Trad. P. Pedro García Verdú
Notre protagoniste, le Père Jean, est né à St. Esteban de los Patos (Avila), le 25 septembre 1891.Il fut le premier de quinze enfants. A son baptême il reçut le prénom de Mariano. C'est le même prénom que son père, qui, avec son épouse, Madame Emerita, s'employèrent à lui donner une éducation chrétienne solide et sûre, à travers une foi vive et la pratique engagée de la vie chrétienne.
Sa famille prenait soin de l’église et son père, l’après-midi, au retour des travaux de la campagne, dirigeait les neuvaines et le chapelet parce qu'il n'y avait pas de prêtre dans cette petite communauté. Pour cela, un de ses frères nous dit que, tôt, rappel du Seigneur trouvera réponse en celui que tous connaissaient comme Mariano. A dix ans, il fit son choix: répondre avec grande générosité à la vocation qu'il a éprouvée profondément pour le sacerdoce.
Le premier maître d'école fut son curé qui lui enseigna les premières lettres. Il fut ensuite élève externe du séminaire d'Avila. Plus tard il sera interne pour les études de philosophie et de théologie. Sa vie au séminaire, selon ses camarades et ses supérieurs, était exemplaire, puisqu’il était déjà:
"modèle en tout, remarqué par sa profonde humilité, mais étant aussi un jeune de talent extraordinaire".
Une des caractéristiques qui 1'accompagnèrent pendant toute sa vie fut que, malgré une vie austère, sacrifiée, de prière et de travail :
"Il était très jovial, s’amusait avec tous sans rompre jamais l’harmonie entre ses camarades. C’était un petit saint ".
Mais, il avait une préoccupation: non qu’il ne fût clair et décidé de servir le Seigneur, mais, il recherchait une vie plus intense d'intériorité et de dialogue avec le Seigneur. Pensant que le ministère dans la paroisse 1'éloignerait de son idéal, il se mit en route vers Avila et frappa à la porte des Pères Dominicains de st Thomas d'Avila, où, il ne put rester beaucoup de temps à cause de sa santé délicate. C'était pendant l’année scolaire 1913-1914. Il continua à chercher.
Les paroisses de Hernansancho, Villanueva de Gómez, Saint Jean de la Encinilla, Santo Tomé de Zabarcos, Sotillo de las Palomas furent la petite partie du Peuple de Dieu que 1'Eglise d'Avila lui confie. Elles étaient pauvres et peu peuplées, mais riches en racines chrétiennes.
Mais pendant la décade 1930, eut lieu une tempête qui dévasta les gens et les terres d'Espagne. Une tempête (la situation politique) de laquelle 1'Eglise sortira maltraitée et désemparée. Elle perdit de nombreux fils et filles, témoins de la foi: d’ innombrables chrétiens laïcs et vers ou moins 6832 prêtres, évêques, religieux et religieuses. Se reconnaître chrétien pendant ces jours-là était dangereux.
Le 23 mai 1916, D. Mariano se mit en route vers Hernansancho. A peine deux mois avant, Mgr. Joaquin Beltrán y Asensio 1'avait ordonné prêtre. En ce lieu, il fera un grand travail pastoral. Son principe était une présence humble dans sa simplicité, faite de prière et d'adoration au Très Saint Sacrement, jusqu'à des heures avancées de la nuit (ces nuits glacées d'Avila), de mortification corporelle et de dévouement pour réveiller en ces paroissiens la foi, le culte, la confession, la dévotion eucharistique et mariale; et d'autre part les éloigner des blasphèmes et tout concrétiser dans la pratique de la charité et des bons services.
Nous l'avons dit déjà, ces villages étaient très pauvres. La subsistance du village dépendait de la charité de ses fidèles. Ses anciens paroissiens, aujourd'hui très vieux, se souviennent que D. Mariano ne demandait jamais rien, et ne, faisait pas la quête. Les paroissiens le considéraient comme quelqu'un d'étrange Il leur répondait:
"Tout ça reviendrait à faire de 1’Eglise en une succursale de banque ".
De jour comme de nuit, sa porte était toujours ouverte pour les nécessiteux, les malades et tous ceux qui demandaient son service..
Au village de Hernansancho on racontait qu'à une certaine occasion, il y eut une dispute féroce qui se termina dans le sang. Le meurtrier laissa par terre plusieurs personnes. Le curé Mariano accourut pour assister les blessés en dépit des coups de feu. L'agresseur le rapporta à un de ses amis à Penalba, un village voisin où se déroulait un banquet de noces:
"Dans ton village j'ai laissé par terre plusieurs compagnons. Au curé, je n'ai pas voulu faire de mal parce que c'est un saint".
San Juan de la Enicinilla était le plus grand des petits villages qui sont confiés à son attention pastoral. Bien vite, ses paroissiens, surtout sa sœur qui l’aidait, se rendirent compte du "style "
particulier du prêtre qui leur avait été donné : c’était un homme de prière, il passait des nuits entières devant le Saint Sacrement. Il pratiquait la mortification corporelle. Il s’adonnait à la prédication, à la catéchèse, aux rencontres des personnes. Il vivait de cette humilité simple dont ont témoigné tant de prêtres de campagne qui avec ferveur ont servi, éduqué e accompagné leurs fidèles.
Les nuages noirs de la violence, le sang, 1'aberration et la mort
commençaient à apparaître à 1'horizon. Et au
milieu des champs de feu la pauvreté, la faim et la brutalité,
1'appel de Dieu continue toujours présent dans la vie de Mariano.
Mais il cherchait une autre réponse.
