fils.

«Confitebor tibi, Domine, in toto corde meo»: Je vous louerai Seigneur, et vous rendrai grâces de tout mon cœur.

Je mets tout mon cœur sur l'autel de votre confession; je vous offre un holocauste de louange.

Que la flamme de votre amour embrase tout mon cœur; que rien ne me reste pour moi; que je ne regarde en rien à moi-même: «Nihil in me relinquatur mihi, nec quo respiciam ad meipsum; mais que je brûle tout pour vous et me consume en Vous: totus diligam te, tanquam inflammatus de te» (Sur le ps. 137, n° 2)».

Voir aussi les confessions, livre 10, chap. 29:

«Mon Dieu, vous me commandez d'être continent. Je sais, dit le Sage, que nul ne peut être continent, s'il n'en a reçu le don de Dieu. C'est la continence qui nous ramène à cette unité suprême dont nous nous étions éloignés pour nous répandre dans la multiplicité des créatures.

Car celui-là vous en aime moins, qui aime quelque chose avec Vous qu'il n'aime point pour l'amour de Vous.

O amour qui brûlez toujours et ne vous éteignez jamais… Charité qui êtes mon Dieu, embrassez-moi de vos flammes…». Idem chapitre 27: «Que j'ai commencé tard à Vous aimer, ô beauté toujours ancienne et toujours nouvelle… Vous étiez au-dedans de moi, mais j'étais hélas… au dehors de moi-même.

Je courais avec ardeur après ces beautés périssables qui ne sont que les ombres de la vôtre… Mais Vous m'avez appelé… Vous avez touché mon âme, et je suis devenu tout brûlant d'ardeur pour la jouissance de votre éternelle félicité…».

Saint Bernard passe plus avant que les autres et veut que dans nos actions, nous nous souvenions si peu de nous-mêmes et que nous soyons tellement détachés de toutes sortes d'intérêts particuliers, qu'il n'estime pas que ce soit encore assez d'aimer et de servir Dieu comme les enfants aiment et servent leurs pères.

Il demande quelque chose de plus pur, de plus parfait et de plus élevé; car, enfin, dit-il, «il est vrai que les enfants aiment leurs pères, mais ils songent à leur succession, et tant qu'ils appréhendent de la perdre, parut-être rendent-ils plus de respect à celui de qui ils doivent l'attendre, mais peut-être aussi l'en aiment-ils moins.

L'amour m'est suspect, lorsqu'il paraît entretenu par l'espérance d'obtenir quelque autre chose.

Le pur amour n'est point mercenaire».

(Serm. 85 sup. Cant. - Voir aussi Serm 83 et son livre de diligendo Deo).

====5° La vie d’amour et Saint Grégoire le Grand: (Morale, livre 8 chap. 30 et ailleurs)==== Le travail précède la contemplation, dit Saint Grégoire; mais la contemplation à son tour excite au travail et le rend plus efficace:

Il est impossible que l'âme purifiée contemple la passion de Notre-Seigneur et ne se sente pas appelée à souffrir avec Lui, dans le même but, c'est-à-dire pour la rédemption du genre humain.

«Si nous voulons emporter d'assaut la citadelle de la contemplation, il faut commencer par nous exercer dans le champ de manœuvres du travail. Quiconque désire se livrer à ce genre d'oraison, doit, avant tout, examiner jusqu'à quel point il est capable d'aimer, car l'amour est le levier de l'âme. A lui seul, il peut élever l'âme jusqu'à des hauteurs où elle sera entièrement détachée du monde, il peut lui donner des ailes» (Cité par Devine, Théol, myst. p. 171).

Ce grand saint a bien parlé du pur amour dans son beau livre «L'aiguillon de l'amour divin».

Citons-en quelques lignes très caractéristiques. IIe partie, chap. 2: «Dites au Seigneur:

je sais que Vous m'aimez plus que je ne m'aime moi-même.

je ne me soucierai donc plus de moi-même; je m'attacherai uniquement à votre bon plaisir (tuis deliciis inhoerebo).

Prenez Vous-même soin de moi… Veillez Vous-même sur moi et sur ma faiblesse pour y remédier, sur ma misère pour la soulager».

Voici un autre passage de Saint Bonaventure, cité par le cardinal Vivès (de ineffabili bonitate cordis Jesu, p. 365):

«O amour, que Vous rendrai-je pour m'avoir fait participant à la divinité (qui me fecisti divinum). je vis, non ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi.

Votre puissance est inénarrable, ô amour qui transfigurez la boue en Dieu. Qu'y a-t-il de plus puissant, de plus noble que Vous qui changez la terre en ciel et faites que je sois un avec mon bien-aimé?

O heureux amour, qui nous soutient dans nos langueurs par les embrassements de notre époux… O amour désirable qui enivrez les époux célestes des suprêmes délices… Mais si vous vous liquéfiez, ô mon âme, en entendant sa parole, ne serez-vous pas consommée en entrant dans ses plaies et en pénétrant jusqu'à son cœur?».

====7° Le pur amour dans Saint Thomas d’Aquin (2 a 2 ae – quest. 23, art. 6).==== L'amour atteint Dieu Lui-même, pour s'arrêter en Lui et non pour en recevoir quelque avantage: Caritas attingit ipsum Deum ut in ipso sistat, non ut aliquid ab eo proveniat (2 a 2 ae, quest. 24, art. 8).

La perfection de la charité est que l'homme mette tous ses soins à s'occuper de Dieu et des choses divines (ad vocandum Deo et rebus Divinis), en délaissant le reste autant que le permettent les nécessités de la vie prèsente (Ibid. art. 9).

Des trois degrés de la charité.

Au premier degré, le principal souci du chrétien sera de se retirer du péché et de résister aux concupiscences qui entraînent loin de l'amour divin.

C'est l'œuvre des commençants.

Au second degré, l'homme a surtout le souci d'avancer dans la vertu: C'est la part de ceux qui avancent: et hoc pertinet ad proficientes.

Au troisième degré, l'homme a surtout pour but de s'attacher à Dieu et de jouir de Dieu: ut Deo inhaereat et eo fruatur.

C'est la part des parfaits.

Ce troisième degré, c'est bien le pur amour, l'amour désintéressé, qui s'oublie pour chercher Dieu et se reposer en Lui.

Chapitre XXVIII
La vie d'amour,
d'après les meilleurs auteurs ascétiques

Ce n'est pas sans motifs que nous donnons un développement assez grand à cette étude sur la vie d'amour.

Certaines déviations de la doctrine du pur amour au XVIIe siècle ont amené la triste réaction du jansénisme. On n'osait plus parler du pur amour par la crainte de paraître suspect de quiétisme.

Qui pourrait dire de combien d'amour a été privé Notre-Seigneur par cette fausse crainte? Il avait soif d'amour et c'est pour cela qu'il nous a manifesté son Cœur pour nous faire sortir de cette religion glaciale qui desséchait les cœurs et qui faisait bien l'affaire du démon.

Le pur amour de Dieu et de Notre-Seigneur est ce qu'il y a de plus parfait dans la piété, et cette disposition doit reprendre possession des âmes par la grâce du Sacré-Cœur.

Nous avons jusfitié la doctrine du pur amour par les enseignements des Pères et des docteurs de l'Eglise, interrogeons maintenant les meilleurs auteurs ascétiques.

Il faut lire le beau chapitre quinzième du premier livre, sur les œuvres faites par amour.

Sans la charité, dit le pieux auteur, les œuvres extérieures ne servent à rien; mais tout ce qui se fait par la charité, quelque petit ou quelque vil qu'il soit, produit des fruits abondants, car Dieu regarde moins à l'action qu'au motif qui fait agir.

Celui-là fait beaucoup qui aime beaucoup.

Celui qui possède la charité parfaite et véritable, ne se recherche en rien, mais son unique désir est que la gloire de Dieu s'opère en toutes choses. Il ne porte envie à personne, parce qu'il ne souhaite aucune faveur particulière; il ne met pas sa joie en lui-même, et dédaignant tous les autres biens, il ne cherche son bonheur qu'en Dieu.

Il n'attribue jamais aucun bien à la créature, il les rapporte tous à Dieu, de qui ils découlent comme de leur source et dans la jouissance duquel tous les saints se reposent à jamais comme dans leur fin dernière. Oh… à celui qui aurait une étincelle de la vraie charité, comme toutes les choses de la terre paraîtraient vaines.

«Cette pratique si sainte, de faire toutes nos œuvres, purement pour plaire à Dieu, nous semblera au commencement un peu difficile, mais avec le temps, elle nous deviendra aisée et même agréable, si nous nous accoutumons à chercher Dieu de tout notre cœur, si nous soupirons sans cesse après Lui, comme après notre unique et souverain bien, qui de soi mérite que toutes les créatures Le cherchent, L'estiment et L'aiment pardessus toute autre chose.

Plus nous nous attachons à considérer combien Dieu est grand et aimable, plus les affections de notre cœur envers ce divin objet seront tendres et fréquentes; et, par là, nous acquerrons plus facilement et plus vite cette habitude de rapporter toutes nos actions à sa gloire.

Un moyen de ne rien faire que par ce motif excellent et si relevé, c'est d'en demander instamment la grâce à Notre-Seigneur, et de considérer souvent les biens infinis que Dieu nous a faits et qu'Il nous fait encore à toute heure et par un amour pur et tout à fait désintéressé.

Afin d'engager plus facilement notre volonté à ne vouloir rien que ce que Dieu veut et ce qui est pour sa gloire, souvenons-nous qu'Il a daigné nous aimer et nous honorer le premier en mille manières différentes.

C'est Lui qui nous a tirés du néant, qui nous a créés à son image, qui a fait toutes les autres créatures pour notre service.

C'est Lui qui, voulant nous donner un Rédempteur, nous a envoyé, non pas un ange, mais son Fils unique, qui a racheté le monde, non pas au prix de l'argent et de l'or, qui sont des choses corruptibles, mais au prix de son sang et par sa mort, non moins infâme que douloureuse.

C'est Lui qui, à tout moment, nous protège contre la fureur de nos ennemis, qui combat pour nous par sa grâce, et qui, afin de nous défendre en même temps, est toujours prêt à nous donner le corps de son Fils à la Sainte Table.

Ne sont-ce pas là des témoignages certains de l'estime et de l'affection que ce grand Dieu a pour nous?

Qui pourrait comprendre jusqu'où doit aller notre reconnaissance pour ce Bienfaiteur le plus libéral qui puisse être?

Quel honneur ne doivent pas rendre des vers de terre au Souverain Maître du Monde, qui leur donne tant de marques de sa bienveillance et de son estime?

Il faut surtout nous ressouvenir de ce que cette Infinie Majesté mérite que nous La servions par le principe d'un amour très pur qui ne cherche qu'à Lui plaire» (Chap. X et XI).

Saint Ignace expliquant dans ses Constitutions7) de quelle manière il faut que nous augmentions tous les jours en droiture et en pureté d'intention, dit:

«Que tous s'étudient à avoir une intention droite, non seulement en ce qui concerne l'état de leur vie en général, mais aussi dans toutes leurs actions en particulier, ne se proposant en toutes choses que de servir Dieu, et de Lui plaire, et se portant à cela plutôt pour l'amour de Lui-même et en reconnaissance des bienfaits qu'on a reçus que par la crainte du châtiment ou par l'espoir de la récompense; quoique cependant, ces deux motifs ne laissent pas d'être bons et de pouvoir être employés utilement. Il y a plusieurs manières de chercher Dieu et de Le servir:

Le servir par la crainte des peines, c'est toujours Le chercher et faire une bonne action, parce que la crainte ne laisse pas d'être bonne et d'être un don de Dieu… (confige timore tuo carnes meas - ps. 118).

Nous servir de la crainte des peines, de l'appréhension de la mort et de la frayeur des jugements de Dieu, pour nous exciter à servir Dieu et pour nous abstenir de l'offenser, cela ne peut être que louable, puisque c'est pour ce sujet que la Sainte Ecriture nous représente si souvent ces mêmes choses et nous en fait des menaces si terribles.

C'est encore servir Dieu que de Le servir pour la récompense dans la gloire; et, c'est même Le chercher d'une manière plus parfaite que la première…

Moïse agissait dans cette vue. Saint Paul nous l'apprend:

Ce fut par la foi que Moïse renonça au titre de fils de la fille de Pharaon, aimant mieux être affligé avec son peuple que de jouir des avantages passagers du péché, et préférant l'ignominie de Jésus-Christ à toutes les richesses des Egyptiens, car il envisageait la récompense à venir. - Aspiciebat enim in remunerationem: ad Heb. XI-24.

C'est aussi dans cette même vue que le Psalmiste disait:

«J'ai disposé mon cœur à observer toujours vos commandements, à cause de la récompense que j'en espère» (Inclinavi cor meum ad faciendum justificationes tuas in aeternum propter retributionem) (ps. 118-112).

Ces deux motifs de la crainte et de l'espérance sont donc bons, mais Saint Ignace veut que l'on passe outre, que l'on élève davantage son cœur et que l'on ait de plus hautes pensées:

«Aspirez, dit-il avec Saint Paul, à de plus grands dons et je vais vous montrer une voie plus excellente (aemulamini charismata meliora, et adhuc excellentiorem viam vobis demonstro (1 Cor XII, 31).

Il veut que l'on cherche Dieu et qu'on Le serve purement à cause de Lui-même, à cause de sa bonté infinie; enfin, à cause que Dieu est Dieu; et en cela est compris tout ce qu'on peut s'en figurer de plus grand et de plus sublime.

====11° La vie d’amour d’après Rodriguez: De la pureté d’intention. Chap. VIII.==== Nous devons essayer d'avoir toujours dans la bouche et dans le cœur ces paroles:

C'est pour vous, Seigneur, que je fais ceci; c'est pour votre gloire, c'est parce que Vous le voulez; et, continuer sans cesse cet exercice jusqu'à ce que nous parvenions à faire les choses comme des gens qui servent Dieu et non pas les hommes: servientes sicut Domino et non hominibus (Eph VI, 6).