Un ami prêtre qu'il rencontrait quelquefois rapporte:
"C'était un prêtre exemplaire... mais qui me répétait parfois: Je suis très content, mais je te confesse que je vis hors de mon élément, la vie de la paroisse me pèse. Et par ailleurs je suis aussi très ennuyé par mon état de santé, je le fais mais par obeissance, sinon j’aurais pris un autre chemin: mon inclination irrésistible est la vie religieuse".
Dans cet esprit de recherche il passa au diocèse de Vitoria (1921-1922) où, pendant un an, il remplit les fonctions d'aumônier des Frères des Écoles Chrétiennes à Nanclares de.Oca. Sur place, il demanda à son évêque d'être admis dans 1'Ordre des Carmes Déchaussés. Une fois obtenue la réponse favorable, il commença son noviciat à Larrea - Amorebieta (Vizcaya).
Plus d’une fois, sa santé le trahit. Il ne résiste pas aux exigences d'une vie, à cette époque-là, très ascétique et très dure; mais il désirait embrasser une vie intime de contemplatif.
Il retourna à Avila. Pendant deux ans (1923-1924), il sera responsable des paroisses de Santo Tomé de Zabarcos et Sotillo de las Palomas. Son séjour y fut bref, mais très fécond par les traces qu'il y laissa.
L'amour et la dévotion de Mariano pour le sacrement de 1'Eucharistie étaient profonds. Pour cette raison, il profite de tout moment de’ approcher du tabernacle des églises des villages ou des villes qu'il traversait.
A Madrid il allait quelques fois à Eglise des Religieuses Réparatrices. Au cours de 1'année 1925, un jour, il y rencontra le Père Guillaume Zicke.
Ce religieux était le fondateur de la Province espagnole des Prêtres du Sacré-Coeur de Jésus, (PP. Reparadores en Espagne). Ils se lièrent d'amitié. et le P. Mariano lui révéla sa recherche, son inquiétude intime qui ne lui laissaient pas de repos et ne lui permettaient pas de trouver le lieu où Dieu 1'appelait. Le P. Zicke lui parla de sa Congrégation, celle du P. Dehon, du projet qui 1'inspirait, du style de vie... Le fait est que Mariano entra dans la petite famille dont le P. Zicke était "le Père". Etant religieux Reparador il devint notre Père Jean, sous plusieurs aspects Jean-Marie de la Croix. Il rappelait ainsi par son nouveau prénom de religieux deux grands amours: sainte Marie et saint Jean de la Croix, d'Avila comme lui.
Le 31 octobre 1926, solennité du Christ-Roi, le P. Jean fit sa Profession religieuse dans "un esprit d'amour, d'oblation et de réparation". Ce projet inspiré par les actions, les paroles et les faits de Jésus 1'animera et 1'illuminera jusqu'au dernier jour de son existence, de travail et de ministère apostolique.
Le Père Zicke nous laissa ce témoignage au sujet du P. Mariano:
"Je peux assurer, pendant que j’était Supérieur à Puente la Reina, il fut accepté comme postulant dans la Congrégation. Etant déjà profès, il montra des désirs de perfection dans la vie contemplative, sollicitant aussi 1'entrée - avec la permission des supérieurs - dans 1'Ordre des Trappistes. Le banc d'essai fut le monastère de Cobreces d'où, après un certain temps, il revint dans la Congrégation pour motif de santé".
Il passa un an à. Novelda (Alicante), faisant le Noviciat avec le Père Maître et la Communauté qui l'accompagnait. Là, dans notre collège, 1'unique collège qui reste de la fondation du temps du P. Dehon, il remplit les fonctions de professeur de religion et en même temps il s'occupait des besoins dans le ministère sacerdotal de 1'église annexe.
Le P. Mariano était un homme de profonde vie intérieure et de grand amour pour les saints, en particulier les martyrs. En 1927, il eut 1'occasion de visiter Rome. Là, son attention fut attirée par les Catacombes de St Callixte et par d'autres lieux historiques qui gardent la mémoire des Martyrs. C'était difficile de l'arracher de là..
A son retour, il eut la chance de passer par Lourdes et de s'approcher de la Grotte. Marie était 1'autre grande attirance. Pour elle, il était capable de parcourir beaucoup de chemin et de passer par des sentiers difficiles à la recherche des sanctuaires et des ermitages de la Vierge, si nombreux dans la géographie de 1'Espagne. C'était là quelques unes des choses qu'il racontait aux séminaristes de Puente la Reina, quand il rentrait à la maison après ces voyages à la recherche de ressources et de vocations.
"Mes chemins ne sont pas vos chemins". A Puente la
Reina, sa nouvelle Communauté, s'accomplira sa préparation,
lente, intime et profonde dans laquelle 1'Esprit ira modelant sa vie...,
et sa mort.
Son travail consistait à sortir de la maison, à passer dehors de longues périodes, à renoncer à la sécurité d’une vie régulière et fraternelle dans la Communauté religieuse.
Le Séminaire de Puente la Reina vivait des moments d'espérance parce qu'il avait beaucoup de séminaristes, mais il était aussi d’une extrême pauvreté par manque de ressources. Le P. Zicke connaissait très bien le P. Jean et il pensa que c'était la personne adéquate pour aller par les chemins de Navarre et du Pays Basque chercher la collaboration et 1'aide économique. Il avait aussi pour objectif de former un groupe d'amis du Séminaire avec la finalité de pouvoir mieux servir l’Église et les Missions d'avenir, comme le Cameroun qui fut abandonné par la guerre.
De nouveau son Supérieur, le P. Zicke, commente:
"Ce qui, dans la vérité, pouvait paraître une chose contradictoire, là, elle se faisait réalité par le fait que le P. Jean était un homme de sainte obéissance qui pratiquait 1'esprit d'abnégation et de sacrifice qui est le propre de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Coeur de Jésus, par l'immolation, jour après jour, sur 1'autel du pur amour pour Notre Seigneur et pour les âmes qui sont les plus aimées".
Et pour nous faire voir la taille de ce petit "moine", comme on disait à Puente la Reina, le commentaire du P. Zicke: poursuit :
"Pour que la vie avec tant d'occupations et tant de distractions
ne, porte atteinte à sa vie religieuse et à l'union avec
le Seigneur . Essayait surtout de se fixer un plan de vie, avec un règlement
particulier, pour que tout soit rattaché à la sainte obéissance,
et de cette manière mériter le ciel, tout cela il le présentait
à son Supérieur avant de sortir pour qu'il le signe et lui
donne son approbation".
Ils ont été nombreux les religieux qui porte
à porte, ont mendié aide et argent, pour l'alimentation de
tant d'enfants de leurs séminaires. Souvent aux yeux des hommes,
ces enfants étaient considérés comme incultes et bizarres.
Mais ils vivaient de Dieu et amenaient Dieu aux gens. Beaucoup de ces enfants
étaient de ceux que, à cette époque, on appelait "
Frères Laïcs" (aujourd'hui, simplement " Frères").
Maintenant nous les avons sur les autels parce qu'ils ont été
béatifiés et canonisés pour la charité et l’amour
du Seigneur, qu'ils ont su partager avec riches et pauvres, sages et ignorants.
Notre Père Jean aussi laissa cette trace de la bonne odeur du Christ à tous ceux qui eurent l’occasion de le connaître: prêtres qu’ils aidait dans son ministère sacerdotal (il était très bon prédicateur et aimait célébrer le ministère de la réconciliation), religieux (dans leurs maisons, il restait le temps qu'il pouvait et là, on pouvait observer son humilité, son esprit de prière et de mortification), tant de chrétiens laïcs avec lesquels il partageait la charité et la tendresse du Coeur du Christ, avec ses problèmes et ses besoins. En tous, le souvenir est aujourd'hui le même: "c'était un saint".
Pendant ses voyages, il se préoccupait beaucoup et était toujours vigilant pour ce qu'il pensait être offense à Dieu et aux bonnes coutumes. Cela s'est passé quelquefois dans les auberges et les relais. Il demandait que les tableaux ou les images qui détonaient fussent retirés. Après il les achetait, sans se préoccuper de leur valeur et plus tard, les faisait disparaître.
Un de ses proches camarades nous raconte que "dans ses voyages, il ne perdait rien de sa ferveur, au contraire, il profitait de cette opportunité pour faire de 1'apostolat, propageait la dévotion à (adoration vraie et perpétuelle du divin et Très Saint Sacrement, ainsi que la dévotion à 1'Amour miséricordieux".
Un autre aussi ajoute sa préoccupation pour animer les vocations:
"Il favorisa les vocations pour notre Institut, de sorte que plusieurs prêtres de notre Congrégation doivent leur vocation au Serviteur de Dieu".
Malgré une vie de travail et de voyages, de rencontres avec beaucoup de personnes et de gens divers,
"Il garda toujours la première ferveur du noviciat. De même, il faisait l'impossible pour participer aux retraites de sa communauté le premier vendredi du mois, rendant compte à ses supérieurs de sa gestion. On peut dire que le Serviteur de Dieu fut une Providence pour la Congrégation. Les temps libres de sa recherche d'aide, il les employait à se recueillir devant le Seigneur et faire ses exercices de piété".
C’est ainsi ce que des témoins nous attestent et spécialement les religieux et religieuses de différents Instituts.
Le 14 avril 1931, la République fut proclamée en Espagne.
Les sombres nuages que l'on voyait à l’horizon se sont transformés
en tempête. A la fin celle-ci se éclate dans les grandes villes
et les centres industriels. On présenta un changement modéré
de la société et de la politique. Mais les choses s'échappèrent
des mains et donnèrent le pas aux radicalismes plus fermés
des idéologies de droite et de gauche.
L'Eglise espagnole sera un ennemi fondamental à combattre. Peut-être ce fut lé plus facile parce qu'elle n'opposa aucune résistance. Anarchistes, socialistes, communistes, intellectuels et dirigeants anticléricaux 1'accusèrent, en lien avec le patronat et 1'armée, de tous les malheurs de la situation sociale des ouvriers et des paysans, ainsi que de 1'évident retard par rapport à une Europe ouverte, plurielle et développée.
La situation devint très difficile. Les lois et la propagande essayèrent de contenir les prêtres dans la sacristie. Il devint habituel de se moquer de l’Eglise. Les difficultés et les situations rencontrées furent très dures.
Du coté de ceux qui étaient croyants surgirent des idées comme celles de "croisade", "martyre". Ainsi le vivaient beaucoup, de prêtres et de religieux, y compris le P. Jean qui s'exprimait aussi quand il parlait en communauté ou aux élèves de ce sujet.
Un de ses élèves nous raconte un fait qui illustre sa conviction et son enthousiasme pour le martyre:
"Il arriva qu'un fils de ma grand'mère, religieux capucin, missionnaire en Chine, avait été fait prisonnier par les communistes. Informé de la contrariété de ma grand'mère, il manqua au Serviteur de Dieu du temps pour aller chez elle 1'encourager et la consoler, et je me rappelle que ses paroles furent de félicitations, plus au moins en ces termes:son fils est un martyr. Oh! Plaise à Dieu que j'eusse le même sort d'être persécuté et de mourir pour le Christ".