C'est-à-dire, jusqu'à ce que nous nous sentions actuellement échauffés de l'amour de Dieu, en ce que nous faisons; que nous ayons de la joie d'accomplir en cela sa volonté; et qu'enfin, toutes nos actions ne soient proprement que l'effet de l'amour divin qui nous anime.

Le P. Avila rapporte à ce sujet une comparaison familière, et dit que nous devons nous comporter dans toutes nos actions comme une femme qui, aimant extrêmement son mari, et le voyant revenir de la campagne, couvert de poussière et fatigué, lui lave elle-même les pieds; elle se fait une joie si sensible du service qu'elle lui rend, qu'on voit bien que c'est l'amour qui l'aime en tout ce qu'elle fait.

Si nous pouvions faire les choses de cette manière; si nous pouvions rencontrer ce trésor caché dans le champ8), ce trésor exposé et si caché tout ensemble, que nous serions riches! … que nous deviendrions parfaits!…

C'est là la véritable pierre philosophale qui change le fer et le cuivre en or, puisque, quelque basse qu'une action soit d'elle-même, elle la rend d'un très grand prix.

Tâchons donc dorénavant de convertir ainsi toutes choses en un or très pur, puisqu'il nous est si aisé de le faire; et comme dans le temple de Salomon, il n'y avait rien qui ne fût d'or ou revêtu d'or, (3 Reg. 6. 22), qu'il n'y ait rien non plus en vous qui ne soit ou un acte ou un effet de l'amour de Dieu (Ch. XI).

- Ce n'est par la valeur de l'offrande, dit Salvien, mais c'est l'affection avec laquelle on la fait qui la rend agréable à Dieu:

Il ne regarde pas combien on lui donne, dit Saint Grégoire, mais avec quel esprit on lui donne.

Il n'estime les présents que par le cœur, et ainsi, on peut faire moins de choses qu'un autre et lui plaire davantage, si on agit avec une grande étendue de charité.

C'est en cela que la grandeur de Dieu éclate, que quelque service qu'on puisse Lui rendre, il ne peut être considérable devant Lui que par la grandeur de l'amour; car, de même qu'Il n'a aucun besoin de nos biens, qu'Il ne peut augmenter ni en richesses, ni en aucune autre chose, et que toutes nos bonnes actions ne peuvent rien Lui donner - si juste egeris, quid donabis ei (Job 35-75), - ce qu'Il veut de nous, c'est que nous

L'aimions et que nous fassions ce qui est en notre pouvoir.

Nous en avons un exemple formel dans les deux deniers qu'offrit la veuve de l'Evangile.

En vérité, a dit Notre-Seigneur, je vous assure que cette pauvre veuve a plus donné que tous les autres. Ils n'ont rien donné que de leur superflu, mais pour elle, malgré son extrême nécessité, elle a donné tout ce qu'elle avait, sans même se réserver rien pour vivre: de penuria sua omnia quae habuit misit totum victum suum (Marc XII, 43).

Il gardera cette même règle, dit Saint Chrysostome, envers ceux qui prêchent, qui étudient, qui travaillent et qui s'occupent aux autres fonctions de la religion.

Il prendra moins garde à ce qu'ils feront qu'à la charité qui les aura fait agir et à la ferveur qu'ils auront eue (voir aussi les chap. XIII et XIV).

====12° Le parfait amour d’après Saint François de Sales (voir son Traité de l’Amour de Dieu)==== Pour lui, la dévotion n'est pas autre chose que le parfait amour: Introduction à la vie dévote.

La vraie dévotion, dit-il (Ire partie, I), présuppose l'amour de Dieu; et, pour parler plus juste, elle est elle-même le parfait amour de Dieu. La dévotion consiste essentiellement dans une excellente charité: Contemplez l'échelle de Jacob, c'est une fidèle peinture de la vie dévote; les deux côtés de cette échelle nous représentent l'oraison qui demande l'amour de Dieu et l'usage des sacrements qui nous le donne.

Les échelons sont les divers degrés de charité par lesquels on va de vertu en vertu, soit en s'abaissant jusqu'à servir le prochain et souffrir ses faiblesses, soit en s'élevant par la contemplation jusqu'à l'union amoureuse de Dieu.

Considérez comme les anges, revêtus d'un corps humain, descendent et montent par cette échelle et nous représentent bien les vrais dévots qui ont un esprit angélique.

Leurs ailes nous figurent le vol et l'élancement de l'âme en Dieu par la sainte oraison…

Leurs têtes nues, aussi bien que leurs bras et leurs pieds, nous font penser que l'on ne doit rien mêler, dans ses intentions et dans ses actions, avec le motif de plaire à Dieu.

La dévotion est la reine des vertus, puisqu'elle est la perfection de la charité; elle est à la charité ce que la crême est au lait, la fleur à une plante, l'éclat à la pierre précieuse et l'odeur au baume.

Elle répand partout cette odeur de suavité qui conforte les hommes et réjouit les anges.

Traité de l'amour de Dieu:

Livre V. Des deux principaux exercices de l'amour sacré, qui se font par complaisance et par bienveillance.

Livre XII. Avis pour le progrès de l'âme dans le saint amour:

Où il nous invite à faire toutes nos actions par amour et où il nous en indique les motifs.

Belle pensée de Saint François de Sales sur l'amour désintéressé de Dieu et de sa volonté: «Il faut regarder ce que Dieu veut et, le reconnaissant, il faut s'essayer à le faire gaiement ou au moins courageusement; et, non seulement cela, mais il faut aimer cette volonté de Dieu et l'obligation qui s'en suit pour nous, fût-ce de garder les pourceaux toute notre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde; car, en quelque sauce que Dieu nous mette, ce nous doit être tout un:

C'est là le blanc de la perfection, auquel nous devons tous viser, et qui plus en approche, c'est celui qui emporte le prix».

(Lettres, tome 3, pages 20-21).

====13° L’amour de Dieu, d’après Bossuet: 2e sermon, pour le jeudi de la passion==== Pour vous presser de recevoir la grâce, je voudrais bien, chrétiens, n'employer ni l'appréhension de la mort, ni la crainte de l'enfer et du jugement, mais le seul attrait de l'amour divin.

Et certes, en commençant de respirer l'air, nous devions commencer aussi de respirer, pour ainsi dire, le divin amour: ou,,parce que notre raison empêchée ne pouvait pas Vous connaître encore, ô Dieu vivant, nous devions du moins Vous aimer, sitôt que nous avons pu aimer quelque chose.

O beauté, par-dessus toutes les beautés, ô bien pardessus tous les biens, pourquoi avons-nous été si longtemps sans vous dévouer nos affections?

Quand nous n'y aurions perdu qu'un moment, toujours aurions-nous commencé trop tard: et voilà que nos ans se sont échappés, et encore languissons-nous dans l'amour des choses mortelles…

O homme, fait à l'Image de Dieu… tu cours après les plaisirs mortels, tu soupires après les beautés mortelles; les biens périssables ont gagné ton cœur: si tu ne connais rien qui soit au-dessus, rien de meilleur, ni rien de plus aimable, repose-toi à la bonne heure en leur jouissance.

Mais si tu as une âme éclairée d'un rayon de l'intelligence divine; si, en suivant ce petit rayon, tu peux remonter jusqu'à Dieu même; si tu peux connaître qu'Il est, et qu'Il est infiniment beau, infiniment bon et qu'Il est toute beauté et toute bonté: comment peux-tu vivre et ne L'aimer pas?

Homme, puisque tu as un cœur, il faut que tu aimes: et selon que tu aimeras, bien ou mal, tu seras heureux ou malheureux.

Dis-moi: qu'aimeras-tu donc?

L'amour est fait pour l'aimable, et le plus grand amour pour le plus aimable, et le souverain amour pour le souverain aimable: quel enfant ne le verrait pas? quel insensé le pourrait nier?

C'est donc une folie manifeste, et de toutes les folies la plus folle, que de refuser son amour à Dieu qui nous cherche.

Qu'attendons-nous chrétiens? déjà nous devrions mourir de regrets de l'avoir oublié durant tant d'années; mais quel sera notre aveuglement et notre fureur, si nous ne voulons pas commencer encore?

Voulons-nous ne L'aimer jamais, ou voulons-nous L'aimer quelque jour? jamais: qui le pourrait dire? jamais; le peut-on seulement penser? en quoi différerions-nous d'avec les démons?

Mais si nous Le voulons aimer quelque jour, quand est-ce que viendra ce jour? pourquoi ne sera-ce pas celui-ci? quelle grâce, quel privilège a ce jour que nous attendons, que nous le voulions consacrer entre tous les autres, en le donnant à l'amour de Dieu?

Tous les jours ne sont-ils pas à Dieu?

Oui, tous les jours sont à Dieu; mais, jamais il n'y en a qu'un qui soit à nous, et c'est celui qui passe…

Eh quoi… voulons-nous toujours donner au monde ce que nous avons, et à Dieu ce qu nous n'avons pas?

O Jésus, dit Fenelon - dans son panégyrique de l'Apôtre vierge - je désire me reposer avec Jean sur votre poitrine et me nourrir d'amour en mettant mon cœur sur le Vôtre. Je veux être comme le disciple bienaimé, instruit par votre amour. Il disait, ce disciple, pour l'avoir éprouvé, que: «l'onction enseigne toutes choses». Cette onction intérieure de votre esprit instruit dans le silence. On aime et on sait tout ce qu'il faut savoir; on goûte, et on n'a pas besoin de rien entendre.

Toute parole humaine est à charge et ne fait que distraire parce qu'on a au-dedans la Parole substantielle qui nourrit le fond de l'âme; on trouve en elle toute vérité. On ne voit plus qu'une seule chose, qui est la vérité. On ne voit plus qu'une seule chose, qui est la vérité simple et universelle.

O amour, vous voulez des âmes livrées à vos transports, des âmes qui ne craignent point, non plus que les apôtres, d'être insensées aux yeux du monde. Il ne suffit pas, ô divin Esprit, de se remplir de Vous; il faut en être enivré.

Que n'apprendrait-on point sans raisonnement, sans science, si on ne consultait plus que le pur amour qui veut tout pour lui, qui ne laisse rien à la créature que l'obéissance et qui met seule la vérité du règne de Dieu, dans le fond de l'âme?

L'amour décide tous les cas et ne s'y trompe point; car il ne donne rien à l'homme et rapporte tout à Dieu seul.

C'est un feu consumant qui embrase tout, qui dévore tout, qui anéantit tout, qui fait de sa victime le parfait holocauste…

O Jésus, je n'ai plus d'autre docteur que Vous, plus d'autre livre que votre cœur.

Là, j'apprends tout et en m'anéantissant moi-même. Là, je vis la même vie dont vous vivez dans le sein de Votre Père.

Je vis d'amour; l'amour fait tout en moi. C'est surtout pour l'amour que je suis créé; et je ne fais ce que Dieu a prétendu que je fisse en me créant qu'autant que j'aime. Je ne veux plus savoir autre chose. J'ai trouvé sur la poitrine dé Jésus l'ignorance et la folie de sa Croix, en face de laquelle tous les talents du monde ne sont qu'ordure.

C'est l'effet d'une vraie charité d'avoir horreur de tout péché en quel-

que sujet qu'il se rencontre. Car, comme la charité pure ne se borne point à détester seulement notre propre péché, parce qu'il mérite l'enfer, mais aussi parce qu'il offense Dieu et qu'il lui déplaît, elle nous fait encore détester le péché en quelque personne que ce puisse être, parce que partant, Sa Majesté en est infiniment offensée.

Toutes les personnes animées du pur amour se trouvent dans cette disposition, mais les prêtres par leur état sont plus spécialement obligés d'y être établis; car ils sont choisis au nom de tous, ils sont commis par tous, afin de satisfaire à Dieu pour tous.

Dieu a établi le prêtre au milieu des hommes et Il l'a choisi pour recevoir par lui les devoirs que tous les hommes sont obligés de lui rendre. Le prêtre doit donc demander pardon à Dieu pour tous les péchés de tous comme pour les siens propres; et, il le doit non seulement par le titre de la charité pure et du véritable amour de Dieu, qui porte à détester tous les péchés, mais encore par le titre de son obligation comme prêtre.

C'est ce qu'exprime Saint Chrysostome (sur Saint Mathieu, nom. 10): «Le prêtre doit pleurer toujours pour ses péchés et ceux d'autrui». Olier: Les saints ordres, p. 428:

Le Saint-Esprit a habité premièrement en Jésus-Christ, notre chef, et a produit en Lui toutes les dispositions et les effets de grâces qui devaient se répandre un jour de ce chef dans tous les membres du corps…

Je vous conseille donc de vous unir sans cesse au Saint-Esprit, afin de faire vos actions avec les propres sentiments de Jésus-Christ pour fortifier votre faiblesse et enflammer votre charité. Contentez-vous de vous unir à Lui par la foi et par l'amour.

Olier: Catéchisme de la vie intérieure: p. 221.

La pureté d'intention veut que dans toutes nos œuvres nous ne cherchions pas nous-mêmes, ni notre seul intérêt; mais que nous regardions la gloire de Dieu.

Cette pureté d'intention exige une grande vigilance dans toutes nos actions, et nous devons être continuellement jaloux de ce que nos yeux ne se portent pas vers Dieu seul: car l'amour-propre est de sa nature fort subtil et se cherche en toutes choses.

C'est cette pureté d'intention qui est l'œil de l'Evangile (Luc II): S'il est pur, il éclaire tout le corps, mais, s'il est trouble, il le laisse dans les ténèbres.