Les années qui précèdent le 18 Juillet 1936, date du début de la guerre civile, seront très intenses pour un homme comme le P. Jean, qui poursuivait, imperturbable, son travail de ministère sacerdotal et religieux, et dans le silence éducateur au séminaire et parmi ses camarades.
Le P. Zicke nous raconte que :
"étant d'un caractère spéculatif et doué de dons spirituels, il avait donné des signes de préparation doctrinale peu ordinaires. Dans les réunions avec les prêtres de la maison, pour résoudre des cas de morale et de dogmatique, il les laissait tous pleins d'admiration par les citations complètes des saints Pères qu'il faisait de mémoire. En vérité, ajoute-t-il, il n'avait pas beaucoup de sens pratique pour titre professeur des jeunes gens, et spécialement pour les tenir disciplinés et intéresser ses petits élèves. Cependant ils étaient contents avec lui pendant les récréations et les promenades parce qu'il leur racontait des petites histoires intéressantes d’une manière très vive et adaptée et leur apprenait des chansons amusantes".
De son séjour au séminaire, il laissa parmi les élèves le souvenir d’un homme de piété et de ferveur admirables. Le P. Jean, on pouvait le rencontrer dans sa chambre ou à la chapelle. La célébration de ses messes avait toujours le danger de fatiguer et d'inquiéter ses enfants de chœur parce que, plusieurs fois, il les invitait, comme saint Philippe de Néri, à le laisser seul avec le Seigneur, dans un dialogue muet d'adoration et d'amour, propre à ceux qui vivent profondément le mystère d'amour contenu dans 1'Eucharistie.
Durant 1'année noire de 1936, dans un de ses voyages, il
a 1'occasion de visiter sa mère, un de ses frères avec la
belle-soeur. Celle-ci rappelle:
"Une fois, chez moi, parlant avec moi, sa mère et mon mari, il prévoyait la révolution prochaine et manifestait le désir d'être martyr. Il disait à mon mari: Regarde, Victor, qu'il est heureux lie sort de répandre le sang pour Notre Seigneur !".
Et les circonstances, c’est ?a-dire là où se montre la main de Dieu qui guide, déplacèrent le P. Jean précisément en cette année cruciale, du lieu tranquille et sur qu'était la Navarre vers la région de Cuenca, dans laquelle le danger se présente tout de suite.
Cuenca a dans sa région montagneuse le séminaire de Garaballa. 11 fut quitté par les PP. Trinitaires et les PP. Réparateurs le reçurent de 1'évêque de cette cité comme siège du futur noviciat et lieu de repos.
C'est le lieu dans lequel, au début de juillet, arriva le P. Jean pour rétablir sa santé fragile, se reposer de ses travaux et de ses déplacements, profiter de la tranquillité et du calme de ces endroits presque oubliés du bruit du monde, comme disait Frère Louis de Léon.
"Mais les gens de ce village, bien qu’assez rudes et ignorants des choses de la religion, ne se comportaient pas mal avec les nouveaux arrivants, mais après, selon la marche des évènements de cette année-là, ils se montrèrent de plus en plus indifférents et froids jusqu'après les secondes élections de mai 1936 où s’exprimèrent de franches hostilités sauf rares exceptions".
Ce fut le climat de repos et tranquillité dans lequel se trouva le P. Jean. De même, ne manquèrent pas les moments où il pouvait manifester son zèle et son courage pour les choses de Dieu, sans aucun problème en ces périodes de conflit, pour reprocher à un paysan ses blasphèmes, ouvrir une église les jours de fête, sonner à toute volée,.et célébrer 1'Eucharistie, parce que le curé était absent ou réfugié. Cela ressemblait très fort au psaume qui dit: "Le zèle de to Maison me dévore"...
Ce seront encore les circonstances qui obligent le P. Jean à
aller à Valence. Le 18 Juillet eut lieu 1'appel au soulèvement
national qui déchaîna la guerre civile et, avec elle, une
persécution religieuse qui alla jusqu'à l’extrême.
Vu la situation, le supérieur de Garaballa, prévenu par des amis, réunit ses religieux en leur disant de partir immédiatement dans les différentes directions pour protéger leur vie.
Au P. Jean échut la route de Valence. II laissa la soutane et s'habilla avec une grande veste usée. Pour cette raison, il sera connu de ses compagnons de prison par 1'appellation affectueuse de: "Père Veston".
Pourquoi Valence? Comme il n'était connu de personne ou pensant qu'il pouvait passer inaperçu, en prévision de la "chasse aux curés". Effectivement, la chasse était impitoyable et cruelle. En Espagne il y eut au mois d'août un total de 2077 tués, dont 10 évêques. Un des dirigeants de cette barbarie injustifiable, dont le but était d’en finir avec la vie des autres êtres humains, disait précisément à Valence:
"Dans les provinces de notre domaine, l'Eglise n'existe pas. L'Espagne a surpassé de beaucoup 1'oeuvre des Soviets, parce que 1'Eglise, en Espagne, aujourd'hui, est anéantie".
A Valence, de 1200 prêtres diocésains, 327 furent tués. Sans l’avoir prévu, le P. Jean s'était arrêté à 1'endroit le plus risqué. Voici ce que raconte un de ses compagnons:
"Je l’ai fréquenté en 1936 et je connaissais les sentiments du Serviteur de Dieu préparé à accepter ce que Dieu demandait pour le salut de la Patrie. Il avait une foi aveugle dans le triomphe de la cause de Dieu, même s'il fallait souffrir un grand châtiment pour les pêchés sociaux. Il communiquait son enthousiasme et sa foi á tous ceux qui s'approchaient pour les encourager devant les grands dangers qu'ils devaient endurer".
Il cherchait avec la collaboration du P. Lorenzo Cantó une famille qui habitait prés l’église des « Santos Juanes » où il pouvait se réfugier.
Cette église, située à la fois à la Lonja (excellent modèle de gothique civil ) et au marché central (oeuvre construite en fer, cristal et céramique des années 20) est un des monuments artistiques caractéristiques de la ville depuis le début de la reconquête. Ses murs et ses nefs contiennent des traces de fart des siècles passés. Sa décoration est du baroque, et ses fresques furent peintes par Palomino.
"Le Serviteur de Dieu se trouva obligé de passer devant elle alors qu'elle était en flammes et qu'au centre du bâtiment étaient amoncelés un tas d'objets sacrés. Comme plusieurs témoins le rappellent au cours du procès, le zèle du Serviteur de Dieu connu de tous, associé à son tempérament fort et impulsif, ne lui permettait pas de rester les bras croisés devant les offenses à Dieu et la profanation des églises".
Et on 1'entendit dire à haute voix que ce qui se passait était de trop.
Un avocat, compagnon de prison, le raconte de la manière suivante:
"Quand le Serviteur de Dieu fut mené en prison, c'étaient les derniers jours de Juillet 1936, ou le premier d’Août ; où il fut enfermé dans une cellule de la quatrième galerie, je m'en souviens bien.
Je le connus pour ce motif et on me dit que, il y a peu de temps, était entré en prison un prêtre, parce qu'il avait protesté publiquement contre 1'incendie de 1'église de St Jean.
Cela piqua ma curiosité et je voulus m'informer directement par moi-même, parce que c'était très difficile de croire que, quelqu'un eut tant de courage ou qu'il fut aussi naïf pour assumer autant de conséquences dramatiques.
Effectivement, je lui demandai, et lui-même me dit que, ayant vu l'incendie de 1'église des Saints Jean, il se parla à lui-même, mais à voix haute, avec ces mots ou d'autres:
"Quelle horreur! Quel crime! Quel sacrilège!"
Entendant ces mots, l’un des participants à l’incendie, dont il était content, lui dit :
"Tu es un curé ! "
Expression équivalent à : "Tu es un homme de droite ou un traditionaliste ". Ce à quoi le Serviteur de Dieu répondit :
"Je suis un prêtre".
Raison pour laquelle on procéda à son arrestation".
Depuis la prison, lui-même écrira pour la fête de st Laurent, au supérieur général SCJ, Père Laurent Philippe, pour le féliciter, le jour de sa fête, et lui communiquer sa détention.
"Ici, mon très Révérend Père, on me tient arrêté depuis presque déjà trois semaines, ayant eu l’occasion de dire quelques phrases de protestation pour l’horrible spectacle des églises brûlées et profanées. Béni soit Dieu! Qu'en tout soit faite sa sainte volonté! Je me réjouis de pouvoir souffrir un peu pour Lui, qui a tant souffert pour moi, pauvre pécheur".
Un jour avant, il écrivait au maire de Garaballa:
"Le jour même de mon arrivée à Valence, je suis arrêté dans la Prison Modèle de Valencia, avec beaucoup d'autres prêtres, religieux et laïcs. Mais, grâce à Dieu, je suis tranquille et résigné à ce que la divine Providence dispose pour moi. J'occupe la cellule 476, quatrième galerie.
Cellule 476, quatrième galerie... cela semble le titre d'un
film. Un film avec un peu de blanc et beaucoup de noir, projeté
á un rythme rapide dans le temps de l'été valencien,
dans 1'entassement des évènements et des personnes que la
haine d'une guerre et d'un abrutissement fratricide allaient remplir les
cellules, galeries et cours. Chaque soir, une annonce mensongère
de "Liberté!" allait laisser des places vides que tous savaient
pour 1'éternité.
Le P. Jean, ou le "Père Veston", ne pouvait passer inaperçu. Les témoignages directs nous donnent une idée bien précise de la fidélité du Serviteur de Dieu, pendant sa détention , à son sacerdoce et même aux pratiques de la vie religieuse qu'il voulut prolonger pendant les jours douloureux de sa prison.
Nous avons un témoignage silencieux mais d’une importance extraordinaire, un précieux héritage: le petit agenda qui se trouvait dans une poche du pantalon le jour de 1'exhumation de ses restes.
Cet agenda, qui était troué par les balles, était tâché du sang du P. Jean. Il conservait noté l’horaire qu'il avait écrit comme programme journalier de vie: "1'horaire qu'il suivait dans la prison et dans lequel apparaissaient tous les actes prescrits par notre Règle" (il commençait à cinq heures du matin et finissait à neuf heures du soir). A regarder cet horaire , on découvre et on souligne la fidélité du P. Jean. Il ne se laissait pas conditionner par 1'amère réalité de la prison et la tragique prévision d’une mort prochaine chaque fois plus proche parce que, le soir, comme un obscur rituel, un groupe de prisonnier est retiré des cellules pour n'y revenir jamais.
Sur le mur de la cellule était venue au P. Jean 1'idée de tracer un Chemin de la Croix. Ce fait nous dit, d’une part, sa fidélité aux petits détails et habitudes de sa Congrégation religieuse, et, d'autre part une méditation partagée avec la croix sur le dos, en oblation réparatrice au Père, dans les longues heures de solitude et 1'incertitude partagée avec le Christ crucifié pour donner vie et vaincre la mort.