Beaucoup de personnes établies en dignité pratiquent la vertu pour s'assurer l'estime des hommes et le succès:

Alors toutes leurs actions ne procèdent d'aucun sentiment d'amour ou de crainte de Dieu et n'ont pour fin ni sa gloire, ni l'obéissance qui lui est due, mais seulement la gloire de l'homme.

Mais ils n'ont que l'ombre de la justice, car toutes les vertus ne sont rien devant Dieu, si elles sont séparées de cet esprit d'amour envoyé du ciel, qui peut seul produire des fruits d'immortalité.

Comme le temple de Jérusalem était tout revêtu d'or, ainsi le temple vivant de nos âmes doit être tout brillant de charité:

C'est pourquoi le serviteur de Dieu ne doit pas tant considérer ce qu'il fait que l'intention qu'il a.

Des actions très simples s'élèvent à un très haut degré par l'excellence de l'intention, comme les plus relevées deviennent basses par la bassesse de la fin qu'on se propose.

Dieu ne regarde pas tant le corps de l'œuvre que l'amour dont elle est animée.

Celui qui n'a que Dieu en vue, n'imite-t-il pas Notre-Seigneur, qui nous demande en son Evangile (Joan. 13) de L'aimer comme Il nous a aimés, c'est-à-dire purement et sans aucun intérêt?

Comme dans cette charité que Dieu a eue pour nous, le sacrifice qu'Il a fait de Lui-même, est ce qu'il y a de plus admirable, celui-là sera bienheureux qui en toutes ses actions essaiera de l'imiter.

Et si quelqu'un peut y parvenir, qu'il sache qu'il est très chéri de Dieu, puisqu'il a le bonheur de Lui ressembler en vertu et en pureté d'intention, et qu'il est vrai pour l'ordinaire que la ressemblance est la cause de l'amour.

Lors donc que l'homme s'occupe à quelque action, qu'il détourne les yeux de toutes les raisons humaines pour regarder Dieu seulement. Mais cette pureté d'intention étant très difficile à acquérir, il faut que l'homme la sollicite instamment en toutes ses prières, et principalement lorsqu'il récitera cette partie de l'oraison dominicale qui demande que sa volonté soit faite en la terre comme au ciel (Mat 6); afin que, comme toutes les troupes célestes accomplissent la volonté de Dieu avec une très pure intention de Lui plaire, il tâche aussi de son côté, tant qu'il sera sur la terre, d'imiter cette coutume et cette divine politique du ciel, autant que sa faiblesse le pourra permettre.

Ce n'est pas qu'il ne soit permis, après s'être étudié à plaire à Dieu, de prétendre avoir part à son royaume, mais sans doute notre œuvre sera d'autant plus parfaite qu'elle sera plus dépouillée de tout intérêt particulier.

«Chose étrange, il n'y a rien de si aimable que Vous, Jésus, et il me semble qu'il n'y ait rien au monde qui soit moins aimé. Il s'en trouve assez pour aimer votre Paradis, les douceurs de votre grâce et les consolations de votre amour; mais, hélas… à peine sur mille, s'en trouve-t-il un qui vous aime purement pour l'amour de Vous-même.

O mon Jésus, je ne veux rien aimer que Vous, et je ne veux Vous aimer que pour Vous et pour votre seul contentement. Non, non, ce ne sont pas les joies du paradis, ni les consolations du céleste amour que j'aime. Je ne veux aucune récompense que de pouvoir Vous aimer, et je ne veux Vous aimer que pour Vous aimer…» (Vie et roy. de Jésus, p.4).

Voie du salut et de la perfection, 2e et 3e parties… Et partout dans ses œuvres.

Exemples:

Désir de vivre dans l'amour de Dieu:

«Seigneur, pourquoi m'aimez-vous tant? Quel bien trouvez-Vous en moi? Avez-vous donc oublié les injures que je Vous ai faites?

Ah… puisque Vous m'avez traité avec tant de douceur, tant d'amour et qu'au lieu de m'envoyer en enfer, Vous m'avez fait tant de grâces, qui voudrais-je aimer à l'avenir, si ce n'est Vous, ô mon Dieu, ô mon Tout? O Dieu infinement aimable, si par le passé, je Vous ai offensé, ce qui m'afflige le plus, ce n'est pas tant la peine que j'ai méritée, que le déplaisir que je Vous ai donné, à Vous qui êtes si digne d'amour. Mais Vous ne savez pas mépriser un cœur qui se repent et qui s'humilie (ps. 50). Ah …maintenant, je ne désire plus rien, pour cette vie et pour l'autre que Vous seul: Oui, qu'ai Je à désirer au ciel et sur la terre, sinon Vous, ô mon Dieu, qui êtes le Dieu chéri de mon cœur et mon partage pour l'éternité.

Vous êtes et Vous serez toujours l'unique Maître de mon cœur, et de ma volonté, mon unique bien, mon Paradis, mon Espérance, mon amour, mon Tout» (Sur la manière de converser avec Dieu).

Prière pendant la messe pour demander le grand don de l'amour divin:

«O Père Eternel, j'unis mes prières à celles de Jésus-Christ, et pour l'amour de ce Fils adorable, qui va s'offrir en sacrifice, je Vous prie de me faire connaître les grands droits que Vous avez à mon amour et l'obligation immense que j'ai de Vous aimer, à cause de votre bonté et de votre amour envers moi; donnez-moi en même temps la force de me détacher de toutes les affections terrestres, et d'employer tout mon cœur à Vous aimer, Vous seul, ô Bien suprême, tendre ami et mon âme. Je vous prie en outre d'éclairer ceux qui ne vous connaissent pas et qui vivent privés de votre amitié: accordez à tous le don de votre grâce… O amour infini de mon Dieu, faites-Vous connaître, faites-Vous aimer…» (éd. Cast. tom. 4).

Prière à Jésus-Christ pour obtenir son saint amour:

«O amour crucifié, mon Très aimable Jésus, ô le plus fidèle de tous les amis, ô le plus tendre de tous les frères, ô le plus aimable de tous les maîtres, ô mon bien-aimé Rédempteur, c'est à Vous que je dois mon salut… en punition de mon ingratitude, je mériterais d'être condamné à ne pouvoir plus Vous aimer. Mais non, mon Jésus, choisissez-moi tout autre châtiment que celui-là; si par le passé, je Vous ai outragé, maintenant, je Vous aime et je désire Vous aimer de tout mon cœur… Accordez-moi le pardon de mes péchés et surtout le don de votre saint amour… Ah… donnez-moi cet amour même dont Vous aime Votre Père Eternel.

Et comme Il est en Vous et une même chose avec Vous, qu'ainsi je sois en Vous par un véritable amour, et que je sois une même chose avec Vous par une parfaite union de ma volonté à la Vôtre… O mon Jésus, accordez-moi donc la grâce de Vous aimer de tout mon cœur, de Vous aimer toujours, et de Vous demander sans cesse la grâce de Vous aimer, afin qu'en terminant ma vie dans votre amour, j'aie le bonheur d'aller au ciel, pour vous aimer d'un amour plus pur et plus parfait, et pour ne plus cesser de Vous aimer en Vous possédant éternellement» (Vol. III, Ire part).

I. - Nous devons sans cesse tendre à Dieu sans nous arrêter à ses dons et à ses grâces. Il vaut mieux agir par un principe qui nous élève droit à Dieu, comme fait l'amour divin. Il est vrai que toutes les vertus nous y mènent par leurs motifs propres; mais c'est plus lentement et avec moins de perfection.

II. - Il y en a qui se bandent l'esprit à chercher plusieurs motifs de vertu pour en remplir leurs actions, pensant les rendre par là plus agréables à Dieu.

Il faut seulement reconnaître quelle vertu Dieu veut que nous pratiquions dans chaque action, et ensuite faire simplement cette action en la présence de Dieu, par le motif et dans le dessein d'imiter Notre-Seigneur et de L'aimer.

III. - Le motif de l'amour est aisé, propre à tout le monde et plein de douceur. Et le bien qu'on fait par ce principe de l'amour est bien plus excellent que celui qu'on ferait par le motif spécial d'une autre vertu.

Par exemple, l'acte de tempérance qu'on pratique pour imiter Notre-Seigneur et pour Lui plaire, est bien plus agréable à Dieu que celui qu'on fait précisément pour garder la modération que la tempérance prescrit.

Chapitre XXIX
Six méditations sur le pur amour
et la vie d'amour envers Notre-Seigneur

Ire Méditation sur le pur amour

Dieu m'a créé afin que je L'aime pour Lui-même.

I. - Dieu est charité, dit Saint Jean, et la source unique de toute charité. C'est Lui qui la met dans nos cœurs par le Saint-Esprit, l'amour éternel du Père et du Fils. Quel autre amour Dieu peut-il mettre en moi que celui dont Il s'aime Lui-même?… Cet amour est infiniment pur dans son origine. Il l'est dans son habitude infuse au baptême dans l'âme du chrétien, et il serait toujours pur dans ses actes, si l'amour déréglé de moi-même ne venait le souiller. Ce n'est ni la reconnaissance ni l'espérance qui en altère la pureté. Ces deux vertus ont leurs motifs propres qui s'accordent très bien avec le motif propre de la charité. Je puis aimer Dieu pour ses bienfaits, je puis L'aimer pour la récompense qu'Il me promet et que j'attends de Lui avec confiance, et en même temps L'aimer encore plus pour Lui-même. Qu'importe après tout, que, quand j'aime Dieu par le motif particulier de la reconnaissance ou de l'espérance, je ne L'aime pas alors pour le motif formel de la charité? Cette charité en subsiste-t-elle moins dans mon cœur? Les autres vertus que je mets dans leur rang au-dessous d'elle, et que j'exerce, quand la grâce me l'inspire, en affaiblissent-elles l'habitude? Qu'est-ce que Dieu demande? Que cette habitude prédomine en moi; que j'en produise des actes plus fréquemment; que jamais ni la vue de ses bienfaits, ni l'espoir de ses promesses, ni même la crainte de ses châtiments n'y porte la moindre atteinte, et qu'elle demeure toujours la maîtresse et la reine de mes affections.

A cela près, non seulement, Il ne me défend pas, mais Il veut expressément qu'en certaines rencontres, ce soit la terreur de ses jugements qui m'éloigne du mal et me confirme dans la pratique du bien, qu'en d'autres rencontres, le souvenir de ses bienfaits me pénètre de gratitude, et m'engage à user de retour envers Lui, en Lui donnant de bonne grâce ce qu'Il demande de moi; qu'en d'autres circonstances, ce soit l'espérance de la récompense qui m'anime à surmonter les difficultés de la vertu, qui m'inspire un généreux mépris des choses de la terre, qui me soutienne dans les souffrances et les afflictions.

Jésus-Christ, les Apôtres, tout l'Ancien et le Nouveau Testament nous présentent ces motifs, nous les inculquent, nous recommandent, nous ordonnent d'en faire usage; et assurément, ni Jésus-Christ, ni les Prophètes, ni les Apôtres n'ont jamais cru préjudicier par là le moins du monde à la pureté de la charité et à l'obligation d'en conserver et d'en fortifier l'habitude par un fréquent exercice.

II. - Comment Dieu ne voudrait-Il pas par-dessus tout être aimé pour Lui-même? Nous, viles et misérables créatures, nous prétendons être aimés ainsi, et nous ne connaissons d'autre véritable amour que celui-là. Quel époux ne serait pas choqué s'il avait lieu de croire que son épouse ne l'aime pas pour soi, mais pour des raisons prises de son intérêt?… Et l'épouse de même.

Quel père ferait cas de l'affection et de l'obéissance de ses enfants si elles ne prenaient naissance dans les sentiments naturels, et s'ils ne l'aimaient que pour eux-mêmes et pour leur avantage présent et à venir?

Quel maître ne désire pas que ses domestiques lui soient sincèrement attachés, et qu'ils ne le servent pas avec fidélité uniquement en vue de leurs gages?

Que serait l'amitié, sinon un simple trafic, si les services et les bienfaits réciproques en étaient le principal motif et l'unique lien? Et la raison pour laquelle on dit que les grands de la terre ont rarement des amis, n'est-ce pas parce qu'on s'attache d'ordinaire à eux par des vues d'ambition ou d'intérêt? Quoi… les hommes seront délicats à l'excès en amour, et Dieu, qui Seul a le droit de l'être, Dieu qui est nécessairement jaloux de notre cœur, Dieu qui en discerne les plus secrètes affections, sera indifférent que nous L'aimions pour Lui-même qu pour nous… Et par ses bienfaits, par ses promesses, Il aurait affaibli Lui-même le premier et le grand titre auquel Il exige notre amour…

Que sont nos titres de père, d'époux, de maître, d'ami, en comparaison des siens?

N'est-il pas éminemment tout cela par rapport à nous? A cet égard, ne réunit-Il pas et ne surpasse-t-Il pas infiniment tous nos droits? Et de plus n'en a t-Il pas un que nous ne saurions nous revendiquer: la perfection infinie et absolue de sa nature, dont tout ce qu'il y a d'aimable en nous n'est qu'un vestige, une ombre, une faible participation? Dieu autorise jusqu'à un certain point l'amour pur entre les hommes, pourvu qu'il soit rapporté à Lui; Il l'exige même entre les époux, entre les pères et les enfants, entre ceux que le sang unit; et Il ne l'exigerait pas pour Lui-même! Il se contenterait d'un amour dicté par quelque autre motif!…

Rien ne fait mieux voir jusqu'où va l'injustice et l'aveuglement de l'amour-propre qui ose vouloir pour soi ce qu'il refuse ou dispute à Dieu.