Nous savons qu'il ne fit absolument rien pour cacher son identité de prêtre. II avait clairement conscience de n'être pas en prison pour ses idées politiques, mais parce qu'il était prêtre, et savait que, s'il allait être fusillé, c'était pour cette raison. Ainsi, dans le peu de temps de son emprisonnement, commençait à se manifester simplement, vaillamment, entre ses compagnons de prison, son être de religieux et de prêtre. Pour eux, il était en train de se préparer à la mort.
Et nous pouvons le voir aussi dans la cour de la prison, dirigeant à haute voix le chapelet
"...Et puisque nous sommes surveillés par les sentinelles avec leurs fusils qui nous insultent et nous menacent, la convenance s'impose de ne pas faire la prière pour éviter de les provoquer. Certain prêtre cependant, peut-être bien lui-même, disait que rien n’est meilleur que de mourir en priant, et ainsi, nous continuons notre prière...
Je me souviens 1'avoir vu tous les jours dans la cour de la prison prier avec son livre de prières, pendant une heure ou une heure et demie. On le voyait tellement prier que certain disait: "Dans quelques jours ils le tueront comme un petit oiseau".
On pouvait penser que tout cela était une espèce de défi, d'insolence, mais un autre compagnon, prisonnier lui aussi, dit:
"Je n'ai aucun souvenir qu'il eut essayé quelque pratique que ce soit pour récupérer sa liberté et je suis' convaincu que, en relation avec cette supposition, jamais il n'avait fait quelque chose d'incompatible avec son état de prêtre. Pendant son séjour en prison, il n'y eut rien d'insolent ou de provocant qui pût justifier sa mort."
Et un autre témoin de ces jours-là dira:
"Il exerçait son ministère avec ceux qui le sollicitaient, encourageait les gens. Mais il faisait cela, bien sûr, avec cette modération qui était le fruit de son caractère sacerdotal. Dans 1'absolu on peut dire qu'il n'eût jamais un geste d'insolence, plutôt tout le contraire."
Jusqu'au plombier de la prison qui était emprisonné! Ce fut lui qui évita au P. Jean d'aller dans la cellule de punition. Voici 1'image qu'il avait du Serviteur de Dieu:
"Il se conduisait toujours comme un prêtre digne. S'il était dans la cour et entendait sonner les heures, il priait avec quiconque, quelles que soient les prières. C'est quelque chose que je surprise beaucoup d'occasions. D'autres fois je le vis moi-même prier dans la cellule. Avec personne on ne le vit se comporter de manière discourtoise."
"J’eus la chance de le rencontrer et de parler avec lui un peu de temps, au moment d'entrer moi-même dans la prison, le 22 Juillet 1936. Tous, nous fumes édifiés depuis le premier jour par piété et sa dévotion. Nous prions ensemble le bréviaire le premier mois de prison, quand nous avions trois heures de récréation le matin et trois heures 1'après-midi, dans la cour, où nous étions les prisonniers de la quatrième galerie, lui, le R. P. Recaredo de los Rios (compagnon de la cérémonie de béatification) et un serviteur, le deuxième était salésien et martyr aussi. Déjà nous pouvons observer la grande ferveur religieuse avec laquelle il priait. Il lui arrivait fréquemment de se mettre à genoux au centre de la cour, malgré les remarques de quelqu'un qui, en raison des circonstances,1'engageait à éviter ces gestes extérieurs de dévotion, mais il répondait qu'il n'avait pas à tenir compte du respect humain, c'est alors qu'il se confessa au Christ, et que, imitant les martyrs des premiers siècles en prière et à genoux, il se prépara pour le martyre."
Vers onze heures du matin, un bon groupe de prisonniers, nous nous réunissons pour prier en commun les litanies des Saints, et les jours de fête, prier et dire en public la sainte Messe (alors que nous n'avons pas encore eu la chance de célébrer la messe dans la prison): le P. Juanito, comme nous 1'appelions, ne manquait jamais.
L’après-midi, chaque prêtre avait 1'habitude de se réunir avec le peloton des prisonniers pour prier le saint chapelet; le P. Juanito avait un groupe choisi, , et non seulement il priait avec eux le Rosaire, mais aussi d'autres prières et faisait avec les mêmes la lecture spirituelle. Il avait 1'habitude d'aller de groupe en groupe quand nous finissions les prières en commun et les exhortait tous à la vertu et 1'amour de Dieu. Il était vraiment zélé.
Un jour, en descendant dans la cour, il me disais qu'il avait eu une grande joie: ce jour-là, il avait reçu Jésus-Eucharistie. Un professeur du séminaire était venu à la prison un de ces jours et avait apporté le Très Saint Sacrement, mais le P. Juanito n'eut de cesse qu'il obtint la sainte Communion. Plus encore: il obtint que ledit professeur lui laissât un jour le très Saint Sacrement, et ce fut pour lui un jour céleste.
Après un mois de prison, on nous enferma dans les cellules, et nous sortions dans la cour seulement par sections dune heure le matin et une autre 1'après-midi. Comme j'habitais un étage distinct de lui, je ne pus pas 1'accompagner, mais il nous laissait à tous une impression profonde de grande sainteté et de vertu.
Après quelques jours, nous sûmes qu'il était sorti de la prison; nous ne savions pas qu'il était sorti pour le martyre. Il fut l’un des premiers de la prison de Valence qui donnèrent leur vie pour Dieu et pour 1'Espagne. Heureux celui qui a obtenu la palme du martyre! Heureuse sa Congrégation qui se trouve aujourd'hui glorifiée par un tel martyr!
Nous sommes, donc, dans la nuit du 23 août 1936. Le Père allait accepter I'oblation totale du P. Jean sur le champ de Silla. Une ferme, appelée El Sario. Lieu connu comme La Coma. Ce lieu ressemblait au jardin de Gethsémani, rempli d'oliviers, où Jésus fut arrêté. Témoins de ce qui allait se passer furent les étoiles dune nuit d'été, les autres neuf compagnons tués, les phares des camionnettes qui alimentaient le canal et le mur le long duquel selon un rituel répété plusieurs fois et classique déjà, les victimes furent placées en file. Ils furent maltraités et fusillés. Ainsi le dénonce le témoignage des médecins sur les dépouilles mortelles, reconnues, exhumées et déplacées à Puente la Reina en 1940, pour qu'il fût au milieu de ces séminaristes auxquels il avait donné une grande part de sa vie et de service apostolique
Laissons au P. Laurent Cantó son supérieur à Garaballa, aussi prisonnier à Valence ( déjà il avait souffert au Mexique la même situation pendant la persécution de Calles d'où il avait pu fuir pour retourner en Espagne), libéré peu après, qui nous raconte la rencontre avec les restes du P. Jean-Marie de la Croix:
"Je me présentai au juge municipal, demandant si le jour 23 août 1936, avaient été tués dix prisonniers à la commune de Silla. La réponse fut affirmative, le même juge ajoutant qu'il avait été requis pour être responsable des dix cadavres apparus sur la route de Madrid, mais à la même commune de Silla, et ils furent déplacés par les mêmes bourreaux jusqu'au cimetière municipal. Il ajouta encore qu'il avait 1'intention de faire des photographies des cadavres, mais qu'il s'était abstenu par crainte. Je voulus cependant être sûr et alors lui fis la description du P. Jean, et comment il était habillé. M. le juge me dit que, certainement, il avait été tué à la date citée. De nouveau il ajouta que lorsque 1'ensevelisseur enterra le cadavre du P. Jean, tous ses bourreaux étaient d'accord pour assurer que celui-là était le cadavre d’un prêtre, et de même ils pensaient que pour eux tous étaient des prêtres."
Et parmi les témoins, le P. Belda nous raconte :
"Je désire ajouter que je me suis trouvé parmi les nombreux témoins de 1'exhumation, et comme preuve et force de sa valeur, on peut dire de ce sujet que sur sa dépouille furent trouvés: la croix de la profession religieuse, le scapulaire de la Congrégation perforé par le tir. Et malgré aussi un agenda perforé par divers tirs, dans lequel était écrit l’horaire qu'il suivait dans la prison, et sur le quel apparaissaient tous les actes prescrits par notre Règle."
Tous les temps et lieux ont leurs saints. Toujours il y a des exemples
de vie et de sainteté particulièrement éloquents quand
on veut entendre la légère brise qui s'agite à nos
c6tés.
A 1'occasion, ce sont des voix qui crient dans le désert sur lesquelles habite la foi avec audace entre les conflits de ce temps; et ils arrivent à être téméraires, payant avec leur propre vie le témoignage d'une vérité qui ne laisse pas en paix, autant les croyants d'hier que ceux d'aujourd'hui.
Il y a un texte de Elie Wiesel, victime des camps de concentration nazis par le seul fait d'être de race juive, qui parle du prophète. Dans notre cas, nous pouvons 1'appliquer parfaitement á tant de mille et mille témoins, dans toutes les latitudes et de toutes les confessions chrétiennes, a propos desquels Jean Paul II, instamment, a demandé que leur mémoire ne se perde pas:
"Le témoin est le miroir de son temps, et certainement vit en dehors du temps; toujours réveillé, toujours vigilant, jamais
indifférent, et moins que jamais devant 1'injustice, divine ou humaine, à n'importe quel moment et en n'importe quel lieu qu'elle puisse se nicher. Messager de Dieu, qui rejoint l’homme, quelque fois messager de l’homme devant Dieu. Homme inquiet et inquiétant, espérant toujours un signe, un appel. Fréquemment poursuivi, il se retrouve seul , aussi bien quand il se dirige seul vers les masses, que quand il parle avec Dieu ou avec lui-même, quand il décrit 1'avenir ou évoque le passé. Nous pensons aux divers martyrs du nazisme et du fascisme, des régimes dictatoriaux de l’Amérique latine ou des pays sujets au communisme et stalinisme. Ils sont ceux qui ont l’audace des chemins non fréquentés, qui marchent sans aucun orgueil, conscients de leur fragilité et des risques qu'ils courent, forts de leur foi en la vérité qui rend libres".
Le Père Jean alla, marchant par les sentiers de son existence spirituelle, religieuse et sacerdotale, apparemment sereine jusqu'au moment de son martyre, comme beaucoup d'autres religieux et prêtres de son époque. Mais aussi, ils étaient conscients de ce qui se préparait pour eux et pour l’Eglise en Espagne.
Tout au long de ces lignes nous avons remarqué son style et sa manière de vivre par lesquels autour de son humble personne bien reconnue, se dessinaient 1'auréole et la renommée de "saint".
Son objet était de servir Dieu, selon le dessein qui, au long de se vie, allait vers la joie définitive du service dans la vie religieuse, dans une Congrégation qui, par son projet et son charisme, correspondait à son ardent et vivant désir "d'amour, d'immolation et de réparation"
Le P. Zicke décrit très bien son comportement dans la vie spirituelle:
"Par ma connaissance personnelle, je peux dire que sa piété brillait par son amour extraordinaire pour le Très Saint Sacrement et pour la Ste Vierge. Le thème favori de ses prédications et instructions était 1'amour miséricordieux du Sacré-Coeur. Malgré des grands sacrifices, il visitait les sanctuaires de la Vierge. Puis il priait le bréviaire avec une extrême minutie. A la célébration de la messe, il employait plus de temps que d'ordinaire, particulièrement au moment de la consécration. En beaucoup d'occasions, il manifesta son zèle pour la gloire de Dieu".