III. - Loin de contester à Dieu cet amour pur que Lui seul mérite, je dois mettre toute ma gloire et ma félicité à L'aimer ainsi. Ma véritable noblesse consiste dans la capacité de connaître et d'aimer Dieu, et le parfait contentement de mon esprit et de mon cœur ne se trouve que dans cette connaissance et cet amour. Ce qui fait le bonheur de Dieu, doit commencer ici-bas le mien, et le consommer à jamais dans le ciel: que ma destinée est grande! …

Elle m'unit inséparablement à Dieu, et il ne me faut pas moins que l'amour et la possession de ce Souverain Etre pour me rendre heureux. Quel avilissement, quelle dégradation pour moi si je prostitue mon amour à quelque objet moindre que Dieu!

Dieu m'offre le bonheur, et me l'offre dans la jouissance de Lui-même, et je chercherais ailleurs!…

Il ne me demande d'autre condition que de L'aimer, et je ne la remplirais pas!… Il me montre un malheur, la perte du Souverain Bien, si je ne L'aime pas; et je n'en serais pas touché, et cette vue ne me détacherait pas des créatures pour m'attacher au Créateur!…

Cependant, je sais que je me trompe moi-même, et que dans les objets qui me séduisent, je poursuis une félicité qui m'échappe toujours… La raison et l'expérience m'en convainquent également… Ne suis-je donc pas mon plus mortel ennemi? et quel mal ne dois-je pas vouloir à ce malheureux amour-propre qui me prive du souverain, de l'unique bien, qui me laisse à mon indigence, et ne la repaît que d'une vaine fumée, laquelle encore me sera ravie un jour et me livrera au désespoir d'avoir tout perdu sans ressource?

Le désordre où je tombe en refusant à Dieu l'amour le plus justement dû, est si grand, qu'il ne m'est pas possible de le concevoir tel qu'il est. Il ne faut pas moins qu'une intelligence infinie pour le bien comprendre. je deviens par là un être monstrueux, un objet d'horreur, non seulement pour Dieu, mais pour toute créature amie de l'ordre.

Pour peu que j'y réfléchisse, je ne puis m'empêcher de me faire horreur à moi-même. Ainsi à ma sortie de ce monde, si je meurs sans avoir l'amour de Dieu dans le cœur, j'irai de mon propre mouvement me précipiter dans l'enfer, comme dans le seul lieu qui me convienne.

2e Méditation: La vie d'amour pour Dieu

Nunc manent fides, spes, charitas, tria haec. Major autem horum est chantas (Cor XIII). - Maintenant ces trois choses demeurent: la foi, l'espérance et la charité, mais la plus grande est la charité.

I. - Les trois vies.

II. - Inconvénients de la vie de crainte.

III. - Inconvénients de la vie d'espérance.

I. - En supposant dans une âme l'état de grâce et par conséquent la charité, il y a trois voies par lesquelles cette âme peut marcher dans le service de Dieu: les voies de crainte, d'espérance et d'amour. Les motifs qui les caractérisent ne peuvent cependant pas être exclusifs.

Les deux premières voies ne seraient pas bonnes, si l'exercice de la charité y manquait totalement. La troisième serait contraire aux principes de la foi, et à notre état de voyageurs, si elle excluait l'espérance.

Mais dans chacune, le motif caractéristique est celui qui agit le plus souvent et qui fait une plus vive impression. Personne n'est le maître, du moins au commencement, de choisir sa voie. Il est des âmes que Dieu conduit d'abord par la crainte, d'autres qu'Il attire par l'espérance, d'autres qu'Il s'attache par l'amour. Mais son intention est que, dans le progrès de la voie, l'amour gagne toujours le dessus, qu'il modère et meme qu'il banisse la crainte, qu'il ennoblisse et qu'il purifie l'espérance. Il dispose à cela le cœur peu à peu, s'il est fidèle, ou même Il l'y conduit de suite par la belle dévotion au Sacré-Cœur. Le devoir de l'âme chrétienne est de seconder l'opération de la grâce, qui la fait toujours avancer dans l'accomplissement du grand précepte de l'amour.

II. - Les âmes menées par la voie de la crainte sont extrêmement frappées de la rigueur des jugements de Dieu, des supplices de l'enfer et de toutes les vérités terribles de la religion.

Dieu se sert de la crainte pour arrêter la fougue des passions, pour contrebalancer l'attrait désuisant des objets sensibles, pour servir de frein à l'âme violemment tentée.

Cette voie est bonne pour nous guérir des mauvaises habitudes ou nous empêcher d'y tomber. Elle est surtout utile pour la jeunesse. Mais il arrive souvent que les âmes portées à la crainte s'attachent à cette voie plus que Dieu ne le demande, s'y fixent par leurs méditations et leurs lectures favorites et ne se laissent pas conduire à la voie de l'amour.

La crainte éloigne du mal plutôt qu'elle ne conduit au bien.

Elle resserre le cœur, elle ne lui propose point ce que la vertu a d'aimable et ne l'anime par aucun motif capable de lui faire surmonter les difficultés. Elle peut sauver une âme, elle ne fera pas un saint.

La crainte porte à ne se charger que de ce qui est extrêmement indispensable. Elle dispute avec Dieu et interprète les préceptes de façon à diminuer ses devoirs autant que possible. Nulle douceur, nulle consolation, nul encouragement pour elle. La joie du Saint-Esprit lui est inconnue. Elle est triste, inquiète, lassée, souvent exposée à la tentation de tout abandonner.

Enfin la crainte laisse trop d'empire à l'amour propre, qui de surnaturelle qu'elle est dans son principe, la rend presque toute naturelle dans son application, nous faisant envisager les grandes vérités de la religion, uniquement par rapport à nous-mêmes et à notre intérêt personnel. En sorte qu'elle dégénère en une crainte servile, qui a moins d'horreur du péché que du châtiment qui le suit et qui considère moins l'offense de Dieu que le malheur éternel qui en résulte pour nous; crainte qui serait manifestement mauvaise et incompatible avec la charité, si l'appréhension de la peine était le seul motif qui nous détournât du péché. Tel est le précipice où peut nous jeter la crainte subjuguée par l'amour propre. N'est-ce pas le cas de ce serviteur de la parabole des talents, qui garde son talent sans le faire fructifier, dans une disposition de crainte servile et qui aboutit à sa perte?

III. - L'espérance chrétienne a de très grands avantages sur la crainte; elle anime une âme à la pratique de la vertu; elle l'encourage à en vaincre les difficultés par la vue de la récompense; elle la porte même à faire et à souffrir de grandes choses pour la mériter et l'accroître…

Mais comme nous sommes naturellement intéressés, il est à craindre que ce motif ne domine l'âme d'une manière qui préjudicie à l'amour. L'âme est exposée à devenir mercenaire, en arrêtant plutôt les yeux sur la récompense que sur la bonté de Dieu qui s'est engagé à nous la donner.

Elle pense moins à plaire à Dieu qu'à acquérir des mérites; elle compte, pour ainsi dire, avec Lui et met à prix ses services.

Elle est sujette à tirer vanité de ses bonnes œuvres, à s'appuyer plus sur elles que sur les mérites de Jésus-Christ. L'amour-propre lui fait rapporter à elle-même la possession éternelle de Dieu. Ce qu'elle aime dans la félicité céleste est plutôt son propre contentement et rassasiement que le bon plaisir de Dieu. Si la charité n'est pas essentiellement atteinte par là, elle en est affaiblie; sa pureté en souffre.

Si jusqu'ici, le motif de la récompense est celui qui a le plus fortement agi sur moi, j'examinerai si je ne suis pas tombé dans les défauts qui viennent d'être signalés, et si je ne dois pas me tourner davantage du côté de l'amour, en donnant à son motif toute la prépondérance qu'il mérite.

3e Méditation. La vie d'amour pour Notre-Seigneur

«Oemulamini charismata meliora et adhuc excellentiorem viam vobis demonstro» (1 Cor XII, 31). «Sectamini charitatem» (Ibid XIV, 1).

«Désirez avec ardeur les dons les meilleurs et je vais vous montrer la voie la plus excellente. Recherchez la charité».

I. - La vie d'amour est la vraie vie chrétienne.

II. - C'est particulièrement la vie des âmes consacrées.

III. - C'est surtout la vie des âmes vouées au Sacré-Cœur.

I. - Saint Paul dit: l'esprit chrétien n'est plus l'esprit de servitude de l'ancienne loi, c'est l'esprit de charité des enfants de Dieu: «Non enim accepistis îterum spiritum servitutis in timore, sed accepistis spiritum adoptionis filiorum in quo clamamus: Abba, Pater» (Rom VIII).

Il le répète plusieurs fois dans ses épîtres. Il dit au Corinthiens: suivez la voie de l'amour: Sectamini charitatem. Et aux Ephésiens: Marchez dans la voie de l'amour, comme il convient à des enfants de Dieu: «Estote imitatores Dei, sicut filii carissimi, ambulate in dilectione, sicut et Christus dilexit nos» (Eph. V. I).

Cette vie d'amour est caractérisée aussi par l'apôtre Saint Jean: c'est la vie des enfants de Dieu: Videte qualem dilectionem dédit nobis Pater ut filii Dei nominemur et si mus (I Jp. 3-I).

Notre intention habituelle doit donc être de servir Dieu par amour, comme des enfants aimants. C'est ce qu'explique fort bien Rodriguez dans son traité de la pureté d'intention (Perf. chret. p. I, t. m. chap. 13-14).

Il cite la règle de Saint Ignace, qui ne veut pas qu'on serve Dieu par les motifs de crainte et d'espérance, mais qui enseigne un chemin plus parfait et qui veut qu'on cherche Dieu et qu'on le serve purement à cause de Lui-même, à cause de sa bonté infinie (3 p. Const: chap. I, paragraphe 16, Reg. 17 Sum.). Et Rodriguez appuie cette règle par l'enseignement des Pères de l'Eglise. Il cite Saint Basile (in Reg. in prooem.), Saint Chrysostome (hom. 2. sup. ep. ad Rom), Saint Grégoire (I, 8 Moral C 30).

Ils veulent que nous servions Dieu comme ses enfants, purement pour l'amour de Lui. C'est par pur amour que l'enfant sert son père». Que ce soit, disent-ils, purement pour l'amour de Lui, que nous agissions, pour Lui plaire, parce qu'Il le mérite».

C'était l'enseignement et la pratique de Mgr Gay.

II. - Saint Bernard passe plus avant encore, dit Rodriguez: «Le fils, dit-il, a encore en vue l'héritage de son père, Dieu veut un amour d'épouse». C'est vrai, mais Saint Bernard a particulièrement en vue les âmes religieuses et les âmes appelées à des grâces peu communes. Les unes et les autres sont les épouses de Jésus et doivent vivre comme telles. L'amour des enfants, dit Saint Bernard, tient encore compte de la crainte et de l'espérance. Le pur amour dit-il, n'est point mercenaire; le pur amour ne doit rien à l'espérance de sa force et de sa tendresse. C'est l'amour que l'épouse a pour l'époux. Dieu est l'époux de nos âmes (Serm. 85 sup. cant. Id de diligen, Deo C. 3).

L'épouse ne cherche aucun avantage de son amour, aucune raison pour aimer, elle aime parce qu'elle aime:

Sponsae hic amor est: amor seipso contentus - amo quia amo - Amo ut amem Sponsa sollicita est ut placeat viro suo; qui sine uxore est sollicitus est quomodo placeat Deo (I Cor 7). Et nos âmes ne sont-elles pas comme les épouses du Christ? «Despondi enim vos virginem castam exhibere Christo» (II Cor 11).

Cet amour pur a trois degrés ou conditions, selon Saint Bernard:

a) Aimer Dieu par-dessus tout et ne rien aimer qu'en Dieu et pour Dieu: ceci exclut les amitiés particulières, sensuelles ou trop naturelles. Saint Augustin disait: «Minus te amat qui tecum aliquid amat quod non propter te amat» - «Seigneur, on vous aime moins si on partage son amour entre vous et un autre amour qui n'est pas pour vous».

b) Ne s'aimer soi-même qu'en Dieu: Saint Bonaventure disait: «Les vertus même et les dons surnaturels, nous devons les souhaiter, non pas pour notre avantage, mais pour Dieu seul, pour avoir de quoi Lui être plus agréable, et mieux Le servir. Il faut même aller plus loin et ne désirer la gloire éternelle que dans cette vue».

c) S'oublier soi-même: faire ce que Dieu aime. Il faut que l'accomplissement de sa volonté fasse seul notre joie: «Quando quis operatur non ut Deo placeat, sed quia placet et Deus, vel quia placet Deo quod operatur» (S. Bern. De Dilig. Deo. C. 7) - «Qu'importe que je souffre, pourvu que mon époux se contente», disait Marguerite-Marie.

Tout le reste, dit Rodriguez, n'est à proprement parler que nous chercher et nous aimer nous-mêmes.

La philosophie elle-même a distingué l'amour parfait ou d'amitié, de l'amour de concupiscence:

Celui-ci est rempli d'amour-propre, puisque c'est moins aimer son ami que s'aimer soi-même. C'est ainsi que l'on aime d'ordinaire les gens riches et puissants et qu'on s'attache à eux par le motif de l'utilité: c'est que Notre-Seigneur reprochait aux juifs. «Amen dico vobis, quoeritis me, non quia vidistis signa, sed quia manducastis ex panibus et saturati estis» (Jo. 6-26): Vous venez à moi parce que je vous ai rassasiés en pain, plutôt qu'à cause des merveilles dont vous êtes les témoins.

III. - Le pur amour, c'est l'esprit du Sacré-Cœur. Marguerite-Marie disait: «Allons à ce Cœur comme à l'école du pur amour». Toutes les communications de Notre-Seigneur à sa servante et tous les écrits de Marguerite-Marie ne respirent que le pur amour. «Le divin amour qui repose sur nos autels, disait-elle, ne nous prêche que l'amour, ne nous veut remplir que d'amour, amour fort qui ne se laisse point abattre; amour pur, qui aime sans mélange d'intérêt, amour crucifié, qui n'a de joie que dans la souffrance pour se conformer au bien-aimé; amour de préférence, amour d'oubli et d'abandon pour laisser agir le Bien-Aimé».