"si on célébrait quelque cérémonie religieuse et qu'il n'y avait pas de prédicateur, spécialement pour les fêtes de is très sainte Vierge, à la demande de la communauté (dans laquelle il avait l'habitude de loger), il se proposait lui-même. Et il arrivait que, même sans préparation aucune, il remuait les auditeurs à la grande admiration de tous. Quelquefois, si on notait sa facilité de parole en chaire, il avait l'habitude de répondre que, quand on aime la Vierge Marie, une grande préparation n’est pas nécessaire. A Rome on se souvient toujours de lui pour son amour envers la Très Sainte Vierge Marie, sans connaître 1'italien, il parfait et prêchait sur Elle".
Un Père du Très Saint Sacrement, qui le connaissait quand, pendant ses voyages, il logeait dans sa communauté, après avoir rappelé tant et tant d'exemples édifiants, dit:
"maintenant, après avoir eu connaissance de son martyre, je me souviens que le P. Jean était un prêtre de qui, selon la phrase connue de st Paul, on pouvait dire - que ce n'était pas lui, mais que c'était le Christ qui vivait en lui".
Un souvenir qui est une photographie. D'autres témoignages de la derrière heure nous sort offerts par son supérieur et compagnon du séminaire de Garaballa, de ce mois de juillet de 36, sur la sérénité de ces solitudes malgré les nuages qui menaçaient:
"1'enthousiasme, avec lequel il parfait du martyre était admirable, prévoyant clairement combien il s'approchait, nous encourageant tous de telle manière que, depuis lors, on ne parlait pas d’autre chose que du martyre ".
C'était le Christ qui vivait en lui, qui le préparait pour donner le témoignage de la vérité et sortir avec la croix .sur les épaules, chemin vers un mur aux alentours de Silla, pour être crucifié comme le Maître, en dehors de la cité. Non pas à la lumière du jour, mais à la lumière du phare qui, entre les oliviers, projetait son ombre amplifiée sur le mur.
Faire mémoire de ces témoins de la. foi c'est montrer, au milieu de notre société soumise à un matérialisme désenchanteur et à un égoïsme croissant, des pistes sur les chemins qui nous disent qu'il est possible de vivre les valeurs de 1’Evangile et de construire le règne de Dieu "le Règne du Coeur de Jésus dans les âmes et les sociétés" comme disait le P. Dehon, fondateur des PP. Réparateurs (Prêtres du Sacré-Coeur de Jésus).
Les grandes et inhumaines persécutions religieuses et politiques
du 20ème siècle, (appelons les choses par leur nom et sans
honte) ont laissé leur triste souvenir par toute la terre avec tant
de frères, chrétiens ou non, humiliés, écrasés,
assassinés. A nous, il revient de crier: "Plus jamais", et les rendre
présents, imiter leur foi, partager leur force dame, vivre leur
amour, croire et espérer parce que le Seigneur sera avec nous jusqu'à
la fin des temps. "Tu ravives toujours les forces de ton Evangile par la foi dont témoignent
les saints, et tu nous montres ainsi ton amour; nous to rendons grâce
car leur exemple nous stimule et leurs prières fraternelles nous
aident à travailler pour que ton règne arrive".
Seuls le Seigneur et les intéressés connaissent les fruits
de 1'intercession du P. Jean-Marie de la Croix. La feuille "Coeur ardent",
il y a déjà beaucoup d'années, continue à publier
avec fidélité les grâces reçues, mais nous ne
connaissons plus que par ouï-dire d'autres grâces que pendant
sa vie, de manière particulière, quand il parcourait inlassablement
maisons, villages, étages au Pays Basque ou en Navarre, a laissé
comme un souvenir reconnaissant à ses bienfaiteurs.
En conclusion de ces lignes, un des témoins du procès,
probablement le seul toujours vivant, et avec une mémoire heureuse,
le P. Ignace Belda, me racontait que, à Pamplune, dans une famille
très connue de lui, les Ferrer, ayant eu en certaine circonstance
le P. Jean venant solliciter son aide, comme il le faisait habituellement
à une certaine époque, 1'épouse le reçut à
la porte, nerveuse, en disant que, à ce moment-là elle ne
pouvait le recevoir:
"Excusez-moi. Mon mari se prépare pour aller à la clinique
St. Michel, où nous avons notre fille dans un état
très grave, car dans quelques heures elle va subir une trachéotomie."
Le P. Jean se mit en route à toute vitesse vers la clinique qui
se trouvait en dehors de la ville, répétant intérieurement:
"Seigneur, celle que tu aimes est malade!"
Et devant 1'étonnement des médecins et infirmières,
sans faire aucun cas de la situation d'isolation et d'observation dans
laquelle se trouvait la malade, il la remue nerveusement et lui dit:
" Parle ! "
Et à ce moment même, à 1'émerveillemerit
des médecins et la joie des parents, la jeune fille recommença
à parler.
Présence de vie du Christ dans son Eglise, exemple et témoignage
d’une foi vivante et engagée, souvenons-nous que les amis du Seigneur,
comme ils sont, unis à Lui continuent à intercéder
pour nous
Marchant ensemble
La liturgie romaine, toujours précise et exacte, dans la préface
de 1'Eucharistie, se souvenant des saints proclame:
Rome, Anno Domini 2000