«Entrons dans le Cœur de Jésus, disait-elle, comme un voyageur dans un navire assuré, dont le pur amour est le pilote». Et le Divin Maître lui enseigne sans cesse le pur amour, l'oubli d'elle-même, l'abandon total au bon plaisir divin.

La Bienheureuse résume ainsi sa voie: «Qui a l'amour de Jésus a tout. Faisons tout par amour, dans l'amour et pour l'amour, car c'est l'amour qui donne du prix à tout.

L'amour ne veut point d'un cœur partagé, il veut tout ou rien. L'amour nous rendra tout facile».

4e Méditation: sur le même sujet

«Quis ascendet in montent Domini?» Ps. 23 - Qui s'élèvera jusqu'à la montagne de Dieu?

I. - Voie la plus éclairée.

II. - Voie la plus parfaite.

III. - Vie que l'on mène au ciel.

I. - Saint Bernard fait remarquer combien cet amour pur nous élève au-dessus de la terre. Il Lui applique ces passages des psaumes: «Amor iste mons est, mons Dei, mons coagulatus, mons pinguis» (ps. 67). Cet amour est la montagne du Seigneur, c'est une montagne grasse et fertile: «Quis ascendet in montent Domini?» (ps. 23): qui gravira la montagne de Dieu?

En vérité le pur amour nous élève au-dessus des créatures. Il nous fait vivre avec Dieu et en Dieu.

Sur cette montagne, nous trouvons un horizon plus large et un air plus pur. Nous y trouvons aussi une fertilité, une abondance sans égale. Excitons nos désirs comme David: «Quis dabit mihi pennas sicut columbae et volabo et requiescam» (ps. 54).

Qui me donnera des ailes? Je volerai comme la colombe et me reposerai. «Quando veniam et apparebo ante faciem Domini?» (ps. 41). «Quand viendrai-je et quand paraîtrai je devant la face de mon Dieu?» Vivre de cette vie, ajoute Saint Bernard, c'est vivre de la vie du Ciel sur la terre. «Coelestis est conversationis, non humanae affectionis» (De Dilig. Deo, C. 7).

II. - C'est la voie la plus parfaite.

Le pur amour s'unit à une certaine crainte toute filiale, à la crainte de déplaire à Dieu, parce qu'on L'aime comme un Père.

Cette crainte étant fille de l'amour est tout autrement attentive et délicate que la crainte de la justice divine et de ses châtiments. Elle porte à éviter les moindres fautes, les moindres imperfections volontaires. S'il échappe quelque faute, elle ramène doucement l'âme à Dieu, pour L'apaiser et Le dédommager promptement et abondamment.

L'amour ôte à l'espérance ce que l'amour-propre peut y mêler de vues mercenaires. Il ne compte pas avec Dieu. Il ne voit dans la récompense qu'une assurance d'aimer Dieu, pendant toute l'éternité et d'en être aimé de même. Il met la volonté de Dieu au-dessus de tout et serait prêt à faire le sacrifice de son bonheur, si Dieu l'exigeait. Les Saints sont dans cette disposition. Il y faut être pour entrer au Ciel, et par cette disposition généreuse, la voie d'amour exempte du purgatoire ou l'abrège considérablement.

III. - Ce sera notre joie au Ciel, l'accomplissement de la volonté divine en nous. «O amor sanctus et castus… o dulcis et suavis affectio»… «O pura et defoecata intentio voluntatis!» O amour saint et chaste… O douce et suave affection… Intention pure et sans souillure… et d'autant plus pure qu'il n'y reste rien de personnel et d'autant plus douce que tout ce qu'on y ressent est divin: «Eo purior quod in ea de proprio nihil jam admixtum relinquitur; eo suavior, quod totum est divinum quod sentitur» (St Bern. De Dilig. Deo 10) «Ahoquin quomodo erit Deus omnia in omnibus si in homine de homine quidquid superest»: Comment Dieu serait-Il Tout en tous, s'il restait quelque chose de l'homme.

«Hic est finis, haec est perfectio, haec est pax, hoc est gaudium Dei, hoc est silentium in coelo».

Telle est la fin, la perfection, la paix, la joie de Dieu, le silence au ciel (St Bern. De amore Dei. C. 4).

«Haec est voluntas Filii Dei, haec est oratio ejus pro nobis: volo ut sicut ego et tu unum sumus, ita et ipsi in nobis unum sint».

Telle est la volonté du Fils de Dieu et sa prière pour nous: «Je veux Mon Père, qu'ils soient un avec Nous, comme Vous et Moi sommes Un».

Plus nous approcherons de ce but, plus notre union avec Dieu sera étroite.

5e Méditation: sur la vie d'amour de Notre-Seigneur

Viam mandatorum tuorum cucurri, cum dilatasti cor meum (Ps. 118): J'ai couru dans la voie de vos préceptes, quand vous avez dilaté mon cœur (par la charité).

I. - Voie la plus simple.

II. - Voie la plus douce.

III. - Voie la plus facile.

I. - C'est la voie la plus simple, puisqu'elle réduit tout à seul motif dominant, où tous les autres sont éminemment compris. Si j'aime Dieu, je Le crains de la meilleure des craintes, la crainte filiale, la plus utile pour moi, la plus agréable pour Lui. Si je l'aime, j'espère en ses promesses avec la confiance la plus ferme.

Si je L'aime, je pratique toutes les vertus par le motif de l'amour, sans avoir besoin de chercher leurs motifs particuliers. L'amour me dispense de cette foule de méthodes et de pratiques que la plupart des âmes cherchent avec tant d'empressement et qu'elles changent continuellement, ce qui les retarde dans le chemin de la sainteté.

L'amour n'a qu'une méthode et une pratique qui est d'aimer en tout temps, en tout lieu, en toute situation. Il n'a qu'un acte, un motif, une fin: aimer pour aimer, quoi de plus simple? Cette simplicité rapproche l'âme de l'état des Bienheureux, qui ne voient Dieu que pour L'aimer, de l'état de Dieu même, qui ne se connaît que pour s'aimer.

II. - C'est la voie la plus douce. Elle nous prend par le cœur et elle mène très efficacement notre volonté vers ce que Dieu désire. L'amour met le cœur à l'aise, tandis que la crainte est un tourmentet que l'espérance est mêlée d'inquiétude. L'amour inspire la joie, que Saint Paul compte pour le second fruit du Saint-Esprit: «Fructus autem spiritus est chantas, gaudium»… (Gal. 5-22). Et quelle joie, une joie pure, intime, inaltérable, un avant-goût de la joie des bienheureux. L'amour maintient l'âme dans la paix, que Saint-Paul place après la joie. Jamais l'amour ne trouble.

Le trouble de l'âme a trois sources: Ou la mauvaise conscience;

Ou l'amour-propre; Ou le démon.

L'amour tient la conscience dans le meilleur état; il travaille sans cesse à détruire l'amour-propre; il méprise les suggestions du démon, et il en triomphe.

Dieu est la paix même et on ne possède Dieu ici-bas que par l'amour.

III. - C'est la voie la plus facile. L'amour facilite la pratique de la vertu.

Il est naturellement noble, fort et généreux.

Rien ne lui coûte dès qu'il s'agit de plaire à l'objet aimé et il est prêt à tout souffrir plutôt que de lui déplaire.

Si l'amour inspiré par la nature ou la passion rend l'homme capable des plus grands efforts en faveur d'un père, d'un époux, d'une personne dont le cœur est épris, que ne doit-on pas attendre de l'amour surnaturel, qui a pour objet un être infiniment aimable, qui est allumé dans le cœur par Dieu Lui-même et fortifié par la puissance de la grâce.

On fait volontiers ce qu'on aime.

L'amour force les répugnances de la nature.

Il ferme les yeux aux difficultés ou il les aplanit; il triomphe des obstacles, il se jette à travers les dangers, il sacrifie ses plus chers intérêts: Ubi amatur non laboratur, aut si laboratur, labor amatur (St Aug). Dès que l'on aime, il n'y a plus de labeur, ou s'il y en a on l'aime.

L'amour rend capable de tout et se croit tout possible. Examen?

6e Méditation.
Sur la vie d'amour pour Notre-Seigneur

Et oculi Dei in diligentes se (Eccli. 34-15). Le regard de Dieu s'arrête sur ceux qui L'aiment.

I. - Cette vie nous délivre d'inquiétude.

II. - Elle nous préserve des tentations

III. - Elle est agréable à Dieu.

I. - L'amour de Dieu met l'esprit et le cœur dans une parfaite liberté. Dieu qui S'aime infiniment est infiniment libre. En L'aimant, nous nous rapprochons de cette liberté.

De qui serait esclave, celui qui aime Dieu?

Du démon? du monde? de l'orgueil? de l'amour-propre? des passions? des sens? de l'imagination? des objets qui l'attacheraient?

… Non… il est dépendant de Dieu seul et affranchi de tous ces liens et servitudes.

Il nous rend maîtres de nous-mêmes autant que nous pouvons et devons l'être.

Il nous délivre de tous troubles et inquiétudes.

D'où viennent les peines de conscience de la plupart des chrétiens?: de ce que n'aimant pas assez, ils refusent à Dieu ce qu'Il leur demande; de ce que, pressés par la grâce, ils Lui font mille promesses, ils prennent mille résolutions qu'ils ne tiennent pas. Ils ne sauraient rentrer en euxmêmes sans essuyer des reproches intérieurs qui les suivent partout… que de doutes, que d'embarras, que de perplexités tourmentent les âmes qui veulent accorder la grâce avec la nature, l'amour de Dieu avec l'amour-propre… Comment sortir de là?: ou s'étourdir par la dissipation, ou se livrer entièrement à l'amour de Dieu. Dès que l'amour nous gouverne, les doutes, les anxiétés, les scrupules tombent, les reproches de la conscience s'apaisent et l'on jouit d'un calme admirable. A mesure que l'amour divin prend l'ascendant sur l'amour désordonné de soi, il nous épargne les tourments que ce bourreau du cœur humain, l'amour-propre, nous inflige sous tant de formes.

II. - L'amour de Dieu nous exempte des tentations les plus terribles et les plus dangereuses sur notre sort à venir, ou il nous donne la force de les surmonter. Que d'âmes se désespèrent, se tourmentent par la crainte de n'être pas pardonnées, de n'être pas dans la grâce de Dieu… L'amour-propre, l'intérêt propre sont le principe de ce mal.

L'amour est l'unique remède à cette tentation comme il en est l'unique préservatif. Il faut tourner ces âmes du côté de l'amour de Dieu et leur faire comprendre que si elles aiment Dieu, elles en seront aimées; que si elles vivent dans la charité, elles mourront dans la charité; que l'amour de Dieu est déjà le commencement du Paradis.

III. - C'est la voie dont Dieu tire, sans comparaison, le plus de gloire. « Une seule âme qui marche courageusement dans cette voie, le glorifie plus que des milliers d'autres qui n'y marchent pas» (P. Grou).

Aussi mérite-t-elle et obtient-elle de Lui les grâces les plus spéciales, grâces de préservation, de protection, de prédilection; grâces qui lui font produire aisément des actes héroïques; grâces enfin qui la font avancer à grands pas dans la carrière immense de la perfection et qui la portent bien au-delà des bornes ordinaires.

Dieu traite en père ceux qui ont pour Lui l'affection des enfants. Comme c'est Lui qui leur donne cet amour et qu'ils ne font qu'y répondre, quel plaisir ne prend-il pas à l'accroître, à raison de leur fidélité? Il ne souffre pas qu'ils perdent un moment.

Il leur fournit à chaque instant de nouveaux aliments au feu qu'Il a allumé en eux et Il ne cesse point qu'Il n'ait formé un vaste incendie qui consume en eux jusqu'aux moindres impuretés.

Il leur prouve par là combien Il les aime, et jusqu'où vont pour eux sa tendresse, sa bienveillance, ses attentions paternelles.

La marque la plus certaine qu'une âme est très chère à Dieu, c'est lorsqu'Il demande beaucoup d'elle… Cette âme ne s'y méprend pas; elle reconnaît l'amour que Dieu a pour elle à sa jalousie inexorable et au soin qu'Il prend de la dépouiller de tout, de Lui arracher tout, afin qu'elle soit uniquement et entièrement à Lui.

Enfin l'amour est la seule voie qui nous introduise dans la vie intérieure, qui nous obtienne le don d'oraison avec les faveurs qui l'accompagnent, qui établisse un commerce familier entre Dieu et nous et nous unisse à Lui d'amitié.

Aimons; ne pensons qu'à Aimer et laissons faire Dieu. Ce qu'Il fera pour nous dès ici-bas surpassera nos désirs et nos espérances.

Chapitre XXX
La dévotion eucharistique
Jésus vivant en nous, par l'Eucharistie.

1° Par la communion.

2° Par l'adoration eucharistique.

Dix sujets d’adoration ou de méditation

Voir la Vie de la Mère Véronique et sa retraite eucharistique. La vie eucharistique nous est communiquée:

1° Par la communion;

2° Par l'adoration eucharistique, laquelle doit toujours se terminer par la communion spirituelle.

Indiquons quelques sujets d'adoration et de méditation. Les bons livres ne manquent pas pour en trouver d'autres.

Premier sujet d'adoration

I. - Jésus nous dit son amour et son dévouement. II. - Il nous communique sa grâce.

L'adoration nous met en face de Jésus dans le sacrement de son amour, de son dévouement. elle nous convie à contempler les prodiges de charité et de renoncement de sa vie eucharistique.

Elle nous Le montre employé avec un zèle infatigable à instruire, convertir et sauver les âmes, à étendre le règne de Dieu et de sa justice, s'oubliant totalement pour cette noble fin, acceptant l'immolation et l'humiliation perpétuelles pour être mieux à même de l'atteindre; lui consacrant ses pensées, ses désirs, ses travaux, son temps, son Etre, et répétant à chaque instant par son état même «qu'il n'y a pas d'amour plus grand que cet amour est le sien.

Ah… devant un tel héroïsme, comment ne pas se sentir pressé par les élans de la charité? Comment ne pas voler du pied des autels au secours de ses frères, pour rendre à Jésus en leur personne le dévouement qu'Il nous témoigne le premier? Et dans les défaillances, dans les reprises de l'amour-propre, ne nous suffira-t-il pas de penser à l'Eucharistie pour refouler l'égoïsme et renouveler en nos cœurs la flamme de la charité chrétienne?

Mais de plus, l'adoration nous met en participation de la grâce et de la puissance même du Sauveur.

Dans les heures de prières, il se fait de Jésus à nous un courant, une communication incessante, qui nous pénètre et nous remplit de sa force divine. Et alors, dans nos efforts, dans nos combats, nous ne sommes plus seuls:

Jésus agit avec nous de son action toujours efficace et victorieuse. Etant entrés en Lui par la prière, nous faisons des œuvres vivantes, nous portons des fruits abondants, selon sa promesse.

Ces grâces ne sont pas seulement pour le moment de la communion et de l'adoration, il faut que nous conservions en nous la grâce de la vie eucharistique et que nous la ravivions souvent par la communion spirituelle.

Deuxième sujet d'adoration:
Vertus du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie: l'humilité

«Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes… jusqu'à s'épuiser». Le Cœur de Jésus, qui s'épuise à aimer, s'épuise à répandre les dons de son amour: or, parmi tous ces dons figure au premier rang le don de ses vertus.

Le Cœur de Jésus en est le réservoir et l'exemplaire. Il possède excellemment les vertus. Il les a pratiquées en perfection, et Il en communique la grâce à tous ceux qui s'approchent de Lui pour la recueillir.

La première: c'est l'humilité.

Le Cœur de Jésus a été créé et formé dans l'humilité.

Il est humble par nature et comme par essence, puisqu'Il a été créé et uni à la Personne du Verbe à l'heure même où cette Adorable Personne s'anéantissait jusqu'à revêtir notre humanité.

Il est humble par mission, parce qu'Il a été créé pour réparer dans une humilité parfaite, infinie, l'injure et la révolte de l'orgueil humain contre Dieu.

Il est humble par goût, par amour, par vertu, parce qu'Il sait à fond le néant de l'humanité et les droits souverains de Dieu.

Et dans toute son existence, depuis Bethléem jusqu'au Calvaire, en passant par le Cénacle, quelle humilité profonde, constante, dominante…

Adorez-Le, ce Créateur anéanti au Saint-Sacrement devant la face de son Père, en vous abaissant tout entier, esprit, cœur, volonté, devant l'Hostie qui vous prêche si haut l'humilité.

Le Cœur de Jésus, en pratiquant l'humilité, a un double dessein de miséricorde envers nous: Il veut nous en donner l'exemple et nous en acquérir la grâce.

Un exemple doux, facile, attrayant, vainqueur: où est-Il plus aimable, notre Sauveur, que dans l'humilité de sa vie, dans celle de sa Passion, dans celle du Saint-Sacrement?

Mais ce qu'Il enseigne par son exemple, Il donne le moyen de le pratiquer par sa grâce. Chacun de ses actes nous a acquis un trésor de grâces. C'était en notre nom et pour nous en laisser l'héritage, qu'Il s'appliquait si constamment à l'humilité.

Et quand Il vient à nous dans la communion, Il nous apporte, nous confère et nous applique son humilité: nous y communions et nous y participons.

S'il est un repentir qui s'impose, une réparation indispensable, c'est quand nous mettons notre orgueil en face de l'humilité du Cœur de Jésus.

Lui, ce Cœur divin, infiniment pur, aime et recherche le silence, la dernière place; Il se fait pauvre et nécessiteux, Il supporte avec douceur la contradiction et la haine, et Il pardonne toujours; Il vit abaissé, anéanti devant son Père.

Naissant dans la misère, regardé comme le dernier des hommes, comme un ver de terre dans sa Passion, Il atteint dans l'Eucharistie les extrêmes limites de l'humiliation, choisissant un état d'inertie, qui Le soumet à toutes les volontés, à tous les caprices, oublis, mépris, ingratitudes.

Et nous, que faisons-nous?

Nous nous admirons, nous recherchons l'estime, la louange; nous luttons pour nos droits de présence et d'honneur; devant Dieu, nous discutons, nous nous révoltons, nous nous adorons nous-mêmes.

Oh… humilions-nous, demandons grâce, offrons les actes d'humilité de Jésus en réparation de notre orgueil.

«Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur».

Jésus aime l'humilité; Il l'a pratiquée. Il veut que nous la pratiquions par amour pour Lui; son amour peut seul nous donner le force de vaincre les révoltes de notre nature.

Aimons donc cette douce vertu et par amour pour notre Sauveur, pratiquons-la:

Dans notre esprit: en abaissant l'obstination du jugement, la curiosité du savoir, le désir des louanges et la vaine complaisance.

Dans notre cœur: en retranchant le trop grand désir d'aimer et d'être aimé. Dans notre volonté: en la soumettant à toute obéissance; aux lois de Dieu, de l'Eglise; aux supérieurs, et à la volonté divine qui se manifeste par les événements de la Providence.

Soyons soumis, pliés, dociles à tout ce que Dieu veut et permet: là est le triomphe de l'humilité. Et pour en apprendre le moyen et en recevoir la grâce, ne détachons pas nos regards de l'Hostie divine; adorons-La, étudions-La, aimons-La et nous obtiendrons de devenir humbles comme Elle. - (Revue du Saint-Sacrement).

Troisième sujet d'adoration:
Compassion et réparation à Jésus humilié

Jésus est confus et humilié, quand ses enfants, quand ses prêtres pèchent.

C'est la loi de la nature: il y a solidarité entre le père et les enfants: «Confusio patris est de filio indisciplinato».

La mauvaise conduite du fils fait la honte du père. (Eccl. 22-3). «Dolor patris, filius stultus» - «Un fils insensé est la douleur de son père» (Prov. 19-13).

Ceux-là le savaient bien qui reprochaient à Notre-Seigneur de prétendues fautes de ses apôtres:

«Discipuli tut transgrediuntur traditionem seniorum, non enim lavant manus suas cum panem manducant».

«Tes disciples transgressent les traditions des anciens, ils ne se lavent pas les mains avant de manger» (Mat. XV).

«Quare discipuli Joannis jejunant fréquenter et obsecrationes fiunt, similiter et pharisoeorum, tut' autem edunt et bibunt».

«Tandis que les disciples de Jean-Baptiste jeûnent souvent et font de longues prières, et de mêmes les Pharisiens, les tiens mangent et boivent souvent» (Luc. V, 33).

On Lui reprochait de manger avec les pécheurs et les publicains et d'accueillir Madeleine:

«Quare cum peccatoribus et publicanis manducat magister vester?» - «Pourquoi votre Maître mange-t-il avec les pécheurs et les publicains?» (Marc II, 16).

«Si propheta esset, sciret quia haec est peccatrix» - «S'Il était prophète, Il saurait que celle-ci est une pécheresse» (Luc V, 39).

Ne pourrait-on pas aujourd'hui Lui reprocher les fautes de ceux qui mangent à sa Table chaque jour?

A Gethsémani, Il commença à s'attrister.

Les apôtres L'abandonnaient… Et maintenant…?

Quatrième sujet d'adoration:
Vertus du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie.
Le détachement

Jésus-Hostie est bien détaché de tout ce qui L'entoure, plus même qu'à Bethléem.

Là, Seigneur, il vous revenait quelque douceur des langes que Marie appropria pour Vous vêtir, des baisers de Votre Mère, des caresses de Saint Joseph, voire même de la tiède haleine des animaux de l'étable.

Dans la blanche Hostie, Votre corps est insensible à l'or du ciboire et aux marbres du Tabernacle.

Vous avez connu les calices d'étain de la Révolution et Vous ne dédaignez pas les vieux ais des autels de la campagne… Je Vous adore, o mon Dieu dans votre sublime détachement.

je Vous imiterai, Seigneur, par la modération dans la recherche de l'utile et de l'agréable, et par la résignation paisible quand ils viendront à me manquer:

Ce n'est pas que j'ai fait jusqu'à présent, hélas! je vais m'examiner dans le détail.

Le monde est tout entier livré à toutes les convoitises.

Les enfants de Dieu, et son peuple, Moïse lui-même ne suivaient-ils pas le monde, de près ou de loin, par cent attaches diverses à l'inutile et au superflu…?

je voudrais réparer par mes regrets, par mes dispositions généreuses, par ma compassion pour mon Sauveur attristé, par l'acceptation calme, résignée et même contente ou joyeuse de la privation qui se présente.

Cinquième sujet d'adoration:
Vertus du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie.
L'obéissance

Jésus-Hostie est obéissant, plus même s'il est possible, qu'à Nazareth…

Là, Seigneur, Vous aviez encore une certaine liberté de vos allées et venues.

A 12 ans, Vous échappiez pour trois jours à la vigilance paternelle. Dans l'Hostie, Vous êtes souverainement obéissant aux prêtres, aux communiants.

Vous ne bougez que si Vous êtes porté.

Là-bas, l'obéissance était plus douce; Marie et Joseph commandaient avec tant de charmes…

Ici, Vous avez des mitres souvent si défectueux… je vous adore, o mon Dieu dans votre merveilleuse obéissance.

je renouvelle mes dispositions d'obéissance à tous les commandements de Dieu et de l'Eglise, à toutes mes règles et à mes supérieures. L'Hostie est prête à tout cela, elle se laisse porter, cacher, montrer, donner…

Est-ce ainsi que je me livre à mes supérieurs pour faire ce qu'ils désirent, à la Providence, pour accepter ses dispositions?

Notre-Seigneur s'est plaint à Marguerite-Marie des désobéissances, des critiques, des murmures, qui règnent jusque parmi le peuple choisi. Ces plaintes ne tombent-elles pas sur moi-même?

Je réparerai en allant jusqu'au bout de l'obéissance, en ne faisant rien, mais rien, de petit ni de grand, sans direction et sans contrôle…

Sixième sujet d'adoration:
Vertus du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie.
La chasteté

Jésus a marqué son amour pour la chasteté en s'entourant d'âmes chastes, comme Sa Mère, Son Père adoptif, son précurseur, son apôtre préféré…

Il inspirait la chasteté et le détachement; Il ramenait à des moeurs pures la Madeleine, la Samaritaine, la femme adultère.

Il se refusait les jouissances qui troublent les sens.

Il vivait de pain d'orge et de poissons secs, Il couchait sur le sol. Dans l'Euchatistie, Il inspire aux âmes la pureté et la virginalite. Il voile ses sens à l'abri des saintes espèces, et n'a pas avec nous de contact sensible.

Préférons la fréquentation des âmes chastes à celle des âmes mondaines.

Pratiquons la modestie des regards et du maintien, qui inspire la chasteté.

Aimons la tempérance et la simplicité de la vie. Surveillons nos lectures.

Veillons sur notre imagination.

Réservons notre intimité à Jésus et Marie. Méditons les mystères de leur vie.

Le monde est tout entier à la concupiscence. Les moeurs ont-elles jamais été si mauvaises?

Rien n'est plus respecté:

C'est une décomposition sociale, qui attire les châtiments divins. Réparons par une modestie délicate, par la mortification des sens; acceptons les privations, les indispositions, les souffrances que la Providence nous envoie.

Exprimons notre compassion au Sauveur qui a tant souffert en sa Passion pour expier tous les abus que les hommes se permettent.

Septième sujet d'adoration:
Le vertus du Sacré-Cœur dans l'Eucharistie:
La pauvreté

Jésus était bien pauvre:

A Bethléem, Il naît dans une étable.

En Egypte, ses premiers pas furent sans doute ceux d'un mendiant. A Nazareth, c'est l'humble charpentier qui travaille et qui vit de ses maigres salaires.

N'est-Il pas plus pauvre encore au Tabernacle?

L'Hostie est là, derrière la porte, attendant qu'on Lui fasse l'aumône d'un peu d'affection:

Tel Saint Alexis, tel Saint Benoît-Labre, tel Mardochée à la porte d'Assuérus…

Jésus-Hostie: c'est le mendiant des cœurs.

J'adore, Seigneur, votre douce patience, votre privation, la faim et la soif que Vous avez de nos pieuses visites et communions.

je dois être modéré dans mes désirs:

«Si nous avons le vivre et le vêtement, dit Saint Paul à Thimothée, estimons-nous heureux… ».

Si nous sommes délaissés et sans amis, comme des pauvres, estimons-nous heureux.

Si rien ne nous manque, pratiquons la pauvreté en esprit, en n'usant de rien que selon l'obéissance.

Le monde est tout entier livré à la cupidité Il vit pour le commerce et la richesse. Les grands feraient tuer des millions d'hommes pour agrandir leurs facultés commerciales.

Quel contraste avec le divin pauvre! … Comment ferai-je réparation?

Par l'acceptation des difficultés de la vie et des privations qui s'imposent;

Et surtout par une compassion affectueuse pour le Bon Maître qui se voit oublié et méprisé par tant d'hommes qui n'ont d'autre Dieu la richesse…

Huitième sujet d'adoration:
Les vertus du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie:
Retraite et prière

Jésus priait beaucoup sur la terre. Il vivait dans l'état d'oraison habituelle et de plus il avait beaucoup d'heures et de journées vouées spécialement à la prière.

La vie de Nazareth était comme celle d'un cloître.

De plus, la Sainte Famille allait à la Synagogue et au Temple. Jésus veut prier pendant quarante jours avant sa vie publique. Souvent il se retire, avec ou sans ses disciples, pour prier le soir et la nuit. On connaît la grande veille de Gethsémani et la grande extase du Thabor.

Dans l'Eucharistie, Jésus est sans cesse en conversation avec son Père. Il adore, Il aime, Il répare, Il sollicite pour nous les grâces divines. Il n'est distrait par aucune conversation humaine.

Soyons des hommes de prière, des hommes de vie intérieure. Il faut toujours prier, disait Notre-Seigneur.

Offrons toutes nos actions en esprit de prière: le travail - les relations - le repos.

Réservons-nous une bonne somme d'exercices de piété, bien faits et dignes d'être offerts à Dieu.

Le monde ne prie pas ou ne prie pas sérieusement:

Ceux même qui vont à l'église y portent leurs distractions et leurs préoccupations temporelles.

Je ferai l'adoration réparatrice; j'y consacrerai une demi-heure par jour.

Je prierai en union avec le cœur de Jésus, avec Marie, avec les cloîtres, avec toutes les adorations réparatrices que la grâce inspire aux âmes d'élite de notre temps.

Neuvième sujet d'adoration:
Les vertus du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie:
Le sacrifice

Ecce Agnus Dei: Voici l'Agneau de Dieu.

Jésus, le Fils de Dieu est venu parmi nous pour y être immolé et sacrifié.

Il est l'Agneau immolé depuis le commencement du monde, nous dit Saint Jean.

Il était prédestiné au Sacrifice dans les desseins de son Père Céleste. Il préparait, Il devançait son immolation dans tous les sacrifices, dans toutes les victimes de l'Ancienne Loi.

Dans sa vie mortelle, Il est la Victime qui va au sacrifice.

Il s'offre dans sa Conception et dans sa Présentation au Temple. Il se prépare à Nazareth. Il vit en esprit et dans l'état de victime. Il consommera son sacrifice au Calvaire.

Dans l'Eucharistie, Il est essentiellement victime.

Il est Hostie pour la gloire de son père et pour le salut des âmes. Je l'adore comme Agneau Victime.

Je dois être moi aussi toujours victime.

Jésus n'a-t-Il pas dit:

Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive au Calvaire.

Je dois être une victime, toujours offerte, donnée, consacrée. immolée par le travail, la prière, la simplicité de vie, l'acceptation des croix et de la mort.

Le monde répugne au sacrifice. Il se croit saint et juste. Il n'aspire qu'au plaisir et au bien-être.

Je réparerai par l'adoration Eucharistique, par l'offrande de Jésus Lui-même, de sa croix, son sang, ses plaies, son cœur, sa sainte Mère. Je réparerai aussi par mon offrande quotidienne et par l'esprit de victime dans lequelle j'accepterai toutes les croix de la vie.

Dixième sujet d'adoration:
Les effets de la sainte communion ou l'abandon à la conduite intérieure de Jésus-Christ.
D'après le P. Lallemant

Le secret pour tirer de la communion le profit que Jésus-Christ a en vue, est de s'appliquer, d'une communion à l'autre, à se laisser animer et conduire par son esprit.

Supplions-Le de ne pas permettre que nous pensions, que nous disions, que nous fassions rien qu'Il ne puisse avouer pour sien.

Cela demande une grande attention, une vigilance soutenue, mais sans empressement, sans inquiétude, sans efforts naturels.

Soyons persuadés de ce que notre action propre gâte tout quand elle précède l'action de Dieu, au lieu de la suivre.

Mais puisqu'il est certain que, par la communion, Jésus-Christ demeure en nous, que pouvons-nous faire de mieux que de Lui remettre notre propre conduite, de Le prier de donner le branle à tout, et de faire simplement, paisiblement, sans réflexion, ce qu'Il nous met au cœur?

Tant qu'une âme déterminée à suivre en tout Jésus-Christ demeure en paix dans son fond intime, qu'elle se tienne assurée de ce que JésusChrist la conduit et la dirige.

Du moment qu'elle se trouble, qu'elle s'empresse, qu'elle se livre à des réflexions inquiètes, elle s'éloigne de la conduite de Jésus-Christ, et se reprend elle-même.

La meilleure manière de nous préparer à la communion est de laisser à Jésus-Christ le soin de nous y préparer Lui-même.

Il le fera infiniment mieux que nous, et comme nous n'aurons fait que le seconder, nous Lui en laisserons tout l'honneur.

Il en est de même de l'action de grâces:

Est-ce à nous de faire des efforts pour remercier Jésus-Christ? En sommes-nous capables?

N'est-il pas plus glorieux pour Lui et plus avantageux pour nous, que Lui-même se remercie en nous, et qu'Il mette pour cela en action les facultés de notre âme?

Ce simple abandon de nous mêmes entre les mains de Jésus-Christ afin qu'Il soit le premier modèle de nos pensées, de nos affections, de nos discours, de nos actions, est sans contredit, la disposition la plus excellente, la plus conforme aux principes de la foi, la plus glorieuse à Dieu, la plus efficace pour notre avancement.

C'est ainsi que notre vie deviendra la vie de J -C., parce qu'Il en sera l'âme et le principe; au lieu que si nous agissons les premiers, nous vivrons de notre vie propre et nous ne ferons pas ce que Jésus veut.

Ce qu'il y a de plus ineffable dans cette demeure de Jésus-Christ en nous et de nous en Jésus-Christ, c'est qu'elle est l'image de la demeure de Jésus-Christ en son Père et du Père en Jésus-Christ.

«De même, dit-Il, que je vis par mon Père, ainsi celui qui Me mange vivra par Moi».

De même que le Père est le principe de la vie du Fils, ainsi le Fils est le principe de la vie de celui qui mange son corps.

Demandez à Jésus-Christ la grâce de recevoir toujours la vie de Jésus-Christ, chaque fois que vous mangez son corps, et de la conserver avec soin d'une communion à l'autre, en sorte que vous en receviez chaque fois une nouvelle augmentation.

Pour cela soyez fidèle à ne rien faire de votre propre activité, mais à tout faire par l'action de Jésus-Christ, par le principe de vie qu'Il vous communique sans cesse.

Vous ne serez pas pour cela dans l'oisiveté, vous serez au contraire toujours agissant, parce que l'esprit de Dieu agira toujours en vous. «Devenez le corps de Jésus-Christ, si vous voulez vivre de l'esprit de Jésus-Christ:

C'est le corps de Jésus que l'âme de Jésus anime.

Si vous prétendez vivre de son esprit, transformez vous en son corps».

Fias corpus Christi, si vis vivere de spiritu Christi. De Spiritu enim Christi non vivit nisi corpus Christi. Vis et tu vivere de spiritu Christi, in corpore esto Christi (Saint Augustin).

=====Trait Une dévotion nationale à l’Eucharistie

Louis XII en 1512 obtint des évêques de France que chaque jour dans les cathédrales, on chantât ce verset:

O salutaris Hostia

Quoe coeli pandis ostium

Bella premunt hostilia

Da robur, fer auxilium.

Hostie Rédemptrice, porte du ciel, l'ennemi nous presse, fortifiez-nous, secourez-nous.

Cette strophe est encore chantée chaque jour dans des milliers d'églises et de chapelles où se donne la bénédiction du Saint-Sacrement. Elle demeure une prière nationale. On n'y pense pas assez. Notre-Seigneur en tiendra compte et nous sauvera.

Chapitre XXXI
De la vie d'intimité avec Notre-Seigneur

La vie d'amour envers Dieu et le Sauveur a donc été l'idéal chrétien de tous les temps, nous l'avons vu par le témoignage des Pères, des docteurs, des Saints et des écrivains ascétiques.

Parfois cette union d'amour s'accentuait jusqu'à devenir cette familiarité étonnante dont parle l'Imitation9). Telle fut la grâce de S. Antoine de Padoue, de S. François d'Assise, de Ste Gertrude, de Ste Thérèse.

Mais voici qu'avec le règne du Sacré-Cœur, cette intimité devient bien plus fréquente et facile. Notre Seigneur l'a promis à Marguerite-Marie: son divin cœur nous est donné comme l'Océan inépuisable des grâces les plus précieuses.

Que de saintes âmes s'élèvent maintenant à une familiarité incompréhensible avec leur Epoux divin! Voyez Thérèse de l'Enfant Jésus, favorisée de l'amitié du divin Enfant de Nazareth.

Gertrude-Marie, admise si fréquemment à d'intimes conversations avec le Bon Maître.

Elisabeth de la Sainte-Trinité, la Sœur Marie de Jésus crucifié, la Mère Véronique, la Sœur Céline de Talence et bien d'autres.

Ces âmes saintes ont été favorisées de grâces extraordinaires; mais sans aller jusque là, beaucoup plus d'âmes qu'autrefois semblent s'élever à des degrés d'oraison où le Sacré-Cœur les attire pour s'unir à elles intimement.

Ames de bonne volonté, puisez abondamment à ces sources du Sauveur, elles vous seront ouvertes largement si vous travaillez au règne du Sacré-Cœur, en vous-mêmes et autour de vous.

La vie d'enfance spirituelle, si chère à la Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, concorde avec la vie d'intimité, Notre-Seigneur nous y a invités quand il a dit: «Si vous ne devenez comme des enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume de Dieu» (S. Mat., 18-3).

Mgr Gay a bien parlé de la vie d'intimité avec Notre-Seigneur:

«L'intimité, dit-il, c'est la conscience qu'ont ceux qui s'aiment de l'harmonie qui existe entre eux: conscience pleine de lumière, d'onction, de joie et de fécondité. C'est le sentiment et l'expérience de leurs attraits mutuels, de leur affinité, de leur entière convenance, sinon de leur similitude parfaite.

C'est l'instinct réfléchi de l'accroissement de biens qu'ils apportent l'un à l'autre et du complément qu'ils se font l'un à l'autre si, comme il arrive toujours entre les créatures, ils ont besoin d'être complétés. C'est une égalité préparée par la nature, confirmée par la grâce, et consommée par un amour qu'on s'est naïvement avoué.

C'est l'union jusqu'à l'unité, et partant l'unité sans la solitude. C'est une sûreté réciproque, une confiance sans bornes, une simplicité consentie, rendant les âmes toutes transparentes; enfin et par suite, c'est la pleine liberté qu'elles se donnent de s'entre-regarder toujours et de se voir jusqu'au dernier fond.

Sous un autre aspect, moins intérieur, mais non moins nécessaire, c'est la liberté et le loisir assurés au dehors; l'exemption de tout ce qui divise, distrait ou importune; l'absence de tout indifférent, de tout étranger, de tout profane.

C'est l'amour en paix et à l'abri, l'amour chez soi, à son foyer, dans son sanctuaire, foyer impénétrable et sanctuaire inviolable.

O Dieu, est-ce un rapport, est-ce un état possible entre la créature et vous?…

Oui, l'intimité avec vous est possible ô mon Dieu… Et vous ne nous la permettez pas seulement, vous la souhaitez et daignez nous l'offrir» (57e elev. tom. I, p. 249).

- Oui, le Cœur de Jésus sollicite de nous le cœur à cœur, la plus tendre et la plus douce intimité. Il veut que nous soyons comme ses frères, ses amis, ses enfants, ses épouses.

Chapitre XXXII
L'union au Sacré-Cœur
ou les dispositions que doivent avoir les âmes vouées au Sacré-Cœur de Jésus:
Adoration, amour, immolation, prière

Dans les siècles passés, dit Saint Paul (Heb. 1-2), Dieu nous a parlé de diverses manières par les prophètes, mais aujourd'hui, Il nous fait entendre la parole plus efficace et plus merveilleuse de son Fils.

Ne pouvons-nous pas dire aussi qu'après nous avoir montré par la parole des Saints les voies diverses qui conduisent à l'union divine, Notre-Seigneur est venu Lui-même nous montrer une voie meilleure encore, une voie plus rapide et plus douce: la voie de son Divin Cœur…

L'union au Sacré-Cœur résume toutes les formes de la vie intérieure. Elle est un acte de foi, elle tend à l'imitation de Notre-Seigneur, elle sollicite notre amour, nos réparations; elle nous conduit à l'intimité avec le Sauveur.

Il fait bon à se livrer dans le Cœur de Jésus aux sentiments de la vie purgative, à la haine du péché et aux larmes réparatrices, en union avec les tristesses du Sauveur à Gethsémani.

On s'y unit facilement aux vertus de Notre-Seigneur qui s'est dit Lui-même doux et humble de cœur et qui a pratiqué si éminemment toutes les vertus dans ce divin Cœur.

Mais, c'est surtout pour la vie d'union, pour la vie d'amour que le Cœur de Jésus est le foyer où se peut allumer l'amour le plus pur et le plus ardent.

«C'est le grand désir, disait Marguerite-Marie, qu'a le Sacré-Cœur de répandre abondamment les profusions de son amour, qui L'a porté à nous révéler cette dévotion. Le Sacré-Cœur est un abîme sans fond, tout rempli de trésors d'amour et de grâces».

«Le Sacré-Cœur est le Saint des Saints, le Saint d'amour et comme un nouveau Médiateur entre Dieu et les hommes».

«Que ne puis-je, disait-elle, découvrir à toute la terre, les trésors de grâces que Notre-Seigneur veut répandre sur ceux qui pratiqueront cette dévotion… ».

I. - Le but des âmes vouées au Sacré-Cœur
description et caractéristiques

Le but de ces âmes est de rendre au Divin Cœur de Jésus, sous les auspices de la Vierge Immaculée, les adorations, les louanges, l'amour désintéressé, et les réparations spéciales qu'Il a demandées Lui-même à la Bienheureuse Marguerite-Marie dans les grandes révélations de Paray-le-Monial; de propager le culte du Sacré-Cœur, de Lui procurer des hommages publics, d'élever en son honneur des sanctuaires et des autels; de Lui dire notre amour et notre compassion dans les épanchements de l'oraison et de l'adoration du Saint-Sacrement exposé sur nos autels; et de Lui offrir nos cœurs immolés dans les travaux, les peines et les sacrifices de chaque jour et dans les ministères qui exigent le plus de dévouement et d'abnégation, comme sont le soin des ouvriers et des pauvres et les missions lointaines.

La caractéristique de Sainte Mechtilde est la louange divine. Celle de Sainte Gertrude est l'amour divin.

L'attrait principal de la Bienheureuse Marguerite-Marie, c'est avec le pur amour l'amende honorable au Cœur outragé de Jésus dans le Saint-Sacrement.

Celle du P. Eudes: c'est la reconnaissance envers l'infinie miséricorde du Cœur de Jésus, qu'il oppose à l'esprit du «jansénisme».

C'est aussi son union au cœur de Marie.

A Marseille, c'est à la miséricordieuse bonté du Sacré-Cœur que s'adresse Mgr de Belzunce.

C'est la royauté de son amour dans l'Eucharistie que les Etats de l'Équateur ont acclamée.

Louis XVI et la France repentante à Montmartre l'invoquent comme leur espoir suprême.

A Dijon, c'est le Cœur de Jésus pénitent pour nous que l'on prend pour modèle.

C'est le Cœur agonisant de Jésus que le P. Lyonnard et sa confrérie nous proposent.

A Toulouse, c'est le Cœur de Jésus priant pour nous.

Plusieurs de ces dévotions ont leur symbole propre exprimé par une image ou statue:

Pour nous, notre Image préférée est celle de Paray-le-Monial et notre but est amour et sacrifice comme nous l'avons dit plus haut.

On lit dans l'histoire du P. Eudes que plusieurs personnes voulaient imprimer aux congrégations qu'il avait fondées un cachet de pénitence et d'austérité que semblait réclamer le but même de l'œuvre: la réparation.

Le P. Eudes s'y opposa énergiquement et il ne voulut d'autre modèle, d'autre esprit que celui de Saint Augustin, de Saint François de Sales, de la Visitation, c'est-à-dire un esprit de mansuétude et de miséricorde, sentiments qui prédominent dans le cœur de Jésus et dans celui de sa Mère.

Le but des âmes vouées au Sacré-Cœur n'est pas tant la pénitence que l'amour et l'immolation.

Elles doivent bien se dégager des tendances quiétistes qui suppriment l'esprit de sacrifice et d'immolation.

Comme le P. Eudes, nous ne voulons pas seulement une dévotion de sentiment, une piété d'imagination, nous voulons une dévotion éclairée et ferme; nous voulons la tendresse de cœur, mais en même temps de la force de volonté et du dévouement.

II. - Amour et immolation
Notion theologique

L'Eglise est à la fois l'épouse et le corps mystique de Jésus-Christ. Les âmes vouées à l'amour du Cœur de Jésus sont comme le cœur de l'Epouse, l'organe de l'Eglise pour aimer et consoler Jésus.

Les âmes réparatrices sont comme le cœur du corps mystique de Jésus-Christ, l'organe de l'Eglise pour s'immoler à la gloire de Dieu et au salut des âmes.

Les ordres actifs sont les mains de l'épouse mystique de Jésus-Christ.

Les missionnaires son ses pieds. «Quam pulchri sunt pedes evangelisantium».

Les ordres voués à la prédication sont sa bouche;

Les ordres voués à la science sont sa tête,

Ceux voués à l'amour sont comme son Cœur.

C'est la part de Marie, de Saint Jean de Madeleine… c'est une bonne part.

«Optimam partem elegit» - Notre-Seigneur l'a dit de Madeleine. L'Eglise le dit de Marie à l'Evangile de l'Assomption.

Une œuvre vouée à l'amour, à la réparation et à l'immolation, est comme le cœur de l'épouse, comme le cœur de Marie dans ses divers actes et sentiments d'amour et de sacrifice.

Plusieurs congrégations vouées à la réparation et à l'immolation répondent à ce but que nous entrevoyons et auquel nous nous conformons d'une manière si imparfaite et si insuffisante jusqu'ici.

Dans tous les ordres et congrégations de notre temps, bien des âmes reçoivent cette grâce et y répondent, bien que ce ne soit pas le but spécial de l'Institut.

Seigneur Jésus, donnez-nous l'intelligence d'un but si excellent et la grâce d'y répondre généreusement.

Quel beau thème d'oraison et de contemplation: s'unir aux dispositions, aux actes de vertu, aux désirs, aux prières du Cœur de Jésus… C'est un sujet inépuisable et en même temps le plus doux, le plus ravissant, le plus consolant, que nous puissions méditer et contempler.

L'oraison de simple regard, celle qui conduit à la contemplation, se pratique facilement dans l'union avec le Sacré-Cœur.

III. - Le Sacré-Cœur et Marguerite-Marie

Une vision de la Bienheureuse Marguerite-Marie, accompagnée de paroles de Sainte Vierge et de Saint François de Sales sur la mission de la Visitation peut très bien s'appliquer aux congrégations et associations qui ont une mission analogue.

C'était le 2 juillet 1688. Elle vit le Sacré-Cœur de Jésus sur un trône. Il jetait des rayons, ardents et lumineux. La Sainte Vierge, Notre-Seigneur et Saint François de Sales lui présentaient les Filles de la Visitation. Les bons anges des sœurs étaient à leurs côté, tenant chacun un cœur en main.

La Sainte Vierge disait aux Sœurs:

«Venez, mes Filles bien-aimées; approchez-vous, car je veux vous rendre dépositaires de ce précieux trésor que le divin soleil de justice a formé dans la terre vierge de mon cœur10), où il a été caché neuf mois, après lesquels il s'est manifesté aux hommes, qui, n'en connaissant pas le prix, l'ont méprisé, parce qu'ils l'ont vu mêlé et recouvert de leur terre, dans laquelle le Père Eternel avait jeté toute l'ordure et corruption de leurs péchés, lesquels Il a fait purifier pendant trente-trois ans dans les ardeurs du feu de sa charité; mais, voyant que les hommes, bien loin de s'enrichir d'un si précieux trésor, tâchaient de le réduire à néant et de l'exterminer, s'ils avaient pu, de la terre, le Père Eternel, par un excès de miséricorde, a fait servir leur malice pour leur rendre encore plus utile cet or précieux, lequel, par les coups qu'ils lui ont donnés en sa Passion, en a fait une monnaie inappréciable, marquée au coin de sa divinité, afin qu'ils en puissent payer leurs dettes et négocier la grande affaire de leur salut».

Cette Reine de bonté ajouta:

«Voilà ce divin trésor qui vous est particulièrement manifesté par le tendre amour que mon Fils a pour votre Institut, qu'Il regarde et aime comme son cher Benjamin… Et il faut que non seulement celles qui le composent s'enrichissent de ce Trésor inépuisable, mais encore qu'elles distribuent cette précieuse monnaie de tout leur pouvoir en tâchant d'en enrichir le monde».

Saint François de Sales dit ensuite:

«O Filles de bonne odeur, venez puiser dans la source de bénédictions les eaux de salut, dont il s'est fait déjà un petit écoulement dans vos âmes par le ruisseau de vos Constitutions qui en est sorti. C'est dans ce Divin Cœur que vous trouverez un moyen facile de vous acquitter parfaitement de ce qui vous est enjoint dans le premier article de votre directoire, qui contient en substance toute la perfection de votre Institut: que toute votre vie et vos exercices soient pour vous unir avec Dieu. Il faut pour cela que ce Cœur soit la vie qui vous anime, son amour votre exercice continuel, qui seul peut vous unir à Dieu, pour aider par prières et bons exemples la Sainte Eglise et le salut du prochain.

Et pour cela, nous prierons dans le Cœur et par le Cœur de Jésus qui se veut rendre tout de nouveau le Médiateur entre Dieu et les hommes. Nos bons exemples seront de vivre conformément aux saintes maximes et vertus de ce Divin Cœur, et nous aiderons au salut du prochain en lui distribuant cette sainte dévotion…».

Ensuite les bons anges s'avancèrent pour présenter à ce Divin Cœur ceux qu'ils tenaient, dont les uns ayant touché cette plaie sacrée devenaient beaux, aimables et brillants comme des étoiles; d'autres devenaient tout noirs et horribles; mais il y en eut plusieurs dont les noms demeurèrent écrits en lettres d'or dans le Sacré-Cœur, dans lequel quelques-uns s'écoulèrent et s'abîmèrent avec avidité et plaisir de part et d'autre en disant:

«C'est dans cet abîme d'amour où est notre repos et demeure pour toujours».

Et c'étaient les cœurs de ceux qui ont le plus travaillé à faire connaître et aimer celui de notre Divin Maître.

Nouveaux éclaircissements

«La doctrine du Père Eudes est forte, en même temps qu'elle est empreinte d'un esprit tout surnaturel.

Il savait qu'une dévotion n'est pas un sentiment.

Si l'amour est le fond du culte des SS. Cœurs, cet amour ne doit pas être aveugle. Il n'est pas fait de cette émotion plus ou moins sensible, de cette piété d'imagination, qui parfois donne le change à des âmes qui se croient chrétiennes. La connaissance est la base de cet amour comme le Verbe est le principe de l'Esprit-Saint.

La dévotion des SS. Cœurs n'est pas faite seulement pour des personnes impressionnables, pour des esprits superficiels. Les sentiments dont elle se nourrit, doivent être le fruit d'une connaissance sérieuse et de convictions profondes. Aussi le Père Eudes cherche-t-il à éclairer autant qu'à toucher; il veut de la tendresse, mais il veut en même temps de la force et du dévouement, et c'est pour cela qu'il étudie dans les SS. Cœurs, avec leurs côtés aimables tout ce qui appartient à leurs perfections» (P. Le Doré).

La révélation faite à Marguerite-Marie a un autre but que de fonder dans la cité de Dieu une dévotion nouvelle. Il s'agit de renouveler avant les derniers temps la face de la terre en y jetant à nouveau ce feu de religion, de piété et de charité, dont brûle le Cœur de Jésus-Christ, et dont Il veut aujourd'hui plus que jamais, voir les âmes des siens embrasées.

Que l'on étudie donc ce Cœur sacré qui est le soleil de la doctrine, le foyer de l'amour, le trésor sans fond de la grâce, l'exemplaire et la source vive de la sainteté. Qu'on le médite dans l'Evangile, surtout dans celui de Saint Jean; qu'on le contemple dans tous les mystères, principalement dans la Passion; qu'on le reçoive et y communie dans la divine Eucharistie; qu'on y puise non seulement des tendresses et des consolations, mais de l'énergie surnaturelle et du courage.

C'est bien un cœur d'agneau que celui de Notre-Seigneur, mais c'est aussi un cœur de lion qui combat et de lion qui triomphe.

Il aime, mais justement parce qu'Il aime bien, Il a ses haines et ses colères. Nous avons besoin de le rapprendre. On ne se peut point flatter d'aimer comme le Cœur de Jésus la vérité et la justice, si, à l'exemple de ce Divin Cœur, on ne hait pas, on ne repousse pas l'erreur, le mensonge, l'iniquité, l'impiété, le mal enfin, sous toutes ses formes» (Mgr Gay - Alliance: Préface).

Que le Cœur de Jésus soit la source la plus riche de la vie intérieure. Notre-Seigneur l'a fait comprendre à Marguerite-Marie:

«Une fois entre les autres, dit-elle, que le Saint-Sacrement était exposé, après m'être senti retirée tout au dedans de moi-même par un recueillement extraordinaire, Jésus-Christ, mon Doux Maître, se présente à moi, tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils, et de cette sacrée humanité sortaient des flammes de toutes parts, mais surtout de son Adorable poitrine, qui ressemblait à une fournaise et s'étant ouverte, me découvrit son tout aimable Cœur, qui était la source de ces flammes».

Ames avides de la vie intérieure, en voici la meilleure source: c'est le Cœur de Jésus.


1)
Lire Saint François de Sales, le Cardinal de Bérulle, le P. de Coudrin; le Vén. Boudon, M. Olier, M. de Bernières, les Pères Nouet, Saint Jure, d’Argentan; le B. de Montfort; Lessius, Thomassin; Pétau, Corneille de Lapierre; le P. Eudes (Vie et règne du Seigneur Jésus dans les âmes, etc.) (Sa vie. Vol. 2, p. 22 et suivantes).
2)
Voir les textes nombreux cités par Scheeben: Dogmatique.
3)
S. Th 1 p. q. 43. – Aliqua dona secundum appropriationem Filio attribuuntur sicuti illuminare… sed cura relatione ad amorem… quantum ad effectum gratiae, communicant duoe missiones… (Filii et Spirit. Sti) in radice gratiae sed distinguuntur in e£fectibus gratiae, qui sunt illuminatio intellectus et inflammatio affectus. Ibid art. 4 – Per Gratiam tota Trinitas inhabitat in nobis secundum illud Johannis: ad eum veniemus et apud eum mansionem faciemus (S. Jean, 14, 23).
4)
Comparer le livre du P. Lehen sur la paix intérieure.
5)
Cette étude est comme un commentaire des règles sur le discernement des esprits, de Saint Ignace.
6)
On peut s’aider, pratiquement des Méditations du P. André Prévot: L’année avec Marie, chez Casterman.
7)
3 part const. C. I. paragraphe 16, Reg. 17 Summarii.
8)
Mat III, 44.
9)
Liv. 9, chap. I.
10)
La Très Sainte-Vierge rappelle les trois mystères du Sacré-Cœur.
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